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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 038 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 15 mai 2012

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

    Je demanderais aux membres de bien vouloir regagner leur siège. Il faut toujours avoir le quorum avant d'entamer la séance. C'est chose faite, et je voudrais que nous commencions le plus tôt possible, pour que nous puissions utiliser tout le temps mis à notre disposition.
    Mettons-nous donc à la tâche.

[Français]

    Bienvenue à la 38e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce mardi 15 mai 2012.

[Traduction]

    La séance d'aujourd'hui est télévisée, à moins que le comité n'en décide autrement. Je compte faire en sorte que nos séances soient télévisées étant donné que nous nous réunissons dans une salle le permettant lorsque nous entendons des témoignages. Cependant, le comité pourrait en décider autrement.
    Vers la fin de la séance, nous examinerons la motion de M. Cotler, qui avait présenté un avis de motion pertinent. J'espère que vous avez tous la motion en main. Sinon, la greffière vous en remettra une copie. La motion porte sur l'Iran. Nous l'examinerons vers la fin de la séance d'aujourd'hui.
    Nous accueillons le colonel Wesley Martin, qui comparaît pour la deuxième fois devant notre comité. L'an dernier, nous l'avions invité étant donné que la situation au camp d'Ashraf semblait tout à fait chaotique. Nous avons sollicité de nouveau sa présence pour qu'il fasse le point sur la situation.
    Colonel Martin, nous sommes heureux de vous accueillir de nouveau. Je vous invite à lire votre déclaration, puis nous vous poserons des questions. Merci.
    Monsieur le président, messieurs les députés, je suis très honoré de prendre de nouveau la parole devant vous pour vous renseigner sur la situation au camp Ashraf, sur l'ancienne Armée de libération nationale du MEK et sur les nombreux événements survenus depuis notre dernière rencontre, le 8 décembre dernier.
    Comme vous le savez, le premier ministre Nouri al-Maliki a repoussé la date butoir arbitraire du 31 décembre — une échéance qu'il avait lui-même fixée — pour l'évacuation de l'Irak de tous les anciens membres de l'ALN. Il ne s'agit pas d'une décision qu'il a prise de son propre gré, mais plutôt d'une réponse aux pressions exercées par les gouvernements de l'Amérique du Nord et de l'Europe occidentale. M. al-Maliki avait déplacé ses troupes et se préparait à envahir le camp. Chacun des membres du MEK est reconnaissant des efforts du gouvernement canadien en vue de prévenir le désastre qui serait sans doute survenu au camp d'Ashraf si M. al-Maliki avait échappé à la vigilance de la communauté internationale.
    Déterminé à consolider sa mainmise croissante sur le pouvoir en Irak, M. al-Maliki a ciblé deux parlementaires de confession sunnite les plus hauts placés, soit le vice-premier ministre Mutlag et le vice-président Hashimi. Immédiatement après le retrait des troupes américaines et la visite de M. al-Maliki à la Maison-Blanche, des mandats d'arrestation ont été lancés contre M. Mutlag et M. Hashimi. Tariq Hashimi, qui demande depuis longtemps un traitement équitable des membres du MEK, est accusé par M. Maliki de diriger des escadrons de la mort. J'ai travaillé avec le vice-président Hashimi et j'ai été témoin de son engagement à protéger tant les chiites que les sunnites contre les escadrons de la mort. Les accusations portées contre le vice-président Hashimi ne sont rien d'autre que des instruments utilisés par M. Maliki pour éliminer des rivaux politiques.
    L'invasion de l'Iraq n'a eu pour effet que de remplacer un dictateur brutal par un autre. Comme Saddam Hussein a ses débuts au pouvoir, M. Maliki a l'appui du gouvernement américain. Contrairement à Saddam Hussein, tous les jours, M. Maliki se lie davantage avec Téhéran pendant que l'administration américaine fait peu de cas de ce rapprochement. Prétendre que l'influence iranienne n'est pas importante est une injure à toutes les forces de la coalition, à tous les citoyens iraquiens et à tous les résidants d'Ashraf qui ont payé le prix de cette influence avec leur sang et leur vie.
    Pour fournir un apport positif et manifester sa bonne foi dans le processus de reconnaissance du statut de réfugié de l'ONU, la direction du MEK a accepté le transfert du camp d'Ashraf au camp Hurriya, dont l'ancien nom était camp Liberty. Lors des quatre derniers mois, près de 2 000 anciens membres de l'ALN ont effectué le transfert et environ 1 200 autres s'y préparent. Le camp Hurriya est situé à l'est de l'Aéroport international de Bagdad. Selon le gouvernement iraquien, le transfert visait à faciliter le processus de vérification de l'ONU.
    Cette réinstallation a engendré de nombreux problèmes. L'ONU et le département d'État américain n'ont pas cessé de signaler qu'une telle réinstallation exige la coopération de toutes les parties concernées. Malheureusement, la partie qui fait toutes les concessions, c'est le MEK. Le gouvernement iraquien crée sans cesse des difficultés. Il ne faut pas oublier que c'est lui qui a empêché l'ONU de se rendre au camp d'Ashraf pour y mener le processus de reconnaissance des réfugiés. De plus, l'officier responsable du transfert, le général Qassim, est le même qui avait dirigé les attaques militaires iraquiennes de 2009 et de 2011 contre le camp d'Ashraf.
    Le camp Hurriya a une superficie de moins d'un demi-mille carré. Rudy Giuliani le qualifie, avec raison, de camp de concentration. Avant l'arrivée du premier autobus en provenance d'Ashraf, le camp Hurriya avait déjà été pillé par les forces militaires iraquiennes. Les armoires qui auraient pu servir au stockage avaient été endommagées. Le réservoir de stockage des eaux usées sanitaires a cessé de fonctionner dès le premier jour à cause d'un manque d'entretien. L'usine de traitement de l'eau, construite en 2006 par les forces américaines, avait été enlevée par les Iraquiens. Maintenant, le MEK doit payer pour que de l'eau soit acheminée au camp. La quantité d'eau n'a jamais répondu aux besoins de la population croissante.
    Souvent, l'ambassadeur de l'ONU, M. Kobler, fait partie du problème. Il croit M. Maliki sur parole sur presque tous les sujets, allant même jusqu'à assurer toutes les personnes concernées que le camp Hurriya était en bon état. Les installations en bon état dans les photos qu'il a fournies pour appuyer son affirmation n'étaient pas les mêmes que les résidants d'Ashraf ont trouvées à leur arrivée. Il a critiqué les résidants pour la défaillance du réservoir de stockage des eaux usées sanitaires et leur a reproché d'avoir apporté des ordures au camp Hurriya en vue de créer de toutes pièces une séance de photos de conditions non hygiéniques. Ce faisant, il n'a pas signalé qu'il s'agissait des ordures du personnel américain. Pour que sa théorie tienne, il fallait également supposer que ces ordures avaient échappé à l'attention des autorités iraquiennes durant les multiples fouilles des convois à destination du camp Hurriya.
(1310)
    Même le déplacement d'Ashraf à Hurriya était jonché d'obstacles. Le gouvernement irakien n'a pas respecté les ententes officielles sur les articles que les résidants étaient autorisés à apporter, notamment des génératrices, des véhicules pour le transport des personnes handicapées, des fournitures et du matériel médicaux ainsi que des articles personnels.
    Ayant travaillé le gouvernement irakien et avec l'ancienne ALN, je suis en mesure de comprendre ce qui se trame. Priver les résidants de fournitures et de matériel aura pour effet de leur rendre la vie d'autant plus difficile. En outre, plus il y a d'articles qui restent au camp d'Ashraf, plus les officiers irakiens pourront s'accaparer de biens une fois que le MEK aura quitté les lieux.
    Dans le dernier convoi, deux camions de vêtements personnels ont disparu. Lorsque les dirigeants du MEK lui ont posé des questions à ce sujet, le général Qassim a répondu que les vêtements appartenaient au bureau du premier ministre.
    Les fouilles des convois et des gens avant le départ se sont avérés des prétextes pour s'adonner au harcèlement et à la brutalité. Ce qui a été fouillé l'a été à maintes reprises. Le processus dure une journée et demie, sans répit. C'est à cause de ce processus qu'un ingénieur de 48 ans, Baardia Amir Mostofian, est mort d'un ACV. Dans un autre incident, les militaires irakiens se sont mis à frapper des résidants d'Ashraf, notamment avec des matraques, et ont blessé 29 membres du MEK.
