INDU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 15 juin 2005
¹ | 1530 |
Le vice-président (M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC)) |
M. Ivan Fellegi (statisticien en chef du Canada, Statistique Canada) |
Le vice-président (M. Werner Schmidt) |
M. Ivan Fellegi |
Le vice-président (M. Werner Schmidt) |
M. Ivan Fellegi |
Le vice-président (M. Werner Schmidt) |
M. Ivan Fellegi |
¹ | 1535 |
Le vice-président (M. Werner Schmidt) |
¹ | 1540 |
M. Ivan Fellegi |
Le vice-président (M. Werner Schmidt) |
L'hon. John Reid (commissaire à l'information, Commissariat à l'information du Canada) |
¹ | 1545 |
Le vice-président (M. Werner Schmidt) |
Mme Jennifer Stoddart (commissaire à la protection de la vie privée, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada) |
¹ | 1550 |
Le vice-président (M. Werner Schmidt) |
M. James Rajotte (Edmonton—Leduc, PCC) |
¹ | 1555 |
Mme Jennifer Stoddart |
M. James Rajotte |
Mme Jennifer Stoddart |
M. James Rajotte |
Mme Jennifer Stoddart |
M. James Rajotte |
Mme Jennifer Stoddart |
º | 1600 |
M. James Rajotte |
M. Ivan Fellegi |
Le vice-président (M. Werner Schmidt) |
L'hon. John Reid |
º | 1605 |
Le vice-président (M. Werner Schmidt) |
M. Paul Crête (Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, BQ) |
M. Ivan Fellegi |
Le vice-président (M. Werner Schmidt) |
M. Ivan Fellegi |
Le vice-président (M. Werner Schmidt) |
M. Paul Crête |
M. Ivan Fellegi |
º | 1610 |
Le vice-président (M. Werner Schmidt) |
M. Paul Crête |
Le vice-président (M. Werner Schmidt) |
L'hon. Denis Coderre (Bourassa, Lib.) |
M. Ivan Fellegi |
L'hon. Denis Coderre |
Mme Jennifer Stoddart |
º | 1615 |
L'hon. Denis Coderre |
M. Ivan Fellegi |
º | 1620 |
L'hon. John Reid |
M. Ivan Fellegi |
Le vice-président (M. Werner Schmidt) |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
M. Ivan Fellegi |
º | 1625 |
M. Brian Masse |
L'hon. John Reid |
M. Brian Masse |
º | 1630 |
Mme Jennifer Stoddart |
M. Brian Masse |
Mme Jennifer Stoddart |
M. Brian Masse |
Mme Jennifer Stoddart |
M. Brian Masse |
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.)) |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Bradley Trost (Saskatoon—Humboldt, PCC) |
L'hon. John Reid |
M. Bradley Trost |
L'hon. John Reid |
º | 1635 |
M. Bradley Trost |
M. Ivan Fellegi |
M. Bradley Trost |
Mme Jennifer Stoddart |
º | 1640 |
M. Bradley Trost |
Mme Jennifer Stoddart |
L'hon. John Reid |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard (Chatham-Kent—Essex, Lib.) |
M. Ivan Fellegi |
º | 1645 |
L'hon. Jerry Pickard |
L'hon. John Reid |
L'hon. Jerry Pickard |
Le président |
M. Ivan Fellegi |
L'hon. Jerry Pickard |
Le président |
L'hon. John Reid |
º | 1650 |
Le président |
M. Ivan Fellegi |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard |
Le président |
Mme Jennifer Stoddart |
Le président |
M. Werner Schmidt |
M. Ivan Fellegi |
M. Werner Schmidt |
M. Ivan Fellegi |
º | 1655 |
Le président |
M. Richard Barnabé (statisticien en chef adjoint, Statistique sociale, des institutions et du travail, Statistique Canada) |
Le président |
M. Werner Schmidt |
M. Richard Barnabé |
M. Werner Schmidt |
M. Richard Barnabé |
M. Werner Schmidt |
M. Ivan Fellegi |
Le président |
Mme Jennifer Stoddart |
L'hon. John Reid |
» | 1700 |
M. Werner Schmidt |
L'hon. John Reid |
M. Werner Schmidt |
L'hon. John Reid |
M. Werner Schmidt |
L'hon. John Reid |
Le président |
M. Ivan Fellegi |
Mme Jennifer Stoddart |
Le président |
M. Werner Schmidt |
» | 1705 |
Le président |
M. Brian Masse |
Mme Jennifer Stoddart |
M. Brian Masse |
Mme Jennifer Stoddart |
M. Brian Masse |
Mme Jennifer Stoddart |
M. Brian Masse |
Mme Jennifer Stoddart |
M. Brian Masse |
Le président |
M. James Rajotte |
Le président |
M. Ivan Fellegi |
Le président |
M. James Rajotte |
M. Ivan Fellegi |
M. James Rajotte |
M. Ivan Fellegi |
» | 1710 |
M. James Rajotte |
M. Ivan Fellegi |
M. James Rajotte |
M. Ivan Fellegi |
M. James Rajotte |
M. Ivan Fellegi |
M. James Rajotte |
L'hon. John Reid |
M. James Rajotte |
» | 1715 |
Le président |
Mme Jennifer Stoddart |
Le président |
M. Ivan Fellegi |
Le président |
L'hon. John Reid |
M. James Rajotte |
L'hon. John Reid |
» | 1720 |
M. James Rajotte |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard |
L'hon. John Reid |
L'hon. Jerry Pickard |
Le président |
M. Werner Schmidt |
» | 1725 |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
L'hon. John Reid |
M. Werner Schmidt |
L'hon. John Reid |
Le président |
M. Ivan Fellegi |
Le président |
» | 1730 |
M. Ivan Fellegi |
Le président |
M. Ivan Fellegi |
Le président |
M. James Rajotte |
Le président |
M. Paul Crête |
Le président |
L'hon. Denis Coderre |
M. Paul Crête |
L'hon. Denis Coderre |
Le président |
M. James Rajotte |
Le président |
M. James Rajotte |
Le président |
» | 1735 |
L'hon. Jerry Pickard |
Le président |
M. Dan Shaw (attaché de recherche auprès du comité) |
L'hon. Jerry Pickard |
Le président |
M. Paul Crête |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 15 juin 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1530)
[Traduction]
Le vice-président (M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC)): La séance est ouverte.
Conformément à notre ordre de renvoi du lundi 13 juin 2005, nous allons entreprendre cet après-midi l'étude du projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur la statistique.
Nous accueillons cet après-midi plusieurs témoins. Mais laissez-moi tout d'abord vous expliquer pourquoi j'occupe le fauteuil de la présidence. Notre président, Brent St. Denis, devrait nous arriver de Toronto sous peu, sans doute dans une vingtaine de minutes. Afin que nous ne perdions pas de temps, il m'a donc demandé de le remplacer à la présidence, du moins pour le début de la séance.
Nous entendrons en premier lieu M. Ivan Fellegi, statisticien en chef, qui se joint à nous par voie téléphonique, puisque, sauf erreur, il se trouve à Genève. Il sera suivi de M. John Reid, puis de Mme Stoddart, commissaire à la protection de la vie privée. Nous demandons à chacun de nos témoins de s'en tenir à cinq à sept minutes par exposé, après quoi nous passerons à la période de questions.
J'invite maintenant chacun de nos témoins à nous faire un exposé, après quoi les membres du comité pourront leur poser des questions.
Monsieur Fellegi, merci beaucoup d'être avec nous. C'est un véritable plaisir pour le comité. Pouvez-vous nous entendre, monsieur Fellegi?
M. Ivan Fellegi (statisticien en chef du Canada, Statistique Canada): Oui.
Le vice-président (M. Werner Schmidt): Tant mieux.
Merci d'avoir accepté de vous joindre à nous.
Quelle heure est-il à Genève?
M. Ivan Fellegi: Il est 9 h 30.
Le vice-président (M. Werner Schmidt): 9 h 30 du matin?
M. Ivan Fellegi: Non, du soir.
Le vice-président (M. Werner Schmidt): Du soir? Ah bon. Nous ferons de notre mieux pour que vous soyez au lit à minuit.
Merci à nouveau de vous joindre à nous. Nous vous écoutons avec plaisir nous parler du projet de loi S-18.
M. Ivan Fellegi: D'abord, je vous remercie sincèrement de m'avoir permis de représenter Statistique Canada par voie téléphonique. Je me trouve à Genève, où j'ai présidé toute la journée une réunion des statisticiens en chef de l'OCDE, et j'imagine que vous accepterez mes excuses de bon gré.
Ce n'est pas la première fois qu'une modification est proposée à la Loi sur la statistique. Le projet de loi S-13, mort au Feuilleton en novembre 2003, nous a permis de parvenir là où nous en sommes aujourd'hui. Je crois que le projet de loi S-18 atteint un équilibre efficace entre, d'une part, les valeurs conflictuelles que sont la protection des renseignements personnels et l'accès à l'information et, d'autre part, les bases préalables d'un système statistique vigoureux.
Pour les dossiers des recensements de 1911 à 2001, le projet de loi permettrait d'éliminer une ambigüité juridique qui, malheureusement, caractérise les dispositions actuelles relatives à la confidentialité : il protège particulièrement la vie privée, de façon inconditionnelle, de chaque Canadien pendant 92 ans, après quoi les dossiers seraient rendus publics par l'entremise de Bibliothèque et Archives Canada.
[Français]
Le projet de loi prévoit également qu'à l'avenir, il n'y aura aucune ambiguïté possible: à compter du recensement de 2006, tous les Canadiens auront la chance de prendre une décision éclairée et de faire un choix explicite concernant la possibilité ou l'impossibilité que d'autres personnes aient accès à leurs renseignements personnels recueillis dans le cadre du recensement, 92 ans après la tenue de celui-ci. Les dossiers personnels du recensement ne seraient diffusés que si ce consentement était accordé.
Ce consentement sera obtenu au moyen d'une question incluse dans le questionnaire du recensement et destinée à savoir si la personne accepte que ces renseignements soient rendus publics 92 ans après la tenue du recensement. Les renseignements du recensement sur celles et ceux qui auront répondu « oui » seront rendus publics. Les renseignements sur celles et ceux qui auront répondu « non » ou qui n'auront pas répondu à la question ne seront jamais rendus publics. Dans le cadre du recensement, il s'agit là d'un message tout simple à faire passer pendant les 20 secondes au cours desquelles, habituellement, nous gagnons ou perdons la collaboration des ménages.
Toutefois, bien que les projets de loi S-13 et S-18 partagent cette caractéristique fondamentale, en vertu du projet de loi S-13, l'accès à ces dossiers aurait été soumis à certaines restrictions entre la 92e et la 112e année suivant le recensement. Dans le cas des recherches généalogiques, l'accès aurait été conditionnel à des engagements relatifs à la confidentialité. Pour ce qui est des recherches historiques, elles auraient été assujetties à un examen par des experts.
La principale différence entre les projets de loi tient au fait que S-18 accorderait un accès sans restriction aux dossiers personnels du recensement 92 ans après chacun des recensements tenus dans le passé, c'est-à-dire entre 1911 et 2001 inclusivement.
¹ (1535)
[Traduction]
Monsieur le président, tout le processus ayant mené aux projets de loi S-13 et S-18 aura été une question d'équilibre, et ce, pour les deux parties en présence. Je crois que le projet de loi S-18 et les engagements de Statistique Canada envers le public contiennent de nombreuses mesures qui assurent une protection efficace des intérêts des trois grands groupes touchés par cette question : les utilisateurs de statistiques, les généalogistes et les historiens, et tous ceux pour qui les enjeux liés à la vie privée constituent la principale préoccupation.
Premièrement, nous devons garder en tête que le recensement est avant tout une entreprise qui permet d'obtenir un portrait périodique et complet de la situation socio-économique de la population canadienne. Si je me fie à mes nombreuses décennies d'expérience en tant que statisticien et recenseur, je suis convaincu que les dispositions du projet de loi portant sur le consentement éclairé renforceront le très bon dossier de la population canadienne en matière de participation au recensement, parce que ce consentement préserve leur confiance envers Statistique Canada et sa promesse de confidentialité. D'ailleurs, cette confiance est au coeur du système statistique du Canada, d'où notre capacité, en tant que pays, de suivre notre situation socio-économique et environnementale.
Je suis convaincu qu'il n'y a absolument aucune alternative réaliste qui respecterait mieux la volonté des Canadiennes et des Canadiens concernant l'utilisation de leurs renseignements. Soit cela se fait explicitement au moyen du consentement éclairé, soit cela se produit implicitement lorsque les Canadiens refusent de répondre au recensement s'ils sont préoccupés par l'éventuelle diffusion de leurs dossiers personnels du recensement. Bien que le recensement soit obligatoire, la réponse dépend néanmoins essentiellement de la bonne volonté de la population. De ces deux possibilités, il n'est dans l'intérêt de personne—généalogistes, historiens ou utilisateurs de données—de mettre en péril le succès du recensement.
Deuxièmement, le projet qui vous est présenté aujourd'hui propose des mesures efficaces pour favoriser la continuité de l'accessibilité des renseignements du recensement tant pour des besoins généalogiques qu'historiques. Pour les recensements de 1911 à 2001, il accorde l'accès aux dossiers de tous les Canadiens 92 après chaque recensement. Ils 'agit d'une réorientation importante vers l'accès public comparativement au projet de loi S-13. Il élimine les dispositions spéciales du S-13 qui traitaient de la période allant de la 82e à la 112e année après le recensement—dispositions considérées par ailleurs comme étant beaucoup trop bureaucratiques par certains.
En outre, pour tous les recensements à venir, le projet de loi voit à ce que la confiance des Canadiennes et des Canadiens dans les dispositions relatives à la confidentialité de la Loi sur la statistique soit maintenue ou, mieux encore, renforcée. Et si, comme je l'ai mentionné plus tôt, ce lien de confiance devait être brisé, les renseignements du recensement ne seraient plus du tout disponibles, que ce soit pour des besoins statistiques ou historiques.
Enfin et surtout, Statistique Canada s'engage à travailler en étroite collaboration avec Bibliothèque et Archives Canada afin d'encourager toute la population à consentir à la diffusion publique des renseignements personnels du recensement.
Enfin, nous avons travaillé très fort pour élaborer une série de mesures devant assurer la protection des renseignements personnels du recensement. Au coeur du projet de loi S-18 se trouve le consentement éclairé, une « mesure en or » en matière de vie privée. Cette option s'exerce en faisant un choix positif, c'est-à-dire que seuls les renseignements de ceux qui auront spécifiquement donné leur consentement seront diffusés après 92 ans—une réponse en blanc sera considérée comme une réponse négative; on demandera à ceux qui rempliront le questionnaire du recensement de consulter chaque membre du ménage, et Statistique Canada s'engage à donner suite aux demandes de toute personne qui, à tout moment au cours de la période de 92 ans qui suit le renvoi de son questionnaire, désire changer son choix en ce qui a trait à la diffusion de ses propres renseignements.
