Passer au contenu
;

SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 075 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 avril 2013

[Enregistrement électronique]

(1315)

[Français]

     Bienvenue à la 75e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce 16 avril 2013.

[Traduction]

    Nous entendrons aujourd'hui le témoignage de soeur Elsie Monge, qui comparaîtra de Quito, en Équateur. Elle a siégé à la Commission parallèle de la vérité et de la réconciliation au Honduras.
    Soeur Elsie, bienvenue à notre comité. Vous pouvez commencer votre témoignage. Nous vous écouterons attentivement.
    Merci beaucoup. Je tiens à remercier le Sous-comité des droits internationaux de la personne de se pencher sur les violations graves des droits de la personne qui sont survenues et qui continuent d'être commises au Honduras.
    Le coup d'État de juin 2008 a fissuré le tissu social et a miné les fondements mêmes de la démocratie au Honduras, ce qui a divisé le pays. La controverse porte sur la convocation d'une assemblée nationale constituante et sur l'élaboration d'une nouvelle constitution qui réorienterait la nation en fonction des revendications sociales, décoloniserait le pays, réformerait le système de justice, éliminerait les privilèges historiques, redistribuerait les ressources naturelles et productives, et reconnaîtrait les droits civils, politiques, économiques et sociaux de la majorité exclue, ce qui aurait pour effet d'imposer des limites sur l'exercice des pouvoirs.
    Par ailleurs, les débats intenses et la mobilisation accrue de la population entourant la nécessité de revoir le modèle de démocratie hondurien constituent des effets positifs de cette crise. Cette mobilisation sociale se manifeste par le Front national de la résistance populaire, qui est composé d'organismes, d'ONG, de petites entreprises, de mouvements écologiques, de mouvements d'étudiants et de professeurs, de groupes indigènes et de race noire, de la communauté gaie et lesbienne et d'autres secteurs organisés, qui constituent tous la force la plus progressiste au pays.
    Toutefois, les membres du Front national de la résistance populaire sont continuellement la cible de propos diffamatoires. Les services du renseignement militaire les qualifient d'insurgés potentiels. Le front fait l'objet de persécution juridique et politique. De façon générale, ses membres sont les principales victimes des violations des droits de la personne commises partout au pays.
    Au chapitre de la violence, le Honduras se classe au deuxième rang sur le continent, avec un taux de 66,8 homicides par 100 000 habitants, ce qui est semblable à un taux que l'on enregistrerait dans un pays en guerre.
    Le rapport de la commission de la vérité, publié en octobre 2010, fait état que le problème qui persiste au Honduras, c'est le manque de justice pour les victimes du coup d'État qui ont dévasté le pays il y a plus de trois ans et demi, et dont les effets se font encore sentir. Autrement dit, le problème chronique et structurel de la société hondurienne est l'impunité avant, durant et après le coup d'État.
    On a du mal à comprendre que le régime actuel ne soit pas intervenu pour contrer les violations graves des droits de la personne, telles que les exécutions extrajudiciaires, les disparitions et les actes de torture, et que les auteurs de ces crimes ne fassent pas l'objet d'enquêtes menées par les autorités compétentes, à moins que les crimes fassent partie d'une politique systémique qui vise à persécuter tous ceux qui s'opposent au coup d'État.
    La criminalisation du mouvement actuel à Bajo Aguán est une autre source de préoccupation. Entre septembre 2009 et janvier 2012, 45 membres d'organisations paysannes et un journaliste de la presse écrite et son épouse ont été assassinés dans le cadre d'un conflit foncier à Bajo Aguán. Des organisations locales, nationales et internationales ont demandé à maintes reprises aux autorités nationales d'enquêter sur ces crimes et de protéger les personnes qui sont menacées. La réponse de l'État a fait en sorte que ces crimes demeurent impunis. De plus, le combat des paysans a été criminalisé et la zone, militarisée.
    Entre le début de 2010 et le milieu de 2011, le cas de plus de 166 paysans a été traité. À la mi-août, l'État a donné le feu vert à une nouvelle opération permanente dans la zone que l'on appelle Xatruch II, dans le cadre de laquelle un millier de membres des forces policières et militaires sont intervenus.
    À peine sept semaines avant cette opération, sept paysans de sexe masculin et une femme ont été assassinés. Deux d'entre eux étaient les principaux dirigeants du mouvement paysan à Bajo Aguán. Cinq autres paysans ont été attaqués et grièvement blessés et deux autres ont été torturés, dont l'un d'eux était le fils de 17 ans du président de l'organisation paysanne à Bajo Aguán.