    Il y a eu des rencontres entre les militaires irakiens et le MEK pour aborder tous les problèmes que je viens de signaler et d'autres encore. Dans chaque cas, les militaires irakiens se sont engagés à se pencher sur la question ou ont carrément refusé de prendre des mesures correctives. La personne envoyée à ces rencontres par les militaires irakiens n'est pas autorisée à promettre ou à modifier quoi que ce soit. Elle a le grade de lieutenant. Dans le protocole du Moyen-Orient, envoyer l'officier du grade le moins élevé possible à une rencontre est une rebuffade délibérée. Même avant que la rencontre ne commence, le fait que les forces irakiennes soient représentées par un lieutenant est un message, à savoir que vous n'êtes pas dignes de l'attention d'un officier supérieur.
    La secrétaire d'État Clinton et son personnel ont fait fi d'une façon flagrante des trois critères établis par le Congrès américain en 2004 pour déterminer ce qui constitue une organisation terroriste étrangère. Premièrement, il doit s'agir d'une organisation qui n'est pas américaine. Le MEK répond à ce critère. Deuxièmement, il faut que l'organisation constitue une menace pour les États-Unis ou ses citoyens. Troisièmement, il faut qu'elle ait les moyens de mener à bien cette menace. Le MEK est loin de satisfaire à ces deux derniers critères.
    Pendant ce temps, l'Armée du Mahdi, dirigée par Moqtada Sadr, est directement responsable de la mort des centaines de soldats américains et n'a jamais été désignée par le département d'État comme une organisation terroriste étrangère. Il y a une profonde hypocrisie au département d'État, qui refuse délibérément de tenir compte des causes véritables de nombreuses morts américaines.
    Le fait que le secrétaire d'État Clinton présente le transfert du camp d'Ashraf au camp Hurriya comme un critère pour le retrait de la liste des organisations terroristes est une violation du mandat du Congrès. Une telle affirmation présume que l'ALN serait en mesure de percer le périmètre militaire irakien entourant le camp d'Ashraf pour ensuite lancer une attaque, avec des ressources qu'elle ne possède pas, contre les États-Unis ou ses citoyens. Un des éléments les plus paradoxaux de la position de la secrétaire d'État Clinton, c'est que le MEK a combattu aux côtés des forces américaines en Irak.
    Pour ne pas être en reste, l'ambassadeur Benjamin du département d'État a affirmé devant le Congrès en avril que la désignation comme organisation terroriste étrangère était liée à la présence d'armes appartenant au MEK au camp d'Ashraf. Il a affirmé au membre du Congrès Poe que les États-Unis n'avaient pas encore eu l'occasion de vérifier ce qui se trouvait au camp d'Ashraf.
    En réponse, le général Phillips, le lieutenant-colonel McCloskey et moi avons écrit un éditorial signalant que chacun d'entre nous avait effectué de multiples inspections. Je vous signale que j'ai toutes les photos des installations auxquelles nous n'aurions pas eu accès selon l'ambassadeur Benjamin. C'est moi qui les ai prises. Bien que la réponse de l'ambassadeur ait pu lui sembler opportune pour éviter que le membre du Congrès Poe lui pose de nouvelles questions, il s'agissait à tout le moins d'une information erronée.
    Le 8 mai, en présentant sa plaidoirie à la Cour d'appel américaine, le conseiller du département d'État, Robert Loeb, a répété à maintes reprises que le camp d'Ashraf n'avait jamais été fouillé. Il a même validé cette information en avançant que le témoignage de l'ambassadeur Benjamin devant le Congrès était la source de cette information véridique. Si l'on se fie à cette logique, il ne fait aucun doute que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive parce que le secrétaire d'État Colin Powell l'avait affirmé devant les Nations Unies.
    Le camp d'Ashraf a subi de multiples fouilles non seulement par les Forces américaines, mais aussi par les forces irakiennes avec l'aide de chiens en 2009. Toutes ces fouilles ont mené au même constat: il n'y a pas d'armes au camp d'Ashraf.
    Dans sa présentation à la Cour d'appel, Robert Loeb a affirmé que la secrétaire d'État attendait les résultats de la fouille effectuée une fois que tous les résidants d'Ashraf seront partis. Que se passera-t-il alors? On montrera un tas d'armes désuètes et on prétendra qu'elles proviennent d'Ashraf.
(1315)
    Pendant ce temps, le département d'État continue d'ignorer les critères fixés par le Congrès pour la désignation des organisations des organisations terroristes étrangères. Le pouvoir législatif n'est pas le seul qui se fasse ignorer. En juillet 2010, le pouvoir judiciaire a tranché contre le département d'État, ordonnant à ce dernier de mettre en oeuvre dans les six mois le processus établi pour la désignation d'organisation terroriste étrangère. Cela fait maintenant 22 mois. Il a fallu moins de temps aux États-Unis pour achever la Première Guerre mondiale qu'au département d'État de prendre cette seule décision. Cependant, notre département d'État continue sa démarche chancelante, offrant des concessions en échange d'un dialogue qui ne porte jamais fruit. En fin de compte, les victimes de cette politique d'apaisement sont les citoyens iraniens eux-mêmes et, en ce moment, les 3 200 anciens membres de l'ALN pris à l'intérieur de l'Irak au moment de l'invasion des forces de coalition menées par les États-Unis.
    Pour une raison ou pour une autre, les bureaucrates du département d'État pensent que la démonisation du MEK, en le qualifiant d'organisation terroriste, aura un effet de dissuasion sur le gouvernement iranien. Je ne comprends pas leur logique. L'Iran tente de se doter de l'arme nucléaire, a planifié l'assassinat de l'ambassadeur de l'Arabie saoudite en sol américain, est le principal appui du brutal régime syrien, est déterminé à détruire Israël, a kidnappé des randonneurs américains et a exigé une rançon d'un demi-million de dollars par prisonnier, a accusé un citoyen canadien d'espionnage et l'a condamné à mort, a condamné à mort 12 chrétiens iraniens le dimanche de Pâques, etc. Le moment est venu de mettre fin à la politique d'apaisement envers le régime fondamentaliste de l'Iran et de soutenir une démarche humanitaire.
    En ce qui a trait à Ashraf, pour atteindre cet objectif, il faudrait que le Canada et les États-Unis retirent le MEK des listes d'organisations terroristes, qu'ils tiennent le régime Maliki responsable de sa conduite répréhensible et qu'ils veillent à ce que les anciens membres de l'ALN soient évacués de l'Irak vers des lieux sûrs.
    Je vous remercie de m'avoir écouté et je répondrai avec plaisir à vos questions.
    [Applaudissements]
    Merci, colonel Martin.
    Avant que nous passions aux questions, souhaitez-vous nous laisser les photographies que vous avez ou nous les faire parvenir ultérieurement?
    Je prendrai les dispositions nécessaires avec la greffière ou un autre membre de votre personnel. Ayant des copies électroniques de ces photos, je pourrai facilement les mettre sur disque et vous les faire parvenir ultérieurement.
    Très bien. Nous vous en serions très reconnaissants.
    Passons maintenant aux questions. Il nous reste assez de temps pour des séries de questions de six minutes. Je pense que nous allons commencer par M. Sweet.
    Merci infiniment, monsieur le président. Colonel Martin, je vous remercie d'être ici pour faire le point sur la situation et d'avoir déjà comparu auparavant.
    Ma première question porte sur votre déclaration. Vous avez fait allusion aux propos de l'ambassadeur Benjamin devant une assemblée semblable à notre comité, je crois. L'ambassadeur essayait de justifier la décision du gouvernement américain en faisant valoir qu'on n'avait pas été en mesure d'inspecter le camp d'Ashraf. J'en suis bouche bée. Comment est-ce possible que des parlementaires acceptent une telle réponse, sachant que le camp d'Ashraf était accessible non seulement aux troupes américaines mais également aux troupes irakiennes?
(1320)
    Le congressman Poe a été très gentil pour l'ambassadeur. Non seulement il est un grand parlementaire, mais il a aussi été juge. Il n'a pas interrompu l'ambassadeur pendant son témoignage, mais je ne crois pas qu'il a prêté foi à ses propos. Une séance se tiendra demain à Washington. Les congressmen Poe, Rohrabacher et Filner y assisteront. Dès la fin de la présente réunion, je me rendrai à Washington pour les rencontrer avant le début de leur séance, pour bien m'assurer que l'ambassadeur Fried ne reprendra pas les mêmes arguments.
    J'ai été surpris que le congressman Poe ne remette pas en doute les propos de l'ambassadeur qui, malheureusement a pu s'en tirer à bon compte en raison de notre absence. Lorsque la Cour d'appel a été saisie de l'affaire, le général Phillips et moi étions assis l'un à côté de l'autre. Nous ne pouvions croire ce que nous entendions. L'avocat a fait valoir à la Cour d'appel que le camp n'avait jamais été fouillé.