Enfin et surtout, le projet de loi prévoit un suivi parlementaire des arrangements administratifs utilisés pour mettre en oeuvre le projet de loi, de sorte que les changements pourraient être apportés, si nécessaire, à la suite des deux prochains recensements.
Monsieur le président, je veux conclure en réitérant que ce projet de loi constitue pour moi un compromis raisonnable. Il permet de régler une regrettable ambigüité juridique relative au statut de confidentialité des dossiers de recensement antérieurs, tout en répondant aux objectifs des historiens et généalogistes, qui désiraient obtenir l'accès aux dossiers historiques du recensement. En outre, il nous assure du respect le plus total de la volonté des Canadiennes et des Canadiens en ce qui regarde les futurs recensements. En tant que statisticien en chef du Canada, j'appuie sans réserve ce projet de loi.
Merci.
Le vice-président (M. Werner Schmidt): Merci, monsieur Fellegi.
Est-ce que vous allez pouvoir rester avec nous pendant que nous écoutons les deux autres témoins?
¹ (1540)
M. Ivan Fellegi: Bien sûr. Si vous le souhaitez, je reste avec vous.
Le vice-président (M. Werner Schmidt): Oui, ce serait préférable, car vous pouvez entendre les propos de nos témoins et, éventuellement, vous pourrez répondre à nos questions.
Je vous en remercie.
Je voudrais également souhaiter la bienvenue aux témoins qui sont ici à la table.
Je donne maintenant la parole à M. John Reid. Voulez-vous nous présenter votre exposé?
L'hon. John Reid (commissaire à l'information, Commissariat à l'information du Canada): Monsieur le président, je suis heureux de pouvoir donner mon point de vue sur la valeur du projet de loi S-18. Je me sens particulièrement honoré d'être en compagnie de deux autres témoins que je respecte beaucoup.
Comme vous l'avez sans doute deviné, je suis critique face à ce projet de loi. D'après moi, il ne représente pas un plan responsable dans le cas de la divulgation possible, à des fins de recherche et historiques, de résultats du recensement nominatif.
Toutefois, je m'empresse de signaler que nous nous entendons tous sur l'objectif final de la réforme, c'est-à-dire trouver un juste équilibre entre les intérêts légitimes des chercheurs et historiens d'une part, et d'autre part, les intérêts légitimes de participants au recensement pour ce qui est de la protection des renseignements personnels. Nous voulons tous faire en sorte que si des résultats du recensement nominatif étaient divulgués à l'avenir, la possibilité d'une telle divulgation ne décourage pas la participation volontaire à un recensement de la population. En outre, nous voulons tous aussi veiller à ce que les résultats du recensement nominatif restent accessibles aux générations futures qui voudront connaître l'histoire de leur pays, de leur collectivité et de leur famille.
Le projet de loi S-18 adopte deux plans pour atteindre un bon équilibre. Les dossiers de recensement antérieurs à 2006 seront rendus publics après 92 ans; les dossiers de recensement postérieurs à 2006 deviendront également publics après 92 ans, mais seulement dans les cas où le répondant concerné aura donné son consentement à une telle diffusion. J'appuie le plan relatif aux dossiers d'avant 2006, mais je suis contre celui proposé dans le cas des dossiers d'après 2006.
Selon moi, au bout de 92 ans, la confidentialité des renseignements personnels s'est tellement atténuée que les intérêts légitimes sur le plan historique et de la recherche doivent primer. À cet égard, je constate que la période de confidentialité aux États-Unis est fixée à 72 ans et qu'elle est de 100 ans au Royaume-Uni. Dans aucun de ces deux pays, la possibilité d'une divulgation n'a compromis le taux de participation volontaire au recensement de la population. Rien n'indique qu'en Grande-Bretagne et aux États-Unis les recensements aient eu à souffrir du fait que les données deviennent publiques au bout de 72 ou 100 ans. À l'heure actuelle, 92 ans est la période établie par le Règlement sur la protection des renseignements personnels qui régit la divulgation des dossiers de recensement transférés à Bibliothèque et Archives Canada.
Si le projet de loi S-18 entre en vigueur sous sa forme actuelle, à compter de 2006, les répondants pourront consentir à ce que leurs renseignements personnels soient divulgués au bout de 92 ans, ou refuser qu'ils le soient. Par conséquent, certains résultats du recensement nominatif ne seront jamais accessibles à des fins de recherche publique. Si nous nous fions à l'expérience de l'Australie, nous pouvons supposer qu'environ la moitié des Canadiens et des Canadiennes refuseront de consentir à ce que leurs renseignements personnels soient divulgués au bout de 92 ans. Dans un cas comme celui-là, la base de données du recensement nominatif perdrait beaucoup d'importance, à l'avenir, comme outil de recherche exhaustif. Cette formule ne permet pas d'atteindre un équilibre entre deux intérêts valables. Au contraire, elle assure la suprématie de l'intérêt relatif à la protection des renseignements personnels, quel que soit le temps écoulé.
Jusqu'à présent, lorsque les renseignements personnels recueillis par le gouvernement peuvent être très utiles de plusieurs façons, le gouvernement décide lesquelles seront permises; il ne laisse pas la décision à ceux qui fournissent les renseignements, par des dispositions relatives au consentement. Au contraire, selon la démarche suivie, le gouvernement doit décider quelles utilisations des renseignements personnels sont légitimes et aviser les personnes concernées des utilisations prévues au moment où les renseignements sont recueillis.
Si nous examinons l'index des fichiers de renseignements personnels du gouvernement fédéral—il s'appelle Info Source, et si vous cherchez des dossiers gouvernementaux, c'est là que vous les trouverez—, nous verrons toute une série d'avis préalables de ce type et ils se trouvent sur la plupart des formulaires et des questionnaires utilisés par le gouvernement fédéral pour obtenir des renseignements personnels.
Voici l'approche qui devrait être adoptée, d'après moi, dans le cas des recensements effectués après 2006 : les répondants devraient être informés sur les formulaires de recensement que leurs renseignements ont une valeur sur les plans historiques et de la recherche et qu'ils seront rendus publics à cette fin après 92 ans. De cette façon, la base de données du recensement ne perdra pas de son importance à des fins de recherche et la pratique concernant la protection des renseignements personnels au Canada sera respectée conformément à la façon dont les banques de données du gouvernement le font déjà.
¹ (1545)
À cet égard, je demande instamment au comité de s'inspirer des recommandations du comité d'experts sur l'accès aux dossiers historiques du recensement qui a été établi par John Manley en 1999 et a présenté un rapport en juin 2000. Ce groupe était présidé par M. Richard Van Loon, président de l'Université Carleton, et se composait de l'honorable Lorna Marsden, présidente et vice-chancelière de l'Université York, de M. Chad Gaffield, professeur à l'Université d'Ottawa, de M. John McCamus, de la Faculté de droit d'Osgoode, et de l'honorable Gérard La Forest, juge retraité de la Cour suprême.
Voici les conclusions du comité d'experts pour ce qui est d'équilibrer à l'avenir les intérêts relatifs à la protection des renseignements personnels et à l'accès à l'information—je le cite directement :
Le comité ne recommande pas que l'on obtienne le consentement de chaque personne ou répondant aux fins de la diffusion ultérieure des dossiers. |
Le comité n'est pas convaincu que l'obtention du consentement des répondants, comme on l'a proposé, par exemple, pour le recensement de l'Australie de 2001, donnerait de bons résultats au Canada. La notion de « consentement au nom du groupe », qui autoriserait la personne qui remplit le questionnaire pour le ménage à donner son consentement au nom de tous les membres de ce ménage, n'est pas une formule avec laquelle les Canadiens sont familiers. Cette notion n'est d'ailleurs pas représentée dans le droit privé canadien ni dans la pratique de ce dernier. |
Le comité recommande plutôt que pour le recensement de 2001, le Canada adopte les pratiques en vigueur au Royaume-Uni et aux États-Unis. Pour le recensement de 2001 et pour tous les autres recensements où un questionnaire s'adressant au ménage est utilisé, les répondants devraient être informés que les renseignements personnels les concernant resteront confidentiels pendant 92 ans, après quoi ils seront mis à la disposition du public dans les archives nationales. |
Voici à quoi se résume mon point de vue : si le plan relatif aux dossiers de recensement antérieurs à 2006 est suffisamment bon pour bien protéger les renseignements personnels de ceux d'entre nous qui ont déjà rempli des formulaires de recensement, pour quelle raison ne le serait-il pas pour ceux d'entre nous qui en rempliront à l'avenir? Si la seule base de données nationale mise à la disposition des Canadiens est le recensement, pourquoi avons-nous pris la décision d'en altérer la qualité et, éventuellement, de la détruire à partir du recensement de 2006?
Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Werner Schmidt): Merci beaucoup, monsieur Reid...
Vous êtes parfaitement dans les temps; vous terminez pratiquement à la seconde près. C'est très bien, et je vous en remercie.
J'aimerais maintenant donner la parole à Mme Stoddart, commissaire à la protection de la vie privée.
Mme Jennifer Stoddart (commissaire à la protection de la vie privée, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada): Merci.
J'espère rester moi aussi en deçà du temps imparti.
D'entrée de jeu, je tiens à préciser que nous comprenons le besoin de régler la controverse entourant la diffusion des dossiers de recensement effectuée entre 1911 et 2001, qui n'ont pas fait l'objet de consentement. Nous comprenons aussi le défi que représente l'élaboration d'un cadre de consentement approprié et efficace qui respecte le droit des Canadiennes et des Canadiens à la vie privée, et qui garantit l'intégrité des recensements futurs.
[Français]
Je parlerai d'abord de la diffusion des dossiers de recensements après 92 ans.
Les amendements au présent projet de loi ont pour effet de placer les données de recensements sous la garde et la responsabilité de Bibliothèque et Archives Canada après 92 ans. Dès lors, la divulgation des données serait régie par l'archiviste national, selon les dispositions de Loi sur la protection des renseignements personnels.
Quant aux données des recensements antérieurs pour lesquelles aucun consentement n'a été donné, c'est le paragraphe 8(3) de la même loi qui autorise notre archiviste national à communiquer les renseignements personnels « conformément aux règlements pour des travaux de recherche ou de statistique ».
L'article 6 du Règlement sur la protection des renseignements personnels expose les situations dans lesquelles l'archiviste peut communiquer des renseignements personnels placés sous la responsabilité de Bibliothèque et Archives Canada. Conformément à ce même article du règlement, les données de recensements peuvent être communiquées seulement à une personne ou à un organisme pour des travaux de recherche et de statistique, et après 92 ans.
La diffusion des dossiers de recensements après une période de 92 ans est conforme aux règlements de la loi qui est maintenant en vigueur depuis plus de 20 ans. Je suis d'avis que cette période constitue un compromis raisonnable pour ce qui est du traitement des données de recensements antérieurs.
[Traduction]
J'aimerais à présent attirer votre attention sur les dispositions de la loi qui s'appliquent aux recensements futurs à compter de 2006.
Je suis ravie de voir que les dispositions relatives au consentement sont comprises dans les amendements proposés à la loi et je partage l'avis de l'honorable David Emerson, ministre de l'Industrie, qui affirme que les Canadiennes et les Canadiens devraient avoir le droit de décider eux-mêmes s'ils veulent que leurs dossiers personnels du recensement soient un jour rendus publics.
Comme vous le savez, le consentement éclairé est au coeur du concept de respect de la vie privée. En donnant ou en refusant leur consentement, les citoyennes et les citoyens peuvent contrôler la façon dont leurs renseignements personnels seront utilisés ou divulgués. La raison pour laquelle il est si important de décider de la décision future des dossiers de recensement est que nous sommes tenus, en vertu de la loi, de répondre aux questions du formulaire de recensement, lesquelles peuvent être perçues comme une intrusion inacceptable dans la vie privée.
Le formulaire du recensement pose, par exemple, des questions sur les liens de parenté entre les membres du foyer, notamment si les conjoints sont de même sexe ou s'ils sont des conjoints de fait. Le formulaire détaillé, qui est donné à un répondant sur cinq, pose de nombreuses questions dont certaines portent sur des renseignements de nature délicate. Il demande notamment aux répondants d'indiquer s'ils ont une déficience physique ou mentale qui réduit la quantité d'activités ou le type d'activités qu'ils peuvent accomplir. Le formulaire détaillé demande aussi des renseignements précis sur les revenus, y compris ceux provenant de sources diverses comme les emplois rémunérés, les prestations d'assurance-emploi, les prestations d'aide sociale, de même que ceux provenant d'autres sources privées.
Dans son communiqué qui était annexé au projet de loi lors de son dépôt, l'honorable David Emerson s'est exprimé en ces termes : « Je suis fier des dispositions de ce projet de loi concernant le consentement positif, lequel répond aux normes les plus rigoureuses en matière de protection de la vie privée. »
Cependant, je soutiens que, pour observer ces normes, Statistique Canada doit examiner de plus près la façon dont le consentement est obtenu lors de la divulgation des données de recensement. Le projet de loi S-18 précise clairement que la divulgation de données de recensement ne pourra être effectuée qu'avec le consentement de la « personne visée par les renseignements ».
J'aimerais mettre l'accent sur le fait que le consentement doit être obtenu de la personne visée par les renseignements, pas nécessairement celle qui remplit le formulaire du recensement. Dans bien des familles, comme vous pouvez l'imaginer, une personne remplit le formulaire de sorte qu'elle prend la décision d'accorder ou de refuser le consentement au nom des autres membres de la famille. Cette situation ne répond pas aux normes les plus rigoureuses en matière de protection de la vie privée que le ministre a promis d'instaurer dans le comité.
¹ (1550)
[Français]
Statistique Canada voudra s'assurer que la gestion du recensement sera compatible avec les dispositions de consentement prescrites par ce projet de loi. Il voudra aussi s'assurer que la personne visée par les renseignements accordera ou refusera son consentement et que tous, en particulier les enfants, devront avoir ultérieurement le droit de donner ou de retirer leur consentement. Nous reconnaissons que cela représente un défi logistique de taille, mais les Canadiennes et les Canadiens n'en méritent pas moins.
Nous avons fait part de ces observations à Statistique Canada et nous avons appris que ses représentants s'employaient avec ardeur à améliorer et à renforcer les libellés du formulaire de recensement afin qu'il tienne mieux compte des points de vue de chacun des membres de la famille. Nous soulignons les efforts des représentants de Statistique Canada à cet égard, et nous les encourageons à poursuivre sur cette voie. Statistique Canada jouit d'une réputation internationale, et c'est pour cela que le Dr Fellegi est à Genève. Je l'encourage à persévérer.
