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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 13 mars 2012

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

[Français]

    Bienvenue à la 28e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce mardi 13 mars 2012.

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude des violations des droits de la personne au Venezuela. Le témoin d'aujourd'hui, Jennifer McCoy, directrice de l'Americas Program, au Carter Center, est le dernier que nous entendrons au cours de ces audiences.
    Vous êtes la dernière à vous présenter au bâton, madame McCoy. Ce que vous avez à nous dire aujourd'hui nous intéressera beaucoup. Vous pouvez commencer quand vous voudrez.
    Je vais essayer d'aborder certaines des questions que la greffière m'a communiquées et qui sont susceptibles de vous intéresser. D'abord, quelques renseignements rapides sur notre travail au Venezuela.
    Je suis politicologue et, depuis 1983, j'étudie le Venezuela, où je me suis rendue fréquemment au cours de toutes ces années. À titre de directrice de l'Americas Program du Carter Center, j'ai observé les élections au Venezuela à compter de 1998, notamment les élections nationales de 1998, de 2000, de 2004 et de 2006.
    Nous avons également travaillé au Venezuela par l'entremise d'un groupe que nous avons mis sur pied, les Friends of the Inter-American Democratic Charter. Il s'agit d'un groupe de l'hémisphère formé d'anciens dirigeants, ministres et spécialistes des droits de la personne. Quatre distingués Canadiens en font partie: les anciens ministres des Affaires étrangères John Manley et Barbara McDougall, l'ancien premier ministre Joe Clark et l'ancien ambassadeur John Graham. Nous avons deux membres du Venezuela qui sont des experts des droits de la personne là-bas.
    Avec ce groupe, nous avons mené également des missions d'analyse au Venezuela et nous avons fait trois déclarations publiques sur diverses questions. L'une a porté sur le non-prolongement de la licence de radiodiffusion de RCTV, en 2007. Une autre a exhorté les gens à participer au référendum constitutionnel en 2007. Une autre, récente, a été faite l'automne dernier sur l'arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l'homme au sujet de l'inéligibilité d'un candidat qui voulait se présenter aux élections cette année. Nous avons appuyé la cour.
    Je voudrais dire quelques mots de la situation politique actuelle au Venezuela et de la situation des droits de la personne.
    Cette année est la 13e année de l'administration Chávez, et du mouvement appelé la Révolution bolivarienne qui vise à apporter de profonds changements sociaux, économiques et politiques au Venezuela. Nous abordons une année très importante, celle de l'élection présidentielle. Elle est aussi remplie d'une grande incertitude, notamment à cause des résultats des élections les plus récentes et de sondages qui annoncent une course chaudement disputée et peut-être très serrée. L'élection aura lieu le 7 octobre prochain, et elle sera suivie de l'élection des gouverneurs en décembre.
    La maladie et l'état de santé du président ajoutent à l'incertitude: quand se remettra-t-il, dans quelle mesure, quand pourra-t-il faire campagne, etc.? Par conséquent, c'est une année très importante pour le Venezuela et l'hémisphère, je dirais. Les conséquences sont importantes pour l'hémisphère à cause des liens et des relations du Venezuela avec de nombreux pays.
    Quant aux droits de la personne, qui vous intéressent tous, j'estime en général que ce n'est pas un pays où il y a de graves violations des droits du point de vue des menaces à l'intégrité physique des personnes. Les préoccupations générales qui sont soulevées ont trait au peu d'indépendance des pouvoirs et à la faiblesse des mécanismes de reddition des comptes, c'est-à-dire que la séparation des pouvoirs devient floue, dans le système présidentiel, et qu'il y a politisation d'institutions importantes, dont l'appareil judiciaire, et d'autres entités comme le bureau de l'ombudsman, le procureur général, etc., et on a l'impression qu'elles sont politisées.
    Quand nous réfléchissons aux droits de la personne, il faut penser à toute la gamme des droits économiques et sociaux, civils, politiques et culturels. Ce que nous avons là-bas, c'est une grande expérience sur deux plans, car le Venezuela essaie d'accroître la participation et l'intégration sociale de segments de la population qui ont été exclus de la participation à la richesse du pays et à la prise des décisions politiques. Nous pouvons constater un progrès dans les mécanismes de participation à la politique, avec la multiplication des votes et des référendums, et des conseils locaux et de quartier, sans oublier diverses expériences à ce niveau.
(1310)
    Sur les plans économique et social, il y a eu de grands progrès dans la lutte contre la pauvreté et la prestation d'avantages sociaux comme l'éducation, les services de santé, les subventions à l'alimentation. Dans ces programmes économiques et sociaux, les progrès ont été inégaux. Certains réussissent mieux que d'autres. Il y a toujours une grave pénurie de logements, par exemple. Il y a des pénuries alimentaires à l'occasion. Les résultats sont inégaux sur les plans économique et social.
    Quant aux droits civils, il y a des inquiétudes dans des domaines particuliers, dont celui de la justice pénale. Elles concernent le système carcéral, le fort taux de criminalité et notamment le taux élevé d'homicides. Le système judiciaire est également en cause. Il y a un retard important dans les causes, si bien que les prisons sont gravement surpeuplées et dangereuses. Il y a eu des épisodes de violence dans les prisons. Il y a un certain nombre d'explications, et le problème n'est pas l'apanage de l'administration Chávez. C'est un motif d'inquiétude depuis des décennies au Venezuela. Quoi qu'il en soit, le taux d'homicides est à la hausse.
    Une partie du surpeuplement tient peut-être aussi à la politique sur les drogues. Le Venezuela réprime les petites infractions en matière de drogues, ce qui, nous le savons, donne des taux d'incarcération élevés dans bien des pays de l'hémisphère.
    Bien des gens sont en prison dans l'attente de leur procès. La durée de cette détention dans l'attente d'une inculpation ou d'un procès peut parfois dépasser ce que la loi permet, ce qui est aussi un problème grave.
    Pour ce qui est de la police, l'administration Chávez a essayé de la réformer. Des conseils et commissions ont examiné les réformes de la police et formulé des recommandations. Une commission très sérieuse, il y a environ quatre ans, a recommandé notamment la création d'une force de police nationale, et la mise en oeuvre est en cours. Je n'ai pas d'informations précises à ce sujet, mais on m'a dit que, sur certains plans, il y avait des améliorations.
