SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 5 mars 2013
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare ouverte cette séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
C'est la séance n° 70 du sous-comité. Nous sommes le mardi 5 mars 2013. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions les persécutions subies par la communauté copte d'Égypte.
Nous avons pour témoin, de l'Institut du Caire pour les études des droits de l'homme, Nadine Sherif Wahab, agente des services internationaux d'assistance judiciaire.
Je vous souhaite la bienvenue. Pouvez-vous bien m'entendre?
Je m'appelle Wayne Marston. Je suis le vice-président du sous-comité. Notre président a été un peu retardé, mais nous allons quand même commencer parce que nous ne disposons pas de beaucoup de temps.
J'ai cru comprendre que vous avez eu de sérieuses difficultés pour arriver. Il est actuellement 20 heures au Caire. C'est bien cela?
Vous pouvez présenter votre exposé, si vous le souhaitez. Nous accordons ordinairement une dizaine de minutes à nos témoins. Ensuite, les membres du comité auront des questions à vous poser.
C'est parfait.
J'ai un peu de documentation que je transmettrai au comité.
Bon après-midi. Je vous remercie de m'avoir invitée, ainsi que l'Institut du Caire pour les études des droits de l'homme, à vous parler de la situation des minorités religieuses d'Égypte, et particulièrement des coptes.
Même si la situation des minorités religieuses est très grave en Égypte, elle ne l'était pas moins sous le régime Moubarak. Essentiellement, le problème tenait et continue de tenir à l'impunité de la violence sectaire, plutôt qu'à des restrictions légales particulières imposées aux minorités religieuses. Cela est particulièrement vrai dans le cas de la violence contre la communauté copte. La violence sectaire n'était pas rare avant le départ de Moubarak. Dans la seule année 2010, nous avons eu au moins six cas de violence sectaire.
Le 6 janvier 2010, à Nag Hammadi, une fusillade au volant dirigée contre des coptes qui sortaient de la messe de Noël a fait six morts parmi eux, a tué un agent de police musulman et a blessé plusieurs autres. Dans les jours qui ont suivi, des batailles entre musulmans et chrétiens dans les villages environnants ont entraîné la mort d'une femme chrétienne le 9 janvier 2010.
Le 13 janvier 2010, à Mersa Matruh, un imam a incité une foule de 250 à 300 musulmans à attaquer une église copte.
Le 10 septembre de la même année, au Caire, la police égyptienne a, semble-t-il, usé d'une force excessive contre des manifestants chrétiens qui protestaient contre le refus du gouvernement d'accorder un permis pour agrandir une église. Cet incident a fait deux morts et des dizaines de blessés.
En novembre 2010, à Qena, plus d'une douzaine de maisons et de commerces coptes ont été incendiés et mis à sac. Les responsables de la sécurité ont imposé un couvre-feu et ont arrêté plusieurs musulmans, mais aucun d'entre eux n'a fait l'objet d'accusations.
Le 24 novembre 2010, à Gizeh, la police est venue interrompre les travaux de construction d'un bâtiment appartenant à une église, déclenchant une bataille entre la police, des passants musulmans et des coptes. Deux chrétiens ont été tués et des dizaines d'autres blessés. Plus de 150 personnes ont été arrêtées.
L'incident qui a fait le plus de bruit s'est produit à Alexandrie la veille du Jour de l'an, juste avant la révolution égyptienne. Un attentat à la bombe contre l'Église des Deux-Saints a fait 23 morts parmi les coptes qui sortaient de la messe et a déclenché des manifestations de rue et de la violence entre musulmans et chrétiens. On pourrait soutenir que cet incident a été l'un des déclencheurs des manifestations du 25 janvier qui ont entraîné le départ du président Moubarak.
Vous trouverez des renseignements sur ces incidents et bien d'autres dans le feuillet de documentation sur la violence liée aux droits de la personne et la violence sectaire en Égypte. Toutefois, le problème va bien plus loin que la communauté copte. Il touche les communautés religieuses les plus vulnérables, et particulièrement celles qui font profession de leur foi.
Les Bahaïs, qui sont au nombre d'environ 5 millions dans le monde, comptent près de 2 000 adeptes en Égypte. Ils ont été tolérés dans le pays pendant des décennies jusqu'à l'adoption, en 1960, de la Loi 263 qui a dissous les assemblées spirituelles et les institutions bahaïes. Même si elle n'a pas criminalisé les adeptes du bahaïsme, cette loi a permis aux organismes de sécurité égyptiens de soumettre les Bahaïs au harcèlement, à la discrimination et à la détention, en violation de la constitution et des droits internationaux de l'homme.
Pendant des années, le gouvernement égyptien a privé les Bahaïs du droit d'être reconnus dans les documents officiels tels que la carte d'identité nationale, l'acte de naissance et le certificat de décès. Cette politique a eu de graves conséquences sur la vie quotidienne de la communauté bahaïe. Sans documents officiels, ses membres ne pouvaient pas faire reconnaître leurs mariages et ne pouvaient pas obtenir d’actes de naissance pour leurs enfants à moins d'accepter d'être inscrits comme chrétiens ou musulmans.
Depuis 2009, le problème a été résolu et les papiers d'identité peuvent maintenant porter, dans la case religion, un tiret indiquant que le titulaire n'appartient pas à l'une des trois religions reconnues, le christianisme, l’Islam et le judaïsme. Cette solution laisse quand même les Bahaïs et les membres d'autres minorités religieuses sans reconnaissance officielle, le gouvernement ne reconnaissant que les trois religions abrahamiques.