Je vous remercie.
[Traduction]
Merci de votre attention, monsieur le président.
Le vice-président (M. Werner Schmidt): Merci beaucoup, madame Stoddart.
Non seulement vous n'avez pas dépassé votre temps, mais vous avez fait mieux que les deux autres. C'était excellent. Je tiens à féliciter les trois témoins de la concision et de la clarté de leurs remarques.
Nous passons maintenant aux questions.
Nous commençons par M. James Rajotte.
M. James Rajotte (Edmonton—Leduc, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous d'être ici, et merci tout particulièrement à M. Fellegi, de se joindre à nous en esprit depuis Genève.
La première question que je voudrais poser porte sur la question du respect de la vie privée et de la rétroactivité. J'aimerais citer une déclaration qui vient de la brochure d'information du comité et qui énonce très bien le problème. On y dit que :
Les recensements tenus après 1901 comportent une disposition statutaire de confidentialité et étaient donc assortis d'une garantie de confidentialité sans limite de temps et ayant force exécutoire. |
On y explique que de l'avis des juristes au départ, les données de recensement ne devaient pas être rendues publiques, alors que maintenant ils estiment que c'est possible.
Je voudrais donc demander aux témoins et notamment à Mme Stoddart s'ils ont des inquiétudes quelconques au sujet de la protection de la vie privée et au sujet de la rétroactivité. Ce projet de loi apaise-t-il les inquiétudes que vous pourriez avoir à cet égard?
¹ (1555)
Mme Jennifer Stoddart: Par principe, en tant que commissaire à la protection de la vie privée, j'ai des préoccupations. Toutefois, quand je lis le rapport du comité, dont les membres ont été cités par mon collègue l'honorable M. Reid, je ne suis pas du même avis que vous. Le rapport laisse entendre qu'on a donné une promesse statutaire claire aux Canadiens et que les éléments de preuve se contredisent. Il y a des instructions pour les recenseurs et aussi des instructions pour les transferts aux Archives publiques du Canada.
En 1900, le public canadien savait que les informations des recensements tombaient à un moment donné dans les archives historiques. Le projet de loi laisse entendre que les renseignements des recensements peuvent être rendus publics par les archivistes et le bibliothécaire du Canada au bout de 92 ans. Cette disposition est conforme à la Loi sur la protection des renseignements personnels adoptée en 1983, qui stipule que 92 ans représentent une période appropriée. Je suis d'accord avec cela.
M. James Rajotte: Ce n'est pas ce que disait mon énoncé. C'est une citation du comité qui vient, je crois, du ministère de l'Industrie. Donc, ce n'est pas exact?
Mme Jennifer Stoddart: Je n'ai pas ce texte sous les yeux. Ce que je dis, c'est qu'en lisant le rapport sur la protection de la vie privée et des renseignements personnels rédigé par un comité d'experts, qui incluait l'un de nos juges de la Cour suprême, des universitaires éminents et des historiens, je constate que les informations historiques sont ambiguës et que ce projet de loi est une étape utile pour clarifier les choses.
M. James Rajotte: Donc vous n'avez pas d'inquiétudes au sujet de la protection des renseignements personnels ou de la rétroactivité. Ce projet de loi apaise toutes vos inquiétudes concernant la protection des renseignements personnels.
Mme Jennifer Stoddart: C'est exact.
M. James Rajotte: Nous parlons ici des gens qui veulent avoir accès à ces données, des généalogistes, des historiens, etc. Certaines personnes soutiennent que seules les informations de base devraient pouvoir être publiées, uniquement ce qui permettrait à des historiens et à des généalogistes de faire un arbre généalogique. Nous ne devrions pas entrer dans des renseignements très personnels auxquels vous avez fait allusion je crois.
Certains de nos collègues à la Chambre ont cité l'autre soir le recensement de 1911 dans lequel on posait des questions très personnelles. En fait, on demandait même s'il y avait des « idiots » dans la famille. Ce sont des questions personnelles qui inquiètent certaines personnes. Peut-être faudrait-il garder à part ces informations personnelles et autoriser plutôt la publication d'informations de base pour permettre aux historiens et aux généalogistes de faire leur travail. Pensez-vous que ce serait une solution pour préserver l'équilibre entre la protection de la vie privée et le droit des chercheurs à approfondir l'historique d'une famille ou du pays?
Mme Jennifer Stoddart: C'est une démarche intéressante qui se défend. Toutefois, en tant que commissaire à la protection de la vie privée, je m'en remets aux principes adoptés par le Parlement dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. On y explique que la société reconnaît que les informations personnelles perdent progressivement leur caractère confidentiel. Il me semble que 92 ans représente un délai raisonnable pour rendre publiques rétroactivement ces informations de recensement.
Pour ce qui est de ces informations qui pouvaient avoir un caractère sensible, ce qui est sensible pour une génération ne l'est pas nécessairement pour d'autres. Avec le temps, la plupart des choses tombent dans l'histoire et les différences peuvent s'atténuer.
º (1600)
M. James Rajotte: Monsieur Fellegi, vous voulez faire un commentaire?
M. Ivan Fellegi: Oui, si vous me permettez, j'aimerais faire une ou deux remarques.
Premièrement, nous avons fait énormément de recherche avant la rédaction de ce projet de loi et même avant la rédaction du projet de loi S-13. D'après les réactions de notre groupe témoin, les Canadiens ont une espèce de seuil. Ou ils sont d'accord pour communiquer certaines informations au sujet d'eux-mêmes, ou ils ne le sont pas. Mais ils ne font pas de différence entre les diverses catégories d'information, en tout cas pas celles qui figurent dans le recensement.
Cela nous a été confirmé lorsque nous avons tout récemment fait des tests en vue du recensement de 2006. Nous avions déjà eu un autre test plus tôt cette année. Nous avons constaté à propos de la question du consentement qu'il y avait très peu de différence dans les réponses sur la question de savoir si l'on devait communiquer les informations dites de base, celles du formulaire abrégé, et les informations du formulaire long. Il y avait une différence, mais elle était infime. Empiriquement, d'après les résultats obtenus auprès de notre groupe témoin et d'après le test préparatoire au recensement, la question essentielle est de savoir si les gens sont d'accord ou non, mais la distinction entre les diverses catégories d'information est tout à fait secondaire.
Si vous me le permettez, j'aimerais en profiter pour répondre à une ou deux remarques que M. Reid a formulées à propos des raisons pour lesquelles nous faisons une différence entre les recensements historiques et les recensements futurs. L'explication est simple. Nous ne pouvons pas revenir en arrière demander aux gens leur consentement pour des données de recensement passées, mais nous pouvons le faire pour le recensement futur.
Je crois que l'argument de la dégradation des informations historiques du recensement est fallacieux. Les gens peuvent fondamentalement être opposés à l'idée de donner des informations sur eux-mêmes, même si ces informations peuvent être communiquées 92 ans après, et dans ce cas nous n'avons aucun moyen de les obliger à répondre aux questions du recensement. Même si le recensement est théoriquement obligatoire, nous ne pouvons pas mettre 30 millions de Canadiens en prison et nous ne le ferions pas. Les gens peuvent refuser de donner des informations ou donner des informations fausses s'ils ne sont pas d'accord. Sinon, ils donnent leur consentement.
D'après l'expérience que nous avons d'autres enquêtes, quand on explique la situation aux Canadiens, ils acceptent dans une très grande majorité de partager leurs informations, plus de 90 p. 100 des Canadiens sont, par exemple, d'accord pour que nous communiquions les informations que nous recueillons sur leur santé à d'autres organismes que Statistique Canada.
Le vice-président (M. Werner Schmidt): Monsieur Reid.
L'hon. John Reid: Monsieur le président, je tiens à préciser que je suis d'accord avec l'interprétation que la commissaire a donnée du rapport du groupe d'experts. Je suis désolé que vous n'en ayez pas eu un exemplaire dans vos notes d'information, mais j'en ai un ici. Je vais le remettre à la greffière pour que les membres du comité puissent profiter de ce travail. Je suis désolé que vous ne l'ayez pas eu dans votre brochure d'information. C'est probablement une omission de la part d'Industrie Canada.
Pour ce qui est des groupes témoins etc., le groupe d'experts a travaillé sur un groupe témoin. Cette étude a été effectuée par Environics en juillet 2000. Je pourrais vous communiquer un exemplaire de ce rapport aussi. Les grandes conclusions du groupe témoin ont été les suivantes.
Premièrement, l'étude a montré qu'à peu près personne dans le public ne se posait la question de la publication de données de recensement à un niveau personnel. Autrement dit, ce n'est pas quelque chose qui préoccupe les gens.
Deuxièmement, l'étude du groupe témoin et les deux enquêtes montrent que la plupart des Canadiens seraient d'accord pour qu'on publie les données des recensements futurs au bout de 100 ans.
Troisièmement, quand on les interroge sur les raisons pour lesquelles on pourrait publier des données de recensement personnelles, les gens sont surtout favorables à l'idée que ces informations pourraient être utiles à leurs descendants. Ils sont moins impressionnés par l'idée que ces données pourraient être utiles aux historiens et importantes pour la recherche historique.
Pour ce qui est de la dégradation de la base de données, il est important de comprendre qu'une fois qu'on a des données correctes à 100 p. 100 et qu'on commence à les diluer d'un facteur de 10 p. 100, 20 p. 100 ou 30 p. 100, c'est manifestement un fardeau pour les familles qui tombent dans cette catégorie. Cela signifie que la base statistique se dégrade au fil du temps.
En ce qui concerne le chiffre que je mentionne dans mon exposé sur l'Australie, il faut prendre les chiffres australiens avec une certaine prudence car l'Australie est une colonie pénitentiaire qui a eu tendance à détruire ses recensements après les avoir effectués. La première fois qu'ils l'ont fait, entre 40 et 45 p. 100 des gens ont choisi de ne pas être inclus.
Si l'on faisait cela, on pourrait dire en gros que la base de données pour les recherches historiques au XIXe et au XXe siècle, pour toutes sortes de recherches, sur les Autochtones et autres, étaient bonnes et complètes à 100 p. 100, mais qu'à partir du XXIe siècle nous avons décidé de ne plus conserver des données aussi précises qu'auparavant.
Je préfère prévenir correctement les gens recensés que ces informations seront utilisées et divulguées. C'est ce qui se passe pour la plupart des informations recueillies par les gouvernements. Quand vous communiquez ces renseignements, on ne vous dit jamais qu'ils vont circuler dans le système et que c'est légal. J'estime que ce sont les mêmes principes qui doivent s'appliquer ici. Si vous vouliez procéder de cette façon, toutes les données gouvernementales tomberaient sous le nouveau régime, mais le gouvernement constaterait que ces données ne lui sont pas très utiles.
º (1605)
Le vice-président (M. Werner Schmidt): Pour que tout le monde puisse intervenir, nous devons avancer.
Je vais maintenant donner à Paul Crête la possibilité de poser quelques questions.
Paul.
[Français]
M. Paul Crête (Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, BQ): Je vous remercie, monsieur le président.
Si j'ai bien compris, dans sa présentation, M. Fellegi disait qu'à l'avenir, le questionnaire de recensement comprendrait une question sur la divulgation des informations. Si quelqu'un spécifie que les informations le concernant peuvent être divulguées, elles le seront; s'il ne veut pas qu'elles soient divulguées, elles ne le seront pas; si quelqu'un omet de répondre, ce sera considéré comme un refus de divulgation. Ai-je bien compris?
Deuxièmement, si j'ai bien compris, ne serait-il pas préférable alors d'utiliser une formulation qui favorise la divulgation de l'information et qui ne l'interdit que lorsque quelqu'un le spécifie formellement? En ce moment, nous encourageons la disparition des données en ne rendant pas disponible l'information sur ceux qui ne répondent pas.
M. Ivan Fellegi: Dois-je répondre?
[Traduction]
Le vice-président (M. Werner Schmidt): Paul a posé une question. Y a-t-il une réponse? Vous avez bien compris?
M. Ivan Fellegi: Oui.
Le vice-président (M. Werner Schmidt): Oui, bon.
Vous avez une autre question, Paul?
[Français]
M. Paul Crête: Non, il n'y en a pas. M. Fellegi veut-il répondre?
[Traduction]
M. Ivan Fellegi: Oui, je vais répondre.
Premièrement, vous avez bien compris notre proposition. Si nous avons présenté cette option de façon positive plutôt que négative, c'est parce que le public ne réagit pas favorablement à une option de refus. Apparemment, quand quelqu'un ne répond pas à la question de savoir s'il est d'accord ou non pour partager les informations le concernant, cela peut être de la négligence et cela ne signifie pas nécessairement qu'il est d'accord. Nous pensons qu'il faut que la volonté des Canadiens soit clairement exprimée pour les recensements futurs, sinon ils cesseront de collaborer lors des recensements.
Un recensement est quelque chose de très différent des autres activités de recueil d'informations. En fait, les collectes de données statistiques sont très différentes parce que nous n'offrons rien en échange. Quand on vous demande de remplir votre déclaration de revenus ou de fournir des informations pour obtenir des prestations sociales, quand vous faites une demande d'assurance-emploi ou d'autres prestations, ou vous encourrez des sanctions graves, ou vous demandez une prestation. Dans les deux cas, soit on vous menace, soit on vous récompense pour avoir donné des informations.
Ce n'est pas le cas lorsqu'on recueille des données statistiques. Nous devons faire confiance entièrement à la bonne volonté du public, et nous ne voulons surtout pas compromettre cette bonne volonté.
º (1610)
Le vice-président (M. Werner Schmidt): Vous avez d'autres questions, Paul?
[Français]
M. Paul Crête: Donc, la formulation actuelle de la loi vous convient. On n'a pas besoin d'amendements pour corriger la situation. Le texte actuel permet de répondre exactement à votre demande, d'après ce que je comprends.
[Traduction]
Le vice-président (M. Werner Schmidt): Il a répondu que oui.
Il n'y a pas d'autres questions?
Bon. Denis.
[Français]
L'hon. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Bonjour, monsieur Fellegi.
En fait, ce qui m'inquiète est peut-être l'à-côté de la collecte même des données au préalable. Je crois savoir que, lors du recensement, vous avez donné des contrats à des compagnies de l'extérieur pour la collecte des données.
Ce projet de loi n'est-il pas une belle occasion de faire d'une pierre deux coups et d'envoyer le message très clair que, non seulement dans la gestion des données futures mais aussi pour la collecte actuelle, il y aura une assurance de protection de ces données? Quelle garantie pouvez-vous nous donner en ce sens pour le prochain recensement?
M. Ivan Fellegi: Nous avons pris toutes les précautions possibles. Il sera physiquement impossible d'avoir accès aux données à l'extérieur des édifices de Statistique Canada. Je suis prêt à lancer à n'importe quel jeune de 16 ou 18 ans le défi d'essayer d'avoir accès aux données du recensement. C'est impossible.
En ce qui a trait au contrat, il concerne seulement la fourniture d'équipement et de logiciels. Les entrepreneurs n'auront pas accès aux données du recensement. Seuls les employés de Statistique Canada y auront accès. De plus, nous avons demandé à trois compagnies canadiennes indépendantes de mener une vérification des mesures de sécurité de Statistique Canada et de rendre publiques leurs conclusions.
L'hon. Denis Coderre: Je suis partagé.
D'une part, je trouve essentiel de protéger la vie privée. On ne joue pas avec ce principe. Lorsqu'on doit protéger l'information, il faut le faire bien. On doit s'assurer avant tout de protéger la personne qui donne ces renseignements D'autre part, je comprends qu'à des fins historiques et généalogiques, il faille préserver l'histoire et l'identité d'une nation, d'un peuple; ces raisons sont très pertinentes. Je comprends donc qu'à un bout de la table, M. Reid parle d'accessibilité et qu'à l'autre, Mme Stoddart parle de protection.
Dans la foulée de la réglementation intelligente, n'y aurait-il pas une façon plus pragmatique de régler la question des 92 ans après 2006? Pour moi, c'est là qu'est le noeud gordien: comment conserver l'intérêt de la recherche et s'assurer de ne pas perdre la valeur du renseignement tout en protégeant adéquatement les renseignements sur les gens?
Madame Stoddart.
Mme Jennifer Stoddart: Vous avez soulevé une question importante, qui comporte plusieurs aspects. D'abord, et peut-être le Dr Fellegi pourra-t-il nous aider, on ignore le nombre exact de Canadiens qui refuseront l'accès à leurs données de recensement après 92 ans. Il serait important de savoir comment ces dispositions seront gérées, quelle sera la réaction des Canadiens et ce que ça donnera.
À mon avis, si le nombre obtenu compromet le dossier historique, il faudra alors se raviser puisqu'il faut avoir le dossier historique et protéger, autant que possible, les renseignements personnels des Canadiens qui ne veulent pas divulguer leurs informations après 92 ans, à une époque où on vit de plus en plus longtemps.
J'attire votre attention, monsieur le député, sur une des dispositions du projet de loi S-18 au paragraphe 2(1), qui parle d'une révision d'« un comité soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit mixte » qui aurait lieu pas plus tard qu'avant le troisième recensement de la population, autour de 2014, il me semble. Il y aura donc une révision obligatoire. S'il y a des problèmes, vous pourriez peut-être même réviser la loi avant, après le recensement de l'an prochain.
J'ajoute que la maison EKOS, qui nous faisait une présentation sur les thèmes se rapportant à la protection des renseignements personnels, nous a rapporté la semaine dernière qu'un nombre significatif de Canadiens donnaient de mauvaises réponses, histoire de se protéger devant les incursions grandissantes dans la vie privée des Canadiens. Je n'avais pas fait le lien avant d'arriver, mais je me rappelle qu'elle nous parlait de 30 p. 100 de gens qui donnent de mauvaises réponses au téléphone, dans les magasins, dans différentes situations; même aux autorités médicales, donc aux médecins, on donne jusqu'à 12 p. 100 de mauvaises réponses ou des réponses incomplètes parce qu'on craint pour la protection de ces renseignements.
Il se pose donc un problème méthodologique de taille pour quelqu'un qui, comme le Dr Fellegi, doit préserver des dossiers à des fins historiques. Avec cette tendance croissante, je me demande si le fait de devoir dorénavant obtenir un consentement ne garantirait pas une meilleure qualité des données existantes; si on oblige tout le monde à répondre à 100 p. 100, il y aura 12 p. 100 ou même 30 p. 100 de mauvaises réponses, ce que les gens admettent donner dans d'autres situations. Quelle serait alors la valeur de notre dossier historique? Mais je ne suis pas le statisticien qui pourrait vous renseigner à ce sujet.
º (1615)
L'hon. Denis Coderre: Je suis tout à fait d'accord pour un consentement éclairé, car je crois que cela offre effectivement une protection. Mais il y a une question de pragmatisme. Il faut aussi établir jusqu'où on doit aller, et l'accès à l'information est aussi pertinent.
[Traduction]
Voilà pourquoi j'aimerais que vous interveniez avec monsieur Fellegi, monsieur Reid. Il faut trouver un équilibre. Vous ne voulez pas vous faire déborder. Vous devez vous assurer de protéger les grands principes, les valeurs canadiennes classiques que constituent les droits des gens et le respect de la vie privée. En même temps, l'accès à ces informations à des fins de recherches généalogiques ou historiques constitue une valeur ajoutée. Donc j'aimerais bien avoir vos commentaires à ce sujet aussi, monsieur Reid et monsieur Fellegi.
M. Ivan Fellegi: Si vous le permettez, j'aimerais dire que je suis tout à fait d'accord avec les remarques judicieuses de Mme Stoddart. Il y a une mesure de protection dans le projet de loi puisqu'il fait l'objet d'un réexamen automatique après les deux recensements suivants. Remettons-nous-en à l'expérience. C'est la première chose.
Deuxièmement, toutefois, il faut bien souligner la pertinence de ce qu'elle disait et de ce que j'ai dit, que nous n'avons pas les moyens d'obliger les Canadiens, contre leur volonté, à répondre ou à donner des réponses correctes lors d'un recensement.
En revanche, s'ils n'ont pas d'objection à partager ces informations, ils donneront leur consentement. Nous avons pris l'engagement solennel de collaborer avec Bibliothèque et Archives Canada, et tous les autres, lors de notre campagne de communication pour le recensement de 2006 et les recensements futurs, pour encourager les Canadiens à consentir au partage de l'information. Nous sommes bien conscients de l'importance des données historiques.
Je voudrais juste ajouter une petite chose, c'est qu'évidemment nous ne détruisons en aucun cas les informations que nous recueillons. Elles seront donc disponibles pour des recherches futures. La question est de savoir si elles seront disponibles au niveau individuel avec les noms et toutes les informations personnelles, ou seulement en tant que données historiques statistiques, la forme sous laquelle elles seront de toute façon conservées.
º (1620)
L'hon. John Reid: Monsieur le président, il y a beaucoup de sources d'information. Tout d'abord nous avons vérifié auprès des États-Unis, la période n'est que de 74 ans. Les Américains sont pourtant bien plus obsédés, à bien des égards, par la protection des renseignements personnels que les Canadiens. Leurs statisticiens nous ont dit qu'ils n'avaient jamais eu de plaintes.
Nous nous sommes aussi renseignés auprès des Britanniques qui divulguent les informations au bout de 100 ans. Ils n'ont jamais eu de plaintes. Je me suis renseigné auprès du bibliothécaire et archiviste national pour savoir combien de plaintes il avait reçues après la divulgation des données du recensement de 1906. « Aucune », m'a-t-il répondu, « mais mes serveurs ont été complètement saturés parce qu'il y a énormément de gens qui viennent consulter ces données ». Autrement dit, ces informations sont extrêmement populaires depuis qu'elles sont disponibles en ligne.
Donc, quand on va voir dans d'autres pays et qu'on demande aux statisticiens en chef de ces pays s'ils ont des problèmes tels avec les informations de leurs recensements qu'ils sont obligés de limiter la publication de ces informations, ils vous répondent dans ces deux pays qu'il n'y a aucun problème.
Je ne pense pas qu'il y ait de problème important au Canada non plus, et je peux vous dire que nous avons actuellement une centaine d'affaires devant les tribunaux qui concernent les données de recensement de 1911. Nous avons fait des recherches très poussées sur les problèmes que cela concerne. Nous n'avons pas pu trouver de problèmes importants liés à un bon recensement. Nous avons consacré beaucoup de temps et d'énergie à nous renseigner auprès d'autres pays pour nous assurer que les informations que nous avons sur le Canada étaient aussi fiables que celles qui sont recueillies à l'étranger.
M. Ivan Fellegi: Monsieur Reid, si vous me le permettez, vous parlez toujours du Royaume-Uni et des États-Unis, mais pas de l'Australie. Or, ces données sont tout aussi pertinentes que celles des États-Unis ou de la Grande-Bretagne.
Le vice-président (M. Werner Schmidt): Nous devons avancer car le temps passe.
Monsieur Masse, vous aimeriez intervenir.
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Monsieur Fellegi, j'aimerais avoir une confirmation. Vous avez dit qu'il y aurait trois entreprises canadiennes. Pouvez-vous me confirmer que la question essentielle c'est que le travail soit réalisé au Canada? Ce n'est pas tellement la nationalité de l'entreprise, ce qui est essentiel c'est que le travail soit fait au Canada. Pouvez-vous me confirmer que tout le travail sera effectué au Canada? J'aimerais aussi savoir quelles sont ces sociétés?
Deuxièmement, je crois que c'est la commissaire à la protection de la vie privée qui a suggéré un système qui permettrait aux gens de refuser à un moment particulier de communiquer les informations. Pourriez-vous nous en parler et nous dire s'il est techniquement possible de mettre sur pied un tel système et quels seraient ses avantages ou ses inconvénients?
M. Ivan Fellegi: Pour répondre à votre première question—et j'aimerais inviter, si je le peux, M. Barnabé à vous donner plus de détails—quand vous achetez un costume ou une radio sur lequel il est écrit fabriqué au Japon ou au Canada, vous ne savez pas d'où viennent les composants de ces articles. De la même façon, lorsque nous établissons des contrats d'obtention de logiciels ou de matériel, nous nous adressons à des entreprises canadiennes—à des entreprises appartenant à des Canadiens, mais des entreprises canadiennes—mais nous ne pouvons pas savoir avec certitude de quels pays viennent les divers composants.
Ce que nous pouvons vous garantir, c'est que ces entrepreneurs n'auront strictement aucun accès—ce sera physiquement impossible—aux données du recensement une fois qu'il sera terminé. C'est une garantie. Trois entreprises de sécurité indépendantes seront chargées d'effectuer une vérification de nos dispositifs de sécurité et les résultats seront rendus publics.
Pour ce qui est de votre deuxième question, nous avons envisagé la possibilité que les gens changent d'avis, et c'est tout à fait faisable. Nous aurons sur notre site Web un formulaire téléchargeable que n'importe qui pourra remplir pour savoir tout d'abord quelle réponse aura été donnée lors d'un recensement donné, soit par lui, soit en son nom. Ensuite, cette personne pourra alors demander à ce que nous changions cette information dans les données d'un recensement passé, à partir de 2006. Mais à n'importe quel moment pendant les 92 ans qui suivront un recensement, n'importe qui pourra revenir sur son consentement.
Nous avons soigneusement réfléchi aux procédures, et c'est tout à fait faisable.
º (1625)
M. Brian Masse: Monsieur Reid, vous avez parlé d'un manque de cohérence des données. C'est donc un peu le problème de l'oeuf et de la poule puisque si les Canadiens ne vous font pas confiance pour préserver le caractère personnel de leurs informations, ils ne vont pas participer ou ils ne vont pas remplir correctement les questionnaires, et s'ils ne veulent pas le faire, ils ne le feront pas.
Donc, dans quelle mesure le fait d'avoir un système autorisant un refus sélectif ou des réponses à deux paliers va-t-il nuire à la recherche et à la disponibilité de l'information?
L'hon. John Reid: J'aime bien l'expression « réponse à deux paliers ». Le dilemme, c'est que personne ne sait combien de personnes choisiront cette option la première année, et que c'est impossible à prédire. Nous savons qu'en Australie il y en a eu beaucoup, mais l'Australie est une société particulière avec un passé historique de colonie pénitentiaire.
Nous savons qu'aux États-Unis il n'y a pas de problème notoire à réaliser un bon recensement. Les Britanniques nous ont donné la même assurance, et c'est le modèle que nous suivons actuellement. Donc, supposons que 10 p. 100, 15 p. 100 ou 20 p. 100 des personnes se prévalent de cette option. Cela veut dire que nous passons d'un recensement qui a débuté avec la Confédération à 2001 avec 100 p. 100 d'information, et qu'à partir de 2006 nous passerons à un recensement dégradé. De combien, nous ne le savons pas, mais vraisemblablement nous en arriverons à une certaine moyenne.
À ce moment-là, du point de vue statistique, on n'aura, disons, que 20 p. 100 d'informations fausses ou manquantes, mais cela voudra dire qu'on sera passé de 100 p. 100 à 80 p. 100. S'il se trouve que vous faites partie d'une des familles qui veulent retrouver ces données, pour vous ce sera 100 p. 100, parce qu'il n'y aura aucune information. Si vous êtes généalogiste, vous tomberez sur un vide en remontant dans l'histoire de la famille qui vous intéresse. Si vous êtes historien, vous ne pourrez peut-être pas remonter l'histoire de certaines familles.
Par exemple, le recensement de 1906 pour la Saskatchewan et l'Alberta a surtout été utilisé pour remonter dans l'histoire des familles et de leur patrimoine et pour voir comment elles étaient arrivées dans cette société, où elles s'étaient installées, où elles étaient allées. Si vous exercez votre option de refus, vous faites disparaître les informations pour cette famille et pour cet arbre généalogique à 100 p. 100. C'est là le problème.
M. Brian Masse: Madame Stoddart, quels genres de plaintes votre bureau a-t-il reçus, par exemple, en ce qui concerne les renseignements fournis lors des recensements? Y a-t-il eu des plaintes pour atteinte à la vie privée?
J'ai participé à tout l'exercice et mon secteur est l'un de ceux où il y a des difficultés car la population recensée comporte beaucoup de gens qui sont de passage, une population de nouveaux immigrants. Nous avons procédé à des invitations dans la rue même pour exhorter les gens à remplir les formulaires de recensement. Nous nous sommes littéralement rendus sur le seuil des résidences à cette fin.
Au fil des ans, la période de recensement a-t-elle donné lieu à une recrudescence des plaintes, des inquiétudes au titre de la vie privée au Canada et comment cela a-t-il été traité? Je sais que c'est une vaste question mais je voudrais savoir si vous êtes inondés de plaintes au moment du recensement. Les gens vous disent-ils que le gouvernement n'a pas à poser ce genre de questions.
º (1630)
Mme Jennifer Stoddart: Je vous dirais que c'est une question intéressante. Le personnel de mon bureau ne m'a jamais signalé que c'était un problème depuis que je suis commissaire à la protection de la vie privée. Cela ne signifie pas qu'en 20 ans, depuis que la loi est en vigueur, nous n'ayons pas reçu une plainte quelconque. Je vais demander à mon personnel de vérifier cela et nous signalerons aux membres du comité par écrit les éventuels cas de plaintes.
M. Brian Masse: Cela m'intéresserait. Je suppose, par exemple, qu'au moment du recensement, les Canadiens qui ont une véritable inquiétude sur le plan de la protection de leur vie privée auraient pris des dispositions à cet égard.
Mme Jennifer Stoddart: Je n'ai pas entendu dire que la cueillette des données du recensement constituait un grave problème d'atteinte à la vie privée.
M. Brian Masse: Jusqu'à quel point y aurait-il atteinte? Quelle complication cela représenterait-il pour vous, par exemple, si les Canadiens n'avaient pas le choix que M. Reid propose? Quelle inquiétude auriez-vous à l'égard de la vie privée dans ce cas-là? Est-ce que cela enfreindrait nos lois? Est-ce quelque chose qui vous mettrait tout simplement mal à l'aise?
Mme Jennifer Stoddart: Je pense qu'il faut se demander si quelqu'un appartient à une catégorie de gens plus sensible pour une raison ou pour une autre au niveau des renseignements révélés aux recenseurs. Tout dépend du genre de questions auxquelles on vous demande de répondre pour des raisons statistiques.
Deuxièmement, la divulgation se fera après 92 ans. Manifestement les Canadiens, selon moi, sont moins inquiets des données historiques que de certains aspects plus immédiats en ce qui concerne leur vie privée. On a parlé de l'impartition des renseignements personnels—ce que l'on fait de mes renseignements personnels, par exemple, aujourd'hui, pendant que je vis, l'impact de ce phénomène pour moi.
Toutefois, la raison pour laquelle je n'ai pas entendu parler de plaintes à propos des données fournies au recensement tient au fait que nous pouvons compter sur une organisation admirable, Statistique Canada, qui a préservé le caractère confidentiel des données statistiques canadiennes de façon superbe. La société a grande confiance dans Statistique Canada.
Pour l'avenir, je pense que l'idéal serait de demander : « à partir de maintenant, souhaitez-vous que ces données soient divulguées même si cela ne se fait pas dans d'autres pays? » Comme quelqu'un l'a dit, c'est l'exemple idéal. Est-ce que nous innovons sur le plan de la protection de la vie privée en faisant cela? Oui, c'est possible. Mais manifestement, il y a d'autres aspects de la vie privée qui sont, selon moi, beaucoup plus pressants pour les Canadiens que le fait de songer à des données historiques dans 92 ans.
M. Brian Masse: J'en conviens. En fait, je me plaçais du point de vue d'un aspect de la politique d'intérêt public et à mon avis, c'est la solution facile de l'impartition des renseignements qui a compromis le travail admirable du recensement au Canada, lequel est une aide précieuse pour la prise de décisions quant aux programmes et aux services que nous offrons aux Canadiens.
Merci.
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.)): Merci, Brian.
Merci, Werner, de m'avoir remplacé pendant que je devais m'absenter quelques heures aujourd'hui.
M. Werner Schmidt: Je vous en prie.
Le président: Merci.
Brad a la parole maintenant.
Je sais que Werner veut poser des questions. Il y en a-t-il d'autres qui veulent faire de même? James et Jerry, d'accord.
M. Bradley Trost (Saskatoon—Humboldt, PCC): Je n'ai que quelques brèves questions et quelques commentaires.
Tout d'abord, une précision. Ma question s'adresse essentiellement à M. Reid mais si quelqu'un d'autre veut répondre, soit. Je comprends très bien votre logique et l'inquiétude que vous avez que les recensements à venir ne soient pas de la même qualité que les précédents s'il y a un choix. D'après votre exposé, vous préconisez un système plus ou moins semblable à celui des Américains, n'est-ce pas?
L'hon. John Reid: Pas vraiment, je préconise le maintient du système canadien avec permission expresse de divulguer mes données du recensement—et je veux bien préciser que j'ai utilisé l'expression « les données du recensement nominatif », et non pas le formulaire complet—et ce, après 92 ans. C'est la pratique qui existe depuis les premiers recensements et je ne vois pas pourquoi elle ne serait pas maintenue.
M. Bradley Trost: Comme vous l'avez dit, enfin ce que j'ai compris—mais je veux m'en assurer—, il n'y a aucun problème car nous n'avons aucune raison de croire qu'il y a eu des difficultés dans un groupe quelconque qui aurait refusé que les données du recensement nominatif soient divulguées pour des raisons de protection de la vie privée?
L'hon. John Reid: C'est juste, à la lumière du travail que nous faisons depuis deux ans et pour l'affaire que nous préparons en vue d'un passage au tribunal. Nous voulons nous assurer que nos chiffres sont exacts et que notre position est solide. Ainsi, nous avons passé pas mal de temps et consacré beaucoup d'efforts à des vérifications avec les Américains et les Britanniques.
º (1635)
M. Bradley Trost: Y a-t-il d'autres témoins qui souhaitent répondre?
M. Ivan Fellegi: Oui, je souhaiterais le faire.
Tout d'abord, nous avons fait une recherche auprès d'un groupe cible. M. Reid a parlé de Environics. Il est très très clair que quand les Canadiens s'attardent à cette question—et ce n'est pas nécessairement la question qui les préoccupe au premier chef, ce qui explique pourquoi on n'en entend pas parler—ils sont en effet très préoccupés par le caractère confidentiel et la possibilité qu'un jour ou l'autre on divulgue les renseignements du recensement qui les concernent. C'est la première chose.
Deuxièmement, à propos de la question posée à Mme Stoddart, au moment du recensement par le passé—et cela précède sa nomination à ce poste—il y a eu une recrudescence de plaintes déposées auprès du commissaire à la protection de la vie privée. Et ce qui est encore plus important, c'est que c'est la question la plus importante, et de loin, qu'on me pose des milliers et des milliers de fois, au moment d'un recensement. L'enjeu le plus important est le caractère confidentiel.
J'implore le comité de ne pas mettre le recensement en péril. Il se peut que parce que les Canadiens ne se préoccupent pas trop de la question, des dispositions législatives puissent être adoptées et qu'il n'y ait pas d'inquiétude, pas de problème—et c'est ce qui se passe à mon avis en Grande-Bretagne et aux États-Unis—mais si les Canadiens devaient s'attarder à y réfléchir, comme nous l'avons fait avec un groupe cible, on constaterait qu'il y a une grave inquiétude à propose du caractère confidentiel.
Pourquoi mettre le recensement en péril? Le projet de loi propose une approche empirique. Mettons-la à l'essai et voyons ce que cela donne. Si après deux recensements, on constate que c'est un échec, un examen obligatoire est prévu.
Le projet de loi est un compromis. Tous les groupes ont été consultés; chaque groupe a eu sa chance et chaque groupe a exprimé ses exigences minimales. En effet, les généalogistes, représentés notamment par Mme la sénatrice Milne, appuient entièrement ce projet de loi qu'ils estiment être un compromis raisonnable.
Je tiens à souligner cet élément : le compromis. Nous avons atteint ce compromis après six ou sept ans de travail intense. Depuis 20 ans que je suis le statisticien en chef, je n'ai jamais consenti autant d'efforts que dans ce cas-ci. J'ai consacré plus de temps à ce dossier qu'à n'importe quel autre, afin de trouver un compromis raisonnable.
M. Bradley Trost: C'est pratiquement davantage une observation qu'une question—quoique que si vous pouvez y répondre, n'hésitez pas—comme je ne connaissais pas tellement ce projet de loi avant qu'il arrive sur mon bureau il y a quelques semaines, un aspect sur lequel je m'interroge ce sont les dossiers documentaires que les historiens utiliseront à toutes sortes de fins.
Je ne suis pas un historien. Je suis géophysicien de profession. Donc je suis un peu perdu ici. Je sais dans quel but un généalogiste s'en servira.
Est-ce que l'un d'entre vous voudrait indiquer dans quel but précis les historiens s'en serviraient?
J'ai une autre observation générale à faire. Comme j'ignore toutes les questions qui ont été posées au cours des recensements précédents—Mme Stoddart pourrait peut-être répondre à celle-ci plus directement—quelles sont les questions précédentes qui ont été posées et qui pourraient susciter une réelle préoccupation en ce qui concerne leur protection de la vie privée, même à ce stade-ci, en ce qui concerne les générations futures?
Mme Jennifer Stoddart: Je dois dire que je ne suis pas personnellement au courant de toutes les questions qui ont été posées au fil des ans.
º (1640)
M. Bradley Trost: Qui serait au courant?
Mme Jennifer Stoddart: Monsieur Fellegi pourrait peut-être être en mesure de parler des questions les plus sensibles parce qu'il y a le formulaire ordinaire de recensement et le formulaire long.
Il peut renfermer des questions plus ou moins sensibles. Cependant je dirais à nouveau que si vous adoptez cette loi, tous les renseignements déjà recueillis dans les recensements précédents seraient assujettis à la règle de 92 ans, qui est la règle normalisée pour la protection des renseignements personnels en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Nous avons considéré que cette information devient moins sensible avec le temps, donc même l'information la plus sensible devient moins sensible—si je peux m'exprimer ainsi.
L'hon. John Reid: J'ai une formation d'historien et j'ai fait une thèse de maîtrise dans laquelle je n'ai pas pu utiliser les données provenant de recensements canadiens parce qu'elles n'avaient pas encore été rendues publiques. Mais j'ai eu la chance de trouver la plupart des documents dont j'avais besoin dans les archives de l'archevêché anglican et de l'archevêché catholique.
Cela m'a permis de suivre les tendances d'établissement dans des régions particulières pour déterminer qui étaient les nouveaux arrivants et la raison des tensions sociales que j'examinais. J'ai constaté que je ne pouvais pas le faire à moins d'examiner les données démographiques—qui étaient ces personnes, d'où elles provenaient, les expériences qu'elles avaient vécues par le passé—afin que je puisse comprendre les difficultés que connaissait la collectivité. J'ai réussi à obtenir cette information des archevêchés de l'Église catholique et de l'Église anglicane.
Ces renseignements sont tout à fait indispensables lorsque l'on veut commencer à suivre la structure des mouvements migratoires, des modes d'établissement, lorsque l'on essaie de suivre la façon dont croît l'économie, et ainsi de suite et qu'on en examine les répercussions sur la population et les gens. Il est possible de suivre ces tendances grâce aux excellentes statistiques fournies par Statistique Canada, mais il est très difficile d'utiliser cette information au niveau macro et de la ramener au niveau d'un être humain ordinaire et de suivre la situation de particuliers et de déterminer les raisons pour lesquelles ils sont dans une telle situation. Donc il s'agit d'une ressource historique extrêmement utile.
Le président: Nous allons passer à Jerry, suivi de Werner et ensuite nous avons James et Brian.
L'hon. Jerry Pickard (Chatham-Kent—Essex, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président. Je tiens à remercier les témoins d'être ici.
Ma question s'adresse essentiellement à tous les témoins. On a laissé entendre qu'un amendement pourrait être présenté au comité. Le premier article se lit comme suit : « Les articles 17 et 18 cessent de s'appliquer aux renseignements contenus dans les relevés de tout recensement... ». Le terme renseignements serait remplacé par « le nom, l'adresse, la date de naissance, le sexe, la profession du répondant et le nom des enfants, du conjoint ou du conjoint de fait du répondant ».
Je dirais que si on adopte cet amendement, il s'agirait des renseignements qui deviendraient publics. Est-ce que cela n'irait pas—entièrement—à l'encontre de l'objet du projet de loi?
M. Ivan Fellegi: Nous sommes au courant mais seulement depuis hier, lorsqu'il en a été question pendant les débats en deuxième lecture. Je peux donc seulement vous donner une réponse préliminaire.
Le problème est le suivant. Dans le passé, les recensements étaient effectués sans faire la distinction entre le questionnaire abrégé et le questionnaire complet. Il n'y avait qu'un questionnaire. Tout le monde recevait le questionnaire de recensement complet. Ces questionnaires ont été conservés sur microfilms.
D'après ce que j'ai compris, ce serait un travail énorme que d'aller chercher les renseignements que vous avez énumérés parmi tous les renseignements conservés sur microfilms. Il s'agit de dizaines de milliers de bobines de microfilm. Nous n'avons pas effectué une évaluation complète des coûts mais mon bureau a fait une évaluation très rapide, conjointement avec Bibliothèque et Archives Canada, et on me dit que cette ventilation de renseignements coûterait plusieurs dizaines de millions de dollars.
Il s'agit d'un problème de logistique. Ce n'est pas une question de principe mais plutôt de logistique.
º (1645)
L'hon. Jerry Pickard: Monsieur Reid.
L'hon. John Reid: Pour ce qui est des recensements antérieurs, qui datent d'avant 2001, je crois qu'il serait mieux de laisser les renseignements tels quels, qu'on les utilise tels qu'ils sont présentés. Selon moi, il s'agit maintenant de décider du processus à suivre à l'avenir. Lorsque nous effectuerons des recensements à l'avenir, un bon compromis sera peut-être de recueillir ce genre de données qui seront automatiquement disponibles—c'est-à-dire le recensement nominatif ainsi que toute autre donnée recueillie dans le questionnaire complet—afin de ne pas briser la continuité historique et en même temps de pouvoir continuer à rendre disponibles ces données communes. Le prix à payer sera la perte de beaucoup de données sociales utiles, mais cela coûtera moins cher que la détérioration de la chronologie historique.
L'hon. Jerry Pickard: Monsieur le président, à moins que les autres...
Le président: Jerry, je crois que M. Fellegi veut ajouter quelque chose.
Monsieur Fellegi.
M. Ivan Fellegi: Comme je ne cesse de le répéter, ce qui me dérange, c'est que nous ne savons pas—et M. Reid est d'accord—quelle va être la réaction des Canadiens. Je ne voudrais surtout pas menacer le recensement. D'après notre expérience limitée, les Canadiens ne font pas la différence entre le formulaire abrégé et le formulaire long. Ou ils sont prêts à transmettre les informations, qu'il s'agisse du formulaire abrégé ou du formulaire long, ou ils ne le sont pas, mais ils ne font pas spécialement la différence entre les deux.
Dans ce cas, si l'on obligeait les gens à transmettre les informations, ce qu'ils sont réticents à faire, on risquerait de menacer le recensement. Je ne suis pas sûr que cela arriverait, mais c'est une possibilité, et si cela arrive, on ne pourra pas faire machine arrière. On ne pourra pas recommencer le recensement dans des circonstances différentes. En revanche, nous pourrons revoir la loi dans deux recensements et la modifier au besoin.
L'hon. Jerry Pickard: Monsieur le président, j'aimerais aborder un autre problème. Je crois qu'un de nos témoins nous a donné la réponse, mais je veux m'en assurer.
Diverses personnes ont dit qu'on pouvait diluer les informations du recensement en incitant le public à ne pas répondre. On incite les gens à ne pas répondre quand on leur dit qu'on va rendre ces informations publiques dans un certain délai sans leur laisser le choix ou leur demander leur autorisation. Encore une fois, les gens peuvent dans ce cas refuser de répondre au questionnaire. Je pense qu'on obtient la même dilution, comme le disait M. Reid, en procédant sans avoir toutes les informations.
Donc, d'une façon ou d'une autre, il y a un léger risque de voir une partie du public ne pas être prise en compte dans l'ensemble des données. Je crois que la meilleure chose à faire est de permettre aux gens de répondre de leur propre initiative sans leur imposer une décision en annonçant que ces informations seront divulguées au bout de 90 ans. Disons que c'est comme ça que j'essaie de trouver un équilibre.
Qu'en pensez-vous, monsieur Reid?
Le président: M. Reid, puis M. Fellegi.
L'hon. John Reid: Je crois qu'il faut avoir une vision empirique. Que constatons-nous? Nous avons regardé ce qui se passait au Canada et nous avons vérifié auprès de nos voisins du Sud, les États-Unis, et des Britanniques, parce que nous avons des systèmes analogues. Les pays étrangers que nous avons consultés ne nous ont pas dit qu'ils avaient des difficultés à préserver la pureté statistique de leurs données.
Empiriquement, je dirais qu'on n'a pas prouvé qu'il fallait cesser de publier les données de peur de ne pas pouvoir les obtenir. Je soutiens que cela n'a pas été prouvé. C'est un argument que le statisticien en chef développe avec éloquence, mais je ne suis pas de cet avis. À mon avis, ce n'est pas prouvé.
º (1650)
Le président: Monsieur Fellegi.
M. Ivan Fellegi: Je suis tout à fait d'accord avec l'argumentation du député et la façon dont il a présenté cet argument. C'est effectivement une question empirique. Si les Canadiens n'ont pas de problèmes, ils donneront leur consentement. Toutefois, s'ils ont un problème, il y aura une dilution d'une façon ou d'une autre de la qualité des données historiques et du recensement en tant que système actuel d'informations statistiques. Mais on n'a pas le choix sur cette question, puisque ce sont les Canadiens qui contrôlent les informations les concernant, soit directement en donnant ou en refusant leur consentement, soit en refusant de coopérer lors des recensements.
Le président: D'accord.
Jerry, vous avez à peu près terminé?
L'hon. Jerry Pickard: La commissaire à la protection de la vie privée veut peut-être faire un commentaire.
Le président: Madame Stoddart.
Mme Jennifer Stoddart: Oui, j'ajouterais que d'après certaines études dont j'ai entendu parler il y a seulement quelques jours, les Canadiens souhaitent de plus en plus contrôler leurs informations personnelles, et je pense donc que d'une façon ou d'une autre ils vont prendre des mesures en ce sens. C'est ce que nous apprennent ces études. Ils vont le faire soit en donnant des informations inexactes, s'ils n'ont pas le choix de refuser, soit en refusant de répondre si on leur donne le choix.
Je pense donc que la société souhaite préserver dans toute la mesure du possible un degré optimum d'information sur le plan méthodologique pour permettre aux statisticiens et aux historiens—quoique peut-être pas aux généalogistes—d'extrapoler, de combler les vides, etc. Parce qu'au moins on saurait—on espère qu'on saurait précisément—qui dit vraiment la vérité. C'est un des grands problèmes des dossiers historiques, la question de leur qualité. Ce que nous voulons, c'est avoir des dossiers historiques de la meilleure qualité possible. Et nous vivons dans une société de l'information qui est très différente de celle de 1911 où l'on pouvait dire quelque chose à quelqu'un sans s'attendre à ce que cette information circule à travers le monde entier sur Internet parce que quelqu'un y aurait eu accès au moyen de Google. Le monde a complètement changé et les Canadiens le savent bien. Par conséquent, quand ils ne sont pas sûrs de ce qu'il va advenir des informations qu'ils fournissent, ils s'organisent pour brouiller les pistes afin de mieux protéger leur vie privée.
Le président: Merci beaucoup.
Werner, puis Brian et James.
M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président et rebonjour. Je peux maintenant poser une question.
Je vous remercie, monsieur Fellegi, et je voudrais m'assurer que je vous ai bien compris. Vous avez bien dit que si l'amendement auquel fait allusion Jerry Pickard était présenté il n'y aurait pas de problème de principe, le seul problème serait de l'exécuter?
M. Ivan Fellegi: En effet. Si le Parlement décidait d'opter pour cette suggestion, nous n'aurions d'autre choix que de l'appliquer. Ce que j'explique simplement, c'est que ce serait un véritable cauchemar sur le plan logistique et que cela coûterait extrêmement cher.
M. Werner Schmidt: C'est bien cela. Je voulais être sûr que c'était bien ce que vous aviez dit.
J'ai une autre question à vous poser, monsieur Fellegi. Vous connaissez sans doute tous les détails des divers formulaires de recensement utilisés depuis 1911. Pourriez-vous nous parler un peu des renseignements à caractère très délicat qui figuraient dans le recensement de 1911?
M. Ivan Fellegi: Comme je suis à Genève, je vais devoir m'en remettre à ma mémoire et là encore, je demanderais peut-être à M. Barnabé, de venir à mon aide.
Nous avons déjà parlé de certaines questions délicates, par exemple, celles qui concernaient la santé mentale. En fait, la question était posée de façon assez brutale dans le recensement de 1911, puisqu'on n'y demandait s'il y avait dans le foyer quelqu'un qui avait une déficience mentale ou qui était idiot, quelque chose comme cela. Mais il y a d'autres questions à caractère sensible dans tous les recensements. Pour certaines personnes, cela peut être l'âge, parce que ce sont leurs prestations de bien-être social, de chômage ou de sécurité de la vieillesse qui peuvent être en jeu. Pour d'autres, c'est la religion qui a un caractère extrêmement sensible, notamment pour certains Européens qui ont des racines juives. Dans certains recensements, il y a eu des questions sur la race, qui avaient un caractère délicat pour certaines personnes. Et je pourrais continuer.
Je vous parle de mémoire. SI vous souhaitez avoir d'autres informations, nous pourrons évidemment vous en fournir. M. Barnabé peut peut-être m'aider.
º (1655)
Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Barnabé?
M. Richard Barnabé (statisticien en chef adjoint, Statistique sociale, des institutions et du travail, Statistique Canada): Je vous remercie, monsieur le président.
Non, je crois que M. Fellegi vous a donné les principaux éléments d'information se rapportant à la question qui a été posée à l'égard de ce qu'on appelait les « infirmités », soit la cécité, la surdité et la mutité ainsi que la folie. C'est en 1911 que cette question a été posée pour la dernière fois. Au fil des ans, les questions posées visaient surtout à établir l'origine ou la nature de la personne, son revenu et sa profession.
Le président: Je vous remercie.
D'autres témoins aimeraient-ils ajouter quelque chose là-dessus?
Allez-y, monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt: Monsieur Barnabé, je pense que vous avez évité de donner la catégorie que je cherchais et je pense que vous savez de quelle catégorie il s'agit. Je pense la connaître également. Je pense que c'est le troisième ou le quatrième point qui se rapporte à cette question.
M. Richard Barnabé: Vous parlez du recensement de 1911?
M. Werner Schmidt: Oui.
M. Richard Barnabé: La question visait essentiellement à établir les infirmités qui étaient les suivantes : cécité, surdité et mutité, folie ou idiotie.
M. Werner Schmidt: Ce sont les réponses aux questions délicates qui seraient rendues publiques si ce projet de loi est adopté.
Il y a aussi la question de la rétroactivité. J'aimerais connaître l'avis sur cette question de la commissaire à la protection de la vie privée, de M. Fellegi et peut-être aussi de M. Reid. Si je ne m'abuse, lorsqu'un projet de loi de ce genre comporte un élément de rétroactivité, il rend légal un acte qui aurait été illégal à l'époque. L'adoption du projet de loi S-13 rendrait légale la communication de ces renseignements alors qu'elle était illégale à l'époque.
La rétroactivité devrait-elle être permise dans un projet de loi?
M. Ivan Fellegi: Permettez-moi de répondre à cette question.
Pendant des décennies, nous avons pensé que la confidentialité des renseignements tirés du recensement était garantie par la loi à perpétuité. Nous avons appris il y a plusieurs années—et je ne me souviens pas exactement quand c'était, mais je pense que c'était il y a huit ou dix ans—du ministère de la Justice qu'il avait révisé son avis juridique et qu'il existait à tout le moins une certaine ambigüité juridique quant à savoir si cette promesse pouvait avoir été donnée par Statistique Canada ou ses prédécesseurs en vertu de la loi canadienne.
Il ne s'agit donc pas en fait de rétroactivité. Il s'agit d'une ambigüité que nous voulons éliminer. Nous voulons trancher une question qui demeure ambiguë d'après les meilleurs avis juridiques dont nous disposons à l'heure actuelle.
Le président: Je crois que Mme Stoddart et que M. Reid veulent ajouter quelque chose.
Madame Stoddart.
Mme Jennifer Stoddart: Je suis aussi d'avis qu'il ne s'agit pas en fait d'une question de rétroactivité, mais d'une ambigüité sur laquelle certains de nos meilleurs esprits juridiques, dont M. le juge La Forest, ont fondé bon nombre des arrêts qui sont les plus cités dans le domaine de la protection des renseignements personnels. Ces juristes conviennent qu'il y a une ambigüité.
Ce qu'on vous demande de faire, c'est simplement de préciser différentes dispositions juridiques ou directives qui sont données aux personnes chargées d'effectuer le recensement. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une question de rétroactivité.
L'hon. John Reid: Monsieur le président, les membres du groupe d'experts dont j'ai parlé plus tôt ont dit : « Cependant, malgré cette ambiguïté, rien ne prouve que le Parlement avait l'intention d'accorder une garantie de confidentialité perpétuelle » des données du recensement.
Je suis donc d'accord là-dessus avec M. Fellegi et avec la commissaire à la protection de la vie privée. Le projet de loi ne change pas la situation antérieure. Il crée un régime qui avait été envisagé et qui s'appliquera aux recensements effectués après 2001.
» (1700)
M. Werner Schmidt: J'ai deux questions complémentaires à poser à ce sujet, monsieur le président.
Voici la première de ces questions. Est-il concevable que pour les personnes qui on donné de l'information aux recenseurs, qui avaient promis la confidentialité—et jusqu'en 1971, tous les recensements étaient effectués par des recenseurs—que cette garanti s'appliquerait à perpétuité? Ces personnes savaient-elles qu'un jour ces données seraient rendues publiques?
L'hon. John Reid: Après avoir examiné de nombreux documents, je suis d'avis que les recenseurs s'étaient engagés sous serment à ne pas divulguer ces données. Les recensements existent dans ce pays depuis la Confédération. Ils constituent un élément d'une société moderne.
C'est à l'issue de deux ou trois années de recherche sur cette question que j'ai décidé de porter l'affaire devant les tribunaux et de demander que les données recueillies lors du recensement de 1911 soient rendues publiques après 92 ans. Si je l'ai fait, c'est parce que les recherches ont démontré que la loi penchait vers la divulgation historique de ces données. Si je n'en avais pas été convaincu, je n'aurais pas porté l'affaire devant les tribunaux. Comme je l'ai dit, il y a au total 103 affaires dont 100 font partie d'un recours collectif. Il y a trois affaires spéciales.
Les recherches que nous avons menées au cours des quatre ou cinq dernières années montrent que c'était l'intention de la loi puisque les documents devaient être remis à l'archiviste national.
M. Werner Schmidt: La question qui fait suite à ma première question est celle-ci : Si une personne refusait en 2006 que ses données personnelles soient rendues publiques, serait-il possible d'adopter une loi disons en 2090 qui légaliserait la divulgation de ces données?
L'hon. John Reid: Il est précisé dans le projet de loi, monsieur le président, que le Parlement se penchera de nouveau sur la question lorsque deux recensements auront été menés...
M. Werner Schmidt: Ce n'est pas la question que je vous ai posée.
L'hon. John Reid: Je comprends votre question. À mon avis, si le Parlement décide d'apporter ce changement à la loi, on ne devrait pas pouvoir rendre publiques les données concernant des personnes qui ont refusé qu'elles soient rendues publiques. Je ne pense pas que le Parlement souhaiterait revenir sur la promesse qu'il faite dans ce projet de loi. Ces données seraient donc perdues à des fins historiques de façon permanente.
Le président: Monsieur Fellegi, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Ivan Fellegi: Je suis tout à fait d'accord avec le commissaire à l'information. En théorie et en pratique, le Parlement peut modifier toute loi qu'il a adoptée. C'est ce que je comprends. Il serait cependant très inhabituel qu'éventuellement, le Parlement revienne sur un projet de loi visant un but particulier pour le modifier de façon rétroactive. Le Parlement pourrait le faire, mais ce serait très inhabituel.
Mme Jennifer Stoddart: Je vous rappelle aussi que notre Constitution prévoit une charte dans laquelle les renseignements personnels sont protégés aux termes des articles 7 et 8. Si le Parlement adoptait une loi portant atteinte à la protection de la vie privée, cette loi pourrait être contestée aux termes de la charte.
Le président: Monsieur Schmidt, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Werner Schmidt: Je n'ai pas le document en main, mais je voudrais revenir... Je crois que Mme Stoddart a fait allusion à ce point, mais je n'ai pas le document devant moi en ce moment. J'aimerais revenir à la promesse de confidentialité des données qui a été donnée. Je crois que cela revient à ce que M. Reid disait, mais je ne peux pas vous citer le passage exact du document sur lequel j'aimerais m'appuyer. Il faudrait aussi que je puisse poser ma question convenablement.
Je ne poserai donc pas cette question puisque je ne peux m'appuyer sur aucune preuve. Je voudrais cependant que le comité revienne sur cette question.
» (1705)
Le président: Très bien.
Brian, et ensuite, James.
M. Brian Masse: Je vous remercie, monsieur le président.
Madame Stoddart, dans le domaine de la protection de la vie privée, les gens devraient pouvoir faire des choix. Je comprends le point de vue de M. Reid, mais il faut que les gens puissent exercer des choix.
Auriez-vous des objections—et vous n'avez pas à répondre tout de suite à cette question, mais brûle-pourpoint... Si je m'opposais lors du prochain recensement à ce que mes données personnelles soient rendues publiques et que je change d'avis au recensement suivant, est-ce que cela serait considéré comme une atteinte à protection de la vie privée?
Mme Jennifer Stoddart: Est-ce que vous demandez si vous pourriez modifier votre choix?
M. Brian Masse: Oui, à supposer que par prudence je refuse mon consentement à la divulgation de mes données personnelles. Il pourrait s'agir d'une personne nouvellement arrivée au Canada qui aurait des inquiétudes quant à la raison pour laquelle le gouvernement souhaite recueillir ces renseignements. Une fois que cette personne saura à quoi s'en tenir au sujet des lois et des mécanismes en vigueur au Canada, elle pourrait décider de changer d'avis. Vous opposeriez-vous à ce que nous proposions un amendement pour permettre aux gens qui auraient d'abord refusé leur consentement de le donner par la suite?
Mme Jennifer Stoddart: Non. D'après ce que nous a dit M. Fellegi, on propose de prévoir des mécanismes par lesquels les Canadiens pourront avoir accès à l'information qui les concerne et modifier la façon dont ils aimeraient qu'on la traite parce que la protection de la vie privée, ça revient à exercer un contrôle sur ses données personnelles. Les renseignements que nous communiquons à une personne ne sont pas des renseignements que nous voulons communiquer à n'importe qui. Ce que nous divulguons aujourd'hui n'est peut-être pas ce que nous voudrons divulguer la semaine prochaine. Je pense que le principe même de la protection de la vie privée suppose qu'on donne aux Canadiens la possibilité de changer d'avis.
M. Brian Masse: Oui, mais cela pourrait poser des problèmes. Je voudrais donc bien m'assurer qu'il n'y aura vraiment aucun problème si une personne commençait par refuser de permettre qu'on rende ses données personnelles publiques et qu'elle change d'avis par la suite.
Mme Jennifer Stoddart: Il n'y aurait pas de problème.
M. Brian Masse: Cela permettrait peut-être de répondre à la préoccupation de M. Reid...
Mme Jennifer Stoddart: Oui, ce serait peut-être ce qui se produirait.
Une voix : On espérerait que ce soit le cas.
Mme Jennifer Stoddart : Oui.
M. Brian Masse: Oui. Je pense donc que c'est un amendement que nous pourrions présenter.
Le président: Très bien. Je vous remercie, Brian.
James, vous avez la parole.
M. James Rajotte: Je pense que M. Fellegi voulait ajouter quelque chose.
Le président: Monsieur Fellegi?
M. Ivan Fellegi: Je voulais simplement ajouter que cette proposition cadre tout à fait avec le projet de loi. Il ne serait pas nécessaire d'y apporter un amendement. Nous avons déjà prévu des procédures qui permettraient au gens de changer d'avis au cours des 92 années suivant leur décision initiale. Si les gens voulaient changer d'avis dans un sens ou dans l'autre, ils n'auraient qu'à remplir le formulaire voulu qu'ils pourraient se procurer sur notre site Web.
Le président: Très bien.
Je vous remercie d'avoir obtenu cette précision, Brian.
James, allez-y. Ce sera ensuite au tour de Jerry, puis de Werner.
M. James Rajotte: Merci, monsieur le président.
Monsieur Fellegi, pouvez-vous répondre à cette question par rapport aux enfants? Si un parent accepte de divulguer les renseignements du recensement et qu'ensuite, l'enfant décide, à 18 ans, qu'il ne veut pas les divulguer, qu'est-ce qui se passe? Est-ce qu'on donne les renseignements aux archives? Est-ce qu'on les garde à part? Comment Statistique Canada va procéder dans un tel cas?
M. Ivan Fellegi: Rien n'est rendu public pendant 92 ans. Pendant ce temps, les gens peuvent changer d'avis plusieurs fois. À l'âge de 18 ans, un enfant peut donner une réponse différente de celle des parents. Il n'y a absolument pas de problème, et nous mettrons en place des procédures très simples pour tenir compte de ces situations.
M. James Rajotte: Voilà exactement ce que je veux savoir—comment allez-vous faire cela? Est-ce qu'on garde quand même les renseignements, sans les donner aux archives? C'est bien cela?
M. Ivan Fellegi: Oui, tout à fait. Les renseignements ne seront pas détruits parce qu'ils font partie des dossiers statistiques, même s'il n'y a pas le nom de la personne. Autrement dit, les renseignements personnels ne seront pas divulgués, mais les renseignements statistiques qui font partie des données agrégées, d'une moyenne ou d'une distribution seront rendus publics et ce, tout de suite après le recensement et n'importe quand après.
» (1710)
M. James Rajotte: Je voudrais que M. Fellegi explique la différence entre le questionnaire long et le questionnaire court. A-t-on commencé à divulguer des renseignements précis provenant du questionnaire long au tout début de son utilisation, ou est-ce qu'on divulguait uniquement les renseignements provenant du questionnaire court? Je pense que M. Reid a fait allusion à cela.
M. Ivan Fellegi: Le questionnaire long distinct a été utilisé pour la première fois lors du recensement de 1971. Selon le projet de loi, les renseignements ainsi obtenus ne seraient divulgués que 92 ans après le recensement, soit en 2063. Donc il reste encore pas mal de temps avant que les données d'un questionnaire long ne soient divulguées. Avant 1971, il n'y avait qu'un questionnaire de recensement, qui a été distribué à tous les Canadiens.
M. James Rajotte: Je veux savoir si le projet de loi a une incidence sur cela ou si le Parlement devra adopter avant 2063 un projet de loi concernant le questionnaire long.
M. Ivan Fellegi: Non, selon le projet de loi, les renseignements provenant de recensements antérieurs—qu'ils proviennent du questionnaire long ou court—seraient divulgués 92 ans après le recensement.
M. James Rajotte: Cela m'amène à ma prochaine question.
Je pense que vous avez dit que les Canadiens ne font pas de distinction entre le formulaire court et le formulaire long. Sauf votre respect, je dirais que ce n'est pas vrai. Certains de mes commettants et d'autres Canadiens disent qu'ils ne veulent pas remplir le questionnaire long, et ils se plaignent d'être obligés de le faire. Je pense que Statistique Canada devrait réexaminer la différence entre le questionnaire long et le questionnaire court.
Je voulais également parler du problème qui surviendra après 2006 dont M. Reid a parlé. Dans son texte, il semblait dire que la participation à un recensement est volontaire, alors que selon la loi, ce n'est pas le cas. La loi oblige les citoyens à participer au recensement.
Je demande à M. Fellegi de répondre à la première question et à M. Reid, à la deuxième.
M. Ivan Fellegi: Lorsque j'ai mentionné que nous savons d'expérience que les Canadiens ne font pas la distinction entre le formulaire abrégé et le formulaire détaillé, je ne voulais pas dire qu'ils préféraient le formulaire abrégé à celui qui est détaillé. Bien sûr, l'obligation de le remplir est un problème pour tout le monde. Les gens préfèrent le formulaire abrégé et n'aiment pas avoir à remplir le formulaire détaillé. Je voulais dire simplement que, pour ce qui est de remplir ou bien le formulaire abrégé ou le détaillé, ils ne semblent pas faire de distinction pour ce qui est du fait que les renseignements seront rendus publics. Ou bien ils sont d'accord pour que leurs renseignements personnels soient rendus publics, ou ils ne sont pas d'accord, qu'il s'agisse du formulaire abrégé ou du formulaire détaillé. Dans la vaste majorité des cas, ils ne font aucune distinction ici entre le formulaire abrégé et le formulaire détaillé.
M. James Rajotte: Monsieur Reid, voulez-vous répondre à la question de la participation volontaire?
L'hon. John Reid: J'ai posé la question de la participation volontaire au recensement parce que, même s'il y a des dispositions dans la loi qui peuvent vous obliger à fournir ces renseignements, si nous devions y recourir, tout le système du recensement s'effondrerait. C'est essentiellement un système auquel on participe volontairement, et les Canadiens ont participé en masse à ce recensement.
Nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où nous devrions recourir aux contraintes de la loi pour obliger les gens à fournir ces renseignements. Nous voulons un système à participation volontaire. Le travail qu'effectue Statistique Canada et les renseignements que nous tirons du recensement sont très importants.
M. James Rajotte: Je suis parfaitement d'accord.
Je vais peut-être conclure en faisant quelques observations. Et peut-être que, monsieur Fellegi, si vous voulez soumettre un texte au comité, je sais que mon thème s'éloigne quelque peu de ce projet de loi, mais je reçois beaucoup de plaintes d'électeurs et d'autres qui n'aiment pas remplir le formulaire détaillé, non pas parce que c'est une corvée, mais parce qu'ils s'opposent à certaines questions très personnelles qu'on leur pose. Tout le problème est là.
Peut-être, monsieur le président, que le comité pourrait obtenir une réponse sur cette question générale.
Je suis peut-être le seul Canadien qui s'inquiète de cela, mais chose certaine, je suis tout à fait d'accord à ce que l'on publie les dossiers du recensement après une période raisonnable. Je crois que 92 ans, c'est une période raisonnable. Quelqu'un a dit que les renseignements personnels deviennent moins personnels avec le temps—j'oublie quel témoin a dit cela—mais je ne suis pas d'accord. Si je suis le seul Canadien que cela inquiète, je me ferai une raison, et nous allons adopter le projet de loi. Mais je tiens seulement à ce que chacun médite longuement cette question, et nous devons nous assurer que ce projet de loi est bien pensé, parce que je crois que cette affirmation est fausse.
Tout au long de l'histoire, il y a eu des personnages qui ont brûlé tous leurs documents parce qu'ils voulaient que ces renseignements personnels demeurent secrets ou qu'ils ne tombent pas entre les mains d'autres personnes. J'en veux pour preuve l'expérience de ma propre famille. Il y a un généalogiste amateur dans la famille qui, lors de la dernière réunion de la famille, a mis toute la famille Rajotte sur un arbre. Il avait remonté jusqu'à Ivan Rageot, qui avait débarqué en Nouvelle-France au XVIIIe siècle, quelque part par là. Il y avait un tas de petites silhouettes qui montraient qui étaient les pères et les mères et il y avait beaucoup de pères inconnus, ce qui était fort gênant pour bon nombre de membres de la famille, dont la plupart sont catholiques.
Je vous invite tout simplement à y réfléchir. De toute évidence, nous étions d'accord pour que notre comité étudie ce projet de loi, et nous avons voté en ce sens, mais il faut songer à cela. Je ne sais pas si certains d'entre vous avez des réserves. Vous ne semblez pas en avoir, je vais donc vous prendre au mot, mais c'est une chose à laquelle nous devrions peut-être réfléchir, du moins en comité, pour quelque temps.
» (1715)
Le président: Merci, James.
Votre avis à ce sujet, madame Stoddart?
Mme Jennifer Stoddart: Eh bien, c'est probablement moi qui a dit que les renseignements personnels devenaient moins personnels avec le temps. Je songeais au système que le Parlement du Canada a créé avec l'actuelle Loi sur la protection des renseignements personnels qui autorise la publication des renseignements historiques après 92 ans. C'est la norme admise au Canada; c'est la norme que vous, les législateurs, avez adoptée en 1982.
Je ne crois pas que le Commissariat à la protection de la vie privée ait noté un grave problème de ce côté, de manière générale, même si comme vous dites nombreux sont ceux qui sont inquiets. Je crois qu'un grand nombre d'entre nous s'inquiète de l'utilisation qu'on fera des documents historiques qui nous concernent après que nous ne serons plus là. Certains d'entre nous prendront peut-être des mesures extraordinaires pour influencer la facture de ces documents historiques d'une certaine manière. Cela ne contredit en rien votre inquiétude personnelles, pour ce qui est de la norme nationale, le législateur a décidé qu'elle serait de 92 ans.
Le président: Ah, monsieur Fellegi.
M. Ivan Fellegi: Permettez-moi d'ajouter dans le projet de loi une disposition qui vous permet en quelque sorte de brûler vos renseignements personnels. Vous pouvez dire que vous ne voulez pas que vos renseignements soient rendus publics dans les 92 ans qui suivront le recensement. Vous pouvez faire cela, non seulement parce que vous avez un vague souvenir d'une réponse que vous auriez faite, mais vous pouvez demander à Statistique Canada, dans le cadre des formalités que nous avons mises au point, de faire détruire la réponse que vous avez donnée dans un recensement en particulier. Vous pouvez ainsi décidé si vous maintenez votre consentement ou non, et nous vous offrons ainsi cette possibilité qui équivaut à brûler les renseignements personnels que vous avez inscrits au recensement.
Le président: Merci.
Monsieur Reid.
L'hon. John Reid: En ce qui concerne le généalogiste de votre famille, je crois que le problème consiste à s'assurer qu'il n'y ait pas de trous dans l'histoire familiale. Le problème qui se pose, c'est que les documents historiques ne sont pas toujours fiables. On découvre souvent des choses étranges qu'on ne s'attendait pas à trouver dans son arbre généalogique. Chose certaine, nous avons découvert nous aussi des choses curieuses dans notre arbre généalogique.
M. James Rajotte: Je pense que nous savions qu'il y en avait, mais nous ne voulions pas l'admettre.
L'hon. John Reid: Au sujet des renseignements, pour le Commissariat à l'information, toutes les informations ont une valeur temporelle. Lorsque les informations sont brûlantes et qu'on s'en sert, leur valeur est très importante. Avec le temps qui passe, ces informations perdent de leur valeur.
L'exemple classique sont les dossiers du cabinet du gouvernement du Canada qui sont exclus de la Loi sur l'accès à l'information, mais au bout de 20 ans, ils sont tous rendus publics, donc la valeur temporelle des documents et des délibérations du cabinet est une période de 20 ans. D'autres renseignements ont une vie plus longue du fait de leur caractère délicat, mais toutes les informations ont une valeur temporelle. La période de 92 ans est très raisonnable. Elle se situe entre la norme américaine de 74 ans pour les documents historiques et la norme britannique de 100 ans.
Je crois que vous devez considérer toutes les informations comme ayant une valeur temporelle. Vous devez aussi tenir compte du fait que leur valeur varie avec le temps, et tout dépend de qui les veut et dans quel but. Un document du cabinet d'aujourd'hui, si je pouvais l'obtenir, vaudrait beaucoup plus pour moi aujourd'hui que si je l'obtenais dans 20 ans. Dans 20 ans, cela ne m'intéressera peut-être plus.
» (1720)
M. James Rajotte: Tout cabinet du document a une grande valeur d'intérêt public. Ce que le premier ministre Trudeau a dit ou fait dans son temps libre ne me regarde absolument pas, que ce soit dans 20 ans ou 30 ans. Je m'intéresse davantage à la manière dont notre pays est gouverné et à la manière dont les décisions du cabinet ont été prises. Je fait une différence entre cela et la vie privée de quelqu'un.
Le président: Très bien, James.
Jerry et Werner vont se partager le très peu de temps qui nous reste. Je vais vous suivre de très près.
L'hon. Jerry Pickard: Quelqu'un a fait une remarque à propos des questions qui se trouvaient dans le recensement de 1911 et avant. Je crois qu'on se servait entre autres du terme « imbécile » pour décrire quelqu'un. Cela étant dit, nous savons tous que, pour tout généalogiste ou toute personne qui s'intéresse à une période en particulier, certains mots sont utilisés et sont applicables à ces époques.
Avec l'évolution de la langue et de la société, ces choses changent. Nous devons tous être conscients de cela. « Imbécile, idiot, arriéré mental, inéducable, éducable » sont tous des mots qui sont sortis du système d'enseignement de l'Ontario au cours des 50 dernières années. Il existe des définitions précises pour chacun de ces mots. Donc, les mots qu'on utilisait à l'époque et qui pourraient offusquer quelques personnes aujourd'hui étaient jugés acceptables à l'époque. Il est évident qu'on va dire aujourd'hui « déficient mental » pour décrire les mêmes personnes, mais nous avions dans le temps des définitions très précises, des règles très précises qui gouvernaient l'emploi de ces mots.
Nous devons discuter de cela dans un contexte très ouvert, et non avec une étroitesse d'esprit qui pourrait limiter l'accès à l'information et toute l'utilité de ce qu'on fait. J'espère que nos témoins seront tous d'accord avec ce genre de chose. Il se peut qu'il y ait des mots dans certaines de ces questions que nous n'emploierions plus aujourd'hui mais qui étaient certainement acceptables et utilisés dans des époques antérieures. Ces mots n'étaient pas offensants pour les nombreuses personnes qui s'occupaient du recensement à l'époque. Ces mots ont changé parce qu'au fil du temps, ils sont devenus offensants.
Vous pouvez considérer la question d'un point de vue culturel. Vous pouvez la considérer d'un point de vue racial. Vous pouvez la considérer d'un point de vue intellectuel. Presque toutes les facettes de la langue évoluent avec le temps. J'insiste sur cette question parce que je ne veux pas que cela fasse problème dans l'étude des documents historiques.
L'hon. John Reid: Je me demande ce que les gens vont penser dans 50 ans des termes que nous utilisons aujourd'hui.
L'hon. Jerry Pickard: Exactement.
Le président: Merci, Jerry.
Werner, je vous laisse le dernier mot, qui fera date.
M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.
Je parlais plus tôt de protection de la vie privée et de confidentialité. Les mots que Jerry a mentionnés il y a un moment en sont un exemple, mais le problème n'est pas là. Le problème tient à une disposition, et ce n'est peut-être pas la disposition authentique, mais il semble que oui. Elle nous vient du ministère de l'Industrie, je crois, et on cite le paragraphe 15(1) de la Loi de la statistique de 1918, qui dit ceci :
Nul rapport individuel, non plus qu'aucune partie d'un rapport individuel, fait, et nulle réponse à des questions posées, pour les fins de la présente loi, sauf de la manière ci-après énoncée, ne doivent être publiés sans le consentement préalable par écrit, de la personne ou de celui qui est alors propriétaire de l'entreprise à l'égard de laquelle le rapport a été fait ou la réponse a été donnée et, sauf pour les fins de poursuite en vertu de la présente loi, une personne non employée à un travail connexe au recensement ne doit pas être autorisée à prendre connaissance de ce rapport individuel ou de cette partie de rapport individuel. |
Il y a aussi dans la loi de 1911 des mentions semblables, et l'on mentionne le même genre de choses dans l'actuelle Loi sur la statistique.
Je veux demander à nos témoins si ce genre de dispositions dans la loi donne à croire à ceux qui remplissent le formulaire que leurs renseignements sont bel et bien confidentiels.
Je suis tout à fait d'accord avec M. Reid lorsqu'il dit que les informations ont une valeur temporelle. C'est toujours vrai. Nous savons tous que c'est le cas. Nous savons aussi que la langue évolue avec le temps. Mais lorsqu'il s'agit de protéger la vie privée et l'identité de quelqu'un et des choses qui concernent une personne en particulier, le fait de rendre publiques ces informations... J'ai bien entendu M. Fellegi dire que si une personne veut changer des informations ou ne pas permettre qu'on rende publics certains renseignements la concernant, cette personne a le droit d'ordonner au bureau de la statistique de ne pas publier ces informations. Mais cela est impossible pour la personne qui est décédée. De toutes les personnes qui ont rempli un formulaire en 1911, il se peut qu'il y en ait encore quelques-unes qui soient en vie, mais ce n'est pas le cas de la majorité d'entre elles, et elles ne peuvent pas autoriser ou interdire la publication de leurs renseignements personnels.
Ce sont là les quelques commentaires que j'avais, monsieur le président.
» (1725)
Le président: Werner, est-ce là un simple commentaire, ou souhaitez-vous que nos témoins réagissent?
M. Werner Schmidt: Oui, je le souhaiterais, en effet. D'après ce qui se dégage, je crois comprendre que rien, mais vraiment rien, ne laisse croire à la personne qui remplit le formulaire que l'information qu'elle y consigne sera gardée confidentielle à perpétuité. Or, c'est justement là la source de désaccord.
Le président: Quelqu'un veut-il commenter?
Monsieur Reid, vous levez la main.
L'hon. John Reid: Il est malheureux que vous n'ayez pas reçu un exemplaire du rapport du groupe d'experts sur l'accès aux données de recensement.
M. Werner Schmidt: Je n'ai rien reçu, en effet.
L'hon. John Reid: Je vous laisserai mon exemplaire, et vous verrez que le groupe d'experts discute en détail de la question que vous venez de soulever.
La conclusion que tire les experts, c'est que le libellé même de la loi était ambigu de même que la façon dont les renseignements consignés devaient être traités par la suite. Et c'est justement à cause de cette ambiguïté que l'on pouvait s'attendre à ce qu'il y ait contestation devant les tribunaux. Or, votre projet de loi élimine cette ambiguïté.
Fait intéressant à noter, à cette époque-là, le recensement était effectué par des gens connus du répondant, c'était justement l'une des raisons pour lesquelles le recenseur s'engageait sous serment à ne rien révéler de ce qu'il entendait. Autrement dit, ce n'était pas tant le recensement qui posait problème, mais le fait que c'était votre voisin qui vous posait les questions.
Je vous laisse donc cet exemplaire que vous pourrez consulter, mais sachez que le problème a été discuté à fond au fil des ans.
Le président: Il est possible que la sonnerie nous convoque sous peu à un vote.
Monsieur Fellegi, aviez-vous quelque chose à répondre à M. Schmidt?
M. Ivan Fellegi: Je voudrais ajouter brièvement deux choses.
Je conviens avec le commissaire à l'information que les avis juridiques actuels s'accordent pour dire qu'il a bel et bien ambiguïté quant à la confidentialité des données de recensement historique.
Mais en deuxième lieu, j'aimerais faire remarquer de façon vigoureuse que le comité a passé presque tout son temps à discuter de l'aspect historique des recensements, alors que, pour ma part, je tenais à souligner la valeur des recensements pour les statistiques d'actualité. C'est d'ailleurs pour remplir en premier lieu cet objectif que l'on finance la tenue des recensements. Or, ce qui me préoccupe grandement, c'est qu'à moins que, lors des futurs recensements, les répondants consentent de façon éclairée à ce que les renseignements les concernant personnellement puissent être éventuellement rendus publics, on pourrait mettre en péril la valeur du recensement à la fois comme dossier statistique et comme dossier historique.
Cela m'inquiète beaucoup. Bien sûr, si, lors de l'examen de cette loi dans deux recensements, on constatait que j'ai eu tort de m'inquiéter, vous pourriez amender la loi. Mais d'ici là, je vous exhorte à ne pas mettre en péril ce trésor canadien que constitue cette suite ininterrompue d'excellents recensements.
Le président: Monsieur Fellegi, je vous demanderais de rester à l'écoute pendant que je demande à mes collègues s'ils souhaitent poursuivre cette discussion demain matin dans le cadre de l'étude article par article du projet de loi ou à une date ultérieure.
À titre d'agent principal du Parlement relevant d'Industrie Canada et chargé des statistiques, souhaitez-vous prendre part par téléphone à l'étude détaillé du projet de loi, ou serez-vous remplacé par M. Barnabé?
» (1730)
M. Ivan Fellegi: Je crois que M. Barnabé devra me remplacer demain, puisque je devrais encore présider la réunion de l'OCDE.
Le président: Dans ce cas, je voudrais vous remercier avant que la communication soit coupée.
Soit dit en passant, quelle heure est-il là-bas?
M. Ivan Fellegi: Il est 11 h 30.
Le président: Ce n'est pas si mal. Ah bon, c'est la nuit. Vos collègues sont en train de déguster la bière locale, pendant que vous travaillez.
Merci beaucoup, monsieur. Vous pouvez continuer à nous écouter si vous voulez, mais je tenais à vous remercier avant qu'on ne perdre la ligne.
La sonnerie d'appel commence. Avant que les collègues ne partent, j'aimerais savoir si nous pouvons poursuivre cette bonne discussion dans le cadre de l'étude article par article demain matin. Nous avons réservé une salle de façon provisoire, au cas où.
James.
M. James Rajotte: Je ne peux pas venir à une séance demain matin. Je ne savais pas qu'il y avait une réunion. J'en ai été informé seulement aujourd'hui. Je préfère qu'on change d'heure, car j'aimerais être présent.
Deuxièmement, est-ce qu'on va entendre une association nationale d'historiens ou de généalogistes au sujet de ce projet de loi? C'est le seul autre groupe qu'il faudrait entendre.
Le président: Je m'en remets au comité.
J'aimerais savoir si Paul a quelque chose à dire à ce sujet.
Paul.
[Français]
M. Paul Crête: Je veux simplement savoir si quelqu'un pense présenter des amendements. J'ai reçu énormément de courriels de gens qui voulaient que le projet de loi soit adopté le plus tôt possible. Si des gens veulent présenter des amendements, qu'ils nous en fassent part et nous réagirons en conséquence. Si certains d'entre vous veulent entendre d'autres témoins, il faut le préciser. Il ne sert à rien de tenir une réunion demain matin et de procéder à l'étude article par article si aucun amendement n'est prévu ou si on ne veut pas entendre d'autres témoins.
[Traduction]
Le président: Denis, et ensuite on revient à la question soulevée par James.
[Français]
L'hon. Denis Coderre: Je suis d'accord avec Paul. Je ne sais pas qui pourrait vouloir présenter des amendements, mais je n'ai pas l'intention de le faire. Il ne faut pas tenir des réunions juste pour le plaisir de le faire. Nous avons quand même entendu de nombreuses opinons qui nous faisaient voir les deux côtés de la médaille. Nous avons eu une réunion vraiment équilibrée aujourd'hui. Il y avait beaucoup d'éléments. Je ne vois pas pourquoi nous tiendrions une réunion. D'ailleurs, ce ne serait peut-être pas possible, d'après les règles. S'il n'y a pas d'amendement, nous acceptons le projet et c'est tout. C'est un dossier extrêmement passionnant dont on peut parler pendant des heures et des heures. Plutôt que de définir le sexe des anges, je crois que l'on devrait le faire tout de suite.
M. Paul Crête: Que devrait-on faire tout de suite?
L'hon. Denis Coderre: Adopter le projet de loi, car nous l'appuyons.
[Traduction]
Le président: La réponse à la question de Paul, c'est oui. Werner et James ont bien précisé qu'il y a un amendement.
Nous n'avons pas beaucoup de temps. Voulez-vous...?
Vous avez expliqué l'amendement dans votre question. Il vise à limiter les renseignements qui seront fournis à ceux qui le demandent.
Quant au court préavis pour une séance demain, j'ai mentionné que si le projet de loi devait... Nous nous sommes entendus il y a longtemps que nous n'entendrions jamais des témoins le même jour où on adopte un projet de loi. Werner peut confirmer cela. Donc, si on recevait le projet de loi avant mercredi, je demanderais le consentement à ce moment-là de tenir une séance tout de suite après.
Que je sache, nous n'avons jamais eu un tel dilemme auparavant. Je pense qu'il y a consensus pour passer à l'étude article par article demain.
Vous vous y opposez, James?
M. James Rajotte: Comme je ne pourrai pas être présent...
Le président: Mais on pourrait quand même avoir une discussion.
M. James Rajotte: Nous n'allons entendre aucun généalogistes ni historiens?
Le président: Si oui, je pense qu'on ne pourra pas le faire avant lundi au plus tôt.
À mon avis, on peut soit faire l'étude article par article demain, soit essayer de faire venir les généalogistes lundi et passer à l'étude article par article tout de suite après.
On se trouve donc dans la même situation qu'avant, Werner, où on entend les témoins et ont fait l'étude article par article le même jour.
Et nous savons tous que le Parlement va ajourner bientôt.
» (1735)
L'hon. Jerry Pickard: Il s'agit tout simplement de savoir...
Le président: Un instant.
La greffière vient de me dire que les généalogistes ne veulent pas comparaître devant le comité.
Dan a des renseignements à ce sujet.
M. Dan Shaw (attaché de recherche auprès du comité): Je sais pour avoir parlé à certains généalogistes et à certaines associations et pour avoir visité leur site Web qu'ils sont satisfaits du projet de loi dans sa forme actuelle. Ces groupes disent même qu'ils veulent que le projet de lois soit adopté rapidement, avant que vous ne quittiez Ottawa.
Voilà ce que je sais.
L'hon. Jerry Pickard: Je suis d'accord. J'ai reçu des communications de beaucoup d'organisations et elles m'ont clairement dit qu'il est urgent de faire adopter le projet de loi.
La question que les comités doit se poser est de savoir si nous voulons faire avancer les choses ou si nous voulons tout remettre à l'automne.
Le président: Paul.
[Français]
M. Paul Crête: Je propose que l'on fasse rapport du projet de loi à la Chambre sans modifications.
[Traduction]
Le président: Non?
Dans ce cas, je propose qu'on fasse l'étude article par article demain. Si le groupe ne veut pas adopter le projet de loi demain, nous allons poursuivre lundi. Mais nous allons commencer l'étude article par article demain.
Je tiens à remercier sincèrement nos témoins.
Je vous remercie de nouveau de votre patience, monsieur Fellegi. Je sais qu'il est difficile de participer à une réunion par téléphone.
Je tiens à remercier tout le monde.
La séance est levée.