    D'après les témoignages des victimes, des membres de l'opération Xatruch ont participé aux actes de torture. Cette information est tirée du rapport intitulé Honduras: Human Rights Violations in Bajo Aguán, qui a été publié le 11 juillet 2011 et présenté par le Sous-comité de la Commission interaméricaine des droits de l'homme du Parlement européen.
    Je tiens également à souligner le fait qu'en 2012, la Constitution du Honduras a été réformée pour faciliter la création de villes modèles, ce qui a donné lieu à de sérieuses discussions concernant la souveraineté, le protectionnisme fiscal et la diminution des recettes de l'État, et a remis en question un modèle qui conférerait à ces régions une autonomie administrative et judiciaire absolue. Subséquemment, la Cour suprême du Honduras s'est prononcée contre les villes modèles, reconnaissant ainsi que de telles réformes préconisées par le pouvoir exécutif étaient inconstitutionnelles.
    Le congrès a toutefois interjeté appel de cette résolution. Le gouvernement prévoit créer ces régions de développement spécial à des endroits stratégiques. Ces régions incluent la frontière du Guatemala et Bajo Aguán. Il y en aurait une aussi à Gracias, également dans l'Atlantique, et autour du golfe de Fonseca, dans l'océan Pacifique.
    Selon Tomas Andino, conseiller politique, ce projet répond aux intérêts privés transnationaux, mais des fonctionnaires et des gens d'affaires honduriens bénéficieront ou voudront bénéficier de cette enclave. Les organisations sociales qui s'opposent à une telle entreprise craignent que si des investisseurs étaient chargés d'adopter les nouvelles lois, il y aurait une plus grande privatisation des terres, des salaires peu élevés, des limites à leur pouvoir de s'organiser par eux-mêmes et, notamment, des violations des droits sociaux, économiques et culturels. Cette situation ferait augmenter les inégalités.
    Ce sont les principaux enjeux que je voulais signaler.
    Merci.
(1320)
    Merci beaucoup, soeur Elsie.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du sous-comité. Je pense que nous avons suffisamment de temps pour accorder six minutes à chaque intervenant.
    Nous allons commencer avec M. Sweet.
    Soeur Elsie, nous vous sommes reconnaissants de témoigner devant nous aujourd'hui. Comme le temps nous presse, je vais poser mes questions sans plus tarder.
    Vous aviez mentionné que l'un des aspects positifs de tous ces bouleversements que le Honduras a traversés, avec le coup d'État et les violations des droits de la personne, c'est qu'un dialogue positif au sujet de l'avenir et de la protection des personnes, entre autres choses, en a découlé.
    Quelle est la nature de ce genre de protestations qui ont lieu à l'heure actuelle pour faire passer le message aux dirigeants du régime actuel?
    Je soupçonne que c'est le Front de résistance nationale qui mène ces protestations. Je serais porté à croire qu'étant donné les deux grands groupes sur la réconciliation et les homicides — je pense que vous avez dit qu'ils s'élevaient à 67 par 100 000 habitants —, il y a une volonté pour que les gens manifestent dans les rues et montrent au gouvernement qu'ils veulent du changement.
    Oui, comme je l'ai déjà dit, ce que les gens perçoivent comme étant une solution plus permanente serait de rédiger une nouvelle constitution qui répondrait aux besoins de la majorité, ce qui n'est pas le cas en ce moment. Ils continuent d'exercer des pressions en ce sens. Bien souvent, les manifestations sont organisées par des jeunes, des étudiants et des enseignants, par exemple, mais elles sont très sévèrement réprimées. De plus, il y a eu des meurtres et des actes de harcèlement envers des journalistes de la presse écrite qui essaient de couvrir ces manifestations.
    Les gens sont persécutés lorsqu'ils descendent dans les rues. Les journaux qui tentent de rapporter les événements le sont aussi. Même si ce régime a fait des déclarations positives, il continue de laisser cette situation se produire.
    Oui, c'est vrai. La Commission de la vérité, mise sur pied par le programme national sur les droits de la personne du Honduras, a récemment fait circuler une pétition ou fournit de l'information à la cour pénale internationale pour que certains de ces crimes ne demeurent pas...
    Je ne veux pas faire de suppositions. Dois-je en conclure que le Front national de la résistance populaire est contre l'idée des villes modèles qui a été présentée par le congrès?
    Je ne sais pas si le front a fait une déclaration à ce sujet, mais je sais plus particulièrement que les membres des organisations sociales — qui constituent le front — s'inquiéteraient des conséquences et s'opposeraient aux villes modèles.
