INDU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 6 avril 2005
º | 1605 |
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.)) |
Mme Crystal Witterick (avocate, Blake, Cassels et Graydon LLP, Produits alimentaires et de consommation du Canada) |
º | 1610 |
º | 1615 |
Le président |
M. John Scott (président, Fédération canadienne des épiciers indépendants) |
º | 1620 |
Le président |
Mme Jane Savage (présidente et chef de la direction, Canadian Independent Petroleum Marketers Association) |
º | 1625 |
º | 1630 |
Le président |
M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC) |
Le président |
Mme Jane Savage |
M. David Collins (vice-président directeur, Wilson Fuels, Canadian Independent Petroleum Marketers Association) |
Mme Crystal Witterick |
º | 1635 |
Le président |
M. John Scott |
M. Werner Schmidt |
M. John Scott |
M. Werner Schmidt |
Mme Crystal Witterick |
Le président |
M. Anthony Longo (président et chef de la direction, Longo Bros. Fruit Markets inc., Fédération canadienne des épiciers indépendants) |
Mme Jane Savage |
Le président |
º | 1640 |
M. Paul Crête (Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, BQ) |
Le président |
Mme Jane Savage |
M. Paul Crête |
Le président |
Mme Jane Savage |
M. Paul Crête |
M. Gary Sands (vice-président, Relations gouvernementales et industrielles, Fédération canadienne des épiciers indépendants) |
º | 1645 |
Mme Crystal Witterick |
Le président |
Mme Crystal Witterick |
M. Paul Crête |
Mme Crystal Witterick |
M. Paul Crête |
Le président |
M. John Scott |
Le président |
M. Gary Sands |
M. Paul Crête |
Le président |
M. Anthony Longo |
M. John Scott |
Le président |
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.) |
º | 1650 |
Le président |
M. John Scott |
M. Andy Savoy |
Le président |
Dr François Bouchard (président, Country Grocer inc., Fédération canadienne des épiciers indépendants) |
Mme Crystal Witterick |
º | 1655 |
Le président |
Mme Jane Savage |
Le président |
Dr François Bouchard |
Mme Crystal Witterick |
Le président |
M. Andy Savoy |
Le président |
M. Andy Savoy |
Mme Crystal Witterick |
Le président |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
» | 1700 |
Le président |
Mme Crystal Witterick |
M. Brian Masse |
Mme Crystal Witterick |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Anthony Longo |
Le président |
M. Gary Sands |
Le président |
M. David Collins |
» | 1705 |
Le président |
M. Brian Masse |
Mme Crystal Witterick |
M. Brian Masse |
Mme Crystal Witterick |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Brian Masse |
M. John Scott |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard (Chatham-Kent—Essex, Lib.) |
Mme Crystal Witterick |
L'hon. Jerry Pickard |
Le président |
» | 1710 |
L'hon. Jerry Pickard |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard |
Le président |
Mme Crystal Witterick |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard |
M. John Scott |
Mme Jane Savage |
L'hon. Jerry Pickard |
M. John Scott |
L'hon. Jerry Pickard |
M. John Scott |
L'hon. Jerry Pickard |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Werner Schmidt |
» | 1715 |
Le président |
M. Anthony Longo |
Le président |
Mme Crystal Witterick |
Le président |
M. Anthony Longo |
Le président |
M. Werner Schmidt |
» | 1720 |
M. Anthony Longo |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC) |
Le président |
Mme Jane Savage |
M. John Scott |
Le président |
M. Gary Sands |
Le président |
M. David Collins |
Le président |
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ) |
» | 1725 |
Le président |
Mme Crystal Witterick |
Le président |
M. Serge Cardin |
Mme Crystal Witterick |
Le président |
Mme Crystal Witterick |
Le président |
M. Serge Cardin |
Le président |
M. Bradley Trost (Saskatoon—Humboldt, PCC) |
Mme Jane Savage |
» | 1730 |
Le président |
M. David Collins |
Le président |
Mme Crystal Witterick |
Le président |
M. John Scott |
M. Bradley Trost |
M. John Scott |
M. David Collins |
Le président |
» | 1735 |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Dan Shaw (attaché de recherche auprès du comité) |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 6 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
º (1605)
[Traduction]
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.)): Bonjour, tout le monde.
Je déclare ouverte cette séance du mercredi 6 avril du Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-19, qui modifie la Loi sur la concurrence. Nous allons entendre un excellent groupe de témoins.
Comme nous avons perdu pas mal de temps à cause des votes, je vais demander à mes collègues de raccourcir quelque peu la période prévue pour les questions. Nous pourrons du reste prolonger la réunion au-delà de 17 h 30 pour reprendre le temps perdu.
Mesdames et messieurs les témoins, je vous invite à prendre la parole selon l'ordre dans lequel vous figurez sur l'ordre du jour. Je vous prierais de vous en tenir à cinq ou sept minutes pour la présentation de votre déclaration. Après sept minutes, je commencerai à vous faire signe si vous ne semblez pas sur le point de conclure.
Je vous remercie d'être des nôtres aujourd'hui.
Je vais donner la parole en premier à Mme Witterick, qui représente l'organisme Produits alimentaires et de consommation du Canada.
Mme Crystal Witterick (avocate, Blake, Cassels et Graydon LLP, Produits alimentaires et de consommation du Canada): Bonjour. Comme on l'a indiqué, je comparais au nom des Produits alimentaires et de consommation du Canada, en abrégé PACC. C'est sans doute ainsi que j'appellerai l'organisme.
Pour vous le situer dans son contexte, il s'agit d'une association industrielle représentant environ 150 sociétés canadiennes qui fabriquent et vendent des marques nationales disponibles dans le commerce de détail. Ces produits sont vendus par différents canaux commerciaux : épiceries, pharmacies, dépanneurs, magasins à bas prix et magasins d'alimentation. Les membres de PACC vont de la petite entreprise à la grosse multinationale.
PACC m'a invitée à vous remercier de nous donner l'occasion de comparaître devant vous.
Je suis conseillère à la concurrence auprès de PACC depuis une douzaine d'années. Je peux vous dire qu'en tant qu'association commerciale, PACC veille très soigneusement à se conformer à la Loi sur la concurrence. Nous tenons régulièrement des séminaires d'information consacrés à la législation sur la concurrence.
Au fil des années, j'ai eu de plus en plus souvent à me prononcer sur des projets de modification de la Loi sur la concurrence. Nous avons donné notre avis sur les lignes directrices concernant l'abus de position dominante qui s'appliquent dans le domaine de l'épicerie. Nous nous sommes prononcés sur les projets d'amendement et nous avons participé aux consultations menées par le Bureau de la concurrence.
Je n'aborderai que deux des projets d'amendement cet après-midi : tout d'abord, les SAP en cas d'abus de position dominante et le projet de modification des dispositions sur la publicité trompeuse.
Même si certains témoins qui m'ont précédée ont parfaitement exposé certains de mes arguments, je voudrais vous dire que le point de vue de PACC devrait vous paraître intéressant. J'ai lu certains des témoignages précédents et je suis frappée par la similitude des préoccupations exprimées notamment par les milieux d'affaires et les milieux juridiques. Je considère que compte tenu d'une masse aussi importante d'objections, peut-être conviendrait-il de renvoyer au Bureau de la concurrence les amendements qu'il veut apporter à la Loi sur la concurrence afin qu'il les reconsidère et qu'il les révise en fonction des différents points de vue de ses interlocuteurs.
Avant d'aborder spécifiquement les deux propositions, j'aimerais faire un commentaire d'ordre général. La Loi sur la concurrence constitue un encadrement de première importance dans notre pays. Elle doit servir à promouvoir non seulement la concurrence au Canada, mais également la concurrence au plan international. Il ne faut pas ligoter nos entreprises. Il faudrait considérer cette mesure législative dans son intégralité, et non pas de façon fragmentaire; il faut éviter d'y apporter une série d'amendements alors qu'on ne connaît pas avec certitude les prochaines étapes de la démarche ni la configuration que devrait prendre l'ensemble de la structure législative.
La loi a été modifiée en 1986. Ce fut une amélioration remarquable. La mise en place de la loi cadre a été longue, et nous déplorons qu'on y apporte maintenant des modifications fragmentaires sans la considérer de façon globale. Pas un de nos membres ne pourrait envisager de placer un produit sur les tablettes à l'intention des consommateurs sans en avoir étudié tous les ingrédients, sans avoir évalué leurs effets combinés et, de la même façon, il convient de considérer la Loi sur la concurrence comme un tout dont les différents éléments exercent une action combinée.
Commençons par la proposition d'imposition de sanctions pécuniaires administratives en cas d'abus de situation dominante : nous considérons que cette mesure est inutile pour quatre raisons. Tout d'abord, nous estimons que tout effet dissuasif supplémentaire est superflu. Rien ne prouve que des pénalités soient nécessaires. Les cas d'abus ont été très peu nombreux et il est donc difficile de comprendre la nécessité de moyens dissuasifs plus énergiques. Des millions de dollars de sanctions pécuniaires administratives ont déjà été versées en cas d'abus de position dominante. Ces sanctions s'appliquent que l'entreprise soit coupable ou non. C'est là, à mon avis, un effet dissuasif plus que suffisant.
En plus des avis juridiques complexes et coûteux qu'il faut obtenir pour se conformer à ces dispositions, des poursuites juridiques peuvent coûter plusieurs millions de dollars, sans parler du temps perdu par les cadres et les gestionnaires et de l'atteinte à la réputation de l'entreprise.
Je peux vous parler de ce qui se passe dans notre cabinet lorsque nous devons conseiller un client. On dit : « Monsieur Untel, je pense que votre attitude soulève des questions relevant de l'application des dispositions sur l'abus de position dominante », le mot clé étant ici le mot « questions ». Nous disons très rarement... Dans certaines circonstances, nous parlons d'un problème auquel il faut réagir, mais le plus souvent, nous employons le mot « questions ». Le cadre répond : « Que voulez-vous dire par questions? Qu'est-ce que j'ai fait de mal? Y a-t-il un problème? » Je ne sais pas. Il faut aller devant le juge, qui décidera. Les dispositions n'offrent guère d'indications qui nous permettent d'éclairer nos clients. Les sociétés ont besoin d'indications précises pour gérer efficacement leur entreprise.
Mais si l'on aggrave encore cette incertitude en amenant la société à peser plus prudemment le pour et le contre avant de décider si elle va poursuivre sur la même voie, au risque de devoir verser des millions de dollars pour un procès, auquel s'ajoutera peut-être une pénalité de 10 à 15 millions de dollars, elle va adopter une attitude de prudence excessive qui va avoir pour effet de nuire à la concurrence, et c'est bien la dernière chose dont notre pays ait besoin.
º (1610)
Donc, selon ce scénario, le Bureau possède un énorme marteau pour encourager les entreprises à se comporter correctement et à mettre fin à tout comportement anticoncurrentiel possible. C'est un facteur dont tiennent compte les entreprises dans les décisions quotidiennes qu'elles prennent. Elles réfléchissent à ce genre de risques. Elles réfléchissent aux incidences de leur conduite. Elles pèsent le pour et le contre et dans l'ensemble, les entreprises préfèrent demeurer prudentes. Elles ne veulent pas que les journaux rapportent qu'elle font l'objet d'une enquête par le Bureau pour abus de position dominante. Elles ne veulent pas que leur linge sale, ou des renseignements d'affaires confidentiels les concernant ou quoi que ce soit d'autre soient rendus publics à l'occasion d'un procès. Cela a un énorme effet de dissuasion. Je ne comprends pas pourquoi nous considérons que des sanctions administratives pécuniaires de 10 ou 15 millions de dollars sont nécessaires.
Le deuxième argument, c'est qu'il est déraisonnable, à mon avis, de punir un comportement non criminel par des amendes. Compte tenu de l'importance des sanctions administratives pécuniaires proposées, on se trouverait à transmettre le message selon lequel l'abus de position dominante, qui n'est pas un acte criminel et qui dans certains cas peut favoriser la concurrence, est plus grave que la fixation des prix, qui a été qualifiée par l'OCDE de comportement anticoncurrentiel le plus insigne. Pour avoir lu les transcriptions des séances précédentes, je sais qu'on a laissé entendre que la solution à ce problème consiste à augmenter l'amende pour complot. Ce n'est pas une bonne solution parce que comme je l'ai déjà dit, il s'agit d'une approche fragmentée. C'est une façon de modifier la loi qui entraîne une réaction en chaîne. Lorsque vous avez un problème, vous allez faire telle chose pour y remédier et cela entraînera alors un autre problème. Que fait-on dans le cas par exemple du régime de prix imposé? Cela soulève une autre question. On ne peut pas examiner cette question de façon isolée. Il faut une fois de plus tenir compte de la situation d'ensemble.