    Je le répète, pendant les six ans au cours desquels les Américains ont été responsables du camp, le général Phillips en a fait fouiller chaque mètre carré et chaque bâtiment. Le lieutenant-colonel Leo McCloskey et moi avons procédé à des fouilles semblables. Le camp a sans cesse été passé au peigne fin. Malheureusement, nous constatons que le département d'État étire la vérité comme s'il s'agissait d'une bande élastique. Il la maquille, la défigure et la travestit de sorte qu'elle ne reflète jamais la réalité.
    Colonel Martin, je souhaiterais vous poser une question sur les communications avec les responsables du UNHCR sur place et sur le reportage audio de la BBC sur le MEK à Ashraf. Le colonel Steven Hambrick était sur place en 2004. Il était là avant vous, je crois. L'opinion qu'il avait sur le MEK et sur la situation à Ashraf est diamétralement opposée à la vôtre. Pouvez-vous me dire pourquoi?
    Mais au préalable, avez-vous entendu le reportage audio de la BBC?
    Je ne l'ai pas entendu, mais il y en a un autre qui a été diffusé il y a environ deux mois. Le général Phillips, le colonel McCloskey, le colonel Norman et moi avons été informés préalablement de la diffusion. Nous avons écrit à la BBC pour lui signaler qu'elle brossait un tableau erroné de la situation.
    À Ashraf, j'ai entendu de nombreuses rumeurs qui émanaient entre autres du Département d'État et selon lesquelles ces gens avaient tué des Américains et étaient des crapules. Malheureusement, on ne vérifie pas, la plupart du temps, le bien-fondé de ces rumeurs ni leur provenance. Par exemple, on faisait courir le bruit que ces gens avaient tué les officiers américains Hawkins, Turner et Shaffer. Après avoir vérifié auprès de sources n'appartenant pas au MEK, j'ai découvert que ce n'était pas le cas, que c'était un groupe dissident, les Moudjahidines marxistes, qui avait fait le coup.
    J'invite la personne qui a lancé cette rumeur à m'affronter dans un débat télévisé. Nous pourrions ainsi comparer mon expérience et les recherches exhaustives que j'ai effectuées sur le MEK à ses connaissances et à son expérience du dossier. Je vous garantis que vous constateriez que son opinion est biaisée et repose sur des choix personnels et la frustration.
    À quelle distance le camp Hurriya se trouve-t-il du camp d'Ashraf? Je pense que le camp d'Ashraf est assez près de la frontière entre l'Iran et l'Irak. Quelle est la distance entre cette frontière et le camp Hurriya?
    La distance entre le camp Ashraf et la frontière est d'environ 50 à 80 miles. Le camp Hurriya est beaucoup plus éloigné de la frontière en raison du tracé de celle-ci. C'est au nord-est. C'est donc environ à 120 miles. En outre, étant donné l'emplacement de chaque camp, il serait matériellement impossible que le MEK puisse lancer une attaque contre l'Iran, en raison du périmètre de sécurité érigé par les Irakiens. C'est pourquoi c'est tout à fait ridicule de la part d'Hillary Clinton de déclarer qu'il faut transférer ces gens avant de retirer le MEK de la liste des organisations terroristes.
    Combien de résidants du camp ont été transférés jusqu'à présent? Avez-vous parlé à des représentants du UNHCR qui supervisent le transfert? Je suppose qu'on vérifie chaque résidant pour établir le nombre qu'il est possible de transférer, n'est-ce pas?
    Tout à fait. En date du 11 mai, tout près de 2 000 résidants avaient été transférés au camp Liberty. De ce nombre, 739 avaient reçu une carte de l'ONU; 323 avaient été interviewés, dont 53 femmes et 270 hommes; aucun n'avait encore reçu le statut de réfugié.
    Vous avez parlé d'hommes et de femmes, mais combien y a-t-il d'enfants?
(1325)
    Si je me souviens bien, on appelle enfants des personnes qui sont tout près de 20 ans ou qui sont au début de la vingtaine. Je n'ai pas les chiffres précis.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Marston.
    Colonel, c'est un plaisir de vous revoir.
    Lors de votre dernière comparution, vous aviez été fort persuasif, et depuis lors, nous avons entendu d'autres témoins sur cette question. Je vais vous poser des questions très difficiles auxquelles il faut, je pense, trouver des réponses.
    Le 13 décembre, un fonctionnaire des Affaires étrangères nous a signalé que le MEK avait mené plusieurs attaques terroristes, notamment des assassinats, des prises d'otages, des assauts lancés contre des édifices gouvernementaux dans des villes surpeuplées et prenant entre deux feux des civils innocents.
    Aujourd'hui, vous nous avez fait valoir — et je sais que vous êtes animé d'une profonde conviction — que les membres du MEK au camp d'Ashraf étaient des personnes innocentes qui ont été la cible constante du gouvernement iranien et de sa police secrète pour des raisons fort évidentes.
    Depuis notre dernière rencontre, des reportages — dont vous êtes au courant, je présume — font état d'attaques meurtrières menées par des membres du MEK contre des scientifiques nucléaires iraniens. Les auteurs conduisaient des motos et transportaient des bombes magnétiques. On évoque aussi l'assassinat de cinq scientifiques nucléaires iraniens depuis 2007 et la destruction éventuelle d'une installation de recherche et de développement sur les missiles.
    Enfin, la formation de ces individus aurait été assurée par les polices secrètes d'Israël et des États-Unis — ce qui émane de temps à autre de certains milieux — qui auraient coordonné, armé et financé ces groupes. Ces reportages offrent un point de vue différent sur la situation et posent des questions auxquelles il faut répondre. Quelle est votre opinion à cet égard?
    Très bien. Examinons les choses une par une. À l'époque de la révolution en Iran, les communistes, les Moudjahidines-e-Khalq et les partisans du grand ayatollah Khomeini s'opposaient au shah. Les États-Unis essayaient surtout de faire fi du fait que, en 1953, la CIA avait soutenu le renversement très violent du dirigeant de l'époque pour le remplacer par une brute, le shah. La guerre faisait donc rage dans le pays, et des groupes dissidents se sont créés par la suite.
    Je sais qui a été accusé de l'assassinat des trois officiers américains et des trois employés de Rockwell. Lorsque la police du shah a arrêté les auteurs, ceux-ci ont indiqué qu'ils appartenaient au mouvement marxiste OMPI. Il y a eu des combats entre les forces gouvernementales et, même après l'arrivée au pouvoir de Khomeini, au sein du MEK. C'est au cours de ces combats qu'Ashraf, la première femme de M. Rajavi a été tuée.
    Puis-je vous interrompre brièvement?
    Certainement.
    Lors des témoignages, nous avons cependant appris que des événements plus récents se sont produits. C'est pourquoi je veux donc vous donner la possibilité...
    Je vous en remercie. Je suis au courant de ce témoignage et je le remets en question, parce que, dès que Saddam Hussein leur a donné asile en 1986 et les a accueillis comme une force militaire — et c'est pourquoi je parle de l'Armée de libération nationale du mouvement Moudjahidine-e-Khalq —, ils se sont opposés militairement, et je le dis en toute honnêteté, comme l'Armée continentale l'a faite pendant la Révolution américaine. Ils étaient en guerre.
    Récemment, on les a accusés d'avoir mené des attaques en Iran. Je sais qu'Israël a fait l'objet d'accusations semblables. La propagande du gouvernement iranien est très puissante, peut-être pas aussi puissante que celle d'Adolf Hitler et de Goebbels. Et lorsque le complot contre l'ambassadeur de l'Arabie saoudite a été découvert, le gouvernement iranien a cherché à en accuser les Moudjahidines du peuple, et le gouvernement américain s'est fait entendre cette fois-ci pour réfuter l'accusation et blâmer plutôt le gouvernement iranien. Une campagne de désinformation massive fait rage actuellement. On met chaque événement malheureux qui se produit en Iran sur le dos d'Israël ou du MEK.
(1330)
    Ou des bahá'ís...
    Oui.
    Ils ont longtemps été les boucs émissaires dans ce pays. Cependant, j'ai pensé qu'il était important de vous donner des précisions parce que la presse en a parlé récemment.
    Accepter une telle désinformation, c'est donner raison à ceux dont l'objectif est d'empêcher que le MEK soit retiré de la liste des organisations terroristes.
    Je vous remercie de votre question et je vous signale qu'il y a une autre raison. J'ai constaté que le rapport publié par les États-Unis se fonde sur les communiqués de presse. Vous êtes des parlementaires, et à ce titre, vous n'avez pas toujours bonne presse. Vous auriez l'impression d'être les personnes les plus odieuses au monde si quelqu'un regroupait en un seul document tous les articles négatifs sur vous.