Même si le problème a été ainsi réglé, certains indices permettent de croire qu'il pourrait se poser à nouveau. En effet, le ministre égyptien de l'Éducation a récemment déclaré que les Bahaïs peuvent aller à l'école publique, mais qu'ils seront alors obligés de suivre les cours de religion prévus pour les chrétiens et les musulmans.
La persécution religieuse s'étend également à la communauté chiite, comme en témoigne le cas récent de Mohamed Asfour, clerc chiite Hazari. Asfour a été condamné à un an de prison et à une amende de plus de 100 000 livres en juillet dernier. Il était accusé d'outrage à la religion et de profanation d'une mosquée dans sa région.
Son crime était d'avoir prié dans une mosquée selon les rites chiites et d'avoir exprimé un point de vue favorable au chiisme. Il se serait prosterné sur une « pierre de prière » selon la tradition chiite que rejettent les sunnites. Les beaux-parents d'Asfour et des salafistes locaux ont exigé de sa femme qu'elle demande le divorce, ce qu'elle a fait.
Un incident s'est également produit le 5 décembre 2011 quand sept chiites ont été arrêtés pendant qu'ils célébraient l'Achoura, journée de deuil.
À part les restrictions imposées sur les pratiques religieuses, les autorités égyptiennes limitent la participation politique. Tandis que les partis politiques d'orientation sunnite, comme le Parti de la liberté et de la justice des Frères musulmans et le Parti salafiste de la lumière (Salafi Nour), ont été autorisés à s'enregistrer et à participer aux dernières élections parlementaires, un parti d'orientation chiite (Parti de la libération) n'a pas pu s'enregistrer.
Après la révolution, les partis islamistes sunnites ont occupé les premières places sur la scène politique égyptienne. Ils ont obtenu la majorité au Parlement et à la présidence. Ils ont également dominé l'Assemblée constituante. Même si la nouvelle constitution suscite de grandes inquiétudes au chapitre de la protection des droits de la personne, l'article 3 accorde en fait aux adeptes des religions abrahamiques, y compris les coptes, les chrétiens et les juifs, plus de droits que ne leur en reconnaissait la constitution de Moubarak.
Cela comporte cependant des inconvénients pour les autres minorités religieuses. Musulmans, chrétiens et juifs ont le droit de recourir à leurs propres autorités en matière de droit familial. Ce n'était pas le cas dans la constitution égyptienne de 1971. Bien que cela constitue un pas dans la bonne direction, il ne faut pas perdre de vue que cette disposition n'accorde la liberté de religion qu'aux chrétiens, aux musulmans et aux juifs.
L'un des principaux problèmes de la constitution actuelle réside dans l'article 10, selon lequel:
La famille est la base de la société, fondée sur la religion, la morale et le patriotisme.
L'État veille à la sauvegarde du caractère authentique de la famille égyptienne, de sa cohésion et de sa stabilité et à la protection de ses valeurs morales conformément à la loi.
Cela peut avoir des incidences sur les membres des religions non abrahamiques en donnant par exemple à l'État le droit d'intervenir dans les affaires privées des familles, sous prétexte de protéger la moralité de la société, sans tenir compte du contexte religieux des intéressés. Comme je l'ai dit, ces dispositions peuvent toucher la plupart des minorités religieuses, comme les Bahaïs et les chiites.
La question de la diffamation religieuse est un autre problème. Les poursuites intentées contre des artistes, comme l'acteur très populaire Adel Emam, ainsi que la condamnation à mort par contumace du producteur de L'innocence de l'Islam, sont des exemples éloquents. Les procès ne sont pas vraiment motivés par la diffamation religieuse en soi; ils ont plutôt pour objet d'inciter à la violence sectaire.
Le cas d'Alber Saber est moins connu, mais tout aussi important. Le 14 septembre de l'année dernière, à 23 heures, une foule s'est massée devant l'appartement d'Alber. On a entendu certains des participants parler de s'introduire dans son appartement pour le tuer. La foule, qui se composait essentiellement d'hommes, est entrée dans le bâtiment et a essayé d'enfoncer la porte de l'appartement.
La mère d'Alber a appelé la police pour obtenir une protection contre la foule furieuse qui essayait de tuer son fils. Lorsque la police est arrivée, au lieu de disperser la foule, elle a arrêté Alber, a confisqué ses ordinateurs et ses CD sans mandat, puis a essayé de l'emmener à travers la foule. Alber a été attaqué dans la rue, en face de sa maison, pendant qu'il était sous la garde de la police. Au poste de police, l'agent qui l'avait arrêté l'a mis dans une cellule avec des détenus accusés de crimes violents et leur a dit qu'Alber avait insulté l'Islam et le Prophète. Les détenus l’ont sauvagement battu et lui ont entaillé le cou avec un rasoir. Plus tard, Albert a été accusé et condamné pour diffamation religieuse. Il purge actuellement une peine de trois ans d'emprisonnement.
Les membres des minorités religieuses, et particulièrement les coptes et les chrétiens, sont également exclus de toute charge publique. Il y a aussi le problème de la construction et de la réfection des églises.
Ce problème remonte à l'époque de Méhémet Ali. Aucune loi ne régit la construction des lieux de culte. Toutefois, la construction d'une nouvelle église en Égypte nécessite un permis présidentiel ainsi qu'une autorisation du Service de sécurité de l'État égyptien. Compte tenu de la procédure à suivre, on peut mettre des années à franchir les nombreuses étapes de la bureaucratie égyptienne. On peut même ne jamais aboutir à une approbation. Bien que cette question constitue un cauchemar bureaucratique, le vrai problème réside non dans les obstacles juridiques, mais dans l'impunité de ceux qui se livrent à la violence sectaire, comme dans le cas récent de l'église de Choubra El-Kheima.
Selon l'Initiative égyptienne pour les droits de l'homme, le diocèse de Choubra El-Kheima avait acheté une parcelle de terrain et avait obtenu un permis officiel des autorités compétentes l'autorisant à y effectuer des travaux de construction en août 2011. Les travaux avaient pour objet d'agrandir l'édifice, qui n'avait pas encore été terminé. À la mi-octobre, les travaux ont commencé après que tout le secteur eut été clôturé. D'après les responsables de l'église, le lundi 5 novembre, vers 22 heures, un groupe de musulmans portant des armes à feu et d'autres armes illicites s'est rassemblé devant le terrain, s'est attaqué aux ouvriers, les a chassés et a pris possession du terrain. Les membres du groupe ont ensuite fait l'Isha, ou office du soir, ont chanté des prières, puis ont essayé de démolir des piliers de béton. Le lendemain, des centaines de musulmans, également porteurs d'armes à feu, se sont rassemblés devant le terrain pour protester bruyamment contre la construction d'une église dans ce secteur. Le mois dernier, le gouverneur du Caire a ordonné une suspension des travaux jusqu'au règlement du conflit entre les résidents locaux.
Cette affaire est symptomatique des problèmes que doivent affronter de nombreuses églises devant être remises en état. L'absence de primauté du droit, de transparence et de responsabilité menace non seulement la liberté de religion, mais aussi l'ensemble des droits politiques et culturels en Égypte.
En conclusion, la polarisation actuelle de la société entre islamistes et non-islamistes pourrait donner l'impression que le problème n'est pas de nature religieuse. Toutefois, les attaques lancées contre les chrétiens, et encore plus violemment contre des personnalités laïques musulmanes comme M. El-Baradei, prouvent de façon évidente que le discours religieux n'est qu'une tentative de monopoliser le pouvoir plutôt que de protéger l'Islam.
Merci beaucoup de votre témoignage.
Collègues, nous allons entreprendre un tour de questions à six minutes. Si nous pouvons respecter les temps de parole sans aller au-delà, tout le monde aura son tour avant que nous ayons à rentrer à la Chambre des communes pour la période des questions.
Nous allons commencer avec vous, monsieur Sweet.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Sherif, je vous remercie de votre exposé. Nous vous sommes reconnaissants d'être restée tard et d'avoir affronté des protestations en chemin pour nous parler. Nous apprécions beaucoup le temps que vous nous consacrez et les renseignements que vous nous présentez.
Vous avez beaucoup insisté dans votre exposé sur le fait que le problème de la liberté de religion est très lié à la violence sectaire. Je suis d'accord avec vous. Toutefois, il incombe à l'État de protéger ces gens.
Vers la fin de votre exposé, vous avez mentionné le cas de M. El-Baradei. Les policiers l'ont délibérément emmené à travers une foule en colère et, une fois qu'ils l'ont mis en cellule, ils ont pris la peine d'avertir les autres détenus qu'il avait insulté l'Islam.
Croyez-vous que la situation était semblable sous le régime Moubarak, ou bien y a-t-il eu une intensification des incidents de ce genre à cause de la situation d'impunité et du manque d'intervention de l'État?
L'un des problèmes, qui était beaucoup plus évident sous le régime du Conseil suprême des forces armées que sous le régime actuel du PLJ, c'est-à-dire du Parti de la liberté et de la justice des Frères musulmans… La situation était très mauvaise du temps du président Moubarak, mais elle semble avoir empiré à cause de l'impunité, du manque de responsabilité et de l'absence de primauté du droit. Comme je l'ai dit dans mon exposé, le problème relève surtout de la primauté du droit et de l'absence de poursuites contre ceux qui se rendent coupables de cette violence.
Il est évident que l'État est responsable. Nous le tenons responsable, de même que le ministre de l'Intérieur, de beaucoup de ces problèmes. Les autorités sont responsables de certaines de ces difficultés et continuent d'être considérées comme coupables des incidents qui se sont produits. Je crois cependant qu'il y a une distinction à faire, comme je l'ai mentionné dans le cas des Bahaïs, entre les questions réglementaires et le fait de tolérer la violence quand ce n'est pas eux qui ont commencé.
Contrairement à ce qui s'est produit place Maspero… Je vous remercie de me donner l'occasion de mentionner cet incident que j'avais oublié d'inclure dans ma liste, et qui avait fait de nombreux morts parmi les manifestants chrétiens qui protestaient devant l'immeuble Maspero. Cet incident a déclenché toute une série d'attaques sanglantes qui n'ont pris fin qu'en 2011, pour recommencer encore l'année dernière, lors de l'anniversaire du massacre.
Par conséquent, oui, il y a des cas où l'État était vraiment coupable. Il y a eu des cas de violence d'État contre les chrétiens. Mais ces incidents ne se sont pas limités à la communauté chrétienne et n'avaient pas tous pour contexte la liberté de religion. Il y a eu de la violence contre beaucoup d'autres minorités. Aujourd'hui, cette violence s'est étendue à l'opposition aussi.
Exactement.
Il y a un autre aspect qui semble s'aggraver, même si on avait aussi pu le constater du temps de Moubarak: c'est le fait que la police ne semble pas avoir de scrupules à user de violence sans aucune retenue. De plus, le gouvernement égyptien n'a fait aucune déclaration publique pour dire que la police ne peut pas recourir à la force sans limites et que la conduite des forces de l'ordre doit être soumise à des restrictions.
Il y a bien sûr le cas d'El-Baradei. Avez-vous pu constater, dans cette affaire, une intensification de la violence policière et militaire?
Depuis que le président Morsi a pris le pouvoir, les militaires se sont un peu effacés, adoptant un rôle beaucoup plus neutre.
Toutefois, comme vous avez pu le voir si vous avez suivi les affrontements qui se sont produits devant le palais présidentiel en décembre dernier, la police était présente tout près du théâtre des attaques des Frères musulmans et d'autres islamistes contre les manifestants et contre l'opposition — pas seulement contre la communauté copte —, mais elle n'est pas intervenue. Elle a donc une part de responsabilité dans ces événements. La violence comprenait des chambres de torture juste en face de l'entrée du palais. Des membres de l'opposition y étaient soumis à la torture parce qu'on voulait leur faire avouer qu'ils avaient reçu de l'argent, qu’ils faisaient de l'espionnage, etc. On peut trouver sur Internet des vidéos établissant ces faits.
Par conséquent, oui, la police est coupable; oui, il y a eu — je ne veux pas dire aggravation — mais un manque de volonté d'intervenir et peut-être un refus d'agir pour faire cesser la violence.
Je voudrais vous demander si, personnellement, vous craignez pour votre propre sécurité à cause du rôle que vous avez décidé de tenir au milieu de tous ces événements.
Oui, j'ai effectivement peur à certains moments. J'ai des activités internationales de défense d'intérêts, qui peuvent me faire courir des risques à tout moment… Le fait de parler à des représentants de la Chambre des communes du Canada ou du département d'État des États-Unis me fait courir des risques. Je dois ajouter que le simple fait d'être une femme dans la rue me met constamment en danger.
Bien que musulmane, je suis laïque, ce qui me rend… Très récemment, j'avais une camarade chrétienne. Tous les vendredis, nous devions subir les appels à la violence lancés d'une mosquée salafiste voisine, des cris de haine et des injures contre ma camarade et moi pendant que, terrifiées, nous nous tenions serrées l'une contre l'autre.
Je tiens à souligner qu'il ne s'agit pas là d'un conflit entre coptes et musulmans. C'est plutôt le recours par une communauté à de violentes diatribes contre toute l'opposition, qu'elle soit musulmane, chrétienne, bahaïe ou chiite. Pour les membres de cette communauté, tous ces gens ne sont que des blasphémateurs indignes de se montrer sur la scène politique égyptienne.
Merci, monsieur le président.
Madame Sherif, j'apprécie beaucoup votre présence. Je voudrais revenir à ce que vous avez dit en particulier au sujet des femmes.
Nous avons entendu des récits alarmants d'agressions sexuelles violentes contre des manifestantes en Égypte. Avez-vous quelque chose à nous dire à ce sujet?
Oui. Pour moi, c'est un sujet très émouvant et délicat.
La place Tahrir est aujourd'hui un endroit dangereux pour les femmes qui manifestent. Je l'ai entendu dire à maintes et maintes reprises par des défenseurs des droits de la personne. Personnellement, j'ai passé l'essentiel de mon temps en 2011 dans une tente dressée sur la place Tahrir. J'étais l'une de celles qui clamaient que les femmes devaient être présentes là, même si cela leur imposait de prendre congé de leur travail. Pour moi, il était important que des membres des deux sexes participent à l'action. J'estimais que les femmes ne devaient pas plier à cause de certaines restrictions communautaires ou sociétales.
Aujourd'hui, la place Tahrir est un vrai coupe-gorge. Il y a de la violence contre les femmes, y compris — je vous prie d'excuser mon franc-parler — des incidents de pénétration vaginale à l'aide d'un couteau et des enlèvements. Il y a des bandes qui entraînent des femmes en leur disant « Nous vous protégerons, nous vous protégerons », puis qui fourrent leurs victimes dans le coffre d'une voiture. Pendant que j'étais place Tahrir l'année dernière, j'ai moi-même vu un groupe entourer une femme, puis la jeter contre ma tente, qui s'est affaissée. La foule a ensuite piétiné cette femme et tous ceux et celles qui se trouvaient à côté d'elle, y compris une de mes amies.
L'intensification des sévices, qui sont passés du harcèlement au viol, est très alarmante et touche presque toutes les militantes. Ces sévices constituent maintenant un moyen de terrorisme politique destiné à empêcher les femmes de se montrer dans ces lieux publics et à décourager l'opposition, qui a de très fortes assises dans la communauté féminine et parmi les groupes de femmes militantes, de participer à la vie politique. Cette situation est vraiment inquiétante. Le recours à la violence contre nous a créé un environnement dans lequel il est très difficile pour moi, par exemple, de marcher jusqu'à mon lieu de travail, qui se trouve à trois rues de la place Tahrir, ou même de traverser la rue pour aller chez une amie qui habite de l'autre côté de la place.
Je vous remercie.
Je sais que vous ressentez tout cela d'une façon très personnelle. On peut s'en rendre compte en vous écoutant.
Est-ce que les femmes appartenant à certains groupes religieux minoritaires sont plus visées que d'autres, ou bien le harcèlement est-il général? Cible-t-il plus particulièrement les groupes militants?
Je crois que les attaques sont dirigées contre l'opposition et ceux qui vont dans la rue. Vous vous souviendrez peut-être — je crois que c'était au début de 2012 — du tristement célèbre incident de la fille au soutien-gorge bleu qui a été traînée par terre à travers la place Tahrir. Elle portait le voile et était donc une musulmane qui montrait publiquement sa piété.
Ils ont ciblé les musulmans laïques comme ils ont ciblé les chrétiens. Il y a eu quelques incidents au cours desquels des enseignants ont tondu les cheveux de femmes non voilées. Ces incidents revêtaient un certain aspect sectaire, mais les femmes victimes n'étaient pas nécessairement chrétiennes. En fait, des musulmanes laïques sont plus susceptibles d'être attaquées que des chrétiennes si elles montrent leurs cheveux, s'écartant ainsi de l'orthodoxie islamique. Je me souviens qu'au cours de l'incident de la place Maspero — mais cela ne concernait pas nécessairement les femmes — qu'on nous avait demandé si nous étions musulmans ou chrétiens.
On a l'impression que la communauté suit la voie que tracent les gens en colère. En ce moment, la colère cible les femmes presque sans distinction de religion. Toutefois, c'est un moyen de limiter l'engagement politique et la participation à la révolution, qu'il s'agisse de la communauté chrétienne ou de la communauté des femmes.
Très bien.
J'aimerais en savoir davantage sur la conduite des forces égyptiennes de sécurité, de la police et des représentants du Ministère public qui enquêtent sur ces attaques, particulièrement contre les femmes. Agissent-ils de la même façon dans le cas des hommes?
Les cas d'attaques contre des femmes sont très difficiles. La primauté du droit est quasi inexistante en ce moment. À moins qu'une affaire ne suscite un intérêt particulier, les attaques contre des manifestants, et particulièrement contre des femmes, font rarement l'objet d'un suivi. Toutefois, l'intensification des attaques contre les femmes semble avoir suscité un certain intérêt auprès du Ministère public. Le fait que nous portions ces incidents à l'attention de la communauté internationale semble avoir amené le gouvernement égyptien à prendre certaines mesures. Vous avez pu le voir dans le cas des tests de virginité de mars 2011 lorsqu'un procès a été suspendu… Par la suite, on a mis fin à ces tests dans toutes les enquêtes militaires et dans toutes les interactions des forces armées avec les citoyens. Il y a donc certains cas où on peut noter des améliorations. Mais non, je ne crois pas qu'il y ait une différence dans les mesures prises par le Ministère public dans les cas d'attaques contre des femmes.
De plus, dans ces cas, et surtout dans les affaires de viol, il ne faut pas perdre de vue que les faits sont très difficiles à prouver — il en est de même aux États-Unis, au Canada et partout ailleurs dans le monde — parce qu'ils se basent souvent sur du ouï-dire, sans compter que la question est particulièrement délicate en Égypte. Les femmes victimes ne veulent pas être persécutées devant les tribunaux. Par conséquent, il arrive souvent qu'elles ne soient pas disposées à porter plainte officiellement.
C'est un problème qui se pose dans le monde entier depuis bien des générations.
Je crois que cela met fin à mon temps de parole.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, madame Sherif, du temps que vous nous consacrez et de votre exposé.
Des élections législatives doivent avoir lieu en Égypte début avril. À votre connaissance, y a-t-il des coptes ou des membres d'autres minorités religieuses parmi les candidats? Les membres des minorités religieuses sont-ils autorisés à poser leur candidature aux élections?
Oui, les coptes peuvent poser leur candidature. Le problème, dans le cas des listes de certains partis — ce problème se pose aussi dans le cas des femmes —, c'est qu'en général, il n'y a en tête de liste que des hommes et des musulmans. Par conséquent, il est très improbable que les membres des minorités soient élus. Le dernier Parlement comptait une dizaine de femmes et de chrétiens qui avaient été élus. Je crois même que quelques-uns d'entre eux avaient été nommés. Parmi la dizaine, il y avait quelques femmes chrétiennes qui répondaient donc simultanément aux deux critères. Par conséquent, il y a une foule de questions qui se posent au sujet des élections et de la communauté chrétienne.
Quant à savoir qui a posé sa candidature, je crois que les mises en candidature n'ont pas encore été annoncées. Je ne sais donc pas qui sont les candidats.
Je dois ajouter que les églises s'étaient toutes retirées de la dernière Assemblée constituante. L'opposition dit maintenant qu'elle boycottera les élections. Nous ne savons pas encore si la communauté copte et la communauté chrétienne feront la même chose.
Pouvez-vous nous dire ce que font exactement les agences de développement international en Égypte pour aider les coptes? Ont-elles réussi à établir une forme ou une autre de dialogue avec les groupes religieux extrémistes?
Je sais que le principal objet de cette réunion est de discuter de la communauté copte. Toutefois, à l'heure actuelle, je crois que le problème concerne moins la communauté copte que les islamistes, qu'il s'agisse des extrémistes ou simplement de ceux qui appuient l'islam politique, ainsi que les musulmans laïques, certains chrétiens et quelques membres de l'opposition. Je pense que la polarisation actuelle fait qu'il est très difficile pour toute organisation d'engager un dialogue quelconque dans un contexte antisectaire ou interreligieux.
Je vais vous parler d'une anecdote personnelle. Je me souviens de m'être entretenue en 2011 avec des manifestants salafistes place Tahrir. Je leur ai demandé de quelle façon nous pouvions travailler ensemble. Cela semble être tombé à l'eau. Ils ne paraissent plus engagés dans le même genre de travail d'organisation que certains autres groupes d'opposition. On a l'impression qu'il y a des scissions parmi eux.
En parlant d'organisations internationales, je crois qu'il y a lieu de mentionner la loi concernant les ONG. S'il était adopté, le projet de loi actuellement à l'étude devant le Conseil de la choura, ou Conseil consultatif, rendrait très difficile le fonctionnement de la quasi-totalité des organisations internationales en Égypte. En fait, la plupart des organisations nationales auraient également beaucoup de difficultés à poursuivre leurs activités.
Il deviendrait obligatoire que les fonds internationaux passent par le gouvernement. Pour se conformer à la loi, les ONG internationales auraient à s'enregistrer. Il ne leur suffirait plus d'informer le gouvernement de leurs activités. Même pour les ONG égyptiennes, tout le financement serait étatisé et leurs employés relèveraient du gouvernement égyptien. En pratique, elles seraient non des ONG, mais des organisations gouvernementales s'occupant d'oeuvres caritatives et de développement.
Les activités des ONG internationales devront être approuvées par le gouvernement, ce qui serait singulièrement problématique dans le cas de celles qui s'occupent de questions de sectarisme, surtout si l'un des partis en cause est au pouvoir. J'espère que la Chambre des communes voudra bien exhorter le gouvernement égyptien à retirer ce projet de loi sur les ONG du Parti de la liberté et de la justice et à le remplacer par une mesure législative plus progressiste. Une telle loi pourrait avoir de sérieuses conséquences, tant pour mon organisation que pour d'autres.
Madame Sherif, auriez-vous l'obligeance d'expliquer au comité la dynamique politique qui s'est manifestée au sein de l'Assemblée constituante vers la fin de 2012? À votre connaissance, la nouvelle constitution maintiendra-t-elle en Égypte la discrimination contre les coptes et d'autres minorités religieuses? Pouvez-vous en même temps nous expliquer pourquoi certains soutiennent que l'inscription de la charia dans la constitution égyptienne maintiendra les tensions entre les différents groupes religieux?
J'essaierai, mais la question était assez longue.
Oui, la nouvelle constitution créera certaines difficultés pour les minorités religieuses. Toutefois, comme je l'ai dit dans mon exposé, elle assure un peu plus de protection aux chrétiens et aux juifs que la constitution précédente. Le problème de la charia réside dans l'interprétation de la loi en fonction de la jurisprudence islamique. Heureusement — mais je ne suis pas une experte de cette jurisprudence —, la communauté chrétienne jouit d'une certaine protection, même en dehors de cette disposition particulière. Je crois que vous parlez surtout de l'article 221.
L'autre disposition qui pourrait susciter des problèmes se trouve à l'article 10 car la protection de la moralité n'implique pas nécessairement une protection dans le contexte de l'ensemble des trois religions abrahamiques. Cet aspect n'est pas précisé, de sorte que la protection de la moralité peut avoir des effets préjudiciables sur les minorités religieuses.
Merci, monsieur le président.
Madame Sherif, je vous remercie d'avoir accepté de nous parler.
Y a-t-il une certaine hiérarchie dans la persécution? Autrement dit, l'oppression est-elle plus lourde pour certains groupes que pour d'autres? Y a-t-il une différence entre les groupes laïcs et les groupes religieux? Fait-on des distinctions au sein même de certains groupes?
Je crois que les adeptes des religions abrahamiques sont ceux qui peuvent jouir du plus de protection parce qu'ils sont protégés tant par la charia que par la constitution. Ni la constitution ni le gouvernement égyptien ne reconnaissent les athées, ceux qui renoncent à leur religion et les adeptes des religions non abrahamiques. Comme je l'ai dit dans mon exposé, des membres de la communauté chiite ont été persécutés.
Même si certains des éléments les plus extrémistes de la communauté salafiste se sont rendus coupables de violence sectaire contre les chrétiens, je crois qu'il est important de noter que, dans la hiérarchie de la protection gouvernementale, les chrétiens bénéficient d'une meilleure protection que certaines autres communautés.
Je dirais que les femmes comptent parmi les groupes qui sont constamment en butte à des attaques. Si on considère la hiérarchie de l'oppression, je crois que certaines collectivités rurales figurent en bas de liste parce qu'elles ont le moins de protection. C'est parce qu'elles sont hors de la portée directe des services de maintien de la loi et de l'ordre et qu'elles sont attachées à des façons assez traditionnelles de régler leurs problèmes. C'est là que les coptes ont le plus de difficultés.
Il y a là une certaine forme de hiérarchie religieuse. Les chiites sont relégués au même rang que les athées et les Bahaïs et considérés en fait comme des blasphémateurs, n'est-ce pas?
Oui, dans certains cas. Même si Al-Azhar reconnaît leur existence, les chiites duodécimains sont rejetés par beaucoup d'Égyptiens et par la majorité des sunnites.
Je n'en suis pas sûr, mais je suppose que, comme musulmane laïque, vous jouissez d'une plus grande protection que, mettons, les chrétiens ou les juifs d'Égypte.
Non. Comme femme qui a choisi de ne pas se couvrir la tête, je ne bénéficie pas de la protection accordée à ceux qui appartiennent à une autre religion. Je ne suis actuellement obligée de rien faire, mais on s'attend à ce que je me couvre la tête. Il y a une distinction à faire entre les violations commises par l'État et l'impunité des violations commises par des entités non étatiques. De la part de ces entités, je suis soumise aux mêmes contraintes que n'importe qui d'autre, et cela s'applique à tout le monde. Par exemple, les musulmans conservateurs m'accordent une certaine marge de manoeuvre quand je marche dans la rue tout simplement parce qu'ils croient que je suis chrétienne. Cela vous donne une idée de la situation.
Quelle ironie!
Ma seconde question porte sur la sécurité des étrangers. Que pouvez-vous nous dire des étrangers qui vont en Égypte pour une raison ou une autre, qu'il s'agisse d'affaires, de tourisme ou d'autre chose?
À part ceux qui sont ciblés à certains endroits… Je veux parler en particulier des journalistes qui envoient des reportages de la place Tahrir et qui se trouvent dans une situation assez précaire. Je dirais que la situation est la même pour quiconque a l'air étranger. Même si je suis Égyptienne, ma tenue et le fait que j'ai grandi et longtemps vécu à l'étranger font que tout le monde suppose que je suis étrangère et me traite comme telle jusqu'à ce que je commence à parler en arabe.
Les étrangers connaissent certains problèmes, mais je crois que s'ils se tiennent en dehors des zones « chaudes », ils sont en sécurité. Il y a eu des cas d'enlèvement dans le Sinaï, mais cela n'a rien de neuf. Ces incidents se sont produits au cours des deux dernières décennies, mais ils sont en train de recommencer. Cela tient davantage aux négociations entre l'État et les bédouins qu'à une attitude particulièrement hostile envers les étrangers.
À part les cas de viol et les incidents qui se sont produits place Tahrir et dans d'autres zones « chaudes », je dirais que les attaques contre les étrangers ne sont pas très nombreuses.
Merci, monsieur le président. Je voudrais également remercier M. Reid de son excellente intervention d'aujourd'hui.
Lorsqu'on prend la parole à cette étape de la période de questions, la plupart des questions importantes ont déjà été posées. Je vous prie donc de m'excuser si je reprends certains aspects déjà abordés.
Les sunnites et les chiites sont des musulmans. Quelles différences y a-t-il entre eux?
Je ne suis pas une experte en matière de religion. La différence est essentiellement historique. Elle a commencé en pratique avec la succession des califes. Ali était censé prendre la suite du Prophète à la tête des musulmans. C'est là qu'est survenu le conflit ou le schisme initial. C'est vraiment une question historique. Dans les faits, la différence se manifeste essentiellement dans la façon de prier, qui est légèrement différente. Chacun des deux groupes est attaché à certaines règles et surtout à une jurisprudence particulière.
Étant laïque, je ne vois personnellement pas de différences. Il y a dans l'islam quatre courants différents de jurisprudence, mais je ne comprends pas vraiment pourquoi cela occasionne autant de querelles. Je crois que cela tient davantage à des aspects politiques qu'à des questions religieuses.
Non. Pour beaucoup des membres de la communauté sunnite, les chiites ne sont qu'une autre secte musulmane. Toutefois, surtout en Égypte et dans quelques autres pays tels que l'Arabie Saoudite et Bahreïn — c'est d'ailleurs un aspect du conflit dans cet émirat —, les chiites sont considérés comme un peu extérieurs à l'Islam et, partant, comme des infidèles. Ils sont donc pires que des chrétiens parce que toutes les sectes et toute la jurisprudence acceptent le christianisme et ses pratiques. Même la charia exige d'accepter les chrétiens.
Les chiites sont reconnus par Al-Azhar et par la communauté islamique officielle, mais certaines sectes, comme les wahhabites, et certains extrémistes, comme les salafistes, refusent de les inclure dans la catégorie des croyants et croient, par conséquent, qu'ils ne peuvent pas jouir de la protection accordée aux adeptes des religions abrahamiques.
À plusieurs reprises, vous avez dit qu'« ils » ont fait telle ou telle chose. De qui parliez-vous? Est-ce le gouvernement ou un groupe particulier?
Il faudrait que vous me précisiez dans quel contexte je l'ai dit. Si c'est dans le contexte de la présente question, « ils » désignerait probablement les extrémistes ou peut-être le gouvernement. Je ne sais pas de quel « ils » vous voulez parler.
J'accepte votre réponse. Moi non plus, je ne me souviens pas de quel « ils » il s'agissait.
Savez-vous si les coptes et leurs églises ont fait l'objet d'attaques en Égypte depuis août 2012?
Oui. J'ai en fait mentionné un incident qui s'est produit l'année dernière. Il y en a aussi un autre qui a eu lieu à Dahshur. C'était une querelle entre un copte et un musulman qui a dégénéré. Le musulman ayant été tué, la violence s'est intensifiée jusqu'à ce que les chrétiens décident de quitter le village. Encore une fois, les autorités égyptiennes, au lieu d'appliquer la loi et de porter des accusations contre le copte ou le musulman, ont décidé de recourir à une réconciliation informelle dans le cadre de laquelle les chefs des deux communautés sont invités à s'asseoir ensemble pour discuter de la situation.
Il y a en outre l'incident de Choubra El-Kheima qui s'était produit le 5 novembre dernier lorsque des musulmans portant des armes à feu ont essayé d'arrêter les travaux de réfection d'une église. Au lieu d'appliquer le Code pénal, le gouverneur a opté pour le processus de réconciliation, qui est évidemment beaucoup plus informel et qui ne favorise pas vraiment la primauté du droit en Égypte.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Madame Sherif, merci de venir témoigner devant notre comité.
Premièrement, j'aimerais savoir quels sont les principaux groupes et les principales forces au sein de la société égyptienne et de la vie politique qui incitent à la haine envers les chrétiens ou d'autres minorités religieuses.
[Traduction]
Je crois que certains chefs religieux salafistes ont cherché à monter leurs fidèles contre les chrétiens pour renforcer leur propre position. Je les désigne en particulier, mais ils ne forment qu'un segment de la communauté. Ceux qui participent au discours politique ont eu recours au début à l'incitation à la violence sectaire, mais je crois qu'ils se sont maintenant légèrement écartés de cette voie, en laissant leurs fidèles continuer à susciter la violence contre les minorités religieuses.
[Français]
Merci.
Deuxièmement, j'aimerais savoir quelles seraient, selon vous, les démarches les plus efficaces que le Canada pourrait entreprendre pour la promotion des droits de la personne pendant la transition de l'Égypte vers la démocratie.
[Traduction]
Il faudrait en premier s'attaquer à l'impunité. À cette fin, il faudrait commencer par une réforme de l'appareil judiciaire pour qu'il devienne possible d'engager avec succès des poursuites contre ceux qui se rendent coupables de violence sectaire ou de toute autre forme de violence. Pour maintenir la loi et l'ordre, il serait encore plus important de procéder à une réforme du ministère de l'Intérieur. Ce sont les principales mesures que le gouvernement canadien pourrait appuyer et dont il pourrait se servir pour juger l'évolution de l'Égypte vers la démocratie.
À cet égard, on peut noter des mesures négatives, un manque de liberté, etc. si on considère le nombre de procès pour diffamation — aussi bien religieuse que contre le président —, le nombre de journalistes arrêtés, le nombre de canaux de télévision fermés, le nombre d'attaques personnelles et contre l'opposition. Par exemple, certaines des lois soumises au Conseil de la choura, comme la loi contre les manifestations et la loi sur les ONG sont certes des mesures négatives du gouvernement, qui écartent l'Égypte de la voie démocratique.
[Français]
J'aurais une autre question.
Quelles sont les choses ponctuelles que le Canada pourrait faire pour améliorer le respect des droits des chrétiens coptes en Égypte?
[Traduction]
Il y a une chose encore plus importante. La première intervention — même si elle peut vous sembler accessoire, c'est vraiment la plus importante — devrait prendre la forme de pressions en faveur d'un respect adéquat de la primauté du droit. Compte tenu de la nouvelle constitution, le respect de la primauté du droit serait un pas dans la bonne direction qui offrirait à la minorité chrétienne un recours lorsque des crimes sont commis contre elle. Des poursuites seraient alors engagées dans la plupart des cas, comme dans l'affaire Alber, et la communauté chrétienne jouirait de la même justice et de la même égalité devant la loi que toutes les autres communautés. Ce serait là la meilleure protection qu'on puisse assurer aux chrétiens.
[Français]
[Traduction]
Une minute? D'accord.
[Français]
J'aimerais savoir ce qui serait à éviter, autrement dit quels types de mesures ou d'actions seraient plus ou moins efficaces pour contrer ces violences et ce non-respect des droits de la personne.
[Traduction]
Je recommanderais d'éviter de placer une éventuelle intervention dans un cadre sectaire. Il vaudrait mieux parler de transparence, de bonne gouvernance et de démocratie. À mon avis, dès qu'on évoque des questions religieuses, les interlocuteurs cessent d'écouter. Bien sûr, la violence sectaire n'est pas une chose à négliger, mais il convient de la situer dans le contexte plus vaste des droits de la personne. Ce serait la façon la plus efficace de procéder.
Bref, j'éviterais le cadre sectaire, même si je suis consciente de son existence et que j'en tienne compte dans tous les autres contextes: protection des minorités, religion, femmes, etc. Il vaut mieux parler de transparence, de responsabilité et de primauté du droit.
C'est vraiment extraordinaire. Vous avez terminé à deux secondes de l'expiration du temps qui nous est alloué.
Je voudrais simplement vous dire, au nom du comité, à quel point nous apprécions votre témoignage. Il est très important pour nous d'avoir une bonne idée de ce qui se passe vraiment en Égypte. Je voudrais également vous remercier et vous souhaiter bonne chance. Prenez bien garde à vous.
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