(1325)
    Dois-je comprendre qu'il existe un certain niveau de confiance à la Cour suprême, certainement dans le cas que vous avez mentionné, car la magistrature a eu le courage d'être indépendante et de se prononcer contre l'idée des villes modèles qui découle de ce changement constitutionnel? Est-ce ce que les citoyens du Honduras voient?
    Oui. C'était une expression ou une mesure positive, mais au bout du compte, je ne sais pas à quel point la magistrature est indépendante puisque le congrès impose sa volonté de toute façon.
    Vous parlez de Bajo Aguán, où il y a eu de nombreux conflits fonciers. D'autres témoins nous ont dit que c'est l'un des secteurs où la sécurité privée était très présente, et une bonne partie des violations des droits de la personne étaient commises à cause de cette sécurité privée. Cette situation perdure-t-elle dans cette région?
    Oui.
    Y a-t-il d'autres preuves entourant le lien entre cette sécurité privée et ces entreprises nationales étrangères ou le gouvernement?
    Les forces de sécurité relèvent des grands propriétaires fonciers. Ce sont les forces de sécurité... Ce sont elles qui sont responsables des massacres, des assassinats ou des menaces à l'endroit des paysans pas seulement à Bajo Aguán, mais aussi dans la péninsule de Zacate Grande, dans le Golfe de Fonseca. Il est curieux que les villes modèles... Il y aurait notamment Bajo Aguán et les organisations indigènes dans le Golfe de Fonseca. Bien entendu, puisqu'ils ont des problèmes fonciers maintenant et que leur subsistance est menacée, ils pensent que ce serait pire si toutes les terres étaient privatisées autour de ces villes modèles.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Marston, on vous écoute.
    Soeur Elsie, je suis Wayne Marston, de l'opposition officielle. Je suis ravi que vous soyez des nôtres aujourd'hui.
    Dans votre témoignage, vous avez parlé de l'incapacité de mener une enquête en bonne et due forme sur bon nombre des crimes. J'imagine que cela mine les pouvoirs de la magistrature. En dépit de la décision concernant les villes à charte, estimez-vous que l'appareil judiciaire là-bas est conforme aux normes internationales?
    Eh bien, je ne suis pas là-bas, mais d'après les données probantes et les plaintes concernant des violations sérieuses des droits de la personne et des violations systématiques et généralisées, tout porte à croire que le système judiciaire ne fonctionne pas.
    Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, même si la Cour suprême rend une décision, le gouvernement en fait fi. Est-ce exact?
    C'est exact. Dans ce cas-ci, je pense qu'ils vont de l'avant.
    Est-ce l'attitude générale à l'égard des décisions des tribunaux d'instance inférieure?
    Je ne peux pas dire que c'est l'attitude adoptée dans tous les cas, mais en l'espèce, ça l'est.
    De notre point de vue, compte tenu de ce qui se passe, quelle serait, d'après vous, la mesure la plus efficace que le Canada pourrait adopter conjointement aux efforts qui sont déployés pour stabiliser ce pays?
    Je pense que la situation socioéconomique et politique est encore en état de crise. Je pense qu'ils cherchent à obtenir des conseils de l'extérieur. Je l'ignore. De la formation pourrait être offerte au sein du système judiciaire pour le rendre plus efficace ou il pourrait y avoir des conseillers, par exemple. Des mesures comme celles-ci pourraient être très positives.
(1330)
    J'ai récemment fait partie d'une délégation parlementaire qui s'est rendue au Myanmar. Nous examinions des façons d'aider les Birmans à passer d'un régime militaire vers une démocratie. Une aide de cette nature pourrait sans doute être utile dans ce pays. Qu'en pensez-vous?
    En effet. Parlez-vous du système judiciaire ou en général?
    Je parlais du système parlementaire, où les députés n'étaient pas très bien informés ni très bien outillés. Ils n'avaient même pas de bureaux au Myanmar, mais c'était pour leur donner un aperçu de la façon dont la démocratie pourrait fonctionner et être efficace, après plus de 50 ans de régime militaire.
    Oui, je pense que cela les aiderait à voir que la mise en oeuvre de directives sociales garantirait la sécurité alimentaire, la santé, l'éducation et des emplois. À mon avis, c'est dans cette direction qu'ils devraient orienter leurs politiques, et les Canadiens pourraient leur fournir le savoir-faire pour les aider.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste environ deux minutes et demie.
