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Nous allons commencer la réunion.
Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui, le 25 octobre 2012, c'est notre 53e séance.
[Traduction]
Aujourd'hui, notre séance est télédiffusée. N'oubliez pas, votre mère regarde probablement.
Comme ma mère est à l'écoute, je vais souhaiter un bon anniversaire à ma soeur. Je ne vous dirai pas quel est son âge aujourd'hui parce qu'elle a atteint l'âge où on porte le sac et la cendre le jour de son anniversaire. Malgré tout, bon anniversaire, Jackie.
Nous accueillons aujourd'hui Robert King, ambassadeur et envoyé spécial pour les droits de la personne en Corée du Nord. Il témoigne dans le cadre notre étude en cours sur la situation des droits de la personne en Corée du Nord, étude qui occupe le comité par intermittence depuis près de deux ans.
L'ambassadeur King fera un exposé. De la durée de cet exposé et du temps qui restera dépendra la longueur de chaque série de questions.
Quand nous aurons terminé, il y a un autre point à l'ordre du jour: la possibilité d'entendre un témoin du Congrès des Philippines. Nous aborderons ce point en fin de séance. Mais je vais essayer de discuter discrètement avec chacun de vous pour avoir au préalable une idée du sentiment du comité pour que nous puissions régler cette question le plus rapidement possible.
Cela dit, ambassadeur King, nous sommes heureux de vous accueillir. Si vous voulez bien commencer.
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Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissant de pouvoir comparaître.
J'ai passé de longues années au Congrès américain, et je sais apprécier le pouvoir législatif.
Permettez-moi quelques observations sur la Corée du Nord et la situation des droits de la personne là-bas. Je vais essayer de laisser le maximum de temps pour les questions, car je suis persuadé que vous en avez un certain nombre à soulever.
La situation des droits de la personne en Corée du Nord est déplorable. Le département d'État produit chaque année un rapport sur la situation des droits de la personne dans des pays du monde entier. Le plus récent, celui de 2011, parle d'exécutions extrajudiciaires, de disparitions, de détention arbitraire, d'arrestation de prisonniers politiques et de torture.
Le pouvoir judiciaire n'est pas indépendant. Il ne garantit pas des procès justes ni l'application régulière de la loi. Le gouvernement nord-coréen contrôle toujours presque tous les aspects de la vie des citoyens. Il bafoue la liberté de parole, de presse, de religion, de réunion et d'association. On continue de signaler que le gouvernement limite sévèrement la liberté de mouvement et soumet ses citoyens à des travaux forcés. On nous a aussi signalé que le gouvernement est responsable de disparitions et qu'il y a eu fort peu de progrès dans l'enquête sur des cas présumés d'enlèvement de ressortissants japonais par le gouvernement nord-coréen.
Je voudrais parler de deux questions précises qu'il vaut la peine aborder au sujet de la Corée du Nord et des droits de la personne. D'abord, les prisons politiques. Un certain nombre de livres, de rapports et de conférences récentes ont traité du sujet. Ces rapports décrivent les conditions rigoureuses et délétères qui règnent dans les camps de prisonniers et le système de détention en Corée du Nord. Cette année, le journaliste américain très en vue qu'est Blaine Harden a publié Escape from Camp 14: One Man's Remarkable Odyssey from North Korea to Freedom in the West. L'ouvrage se fonde sur des entrevues avec Shin Dong-hyuk, qui est, qu'on sache, le seul détenu d'un camp de prisonniers qui se soit évadé du plus sévèrement gardé des camps de prisonniers de la Corée du Nord.
Shin Dong-hyuk est né dans un camp de prisonniers. Son père y était parce que son frère était parti en Corée du Sud. Sa mère y était aussi non à cause de quoi que ce soit qu'elle aurait fait, mais parce qu'un membre de sa famille avait commis quelque crime. Les parents de Shin Dong-hyuk ont été autorisés à se marier dans le camp, et Shin Dong-hyuk est issu de leur union.
Le livre décrit avec force détails les conditions impitoyables qui règnent dans ces camps. Shin Dong-hyuk était un garçon de 14 ans. Il était dans un camp de prisonniers non à cause de quelque chose de mal qu'il aurait fait, mais parce que ses parents s'y trouvaient. On lui a dit qu'il n'avait pas le moindre espoir d'être libéré. Lorsqu'il était jeune adolescent, on lui a demandé de monter un appareil très lourd dans un escalier. L'appareil était trop lourd, et il l'a laissé tomber et l'appareil s'est abîmé. Son châtiment immédiat a été l'amputation du majeur à la deuxième phalange.