    Il y a des accusations d'abus de pouvoir des policiers au moment des arrestations, mais généralement, le problème tient probablement plutôt à la transition en cours dans les forces policières et aux besoins en formation des nouvelles forces policières. Cela peut contribuer au taux élevé de criminalité observé en ce moment.
    Une autre question préoccupante concerne la présence de beaucoup d'armes au Venezuela: armes sur la personne et au foyer. Beaucoup de familles s'arment pour se protéger. Les armes sont nombreuses dans les rues, et c'est un sujet de préoccupation que le gouvernement a reconnu à l'Assemblée nationale. Il a mis sur pied une commission du désarmement. Cela remonte à 2002. Le Carter Center aidait alors à faciliter le dialogue et à assurer une médiation entre le président Chávez et ses opposants politiques. Une proposition de désarmement de la population civile n'a pas décollé. Le pays essaie d'évoluer dans ce sens. Si cette démarche pouvait aboutir, la violence dans le pays s'en trouverait atténuée.
    En politique, nous pouvons considérer la liberté d'expression et les droits politiques, notamment le droit de vote et d'autres types de participation. La liberté d'expression prête à controverse. Bien des gens s'en inquiètent. Je dirais qu'il y a expression libre dans deux domaines. D'abord, nous pouvons considérer et documenter le niveau des protestations, qui sont nombreuses. Elles portent sur divers enjeux sociaux, dont la sécurité sociale, les retraites, le logement, la question ouvrière, etc. Il y a certainement liberté pour les protestations sociales, et il y en a beaucoup.
    Il y a aussi des médias pluralistes. Le déséquilibre dans les médias que nous observions il y une dizaine d'années, à une époque où le secteur privé dominait complètement les ondes, s'est corrigé. Il existe un meilleur équilibre. Il y a plus de stations publiques de télévision et de radio. Sur le plan des parts de marchés, cependant, le secteur privé domine toujours.
(1315)
    Chose certaine, il y toujours une pluralité de sources d'information et on peut s'exprimer et faire valoir sa dissidence dans les médias. Par ailleurs, il y a du harcèlement. Il y a de l'autocensure dans les médias et chez les journalistes. Il y a eu harcèlement, c'est-à-dire des sanctions administratives et des amendes, des deux stations de télévision de l'opposition politique qui s'expriment le plus énergiquement.
    Quant à la participation politique, la population fait maintenant tout à fait confiance au processus de scrutin. Cette confiance avait été gravement compromise entre 2004 et 2006. Les autorités électorales nationales ont pu travailler avec les partis politiques et mettre en place un certain nombre de mécanismes de vérification et de sécurité. Selon des sondages, il y a maintenant un niveau de confiance de 70 p. 100 à l'égard du système électoral, y compris des machines électroniques de vote.
    Je ne crois pas qu'il y ait lieu de craindre pour l'intégrité du vote même. Quant aux élections à venir et aux élections récentes, la grande préoccupation tient plutôt à l'équité de la campagne, en raison des inégalités dans le financement, l'accès aux médias, etc.
    Je prévois une forte participation. Elle a été élevée au Venezuela, jusqu'ici. Nous pouvons donc prévoir une participation extrêmement forte aux deux élections importantes de cette année.
    Une dernière observation. Sur le plan de la sécurité, notamment à la frontière, le rapprochement avec la Colombie est extrêmement important et constructif. Cela concerne une situation dangereuse à la frontière où, depuis des dizaines d'années, il y a des problèmes de contrebande et de guérilla, les narcotrafiquants franchissant allègrement la frontière dans un sens comme dans l'autre. Ce n'est là rien de neuf au Venezuela, mais grâce au rapprochement, nous commençons à voir une plus grande coopération entre le Venezuela et la Colombie pour régler ces problèmes.
    Je m'arrête là. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
    Merci beaucoup. Votre exposé a été extrêmement intéressant.
    Nous avons assez de temps pour des questions et réponses de six minutes. Ce sera d'abord M. Sweet, du parti ministériel.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup. Je suis d'accord avec la présidence: il s'agit d'un exposé très instructif. Nous vous en remercions, madame McCoy.
    Nous avons entendu le point de vue de bien des témoins, dont certains ont été extraordinairement véhéments dans leur soutien du régime Chávez, et d'autres l'ont été presque autant dans le camp adverse.
    Il me semble que le Venezuela, sur les plans politique, sociologique et économique, est marqué par la duplicité ou plutôt par la bipolarisation. Est-ce que j'exagère?
    C'est un pays qui est en soi très bipolarisé. Il y a également bipolarisation des gens de l'extérieur qui examinent la situation et essaient de se prononcer.
    Cela tient en partie au fait que le président Chávez a adopté une stratégie de confrontation pour apporter des changements. Cette stratégie a provoqué un mouvement de ressac. C'est ce qui a donné le conflit politique dans le pays: le ressac.
    Le pays est bipolarisé. La plupart de ceux qui essaient d'étudier la situation de l'extérieur ou d'en faire l'expérience finissent par se ranger d'un côté que de l'autre et sont eu même bipolarisés.
(1320)
    Cela n'aide pas lorsque M. Chávez essaie de bâtir des ponts, de nouer des relations avec des gens comme l'Iranien Ahmadinejab, qui est sinon la plus grande menace pour le monde libre, du moins l'une des plus grandes. La plupart de mes collègues sont sans doute d'accord avec moi là-dessus. Il y en a sûrement un qui est d'accord pour dire qu'il est la plus grande menace.
    Vous dites que, malgré cette bipolarisation, vous avez confiance en l'intégrité du processus électoral.
    Effectivement.
    Le Venezuela a même le système de vote automatisé le plus avancé au monde. L'automatisation existe à différents niveaux: machines de votation à écran tactile, transmission des voix, identification des électeurs à leur arrivée, etc. Depuis 2004, les Vénézuéliennes s'efforcent de mettre en place divers mécanismes et vérifications pour que les partis politiques et les citoyens puissent faire confiance au système. Je crois que nous pouvons avoir un bon niveau de confiance, pourvu que ces mécanismes de vérification jouent leur rôle.
    Pourrais-je dire un mot de l'Iran?
    Absolument.
    Très bien.