    Je pense que l'un des problèmes auxquels nous serons confrontés, c'est que le gouvernement est toujours en situation de pouvoir et peut très bien ignorer ce bon lui semble. Jusqu'à ce qu'on règle cet aspect, j'imagine que peu de progrès seront réalisés.
    Pour ce qui est des groupes de la réconciliation et de la vérité, ils ont fait deux tentatives — une officielle et l'autre qui est en cours. Dans quelle mesure ont-elles été efficaces, d'après vous? Ont-elles amélioré la situation? Vous avez parlé de l'impunité au début de la séance, et c'est un problème de taille dans tous les pays qui sont aux prises avec un régime dictatorial ou militaire, mais avez-vous remarqué si les efforts ont été efficaces jusqu'à présent?
    Les efforts en vue de sanctionner ce genre de crimes?
    Je fais allusion à la façon dont ils vont essayer de lutter contre ces crimes. D'après votre témoignage, j'ai cru comprendre que de nombreux crimes demeurent encore impunis là-bas.
    Effectivement.
    Si vous avez un groupe de la réconciliation et de la vérité qui tente de trouver un moyen d'aller de l'avant, j'imagine que dans certains cas, les auteurs de ces crimes s'en réjouissent puisqu'ils n'ont toujours pas été punis pour ce qu'ils ont fait.
    C'est ce qui est horrible, car bon nombre des gens au gouvernement font maintenant partie du complot ou du coup d'État, si bien qu'il est très difficile de croire qu'ils changeront. C'est pourquoi je pense que si l'on tenait une nouvelle assemblée constitutionnelle nationale, on pourrait peut-être entendre différents points de vue.
    J'imagine que ce qui est difficile, c'est que la perte de pouvoir et d'impunité de ceux qui ont été reconnus coupables de crimes dans le passé pourrait risquer d'ériger une autre barrière au progrès.
    Oui, c'est vrai, mais d'un autre côté, combien de temps cela peut-il durer sans qu'on apporte au moins quelques changements mineurs?
    Nous devons essayer.
    Merci beaucoup, ma soeur.
    D'accord. Nous comptons sur vous.
    Madame Grewal, allez-y.
    Merci, monsieur le président. De plus, je vous remercie, soeur Elsie, du temps que vous nous avez consacré et de votre exposé. Il est certain que nous vous en sommes tous reconnaissants. Mon collègue, M. Craig Scott, a indiqué précédemment au comité les avantages que des centaines de personnes avaient tirés de la Commission de la vérité.
    Pourriez-vous nous expliquer plus en détail les importantes différences qui existent entre le rapport de la Commission de la vérité et de la réconciliation et celui que votre organisation a produit?
    Le rapport de la Commission de la vérité et de la réconciliation met surtout l'accent sur les violations des droits de la personne commises avant le coup d'État. Il décrit très peu celles qui ont suivi celui-ci. En ce sens, le centre d'intérêt des rapports diffère. De plus, les enquêtes ont été menées différemment, parce que la Commission de la vérité, dont je faisais partie, a recueilli de nombreux témoignages dans toutes les parties les plus cruciales du pays. C'est la raison pour laquelle notre rapport est surnommé « La voix des victimes ». Il est axé sur les entrevues et tente de faire ressortir les témoignages des victimes. C'est l'aspect qui différencie les rapports. Notre rapport relate en détail les témoignages. Bien entendu, encore une fois, le rapport se soucie surtout que les responsables de ces crimes contre l’humanité soient traduits en justice, parce que ces crimes étaient systématiques.
(1335)
    Ma soeur, quelles sont, selon vous, les préoccupations les plus urgentes des Honduriens, et quelles réformes ou politiques devrait-on mettre en oeuvre en priorité?
    Une partie du problème est lié au fait que les richesses sont concentrées entre les mains de quelques personnes, parce que les propriétaires terriens possèdent des territoires ou exercent un contrôle sur ceux-ci. Ils interviennent également dans tous les autres secteurs de l’économie, comme le transport aérien et le commerce. Dans certains cas, c’est un peu comme s’ils détenaient un monopole. Je pense qu’il faut mettre en place une nouvelle structure afin que la majorité des gens puissent satisfaire à leurs besoins de base, comme ceux liés à la santé, à l’éducation, aux terres et au travail. Il faut mettre l’accent sur les programmes sociaux afin d’améliorer le niveau de vie de ces gens.
    Ma soeur, l’organisation pour laquelle vous travailliez, c’est-à-dire la Commission de la vérité, estimait que la commission officielle de la vérité et de la réconciliation était inefficace. Pourriez-vous expliquer en détail la raison pour laquelle vous pensiez que vous aviez plus de chances de découvrir la vérité avec votre approche?