Le troisième point, auquel j'ai fait allusion plus tôt, c'est qu'à mon avis les sanctions administratives pécuniaires auront un effet paralysant sur les comportements bénéfiques pour la concurrence. On constate déjà l'existence d'un comportement relativement prudent. Je crois que cela aura un effet extrêmement dissuasif. Il existe déjà beaucoup d'incertitude. Il n'est pas facile d'expliquer à un cadre comment fonctionnent les dispositions relatives à l'abus et quel est le comportement qui est visé par ces dispositions. Nous tenons régulièrement des séances d'information pour les membres de Produits alimentaires et de consommation du Canada, et la question revient année après année : que signifient les dispositions relatives à l'abus? Comment s'appliquent-elles? Comment puis-je savoir si mon comportement pose problème? Il faut que je sois prudent et plus prudent que nécessaire si ces dispositions étaient plus précises.
Donc, tenir compte de tous ces facteurs et se faire dire ensuite que vous pouvez être prudent et qu'il existe une certaine incertitude mais, en passant, vous pourriez courir le risque de recevoir des pénalités représentant 10 à 15 millions de dollars et dépenser des millions et des millions de dollars si vous devez participer à des audiences, cela décourage énormément l'exercice d'une concurrence dynamique.
Je ne suis pas une experte en constitution, mais je crois que cela pose un grave problème constitutionnel, et je crois que mon partenaire, Peter Hogg, comparaîtra devant vous à un certain moment pour vous indiquer si les sanctions administratives pécuniaires sont valables.
Je suppose que la question que je me pose—et j'aurais peut-être dû la poser à Peter, mais je vous la poserai à vous, à savoir s'il existe un mécanisme qui permet de vérifier l'aspect constitutionnel, plutôt que d'entamer des années d'audiences sur la question, avec l'interruption possible de l'application des dispositions relatives à l'abus jusqu'à ce que l'on règle ces problèmes. Vous savez, si ces propositions sont adoptées, dès que les sanctions administratives pécuniaires seront établies, le premier cas sera un cas de contestation de la Constitution.
En ce qui concerne la publicité trompeuse, notre organisation s'oppose aussi aux propositions qui ont été faites pour trois raisons principales. La première question que tout le monde pose, c'est pourquoi. Le Bureau obtient déjà d'importantes sanctions administratives pécuniaires en fonction d'un chef multiple. A-t-il besoin d'un marteau encore plus lourd pour encourager des règlements hors cour et éviter un procès et les coûts qui s'y rattachent de même que l'atteinte à la réputation, même si au bout du compte vous êtes innocent? Il s'agit d'un énorme facteur dont doivent tenir compte les entreprises lorsqu'elles demandent conseil et lorsqu'elles traitent avec le Bureau. Lorsque le Bureau téléphone et dit, « la publicité que vous faites nous pose un problème », la plupart des entreprises régleront volontairement parce qu'elles ne veulent pas la moindre allusion selon laquelle elles se livrent à une conduite illégale de quelque façon.
Deuxièmement, comme je l'ai déjà dit, les propositions auront un effet paralysant sur l'exercice d'une concurrence dynamique.
Le dernier point que j'aimerais aborder, c'est pourquoi le Bureau assume-t-il soudainement le rôle de champion du consommateur? Il existe différents recours pour les consommateurs qui veulent obtenir réparation. Nous avons un nouveau régime de recours collectif destiné à faciliter précisément les recours collectifs. Il existe le droit privé de recours. Je crois que la concurrence, et non le Bureau, est le meilleur moyen de lutter contre la publicité trompeuse.
Je vous remercie.
º (1615)
Le président: Merci beaucoup, madame Witterick.
Je crois, monsieur Scott, que vous allez prendre la parole au nom de la Fédération canadienne des épiciers indépendants.
M. John Scott (président, Fédération canadienne des épiciers indépendants): Bonjour, monsieur.
Je tiens à vous remercier de nous avoir offert la possibilité de prendre la parole devant vous cet après-midi.
Tard hier, nous avons envoyé à la greffière une modification à notre mémoire, et je crois que la plupart d'entre vous l'ont reçue. Je tenais simplement à vous signaler que le mémoire a légèrement été modifié.
Aujourd'hui je suis accompagné de MM. Gary Sands, vice-président de la FCÉI, Anthony Longo, président-directeur général de Longo Brothers Fruit Markets, une entreprise de grande réputation regroupant 14 épiceries indépendantes offrant une gamme complète de services ayant son siège à Toronto, et François Bouchard, que les membres du comité connaissent peut-être parce qu'il est propriétaire de Country Grocer, une épicerie bien connue ici à Ottawa.
À la FCÉI, nous avons décidé de nous faire accompagner de deux propriétaires directement concernés par la loi dans le but de souligner l'importance, pour nos membres, des modifications prévues dans le projet de loi C-19, et dont est saisi votre comité.
La Fédération canadienne des épiciers indépendants est une association nationale à but non lucratif qui a été créée en 1962 dans le but de défendre les intérêts uniques des épiciers indépendants et franchisés au Canada. Après avoir connu des débuts modestes, notre organisation représente maintenant plus de 4 000 épiciers détaillants indépendants et franchisés dans chaque province et territoire. La FCÉI a comme principale mission de défendre les intérêts des épiciers indépendants de manière à ce que ceux-ci bénéficient de règles du jeu raisonnablement équitables sur le marché.
Nous sommes persuadés que les membres du comité sont tout à fait conscients du fait que l'industrie canadienne de l'alimentation connaît l'un des plus forts taux de concentration au Canada. En effet, deux joueurs contrôlent près de 60 p. 100 du marché et, si l'on y ajoute quatre autres entreprises, le pourcentage atteint plus de 80 p. 100. Les principaux joueurs dans l'industrie canadienne de l'alimentation exploitent des magasins et des franchises en plus d'effectuer de la vente en gros. Il arrive parfois que ces entreprises en arrivent, essentiellement, à se faire elles-mêmes concurrence sur le même marché.
Étant donné ce niveau de concentration, chaque joueur (gros ou petit) n'a pas vraiment droit à l'erreur. Chaque entreprise travaille fort pour se démarquer de toutes les autres. Vous connaissez certaines des stratégies de différenciation, y compris les produits vendus sous la marque du distributeur, l'utilisation de la technologie, les cartes de fidélité, les offres élargies de produits et autres techniques. La stratégie la plus courante, cependant, repose sur le prix auquel les produits peuvent être obtenus et le prix auquel ils sont vendus aux consommateurs. De toute évidence, les coûts d'acquisition et les frais d'exploitation des principaux joueurs et des autres plus petits ne sont pas les mêmes et, souvent, ces différences se reflètent sur les coûts réguliers ou promotionnels des produits.
Nos membres acceptent que, dans une certaine mesure, ces différences constituent la norme sur le marché. Cependant, des problèmes d'ordre concurrentiel se posent lorsque ces écarts sont déraisonnables et visent à éliminer les petits joueurs dans un marché donné. C'est pour cette raison que le Parlement du Canada a inclus des dispositions dans la Loi sur la concurrence, auparavant la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, concernant la différenciation des prix et les ristournes promotionnelles. Ces modifications ont été toutes les deux adoptées en raison des abus apparents dans l'industrie canadienne de l'alimentation. Comme nous le savons tous, bien qu'elles soient incluses dans la loi depuis de nombreuses années, ces dispositions bien intentionnées n'ont donné lieu à aucune condamnation du fait que le fardeau de la preuve pour une condamnation au criminel est simplement trop lourd. Donc, en dépit des dispositions de la loi visant à empêcher les pratiques anticoncurrentielles, des pratiques extrêmement dynamiques au chapitre des ristournes promotionnelles et de la différenciation des prix demeurent en usage dans l'industrie canadienne de l'alimentation.
Nous avons eu des échanges avec des organisations qui se sont déjà présentées devant ce comité pour faire part de leur opposition au concept des sanctions administratives pécuniaires mais qui appuient néanmoins l'idée de la décriminalisation de la différenciation des prix et des ristournes promotionnelles.
Mesdames et messieurs les membres du comité, nous sommes d'avis que la décriminalisation des ristournes promotionnelles et de la différenciation des prix sans l'imposition, en retour, d'une peine en cas de comportement flagrant, sous la forme de sanctions administratives pécuniaires, aurait pour effet, en réalité, d'affaiblir la Loi sur la concurrence. Le projet de loi C-19 permet le contraire. En fait, le Canada a maintenant l'occasion de rectifier sa position et d'emboîter le pas à presque tout le reste de la planète en adoptant des dispositions législatives prévoyant une peine en cas de comportement anticoncurrentiel, c'est-à-dire l'imposition de sanctions administratives pécuniaires.
La seule question que se pose la FCÉI en ce qui a trait aux sanctions administratives pécuniaires proposées est de savoir si le montant maximal de 10 millions de dollars est suffisamment dissuasif. En effet, l'adoption bien intentionnée des SAP ne devrait pas avoir pour effet d'inciter une entreprise canadienne à considérer les sanctions simplement comme un coût d'exploitation. Au sein de l'Union européenne, les SAP s'élèvent à 10 p. 100 du chiffre d'affaires annuel. En 2004, il a été établi que la société Microsoft avait abusé de sa position dominante et s'est vue imposer une SAP de 700 millions de dollars canadiens. Aux États-Unis, il y a les actions privées et les dommages-intérêts triplés. Voilà un montant vraiment dissuasif et il faut que, au Canada, la SAP maximale soit perçue comme étant tout aussi dissuasive.
º (1620)
Voici donc en quelques mots notre position vis-à-vis du projet de loi C-19. Tout d'abord, les sanctions administratives pécuniaires constituent un ajout judicieux aux dispositions de la loi concernant l'abus de position dominante. Une seule conséquence est actuellement prévue en cas de comportement anticoncurrentiel, c'est-à-dire que le tribunal ordonne à l'entreprise de mettre fin à une pratique douteuse ou peut-être de se dessaisir de certains biens. Cela équivaut à une tape sur la main pour punir un comportement anticoncurrentiel flagrant.
Deuxièmement, nous sommes en faveur de la décriminalisation des dispositions relatives à l'établissement des prix, y compris la différenciation des prix, la différenciation des prix en fonction de l'emplacement géographique, l'établissement de prix abusifs et les ristournes promotionnelles, en autant que les sanctions administratives pécuniaires soient applicables sous le régime de ces dispositions de la loi.
Nous nous demandons seulement si la SAP maximale proposée de 10 millions de dollars est suffisante.
La FCÉI est également en faveur d'autres propositions qui ont été examinées par le comité. L'une d'entre elles portait sur le droit de recours en dommages à la suite d'un comportement anticoncurrentiel prouvé. Malheureusement, ce sujet n'est pas traité dans les modifications proposées. Bien franchement, il faut tellement de temps pour prouver un comportement anticoncurrentiel que, souvent, le petit joueur touché par celui-ci est retiré des affaires bien avant de pouvoir même envisager d'intenter des poursuites pour recouvrer des dommages-intérêts. Néanmoins, le concept est très intéressant, peut-être à titre de mesure dissuasive possible additionnelle, et le comité pourrait vouloir reconsidérer celui-ci ultérieurement.
La Fédération canadienne des épiciers indépendants vous remercie de l'attention que votre comité a accordée à cet important texte de loi. Le projet de loi C-19 est un texte de loi d'une importance primordiale pour notre industrie, et nous encourageons le comité à l'adopter rapidement.
Monsieur le président, voilà qui termine notre déclaration préliminaire.
Le président: Je vous remercie, monsieur Scott.
Nous allons maintenant entendre, je crois, Jane Savage, pour la Canadian Independent Petroleum Marketers Association.
Mme Jane Savage (présidente et chef de la direction, Canadian Independent Petroleum Marketers Association): Merci de m'avoir invitée à témoigner au sujet du projet de loi C-19.
Il ne fait aucun doute que la concurrence et l'état actuel de la concurrence dans le monde des affaires canadien sont les enjeux prioritaires qui préoccupent la Canadian Independent Petroleum Marketers Association, ou la CIPMA. Notre mission consiste à promouvoir et améliorer la concurrence à long terme pour les détaillants et les grossistes dans le secteur des produits du pétrole et des carburants.
Notre association représente des distributeurs indépendants de carburant de tout le pays. Je suis accompagnée de M. Dave Collins, qui est vice-président de Wilson Fuels, une entreprise du Canada atlantique. Wilson Fuels est le plus grand distributeur indépendant de produits de pétrole à l'est de la ville de Québec. Cette entreprise exerce une énorme pression concurrentielle dans le marché des produits du pétrole de cette région. Je suis également accompagnée d'Alan MacEwen, qui est le président de MacEwen Petroleum, un nom que vous connaissez bien ici dans la région d'Ottawa.
