Monsieur le président, mesdames et messieurs, j'aimerais remercier le sous-comité de me donner l'occasion de vous parler de la violence sexuelle contre les femmes dans la République démocratique du Congo.
C'est également un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui, car les racines de la famille de ma mère étaient ici à Ottawa et remontent au début des années 1800, lorsque mes ancêtres sont arrivés du pays de Galles et de l'Irlande. Je suis ravie d'être ici.
Je m'appelle Kristin Kalla, et je suis la responsable principale du Fonds au profit des victimes, et également fonctionnaire hors classe à la Cour pénale internationale de La Haye. En tant qu'anthropologue en santé publique internationale se spécialisant dans la santé reproductive des femmes, j'ai passé la majeure partie des 25 dernières années à vivre et travailler dans des collectivités qui ont subi des violences graves et chroniques, des conflits et des violations des droits de la personne en Afrique, au Moyen-Orient, dans les Balkans et en Asie centrale. J'ai été témoin du coût humain horrible de la guerre et de la violence qui dévastent les peuples, les sociétés et les structures qui les appuient.
Il y a 55 ans, les Nations Unies ont reconnu, pour la première fois, l'effet dévastateur des pires crimes contre l'humanité, notamment du génocide. Le Statut de Rome a ensuite repoussé les frontières de la justice internationale, en conférant un rôle de premier plan aux victimes elles-mêmes dans un outil international alliant un tribunal, la Cour pénale internationale, et un mécanisme de réparation, le Fonds au profit des victimes, dont la responsabilité est d'offrir aux victimes de crimes relevant de la compétence de la CPI une aide à la réhabilitation ainsi qu'un dédommagement.
Au sujet de son premier rôle, la CPI peut ordonner que les sommes d'argent et les autres biens provenant des amendes et des confiscations à la suite d'une condamnation soient transférés au fonds pour la mise en oeuvre des ordonnances de réparation. Cependant, le fonds peut également bonifier ses ressources par des contributions volontaires des États et d'autres donateurs. Notre conseil de direction peut déterminer dans quelle mesure le fonds bonifiera les réparations accordées par la cour, conformément à la règle 56 du règlement du fonds.
L'aide générale aux victimes offerte par le fonds provient des contributions volontaires. Elle est utilisée avant la fin du procès à la CPI et ne se limite pas aux victimes participant aux procédures devant la cour. L'aide à la réhabilitation peut débuter une fois que le conseil de direction a avisé la Chambre préliminaire de la nécessité d'aider les victimes, tant que cela n'a pas d'effet sur l'équité du procès, tel que prévu par la règle 50 du règlement du fonds.
Le mandat d'aide agit comme une réponse immédiate aux besoins urgents des victimes survivantes et leurs familles qui ont souffert des pires crimes en matière de droit international. Par son travail exhaustif dans les situations où les procédures de la CPI sont en cours, le fonds a créé une présence sur le terrain qui peut servir à renseigner la cour sur les besoins des victimes et les réalités concrètes des situations pertinentes, de même que prévoir un mécanisme pour offrir les réparations. Le Fonds au profit des victimes apprend des leçons utiles à propos du rôle unique qu'une cour pénale internationale peut jouer pour s'occuper des droits et des besoins des victimes de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Par des activités régulières de surveillance, d'évaluation et de recherche ciblée, le fonds documente et diffuse ses leçons pour approfondir son travail.
Or, le droit pénal international n'est pas axé sur les victimes, et ceux qui attendent réparation par l'entremise des règlements judiciaires internationaux ont toujours été mis en garde contre tout excès d'optimisme quant aux résultats. Même si la question des victimes commence à occuper une place prépondérante dans le droit international relatif aux droits de la personne et dans le droit humanitaire, les recours mis à la disposition des victimes demeurent insuffisants et incohérents.
En outre, même s'il est notoire que les femmes jouent un rôle crucial pendant et après les violences en cherchant les victimes ou leurs restes, en exigeant que justice soit faite et en ne ménageant aucun effort pour soutenir et reconstituer les familles et les collectivités, il reste que la plupart des programmes de justice et de réparation n'ont pas été conçus dans un esprit d'égalité des sexes et que la réflexion théorique sur les mesures à prendre pour corriger la situation est très peu avancée.
La CPI s'occupe officiellement de cas liés aux conflits dans le Nord de l'Ouganda, au Darfour, en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, au Kenya, dans la foulée de la violence postélectorale, en Libye et maintenant en Côte d'Ivoire.
Aujourd'hui, je ne parlerai que d'une seule situation qui occupe le fonds depuis 2007, celle qui prévaut en RDC.
Les conflits et l'insécurité perdurent dans les provinces de l'est de la RDC. Selon des rapports des Nations Unies, les conflits ont fait cinq millions de morts parmi les civils depuis les années 1990.
En novembre 2003, le gouvernement congolais a demandé à la CPI d'ouvrir une enquête et de poursuivre les auteurs des pires crimes, et en mars 2004, les premiers cas ont été renvoyés devant la cour. Des procès sont en cours, et une première condamnation a été prononcée dans l'affaire Lubanga il y a seulement quelques mois.
Depuis, de multiples rapports bien documentés faisant état d'assassinats collectifs, d'exécutions sommaires, de viols systématiques, de tortures, de déplacements forcés et d'utilisation illégale d'enfants-soldats ont été publiés. On estime qu'au plus fort des six années de guerre en RDC, plus de 33 000 enfants participaient aux combats au sein de groupes armés et que près de 30 p. 100 d'entre eux étaient des filles. Depuis 1996, les violences sexuelles ont été utilisées pour intimider, humilier et torturer des centaines de milliers de femmes et de filles en République démocratique du Congo.
Il est reconnu que la violence sexuelle contre les femmes et les filles est la forme de violence la plus courante et la forme de criminalité la plus répandue. Le viol est devenu une arme de guerre utilisée pour punir les collectivités de leur loyauté politique, ou aux fins de nettoyage ethnique.
Le Fonds des Nations Unies pour la population a signalé 16 000 nouveaux cas de violence sexuelle à la grandeur du pays en un an seulement, dont près de 5 000 au Nord-Kivu seulement. Les Nations Unies ont également signalé qu’au cours de la même période, plus de 65 p. 100 des victimes de viol étaient des enfants, majoritairement des filles, et que près de 10 p. 100 avaient moins de 10 ans. Comme la plupart des victimes renoncent à signaler le viol en raison de la honte qu’elles ressentent et de la peur des répercussions sociales, ces chiffres doivent être considérés comme un strict minimum. En RDC, l’esclavage sexuel et d’autres formes de violence sexuelle et sexiste ont également fait de nombreuses victimes chez les enfants soldats, filles et garçons.
Force est de reconnaître que notre réponse collective à ces violences est inefficace et que notre échec à réagir en tant que communauté internationale ne fait que s’amplifier avec le temps parce que les répercussions des violences sexuelles perdurent longtemps après la perpétration de l’acte, fragilisant et menaçant tout espoir de paix, de réconciliation et de sécurité. La communauté internationale contribue à la sécurité, la stabilité et la reconstruction, mais elle oublie les répercussions à court et à long terme des violences sexuelles utilisées comme tactique de guerre.
Les conséquences à long terme de la violence sexuelle sont multiples, non seulement sur le plan médical, mais également sur les plans psychologique et socioéconomique. Les séquelles physiques sont diverses: membres coupés ou cassés, brûlures corporelles, fistules rectovaginales, infections transmises sexuellement, grossesse, incontinence urinaire et même mort. En RDC, il est très difficile de traiter efficacement ces blessures et de nombreuses rescapées demeurent malades ou défigurées à vie. Plus la victime est jeune, plus les séquelles sont graves. Les jeunes filles qui n’ont pas atteint leur plein développement risquent d’avoir des problèmes à l’accouchement pouvant causer des fistules et même leur décès
Les répercussions psychologiques et sociales sont également nombreuses, par exemple, le trouble de stress post-traumatique, la dépression et même le suicide. Ces séquelles sont particulièrement graves lorsque des hommes ont été forcés à la pointe du fusil d’agresser sexuellement leurs propres filles, leurs soeurs ou leur mère, parfois au moyen d’objets.
Sur le plan social, la conséquence la plus courante est la mise à l’écart de la victime par sa famille et sa collectivité. Les victimes de viol sont souvent considérées comme impures, sont fréquemment abandonnées par leur mari et, si elles ne sont pas mariées, elles ont de la difficulté à se trouver un mari. Poussée à l’extrême, cette stigmatisation peut prendre la forme de crimes d’honneur – la victime est tuée par sa famille ou des membres de la collectivité parce que, selon la croyance, elle leur a apporté la honte et le déshonneur. Les jeunes femmes ou les filles qui sont rejetées de chez elle ou qui quittent leur famille parce qu’elles ont honte risquent d’être encore plus vulnérables aux abus.
En RDC, l’enrôlement forcé d’enfants dans l’armée ne fait qu’aggraver ces séquelles psychologiques. Les filles soldates victimes de violences sexuelles subissent des conséquences particulières de la période qu’elles ont passée au sein des forces armées ou des groupes armés. La réprobation dont elles sont l’objet est d’une nature foncièrement différente: elle dure beaucoup plus longtemps, est nettement plus difficile à combattre et est plus marquée, surtout lorsqu’un enfant naît de cette épreuve.
Un psychanalyste travaillant dans le cadre de l’un de nos projets d’assistance en RDC a présenté au fonds un rapport faisant état du traumatisme intellectuel et émotionnel vécu par les filles soldates qui avaient de jeunes enfants. Selon des psychologues, les séquelles psychologiques du conflit ne sont pas les mêmes chez les filles que chez les garçons. En plus d’être stigmatisées et marginalisées comme des « rebelles », comme les garçons, la plupart des filles ont subi des violences sexuelles. Elles sont donc traumatisées, n’ont plus d’estime de soi et, lorsqu’elles retournent chez elles, elles sont rejetées par leur collectivité et leur famille.
En 2010, le Fonds au profit des victimes a entrepris une étude auprès de quelque 2 600 rescapées du nord de l’Ouganda et de la RDC afin que nous puissions mieux comprendre les répercussions des violences et analyser les diverses attitudes en matière de réadaptation, de réconciliation, de justice et de réparation. L’une des conclusions intéressantes de notre étude est la dimension sexospécifique des répercussions des violences; autrement dit, les répercussions ne sont pas les mêmes pour les femmes et les filles que pour les hommes et les garçons. Notre étude indique que, parmi les bénéficiaires du Fonds, les séquelles psychologiques et sociales sont plus graves chez les femmes. Cela explique pourquoi les femmes ont une attitude différente des hommes en ce qui a trait à la justice, la réhabilitation, la réparation et la réconciliation.
À toutes les questions sauf une, les femmes ont dit avoir éprouvé des symptômes psychologiques plus graves et entretenir des relations plus difficiles avec leur famille et leur collectivité. Les femmes et les filles ont été deux fois plus nombreuses à répondre que leur famille ne se souciait « pas du tout » d’elles. Elles ont également été deux fois plus nombreuses que les hommes à dire qu’elles se sentaient souvent « tristes » et presque deux fois plus nombreuses à dire qu’elles se sentaient souvent seules. Le tiers des femmes et des filles ont affirmé se sentir souvent « éloignées ou coupées des autres », comparativement au cinquième des hommes et des garçons. Dans l’ensemble, dix pour cent des répondantes ont affirmé n’avoir aucune confiance en leur collectivité et autant ont répondu avoir l’impression de ne pas être importantes du tout au sein de leur collectivité.
Au cours de notre enquête, nous avons également rencontré des filles soldates victimes de viol – 68 p. 100 ont déclaré être toujours maltraitées par leur collectivité d’origine, comparativement à 26 p. 100 des garçons soldats interrogés.
Les jeunes mères d’un enfant né d’un viol étaient, quant à elles, non seulement marginalisées au sein de leur propre collectivité, mais elles vivaient un tourment constant entre leur amour maternel et le souvenir du viol que l’enfant évoque chez elles. Nous devons donc veiller à ce que les enfants nés d’un viol soient acceptés au sein de la collectivité, qu’ils jouissent des mêmes droits que les autres enfants et que leurs besoins fondamentaux soient satisfaits.
Notre étude révèle que les besoins quotidiens concrets et urgents des rescapées vivant dans un milieu pauvre en ressources et les violences qu’elles ont subies durant un conflit, façonnent l’opinion de ces victimes en ce qui a trait à la justice, la réconciliation, la réparation et la responsabilité. Lorsqu’on leur a demandé si elles avaient l’impression que justice leur avait été faite, plus de 70 p. 100 des jeunes mères victimes de viol en DRC ont répondu non, comparativement à 21 p. 100 des anciens garçons soldats et 17 p. 100 des enfants rendus vulnérables à cause de la guerre.
En vertu du Statut de Rome, le viol et les autres formes de violence sexuelle peuvent constituer un crime de guerre, un crime contre l’humanité et un génocide. En ce qui concerne les cas dont s’occupe la CPI, des accusations de crimes sexistes ont été portées dans sept des treize affaires dont la Cour est saisie. Des accusations de crimes sexistes ont également été portées dans l’affaire Katanga-Ngudjolo.
L'aide que le fonds apporte aux victimes de violence sexuelles et sexospécifiques constitue une étape clé pour mettre fin à l'impunité des coupables, établir une paix et une réconciliation durables dans le contexte d'un conflit et appliquer avec succès les résolutions 1325, 1820, 1880 et 1889 du Conseil de sécurité de l'ONU. Trois stratégies sont employées à cet effet: premièrement, veiller à intégrer systématiquement à tous les programmes l'analyse comparative entre les sexes; deuxièmement, cibler spécifiquement les crimes de viol, d'esclavage, de grossesse forcée, ainsi que toutes les formes de violence sexuelle et sexospécifique; troisièmement, permettre aux femmes et aux filles de prendre contrôle de leur destinée, point de départ essentiel à tout processus de réadaptation, de réconciliation et d'établissement de la paix.
Le fonds finance actuellement 34 projets visant quelque 82 000 rescapées et leurs familles, en Ouganda et en RDC. Parmi ces bénéficiaires, il y a plus de 5 000 victimes de violences sexuelles et sexistes, dont 200 filles enlevées ou enrôlées et réduites en esclavage sexuel par des groupes armés et 780 enfants de femmes victimes de campagnes de viol systématique ou chassées de là où elles habitaient.
Le fonds épaule ses partenaires locaux et internationaux, comme Oxfam-Québec, qui offrent des programmes de réadaptation physique et de réhabilitation psychologique ainsi qu’un soutien matériel. Ces mesures d’aide sont définies par la loi et peuvent prendre diverses formes.
Dans le cadre de la réadaptation physique, mentionnons la chirurgie reconstructive, la chirurgie générale, l’extraction de balles ou de fragments de bombe, les prothèses et appareils orthopédiques, l’orientation vers des services de santé pour traitement de fistules et, pour le VIH, les tests de dépistage, le traitement, les soins et le soutien.
Dans le cadre de la réhabilitation psychologique, on trouve le soutien post-traumatique individuel ou en groupe, la création de groupes de musique, de danse ou de théâtre afin de favoriser la cohésion sociale et la guérison, la sensibilisation communautaire aux droits des victimes et la promotion de la réconciliation.
Le soutien matériel comprend l’accès à des habitations sécuritaires, la formation professionnelle, les programmes de réinsertion des anciens enfants soldats, l’aide à l’épargne et à l’emprunt dans les villages, les bourses d’études et les cours d’alphabétisation accélérés.
Le fonds a lancé plusieurs projets dont les principales intervenantes sont des femmes et des filles touchées par la guerre. L’un de ces projets donne une idée de l’ampleur des violences sexuelles perpétrées en RDC et du potentiel d’espoir que représentent ces femmes et ces filles qui reçoivent un soutien.
À titre d’exemple, le fonds aide un de nos partenaires internationaux de la province d’Ituri, dans l’est du Congo, à mettre en oeuvre un programme d’apprentissage accéléré et un centre de jour pour les filles qui ont donné naissance pendant leur captivité. Ces filles sont souvent mises au ban de leur collectivité en raison de leur passé de soldate et des violences sexuelles qu’elles ont subies. Le fait d’avoir un bébé est un motif supplémentaire de stigmatisation sociale, un obstacle aux études et un fardeau économique constant. Lorsqu’elles reviennent dans leur famille avec leur enfant, bon nombre d’entre elles sont rejetées par leurs propres parents.
Les efforts doivent surtout viser à sensibiliser les parents d’anciennes soldates à leurs responsabilités afin qu’ils jouent un rôle dans l’éducation et la réhabilitation de leur fille et de leur petit-enfant – il est important de rétablir le lien entre ces filles, leurs enfants et leurs familles.
À titre d’exemple, le fonds a financé des comités de parents et les a encouragés à s’engager dans des activités lucratives pour payer les frais de scolarité de leurs filles. Cette assistance à long terme s’accompagne d’un soutien psychologique ainsi que de mesures de sensibilisation et d’éducation à la paix. L’école financée par le fonds offre aux filles la chance de rattraper le temps perdu pendant leur captivité et d’établir un lien positif avec leur enfant.
Ce projet, qui en est à sa quatrième année, continue d’avoir une incidence positive sur plusieurs fronts. L'effet le plus immédiat, le plus fort, est de renforcer le lien mère-enfant. En s'occupant de leurs enfants à la garderie du centre, les jeunes mères s’aperçoivent qu’elles ne sont pas seules et que leur bébé peut parfois être une source de fierté. Au bout de quelques mois seulement à l’école, la plupart des filles se mettent à porter leur enfant en public, habillées de l’uniforme de l’école. C’est indiquer on ne peut plus clairement qu’être mère et élève, loin d’être une honte, est une réussite remarquable.
Au Sud-Kivu, le fonds soutient l’organisme local Action for Living Together – ou ALT – actif à Bukavu depuis 1999. En collaboration avec l’hôpital général Panzi de Bukavu, ALT gère le foyer de transition DORCAS pour les rescapées de violences sexuelles qui ne peuvent retourner chez elles après leur traitement.
L’hôpital général Panzi traite une dizaine de victimes d’agression sexuelle par jour, soit 3 600 cas en moyenne par année. Depuis 2000, l’hôpital a traité quelque 16 000 victimes de viol, dont certaines souffrant de fistule obstétricale. Les rescapées peuvent vivre à la maison de transition aussi longtemps qu’elles le souhaitent et suivre des cours de lecture, d’écriture et d’artisanat.
Beaucoup de nos partenaires comptent, parmi leur personnel, des intervenants, des travailleurs sociaux et des conseillers qui travaillent auprès des victimes de violences sexuelles. Au Nord-Kivu, par exemple, l’un de nos partenaires emploie une psychologue à temps plein chargée de développer des capacités locales de traitement des traumatismes liés à la violence sexuelle et sexiste, notamment au moyen d’une formation en thérapie et en techniques d’entrevue. Dans le cadre de son travail, la formatrice interagit directement avec les plus traumatisées des 550 bénéficiaires de ce projet financé par le fonds.
Une femme violée par un soldat démobilisé au Nord-Kivu était incapable de parler lors de sa première rencontre avec la conseillère qui voulait connaître son histoire. Elle ne communiquait que par gestes. Selon la conseillère, la femme passait la journée enfermée dans sa chambre à pleurer, dégoûtée de la vie. Au début, elle refusait tout traitement, puis elle a commencé à s’ouvrir et à parler de son traumatisme d’abord à la conseillère et ensuite au groupe de femmes que cette dernière réunissait périodiquement pour raconter leur expérience. Cette femme a raconté, qu’avant le traitement, son coeur battait très vite et qu’elle ne pouvait le contrôler. Elle était épuisée à cause de ses crises de panique. Aujourd’hui, grâce aux séances de thérapie, elle constate que son coeur est en voie de guérison. Lors de sa dernière séance de groupe, elle a avoué qu’elle avait fini par pardonner à l’homme qui l’a violée et que, maintenant que le pire de sa dépression et de son stress était derrière elle, elle voulait désormais concentrer toute son énergie à l’atelier de couture qu’elle avait mis sur pied grâce au fonds.
Il est important que la communauté internationale et les autorités nationales de pays comme la RDC soutiennent le développement et le renforcement des mécanismes judiciaires conçus pour offrir recours et réparation aux victimes de violences sexuelles et sexistes. Bien qu’il soit impossible d’effacer complètement le mal causé par ces crimes les plus graves, il est possible d’aider les rescapées de violences sexuelles à retrouver leur dignité, à rétablir les liens avec leur famille et leur collectivité et à regagner leur place comme membres à part entière de leur société.
Nous avons eu la preuve que cela est possible grâce à notre programme d’aide à la réhabilitation en République démocratique du Congo financé par le Fonds de la Cour pénale internationale au profit des victimes. Pour protéger les victimes actuelles et à venir des traumatismes destructeurs et des coûts qu’entraînent les conflits, la communauté internationale doit œuvrer de concert à prévenir le déclenchement et la propagation des conflits violents. En remédiant aux causes profondes des conflits et en poussant à la résolution non violente de différends impliquant des femmes, nous favoriserons l’avènement d’un monde de paix. Le coût de la prévention est minuscule, au vu de celui des conflits meurtriers.
Le fonds est encouragé par les efforts de ses courageux partenaires locaux. Plusieurs sont des femmes des collectivités locales qui travaillent sans relâche pour soutenir les rescapées de violences sexuelles et les aider à devenir autonomes. Nous sommes également reconnaissants envers des gouvernements qui, comme celui du Canada, au moyen de programmes bilatéraux, ont fait de l’aide aux rescapées de violences sexuelles de la République démocratique du Congo l’une de leurs priorités.
Le fonds de la Cour pénale internationale compte sur les généreux dons des États membres et d’autres instances pour mener à bien ses programmes d’aide à la réhabilitation et de dédommagement. Bien que nous n’ayons encore jamais reçu de contribution volontaire de la part du Canada, nous espérons que notre rencontre d’aujourd’hui sera un premier pas vers une collaboration pour venir en aide aux rescapées d’actes de violences sexuelles et sexistes dans des situations relevant de la compétence de la CPI.
Merci. N'hésitez pas à me poser des questions.