    Comme je l’ai mentionné auparavant, nous nous sommes efforcés de mettre en évidence les témoignages des victimes elles-mêmes, afin que l’on saisisse et prenne en considération non seulement les crimes, mais aussi les conflits. À quel point cette approche est-elle efficace? Cela ne dépend pas de l’enquête, mais plutôt de l’utilisation qu’on en fait pour sanctionner les crimes.
    Le Canada est le deuxième investisseur en importance du Honduras. Que peut-il faire pour améliorer la situation des droits de la personne dans ce pays, sans empiéter sur des lignes de démarcation reconnues internationalement?
    Pourriez-vous formuler quelques observations à ce sujet?
    Dans quel genre de secteurs honduriens le Canada investit-il? Quels sont les principaux secteurs touchés?
    Le secteur minier et l’industrie du vêtement; voilà ce dont il est question.
    L’industrie du vêtement devrait contribuer à créer des emplois. Je pense que cela devrait avoir un effet positif dans la mesure où l’on verse de bons salaires aux employés.
(1340)
    Ma soeur, ma principale question est la suivante: que peut faire le Canada pour améliorer la situation des droits de la personne au Honduras? Y a-t-il des mesures que le Canada pourrait prendre?
    Cette question est la dernière que vous poserez.
    Comme je l’ai mentionné auparavant relativement au système judiciaire, le Canada pourrait apporter une contribution très bénéfique en dispensant des cours de formation sur la primauté du droit. Il faudrait, bien entendu, que le gouvernement s’entende avec le gouvernement à ce sujet. Cependant, je pense que le système judiciaire pourrait être amélioré si l’on suivait les conseils des Canadiens en la matière.
    Merci, ma soeur.
    Merci.
    Madame Murray, allez-y.
    Je tiens également à vous remercier, soeur Monge, du travail que vous accomplissez.
    Je m’appelle Joyce Murray. Je vais vous poser des questions d’un autre ordre, en partie parce que je joue un rôle dans le reboisement et le développement rural du Honduras afin de protéger la forêt nationale Pico Bonito contre les pressions liées à la dégradation et au déboisement illégal. Mon expérience à cet égard m’a appris que, pour assurer la durabilité des ressources, il est essentiel de vraiment collaborer avec les collectivités locales afin de créer d’autres formes de développement économique.
    Premièrement, en ce qui concerne le développement économique rural qui, dans le cas du Honduras, requiert clairement des modes de possession des terres ou des droits de propriété surs, dans quelle mesure est-il important de mettre l’accent sur cette facette afin d’améliorer sur le terrain la situation des collectivités locales et de s’attaquer de manière pratique au problème de l’inégalité du revenu?
    Je suis tout à fait d’accord. Les terres et l’eau sont indispensables à la subsistance des habitants des régions rurales. On peut espérer qu’une réforme agraire sera mise en oeuvre et, selon moi, pour améliorer la situation de manière substantielle il faudrait vraiment en entreprendre une — et par réforme agraire je n’entends pas simplement la distribution de terres, mais aussi, comme vous l’indiquiez, l’accès à d’autres moyens de cultiver les terres et une aide technique accrue.
    Oui, je pense qu’une réforme agraire est un enjeu clé.
    En ce qui concerne les conflits liés aux droits fonciers et à l’utilisation des terres au Honduras, dans quelle mesure ces difficultés sont-elles d’ordre politique ou d’ordre technique, et pourraient-elles être réglées à ce niveau? Par exemple, à quel point sont-elles imputables à l’absence d’une technologie efficace de cartographie des données sur l’aménagement du territoire et d’enregistrement des titres fonciers?
    Je pense que ces difficultés ont un caractère grandement politique, étant donné que les pouvoirs économiques et politiques vont de pair. De plus, les grands propriétaires terriens occupent des postes de décideurs au sein de l’État. Je pense que des pressions exercées par la communauté internationale pourraient être très efficaces, en ce sens que la plupart des gens ont conscience que quelque chose doit changer afin de surmonter la crise. Oui, je pense qu’une aide technologique pourrait atténuer l’aspect politique du maintien des grands écarts qui existent entre le revenu des propriétaires du pays et celui des gens qui ne possèdent rien.
(1345)
    Donc, les genres de technologies que nous avons élaborées au Canada — nous utilisons le système de localisation GPS et des aéronefs pour tracer des cartes à couches multiples des divers intérêts en matière de terrains et de ressources — pourraient être utiles. En même temps, d’après ce que j’entends, la volonté de stabiliser la situation en accordant aux paysans et aux collectivités certains de ces droits fonciers est fragmentaire ou faible.