    Une partie de la stratégie d'Hugo Chávez, depuis qu'il a accédé au pouvoir en 1999, consiste à changer la structure au niveau planétaire pour atténuer le rôle et la domination des États-Unis comme puissance dans le monde et dans la région. C'est sa stratégie: créer un monde pluripolaire. Il l'a appliquée au moyen d'une stratégie Sud-Sud, notamment, essayant d'assurer une plus grande intégration à l'intérieur de l'Amérique latine et surtout en Amérique du Sud, mais en tendant aussi la main à d'autres pays du Sud ou en développement. Ainsi, il s'est aussi tourné vers des pays qui sont particulièrement considérés des parias ou qui prennent le contre-pied des États-Unis. Il n'y a pas que l'Iran. Il y a aussi la Russie et le Bélarus, il y a eu la Libye et aussi Saddam Hussein, en Irak.
    En somme, l'Iran a fait partie de sa stratégie, mais celle-ci est plus large que cela, vu la création des liens Sud-Sud et l'indépendance par rapport aux États-Unis. Je tiens simplement à dire qu'il ne faut pas oublier que, même s'il défend haut et fort le droit de l'Iran à l'énergie nucléaire, par exemple, il n'est pas en faveur du droit aux armes nucléaires.
    Je signale une autre chose. La relation entre le Venezuela et l'Iran existe depuis longtemps, remontant à la cofondation de l'OPEP, dans les années 1960. La relation avec l'Iran n'a rien de neuf, et elle n'est pas propre à l'Amérique latine. Vous vous rappellerez que le Brésil a aussi essayé de jouer un rôle important auprès de l'Iran en se faisant médiateur avec la Turquie l'an dernier, par exemple. Le Venezuela n'est donc pas le seul pays de l'Amérique latine qui agisse de cette façon.
    Toutefois, je comprends votre inquiétude devant ces liens étroits et les ramifications qu'ils peuvent avoir.
    Merci.
    Vous avez dit que, à votre avis, la capacité de s'exprimer dans la rue, par l'expression sociale et le mouvement de protestation, ne semble connaître aucune entrave au Venezuela, mais il y a eu des peines importantes pour des diffuseurs. Est-ce toujours le cas? Y a-t-il des mesures punitives pour les diffuseurs qui font connaître leur opposition au régime de M. Chávez? A-t-on toujours recours à des moyens juridiques de les faire taire?
    Oui, cela arrive.
    En ce moment, la station la plus visée est Globovisión. On vient de confirmer une amende de deux millions de dollars qui lui a été imposée. Depuis deux ans, des propriétaires de médias font l'objet de poursuites pour d'autres raisons, comme des questions de finances personnelles qui n'ont rien à voir avec la station de télévision. Oui, cela existe toujours jusqu'à un certain point.
    Je dirais que les lois qui criminalisent certaines formes de dissidence et d'insultes au gouvernement sont là plutôt comme moyens d'intimidation, et elles amènent une autocensure. Elles ne sont pas beaucoup appliquées. On ne les fait pas intervenir très souvent, mais elles sont là, et elles peuvent être appliquées. C'est ce qui crée plutôt un climat d'autocensure. Par ailleurs, on intimide aussi un peu les ONG et les organisations civiles, qu'on peut inquiéter au sujet de l'origine de leurs fonds et au sujet de leurs activités, car des lois imposent des restrictions à cet égard. Il n'y a pas beaucoup d'exemples de cas où on les a appliquées, mais il est toujours possible de le faire.
(1325)
    Le fait que ces dispositions existent dans leur code civil, leur code pénal ou leur régime de réglementation serait inadmissible pour nous, certainement.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Marston, à vous. Je vous en prie.
    Je suis très heureux d'accueillir les témoins d'aujourd'hui. Il n'arrive pas souvent que nous ayons une vue d'ensemble comme celle que Mme McCoy a proposée au début de son exposé.
    Ce que vous avez dit de l'Iran et du fait que Chávez appuie l'énergie nucléaire plutôt que les armes nucléaires est la meilleure nouvelle que le comité ait entendue depuis longtemps. Tout le monde a des inquiétudes fondamentales.
    Il y a une déclaration qui a été faite ici et que j'ai répétée à différents témoins... Une personne qui a témoigné a dit que les militaires étaient plus proches de la population que la police ne l'était. Le même témoin a dit, si ma mémoire est fidèle, que les simples citoyens ont porté sur eux la constitution pendant un certain temps. Ils cherchaient davantage à comprendre leur gouvernement et l'orientation que Chávez et d'autres voulaient donner à leur pays.
    Vous avez parlé de bipolarisation. Je présume que ceux qui étaient riches et influents avant les changements se retrouvent dans un camp alors que ceux qui étaient pauvres et ont vu des changements leur être favorables sont dans l'autre camp. Si on considère un certain nombre de choses dans la situation actuelle des droits de la personne, par rapport à ce qui existait avant l'ère Chávez, quelle est la différence, selon vous? Y en a-t-il une?
    Avant l'ère Chávez, il existait certainement une démocratie. Des partis politiques prenaient le pouvoir en alternance, mais un grand groupe de gens, dans les segments les plus pauvres, se sentaient exclus, invisibles. Par exemple, ils n'avaient pas tous des papiers d'identité et ne pouvaient donc pas voter. Ils ne pouvaient pas participer. Le gouvernement actuel a essayé de s'attaquer au problème et d'amener tout le monde à participer davantage, au nom des droits politiques.
    Comme je l'ai dit, le surpeuplement des prisons et la criminalité dans les bidonvilles ont toujours été un problème. Lorsque j'ai commencé à séjourner au Venezuela, en 1983, je vivais avec une personne de classe moyenne dans ce qu'on peut appeler les banlieues de Caracas, et nous ne sortions pas la nuit. Les gens avaient peur. Depuis que je vais au Venezuela, le crime et la sécurité ont toujours été un problème.
    Néanmoins, les problèmes semblent aujourd'hui exacerbés. La situation empire, mais elle n'est pas nouvelle. Par le passé, il y avait différents types de... C'est plutôt une collusion entre les deux partis politiques afin de protéger leurs intérêts en ce sens qu'ils ne font pas enquête l'un sur l'autre après l'exercice du pouvoir. La presse a été politisée au sens où on sympathisait avec un parti ou l'autre.
    Un grand nombre de ces problèmes n'ont rien de neuf. Ce qu'il y a de nouveau maintenant, c'est la concentration du pouvoir. Au lieu de deux partis politiques, il y en a maintenant un seul et, plus particulièrement, il y a concentration du pouvoir entre les mains d'un seul homme. Voilà l'origine des préoccupations.