    Il serait difficile de se faire réélire. Cependant, je voulais faire valoir qu'il est facile de lancer des accusations. C'est ce que je veux faire ressortir, ce sont les faits. Lorsqu'il y a désinformation, il faut dire la vérité.
    Vous avez tout à fait raison, et je vous remercie sincèrement de l'avoir souligné.
    J'ai compris.
    Nous entendrons maintenant M. Hiebert.
    Merci. C'est agréable de vous revoir, colonel Martin.
    Nous avons bien aimé votre témoignage la dernière fois que vous avez comparu. Nous sommes ravis que vous soyez de retour pour faire le point sur la situation.
    Lors de votre dernière comparution, vous aviez fait une prédiction. Vous aviez dit que le gouvernement irakien prendra des mesures immédiatement après avoir rencontré le président. Votre prédiction s'est-elle...
    Oui.
    ... réalisée, en ce sens que le gouvernement irakien a fait accroire qu'une entente était intervenue pour justifier la violence? Ce n'est pas ce qui s'est passé. Fait assez surprenant, on a prolongé le délai dans une certaine mesure. On l'a cependant rendu rétroactif. Au lieu de leur accorder un délai de six mois, à partir de telle date, on a devancé celle-ci d'un mois.
    Apparemment, un autre délai a été fixé, soit la fin du présent mois, si j'ai bien compris. Que se passera-t-il selon vous, étant donné l'imminence de ce délai et le fait que 1 000 ou 1 200 personnes n'ont pas encore été transférées et que l'UNHCR n'a pas encore réussi à faire sortir ces réfugiés du pays? Que se passera-t-il à court terme?
    Premièrement, le délai a été modifié en raison de la pression internationale. Maliki ne voulait pas en démordre, mais les gouvernements de l'Amérique du Nord et de l'Europe de l'Ouest ont réagi si énergiquement qu'il a reculé.
    Il y a cependant un problème. Les États-Unis estimaient qu'ils devaient se rendre à ce camp pour examiner la situation. Mme Rajavi hésite à transférer les 1 200 prochains réfugiés à Hurriya. Elle sait très bien que le gouvernement irakien dissimulera des armes et affirmera les avoir trouvées. Elle a affirmé qu'avant le départ de ces derniers réfugiés, une équipe d'inspection dirigée par les États-Unis devrait se rendre sur place pour confirmer ce que nous prétendons depuis si longtemps. Il y a un problème qui a été créé par notre département d'État.
    Heureusement, l'ONU est intervenue, quoique d'une façon timide. J'étais sur place à cette époque à titre de commandant. Le rôle qu'a joué l'ONU me rappelle celui qu'elle a joué au Rwanda en ne soutenant pas le général Dallaire. Elle est une partie du problème dans une très forte mesure.
    C'est mon évaluation. L'ONU est intervenue. C'est donc dire que la majorité des 3 400 réfugiés jouissent d'une forme de protection. Néanmoins, Maliki a lancé 122 mandats d'arrêt. Comme il ne peut pas capturer tous les anciens membres de l'ALN, il s'efforce désormais de fabriquer des accusations, comme ce fut notamment le cas pour Tariq Hashimi. Ces accusations font naître l'hostilité. Le vice-président et le premier ministre ont fait l'objet eux aussi d'accusations non fondées. On a établi la liste des 122 personnes les plus recherchées. L'Iran a déjà fait savoir qu'il voulait ces 122 personnes.
    Je me souviens d'une journée en 2003. J'assistais à une réunion des Nations Unies dirigée par un colonel australien qui avait procédé à une évaluation pertinente. Selon lui, les Nations Unies progressaient à pas de tortue, et ne semblaient pas résolues à ce que les choses changent.
    Récemment, le département d'État a déclaré être prêt à accueillir certains réfugiés et à demander à d'autres pays de faire de même. C'est une première étape judicieuse, mais il faut néanmoins que ce mouvement soit retiré de la liste des organisations terroristes.
    L'ONU bougera très lentement. Il faut faire sortir ces gens de là, parce qu'ils vivent dans des conditions abominables. Des gens meurent à cause de la chaleur, des morsures de serpents, etc. Ils ne reçoivent pas l'aide dont ils ont besoin. Les maladies se propageront pendant les mois d'été, et la situation pourra s'envenimer sérieusement. Il faut faire sortir ces gens de là.
    Cependant l'Iran et l'Irak veulent obtenir ces 122 personnes les plus recherchées.
(1335)
    Pensez-vous qu'on puisse imposer un délai inéluctable?
    Si tous se retrouvaient au camp Hurriya, je ne crois pas qu'on puisse respecter ce délai inéluctable, à moins que Maliki soit prêt à violer les ententes avec les Nations Unies et s'emparer du camp.
    Dans le reportage audio de la BBC on fait valoir notamment que les porte-parole sont bien rémunérés par le mouvement. On signale qu'en mars de l'an dernier, le gouverneur Ed Rendell de la Pennsylvanie a reconnu avoir reçu beaucoup d'argent pour défendre la cause du MEK.
    Qu'en est-il de ces versements? Est-ce une autre tentative de discréditer l'organisation? Ces allégations sont-elles fondées? Le MEK vous paie-t-il?
    Je ne reçois aucun montant. Je vous remercie sincèrement de votre question. Je ne reçois rien pour parler, écrire ou travailler pour qui que ce soit. En fait, tous les officiers qui ont trimé dur au camp d'Ashraf n'ont touché aucun montant. Le département d'État, avec comme chef de file l'ambassadeur Butler, a cherché à discréditer des personnes comme le général Clark, en insinuant qu'il était payé.
    J'ai côtoyé ces personnes dans mon travail auprès du MEK, et jamais je croirai que des hommes intègres comme le directeur du FBI, Louis Freeh, le secrétaire à la Sécurité intérieure, le gouverneur Tom Ridge, et Howard Dean renieraient leurs principes pour épouser la cause du terrorisme. On s'en est également pris au général Hugh Shelton, l'Omar Bradley de notre génération. En l'accusant d'avoir épousé la cause du terrorisme pour de l'argent, c'est comme dire qu'Omar Bradley a appuyé le gouvernement nazi. C'est impossible.
    De plus, on a accusé certaines personnes qui ne connaissent rien du terrorisme. Ils ne possèdent pas les connaissances pour en parler. Je ne donnerai aucun nom. Ces personnes constituent le troisième groupe. Le premier groupe, c'était les personnes qui travaillaient avec les responsables du MEK. Le deuxième groupe, ce sont les personnes qui ont beaucoup accompli aux États-Unis dans les domaines du terrorisme et de la sécurité nationale. Le troisième groupe, ce sont les responsables du gouvernement américain qui ont pris la parole afin de s'assurer que les États-Unis ne commettent pas une erreur grave. Ces personnes sont rémunérées, mais c'est pour prendre la parole. J'ai assisté à de nombreuses réunions et activités avec ces personnes.
    J'ai lu et j'ai en ma possession un article dans lequel on s'attaque au gouverneur Bill Richardson. Cet article a paru dans l'Albuquerque Journal environ 24 heures après que la presse eut fait état de montants versés à ces personnes. Il ne s'agissait nullement d'un suivi d'article. Cette information avait été transmise au journal afin de mettre ces personnes sur la sellette. L'article a paru peu avant que le Bureau de la secrétaire d'État indique qu'on ne voulait pas que la Cour d'appel soit saisie de l'affaire parce que « la secrétaire se préoccupait beaucoup du sort de ces 3 400 personnes ».
    Cela m'est apparu comme une tentative d'effrayer ces personnes. Quiconque croit pouvoir y parvenir sera vraiment surpris. Fait intéressant, le congressman Rohrabacher a fait savoir qu'il mènera une enquête sur le département du Trésor. Et soudainement, ceux qui exercent le pouvoir exécutif ne savent plus qui est à l'origine de tout cela.
(1340)
    Très bien. Nous entendrons maintenant M. Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous souhaiter la bienvenue de nouveau, colonel Martin. Je me rappelle de votre témoignage convaincant, la dernière fois. Aujourd'hui, vous avez encore fait preuve d'éloquence pour décrire le harcèlement et la brutalité auxquels on se livre au camp d'Hurriya. La citation peut être la plus évocatrice, c'est celle que vous avez attribuée au maire Giuliani qui a dit: « C'est un camp de concentration. Il suffirait d'une étincelle pour allumer un massacre qui éclipserait les attaques de 2009 et de 2011. Alors, Hurriya deviendra un camp d'extermination. »
    À mes yeux, ce sont là peut-être les propos les plus alarmants que j'ai entendus sur ce dossier. Je veux simplement ajouter qu'ils concordent avec la déclaration de mon collègue et ami, M. Alan Dershowitz, qui a ainsi décrit la situation lors d'une récente réunion à Washington:
Nous sommes aux prises avec deux urgences: nous devons tout d'abord composer avec l'urgence que posent les installations matérielles. Nous devons également tenir compte de l'urgence humanitaire, c'est-à-dire que chaque matin, un réfugié du camp d'Ashraf en Irak ne sait pas s'il sera encore vivant ou en santé le soir.
    Il a ajouté ceci:

L'Irak devient essentiellement une filiale à part entière de l'Iran.
    Il a conclut ensuite en faisant ressortir son principal point:

Et par conséquent, le principal problème consiste à faire sortir ces gens innocents de l'Irak pour leur trouver un refuge ailleurs dans le monde où ils pourront vivre en paix.
    Plus de 1 200 personnes sont sur le point d'être transférées dans un endroit où règne une situation que M. Dershowith a qualifié d'urgente, ce que vous avez fait valoir également. Voici ma question: faudrait-il moins chercher à faciliter le transfert de ces 1 200 personnes au camp Hurriya qu'à leur trouver ailleurs un refuge sûr pour elles-mêmes et tous les autres réfugiés qui s'y trouvent déjà?
    Oui. J'aime bien votre interprétation. Comme je voulais respecter le temps qu'on m'avait accordé, je n'ai pas lu une partie importante de ma déclaration. Je vous remercie d'avoir souligné ce point.
    Il faut sortir de l'Irak tous les membres du MEK. Aux États-Unis, nous avons les moyens de les accueillir, étant donné toutes les bases militaires que nous avons fermées.
    Louis Freeh a appris d'un de ses amis que Rota en Espagne pouvait en accueillir 3 000. Nous avons les moyens nécessaires pour les faires sortir de l'Irak, afin de les mettre en sécurité et de leur offrir des conditions sanitaires adéquates. La situation matérielle aux camps Hurriya et d'Ashraf au cours des deux dernières années ainsi que la détresse psychologique me rappellent un dessin animé dont nous nous souvenons tous et dans lequel on voit des poissons rouges dans un mélangeur. Un poisson rouge dit à un congénère: « Le stress me tue car je sais qu'on appuiera sur le bouton qui mettra l'appareil en marche. » La situation sur le terrain est analogue. En avril, nous avons des véhicules blindés anti-émeute qui ont pénétré dans les deux camps à l'instigation des mêmes personnes qui avaient orchestré les deux descentes précédentes. Il ne suffira que d'une étincelle, comme ce fut le cas lorsqu'un convoi s'apprêtait à quitter les lieux au moment où un des membres du MEK a posé une question. Il s'ensuivit que les Irakiens ont utilisé leurs matraques pour frapper les réfugiés, et 23 d'entre eux ont dû recevoir des soins médicaux.
    Je voudrais faire valoir un dernier point. Comme je l'ai déjà signalé, le camp avait demandé qu'on applique des pesticides et qu'on leur donne des auvents. Toutes les fois qu'on présentait une demande pour améliorer les conditions de vie à ce camp, ce lieutenant répondait qu'il ne savait pas et qu'il devait vérifier. La situation dure depuis deux mois.
    M. Dershowitz a notamment signalé que ces urgences humanitaires sont exacerbées par le fait que le MEK continue à figurer sur la liste des organisations terroristes.
    Il s'est écoulé du temps depuis votre dernière comparution, mais mon collègue Allan Dershowitz présente au tribunal un mémoire à titre d'intervenant désintéressé au nom d'un groupe distingué d'Américains, notamment certains que vous avez mentionnés: un ancien procureur général, un ancien maire de New York, un ancien secrétaire à la Sécurité intérieure et un groupe de généraux comme vous.
    Voici ma question: malgré la décision du tribunal, les témoignages devant le Congrès et tout ce temps qui a passé, pourquoi l'administration américaine demeure-t-elle les bras croisés dans ce dossier?
(1345)
    J'ai le sentiment que la raison pour laquelle le MEK figure sur la liste des organisations terroristes n'a rien à voir avec ce qui s'est passé en Iran il y a 20 ans. C'est Madeleine Albright qui avait alors pris la décision en se disant que cela constituerait une concession qui apaiserait le gouvernement iranien, un gouvernement en apparence moderne. Le MEK est donc apparu sur la liste des organisations terroristes du département d'État. Et nous savons tous que l'Iran poursuit son programme d'armement nucléaire et continue d'abuser de toute sa puissance.
    Les Iraniens savent comment négocier. L'Iran et les pays du Moyen-Orient ont une théorie au sujet des négociations: Si je ne suis pas en situation de pouvoir, comment pourrais-je négocier? Si je suis dans une situation de pouvoir, pourquoi devrais-je négocier? Les gouvernements occidentaux ont toujours cédé devant l'Iran. À l'heure actuelle, notre département d'État craint de nuire aux pourparlers nucléaires s'il enlevait le MEK de la liste des organisations terroristes. On n'est jamais à court de motifs.
    Ce mouvement figure sur cette liste pour les mauvaises raisons.
    Merci.
    Merci, monsieur Cotler.
    Nous entendrons de nouveau M. Sweet.
    Merci, monsieur le président.
    Colonel, je vous remercie encore une fois de votre témoignage. Je sais que je l'ai fait lors de votre comparution précédente, mais j'allais oublier de vous remercier également pour tout ce que vous avez fait à titre d'ami et d'allié.
    Merci, monsieur.
    J'aimerais vous poser une question au sujet de la Corporation RAND et du Human Rights Watch. Ces deux organisations ont recueilli des témoignages concernant de sérieuses violations des droits de la personne au camp d'Ashraf.
    Pouvez-vous nous en parler?
    Certainement.
    Voici le rapport de la RAND auquel je faisais référence un peu plus tôt. Chaque petit onglet jaune que vous voyez représente une section du rapport où j'ai relevé une incompatibilité.
    Dans le cadre de l'élaboration de ce rapport, la RAND ne m'a pas consulté, pas plus que le général Geoffrey Miller, Bill Brandenburg, le lieutenant-général Jack Gardner, le brigadier-général Dave Phillips, Julie Norman, et j'en passe. Elle a consulté un nombre très restreint de personnes et, comme je l'ai souligné, elle a utilisé beaucoup de renseignements non fondés.
    Lorsque j'étais sur place, j'ai lu un rapport selon lequel le département d'État affirmait qu'il y avait un camp d'entraînement secret où l'on formait des Iraquiens. J'ai réuni les marines et nous sommes entrés dans ce camp prêts à faire feu. Ce que le lieutenant des marines et moi avons trouvé, c'est un endroit où des travailleurs iraquiens pouvaient aller dormir sans craindre d'être capturés et exécutés par l'Armée du Mahdi ou le corps de Badr.
    Je dissipais toutes ces rumeurs, mais le département d'État continuait de les alimenter. En fait, il maintenait qu'elles étaient vraies — même l'assassinat des Kurdes. J'ai remis la lettre du ministre des Affaires étrangères à Jay Zimmerman et Steve Epstein, du département d'État, à Washington. Ils ont vérifié auprès du ministre qu'il avait bel et bien rédigé cette lettre, ce qu'il leur a confirmé. Il leur a dit que le MEK n'avait pas attaqué les Kurdes. Malgré cela, le département maintient ces accusations, tout comme la RAND dans son rapport. Et je leur avais remis cette lettre deux ans plus tôt.
    Habituellement, la RAND fait du très bon travail. Malheureusement, dans ce rapport, l'organisation utilise beaucoup de renseignements non fondés.
    Fait intéressant... J'aime bien cet extrait du rapport:

... très peu de législateurs en occident appuient le MEK ou savent vraiment de qui il s'agit. Une analyse commandée par les Instances collégiales des chefs d'état-major dans le cadre de l'opération Iraqi Freedom a démontré que le MEK recevait très peu de soutien de la part des membres Congrès. Ceux qui semblent voir la présence du MEK comme une chose positive s'opposent vivement à l'Iran ou ont des électeurs d'origine iranienne dans leur circonscription. Les autres sont tout simplement mal informés.
    Donc, selon la RAND, lorsqu'un membre du Congrès appuie le MEK, c'est soit parce qu'il déteste l'Iran au plus haut point, soit parce qu'il tente de plaire à l'électorat, soit parce qu'il n'a aucune idée de ce qu'il dit.
    Est-ce la même chose avec Human Rights Watch?
    Je suis convaincu que Human Rights Watch a fait la même chose. Vous parlez de 2009?
    Je n'ai pas la date devant moi.
    J'aurais dû vous aider à ce chapitre. Je suis certain que c'est cela.
(1350)
    Il y a une chose qui me dérange dans votre témoignage, et je vais vous laisser tirer cela au clair. Vous parlez de la relation grandissante entre al-Maliki et l'Iran. Le comité a mené une étude détaillée sur le sujet. D'ailleurs, les membres ont cité des extraits de cette étude hier soir à la Chambre des communes dans le cadre d'un débat exploratoire sur les droits de la personne en Iran. Vous semblez dire que le département d'État et la Maison-Blanche ne sont pas au courant de cette relation ou qu'ils l'ignorent délibérément. Ils n'ont rien fait pour la briser malgré le fait que le président ait fortement critiqué la situation. Ce dernier a dit qu'il était prêt à agir et qu'il envisageait toutes les options en ce qui concerne l'Iran.
    Vous comprenez la politique. Pouvez-vous nous dire pourquoi le gouvernement américain agit de cette façon?
    Bien sûr.
    Ça dépasse sûrement la simple intervention de Madeleine Albright.
    Certainement. Lorsque je regarde la façon dont les États-Unis traitent ce dossier, notamment le pouvoir exécutif, ça me rappelle l'incident du micro laissé ouvert à l'insu du président Obama alors que celui-ci s'entretenait avec le président russe. Il préconise la même approche: si l'on ne prête aucune attention à l'Irak et à la détérioration de la situation, il n'en sera plus question d'ici novembre.
    La situation se détériore rapidement en Irak. J'ai reçu un compte rendu de renseignement de la part d'un de mes amis qui est en Irak. Il dit ceci:

L'Iran dirige la politique iraquienne. Les autorités américaines devraient et doivent le savoir. Elles devraient aussi informer leurs citoyens de la situation. Le gouvernement d'al-Maliki commence à s'effondrer, mais ce dernier demeure ministre de la Défense. Il est également ministre de l'Intérieur, et six brigades lui ont été affectées. Il utilise ces troupes pour accroître son pouvoir.
    Lors de ma dernière visite en Irak, Maliki tentait de conclure un accord avec Moqtada al-Sadr. Il lui offrait 1 500 postes au sein des ministères de l'Intérieur et de la Défense. Mais depuis, le gouffre entre les deux dirigeants s'est accentué. Maliki met maintenant les membres de son propre parti en état d'arrestation, comme il l'a fait avec Tariq Hashimi et Mutlaq. Il se défait de tous ses opposants, et ce avec la bénédiction des États-Unis, ignorant...
    J'ai mentionné aussi lors de mon dernier témoignage que, lorsque l'armée s'est attaquée brutalement à des manifestants sur la place Tahrir, Hillary Clinton a demandé la tenue d'une enquête sur les événements. Je me suis dit: « Excellent. Elle va faire enquête sur ce qui s'est produit sur la place Tahrir, à Bagdad. » Eh non. Elle faisait référence à la place Tahrir, en Égypte. Les deux pays ont une place qui porte le même nom. Elle a également demandé la tenue d'une enquête sur la mort brutale de Kadhafi, mais qu'en est-il de Saddam? Il a été victime d'une exécution sommaire. L'armée américaine avait prévenu le département d'État de ce qui allait se produire, et lorsque c'est arrivé, le département, sous la direction de Condoleezza Rice à l'époque, a laissé l'armée porter le blâme.
    Mme Clinton ne parle pas des prisons secrètes qui existent en Irak, ni des gens qui disparaissent. Pour le moment, Barzani constitue la seule opposition d'importance à Maliki sur le plan régional. Lorsqu'il s'est entretenu avec le président Obama, à la Maison-Blanche, ce dernier lui a dit: « Vous devez trouver une solution. Laissez le temps faire les choses. » Mais nous n'avons plus le temps d'attendre. Il y a deux semaines, Barzani a rencontré Moqtada al-Sadr afin de trouver une solution pour empêcher Maliki de prendre le contrôle du gouvernement et du pays.
    En 2002, Maliki était un marchand ambulant, à Damas. Il y a neuf mois, son fils a acheté des biens, notamment aux Émirats et à Damas. Maliki prétend qu'il ne vaut qu'environ 10 000 $. En réalité, sa fortune s'élève à plusieurs centaines de millions. J'ai déjà dit qu'il était dommage qu'on ne puisse pas l'emprisonner pour fraude fiscale comme on l'avait fait avec Al Capone. Il est en train de prendre le contrôle en Irak. Un jour, on le verra assis devant le Parlement, cigare ou cigarette au bec, regardant des députés être escortés à l'extérieur pour y être immédiatement exécutés. À mon avis, il ne sera pas aussi sanguinaire que Saddam qui lui fumait le cigare lors de tels événements. Mais c'est sensiblement ce que fait Maliki, avec la bénédiction du gouvernement américain. Pour moi, c'est comme la situation du micro ouvert.
(1355)
    Merci.
    Monsieur Jacob, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Colonel Martin, à votre avis, quelles sont les prochaines mesures concrètes que devraient prendre la communauté internationale et/ou le gouvernement du Canada pour instaurer une solution durable relativement aux résidants des camps d'Ashraf et Hurriya?

[Traduction]

    Y a-t-il un problème technique?
    Je suis désolé, monsieur Jacob, mais pourriez-vous répéter votre question?

[Français]

    Je vais poser la question de nouveau.
    C'est ma faute.

[Traduction]

    D'accord. Je suis désolé.

[Français]

    Il n'y a pas de problème.
    À votre avis, quelles prochaines mesures concrètes devraient prendre la communauté internationale et/ou le gouvernement du Canada pour instaurer une solution durable pour les résidants des camps d'Ashraf et Hurriya?

[Traduction]

    Encore une fois, je suis désolé. Lorsque j'étais en Corée, il y avait un interprète avec nous qui nous traduisait directement les propos de notre interlocuteur. Je cherchais l'interprète pour cette séance. Excusez-moi.
    Merci pour cette question. À mon avis, deux choses sont absolument essentielles. D'abord, le gouvernement canadien doit retirer le MEK de sa liste de groupes terroristes. Lorsque j'étais commandant à Ashraf, j'étais très fier de pouvoir compter sur les membres de ce groupe. Ce ne sont pas des terroristes; ce sont des gens à qui l'on peut faire confiance. Deux ans avant que je ne travaille avec eux, à Ashraf, j'ai fait une évaluation des menaces auxquelles les troupes alliées étaient confrontées. J'ai immédiatement compris que ce groupe n'était pas une menace. À l'époque, le MEK travaillait avec le général Karpinski. C'est elle-même qui me l'a confirmé. Nous avions l'occasion de travailler avec le MEK. Ce n'est pas un groupe terroriste, et son nom doit être rayé de cette liste.
    Nous voulons tous respecter les décisions des Américains et travailler avec eux, mais dans ce cas-ci, ils ont tort. Nous devons retirer le MEK de la liste de groupes terroristes.
    Aussi, on devrait accueillir le plus de membres possible de ce groupe. Je possède 30 acres de terrain dans l'ouest de l'État de New York. Je pourrais facilement en accueillir une douzaine et je suis disposé à le faire. J'encourage d'ailleurs les gouvernements européens, canadien et américain à en faire de même. Sortons-les de là. Si ces mandats d'arrêt sont valides, et je sais qu'ils ne le sont pas, al-Maliki pourra demander leur extradition. Je sais, cependant, que le mandat d'arrêt lancé par l'Espagne contre al-Maliki pour les attaques menées à Ashraf est valide. Mais on ferra la preuve que ceux lancés contre les membres de MEK ne le sont pas. Nous devons empêcher l'application de ces mandats, car si ces gens sont extradés, ils seront exécutés, probablement à Téhéran.

[Français]

    Merci.
    Vers la fin de votre exposé, vous avez dit que le moment était venu de mettre fin à la politique d’apaisement envers le régime fondamentaliste de l’Iran et de soutenir une démarche humanitaire. Que voulez-vous dire, sur le plan pratique, au Canada et à la communauté internationale?

[Traduction]

    Nous devons tout de suite sortir les 2 000 réfugiés du camp d'Ashraf de la situation et des conditions d'hygiène déplorables dans lesquelles ils vivent. Nous devons leur apporter une aide immédiate, leur fournir, entre autres, de l'eau potable, des abris pour les protéger du soleil, du chasse-moustique. Il faut les sortir de ce camp.
    Le compte rendu de renseignement que j'ai reçu relate un autre fait très alarmant: al-Maliki étudierait la possibilité de déplacer les réfugiés plus loin vers le sud, soit vers Diwaniyah ou même Nasariyah. Nous devons nous assurer qu'ils peuvent recevoir des fournitures médicales, chose qu'on leur refuse actuellement, et toutes les ressources vitales dont ils ont besoin. Retirons-les de cet endroit. Je vous garantis que ceux qui les critiquent seront alors surpris de voir que ces gens sont travaillants et qu'ils défendent les mêmes principes que nous.
    Je fais souvent remarquer que mon gouvernement, surtout le pouvoir exécutif, qualifie ces gens de marxistes-léninistes, parce qu'ils croient à l'égalité entre les gens au pouvoir et le peuple. Selon eux, les chefs religieux ne devraient pas avoir le plein contrôle sur leur religion et être les seuls à pouvoir interpréter le Coran. Ce sont les trois principes fondamentaux sur lesquels s'appuient les membres de MEK. À mon avis, ce ne sont pas des marxistes-léninistes; ils ont plutôt des idées qui se rapprochent davantage de celles de Madison et de Jefferson.
    Les gens seraient impressionnés de voir à quel point leurs idéaux se rapprochent des nôtres si on posait le geste humanitaire qui s'impose et qu'on les secourait.
(1400)

[Français]

    Merci beaucoup, colonel Martin.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Merci, monsieur Jacob.

[Traduction]

    Cela met un terme aux séries de questions.
    Colonel, nous vous sommes très reconnaissants d'avoir accepté notre invitation. Avant de terminer, auriez-vous quelque chose à ajouter? Avons-nous oublié quelque chose?
    Je vous remercie pour tout ce que vous faites. J'aimerais terminer en disant que, si vous voulez que moi ou le général Phillips revenions témoigner, nous accepterons avec plaisir. Si nous pouvons vous aider à faire retirer le MEK de la liste canadienne de groupes terroristes, appelez-nous et nous serons ici dans les 48 heures. Je sais que le général Phillips sera d'accord avec moi. Nous sommes disposés à rencontrer n'importe qui, peu importe l'endroit.
    Faisons en sorte que le MEK ne figure plus sur la liste des groupes terroristes de nos deux pays et sortons les membres de ce groupe d'Irak. C'est le geste humanitaire qui s'impose.
    Merci beaucoup, colonel.
    [Applaudissements]
    Merci.
    M. Cotler aurait une motion à présenter sur un autre sujet. Monsieur Cotler, allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je crois que tous les membres ont une copie de la motion en question. Celle-ci reflète le témoignage du colonel et les propos tenus hier lors du débat exploratoire à la Chambre des communes auquel vous, monsieur le président, et d'autres membres du comité avez participé.
    La motion résume essentiellement le témoignage de M. Martin sur la violation des droits de la personne en Iran. Elle demande, notamment, l'abandon de toutes les accusations portées contre les deux prisonniers politiques canadiens d'origine iranienne, Saeed Malekpour et Hamid Ghassemi-Shall.
    Quelqu'un aurait un commentaire à formuler au sujet de la motion?
    Monsieur le président, j'aimerais ajouter une chose soulevée dans le cadre de la présente séance. Dans l'avant-dernier paragraphe, j'aimerais ajouter l'expression « pour des motifs humanitaires » après l'expression « et qu'ils soient autorisés à rentrer au Canada ».
    Voyons si cela peut constituer un amendement favorable.
    Monsieur Cotler, êtes-vous d'accord?
    Ça me convient.
    D'accord. Il s'agit donc d'un amendement favorable. La version définitive en tiendra compte.
    (La motion est adoptée [Voir le Procès verbal].)
    Je crois que la motion a été adoptée à l'unanimité; nous ne sommes pas toujours très expressifs pour ce genre de choses.
    Je vous remercie tous de votre présence aujourd'hui.
    La séance est levée.
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