    Je me demande, ma soeur, si votre Commission de la vérité a examiné les progrès que les natifs du Nicaragua ont accomplis en ce qui concerne l’obtention des droits fonciers liés à de vastes étendues de terrain dans la partie atlantique du pays. Les collectivités de cette région ont finalement l’occasion d’être responsables de la gestion de leurs propres ressources naturelles et de détenir des droits dans ce territoire traditionnel. Il leur a fallu attendre des décennies pour atteindre cette réussite, qui est maintenant reconnue par le gouvernement. Dans le cadre de votre rôle au sein de la commission, avez-vous eu l’occasion de vous familiariser avec ce processus? Dans l’affirmative, ce processus pourrait-il être appliqué au Honduras d’une façon utile?
    Nous sommes au courant du succès que ce processus a remporté au Nicaragua. Oui, je pense qu’en habilitant les organisations de base, nous aurions une meilleure chance d’accroître le niveau de vie des Honduriens. Le gouvernement canadien pourrait suggérer au gouvernement hondurien d’étudier la possibilité de faire la même chose dans les régions rurales du Honduras.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Schellenberger, allez-y.
    Merci. Je vous souhaite un bon avant-midi, ma soeur; je suppose qu’ici, c’est déjà l’après-midi.
    Pensez-vous que le gouvernement actuel est le commanditaire de certains des assassinats qui se produisent en ce moment?
    Je pense que…
    Je vous ai peut-être placée dans une position difficile. Je vais modifier ma question. Je comprends la situation dans laquelle vous vous trouvez.
    Le gouvernement actuel participe-t-il à l’OEA, l’Organisation des États américains?
    À un certain stade, l’OEA avait interdit au gouvernement hondurien d’y participer mais, ensuite, elle lui a ouvert ses portes et, maintenant, il en fait maintenant partie.
    Considère-t-on maintenant qu’il apporte une contribution positive à l’organisation?
    Je n’ai pas entendu dire qu’il y participait activement.
    Plus tôt, je souhaitais dire qu’il est nécessaire d’écouter différents points de vue et de tenter d’obtenir un genre d’accord de la part des différents acteurs sociaux, des différents secteurs sociaux. Je pense que, sans cette ouverture, les choses deviennent noires ou blanches. Je veux dire qu’il y a les gens qui font partie de mon camp et ceux qui font partie du camp adverse, et que je persécute ceux du camp adverse. À mon avis, il faut que notre centre d’intérêt soit un peu différent.
(1350)
    Je vous remercie de votre réponse.
    Je suis membre du comité depuis seulement trois ou quatre mois. Pendant ce temps, nous avons examiné la pauvreté et les violations des droits de la personne, et il me semble que la pauvreté et le maintien d’un bon ordre public sont mutuellement exclusifs. Avez-vous l’impression qu’il faut renforcer l’ordre public au Honduras?
    Comme vous l’avez dit, ces deux éléments vont de pair. Il existe un véritable abysse entre les propriétaires du pays et ceux qui sont marginalisés ou exclus, et il est difficile de maintenir l’ordre public en l’absence d’une certaine justice. Oui, tout le monde parle de lutter contre la pauvreté, mais l’envers du décor est l’accumulation de la richesse. Je pense qu’il faut que ces différents secteurs soient mieux équilibrés et qu’ils ont tendance à l’être.
    Le 12 août 2011, le premier ministre Harper a annoncé la conclusion des négociations en vue d’un accord de libre-échange entre le Canada et le Honduras en prononçant les paroles suivantes:
L’accord de libre-échange entre le Canada et le Honduras, ainsi que des accords parallèles relatifs à la coopération dans le domaine du travail et de l’environnement, une fois qu’ils auront fait l’objet d’un examen juridique, seront officiellement signés, après quoi ils seront débattus au Parlement du Canada et au Congrès hondurien. Puis, lorsque ces instances législatives auront approuvé les accords, ces derniers pourront entrer en vigueur.
    Pensez-vous qu’un accord de libre-échange entre le Honduras et le Canada serait avantageux pour le Honduras?
    C’est une question très délicate parce que, d’après nos analyses en Équateur, le libre-échange ne se déroule pas sur pied d’égalité dans bon nombre de cas. Oui, les pays industrialisés pénètrent les marchés de ces pays soi-disant en développement, mais il y a peu de réciprocité et, dans de nombreux cas, les coûts de production de notre pays ne nous permettent pas de soutenir la concurrence des pays développés, ce qui rend les choses difficiles.