Les distributeurs indépendants de pétrole créent une concurrence dans un marché qui, sans eux, serait à la fois unidimensionnel et entièrement dominé par les grandes raffineries. Comme l'a dit Richard Taylor, ancien directeur de la concurrence à la Federal Trade Commission des États-Unis, les distributeurs indépendants sont très précieux car ils constituent une source nécessaire de concurrence dans le secteur de la vente en gros des produits du pétrole. Parmi les sociétés que nous représentons figurent des noms que vous reconnaîtrez sûrement comme MacEwen, Mr. Gas, Canadian Tire, Pétroles Crevier, OLCO et Can-Op. De façon générale, les indépendants sont des petites et moyennes entreprises familiales qui sont transmises de génération en génération. Elles ont acquis une bonne réputation car ce sont des entreprises locales florissantes qui réinvestissent leurs profits dans l'économie et les oeuvres de bienfaisance locales.
Toutes les activités de notre organisation reposent sur la conviction qu'on ne devrait pas permettre aux riches entreprises qui dominent le marché d'écraser les sociétés qui n'ont pas la même richesse mais qui se distinguent par leur efficacité et la qualité de leur gestion. Selon nous, cette conviction est tout à fait conforme à l'objectif de la Loi sur la concurrence, dont l'article 1.1 stipule que :
La présente loi a pour objet... d'assurer à la petite et à la moyenne entreprise une chance honnête de participer à l'économie canadienne, de même que dans le but d'assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix sur les produits. |
Or, la situation actuelle est tout à fait contraire à cet objectif. En effet, les prix de l'essence ont atteint un dollar le litre dans tout le pays.
Afin de contribuer à mettre en pratique l'objectif de la loi, la CIPMA a joué un double rôle auprès du Bureau de la concurrence. D'abord, depuis dix ans, notre association ainsi que nos membres signalent au Bureau les cas de pratiques commerciales qui nuisent à la concurrence. En deuxième lieu, comme très peu de poursuites et d'enquêtes ont été lancées en vertu de la loi actuelle, la CIPMA a collaboré avec la direction des politiques en vue de moderniser et d'améliorer la Loi sur la concurrence, afin de doter le Bureau de meilleurs mécanismes qui lui permettraient de lancer des poursuites, de dissuader les contrevenants et de prévenir les tactiques commerciales déloyales dans notre secteur et dans d'autres industries.
En résumé, nous soutenons que le projet de loi C-19 propose une réforme insuffisante et inefficace de la loi. En outre, selon nous, le Bureau ne prend pas les mesures qui s'imposent pour protéger la concurrence au Canada. Je vais aborder ces deux sujets. De plus, je vous invite, comme parlementaires, à reconnaître que la concurrence au Canada sera mise en péril si l'on ne fait rien pour combler ces lacunes.
D'abord, le projet de loi C-19 ne contient qu'une illusion de réforme. En effet, la décriminalisation des dispositions sur l'établissement des prix semble, à première vue, faciliter les poursuites en allégeant le fardeau de la preuve. Or, cette modification n'améliore en rien la loi actuelle car l'application de ces dispositions se fera en vertu de l'article 79, qui porte sur l'abus de position dominante. Cet article peut être invoqué actuellement, mais il s'est révélé inefficace. Le projet de loi C-19 ne rend pas l'article 79 plus efficace.
En deuxième lieu, nous sommes contre la modification selon laquelle la discrimination par les prix ne fait plus l'objet de l'une des dispositions spécifiques sur l'établissement des prix contenues dans la loi. La discrimination par les prix est une tactique répandue dans notre secteur, et elle menace sérieusement la concurrence. L'élimination de cette disposition spécifique représente un recul pour la législation canadienne qui s'éloigne de l'objectif déclaré de la loi. De plus, le projet de loi propose l'élimination de dispositions qui existent dans la loi américaine depuis 1932.
En troisième lieu, le projet de loi C-19 n'accorde pas expressément aux parties lésées le droit d'obtenir des dommages-intérêts dans les cas de concurrence déloyale qui ne constitue pas un acte criminel. Cela ne favorise pas l'harmonisation des lois canadiennes sur la concurrence avec les lois d'autres administrations, notamment des États-Unis. À cause de cette décision, et comme on a retiré du projet de loi les dispositions sur la discrimination par les prix, la concentration des entreprises va demeurer plus élevée au Canada et les petites entreprises canadiennes seront plus à risque que celles des États-Unis.
º (1625)
Sur la deuxième question, concernant l'application de la loi actuelle, on se demande pourquoi le Bureau hésite tant à réprimer les comportements qui portent atteinte à la concurrence. Quelles qu'en soient les raisons, en agissant ainsi, il ne se conforme ni à l'objet déclaré de la loi, ni à l'intention du législateur, comme les perçoivent les Canadiens.
Le projet de loi C-19 pourrait recueillir notre approbation si on donnait suite aux recommandations suivantes :
Il faut préserver expressément les dispositions sur la discrimination par les prix.
Il faut modifier l'article 79 ou ajouter une nouvelle disposition pour permettre une véritable application de toutes les dispositions concernant l'établissement des prix, qu'il s'agisse d'établissement d'un prix abusif ou de discrimination par les prix.
Il faut ajouter le droit de recouvrer des dommages-intérêts en cas de conduite non criminelle.
En conclusion, nous sommes déçus par l'état de la concurrence dans l'industrie de l'essence et dans l'ensemble du commerce au Canada. Nous sommes également déçus par la Loi sur la concurrence et par la façon dont elle est appliquée. Nous invitons le comité à accorder aux entreprises canadiennes une protection identique à celle dont bénéficient les entreprises américaines, et à demander au Bureau de la concurrence de réviser la loi en ce sens. À défaut, nous demandons au comité de rejeter cette mesure législative inefficace. Sans une véritable réforme, les petites et moyennes entreprises canadiennes resteront en danger et à plus long terme, ce seront inévitablement les consommateurs canadiens et l'ensemble de notre économie qui en feront les frais.
Notre loi est beaucoup moins exigeante que la législation américaine sur la concurrence. Dans un contexte de libre-échange avec les États-Unis, nous revendiquons la même protection que les entreprises américaines. À en juger par la situation du monde des affaires aux États-Unis, nous estimons, contrairement à ce que prétendent les détracteurs d'une véritable réforme de la législation sur la concurrence, que celle-ci n'a pas pour effet de paralyser le monde des affaires.
Nous vous invitons, vous, les parlementaires, à faire ce qu'il faut pour que les Canadiens obtiennent ce qu'ils attendent, à savoir une législation dynamique sur la concurrence, qui soit appliquée avec vigueur.
Encore une fois, nous vous remercions de nous avoir permis de soumettre ces recommandations au comité.
º (1630)
Le président: Merci, madame Savage.
Nous allons passer aux questions. Je rappelle aux membres du comité que je vais être aujourd'hui un peu plus strict que d'habitude de façon que tout le monde puisse intervenir.
Nous allons commencer par Werner Schmidt.
M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercier de vos exposés de cet après-midi.
Je constate avec intérêt que les commerçants indépendants en produits pétroliers et les fabricants de produits alimentaires sont d'accord pour dire qu'il faut reformuler la loi. Il est remarquable, monsieur le président, qu'à cette étape-ci de nos travaux, on nous dise que nous n'avons peut-être pas abordé la question de la concurrence comme il aurait fallu le faire. Je suis tout à fait d'accord pour dire que des modifications fragmentaires de la loi n'apporteront certainement pas la bonne solution.
Néanmoins, j'aimerais vous demander si ce projet de loi constitue une amélioration par rapport à la situation actuelle. J'ai constaté certains désaccords. Certains prétendent qu'il n'y a aucune amélioration, qu'il y a plutôt régression, et que nous sommes en train de reculer.
Mais j'aimerais que vous répondiez à ma question. S'agit-il d'une amélioration par rapport à la formule actuelle?
Le président: Qui veut répondre?
Mme Jane Savage: Peut-être pourrais-je inviter Dave Collins, de Wilson Fuels, à répondre.
M. David Collins (vice-président directeur, Wilson Fuels, Canadian Independent Petroleum Marketers Association): Mon expérience du Bureau remonte à une dizaine d'années lorsque nous avons commencé nos activités. En fait, à sa décharge, le Bureau m'a aidé à obtenir la déréglementation de l'essence dans la province de la Nouvelle-Écosse en 1991. Puis, en 1995-1996, nous avons eu un incident avec Irving Oil. Il s'agit d'un fait qui a été bien établi à l'époque, et le Bureau en possède les dossiers. Ils ont en fait contourné les marchés pour diminuer les prix de l'essence au détail en deçà des coûts d'acquisition puis en deçà des coûts du pétrole brut en ce qui concerne Pétro-Canada.
Lorsque finalement nous sommes allés voir le Bureau, il a déclaré qu'il s'agissait d'un problème régional et non d'un problème de portée nationale. Je n'étais pas très heureux en Nouvelle-Écosse de constater que les bureaucrates fédéraux n'étaient pas disposés à appliquer une loi fédérale dans l'ensemble du pays. C'était M. John Bean qui avait pris cette décision à l'époque. Pour mettre fin à cet incident, le ministre du Développement économique de la Nouvelle-Écosse a en fait dû écrire aux sociétés pétrolières et leur dire de cesser cette pratique. C'est en usant de persuasion qu'on a réussi finalement à obtenir qu'elles mettent fin à cette pratique.
C'est l'expérience que j'ai vécue, et je viens d'entendre l'expérience d'un négociant au sud de l'Ontario qui se débat avec le même genre de situation que nous avons connue. Ce qu'ils font, c'est qu'ils reçoivent une lettre—ils s'adressent à eux. C'est un peu comme une personne blessée par balle, en sang, qui entre dans un commissariat de police pour demander de l'aide et à qui on dit : « Eh bien, je veux que vous trouviez où habite le type, je veux que vous obteniez son arme et je veux également que vous lui fassiez signer des aveux. Une fois que vous reviendrez avec tout cela, alors nous agirons. »
Il n'existe absolument aucune application vigoureuse de la loi telle qu'elle existe aujourd'hui. Ils n'agissent pas. Il y a une crise au niveau de la gestion.
Pour répondre à votre question, et j'y arrive, cette loi pourrait être nettement améliorée mais on ne renforce pas une loi en supprimant certaines de ses dispositions. C'est vraiment ce qui est en train de se passer en ce qui concerne la discrimination par les prix—qui n'y figure plus et que nous aimerions voir rétablie dans la loi. Je crois que cela améliorerait la situation de notre industrie, cela ne fait aucun doute. Notre situation est unique en ce sens que 80 p. 100 des recettes du site proviennent d'un produit. Si vous baissez le prix de ce produit en deçà des coûts d'acquisition, et cela se produit assez rapidement...
Mme Crystal Witterick: Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une amélioration par rapport à la loi qui existe à l'heure actuelle. Si vous comparez les répercussions négatives aux avantages possibles, aux avantages évoqués, ce sont les désavantages qui l'emportent puisque cela nuit à notre capacité de promouvoir la concurrence au Canada.
Les dispositions actuelles prévoient déjà suffisamment de mécanismes de dissuasion. L'ajout de sanctions de 10 à 15 millions de dollars encouragera une approche plus prudente, ce qui n'est pas utile.
Il n'y a pas eu beaucoup de cas de ce genre. Le coût d'une enquête est déjà un facteur de dissuasion. Je crois que ce n'est tout simplement pas nécessaire.
º (1635)
Le président: Monsieur Collins, veuillez laisser M. Scott répondre, je vous prie.
M. John Scott: Il s'agit de toute évidence d'une amélioration par rapport à la loi existante. Je ne me prononcerai pas pour l'instant sur les arguments qui ont été avancés. Mais il ne faut pas oublier que le comité qui a précédé celui-ci a proposé certains de ces changements lors de la dernière législature et ils ont été longuement débattus par de nombreux groupes partout au pays. Nous y avons consacré un grand nombre d'heures. Ce que vous avez devant vous représente le meilleur compromis qui existe à l'heure actuelle.
Est-il nécessaire de proposer d'autres amendements? Bien sûr, mais il existe un processus qui permet de proposer des amendements avec le temps. Est-ce que nous en sommes satisfaits? Pas tout à fait, mais nous prendrons ce que nous pourrons. C'est important.
M. Werner Schmidt: Il n'y a pas eu de nombreuses poursuites, mais cela ne signifie pas que la loi est mauvaise.
M. John Scott: C'est exact.
M. Werner Schmidt: Vous avez porté une accusation, madame Savage, voulant que la loi actuelle n'est pas appliquée. Il est possible qu'elle ne le soit pas, mais cela ne la met pas en cause. Si une loi, aussi efficace soit-elle, n'est pas appliquée, rien ne changera. Donc le problème pourrait fort bien se situer au niveau de l'application plutôt qu'au niveau de la loi même.
D'après vous, le projet de loi est meilleur que la loi actuelle. Si c'est le cas, nous avons de bonnes raisons de poursuivre notre travail.
Par contre, j'aimerais poser une question à chacun d'entre vous, et particulièrement à Mme Witterick, à propos de la limite supérieure des sanctions administratives pécuniaires. Est-ce un problème, ou le problème réside-t-il dans l'existence de ces sanctions?
Mme Crystal Witterick: Il ne fait aucun doute que la limite supérieure pose problème, mais je considère que les sanctions administratives pécuniaires ne sont absolument pas nécessaires. Il existe déjà suffisamment de facteurs de dissuasion; je le constate chaque jour dans mon travail.
Le président: Des commentaires sur la question de M. Schmidt? M. Longo, suivi de Mme Savage.
M. Anthony Longo (président et chef de la direction, Longo Bros. Fruit Markets inc., Fédération canadienne des épiciers indépendants): La loi n'a pas vraiment été appliquée parce qu'on a placé la barre trop haut en ce qui concerne la déclaration de culpabilité. Il y a eu deux cas de petites chaînes d'épicerie aux deux extrémités du pays, l'une à Corner Brook, à Terre-Neuve et l'autre à Tsawwassen en Colombie-Britannique. Elles étaient assiégées par deux importants concurrents qui ont réduit le prix des produits de base nettement en deçà des coûts d'acquisition.
Lorsqu'on a fait appel au Bureau, il a lancé une longue enquête. Au bout du compte, il n'a pas réussi à recueillir suffisamment de preuves pour appuyer une déclaration de culpabilité. Dans de tels cas, nous considérons que des sanctions administratives pécuniaires auraient un effet de dissuasion beaucoup plus efficace. Elles permettront de placer la barre à un niveau approprié de sorte que nous puissions poursuivre les grandes entreprises qui abusent de leur position sur le marché.
En ce qui concerne les deux chaînes que j'ai mentionnées, l'une comptait sept magasins, l'autre 16. S'il s'était agi d'exploitants n'ayant qu'une seule épicerie, ils auraient fermé leurs portes aujourd'hui et la collectivité aurait été privée d'une épicerie.
Mme Jane Savage: La rareté des poursuites intentées en vertu de la loi actuelle n'a rien à voir avec l'absence de comportement anticoncurrentiel. Chaque jour on constate des signes évidents de comportements anticoncurrentiels.
La rareté des poursuites est attribuable à deux facteurs connexes : le fardeau élevé de la preuve au criminel, et les difficultés d'application de la loi. Nous n'avons aucun doute à ce sujet. Le Bureau vit une crise de leadership et nous avons besoin d'aide. Il faut que le Bureau comprenne que son travail consiste à enquêter sur les cas de comportements anticoncurrentiels. Il ne semble pas que ce soit ce qu'il fait.
Le président: Je vous remercie, madame Savage.
Nous allons maintenant passer à Paul Crête.
º (1640)
[Français]
M. Paul Crête (Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, BQ): Merci beaucoup pour ces témoignages, notamment sur la question de l'essence. Madame Savage et monsieur Collins, vous abordez là une question très importante. On a mené ici des études à répétition. Au cours des deux dernières années, j'ai pour ma part tenté de faire en sorte que ces démarches ne se répètent plus d'une année à l'autre.
Aujourd'hui, en décriminalisant les dispositions relatives à l'établissement des prix, n'offre-t-on pas une concession extraordinaire aux grandes entreprises pétrolières? C'était le dernier endroit où il était encore possible de demander certaines choses, même s'il était possible de les prouver. Cela ne va-t-il pas faciliter la vie à ceux qui contrôlent un marché comme celui de l'essence? Je parle particulièrement des grands producteurs qui sont entièrement intégrés.
[Traduction]
Le président: Est-ce que quelqu'un veut...?
Mme Jane Savage: Je suis désolée, je ne suis pas sûre d'avoir bien compris la question. Je m'excuse.
Quelle concession avez-vous...?
[Français]
M. Paul Crête: Vous regrettez qu'on ait retiré de la loi les articles relatifs à l'établissement des prix. J'aimerais savoir si cette mesure n'est pas une façon d'accroître davantage les comportements anticoncurrentiels au sein de l'industrie, particulièrement dans la vôtre, celle de l'essence. On a observé que certains phénomènes se répétaient au cours des dernières années, et on ne trouve pas de solutions à ces problèmes.
[Traduction]
Le président: Ça va, madame Savage?
Mme Jane Savage: Oui. Je vous remercie de la question.
L'activité criminelle dans l'industrie de l'essence se rattache à un comportement prédateur. Elle n'est pas vraiment liée à la collusion proprement dite. Un aspect sur lequel le Bureau a fait enquête avec beaucoup d'efficacité, c'est la collusion entre les sociétés pétrolières. Et le Bureau a conclu chaque fois qu'il n'existe pas de collusion dans les marchés de détail de l'industrie.
Le réel problème qui existe sur le marché, c'est l'absence de concurrence suffisante au niveau de gros et le fait que l'établissement d'un prix abusif et la discrimination par les prix qui se produisent dans l'industrie aujourd'hui, nécessitent un fardeau de la preuve trop élevé pour pouvoir obtenir une déclaration de culpabilité. Les tribunaux pénaux ne s'intéressent pas à ce genre de problème. Donc décriminaliser ces dispositions concernant l'établissement des prix facilitera à notre avis les poursuites tant que l'on aura des dispositions au civil qui rendront cette mesure efficace.
Donc oui, tout à fait, décriminalisons les dispositions relatives à l'établissement des prix. Mais l'activité dont vous parlez concernant les grandes entreprises pétrolières, c'est-à-dire la collusion, qui est visée par l'article 45, qui correspond à cet aspect de la loi—et nous pouvons en témoigner à titre de distributeurs indépendants d'essence—n'existe pas aussi activement sur le marché du détail, à cause de l'existence de l'article 45. La décriminalisation des dispositions relatives à l'établissement des prix n'aggravera pas la situation.
[Français]
M. Paul Crête: Pour ce qui est des épiciers indépendants, vous dites que le montant maximum des sanctions administratives pécuniaires, les SAP, devrait être majoré. Toutefois, vous ne semblez pas vouloir aller jusqu'au point de demander qu'un amendement soit présenté en ce sens. Vous avez parlé du modèle des Américains, qui fait état d'un montant aussi élevé que 100 millions de dollars, et de celui de l'Union européenne, qui applique un pourcentage fixe. Je n'ai peut-être pas lu le mémoire suffisamment en détail, mais j'aimerais savoir si vous souhaitez que cela prenne la forme d'un amendement à la loi.
[Traduction]
M. Gary Sands (vice-président, Relations gouvernementales et industrielles, Fédération canadienne des épiciers indépendants): Nous considérons les 10 millions de dollars comme une solution de compromis.
Par contre, nous aimerions ajouter qu'il ne fait aucun doute que dans notre secteur, 100 000 $ dans ce contexte sont facilement amortissables. Cela n'a rien de dissuasif. Quiconque prétendrait le contraire ne vous dirait pas—et je dois faire attention à ce que je dis—vraiment la vérité.
Cent mille dollars? Ce n'est rien. Il y en a qui dépensent ça en six mois. Il faut que cela soit vraiment dissuasif. Nous considérons 10 millions de dollars comme un compromis raisonnable et comme une étape importante sur la voie de la réforme de la loi.
Nous sommes d'accord avec vous, monsieur Schmidt. L'application de la loi et les modifications proposées aujourd'hui sont deux questions différentes, mais comme M. Scott vous l'a dit tout à l'heure, pour nous c'est une modification importante.
º (1645)
Mme Crystal Witterick: Est-ce que je peux répondre?
Le président: Je vous en prie, madame Witterick.
Mme Crystal Witterick: Permettez-moi de vous poser la question suivante. Aux États-Unis, les amendes pour entente délictueuse se montent à des centaines de millions de dollars. Des compagnies se retrouvent avec des centaines de millions de dollars d'amendes à payer et sont poursuivies collectivement pour dommages et intérêts.
Est-ce que cela met un terme à l'établissement des prix? Non. Il y a de plus en plus de cas d'établissement des prix tous les jours. C'est un coût à payer. Dix mille dollars, c'est le coût à payer.
Dans les affaires d'entente délictueuse, nous constatons de plus en plus que c'est la menace de sanctions criminelles qui est la plus dissuasive.
Dans les cas d'abus de position dominante, comme je l'ai dit tout à l'heure, le facteur dissuasif c'est la crainte de perte de réputation aux yeux du public, le temps perdu et les conséquences d'une enquête pour les compagnies concernées. C'est ça le facteur dissuasif et c'est ça qui incite à trouver un règlement à l'amiable.
[Français]
M. Paul Crête: Madame Witterick, je voudrais vous poser une question. Prenons l'exemple de Microsoft aux États-Unis, qui a eu une pénalité de l'ordre de 700 millions de dollars. Dans l'application de la loi au Canada, aurions-nous eu les moyens suffisants pour faire face à ce type de situation?
[Traduction]
Mme Crystal Witterick: Je crois que le facteur le plus dissuasif pour des compagnies comme Microsoft—et je ne peux pas vraiment commenter la situation de Microsoft pour des raisons de relations professionnelles—serait ce que, par exemple, propose la communauté européenne : une modification du produit, la vente d'un produit différent, tout comme dans les cas d'abus de position dominante où, par exemple, il a été interdit à Laidlaw d'acquérir d'autres entreprises, d'imposer des contrats, et...
[Français]
M. Paul Crête: Madame Witterick, je ne sais pas si je comprends bien. Imaginons que la limite pour Microsoft ait été celle qu'il y a actuellement au Canada. Finalement, c'est la même question que celle des 100 000 $ de tout à l'heure. Pour Microsoft, 10 millions de dollars sont probablement comme 25 ¢ ou un dollar pour moi. Si le montant avait été très faible pour eux, ils auraient tout simplement réglé la question hors cour et seraient restés dans le marché, tout en gardant le comportement qui a été jugé incorrect, finalement.
Je veux simplement vérifier si vous pensez que la valeur du montant n'a pas d'importance, même si, selon vous, ce n'est pas le principal facteur dissuasif. C'était ma question. On peut aussi voir s'il y a d'autres réactions.
Le président: Merci, Paul.
[Traduction]
Je vais laisser intervenir encore un ou deux autres témoins, rapidement, et nous passerons à autre chose.
M. Scott et M. Sands.
M. John Scott: Je serai très bref.
Si nous avons cité le modèle européen c'est parce que pour nous ce sont des ordres de grandeur équivalents. Que ce soit du niveau de Microsoft ou d'un niveaux moindre, peu importe, les conséquences sont les mêmes et ne peuvent être considérées comme un simple coût commercial.
Nous ne pensons pas qu'on puisse y attribuer arbitrairement un montant quelconque. Nous en avons discuté pendant la période de consultation mais comme l'a dit M. Sands, nous prendrons tout ce qu'on nous donnera, monsieur.
Le président: Monsieur Sands, vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Gary Sands: Non, c'est exactement ce que je voulais dire.
[Français]
M. Paul Crête: La question initiale était: souhaitez-vous un amendement dans ce sens, oui on non, ou était-ce seulement une recommandation?
[Traduction]
Le président: Oui ou non?
M. Anthony Longo: Oui. Nous ne voulons surtout pas perdre ce projet de loi, monsieur.
M. John Scott: Absolument, si cet amendement est adopté. Nous avons besoin de ce projet de loi.
Le président: Très bien. C'est votre réponse.
Merci, Paul.
Andy Savoy puis Brian.
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci d'être venus.
Je viens d'une région rurale du Nouveau-Brunswick et je connais bien sûr Wilson Fuels. Je suis très préoccupé par la compétitivité des petits détaillants de mes collectivités. J'ai une circonscription très rurale comprenant d'importantes collectivités : 5 000 à Woodstock et 5 000 à Grand Falls. Vous pouvez imaginer combien le reste est plus petit. En fait, j'ai un ami qui possède un petit magasin et qui se lance dans la vente de produits alimentaires créneaux. Il est préoccupé par ce problème et le fait qu'avec l'intégration verticale du secteur du détail des produits alimentaires à l'heure actuelle et le fait que deux sociétés contrôlent 60 p. 100 de ce secteur, il se trouve que les détaillants et les grossistes sont dans la même situation. Le seul accès qu'il a à ces produits est à travers ces grossistes.
Alors quand on parle de sanctions administratives pécuniaires et quand on regarde la situation, il a l'impression... Que ce soit justifié ou non, je laisse au Bureau de la concurrence le soin de régler ce problème, bien qu'il me semble que cet ami ne peut se permettre de s'adresser au Bureau de la concurrence. Mais supposons qu'il puisse le faire, pour sa situation où il achète des produits qui le rendent non concurrentiel dans le marché par rapport à ces deux gros magasins, que ce soit pour des raisons de conditionnement ou de prix, comment d'après vous le Bureau de la concurrence pourrait-il s'occuper de ce genre de problème? Comment, d'après vous, faut-il changer la loi pour pouvoir trouver des solutions à ces cas ou est-elle suffisante dans sa forme actuelle?
Je ne fais qu'ouvrir le sujet. Et c'est simplement pour les épiciers indépendants.
º (1650)
Le président: Monsieur Scott, voulez-vous commencer?
M. John Scott: C'est une question très vaste.
Gailen Drost doit être dans votre circonscription à Bath, au Nouveau-Brunswick. C'est l'ancien président de notre organisation et il connaît très bien ce genre de problème.
Nous savons à présent très bien faire la différence entre un comportement anticoncurrentiel flagrant et un qui ne l'est pas, et nous ne présentons au Bureau que les cas qui, selon nous, méritent son examen. C'est ce que nous faisons de mieux depuis quelques années. Ainsi, si un épicier indépendant, qu'il soit à Bath au Nouveau-Brunswick ou ailleurs, s'il se trouve dans cette situation, nous passons un certain temps avec lui et déterminons si oui ou non la Loi sur la concurrence peut s'appliquer. Parfois, nous prenons des risques, mais la plupart du temps nous savons déjà si la loi s'applique ou non. Jusqu'à présent, nos décisions ont été les bonnes. Nous avons un rapport raisonnable avec les gens du Bureau de la concurrence, ainsi ils examineront le cas que nous leur présentons, parce que nous ne crions pas au loup chaque fois.
Nous savons plusieurs choses. Pour reprendre les propos de Mme Savage, je pense que le Bureau a besoin de plus de ressources. Il me semble que dans la loi, dès le début, il est dit qu'on lui donnera des ressources suffisantes pour faire son travail. Je ne pense pas qu'il les ait. Je pense qu'il a besoin de plus de ressources. Deuxièmement, il a besoin d'être un peu plus à l'écoute dans certains cas. Néanmoins, au bout d'un certain temps, le Bureau a fini par connaître notre secteur de l'industrie et savoir comment le prendre.
Nous croyons que si nous pouvions y ajouter quelques outils, nous pourrions avoir quelque chose qui serait extrêmement utile à l'épicier indépendant à Bath, au Nouveau-Brunswick.
M. Andy Savoy: Merci.
Monsieur Longo et monsieur Bouchard, pensez-vous que cette loi et le fait que nous passons du criminel au civil, va permettre à des usagers ou des sociétés comme les vôtres d'avoir plus de possibilités de contester et que les décisions ou le nombre de cas vont augmenter? À quel point cette loi est-elle essentielle pour votre société et à quel point est-il essentiel que nous passions du criminel au civil?
Le président: Monsieur Bouchard.
Dr François Bouchard (président, Country Grocer inc., Fédération canadienne des épiciers indépendants): Je crois que c'est très important, de toute évidence.
Je gère un petit magasin comptant une trentaine d'employés, semblable à celui que vous venez de décrire. Nous faisons partie de la collectivité, et nous faisons tout. Nous combattons tous les géants de l'industrie essentiellement là où nous vivons.
Lorsqu'une action est criminelle, je ne peux pas m'adresser à n'importe qui—peu importe où—et être en mesure de prouver que c'est le cas sans l'ombre d'un doute. Si l'on peut obtenir des dommages-intérêts punitifs, de toute évidence, cela égalise davantage les chances pour tout le monde. Cela égalise les chances pour nous et me donne la chance d'être concurrentiel et de réinvestir dans mon magasin, au lieu d'être essentiellement une victime de la concurrence autour de moi.
Il est sûr qu'avec ces modifications, il sera plus facile de préparer une action et de la faire revoir par un avocat. Si j'essayais d'intenter une action au pénal, j'aurais bien du mal en tant qu'entreprise ne comptant qu'un seul magasin avec 30 employés dans une petite collectivité, d'obtenir l'attention des avocats, essentiellement, ou celle du bureau quant à cela.
Mme Crystal Witterick: Je dirais aussi qu'il est important de garder à l'esprit que votre objectif est de faciliter la concurrence et l'efficience et de faire en sorte que nos entreprises canadiennes soient plus concurrentielles à l'échelle internationale,ou de protéger les petites entreprises, car ce sont là deux objectifs différents. On ne peut pas nécessairement atteindre les deux en même temps. On peut certainement protéger la petite entreprise contre le comportement anticoncurrentiel, mais dans le cas de certains comportements qui semblent anticoncurrentiels, il s'agit simplement d' une question d'efficience.
Il faut donc soigneusement faire la distinction entre un comportement anticoncurrentiel et une concurrence qui est simplement saine, efficiente et dynamique.
º (1655)
Le président: Madame Savage, après quoi je crois que M. Bouchard voulait ajouter quelque chose.
Allez-y, madame Savage.
Mme Jane Savage: Je suis en désaccord total avec cette observation. Il s'agit d'objectifs qui peuvent parfaitement coexister. Quand l'entreprise petite et moyenne est protégée au Canada, le milieu, en fait, tout le milieu doit être beaucoup plus concurrentiel. Si les grandes entreprises doivent affronter un milieu plus concurrentiel chez elles, elles seront plus concurrentielles à l'échelle mondiale. Ce sont donc dans mon esprit des objectifs qui peuvent coexister.
Tout le principe de la Loi sur la concurrence est de contraindre les entreprises à pêcher par excès de prudence pour ne rien faire d'illégal ou d'anticoncurrentiel, ce qui revient au même pour moi. Quand Mme Witterick dit que le problème que pose les SPA, ou le problème que pose la Loi sur la concurrence en général, ce sera de nous obliger à pêcher par excès de prudence comme nous ne voulons pas laver notre linge sale en public, c'est ce qu'il faut retenir. C'est exactement ce que nous devrions faire. Nous devons obliger les grandes entreprises à être très prudentes en matière de concurrence de telle sorte qu'elles ne tuent pas la concurrence ici au Canada.
Le président: Vous voulez intervenir brièvement, monsieur Bouchard.
Dr François Bouchard: Je suis d'accord avec cela parce que, essentiellement ce qui est important, c'est que nous sommes participons à la vie de notre collectivité. J'emploie des gens, nous sommes une PME, mais nous demeurons efficients. Nous allons faire tout ce qu'il faut faire pour être efficient. Au fond, nous ne voulons pas avoir à nous inquiéter, et si des modifications comme celles-ci sont retenues, c'est pour nous un souci de moins. Nous pourrons en fait nous préoccuper de construire le magasin, de former le personnel et d'être actifs dans la collectivité. C'est la raison pour laquelle c'est important pour nous.
Mme Crystal Witterick: Bien sûr, je ne disais pas que vous ne devriez pas être protégé de toute activité anticoncurrentielle, parce que vous devez l'être.
Le président: Vous aurez la chance de revenir là-dessus.
Andy, finissez rapidement.
M. Andy Savoy: Dans cette situation, je crois qu'il nous faut envisager les réalités d'un Canada urbain et d'un Canada rural. À vrai dire, je suis tout à fait d'accord, à 100 p. 100, avec l'idée d'accroître l'efficacité grâce à la concurrence. Si l'on se penche sur les réalités particulières du Canada rural, cette concurrence pourrait mener à... la concurrence acharnée, c'est bien, mais dans cette situation cela pourrait donner un effet contraire parce que les petites entreprises ferment leurs portes ce qui mène à un monopole dans un petit marché. Je crois qu'il nous faut tenir compte de cela en apportant nos changements.
Le président: Vous pourriez peut-être conclure rapidement.
Avez-vous une dernière question ou un commentaire, très bref?
M. Andy Savoy: M. Crête n'est pas ici, mais à propos de sa question concernant l'Union européenne et la sanction de 700 millions de dollars imposée à Microsoft, croyez-vous, madame Witterick, que cela ait refroidit les ardeurs de Microsoft d'étendre son marché au sein de l'union européenne? On prétend que les SAP élevées ralentiront le développement. Trouvez-vous que c'est vraiment le cas et que cette sanction, qui est la plus élevée que nous ayons jamais connue, a ralenti les investissements de Microsoft dans l'Union européenne?
Mme Crystal Witterick: Je ne peux pas parler du cas de Microsoft, mais prenons le cas d'une autre société dans une situation semblable. Prenons Ford ou l'une des grosses sociétés automobiles qui affronte le même scénario. Cela ralentirait-il les investissements? Je crois que les autres remèdes au sein de l'UE posent de plus grands problèmes : intervenir au niveau de la propriété intellectuelle d'une société créera un froid au niveau des innovations. Personne ne va innover ni créer de nouveaux produits qu'un organisme de réglementation pourrait complètement démanteler. Entre cela et la disposition sur les abus, les tribunaux peuvent, à leur discrétion, imposer des remèdes autres qu'une simple ordonnance d'interdiction pour palier les effets anticoncurrentiels. Ils ont le pouvoir de s'intéresser à la conduite des sociétés dont cela pourrait refroidir les ardeurs.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à Brian Masse, s'il vous plaît.
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Je poursuis dans la même lancée que M. Savoy. Tout cela se résume aux SAP et à certains autres détails. Je demande qu'on me donne des preuves de cet effet paralysant et l'on ne m'en donne guère. Il y a peut-être un cas par ci, par là, mais très franchement rien qui prouve que tout va s'arrêter. Beaucoup d'intervenants nous ont dit que le comportement « agressif » cessera ce qui est bon pour le consommateur et fait baisser les prix et ainsi de suite. Que dites-vous de cet argument?
L'argument qu'on nous sert pour faire disparaître les SAP est le suivant : cela aura un effet dissuasif, qu'il s'agisse de Microsoft ou... et peut-être pourrait-on nous donner d'autres exemples. J'aimerais savoir de quoi il retourne : il s'agit de protéger le consommateur et si l'on constate que certaines sociétés, qu'elles soient petites, moyennes ou grosses, sont victimes de concurrence déloyale et qu'elles sont éliminées du marché et n'offrent plus leurs services aux consommateurs parce qu'elles ne peuvent pas survivre à une guerre des prix pendant une période prolongée, ce n'est pas juste.
Que ceux qui veulent répondre à cette question le fassent.
» (1700)
Le président: Mme Witterick, allez-y.
Mme Crystal Witterick: L'exemple parfait à donner serait celui de la discrimination au niveau des prix. Selon la façon dont on interprète la loi, il pourrait être illégal d'offrir un escompte à un concurrent pour la gamme entière d'un produit. Le consommateur et d'autres y trouvent certainement leur compte lorsqu'un magasin offre la gamme entière d'un produit. Sinon, on peut penser que quelqu'un d'autre pourrait offrir un produit précis d'une gamme quelconque. Le consommateur n'aurait donc pas accès aux différentes variétés ou dérivations du même produit. Il ne serait pas avantageux pour le fabricant d'investir des fonds dans la recherche et le développement pour mettre ce produit sur le marché parce que personne n'en voudra si ce n'est pas un succès de vente dans cette gamme de produits. Voilà qui a un effet dissuasif.
M. Brian Masse: Pouvez-vous me donner l'exemple d'un produit précis?
Mme Crystal Witterick: Je ne sais pas. Mettons que vous avez six piles différentes. Vous avez une AA qui se vend le mieux. Je m'avance peut-être un peu trop parce que je n'ai pas les données en main, mais supposons que c'est une pile AA. Vous avez aussi d'autres piles. Vous avez D, C, E, et quoi encore, et vous les avez en paquets de six et en paquets de cinq.
Il est important que le consommateur ait ce choix mais le détaillant lui ne souhaite peut-être pas vendre tous ces produits différents sauf s'il y trouve son avantage. Si les fabricants lui disent qu'ils lui accorderont un rabais s'il offre toute la gamme de produits, les autres détaillants pourront se plaindre de ne pas obtenir le même rabais. Certains diront même que c'est anticoncurrentiel. Alors, selon l'interprétation qu'on donne aux dispositions relatives à la discrimination par les prix, c'est une pratique qui peut être anticoncurrentielle. Si vous alourdissez les sanctions pour de telles pratiques, cela jettera un froid sur le marché.
M. Brian Masse: Allez-y. Vous pouvez répondre tour à tour. J'aimerais entendre la réponse de tous les témoins.
Le président: Monsieur Longo.
M. Anthony Longo: Permettez-moi de donner des exemples de ce froid que cela créerait sur le marché. Je crois que nous constatons déjà ce froid aujourd'hui en raison de l'absence de SAP parce que les gens abandonnent le métier. Il y a un bon exemple de cela dans la vallée de l'Annapolis d'une chaîne de magasins familiaux qui ont fermé leurs portes. Ils ne pouvaient plus soutenir la concurrence parce qu'ils étaient submergés par une grande chaîne nationale qui pratiquait des prix anticoncurrentiels. Cette chaîne n'existe plus maintenant dans la vallée de l'Annapolis et c'était une entreprise familiale qui existait depuis deux générations.
Notre but n'est pas de protéger excessivement les petites entreprises. Je sais que ce n'est pas le but visé. Il s'agit plutôt de mettre en place des moyens de dissuasion pour que les grandes entreprises nationales ne puissent pas vendre leurs produits à un prix inférieur au prix franco dédouané.
Le président: M. Sands, suivi de M. Collins.
M. Gary Sands: J'ajouterais à ce qu'a dit M. Longo que ce froid est déjà perceptible en ce sens que les conditions qui prévalent sur le marché deviennent un obstacle à l'entrée pour de nombreux épiciers de petite et de moyenne taille.
En ce qui concerne les exemples mentionnés plus tôt par M. Longo, l'un à Terre-Neuve et l'autre en Colombie-Britannique, nous pouvons vous dire que si ces deux chaînes indépendantes de taille moyenne ont réussi à survivre, elles auraient fait faillite s'il s'était agi de magasins uniques plutôt que de chaînes. Toutefois, la situation a eu des conséquences importantes pour elles. Elle les a empêchées de prendre de l'expansion afin de devenir plus compétitives, ce qu'elles comptaient sans doute faire. Elles ont renoncé à effectuer des rénovations et à embaucher de nouveaux employés.
Elles avaient prévu faire certaines choses qu'elles n'ont pas pu faire, non pas parce que les produits qu'elles vendaient n'étaient pas concurrentiels mais plutôt parce qu'elles devaient soutenir la concurrence d'un poids lourd qui vendait des produits dans une vaste région en-dessous du coût d'acquisition et sur une longue période de temps. Face à une telle concurrence, l'exploitant d'un magasin unique aurait été acculé à la faillite. Quant aux chaînes indépendantes, elles ne peuvent pas prendre d'expansion pour accroître leur compétitivité et leur efficience.
Quand cela se produit dans des collectivités de tout le pays, à long terme, nous y perdons tous parce que ces petits magasins contribuent énormément à la vie de chacune des collectivités de notre pays. Ils sont menacés. Nous vous exhortons à adopter ce projet de loi pour les protéger.
Le président: Monsieur Collins.
M. David Collins: Je crois que c'est dans le secteur des petites entreprises que l'on constate davantage les effets dissuasifs sur la concurrence. M. Savoy va vous en dire plus long. Nous avons beaucoup de détaillants qui vendent au même prix dans le secteur des produits pétroliers. Tous vendent leurs produits au même prix. Vos électeurs s'en plaignent tous.
Le fait est que quand on est exposé à une très longue période de prix de vente inférieurs aux prix de revient et que le banquier veut savoir ce que vous comptez faire pour éviter qu'il ne vous coupe les vivres, quel choix avez-vous? Vous fixez vos prix au même niveau parce que vous savez que si vous ne le faites pas, vous ferez faillite.
Voilà le froid que l'on constate sur le marché à l'heure actuelle. Personne ne peut risquer de faire preuve d'innovation. Vous ne pouvez pas faire profiter le marché de vos coûts plus faibles parce que, dès que vous le faites, on vous prend pour cible et on vous étouffe. Voilà le froid qui existe à l'heure actuelle sur le marché.
Il faut être un peu niais pour répliquer à cela que Exxon n'ira plus investir en Europe parce que Microsoft a fait l'objet d'une sanction pour ses pratiques déloyales. C'est de cela qu'il s'agit en bout de ligne. Certaines entreprises renonceront-elles à investir au Canada parce que quelqu'un d'autre a enfreint nos lois? J'en doute.
» (1705)
Le président: Monsieur Masse.
M. Brian Masse: Merci, monsieur le président.
Certains s'inquiètent des SAP mais toujours en ce qui a trait au seuil le plus élevé. Le tribunal de la concurrence évalue les préjudices en fonction de l'information qui lui a été présentée.
Avez-vous tous confiance dans le système actuellement en place? Sinon, peut-on démontrer que les sanctions imposées ne reflètent pas la gravité des préjudices dénoncés? Voilà le noeud de la question. Nous disons que l'imposition des sanctions administratives pécuniaires ne peut pas donner les résultats souhaités parce que nous parlons ici du haut de la fourchette. Il se peut que les SAP les plus élevées ne soient jamais imposées dans notre pays, nous pouvons du moins l'espérer. J'aimerais que vous me disiez en toute franchise si vous avez confiance dans ce système. Je crois que le tribunal manque de ressources. C'est un véritable secret de polichinelle, et il l'admet franchement. Avez-vous confiance dans sa capacité d'imposer les amendes appropriées?
Mme Crystal Witterick: La plupart des pratiques ne font pas l'objet d'un examen par le tribunal. La plupart des pratiques font l'objet d'un examen informel au sein du bureau et le tribunal n'est jamais saisi...
M. Brian Masse: Les parties en arrivent à un règlement avant.
Mme Crystal Witterick: C'est exact. Ces SAP constituent pour le bureau un levier très efficace pour obtenir un règlement quelconque, qu'il s'agisse d'un règlement monétaire ou d'un changement de comportement...
M. Brian Masse: J'attends de voir si quelqu'un dira qu'on ne peut pas faire confiance au bureau pour prendre la bonne...
Le président: Quelqu'un veut-il s'aventurer?
M. Brian Masse: C'est la réalité, tout compte fait.
M. John Scott: Je crois qu'ils agissent avec énormément d'intégrité. Leur inactivité dans certains dossiers nous frustre quand nous sommes d'avis qu'ils devraient les traiter en priorité. Et nous sommes certainement frustrés du manque de ressources. Toutefois, ils agissent avec énormément d'intégrité et le bureau compte parmi ses effectifs des gens très intelligents et très dévoués. Ils connaissent la loi par coeur, c'est manifeste. Il faudrait tout simplement, monsieur, qu'on leur donne davantage de ressources.
Le président: D'accord. Quelqu'un d'autre veut-il relever le défi lancé par Brian?
Des voix : Ah, ah!
Le président : D'accord. Merci, Brian.
Nous passons maintenant à Jerry puis à Werner.
L'hon. Jerry Pickard (Chatham-Kent—Essex, Lib.): Madame Witterick, j'ai du mal à comprendre votre idée d'un effet de refroidissement sur les affaires. Je voudrais signaler que, par exemple, en Australie, les amendes peuvent aller jusqu'à 6 millions de dollars, avec recours collectif et dédommagement, le cas échéant. En Europe, c'est 10 p. 100 du chiffre d'affaires total, tout comme en France et au Royaume-Uni; aux États-Unis, les dommages-intérêts sont triplés.
Si je considère les pays qui sont nos concurrents les plus importants, et je sais que vos clients sont des multinationales extrêmement prospères, comme Coca-Cola Heinz, et bien franchement, je ne vois pas que Coca-cola vende moins de boissons gazeuses aux États-Unis ou en Europe ou en Australie ou au Royaume-Uni. Je ne vois pas en quoi il y a un refroidissement des affaires.
Pouvez-vous donner à notre comité des preuves empiriques de ce froid? Plutôt que de nous dire « je crois », avez-vous des preuves que Coca-cola ait souffert de la situation, ou qu'aucune de ces multinationales...? Parlons des faits incontestables que vous avez sur le refroidissement des affaires.
Mme Crystal Witterick: Avez-vous des preuves du contraire?
L'hon. Jerry Pickard: Je vous demande si vous avez des preuves.
Le président: Vous n'avez peut-être pas la réponse...
» (1710)
L'hon. Jerry Pickard: Vous n'avez aucune preuve et c'est exactement ce que je voulais prouver. Vous pouvez dire un effet paralysant sur les affaires et nous avons entendu des multinationales venir nous parler constamment d'un effet paralysant sur les affaires, mais personne n'a pu nous fournir de preuve.
Honnêtement, Microsoft subit un second procès en Europe à l'heure actuelle, il est possible que cette sanction de 700 millions de dollars n'ait pas suffi. D'autres actions en justice ont lieu en ce moment-même et vous le savez.
Le président: Nous essaierons de trouver des réponses à vos questions.
L'hon. Jerry Pickard: Merci.
Le président: Voulez-vous essayer, madame Witterick?
Mme Crystal Witterick: Je ne pense pas qu'il y ait des preuves de l'un ou de l'autre. Tout ce que je peux dire provient de mon expérience, et des entretiens que j'ai eus avec mes clients. Je sais ce qu'ils font de facto. Ils ne soutiennent pas une concurrence aussi audacieuse et la possibilité d'être pénalisés par des amendes les rendra encore moins audacieux. Ces dispositions contre les abus ne relèvent pas du criminel. Ces comportements, dans certains cas, sont propices à la concurrence.
Le président: Quelqu'un d'autre veut-il répondre? Des observations?
D'accord, Jerry, allez-y.
L'hon. Jerry Pickard: Jane, vouliez-vous parler? D'accord.
Ma question s'adresse à vous, Jane, et à votre organisation. Ce que vous avez dit était très intéressant, que le dédommagement est quelque chose de... Dans le secteur du pétrole, là où il existe un seul produit et beaucoup de désaccords, c'est peut-être quelque chose qu'il faudrait considérer plus attentivement. Votre argument me plaît.
Est-ce ce que Jane a dit pourrait s'appliquer également au secteur de la petite épicerie de détail? Est-ce que le dédommagement est quelque chose que vous aimeriez voir s'appliquer? Manifestement, il ne s'applique pas pour l'instant.
M. John Scott: Bien sûr. Absolument.
Mme Jane Savage: Le droit d'obtenir des dommages-intérêts.
L'hon. Jerry Pickard: Oui.
M. John Scott: Si vous apportez cette modification, ce serait une excellente chose.
L'hon. Jerry Pickard: Donc, ce que vous dites, c'est que les PME...
Franchement, je viens d'une petite ville et je me rappelle qu'il y avait là un magasin Red and White et un magasin Dominion. Le magasin Dominion était vieux et petit. Ils ont décidé d'en construire un neuf une dizaine de kilomètres plus loin. Et savez-vous ce qui s'est passé? Le magasin Red and White a fini par faire faillite et le magasin Dominion qui se trouvait dix kilomètres plus loin était le seul magasin où tout le monde allait. Tout le monde, dans cette ville, devait faire dix kilomètres pour faire ses provisions alimentaires, jusqu'à ce qu'une autre petite épicerie vienne combler le vide dans cette collectivité.
Voyez-vous cela régulièrement dans l'ensemble du Canada, ces petits magasins qui font faillite?
M. John Scott: Oui, bien sûr. C'est quelque chose qui s'est produit maintes fois au fil des ans. Nous sommes très encouragés par l'esprit d'entreprise des nouveaux épiciers indépendants; c'est tout à fait passionnant. On en trouve ici à Ottawa, par exemple M. Bouchard.
Pour ajouter à ce qu'a dit Gary Sands, les obstacles à l'entrée dans le marché sont importants. Il faut savoir qui sont les grands joueurs dans le secteur et quelle part du marché on vise. Il faut faire très attention à cela. Les obstacles à l'entrée dans le marché sont importants. Il n'est pas toujours facile d'être joueur dans le marché. Il faut savoir qui d'autre est déjà là.
Je pense que les gens du secteur pétrolier sont dans exactement la même situation que nous.
L'hon. Jerry Pickard: Monsieur le président, je tiens à remercier les députés de l'opposition de m'avoir permis de prendre mon tour un peu plus tôt.
Au niveau fédéral, nous nous inquiétons lorsque les bureaux de poste ferment, mais le problème est beaucoup plus grave quand tous les détaillants de vêtements, tous les magasins de chaussures et tous les épiciers ferment dans une collectivité. La population locale, surtout les aînés dans ces petites collectivités, n'ont plus de services à cause des acquisitions et transactions semblables. Voilà ce dont le comité doit vraiment s'inquiéter.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, Jerry.
Donc, on retourne à Werner. Je vous remercie d'être conciliant.
M. Werner Schmidt: Merci beaucoup.
Je voulais simplement dire au départ que Mike a une toute petite question à poser après la mienne, si possible.
Le président: D'accord.
M. Werner Schmidt: D'accord.
D'après moi, il y a trois éléments principaux. Il y a la question de l'application de la loi, il y a la question de jugement, et il y a le passage d'une solution au niveau criminel à une solution de nature administrative. Il s'agit du fait que vous, en tant que gens d'affaires, ayez confiance que le bureau agira plus rapidement et avec plus de jugement qu'un tribunal, où il faut présenter une preuve au-delà de tout doute raisonnable.
Pensez-vous que le Bureau de la concurrence peut garantir un accès plus équitable au marché, au moyen des sanctions administratives pécuniaires, plutôt que de procéder par voie criminelle?
» (1715)
Le président: Monsieur Longo, alliez-vous...? Après cela, ce sera à vous, madame Witterick.
M. Anthony Longo: Oui, nous pensons certainement que la loi serait mieux appliquée, parce que, encore une fois, vous ne devez pas prouver hors de tout doute raisonnable. Des cas comme ceux que nous avons signalés, seraient soumis je crois à des sanctions administratives pécuniaires à l'heure actuelle, parce qu'il y a certainement un moyen de défense valable dans ce cas, mais pas hors de tout doute raisonnable.
Le président: Madame Witterick.
Mme Crystal Witterick: Nous mettons en quelque sorte le bureau dans la position d'enquêteur et d'arbitre. Dans ce contexte, ils deviennent à la fois la police et le juge, parce que l'enjeu de la réponse attendue est trop élevé et qu'il y a une telle motivation pour régler les choses, même si les gens ne sont pas sûrs que ce qu'ils ont fait était mal.
Je vais vous donner un exemple. Les abus, ce n'est pas comme tuer son mari ou sa femme et être reconnu coupable. Vous savez ce que vous avez fait, vous savez que c'est mal. C'est comme une transaction exclusive. Il existe une masse de documents sur la façon d'améliorer l'efficacité et de favoriser le jeu de la concurrence. En ce qui concerne les abus, si vous êtes une société importante et que vous faites des transactions exclusives qui influencent de façon significative la concurrence, mais que vous n'ayez pas d'intention de nuire à la concurrence, alors la disposition contre les abus vous posera peut-être des problèmes.
Même si vous n'êtes pas une grosse société, il existe une autre disposition qui concerne les transactions exclusives et qui stipule que si c'est une pratique courante du marché et qu'elle a un effet notoire sur la concurrence, alors vous avez fait quelque chose de mal. Par conséquent, vous ne pouvez pas vraiment savoir que vous faites quelque chose de mal, jusqu'à ce que quelqu'un s'en occupe, que vous ayez un procès au tribunal et que l'on vous dise : « Vous savez? Je pense que cela a un effet sur la concurrence. » Souvent, vous ne disposez même pas des faits pour évaluer cela vous-même. Vous avez besoin que le tribunal examine les faits.
Mais tout cela, vous le savez, puis vous donnez ce moyen brutal de persuasion au bureau qui dit : « Si vous n'arrivez pas à une entente à l'amiable, vous aurez 10 à 15 millions de dollars de sanctions administratives pécuniaires et la procédure va être très longue ». Eh bien, qu'allez-vous faire dans ce cas? Vous allez régler ça à l'amiable et vous allez commencer à regarder les choses de plus loin et vous dire : « D'accord, je ne vais pas être aussi agressif. C'est peut-être avantageux pour la concurrence, ou cela améliore peut-être l'efficacité, mais je ne le ferai pas. Je ne prendrai pas ce risque. »
Quels sont les avantages? Je n'en sais rien. Comment les évaluer? Je n'en sais rien.
Le président: Monsieur Longo, avez-vous d'autres observations?
M. Anthony Longo: Oui. Je voudrais juste ajouter quelque chose du point de vue du détaillant. Est-ce qu'un détaillant important peut savoir si oui ou non il fait quelque chose de bien ou de mal? Nous avons tous les coûts, le détail et les volumes de ventes. Les gens achètent tous les jours du beurre, des oeufs, du lait et du pain, par conséquent, chaque détaillant sait que s'il prend ces 50 UGS les plus importants, c'est-à-dire ces unités de gestion des stocks, il les vend à un prix inférieur à ses coûts, il va mener ses concurrents à la faillite, parce que ses concurrents doivent offrir les produits au même prix. S'il sait que vous n'avez pas les même moyens pécuniaires que lui—et dans notre cas, ils ne se comparent pas à ceux des marques nationales—il sait qu'au bout d'un certain temps, vous allez faire faillite. C'est évident.
Je ne peux pas parler pour les fabricants, mais dans le cas des détaillants, quand ils réfléchissent à cela et qu'ils calculent les répercussions que ça aurait sur leur commerce, ils connaissent parfaitement la réponse. Il ne faut pas être un génie pour le savoir.
Le président: Avez-vous d'autres observations?
La parole est à vous, Werner.
M. Werner Schmidt: Je crois que la question est vraiment de savoir comment établir les dommages-intérêts ou déterminer s'il y a abus dans l'établissement des prix ou si l'on occupe une position dominante ou s'il y a fixation des prix, quel que soit le cas. Le processus que vous avez défini, Mme Witterick, n'est pas vraiment différent de ce qui existe dans les tribunaux. En effet, il y a certaines différences, et la preuve hors de tout doute raisonnable est certainement présente, mais je crois que le tribunal aurait pour objectif d'établir les faits comme c'est le cas chaque fois qu'un juge examine une affaire. Cependant, il s'agit d' un autre problème.
J'aimerais que le comité, et vous-mêmes qui êtes actifs dans le monde des affaires,se posent vraiment la question de savoir dans quelle mesure cela donne-t-il au Canada un avantage concurrentiel à l'échelle internationale? Le genre de problème dont nous discutons aujourd'hui n'est pas différent des dispositions antidumping qui existent dans le cadre de l'ALENA au niveau national par rapport à certaines importations qui entrent au Canada à des coûts inférieurs. Ce n'est pas si différent que ça. Le principe demeure pas mal le même. Je sais que je m'écarte un peu, mais néanmoins, il y a des décisions qui interviennent dans chacun de ces cas, et je crois que c'est cela qui devient le vrai problème.
Ce n'est pas vraiment une question que je pose, c'est plutôt une observation que je fais. Mais je crois que nous devons être très, très prudents pour éviter des procédures qui sont tellement complexes et tellement coûteuses à administrer qu'il devient impossible de le faire, et si je vous ai bien compris, vous croyez qu'il est justifié que le tribunal décriminalise ces pratiques pour en faire un délit civil. Vous ai-je bien compris?
» (1720)
M. Anthony Longo: Oui.
M. Werner Schmidt: D'accord.
Je crois que Michael a une petite question.
Le président: D'accord, Michael, allez-y, s'il vous plaît.
M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC): Je veux poursuivre dans le fil de la question de Jerry Pickard. Ma question, qui s'adresse à tous les témoins, est de savoir si vous êtes au courant d'études qualitatives, entreprises par des économistes, qui renferment des données sur le marché canadien, que ce soit à l'échelle régionale ou nationale,où l'on a analysé les pratiques anticoncurrentielles au Canada.
Je pose cette question parce que nous avons entendu certains témoins aujourd'hui et lors des dernières séances parler d'un effet paralysant ou, par ailleurs, de cas d'abus de position dominante, mais je n'ai vu aucun chiffre. Je n'ai vu aucune analyse quantitative sur cette question qui aurait été faite par des universitaires ou des économistes du secteur privé. Je me demande si les témoins sont en mesure de dire au comité qu'ils ont entrepris des études quantitatives, et si ce n'est pas le cas, s'ils sont au courant d'études récentes qui ont été faites ces dernières années par d'autres organisations, universités ou autres.
Le président: Merci, Michael.
Madame Savage.
Mme Jane Savage: Je vais essayer de répondre. Je vais être franche avec vous, je crois qu'il y a un manque d'études dans ce domaine. Je peux vous donner des informations anecdotiques, qui pourront peut-être vous contenter.
Par exemple, prenons le cas de la part du marché des indépendants, qui se rétrécit depuis 10 ou 20 ans. Il y a des marchés en particulier où l'on a assisté à des comportements prédateurs extrêmes, comme à Vancouver à la fin des années 90 lorsque ARCO, un raffineur américain établi dans le nord-ouest Pacifique, a décidé de s'attaquer à la vallée du bas Fraser. Cette compagnie a offert des prix comme 29,9c. le litre d'essence. Pendant six mois, c'était formidable pour tous les consommateurs de l'endroit, mais les indépendants de toute la région de Vancouver jusqu'au dernier ont disparu. C'est à Vancouver aujourd'hui que l'on trouve les prix les plus élevés au Canada.
Il existe donc des données sur des cas isolés comme celui-là, mais j'ignore s'il existe des études exhaustives.
M. John Scott: Je suis tout à fait d'accord avec Jane. Il n'y a pas d'études en tant telles, mais, en revanche si l'on visite le pays, région par région, on peut dire où cela s'est produit. Je me ferais un plaisir de vous donner une séance d'information d'une demi-journée sur la façon dont fonctionne notre industrie et sur l'influence qu'elle a depuis un bon moment. C'est fascinant.
Le président: Monsieur Sands.
M. Gary Sands: Mais une étude, ou un rapport, est présenté annuellement je crois par le Canadian Grocer, et qui porte sur cette industrie. et je peux vous dire que le nombre d'épiciers indépendants a diminué et continue de diminuer. Mais je ne peux citer aucune étude qui l'explique. Nous avons nos propres renseignements sur différents cas. Nous vous disons, en tant que membres de l'industrie, quelles en sont les raisons. Mais...
Le président: Je donne la parole à M. Collins pour la dernière observation.
M. David Collins: En tant que législateurs de qui voulez-vous refroidir les ardeurs? Voulez-vous refroidir les ardeurs de la grosse entreprise pour que la petite entreprise puisse prospérer? Actuellement, ce que l'on entend dire c'est que sous le régime de la loi en vigueur, c'est la petite entreprise qui se voit freiner dans son élan par des activités anticoncurrentielles. Ce que vous entendez dire par nos entreprises, qui sont petites, c'est que nous nous sommes réprimés. Or, il se trouve que cela se produit là où se trouvent les sociétés les plus innovatrices; cela vient des nouvelles idées et des petits entrepreneurs. Actuellement, nous subissons cet effet paralysant. C'est pourquoi nous demandons, monsieur le président , un certain redressement de la situation.
Le président: Merci, monsieur Collins.
Merci, Michael.
Je pense que c'est au tour de Serge de poser les dernières questions.
[Français]
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à Mme Witterick.
Au sujet des sanctions administratives, vous dites que ce qui est proposé est inutile. Vous nous faites part des difficultés que peuvent rencontrer les gens. Ils atteignent un certain niveau d'incertitude avant de poser des actes qui peuvent être répréhensibles.
Je n'ai pas tellement d'expérience en matière de concurrence, mais il y a des entreprises qui opèrent depuis de nombreuses années, qui ont de l'expertise. Comment peuvent-elles avoir la certitude de ne pas poser parfois des gestes illégaux?
Compte tenu du fait que les sanctions sont relativement peu élevées, elles peuvent faire un calcul et prétendre qu'elles ignoraient que ce qu'elles faisaient était illégal, tout en sachant très bien qu'en le faisant, les avantages peuvent être plus élevés que les sanctions. Comment pourriez-vous dissuader les gens d'agir à l'encontre de la Loi sur la concurrence, si ce n'est avec des sanctions?
» (1725)
[Traduction]
Le président: Qui veut répondre?
Madame Witterick.
Mme Crystal Witterick: Avec un peu de recul, je pense qu'un des problèmes c'est le manque de certitude je suppose—si c'est le mot juste—dans les dispositions. Si l'on veut imposer de lourdes sanctions, à mon avis on devrait s'appuyer sur un élément de certitude. Ce n'est pas le cas des dispositions sur les abus.
Comme je l'ai dit, ce n'est pas comme le maintien des prix, par exemple, où si l'on accepte de hausser les prix, ça y est; on commet une infraction. C'est clair. Vous connaissez les règles. On ne connaît pas les règles dans le cas des abus, et parfois, je le répète, il peut s'agir d'une mesure favorisant la concurrence, et ce n'est pas mauvais. Notre loi ne sanctionne pas ces choses.
C'est le point de départ pour analyser toute cette question.
Le président: Quelqu'un d'autre demande-t-il la parole?
Serge.
[Français]
M. Serge Cardin: Les personnes qui se sont présentées ici se disaient contre l'augmentation des sanctions administratives. Elles ont toujours soulevé la possibilité d'aller à l'encontre de cette loi, la disant anticonstitutionnelle. J'imagine que si vous avez soulevé cet aspect, c'est peut-être que ceux qui sont d'accord avec la loi pensent différemment en ce qui a trait à cette dimension anticonstitutionnelle. N'étant pas un spécialiste, j'aimerais que vous m'éclairiez.
Comment pourrait-on prétendre quelle serait anticonstitutionnelle? Et comment les autres peuvent-ils prétendre qu'elle ne l'est pas?
[Traduction]
Mme Crystal Witterick: Je dois vous dire que c'est une spécialité juridique, que je ne maîtrise pas. Je ne m'y connais pas en matière de constitutionnalité des lois. Je crois que quelqu'un a mentionné que Peter Hogg, un de mes associés, viendra bientôt vous en parler. Il a examiné cette question à fond.
Le président: M. Hogg comparaîtra le 4 mai.
Mme Crystal Witterick: C'est un constitutionnaliste. Je crois savoir que le problème tient au fait qu'on vous impose d'importantes sanctions mais non pas les mêmes obligations de divulgation au Bureau de la concurrence que lorsqu'li s'agit d'une affaire au criminel. C'est une violation des droits protégés par la Charte. Les obligations de divulgation ne sont pas les mêmes dans une affaire au civil ou au criminel. En imposant des sanctions criminelles, les importantes sanctions administratives pécuniaires, qui a toutes fins utiles peuvent être considérées comme des amendes, vous soulevez des questions au sujet de la protection des droits conférés par la Charte. C'est ainsi que je vois la question.
Le président: Avez-vous autre chose à ajouter, Serge? Y a-t-il d'autres observations?
[Français]
M. Serge Cardin: Non, ça va aller.
[Traduction]
Le président: Merci.
Brad Trost a une courte question à poser.
M. Bradley Trost (Saskatoon—Humboldt, PCC): Oui. J'ai une brève question assortie d'un commentaire. C'est un peu votre avis que je veux. Lorsque le groupe des petites entreprises indépendantes du Canada—j'oublie quelles sont leurs initiales—étaient ici la dernière fois, j'ai dit que les SPA étaient un gros outil, difficile à manoeuvrer. Je pouvais honnêtement voir les deux côtés de la médaille .
J'ai proposé quelques bonnes idées sur d'autres outils qui pourraient aboutir au même résultat. Si une petite entreprise, ou n'importe quelle entreprise quant à cela, est aux prises avec un comportement anticoncurrentiel, pour lancer la machine, pour recourir aux tribunaux et à tout le reste, c'est un processus qui est très long, lent. Comme quelqu'un l'a dit, si vous n'avez qu'une trentaine d'employés, c'est beaucoup trop...
Je suis donc en quête de suggestions pour trouver des outils autres que les SPA. On a parlé d'un ombudsman et du reste, deux moyens susceptibles d'être efficaces mais sans avoir peut-être autant de force brutale de persuasion. Je cherche des outils différents, plus maniables, peut-être des outils plus complets pour que les interventions soient plus rapides, plus précises, plus équilibrées, etc. je suis prêt à écouter n'importe qui, une personne qui commencerait ici.
Madame Savage, allez-y.
Mme Jane Savage: Nous avons recommandé le recours aux tribunaux civils. le droit d'obtenir des dommages-intérêts afin d'exercer un effet dissuasif, et c'est pour cela que nous croyons qu'il est absolument essentiel de décriminaliser ces dispositions.
Il s'agit aussi en partie de nous rapprocher des États-Unis, ou l'effet paralysant existe sûrement, comme vous pouvez probablement le voir. Cela assure, nous pensons...
D'un autre côté, les SPA sont censées avoir un effet dissuasif, mais est-ce que ce sera le cas? Nous espérons que oui, mais nous ne le savons pas. C'est un long processus ici.
Nous croyons donc que le droit d'obtenir des dommages-intérêts nous avantagera. Nous pourrons intervenir tout de suite. Lorsqu'on nous attaquera, comme c'est le cas en ce moment, nous pourrons nous défendre tout de suite. Je vais peut-être demander à Dave s'il est d'accord avec moi, mais je crois qu'outre les SPA, parce qu'alors on couvre les deux côtés, il y a la situation après coup et celle avec laquelle on est aux prises en ce moment , où l'on peut commencer à intenter des poursuites à titre d'entreprises individuelles.
» (1730)
Le président: Monsieur Collins.
M. David Collins: Absolument. La poursuite civile privée serait à tout le moins un élément dissuasif important. Je crois que ce qui finit par se produire surtout dans le cas des grandes entreprises, les hauts dirigeants sont très prudents, mais dans les activités de l'entreprise, plus on descend plus bas, il y a des choses qui se font à un certain niveau de l'entreprise dont les dirigeants ne sont même pas au courant. Donc en intentant une poursuite, on attire fréquemment l'attention des hauts dirigeants, et quelqu'un va jeter un coup d'oeil pour voir ce qui se passe et finir par dire que ces choses-là ne se font pas et que ces pratiques doivent cesser.
Je crois que c'est vraiment à ce niveau que les actions privées peuvent avoir les meilleurs effets, et c'est probablement aussi ce qui va sauver la mise, et en outre ménager aussi les ressources du bureau.
Le président: Madame Witterick.
Mme Crystal Witterick: Vous connaissez l'expression « sans l'avantage d'avoir recours à un avocat ». Je n'ai pas l'avantage d'avoir recours à mon client ici. Donc, si vous me laissez parler en mon propre nom et sans mon étiquette PACC, parce que nous n'en avons pas parlé ...
Lorsque je lisais tous les procès-verbaux et que je songeais aux modifications et au processus, une idée m'est venue. Il y a des tas de problèmes qui se posent—et vous pourriez peut-être en parler—parce qu'un concurrent s'est plaint ou, dans le cas de la publicité, c'est peut-être un consommateur. C'est souvent un concurrent qui va au bureau et qui dit, écoutez, il se passe quelque chose dans l'industrie et cela nous pose un problème. Ce n'est pas tant le bureau qui cherche des problèmes. Les fusions, c'est une autre histoire, mais on parle ici de comportement anticoncurrentiel, je crois qu'on peut le dire.
Il existe donc peut-être un processus d'arbitrage abrégé qui pourrait être mis en oeuvre lorsque les deux parties admettent l'arbitrage obligatoire pour résoudre le problème et mettre fin à la conduite anticoncurrentielle qui est alléguée. Je ne sais pas, mais cela pourrait sûrement nous épargner les deux, trois, ou six ans qu'il faut pour passer par tout le processus judiciaire, et on limiterait ainsi les divulgations, on agirait plus rapidement, on réglerait le problème tout de suite, et les parties pourraient reprendre leurs activités.
Je ne sais pas. Je connais les statistiques dans le contexte hors-concurrence avec les tribunaux. Il y a de plus en plus de requérants qui décident de régler leurs différends hors des tribunaux, afin d'accélérer les choses.
Le président: Monsieur Scott.
M. John Scott: C'est une idée formidable, Crystal. Parfois, les gens ne veulent pas vraiment se lever et dire...et vous et moi en avons discuté avant l'audience. Cela complique les choses.
Mais pour en revenir à ce que vous disiez, nombreux sont les grands esprits qui se sont débattus avec ce problème partout dans le monde, et cela revient essentiellement à deux choses. Ce sont les dommages-intérêts que ces gens privilégient et nous sommes tout à fait d'accord avec eux, et les SPA. Cela revient essentiellement à ces deux choses. Je ne vois pas très bien comment on pourrait faire autrement. Si nous adoptons ce type d'approche, notre loi sera sûrement en harmonie avec celle d'autres pays du monde. Et pourquoi pas? Nous n'affaiblissons pas la concurrence internationale; nous voulons seulement nous y adapter.
M. Bradley Trost: Je dirai seulement que je peux voir les deux côtés de la médaille ici. J'essaie de voir s'il n'y a pas moyen de faire preuve de souplesse parce ni l'une ni l'autre partie n'obtiendra 100 p. 100 de ce qu'elle veut au bout du compte, lorsque la loi sera mise en oeuvre et appliquée. C'est peut-être le cas de toutes les lois, mais je suis en quête de suggestions qui nous permettraient de modifier la loi tout en y ajoutant plus de souplesse.
M. John Scott: Ajoutez les dommages-intérêts. En ce moment, nous n'obtenons que la moitié de ce que nous voulons.
Une voix : De ce dont nous avons besoin.
M. David Collins: Personnellement, en tant qu'homme d'affaires, je préfère de beaucoup les dommages-intérêts aux SPA.
Le président: Merci, Brad.
Merci, chers collègues.
Merci beaucoup à nos témoins de nous avoir attendus étant donné les retards qui ont été causés par les votes à la Chambre. À ceux d'entre vous qui êtes venus de l'extérieur d'Ottawa, et je crois que vous êtes très nombreux dans ce cas, nous vous sommes vraiment reconnaissants de votre patience.
Avant de vous remercier vous aussi, chers collègues, pendant que nos témoins quittent la table, je dois vous signaler quelques petites choses qui ont trait au calendrier.
Avant de lever la séance, chers collègues, je dois mentionner que nous allons recevoir une délégation de parlementaires suédois le 5 mai. Vous avez reçu un avis à ce sujet. Nous pourrions même vous envoyer un rappel de telle sorte que le président ne sera pas seul pour accueillir la délégation suédoise le 5 mai. La rencontre doit durer une heure, de 11 heures à midi, et les membres des Comités des finances et de l'industrie y sont invités.
Nous allons reprendre l'étude du projet de loi C-19 le 4 mai. Nous entendrons certains témoins dont le professeur Peter Hogg, le constitutionnaliste, ainsi que la commissaire. Elle témoignera séparément, je crois. Nous allons d'abord entendre les témoins, et la commissaire pendant la deuxième moitié de cette séance, parce que vous avez demandé à l'entendre après avoir entendu nos témoins. Ce sera notre dernière séance avec des témoins, mais peut-être pas. Nous verrons comment les choses se passent. Selon le calendrier, ce devrait être notre dernière séance avec des témoins sur le projet de loi C-19, l'étude article par article ayant lieu, nous l'espérons, le 1er juin, mais nous verrons comment les choses vont se dérouler.
Nous allons entendre la Commission canadienne du tourisme le 11 avril. C'était la suggestion de M. Crête. Nous nous sommes entendus pour étudier les crédits de la CTC. La commissaire aux langues officielles a demandé à témoigner séparément dans ce dossier. Nous allons l'entendre après, parce qu'elle aura des réflexions à nous faire part à propos du déménagement de la société à Vancouver.
Nous recevrons Peter Clark le 13 avril pendant une heure, après quoi nous consacrerons une heure au projet de loi C-37. Le projet de loi C-37 porte sur la liste des gens à ne pas appeler.
Sur ce, nous allons...ah, nous n'allons pas lever la séance.
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M. Werner Schmidt: Je veux seulement poser une question. Bien des témoins nous ont livré un témoignage très passionné. Il y a des éléments communs et des éléments disparates. Je me demande s'il serait utile pour le comité que nos attachés de recherche nous disent dans quels domaines ils étaient d'accord et dans quels domaines ils n'étaient pas d'accord, et quels étaient les motifs pour chaque position. Est-ce trop leur demander?
Le président: Que vous en semble, Dan?
M. Dan Shaw (attaché de recherche auprès du comité): La réponse est oui, et nous avons déjà commencé. Ce que nous voulons faire, c'est énoncer la problématique dans le format voulu. Nous devrions compléter tout cela. Nous aurons une réunion le 4 mai, au cours de laquelle nous entendrons les derniers témoins. Comme nous avons une personne tellement importante sur la question constitutionnelle, M. Hogg, et comme la commissaire reviendra témoigner, nous aimerions prendre l'information qui nous sera communiquée à ce moment-là pour l'intégrer au travail qui aura déjà été fait.
Comme il s'écoulera près d'un mois entre le 4 mai et la date à laquelle commencera probablement l'étude article par article, vous devriez avoir amplement l'occasion.
M. Werner Schmidt: Merci beaucoup, monsieur le président. Je pense vraiment que ce serait très utile pour nous tous.
Le président: Il n'y aura donc aucun retard. Ils y travaillent. C'est seulement qu'ils veulent y inclure tous les témoins.
M. Werner Schmidt: Et moi aussi. Je pense que ce serait bien qu'ils fassent cela et je leur suis vraiment reconnaissant d'anticiper nos questions.
Le président: Nous sommes chanceux de pouvoir compter sur ces personnes intelligentes pour nous aider.
M. Werner Schmidt: Ils sont trop brillants.
Une voix : Vous êtes tellement transparent.
Le président: Merci à tous, et je remercie aussi l'opératrice de console et les greffiers.
La séance est levée.