On a enseigné à ce jeune homme que le pire qu'un détenu dans un camp puisse faire, c'est quitter le camp, essayer de s'évader, et que tous les détenus avaient la responsabilité de signaler aux gardiens tout cas de détenu qui allait s'évader.
Shin Dong-hyuk est allé voir sa mère. Ils ne vivaient pas ensemble. Il était toujours adolescent. Il est donc allé rendre visite à sa mère, et il a appris que sa mère et son frère projetaient de s'évader. Il est revenu chez lui et il a conclu qu'il devait le signaler, puisque qu'on lui avait dit qu'il devait le faire. Il a donc prévenu les autorités. On ne l'a pas cru. On s'est emparé de lui et on l'a torturé. On l'a transpercé avec des crochets. On l'a placé au-dessus de charbons ardents. Après environ une semaine de châtiments, les tortionnaires ont conclu qu'il disait probablement la vérité. Il a alors été emmené dans un grand champ où étaient rassemblés tous les détenus. Et là, devant toute la population carcérale, un peloton d'exécution a tué son frère et sa mère a été pendue.
C'est une relation très saisissante des conditions qui règnent dans les camps de prisonniers nord-coréens.
Ce livre et d'autres rapports ont livré beaucoup d'information sur ces camps. Le Committee for Human Rights in North Korea a publié un livre, The Hidden Gulag, qui présente des photos satellitaires de différents endroits identifiés comme des camps de prisonniers nord-coréens. Il y a donc beaucoup d'information qui nous est arrivée récemment.
Le deuxième problème grave que je voudrais aborder est celui de l'échange d'information à destination et en provenance de la Corée du Nord. Il y a eu quelque progrès.
La Corée du Nord demeure l'un des lieux les plus isolés de la planète. Il y est illégal d'avoir une radio qui permet de choisir une station. C'est interdit. Les radios sont préréglées sur la chaîne d'État. Même chose pour les téléviseurs. Le gouvernement ne veut pas qu'il arrive de l'information de l'extérieur. Dans ce pays, Internet n'existe à peu près pas. Quelques organismes gouvernementaux sont autorisés à utiliser Internet, mais à l'intérieur du pays, personne n'y a accès. Malgré tout, des entrevues avec des gens qui ont quitté la Corée du Nord nous apprennent que de 20 à 30 p. 100 de la population nord-coréenne disent avoir écouté des émissions de radio étrangères. Il y a donc un peu d'information qui passe en Corée du Nord, et il semble qu'il y en ait de plus en plus.
Chose intéressante, les DVD les plus appréciés, mais ils divertissent plus qu'ils n'informent, sont les feuilletons sud-coréens. En Asie, en ce moment, la Corée du Sud est à la mode sur le plan de la culture, et ses DVD sont très prisés en Corée du Nord. Selon les estimations de réfugiés qui ont quitté la Corée du Nord, environ la moitié de la population aurait vu ces DVD de feuilletons sud-coréens. Ces DVD donnent de l'information sur ce qui se passe au-delà des frontières de la Corée du Nord.
Jusque récemment, il n'était pas possible non plus d'avoir un téléphone portable en Corée du Nord. Les téléphones portables y ont fait leur entrée ces dernières années, et les Nord-Coréens peuvent s'en procurer. On compte environ un million de ces appareils portables pour 24 millions de personnes.
Le téléphone portable est toutefois soumis à des restrictions. On peut avoir un appareil, mais on ne peut appeler que d'autres Nord-Coréens. Impossible d'appeler à l'étranger et impossible d'appeler des étrangers qui vivent en Corée du Nord. Les étrangers peuvent avoir un portable, mais on leur donne un appareil qui ne permet d'appeler que des étrangers. L'ambassadeur britannique a un appareil et son chauffeur nord-coréen en a un, mais ils ne peuvent pas s'appeler l'un l'autre, ce qui donne une idée du problème.
La différence entre les deux Corée donne une idée de la différence entre la Corée du Nord et le reste du monde. En Corée du Nord, je l'ai dit, il y a environ un million de téléphones portables pour 24 millions de personnes, soit 0,04 appareil par personne. En Corée du Sud, en revanche, il y a 1,3 appareil par personne, ce qui illustre la différence en matière d'accès à l'information. Ce n'est pas négligeable, cependant, car l'information circule en Corée du Nord, et elle circule plus vite grâce aux téléphones portables.
Certains marchés sont autorisés à fonctionner. Il est plus facile de connaître les prix sur le marché. On compare le prix des produits d'un marché à l'autre. L'information commence à circuler, et c'est probablement un progrès très encourageant.
J'aurais une ou deux réflexions à vous livrer sur certaines mesures que le gouvernement du Canada a prises et dont nous lui savons gré. Nous avons essayé de travailler avec soin et de façon étroite avec le gouvernement du Canada et celui d'autres pays qui traitent avec la Corée du Nord. Nous sommes heureux de cette coopération et de l'occasion qui nous est donnée de mener des consultations sur ce que nous et d'autres pays essayons de faire dans les relations avec la Corée du Nord.
Lorsque j'étais à Séoul, j'ai rencontré l'ambassadeur de Corée à Séoul, qui a aussi été accrédité en Corée du Nord par le passé. Ce fut un échange d'information utile. J'ai aussi rencontré votre ambassadeur lorsque je me trouvais à Séoul, il y a une quinzaine de jours.
Le gouvernement du Canada et des ONG canadiennes ont joué un rôle important en ayant des relations avec la Corée du Nord. Cela a été utile et productif.
En ce moment même, l'Université de la Colombie-Britannique applique un programme grâce auquel quelques professeurs nord-coréens passeront six mois à Vancouver et pourront approfondir leur compréhension de l'économie en général et de l'économie de marché occidentale. Les programmes comme celui-là sont utiles. Quelques Nord-Coréens sont venus aux États-Unis, mais aucun pour une aussi longue période. Je félicite donc les Canadiens, et plus spécialement les ONG et l'Université de la Colombie-Britannique, du rôle important qu'ils jouent en établissant des contacts avec les Nord-Coréens.
Nous avons été heureux de parler à vos diplomates, de discuter avec eux et d'échanger de l'information que nous possédons sur la Corée du Nord. Ce fut utile et productif.
Nous avons remarqué que le Canada avait imposé des sanctions très rigoureuses à la République populaire démocratique de Corée. Les États-Unis ont coopéré avec le Canada et d'autres pays à l'ONU pour imposer des sanctions, et nous sommes heureux de la coopération que nous avons obtenue à cet égard.
Le gouvernement du Canada a également apporté un certain nombre de contributions grâce au Programme alimentaire mondial pour fournir une aide humanitaire à la Corée du Nord, et nous en sommes reconnaissants. Nous avons reconnu la valeur du travail réalisé grâce aux agences de l'ONU, notamment le Programme alimentaire mondial, et lorsque nous avons fourni de l'aide par le passé, nous avons collaboré avec les responsables de ce programme.
Le gouvernement du Canada a également appuyé très fermement des résolutions à l'ONU critiquant le bilan de la Corée du Nord en matière de droits de la personne. Particulièrement à la troisième commission de l'Assemblée générale, où des résolutions sont adoptées depuis huit ans, le gouvernement du Canada a appuyé de façon constructive les résolutions qui critiquaient la Corée du Nord.
Le gouvernement du Canada a fait un certain nombre de déclarations qui nous ont paru constructives et utiles pour critiquer le bilan des Nord-Coréens en matière de droits de la personne. Parmi les déclarations récentes sur Oh Kil-nam, un Sud-Coréen dont la femme et les enfants sont restés dans des prisons nord-coréennes lorsqu'il a fait défection et qui tente depuis un certain temps de retrouver sa famille, celle que le gouvernement du Canada a faite pour cet homme a été très utile. Elle a beaucoup aidé. Nous sommes heureux de pouvoir travailler avec le Canada au sujet de dossiers qui concernent la Corée du Nord et des problèmes de respect des droits de la personne dans ce pays.
La considération la plus importante, selon moi, c'est que les États-Unis et le Canada ont tous les deux un très ferme engagement et une solide tradition à l'égard du respect des droits de la personne, de la valeur et l'importance du respect de ces droits. Nous avons hâte de travailler avec le gouvernement et le Parlement du Canada dans ces dossiers.
Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous entretenir aujourd'hui de ces questions.