    Vous avez mentionné plus tôt l’industrie du vêtement, et je pense que nous avons indiqué que nous investissions surtout dans l’industrie du vêtement et le secteur minier. J’estime — et ce n’est que mon opinion — qu’on peut en faire plus en étant à l’intérieur qu’en étant à l’extérieur. Encore une fois, si nous avions conclu un accord de libre-échange avec le Honduras et que nous commercions librement avec ce pays, pensez-vous que nous aurions peut-être l’occasion d’influer sur certaines lois, certaines infrastructures du Honduras?
    Comme vous dites, si vous étiez là, en quoi consisterait votre présence? Si vous ne vous contentiez pas de vendre des produits, tenteriez-vous d’améliorer les conditions de la majorité des habitants?
    C’est cette possibilité que j’envisage. J’examine le rôle de notre industrie dans certains pays en développement. Nous donnerions aux gens des cours de formation, nous leur permettrions d’acquérir de l’expérience, et nous leur offririons un emploi. Dans bon nombre de ces endroits, si vous êtes sans emploi… L’autre jour, je visitais une école, une classe de 12e année pour être précis, et un jeune homme m’a demandé ce que je faisais pour les gens de son âge. Je lui ai répondu que nous nous efforcions de lui assurer un emploi lorsqu’il quitterait l’école. Je pense que cet enjeu est très important, et j’espère que, dans le cadre d’un accord de libre-échange, nous pourrions avoir un effet bénéfique sur certains de ces pays, au lieu de nous contenter de les piller, comme cela se produisait au cours des siècles passés.
    Merci.
(1355)
    Cette approche me semble différente. Je crois que la formation dans tous… Comme vous l’avez déclaré, en établissant des industries, en versant de bons salaires, en aidant les gens à devenir plus efficaces et mieux formés et, bien entendu, en créant des emplois, vous auriez un effet très bénéfique.
    Lorsque j’entends parler d’accords commerciaux, ceux-ci ont tendance à mettre l’accent sur le commerce et les échanges de produits, des processus qui, à ce jour, ne se déroulent pas sur un pied d’égalité.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Scott, allez-y.
    Elsie, si vous ne voyez pas d’inconvénient à ce que j’utilise votre prénom, c’est Craig Scott.
    Oh, bonjour
    Como te va?
    C’est bon d’entendre votre voix.
    C’est également bon d’entendre la vôtre. Je dois indiquer pour le compte rendu de la séance du comité qu’avant d’être élu, j’étais membre de la commission.
    Je vous remercie infiniment, Elsie, d’avoir accepté de nous parler. Je veux simplement vous poser quelques brèves questions afin de combler certaines lacunes. L’une d’elles a trait au travail de la Commission de la vérité. Avez-vous, vous ou la commission dans son ensemble, observé des preuves de violation des droits des lesbiennes, des gais, des bisexuels ou des transgenres ou des préoccupations concernant le peu de protection dont ils bénéficient, en particulier pour ce qui est des transgenres?
    Oui. Je pense que la communauté gaie et lesbienne est persécutée, car l’orientation sexuelle de ses membres est considérée comme un crime au Honduras.
    En ce qui concerne les conditions actuelles, avez-vous l’impression qu’en un sens ou un autre, elles se sont améliorées depuis le coup d’État ou l’élection du président Lobo?
    Non, je ne vois aucune atténuation de la répression que subit, dans le cas présent, la communauté gaie et lesbienne, ou qui que ce soit qui n’approuve pas le coup d’État ou sa continuation.
    Elsie, je me demande si vous pourriez nous fournir des renseignements supplémentaires sur quelques questions.
    Michael Kergin, qui est membre de l’autre commission, la Commission de la vérité et de la réconciliation, a dit quelque chose qui ne cadre pas avec vos propos. Vous avez mentionné que les propriétaires terriens de Bajo Aguán avaient noué des liens avec des élites économiques plus vastes et que cela expliquait leurs intérêts et leur puissance. Michael Kergin a parlé longuement — je devrais dire un peu, pour ne pas exagérer — du pouvoir économique bien gardé d’un petit nombre de familles honduriennes et de la façon dont ces familles, ainsi que d’autres acteurs économiques, exercent un contrôle sur tout, des médias à l’industrie, en passant par les propriétés foncières.
    Pour le compte rendu, je me demande si vous êtes d’accord avec le résumé que nous a fait M. Kergin. Selon vous, quelles répercussions ce lien qui existe entre le pouvoir économique et l’influence a-t-il sur notre espoir de parvenir à un nouvel ordre constitutionnel qui, selon vos dires, est probablement indispensable.