    Et puis, il y a la concentration du pouvoir ou de l'influence, par l'intermédiaire de son parti, à l'égard des institutions. Par le passé, s'il y avait collusion dans les institutions — dans le judiciaire, etc. — il y avait au moins des freins et contrepoids entre les deux partis politiques. Cela disparaît lorsqu'il y a un seul parti politique fort.
    Vous avez dit: « Un seul homme. » Je veux que ce soit clair. Je présume qu'il s'agit de Chávez.
    Je veux dire Chávez, effectivement.
    Vous avez dit que la violence s'aggrave. Des témoignages antérieurs ont fait surgir des questions au sujet des problèmes que la police présente. Le taux de meurtres au Venezuela est l'un des pires au monde.
    Mme Jennifer McCoy: Oui.
    M. Wayne Marston: D'après ce que vous savez, la police est-elle plus complice de ces meurtres qu'elle ne peut l'être dans certains autres pays, ou les militaires...?
(1330)
    Non, je ne crois pas que ce soit le cas. Le Brésil a une réputation horrible. La police y commettrait des exécutions extrajudiciaires, notamment de jeunes soupçonnés d'actes criminels, surtout dans les zones pauvres.
    Au Venezuela, le crime se concentre également dans les zones pauvres. Le problème tient en partie au fait que la police n'y pénètre pas et n'assure aucune protection. Ce n'est pas tant qu'elle participe elle-même à la violence. Comme dans bien des pays, j'ai entendu dire, sans avoir de preuve particulière ni de chiffres, qu'il y a une certaine participation de différentes forces de sécurité — police, garde nationale, militaires — à la criminalité dans certaines régions du pays, pour ce qui est des gangs et des drogues. Ce n'est pas le propre du Venezuela ni de l'Amérique latine. Cela se voit dans tous les pays où on produit de la drogue. Au Venezuela, le problème n'est pas la production de drogues, mais son transit.
    Oui, j'entends dire qu'on est préoccupé par la participation d'agents à ce genre d'activité, mais pour ce qui est des exactions de la police et des militaires, je dois dire que c'est la police qui traite avec les gens. Les militaires ne s'occupent pas des crimes courants dans les rues.
    Une excellente ONG du Venezuela, Provea, tient des dossiers à ce sujet. Son rapport de 2011 vient d'être publié. De 200 à 300 personnes signalent des cas de brutalité policière. Quant à ce qu'on peut définir comme de la torture ou des atteintes à l'intégrité physique de la personne, les chiffres sont très faibles, soit une vingtaine de signalements. Les chiffres sont relativement faibles, mais le problème peut exister. Il faut certainement une réforme de la police. Cela me semble évident.
    On essaie d'apporter des réformes. Réussit-on ou non? C'est une toute autre question.
    Où en suis-je dans mon temps de parole, monsieur le président?
    Il est terminé.
    C'est ce que je me disais.
    Vous êtes très ponctuel.
    Merci beaucoup.
    Nous passons donc à Mme Grewal.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous, madame McCoy, de votre temps et de votre exposé. Nous l'avons tous beaucoup aimé.
    J'ai une ou deux questions à vous poser. D'abord, auriez-vous l'obligeance de nous dire quels sont les contacts du Carter Center avec la société civile et d'autres groupes des droits de la personne au Venezuela? Quelles sont les principales difficultés à surmonter pour obtenir de l'information et documenter les violations des droits de la personne au Venezuela en ce moment?
    Le Carter Center a eu des activités diverses au fil des ans. Comme je l'ai dit, nous avons observé les élections jusqu'en 2006, mais nous ne le faisons plus depuis. Les Vénézuéliens n'ont pas invité de missions électorales internationales depuis. Ils ont invité des particuliers, mais pas des missions systématiques menées par des organisations.
    Nous avons également fait de la médiation, notamment entre 2002 et 2004. Depuis 2008, nous travaillons avec le secteur des médias, des spécialistes des médias, nous intéressant à la bipolarisation. Cette bipolarisation existe toujours dans les médias, et bien des journalistes professionnels sentent des pressions pour se conformer à l'orientation éditoriale du camp dans lequel ils se trouvent. Nous essayons de les aider à s'attaquer au problème, à en parler et à prendre de la formation sur les normes professionnelles. Nous essayons d'apporter des améliorations à cet égard.
    L'accès à l'information et la transparence sont un élément critique. Vous demandez s'il est difficile de documenter les abus ou les sujets de préoccupation; ici, la transparence de l'information gouvernementale est une question très importante. Il n'est pas toujours facile d'obtenir de l'information du gouvernement, et des journalistes du secteur privé ont du mal à couvrir même les conférences de presse du gouvernement, par exemple. On essaie de faire adopter une loi sur l'accès à l'information publique, mais ce n'est pas encore chose faite. L'ONG dont j'ai parlé, qui essaie de suivre toutes sortes de questions de droits de la personne, tire la plupart de ses renseignements de la presse, et elle consulte des centaines de journaux et de médias pour les obtenir. On peut avoir des opinions diverses dans la presse à ce sujet. Nous avons travaillé avec ce secteur.
    Je vais là-bas une fois ou deux par année et j'essaie de rencontrer diverses organisations de la société civile. Nous travaillons parfois avec elles dans des forums de l'hémisphère et dans les assemblées générales de l'OEA, et nous rencontrons des groupes participants de la société civile vénézuélienne. Nous avons beaucoup de contacts avec divers groupes.
(1335)
    Merci.
    Voici mes deux autres questions: la situation politique au Venezuela a-t-elle été influencée par les problèmes de santé du président Chávez? Dans quelle mesure les forces de sécurité ou de police ont-elles contribué aux violations des droits de la personne?
    La situation politique a certainement été influencée à partir de juin dernier, il y a près d'un an, lorsque les problèmes de santé ont été annoncés. Beaucoup de Vénézuéliens, parmi les partisans comme chez les opposants, ont été secoués, car je ne pense pas qu'ils le considéraient comme un être humain mortel, avec les fragilités que nous avons tous et les risques qui planent sur notre santé.
    Cela a fait comprendre que son mouvement devait songer à la succession, à la façon de continuer sans lui, parce qu'il s'agit d'une personnalité hors norme. Il incarne tout ce mouvement, et ceux qui l'appuient s'identifient à lui. Il sera difficile de reporter ce lien sur une autre personne. Ce niveau d'identité, ce lien affectif, l'espoir que les gens ressentent en le regardant et en l'écoutant... Cela ne sera pas facile à reporter sur quelqu'un d'autre, mais à un moment donné, son mouvement et son parti devront nécessairement passer par là.
    Par ailleurs, je crois que l'opposition est maintenant très confiante et peut être plus audacieuse. Elle s'est unifiée cette année pour la première fois. Ce n'est pas vraiment la première fois, mais il y a eu des primaires ouvertes pour choisir un candidat unique pour la première fois. Jusqu'à maintenant, il semble que l'unité se maintienne. Cela l'aidera beaucoup, si on songe aux efforts passés pour lui infliger la défaite électorale. L'opposition a l'impression, je crois, que cela les aidera beaucoup, et elle est donc très confiante.
    L'évolution de l'état de santé est très difficile à prédire. Mais cela a certainement un impact sur le mouvement du président. Il doit essayer de décider comment poursuivre et songer à un successeur. Cela a aussi un impact sur l'opposition, qui entrevoit la possibilité d'accéder au pouvoir.
    L'autre question concernait la police...
    Il s'agissait des forces de sécurité ou de police qui seraient impliquées dans des violations des droits de la personne.
    Comme je l'ai dit il y a quelques minutes, chez certaines organisations des droits de la personne qui ont essayé de documenter la question, il y a des dossiers sur des cas où la police, comment dire, a réagi avec excès, n'a pas bien géré certaines situations et a détenu des gens. Des gens sont détenus brièvement puis relâchés après des protestations. Cela arrive même à des journalistes, par exemple.
    Il y a peut-être une certaine implication, mais rien ne me permet d'affirmer que la brutalité policière soit un problème majeur, si c'est ce que vous voulez dire.
    Merci.
    Après cette question, nous passons à M. Cotler.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous, madame McCoy, de votre exposé très complet.
    Je voudrais revenir sur la question de l'Iran et même de la Syrie. Vous avez dit que, en partie, l'approche du Venezuela pouvait être considérée comme une stratégie Sud-Sud, avec une prise de distance avec les États-Unis. Vous avez ajouté que Chávez n'appuie pas les armes nucléaires, mais l'utilisation de l'énergie nucléaire. Selon des témoignages entendus au Congrès la semaine dernière, on craint que le Venezuela ne déroge au régime de sanctions imposé par l'ONU à l'égard du programme d'armement de l'Iran.
    On semble laisser entendre que, pour Chávez, il ne s'agit pas simplement de croire en l'énergie nucléaire, car nous croyons tous que l'Iran a tout autant le droit que n'importe qui d'autre à l'utilisation pacifique du nucléaire... Il aurait franchi un pas de plus, dérogeant au régime de sanctions imposé non seulement par l'ONU, mais aussi par l'Europe, etc.
    Qu'en pensez-vous?
(1340)
    Je crois comprendre que le Venezuela a fourni des composantes de l'essence, pour lesquelles les États-Unis ont imposé une sanction légère il y a un an contre le Venezuela et à quelques sociétés dans le monde, y compris une société israélienne. Ces composantes étaient fournies à l'Iran. Cela aide l'Iran, qui a besoin d'essence, car elle ne raffine pas son propre pétrole.
    L'autre sujet de préoccupation concerne les banques, le secteur financier. Les banques iraniennes auraient un accès, par l'entremise de filiales vénézuéliennes, afin de contourner des tentatives de contrôle de la capacité financière de l'Iran.
    Je n'ai pas vu de preuve, pour peu qu'on en ait présenté, au sujet d'un soutien quelconque pour les armes nucléaires. Je ne vois pas en quoi cela consisterait, puisque le Venezuela n'a aucune capacité de cette nature. Elle a de l'uranium dans son sous-sol, mais il n'est pas encore en exploitation.
    Je ne vois pas quelles preuves on pourrait avoir, et je n'en ai vu aucune.
    Je n'ai peut-être pas été clair. Je ne dis pas qu'il appuie le programme d'armement nucléaire, mais qu'il n'appuie pas l'ONU et son régime de sanctions contre ce programme, ce qui est un peu différent. Chávez pourrait soutenir que, puisqu'il ne croit pas que l'Iran soit engagé dans un programme d'armement nucléaire, il n'a pas à respecter le régime de sanctions. C'est une de ses explications que j'entrevois. Je dis seulement qu'il n'appuie pas le régime de sanctions; je n'en déduis pas qu'il appuie le programme d'armement.
    Il semblerait aussi qu'il ait fourni à la Syrie du carburant diesel à un moment où ce pays s'en prend à sa propre population. Avez-vous de l'information à ce sujet?
    Rien d'autre que ce que j'ai lu dans la presse, c'est-à-dire que le Venezuela a expédié du carburant diesel en Syrie.
    Comme je l'ai dit, cela fait partie de la stratégie de politique étrangère qui consiste à affirmer son autonomie, son indépendance, tout comme il a défendu Khadafi jusqu'à la fin, mais à peu près uniquement par des déclarations.
    Sur le plan intérieur, je me préoccupe quelque peu de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Selon des témoins, l'absence de pouvoir judiciaire indépendant ou de pouvoir judiciaire solide contribue peut-être aux violations des droits de la personne.
    Vous inquiétez-vous du harcèlement ou de l'intimidation du judiciaire, ou craignez-vous que le pouvoir judiciaire ait un rôle peu efficace pour ce qui est de la protection contre les violations des droits de la personne?
    Le cas le plus en vue, celui qui m'est le plus familier, est celui d'une juge, la juge Afiuni.
    Nous avons déjà vu cela, n'est-ce pas?
    J'ai rencontré la juge le mois dernier, au Venezuela. Je suis allée lui rendre visite. Elle est assignée à résidence. Elle a été libérée de prison.
    Je crois que cette affaire, où la loi n'a pas suivi son cours normalement, a servi également à intimider d'autres juges. C'est un mauvais exemple pour l'indépendance du pouvoir judiciaire.
    Votre centre s'est-il occupé de cette affaire?
    Oui, par des échanges privés et ma visite.
    Recommanderiez-vous que des parlementaires comme nous intervenions?
    Il s'agit toujours de voir si cela peut avoir un impact.
    Il me semble important que les gouvernements et les parlements du monde défendent des principes et, par exemple, les arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, mais il semblerait un peu délicat que le Canada et les États-Unis interviennent à ce sujet, puisqu'ils ne sont pas membres de cette cour. C'est un problème pour nos deux pays, s'ils veulent emprunter cette voie, mais par l'entremise de notre groupe, Friends of the Inter-American Democratic Charter, nous avons essayé de faire respecter cet arrêt.
    Il me semble important de défendre les principes. Le rapporteur spécial de l'ONU a fait de nombreuses déclarations en faveur de la juge Afiuni et il a dénoncé une application irrégulière de la loi. Il est très bien d'agir en ce sens.
    L'impact, c'est une question différente. Les communications privées ont parfois leur utilité. Cela dépend des relations et des bases sur lesquelles ces communications peuvent reposer.
    En dehors de cela, je ne vois pas trop quelle autre intervention il pourrait y avoir. Les déclarations, c'est à peu près tout ce qu'on peut faire.
(1345)
    Merci. J'ai apprécié vos réponses
    Merci.
    À vous, monsieur Hiebert, s'il vous plaît.
    Merci de votre présence parmi nous aujourd'hui.
    Ma première question porte sur cette alliance. Peut-on soutenir que le Venezuela s'aligne sur d'autres pays qui violent les droits de la personne? Nous avons parlé de ses relations avec la Syrie, l'Iran et peut-être d'autres pays dans la région ou ailleurs dans le monde. Selon vous, étant donné le travail dont vous venez de parler pour ce qui est d'aider l'Iran et de blanchir de l'argent par l'entremise de banques vénézuéliennes, s'agit-il là d'un rôle que le Venezuela joue auprès d'un certain nombre de pays?
    Il y a quelques années, on parlait de l'« axe du mal ». Je ne suis pas sûr que la notion puisse s'appliquer ici. S'agit-il d'un club de mauvais garnements? Comment sont-ils perçus, et qui seraient leurs alliés?
    Il faut considérer l'ensemble de la situation beaucoup plus en termes politiques plutôt que du point de vue des droits de la personne ou autrement.
    Pour ce qui est du choix des alliances pour le Venezuela, comme je l'ai dit, l'objectif principal de Chávez a été d'accroître l'autonomie et l'indépendance de son propre pays, de l'Amérique du Sud et de l'ensemble du Sud et d'instaurer un meilleur équilibre dans les structures du pouvoir mondial. C'est ainsi que, effectivement, il a noué des amitiés avec certains des pays qui sont considérés comme des violateurs des droits de la personne ou des régimes autoritaires. Vous avez parlé du Bélarus, de la Syrie et de la Libye.
    Par ailleurs, il a cherché une plus grande intégration à l'intérieur de l'Amérique du Sud, avec le Brésil et maintenant avec le Mexique et la Colombie. Ce dernier pays est l'un des alliés les plus proches des États-Unis dans la région. C'est une stratégie d'intégration qui assurera une plus grande indépendance à l'Amérique latine.
    Il a aussi essayé de diversifier l'économie et les relations commerciales, passant de la dépendance à l'égard des exportations de pétrole vers les États-Unis à des relations beaucoup plus diverses et essayant d'exporter du pétrole vers la Chine.
    Je crois que la question est beaucoup plus vaste. Cela ne se résume pas à dire qu'il se lie d'amitié avec de mauvais garnements ou qu'il s'aligne sur l'axe du mal. Les relations ne se résument pas aux mauvais garnements, mais on s'attarde à cet aspect dans les médias. Cela attire notre attention et nous trouble, mais il faut voir la stratégie d'une façon beaucoup plus large.
    Un témoin que le comité a entendu parler de la force policière et de la corruption qui y existe. On me dit qu'une réforme de la police nationale est en cours. Pourriez-vous nous parler un peu de cette réforme? Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé d'apporter cette réforme? Quels sont les objectifs du processus? Quels ont été les résultats jusqu'à maintenant?
    J'ai dit qu'une commission avait été mise sur pied en 2007. Le gouvernement s'est aperçu qu'il y avait un problème au Venezuela et qu'il fallait faire quelque chose. Il a donc créé une commission. Elle a fait d'excellentes recommandations, que le gouvernement n'a pas toutes retenues. Toutes n'ont certainement pas été mises en oeuvre. Les ministres chargés de la réforme ont changé, et chaque ministre apporte un point de vue différent.
    L'une des décisions a été de créer une police nationale, par opposition à des forces policières sous contrôle local. On essaie de faire ce travail, d'assainir certaines forces policières et de faire passer, en principe certains des meilleurs agents dans la force nationale, et d'assurer une meilleure formation. Voilà l'idée, le principe suivi pour essayer de créer une police plus efficace et de se débarrasser d'agents corrompus, qui abusent de leur pouvoir ou manquent de formation. Le processus est en marche, mais le chemin à parcourir est long. On est maintenant dans un entre-deux, dans un processus de transition.
    Comme dans bien des pays, il y a aussi les services de renseignement. Sur le plan des droits de la personne, on a exprimé plus de préoccupations au sujet de leur rôle. Et puis, comme nous l'avons déjà dit, je ne pense pas que les militaires aient tellement de contacts avec les simples citoyens, mais pour ce qui est des risques de corruption, j'ai entendu des choses à ce sujet. Encore une fois, il est très difficile d'avoir des preuves directes dans des questions comme celles-là, et je n'en ai pas, pour ma part. Ce sont plutôt des choses que j'entends dire, et j'étudie les rapports de diverses organisations de surveillance, des observateurs qui essaient de recueillir des faits au Venezuela.
(1350)
    Combien de temps me reste-t-il?
    Trente secondes.
    Je serai très bref.
    Certains ont dit au comité que, au lieu de dénoncer des violations des droits de la personne au Venezuela, nous devrions ranger nos armes, pour ainsi dire, et travailler dans les coulisses, plutôt que d'emprunter la voie de l'affrontement.
    Avez-vous une opinion sur les méthodes qui peuvent donner des résultats au Venezuela? Travailler en coulisse est-il plus efficace que l'affrontement?
    Je n'ai pas trouvé l'affrontement efficace. Il provoque une réaction négative, une confrontation en retour, et ce n'est pas très efficace.
    Cette année, notamment, comme je l'ai dit, est une année d'incertitude et peut-être de transition. C'est une année extrêmement importante pour mettre l'accent beaucoup plus sur la protection des droits politiques et électoraux et sur la promotion de la réconciliation et du dialogue plutôt que sur la confrontation.
    Les risques de confrontation à l'intérieur du Venezuela, si une élection est extrêmement proche, et si elle devait être remise en cause par un camp ou l'autre — celui qui perdra —, et les risques de violence et de conflit sont déjà assez élevés sans que nous cherchions à en ajouter. Du reste, le message du candidat de l'opposition met l'accent sur la réconciliation, l'unité et le progrès du pays.
    Selon moi, différentes initiatives de dialogue pour rassembler les gens, comme les nôtres dans le secteur des médias, où nous réunissons des journalistes des deux camps, sont beaucoup plus importantes pour l'avenir du Venezuela à long terme, et elles seront un investissement dans l'avenir de ce pays. La confrontation nous donnerait peut-être de la satisfaction, mais elle n'aurait pas un impact important. Elle pourrait être contreproductive.
    Nous sommes de retour à M. Marston.
    Merci, monsieur le président.
    Madame McCoy, j'aime encore beaucoup votre témoignage.
    Dans une certaine mesure, je crois que Chávez est le produit de la politique étrangère des États-Unis en Amérique du Sud pendant des générations, par exemple l'affaire des Contras et les sandinistes au Nicaragua. Il y a des similitudes qui me frappent, car lorsque les sandinistes ont pris le pouvoir à la faveur de ce que certains ont alors appelé une révolution populaire et qu'il y a une réaction majeure chez certains éléments du gouvernement américain, et je m'abstiendrai de blâmer qui que ce soit, il y a eu beaucoup de controverse.
    Seriez-vous d'accord pour dire que, au moins à première vue, les objectifs initiaux de Chávez étaient d'éduquer une population autochtone et d'autres éléments qui étaient marginalisés et n'avaient pas l'éducation nécessaire, et aussi de réduire la pauvreté dans le pays? Croyez-vous que ce fut un élément de motivation au départ?
    Oui, je le crois. C'était assurément un de ses objectifs. Je le répète, il avait un objectif en politique étrangère, un objectif mondial, et un objectif sur le plan intérieur, comprenant la redistribution de revenu et du pouvoir politique à l'intérieur du pays et la satisfaction des besoins des pauvres.
    Autre chose. Quelqu'un m'a demandé, et c'était peut-être vous, s'il n'y avait pas une division des classes, si le président avait les riches contre lui et les pauvres pour lui. Ce n'est pas tout à fait le cas. Lorsqu'il a été élu la première fois, en 1999, il avait l'approbation de plus de 80 p. 100 de la population. Il avait donc clairement de nombreux appuis dans le secteur privé, les entreprises, etc. Il a commencé à perdre ces appuis, si bien que, lorsqu'on divise la population en quintiles selon le revenu, les deux premiers quintiles sont presque uniformément contre lui, celui du milieu est partagé, et les deux derniers sont également divisés. Autrement dit, tous les pauvres ne sont pas nécessairement pour Chávez et les riches contre lui. C'est plus complexe. Comme il y a plus de pauvres, il y a une certaine division là aussi.
(1355)
    Pour en revenir à cette association avec l'Iran, il y a eu la profanation de synagogues et d'autres incidents que d'aucuns attribuent à cette relation avec l'Iran. Est-ce votre avis? Est-ce simplement de l'antisémitisme comme il y en a dans bien des pays? Voyez-vous un rapport entre ces incidents et la relation avec l'Iran ou l'antisémitisme se manifeste-t-il spontanément?
    Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de preuves, en ce qui concerne la présence du Hezbollah au Venezuela, par opposition à une zone plus au sud. C'est en Argentine et dans le triangle situé entre le Paraguay, le Brésil et l'Argentine, je crois, qu'il y a plus de preuves de cette présence. Chose certaine, il y a un lien beaucoup plus clair avec l'Iran dans le cas des attentats à la bombe contre des synagogues en Argentine.
    Au Venezuela, nous avons entendu des déclarations sur l'antisémitisme et il y a eu des inquiétudes au sujet d'une ou deux synagogues. J'ai entendu des points de vue différents à ce sujet selon lesquels il faut aborder la question plutôt sur le plan politique au lieu d'y voir une stratégie mondiale qui soit particulièrement antisémite d'un point de vue ethnique, racial ou religieux.
    J'ai un peu de mal à qualifier les faits, mais je ne suis pas certaine qu'il faille y voir de l'antisémitisme à motivation religieuse et je ne vois pas avec certitude ce qui peut venir de l'Iran; c'est plutôt une confrontation politique axée sur la relation entre Israël et les États-Unis et le fait que Chávez a pris parti pour la cause palestinienne. Le filtre politique permet peut-être d'expliquer certaines déclarations, mais je ne peux pas vous donner une réponse très assurée.
    Désolée de la longueur de ma réponse.
    C'est très utile.
    M. Sweet a une autre question, et j'en ai une ou deux également.
    Madame McCoy, il y a un point sur lequel il faut se prononcer clairement, me semble-t-il, puisque le sous-comité s'occupe des droits de la personne: y a-t-il la moindre vérité dans l'idée selon laquelle les partis d'opposition se sont également rendus coupables de violations des droits de la personne? En avez-vous entendu parler? Des témoins en ont parlé au cours de leur comparution.
    Il y a un ou deux cas qu'il faudrait peut-être examiner.
    Un incident remonte à la grande marche de 2002. Elle a abouti aux violences qui ont donné lieu au coup d'État contre Chávez. Il n'y a jamais eu d'enquête solide sur ces violences; mettons qu'il n'y a pas eu d'enquête concluante pour trouver les responsables des morts à l'époque. Il y a encore des controverses à ce sujet. Qui étaient ces tireurs isolés? Qui les commandait? Qui a tiré sur qui?
    Et aussi, immédiatement après le coup d'État, pendant les deux jours où l'opposition était au pouvoir, il y a eu des persécutions contre les Chavistas, et des gouverneurs et maires élus ont été pourchassés et se sont cachés, craignant les persécutions. Pendant ces 48 heures, il y a eu de la violence contre les partisans de Chávez et des morts parmi eux. Il n'y a pas eu d'enquête concluante, mais pendant cette période, je dirais qu'il y a eu des violations d'un côté comme de l'autre.
    L'autre cas dont vous avez peut-être entendu parler, c'est la Lista Tascon, qui était une liste de pétitionnaires pour le référendum de révocation de 2004. Les Vénézuéliens en parlent encore aujourd'hui, et ils craignent de l'intimidation contre l'exercice du droit de vote s'il est su qu'on est partisan du vote de l'opposition. C'est qu'il y a eu de la discrimination contre ceux qui ont signé la pétition sur la révocation lorsqu'elle est devenue publique. Pendant un certain temps, le gouvernement s'est servi de cette liste pour retirer à des gens des postes dans l'administration publique et peut-être des prestations de l'État. Telles sont les allégations.
    Il y a eu des allégations semblables dans le camp adverse. Des entreprises privées auraient exigé que des gens signent pour obtenir le référendum de révocation, au risque de perdre leur poste. Il y a eu également des pétitions de révocation de députés de Chávez, c'est-à-dire des législateurs. Les gens du camp adverse signaient ces pétitions. Tout cela s'est produit en même temps, en 2004. D'autres allégations veulent que les partisans de Chávez aient été punis par le secteur privé.
    Ce sont là, je crois les deux cas où des allégations semblables ont surgi et où les faits allégués se sont peut-être produits.
(1400)
    J'ai une ou deux questions également.
    La première concerne les idées récentes de l'administration vénézuéliennes voulant que le pays se retire de la Commission interaméricaine des droits de l'homme et de l'OEA. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? Quel impact cela aurait-il sur ses relations avec nous?
    Le problème de l'OEA... Je ne pense pas que le Venezuela menace de se retirer de l'OEA, mais ce pays a été un fervent partisan de la création de nouvelles organisations dont les États-Unis et le Canada seraient exclus. La plus récente a eu sa deuxième réunion récemment. Ce n'était pas sa première réunion, mais la deuxième. Il s'agit de la Communauté d'États latino-américains et caraïbes, qui s'est réunie au Venezuela en décembre. Y ont participé tous les pays de l'hémisphère, y compris Cuba, à l'exception du Canada et des États-Unis.
    Il y a aussi l'UNASUR, organisation qui comprend uniquement des pays de l'Amérique du Sud; elle regroupe le Venezuela, la Colombie et les pays plus au sud. Elle s'est donné un secrétariat et a choisi un secrétaire général. C'est elle qui a le plus de chances de devenir une organisation susceptible de concurrencer l'OEA. Je ne crois pas que les autres puissent le faire.
    L'OEA demeure la seule organisation qui non seulement s'étend à tout l'hémisphère, mais qui a aussi une capacité bureaucratique étendue, depuis l'éducation jusqu'aux sciences en passant par les drogues, sans oublier le système interaméricain des droits de la personne, qu'il me semble absolument crucial de protéger. C'est un vrai joyau de l'hémisphère.
    Le fait que le Venezuela ne reconnaisse pas le dernier arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l'homme fait problème, et c'est pourquoi les Friends of the Inter-American Democratic Charter ont fait une déclaration publique à ce sujet. Ce n'est certainement pas la première fois dans l'hémisphère qu'un arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l'homme est rejeté ou laissé de côté, mais je crois que nous tenons à nous opposer à ce rejet et à défendre la cour.
    Encore une fois, le problème pour le Canada et les États-Unis, c'est que nous n'en sommes pas membres. Il leur est donc plus difficile de se prononcer.
    La dernière question que j'ai à poser, je l'ai adressée aussi à notre dernier témoin.
    Le taux de meurtres au Venezuela est très élevé. C'est dans cette partie du monde qui a un taux très élevé, mesuré en nombre d'homicides intentionnels par tranche de 100 000 habitants. Ce qui me frappe, ce n'est pas seulement le fait que le taux soit si élevé par rapport à celui d'autres pays; ce n'est pas non plus la comparaison entre l'époque antérieure à Chávez et celle qui a suivi. C'est plutôt l'augmentation rapide entre l'avant-dernière année pour laquelle il y a des chiffres, soit 2010, et 2011. Il y a une montée vertigineuse, entre 48 homicides et 67 homicides par tranche de 100 000 habitants. La hausse est d'environ 40 p. 100.
    J'essaie de connaître la cause. Cela montre peut-être que le système est en train de changer. C'est peut-être parce qu'on essaie de créer une force policière nationale unique, mais c'est pure spéculation de ma part, sans aucune preuve sinon que l'idée m'a traversé l'esprit. Avez-vous la moindre idée de ce qui a provoqué cette hausse énorme?
    Je pose également ces questions lorsque je vais au Venezuela. C'est peut-être la résultante de plusieurs facteurs.
    L'un d'eux est la transition dans la force policière, qui n'est peut-être pas une présence favorable dans certains secteurs, ou peut-être simplement le fait qu'elle n'est pas présente du tout dans des zones pauvres où le taux de criminalité est plus élevé. Une autre raison, c'est peut-être le déplacement de la violence liée à la drogue. Le Venezuela n'est pas un producteur, mais comme le Mexique et la Colombie sévissent contre les trafiquants, les éléments situés en aval du trafic pourraient se déplacer vers le Venezuela, du côté où se fait le transit. Une autre possibilité encore, c'est que, paradoxalement, lorsque la croissance économique se renforce, le crime semble à la hausse. C'est contre-intuitif, mais c'est ce qui semble se passer. Un autre facteur pourrait être la disponibilité des armes légères dans la population et l'utilisation de ces armes.
(1405)
    Mais cela n'a sûrement pas changé de façon dramatique entre 2010 et 2011. Il ne peut pas y avoir un changement majeur.
    Non, probablement pas. Ce serait sans doute une augmentation graduelle seulement.
    Je vous remercie beaucoup d'avoir accepté de comparaître. Tous les députés ont trouvé votre témoignage très utile. Ce fut une façon constructive et instructive de conclure nos audiences sur le Venezuela. Je suis heureux que vous ayez pu vous joindre à nous.
    En passant, je ne sais même pas d'où vous venez. Êtes-vous à Washington en ce moment?
    Je me trouve à Atlanta, en Géorgie.
    Vous êtes à Atlanta. Vous avez une photo de fleurs derrière vous.
    Une voix: C'est Carterland.
    Oh, oui.
    Ce fut un vrai plaisir de vous accueillir. Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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