    Je conviens que le noeud du problème tient au fait que le pays est dirigé par ceux qui ont un pouvoir économique, c'est-à-dire l'élite économique. Toutefois, ces gens doivent tenir compte des répercussions sur la majorité de la population. La question que je me pose est la suivante: pendant combien de temps peut-on s'acharner à appauvrir davantage les pauvres? Les dirigeants devraient reconnaître que c'est au détriment du pays dans son ensemble.
    Merci, Elsie. Pour revenir sur un point soulevé par mes collègues, Joyce Murray et Mme Grewal, on a mentionné que le Canada est le deuxième investisseur en importance au Honduras. Je crois que nous nous classons également au deuxième rang pour ce qui est de l'aide au développement ou de la coopération. C'est grâce à l'aide du Canada que d'excellents programmes ont vu le jour dans le domaine du système judiciaire.
    D'après mon expérience — et si je le dis, ce n'est pas parce que j'ai déjà été commissaire, mais parce que c'est la réalité —, le Canada semble plutôt réticent à utiliser, sur le terrain, le langage ou le cadre de référence des droits de la personne quand venait le temps de parler de l'aide au développement et de la coopération axée sur le développement. Les représentants canadiens adoptent une approche beaucoup plus pragmatique dans les discussions; ils parlent, disons, de systèmes d'aqueduc ou de sécurité alimentaire, mais ils évitent les idées liées aux droits de la personne. Les droits économiques, sociaux et culturels ne font pas réellement partie de la façon dont on aborde l'aide au développement au Honduras.
    Bon, il se peut que ce soit le résultat d'une décision stratégique ou d'une tendance générale dans nos programmes d'aide au développement. Quoi qu'il en soit, j'aimerais savoir ce que vous en pensez: peut-on se permettre de parler des droits de la personne sans inclure les droits économiques, sociaux et culturels dans le cadre?
(1400)
    En fait, dans le monde occidental, il a fallu beaucoup de temps avant de considérer les questions économiques, sociales et culturelles comme des droits. Dans l'hémisphère Nord, on les désigne comme des besoins, mais à cause des pressions exercées par les pays du Sud, il est devenu important de traiter ces questions comme des droits. Un besoin, c'est quelque chose dont on peut rendre compte; par contre, un droit, c'est quelque chose dont on doit rendre compte.
    Merci, Elsie.
    Merci beaucoup.
    Il nous reste seulement quelques minutes. Je me demande si je peux vous poser une question. Nous essayons, soeur Elsie, de repérer certains des documents de votre commission. Lors d'une réunion précédente, j'ai demandé à M. Scott s'il avait un exemplaire du rapport, et je sais que la réponse était non. C'est pourquoi je me demande si vous avez des documents, en anglais ou en français, que nous pourrions utiliser. En avez-vous des exemplaires?
    Le rapport a été publié en octobre dernier et, maintenant, on est en train de le traduire en anglais. Nous avons du mal à mener à bien le processus. Bref, le rapport est disponible en espagnol. Vous serait-il utile de l'avoir en espagnol?
    Oui, tout à fait. Je pense que la version espagnole est déjà accessible en ligne, n'est-ce pas?
    Oui.
    Je suppose que le résumé n'est pas non plus disponible en anglais, n'est-ce pas?
    On est en train de le traduire, mais je peux écrire un mot à mes collègues pour leur demander de commencer par traduire le résumé, parce que le reste est plus long.
    Bien. Nous ne voulons surtout pas vous causer des ennuis. Mais, de notre point de vue, ce serait utile. Cela nous permettrait d'obtenir l'information de source directe, ce qui est toujours l'idéal.
    Je peux demander à mes collègues de communiquer avec vous dès qu'ils auront l'occasion de mettre le document en ligne.
    Elsie, d'après le courriel que j'ai reçu, ils en sont aux étapes préliminaires de la traduction vers l'anglais. Alors, la question est de savoir s'il serait utile que le comité se serve du rapport, sans faire de citations. Je pense que nous pourrions l'obtenir à ce stade-là.
(1405)
    Je vous prierais de parler des détails pratiques avec la greffière.
    Merci, Elsie.
    Merci à vous.
    Merci beaucoup, soeur Elsie. Nous vous savons gré d'avoir pris le temps de témoigner devant nous. C'était très utile, et nous vous en sommes tous très reconnaissants.
    Je suis ravie d'avoir participé à cette réunion intéressante.
    Merci beaucoup.
    Chers collègues, la séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU