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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 22 novembre 2005




¿ 0900
V         Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.))
V         L'hon. Jerry Pickard (Chatham-Kent—Essex, Lib.)
V         Le président
V         M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, PCC)
V         Le président
V         M. John Duncan
V         L'hon. Jerry Pickard
V         M. John Duncan
V         Le président
V         L'hon. Jerry Pickard
V         Le président
V         L'hon. Jerry Pickard
V         Le président
V         M. Paul Methot (vice-président, Pizza Pizza ltée, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires)

¿ 0905
V         Le président
V         M. Pierre Alvarez (président, Association canadienne des producteurs pétroliers)

¿ 0910
V         Le président
V         Mme Nancy Hughes Anthony (présidente et directrice générale, Chambre de commerce du Canada)

¿ 0915
V         M. John Clifford (vice président, Groupe de travail sur le droit et la politique de la concurrence, Chambre de commerce du Canada)

¿ 0920
V         Le président
V         M. John Duncan
V         M. Paul Methot
V         M. James McIlroy (avocat, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires)

¿ 0925
V         Le président
V         M. John Duncan
V         Le président
V         M. Paul Crête (Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, BQ)
V         Le président
V         M. Pierre Alvarez

¿ 0930
V         M. Paul Crête
V         Le président
V         M. Pierre Alvarez
V         Le président
V         L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)
V         M. Paul Methot
V         L'hon. Marlene Jennings

¿ 0935
V         Le président
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le président
V         Mme Nancy Hughes Anthony
V         Le président
V         M. John Clifford
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le président
V         M. Pierre Alvarez
V         Le président
V         M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD)

¿ 0940
V         M. John Clifford
V         M. Brian Masse
V         M. John Clifford
V         M. Brian Masse
V         M. John Clifford
V         M. Brian Masse
V         M. James McIlroy
V         M. Brian Masse
V         Le président
V         M. James Rajotte (Edmonton—Leduc, PCC)
V         M. John Clifford

¿ 0945
V         M. James Rajotte
V         Mme Nancy Hughes Anthony
V         Le président
V         M. Nick Schultz (vice-président, Politique de réglementation et de transport et avocat général, Association canadienne des producteurs pétroliers)
V         Le président
V         L'hon. Jerry Pickard

¿ 0950
V         Le président
V         M. John Clifford
V         Le président
V         M. John Clifford
V         Le président
V         M. Pierre Alvarez
V         Le président
V         M. Marc Boulianne (Mégantic—L'Érable, BQ)
V         M. James McIlroy
V         M. Marc Boulianne
V         Le président

¿ 0955
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le président
V         M. John Clifford
V         Le président
V         M. John Clifford
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le président
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le président
V         M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC)
V         Mme Nancy Hughes Anthony

À 1000
V         Le président
V         Le président
V         M. Michael Janigan (directeur exécutif et avocat conseil, Centre pour la défense de l'intérêt public)

À 1005
V         Le président
V         M. Pierre Beauchamp (chef de la direction, Association canadienne de l'immeuble)

À 1010
V         Le président
V         M. John Dillon (vice-président, Affaires réglementaires et avocat-conseil, Conseil canadien des chefs d'entreprise)

À 1015
V         Le président
V         M. Werner Schmidt
V         M. Michael Janigan
V         M. Werner Schmidt

À 1020
V         M. Michael Janigan
V         M. Werner Schmidt
V         M. John Dillon
V         Le président
V         M. Werner Schmidt
V         Le président
V         M. Werner Schmidt
V         Le président
V         M. John Dillon

À 1025
V         Le président
V         M. Paul Crête
V         M. Pierre Beauchamp
V         M. Paul Crête
V         M. Pierre Beauchamp
V         M. Paul Crête
V         M. Pierre Beauchamp
V         M. Paul Crête
V         M. Pierre Beauchamp
V         M. Paul Crête
V         M. Pierre Beauchamp
V         M. Paul Crête
V         M. Pierre Beauchamp
V         M. Paul Crête
V         M. Pierre Beauchamp

À 1030
V         M. Paul Crête
V         Le président
V         M. John Dillon
V         Le président
V         M. Michael Janigan
V         Le président
V         M. Michael Janigan
V         Le président
V         L'hon. Jerry Pickard

À 1035
V         Le président
V         M. Michael Janigan
V         Le président
V         M. Pierre Beauchamp
V         Le président
V         Mme Catherine McKenna (avocate-conseil de la concurrence, Association canadienne de l'immeuble)

À 1040
V         Le président
V         M. Brian Masse
V         Le président
V         M. John Dillon
V         M. Brian Masse
V         M. John Dillon
V         Le président
V         M. Pierre Beauchamp

À 1045
V         M. Brian Masse
V         Le président
V         M. Michael Janigan
V         Le président
V         M. James Rajotte
V         M. Michael Janigan
V         M. James Rajotte

À 1050
V         Le président
V         M. Michael Janigan
V         M. James Rajotte
V         Le président
V         Mme Catherine McKenna
V         Le président
V         L'hon. Jerry Pickard
V         Le président
V         L'hon. Jerry Pickard

À 1055
V         Le président
V         L'hon. Jerry Pickard
V         Le président
V         M. Pierre Beauchamp
V         L'hon. Jerry Pickard
V         M. Pierre Beauchamp
V         L'hon. Jerry Pickard
V         M. Pierre Beauchamp
V         Le président
V         M. John Dillon
V         Le président
V         M. Paul Crête
V         Le président
V         M. Paul Crête
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 065 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 22 novembre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0900)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.)): Bonjour à tous.

    Je déclare ouverte la séance du mardi 22 novembre du Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, de la science et de la technologie.

    Vous me voyez très heureux d'accueillir des témoins qui viendront nous aider dans notre étude du projet de loi C-19. Toutefois, puisque nous avons le quorum, j'aimerais aborder la question de la nomination de Mme Suzanne Fortier comme présidente du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le CRSNG, nomination que nous avions abordée jeudi dernier. Puisque je n'ai reçu aucune objection à cette nomination, je demanderais au comité de mettre aux voix la motion de M. Jerry Pickard.

+-

    L'hon. Jerry Pickard (Chatham-Kent—Essex, Lib.): Je propose que le président fasse rapport à la Chambre que ce comité a étudié les qualités et les compétences de Suzanne Fortier comme présidente du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et la trouve compétente pour exécuter les fonctions du poste pour lequel elle a été proposée.

+-

    Le président: Vous invoquez le Règlement, John?

+-

    M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, PCC): Pourquoi proposer cette motion alors que nous ne nous sommes même pas penchés sur sa compétence?

+-

    Le président: Son CV vous ayant été distribué la semaine dernière, j'ai demandé aux membres du comité de l'étudier.

+-

    M. John Duncan: On ne peut pas vraiment dire qu'il a été étudié; la seule chose que nous puissions dire, c'est que nous n'avons aucune objection à cette nomination.

+-

    L'hon. Jerry Pickard: À vrai dire, je devrais vous expliquer comment tout cela s'est fait: la personne qui présidait le CRSNG de main de maître a démissionné. Il faut savoir qu'il s'agit d'un poste important, scientifique, et surtout apolitique. Le nom de Mme Fortier nous a été envoyé par le CRSNG, et sa candidature est bien acceptée de part et d'autre — des universités, de tous ceux qui ont réfléchi à la question et de tous ceux qui ont le moindrement à voir avec la recherche scientifique et la technologie. On semble s'entendre, dans tous ces milieux, pour dire qu'elle est idéale pour ce poste, et c'est pourquoi son nom a été envoyé au comité. C'est ainsi que cela s'est passé. La nomination n'est nullement politique, et son nom nous a été recommandé par le milieu scientifique.

    N'oublions pas que, comme il se peut fort bien que nous soyons bientôt en campagne électorale, il serait sage que le poste soit bientôt occupé par une personne compétente. Voilà pourquoi la motion nous a été envoyée à ce moment-ci.

+-

    M. John Duncan: Je propose que l'on modifie légèrement la motion...

+-

    Le président: Vous voudriez que l'on dise « a pris en considération » plutôt que « étudier »? Cela ne changerait pas grand-chose...

+-

    L'hon. Jerry Pickard: Très bien. Cela me convient tout à fait.

+-

    Le président: Dans ce cas, nous dirons « a pris en considération ». Acceptez-vous que cela soit corrigé...

+-

    L'hon. Jerry Pickard: J'accepte cet amendement amical.

    (La motion modifiée est adoptée.)

+-

    Le président: J'en ferai rapport à la Chambre.

    Merci, Jerry.

    Maintenant, je remercie tous nos témoins d'avoir accepté de comparaître ce matin. Vous formez un groupe impressionnant.

    Les audiences qui ont été prévues seront sans doute suspendues la semaine prochaine avec le déclenchement des élections. Mais sachez que votre témoignage sera dûment enregistré et que le prochain gouvernement pourrait s'en servir pour déposer des modifications éventuelles à la Loi sur la concurrence. Tout ce que vous aurez dit aura été consigné.

    Je vous inviterais maintenant à prendre la parole dans l'ordre dans lequel vous avez été inscrit sur la feuille de convocation.

    Monsieur Methot, allez-vous parler au nom de l'Association des restaurateurs? La greffière vous a sans doute demandé de limiter vos remarques à six ou sept minutes. Nous ne pouvons consacrer qu'une heure au premier groupe de témoins, qui sera suivi d'un deuxième groupe de témoins, et notre comité doit quitter la salle pour 11 heures.

    Monsieur Methot, vous avez la parole.

+-

    M. Paul Methot (vice-président, Pizza Pizza ltée, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires): Merci.

    Bonjour, monsieur le président. Je m'appelle Paul Methot et je suis vice-président de Pizza Pizza Ltd.

    Pizza Pizza est une entreprise canadienne très présente en Ontario, au Québec et dans toutes les régions du Canada. Depuis nos tout débuts en 1967 à Toronto, Pizza Pizza a toujours fait preuve d'innovation. Vous savez peut-être qu'en vue de réduire le délai de livraison et les coûts de livraison, nous avons mis au point un système téléphonique centralisé et informatisé à un seul chiffre qui permet de recevoir la commande et de livrer les pizzas. Aujourd'hui, les restaurants franchisés de notre bannière emploient plus de 4 500 hommes et femmes dans plus de 500 établissements du Canada.

    Pizza Pizza est membre de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires. Je suis accompagné ce matin de James McIlroy, conseiller juridique de notre association.

    D'entrée de jeu, je voudrais signaler que je ne viens pas ici pour discuter du fond du projet de loi C-19. Je voudrais plutôt m'attarder à une question de procédure qui est de la plus haute importance pour notre industrie. Si nous comparaissons aujourd'hui, c'est pour nous assurer que le projet de loi n'aura aucun effet rétroactif sur les procédures judiciaires déjà entamées en vertu de la présente Loi sur la concurrence.

    Monsieur le président, nous vous avions déjà envoyé le mois dernier une lettre, à vous et à vos coprésidents, demandant la permission de comparaître au comité. Dans notre lettre, nous avions fait valoir que l'article 2 du projet de loi aurait pour effet d'abroger des dispositions sur la différenciation des prix telle que prévue à l'article 50 de la Loi sur la concurrence. Dans son libellé actuel, le projet de loi ne propose aucune disposition transitoire pouvant s'appliquer éventuellement aux procédures judiciaires en regard de l'article 50 déjà entamées mais non encore conclues. À notre avis, cette absence pourrait créer de l'incertitude et donner lieu à des litiges coûteux et longs.

    Le 8 avril 2005, conformément à l'article 9 de la Loi sur la concurrence, cinq autres membres de l'Association des restaurateurs et moi-même avons demandé au commissaire à la concurrence d'entamer une enquête sur la discrimination par les prix conformément aux dispositions des pratiques commerciales illégales de l'article 50 de la loi. La commissaire à la concurrence mène actuellement une enquête en privé en vertu de l'article 10 de la Loi sur la concurrence.

    Si le projet de loi C-19 est adopté dans son libellé actuel, il aura pour effet de changer les règles au beau milieu d'une enquête, ce qui pourrait être préjudiciable à la démarche que nous avons entamée et qui n'est pas terminée. Cela pourrait avoir comme conséquence de priver nos membres de droits qui leur sont actuellement conférés en vertu de la Loi sur la concurrence, notamment demander une poursuite par le procureur général en vertu de l'article 23 et espérer des dommages et intérêts en vertu de l'article 36.

    Monsieur le président, c'est comme dans une partie de hockey. Nous avons commencé le match avec une série de règles, et nous voulons être sûrs de terminer les trois périodes sans que les règles changent au beau milieu de la joute. En vue de garantir qu'il n'y aura pas incertitude et que l'intention du Parlement sera claire, nous demandons au comité d'ajouter au projet de loi C-19 des dispositions transitoires précises qui porteraient qu'aucun de nos droits actuels en matière d'enquête, de poursuite et de dommages-intérêts ne seront lésés par une loi qui entrera en vigueur après le début de procédures judiciaires pour cause de discrimination par les prix.

    Nous croyons savoir que l'un des membres du comité, M. John Duncan, a déposé un amendement rédigé par les conseillers législatifs de la Chambre des communes. Pour nous assurer que le projet de loi C-19 n'aura pas de conséquences imprévues ni ne s'appliquera rétroactivement à notre procédure à nous, nous demandons au comité de l'industrie d'adopter l'amendement de M. Duncan au cours de l'étude article par article du projet de loi.

    Monsieur le président et mesdames et messieurs du comité, merci de nous avoir écoutés. M. McIlroy et moi-même répondrons avec plaisir à vos questions.

¿  +-(0905)  

+-

    Le président: Merci d'avoir été si concis.

    Nous passons maintenant à M. Alvarez, de l'Association canadienne des producteurs pétroliers.

+-

    M. Pierre Alvarez (président, Association canadienne des producteurs pétroliers): Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs, de me donner l'occasion de m'adresser aujourd'hui au comité. C'est, de fait, la quatrième fois que notre association comparaît cette année, et nous aimons toujours recevoir vos invitations à comparaître.

    Je suis accompagné ce matin de Nick Schultz, conseiller juridique de l'association, qui a de nombreuses années d'expérience sur cette question et les questions de concurrence.

    Je n'aborderai aujourd'hui que deux sujets: d'abord, l'amendement du gouvernement relatif aux études de marché, et en second lieu, un amendement qui enlèverait le mot « indûment » de l'article 45.

    Monsieur le président, notre économie repose sur la concurrence et la concurrence repose sur la liberté. Ce sont les entrepreneurs qui, dans le libre exercice de leur propre créativité et de leur propre recherche des occasions d'affaires, sont les moteurs de l'économie canadienne. Voilà les idées qui forment le fondement de nos propos d'aujourd'hui.

    Les sociétés que l'ACPP représente comptent parmi les entreprises les plus novatrices et créatrices dans le monde. Les 148 producteurs membres de l'ACPP représentent la production de plus de 98 p. 100 du pétrole brut et du gaz naturel au Canada. Nous employons directement et indirectement plus de 500 000 Canadiens et nous verserons cette année au gouvernement des taxes et des redevances directes de plus de vingt milliards de dollars. Nous représentons plus de 25 p. 100 de la valeur des échanges à la bourse de Toronto et tout autant des investissements en capitaux privés au Canada. Notons toutefois que notre association ne représente ni les raffineurs, ni les distributeurs de gaz, ni les distributeurs de mazout, qui sont représentés par d'autres associations.

    Monsieur le président, l'industrie pétrolière et gazière d'amont du Canada est en activité dans les marchés nord-américains et mondiaux où la concurrence est très vive. Le Bureau de la concurrence connaît très bien l'industrie pétrolière et gazière d'amont parce que le bureau a eu l'occasion d'examiner les nombreuses fusions et acquisitions qui se produisent dans ce secteur qui se recrée de façon continuelle.

    Il va de soi que la protection de la concurrence est cruciale pour l'économie du Canada. C'est tout aussi crucial que les mesures en place pour protéger la concurrence respectent les libertés fondamentales, qu'elles soient nécessaires et n'entraînent pas de conséquences indésirables.

    À notre avis, l'amendement relatif aux études de marché échoue sur tous les plans. Il conférerait au commissaire à la concurrence le pouvoir d'effectuer des enquêtes officielles en vertu de l'article 11 aux fins « d'une étude ». Or, une enquête en vertu de l'article 11 a un but et seulement un seul: faire respecter la loi.

    L'enquête ne peut déboucher que sur trois résultats : la fin des travaux d'enquête, des accusations au criminel ou une demande du commissaire adressée au Tribunal de la concurrence. C'est en tout cas précisé clairement dans un récent bulletin d'information du bureau au sujet de l'article 11. Or, il ne s'agit pas là d'une « étude », à notre avis.

    Présentement, le commissaire peut procéder à une enquête en vertu de l'article 11 chaque fois qu'il « a des raisons de croire » qu'on a contrevenu à la loi. Avec l'amendement, le commissaire pourrait procéder à une telle enquête sans avoir quelque raison que ce soit. Cela est inacceptable. Nous ne donnons pas une arme à un policier en lui disant que s'il utilise l'arme de la main droite, il doit avoir de bonnes raisons de le faire, mais que s'il l'utilise de la main gauche, il peut le faire sans avoir quelque raison que ce soit.

    Le commissaire vous a même dit le 18 novembre 2004 que cet amendement ne fonctionnerait pas. Ce qui est proposé est par conséquent inadéquat et inutile.

    Le bureau étudie déjà les secteurs d'intérêt, au même titre que d'autres ministères et agences gouvernementales. On n'étudie pas quelque chose en procédant à une enquête officielle. Tout le monde sait que cela sous-entend qu'il y a quelque chose de travers; tout secteur d'activité ainsi visé pourrait donc en subir une grave atteinte à sa réputation. Si ce pouvoir ne doit servir que lorsqu'on a de bonnes raisons de procéder à une enquête, alors la loi confère déjà des pouvoirs étendus en matière de demandes de renseignements et d'enquêtes.

    L'ACPP a participé aux vastes consultations effectuées par le bureau. Deux questions nous ont préoccupés tout particulièrement: la proposition relative aux études de marché et l'amendement à l'article 45. Le gouvernement a retiré ces deux questions de la table aux fins d'examen.

¿  +-(0910)  

[Français]

    Nous n'avons pas été présents lors du débat sur le projet de loi C-19 parce que les deux sujets particulièrement préoccupants n'ont pas été abordés. Cela ne signifie pas que les enjeux de ce projet de loi ne nous préoccupent pas. Nous nous sommes simplement aperçus que ces questions seraient très bien abordées par d'autres.

    En ce moment, il est très inquiétant de voir le gouvernement soumettre cette proposition relative aux études de marché à la dernière minute. Il s'agit d'une proposition qui n'est pas nécessaire, qui est fondamentalement inacceptable et qui ne fonctionne pas.

    Quant à l'article 45, plusieurs ententes, alliances et associations positives se sont formées en raison du langage utilisé. C'est une des raisons pour lesquelles les modifications sont si complexes. Veuillez s'il vous plaît accorder le temps qu'il faut pour procéder à un examen et à une consultation à l'égard de tout changement.

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci encore, monsieur le président, de nous avoir donné l'occasion de témoigner. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merveilleux, nos témoins résument très bien leurs points de vue. Merci, monsieur Alvarez.

    Madame Hughes Anthony, s'il vous plaît, au nom de la Chambre de commerce.

+-

    Mme Nancy Hughes Anthony (présidente et directrice générale, Chambre de commerce du Canada): Merci. Bonjour à vous, monsieur le président, ainsi qu'aux membres du comité.

    Je m'appelle Nancy Hughes Anthony et je suis présidente et directrice générale de la Chambre de commerce. J'ai à mes côtés John Clifford, partenaire du cabinet McMillan Binch Mendelsohn et spécialiste du droit de la concurrence; il est également vice-président du groupe de travail de la Chambre de commerce qui s'intéresse au droit et aux politiques en matière de concurrence.

    Je suis ravie d'avoir l'occasion de parler au comité de l'industrie aujourd'hui et d'exprimer nos préoccupations quant à plusieurs modifications envisagées.

¿  +-(0915)  

[Français]

    La Chambre de commerce du Canada et mes collègues des autres associations nationales de gens d'affaires ont été étonnés d'apprendre que le gouvernement fédéral déposait des changements majeurs au projet de loi à l'étape de l'étude en comité, sans consulter au préalable les intervenants. Nous apprécions donc la diligence raisonnable dont les membres du comité font preuve aujourd'hui en prenant le temps d'écouter nos commentaires.

    La modification proposée par le gouvernement, qui consiste à conférer au Bureau de la concurrence le pouvoir d'effectuer des études de marché, n'est ni nécessaire ni souhaitable. Elle expose les entreprises à des frais et dépenses importants qui, à notre avis, sont injustifiés. La proposition portant sur les études de marché a été longuement débattue par les intervenants dans le cadre des consultations du Forum des politiques publiques convoquées par le Bureau de la concurrence en 2003.

    Or, les résultats de ces consultations ont clairement démontré que les intervenants n'étaient pas favorables à l'idée d'accorder ce pouvoir au Bureau de la concurrence.

[Traduction]

    D'ailleurs, le 18 novembre 2004, la commissaire de la concurrence a déclaré que l'octroi au bureau du pouvoir de mener ses propres études était susceptible de constituer un problème, au vu de la Charte des droits et libertés, si les témoignages individuels obtenus dans un contexte général amenaient le bureau à entamer une enquête de nature pénale.

    Étant donné que le gouvernement avait d'abord décidé de ne pas inclure ces dispositions dans le projet de loi déposé initialement à la Chambre des communes, l'introduction des modifications à cette heure tardive semble une réaction hâtive aux augmentations récentes du prix de l'essence. C'est une initiative qui semble obéir à des impératifs politiques, dans l'espoir d'atténuer les pressions subies par le gouvernement, en permettant au Bureau de la concurrence de mener une enquête sur un groupe ou un secteur industriel particulier.

    La Chambre de commerce du Canada est hautement préoccupée par l'octroi de ces pouvoirs supplémentaires au Bureau de la concurrence. En effet, ces pouvoirs pourraient mettre un secteur industriel en plein dans la ligne de mire sans que le commissaire doive d'abord identifier un quelconque problème de concurrence au titre de la loi. Cela se traduirait par des augmentations de coût significatives pour les entreprises, des procédures de ce type étant généralement longues et très coûteuses.

    Sur ce, monsieur le président, je vais demander à M. John Clifford de faire quelques petites remarques supplémentaires.

+-

    M. John Clifford (vice président, Groupe de travail sur le droit et la politique de la concurrence, Chambre de commerce du Canada): Merci, Nancy.

    Je vais concentrer mes remarques sur deux sujets: les études de marché et les amendes pour complot.

    En sus des points soulignés par Mme Anthony au sujet des études de marché, nous aimerions attirer l'attention du comité sur les éléments suivants. Premièrement, rien n'indique que le commissaire de la concurrence ait besoin du pouvoir d'entreprendre une étude de marché pour que lui et son bureau puissent effectuer leur travail de façon efficace. La loi contient en effet tous les outils voulus pour que le commissaire fasse des enquêtes en cas de contraventions, pouvoir d'ailleurs exercé de façon routinière.

    Nous sommes hautement préoccupés par une modification qui ne nécessiterait aucune raison de croire à une pratique anticoncurrentielle avant que le commissaire ne déclenche une enquête. C'est un pouvoir qui risque d'être intrusif et auquel ne s'applique ni limite ni seuil.

    Troisièmement, il est véritablement douteux que le pouvoir d'effectuer des études de marché soit en conformité avec la Charte des droits et libertés. Comme l'a dit Mme Anthony, même la commissaire de la concurrence a exprimé ses préoccupations à ce sujet. Quatrièmement, à notre avis, les études de marché envisagées dans le projet de loi C-19 ne correspondent pas aux exigences du gouvernement lui-même dans le cadre de sa propre initiative pour la réglementation intelligente.

    Je remarque aussi que, dans le rapport de la commissaire sur les autres pays où existe un pouvoir d'effectuer des études de marché, il y a peu d'indications sur la fréquence avec laquelle ce pouvoir est utilisé, sur les protections juridiques assurées aux cibles de l'enquête, ni sur l'effet de ces études; ce sont-elles traduites par de véritables changements positifs?

    Ce sont là des éléments à prendre en considération avant de décider s'il convient d'adopter la modification ou pas.

    En ce qui concerne les amendes pour complot, la fixation des prix et les autres types de complots figurent parmi les comportements anticoncurrentiels que chacun s'accorde à reconnaître comme particulièrement néfastes. Nous doutons que quiconque comparaisse devant le comité avance l'opinion qu'il n'est pas de bonne politique d'établir des amendes importantes pour ce type de comportement. Toutefois, sans être opposée à la mesure, la Chambre de commerce du Canada a trois observations. Premièrement, ni le gouvernement ni la commissaire n'a démontré que l'amende actuelle de dix millions de dollars ne suffit pas comme mesure de dissuasion. Deuxièmement, nous craignons que le gouvernement ne réagisse trop rapidement, peut-être en réaction irréfléchie à l'augmentation des prix de l'essence. La commissaire a récemment constitué un groupe d'experts qui suggéreront des modifications à l'article 45. À notre avis, ce groupe devrait se pencher sur le montant approprié pour les amendes en cas de complot, lors de la même occasion.

    Parmi les critiques avancées devant le comité à l'encontre de sanctions administratives pécunières, figure la suivante : que le niveau des SAP envisagées est le même que le niveau maximum des amendes actuelles pour complot. La Chambre de commerce du Canada est préoccupée par l'augmentation de l'amende en cas de complot, qui distinguerait les amendes pour complot du niveau de SAP envisagé, y voyant une tentative de la part du gouvernement pour justifier l'introduction de SAP.

    Outre les propositions du gouvernement, d'autres amendements importants au projet de loi C-19 ont été proposés au comité. Les cinq minutes dont nous disposons pour nos remarques ne nous permettent pas de creuser nos inquiétudes devant ces amendements. Toutefois, il est inquiétant que des changements aussi fondamentaux que les modifications envisagées pour l'article 45 de la Loi sur la concurrence soient apportés sans une discussion réfléchie préalable, surtout dans les circonstances actuelles, ou le Bureau de la concurrence a tenu des consultations sur des modifications similaires, sans parvenir à établir un consensus parmi les parties intéressées.

    Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer aujourd'hui et serons heureux de répondre à vos questions.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Je voudrais rappeler aux témoins qu'ils peuvent introduire une remarque qu'ils auraient oubliée dans le cadre de leurs réponses aux questions des membres du comité.

    Chers collègues, nous allons commencer par John, puis enchaîner avec Paul, Marlene et Brian. Nous tâcherons de donner la parole à tout le monde. Si vous n'avez pas l'occasion d'intervenir, vous aurez la priorité lors du prochain tour avec le groupe suivant.

    John, à vous.

+-

    M. John Duncan: Merci beaucoup.

    Toutes les présentations étaient remarquablement claires et concises.

    Ma première question s'adresse à Paul Methot; elle a trait à ses préoccupations sur la modification des règles en cours de route. Un rapport préparé pour le comité traite de vos préoccupations et indique que rien dans le nouveau projet de loi C-19 ne vous empêcherait d'adopter l'approche juridique de votre choix. Pourriez-vous nous expliquer en quelques mots pourquoi vous estimez que tel n'est pas le cas?

+-

    M. Paul Methot: Je laisserai M. McIlroy répondre à votre question, monsieur Duncan.

+-

    M. James McIlroy (avocat, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires): Merci bien, monsieur Duncan.

    Comme l'a dit Methot, nous sommes dans une situation exceptionnelle. Pour reprendre l'analogie avec une partie de hockey en trois périodes, voici la situation. Le Bureau de la concurrence effectue en ce moment une enquête. La seconde période serait l'envoi de preuves par le Bureau de la concurrence au procureur général et le lancement de poursuites par le procureur général. Dans la troisième période, en cas de condamnation par le procureur général, nous devrions avoir le droit d'aller en justice, sans devoir repasser encore une fois par la deuxième période pour avoir une condamnation; nous pourrions aller en justice, nous appuyer sur la condamnation du procureur général et faire une demande de dédommagement.

    Pour répondre à votre question, monsieur Duncan, le rapport ou mémorandum de la Bibliothèque du Parlement daté du 26 octobre, que nous avons pu examiner, nous a laissés, au bout du compte, plus de questions que de réponses. Ainsi, à la dernière page, que je vais lire très brièvement, monsieur le président, si vous le permettez, il est indiqué:   « Les droits acquis s'accumuleront généralement une fois qu'un procès est intenté. Il n'était pas indiqué dans la lettre du 21 octobre si l'ACRSA avait intenté une action contre la partie accusée d'avoir enfreint la disposition sur la discrimination par les prix. » L'essentiel, à présent, monsieur le président: « Rien ne l'empêche d'intenter un tel procès avant que le projet de loi C-19 n'entre en vigueur. »

    Autrement dit, d'après le mémorandum, il vaudrait mieux que nous entamions la troisième période maintenant si nous voulons protéger nos droits. Or, selon nous, d'après les règles actuelles, nous ne sommes pas contraints de procéder ainsi. Nous devrions avoir le droit de laisser la commissaire finir son enquête – finir la première période –, permettre au procureur général de mener à bien sa partie, puis, alors seulement, intenter un procès si nécessaire. Or, le mémorandum recommande plutôt d'intenter un procès dès maintenant pour se protéger.

    Nous risquons de nous retrouver dans une situation où nous consacrons beaucoup de temps et d'argent à intenter un procès maintenant, procès que nous abandonnerions si le procureur général ne parvenait pas à une condamnation.

    Bref, monsieur le président, il existait, quand nous nous sommes aventurés sur la glace, un certain nombre de règles. Tout ce que nous voulons, c'est que le Parlement indique clairement son désir de ne pas voir le projet de loi C-19 changer les règles au milieu de la partie. La modification proposée reprend essentiellement l'article 43 de la Loi d'interprétation, dont parlait le mémorandum en question, mais clarifie un peu les choses. Le mémorandum nous a mis la puce à l'oreille et c'est pourquoi, monsieur le président, nous aimerions voir la modification adoptée.

    Merci beaucoup.

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: Le comité se fait toujours un plaisir d'être utile.

    Ça vous va, John?

+-

    M. John Duncan: C'est parfait. Je voulais que ce soit noté dans le procès-verbal.

    J'en resterai là.

+-

    Le président: Bien. Merci, John.

    Sur ce, afin de laisser tout le monde intervenir, nous allons entendre Paul, puis Marlene.

[Français]

+-

    M. Paul Crête (Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup, BQ): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Alvarez, je suis un peu étonné de vous entendre dire qu'on n'avait pas vu venir ces choses. Le projet de loi C-19 a été déposé le 2 novembre 2004, et on en avait suspendu l'étude en demandant au commissaire de la concurrence d'aller vérifier si effectivement des pouvoirs semblables de faire des études existaient ailleurs et de nous faire un rapport à cet effet. Entre-temps, il y a eu l'augmentation des prix de l'essence, au mois de septembre, qui est venue faire déborder le vase. Il ne pouvait y avoir une meilleure démonstration de la nécessité de ce pouvoir de faire des études que cette hausse des prix de l'essence. Le gouvernement a décidé de donner suite à une recommandation que l'on avait faite il y a longtemps. D'ailleurs, ce pouvoir de faire des études était prévu dans le mandat de l'Office de surveillance du secteur pétrolier que, comme association, vous aviez appuyé.

    Des communiqués ont été émis par votre association il y a déjà plus d'un an disant que c'était une bonne idée. Or, à la suite d'une recommandation quasi unanime du comité, le gouvernement a scindé le mandat de l'Office de surveillance du secteur pétrolier et a confié la partie étude à la commissaire de la concurrence.

    Je suis très étonné que vous ne trouviez pas normal, lorsqu'un secteur de l'économie prend en otage le reste de l'économie, qu'on veuille trouver des manières de s'assurer que cela ne se reproduise pas dans l'avenir. La question n'est pas d'aller voir s'il y a eu collusion. Il est plutôt question de voir quelles mesures le gouvernement doit prendre pour faire face à de telles situations dans un marché complexe.

    Votre industrie ne gagnerait-elle pas à voir qu'un tel pouvoir d'enquête soit confié à la commissaire de la concurrence, comme le demandait M. von Finckeinstein, le commissaire précédent? Je croyais que vous aviez reconnu, dans le mandat de l'Office de surveillance du secteur pétrolier, que ce pouvoir de faire des études existe afin qu'on évite une répétition de ce qu'on voit depuis nombre d'années: des hausses très importantes suivies de petites réductions.

[Traduction]

+-

    Le président: M. Alvarez.

+-

    M. Pierre Alvarez: Merci bien, monsieur Crête.

    J'ai une ou deux remarques. La première est que l'ACPP représente le secteur en amont et s'est opposée aux deux mesures en question. Nous y étions opposés en 2004. Je pense que le document auquel M. Crête fait allusion est le fait d'un autre organisme, l'Institut canadien des produits pétroliers. Nous ne représentons pas les raffineurs; conséquemment, je n'aborderai pas la question, même si nous sommes souvent pris à parti dans le débat.

    Quant à votre commentaire sur l'importance d'avoir plus de clarté, nous sommes parfaitement d'accord. Mais nous ne voyons pas comment les mesures envisagées amélioreraient la clarté, bien au contraire, puisqu'elles obligent à se contenter de moins de clarté. S'il existe des raisons de croire que des activités répréhensibles ont cours dans un marché, la commission a l'autorité voulue. Il faut toutefois que le secteur privé puisse estimer qu'il existe des motifs raisonnables pour une enquête.

    Comprenons-nous la frustration des gens devant l'augmentation des prix dans le domaine de l'énergie? Indubitablement. Mais cela n'entraîne pas nécessairement une nécessité de changer la loi, simplement pour donner au Bureau de la concurrence la possibilité d'utiliser de très larges pouvoirs au titre de la loi afin d'effectuer une étude. Si le bureau souhaite mener une enquête et qu'il a des raisons pour cela, rien ne l'en empêche dans la situation actuelle.

    J'estime donc, monsieur le président, que nous avons fait preuve d'une parfaite constance. Pour certains des autres commentaires, je me ferai un plaisir de parler à M. Crête en privé et de clarifier quels documents proviennent de nous. Mais l'établissement des prix en aval ne relève pas de nous.

¿  +-(0930)  

[Français]

+-

    M. Paul Crête: Je reconnais que la situation dont je parlais était plutôt l'autre. Je m'en excuse. Il n'en reste pas moins qu'il y a eu un constat évident dans la société canadienne qu'il y avait un déséquilibre profond entre le bien commun et le bien d'une industrie en particulier.

    Selon moi, cet amendement vise à permettre que le bien commun ait un droit égal d'évaluation de la situation, parce que dans tous les autres secteurs industriels, on paie amèrement la dernière augmentation des prix. Il serait irresponsable de la part d'un gouvernement de ne pas essayer de trouver des solutions d'avenir à ce problème. Il n'y a pas de problème insoluble sur terre, il s'agit de consacrer l'énergie nécessaire pour trouver une solution.

    Je ne peux pas être contre l'amendement proposé par le gouvernement, puisque nous avons fait pression pendant des années pour qu'il soit inclus dans la loi. J'en suis profondément satisfait et je suis étonné que vous y voyiez là une menace, alors que c'est une façon de s'assurer que dans six mois, un an, deux ans, il n'y aura pas une nouvelle crise de l'opinion publique qui nous pousserait à adopter des mesures encore plus sévères. Je vous invite à soupeser ces arguments.

+-

    Le président: Merci, Paul.

[Traduction]

+-

    M. Pierre Alvarez: Je suis d'accord avec M. Crête quant à la nécessité de maintenir la concurrence dans un marché. C'est essentiel.

    Toutefois, depuis le début, en 2004, nous avons clairement exprimé notre position. Or le bureau n'a toujours pas présenté une affaire qui expliquerait cette modification et son application selon des modalités que nous acceptons, à l'instar de M. Crête. À mon sens, ce n'est pas une question de principe. C'est simplement que, depuis novembre de l'an dernier, le bureau n'a fourni aucune donnée nous amenant à penser qu'il a résolu le problème. À vrai dire, l'introduction de la modification en crée de nouveaux.

+-

    Le président: Merci, monsieur Alvarez.

    Marlene, s'il vous plaît, puis Brian.

+-

    L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Et merci à vous de vos présentations. J'ai juste une question ou deux.

    Je voudrais revenir à votre présentation, monsieur Methot, et aux préoccupations que vous avez exprimées sur l'absence de mesures de transition dans le cadre du projet de loi et sur l'éventuel droit à intenter des poursuites civiles à la suite de l'enquête entreprise par le Bureau de la concurrence, sur une question de discrimination, par les prix, je crois...

+-

    M. Paul Methot: C'est bien cela.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: L'éventuelle perte de ce droit vous préoccupe, notamment au vu du dernier paragraphe du document d'analyse dont a parlé M. McIlroy, à la page 4: « Les droits acquis s'accumuleront généralement une fois qu'un procès est intenté. »

    Selon moi, l'article 43 de la Loi d'interprétation dit ceci: si, durant cette période, vous acquérez le droit d'intenter des poursuites au civil, le commissaire a le droit d'effectuer une enquête, enquête susceptible d'amener des poursuites pénales de la part du procureur général. Rien de tout cela n'est changé. Vous n'avez donc pas à intenter des poursuites civiles à présent pour maintenir votre droit.

    Je comprends toutefois que vous soyez préoccupés s'il plane un doute. Vous estimez que, si le droit existe au titre de l'article 43 de la Loi d'interprétation, rien n'empêche le gouvernement de présenter un amendement au projet de loi pour répéter l'affirmation de ce droit, afin que personne n'ait à se reporter à l'article 43 de la Loi d'interprétation. Je comprends bien votre position.

    Et je voulais que ce soit noté dans le procès-verbal.

    Mes autres questions portent sur cette idée d'études de marché.

    Madame Hughes Anthony, nous sommes de vieilles connaissances, puisque nous nous sommes rencontrées au comité de l'industrie entre 1997 et 2001. Vous savez donc que le comité s'est penché sur le Bureau de la concurrence, ses pouvoirs et ses manques de pouvoirs, à plusieurs reprises. Je me souviens qu'en 2001, quand nous examinions le projet de loi d'initiative parlementaire de Dan McTeague, projet de loi que le comité a tenté de rejeter entièrement mais que nous avons pu, Dan et moi, ranimer au stade du rapport et mener à une troisième lecture à la Chambre, l'une des questions soulevées par Dan McTeague était que le Bureau de la concurrence avait l'autorité voulue pour effectuer les études de marché. L'idée n'a donc rien de nouveau. Elle est dans l'air depuis un certain temps, pour certains députés au moins, si bien que le gouvernement et le Bureau de la concurrence ont dû la prendre en considération jusqu'à un certain point, même si c'était à leur corps défendant.

    Ma question s'adresse à M. Alvarez et à Mme Hughes Anthony. Il existe dans d'autres pays des institutions équivalentes au Bureau de la concurrence qui ont le pouvoir d'effectuer des études de marché. À votre connaissance, y a-t-il eu abus de ce pouvoir? Et le pouvoir qui existe dans ces pays est-il similaire à celui que le gouvernement envisage d'octroyer au Bureau de la concurrence par le biais des modifications en question?

¿  +-(0935)  

+-

    Le président: Merci, Marlene. Je veux m'assurer qu'ils aient le temps de répondre.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Excusez-moi.

    Merci, vous avez raison, je pourrais m'attarder.

+-

    Le président: Et la question est intéressante.

    Pourrions-nous commencer par Mme Hughes Anthony, avant d'entendre M. Alvarez? Veuillez répondre de votre mieux à cette question et être brefs, s'il vous plaît.

+-

    Mme Nancy Hughes Anthony: Certainement.

    Je me souviens effectivement du projet de loi d'initiative parlementaire dont parle Mme Jennings et j'estime que nos préoccupations restent les mêmes depuis cette époque.

    La Loi sur la concurrence est une loi cadre essentielle, non seulement pour les entreprises au Canada mais pour les entreprises internationales qui souhaitent venir investir au Canada ou qui se penchent sur la possibilité d'investir. Il est essentiel que nous soyons concurrentiels sur la plan international également. Or, nous nous préoccupons vraiment du caractère sans limite de la proposition et de la possibilité qu'elle se traduise par une situation où les gens vont à la pêche.

    Pourrais-je demander à M. Clifford de répondre, afin de fournir des renseignements sur certains des précédents internationaux qui diffèrent un peu de...

+-

    Le président: Oui, bien sûr.

+-

    M. John Clifford: Madame Jennings, voici comment je vois les choses: d'abord l'existence d'une étude de marché, et deuxièmement, la manière dont elle est effectuée ou la façon dont le pouvoir est proposé.

    Selon l'amendement proposé, il y aurait une étude de marché, mais rien n'indique un lien quelconque entre cette étude et la question de la concurrence.

    Par ailleurs, le commissaire a le pouvoir d'invoquer l'article 11 de la Loi sur la concurrence pour recueillir des preuves. Ce sont des pouvoirs très étendus. Pour les petites et moyennes entreprises qui sont assujetties aux ordonnances rendues aux termes de l'article 11, il en coûte très cher, en temps et en argent, pour s'y conformer.

    Si l'on examine ce qui se fait dans d'autres pays, je connais un peu la situation dans d'autres pays, mais je me suis concentré sur le propre rapport de la commissaire. Elle y traite de quatre territoires: l'Australie, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Union européenne.

    Si vous lisez son rapport, vous constaterez qu'il y a en Australie le pouvoir de faire une étude de marché, mais c'est un système volontaire et il n'y a aucun pouvoir de forcer les gens à témoigner. Au Royaume-Uni, il est possible d'astreindre les gens à témoigner, mais ce pouvoir n'est pas utilisé. Aux États-Unis, le pouvoir existe, mais là aussi, on s'en sert rarement à cause des préoccupations quant aux coûts, et aussi parce que les études de marché en elles-mêmes sont rarement effectuées parce qu'elles accaparent trop de ressources. Dans l'Union européenne, le pouvoir de forcer à témoigner existe et l'on s'en sert, mais les enquêtes doivent être liées à des préoccupations légitimes quant à la concurrence.

    Nous n'avons pas ce lien au Canada. Nous avons un pouvoir qui peut être utilisé et imposé aux entreprises. Voilà l'essentiel de nos préoccupations.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Bon, merci.

+-

    Le président: Monsieur Alvarez, très brièvement.

+-

    M. Pierre Alvarez: Je serai très bref, monsieur le président.

    Madame Jennings, je vous remercie beaucoup.

    Vous avez tout à fait raison de dire que le débat se poursuit depuis longtemps. Nous sommes d'avis que nous n'avons pas obtenu les réponses à nos questions.

    Je vais vous en donner un exemple dans le secteur de l'énergie. Nous avons l'Office national de l'énergie. Chaque gouvernement provincial a sa propre agence de réglementation qui établit le prix de l'électricité et du gaz naturel. Dans certaines provinces, cela s'applique aussi aux combustibles et au mazout.

    Nous n'avons pas encore obtenu de réponse qui nous expliquerait en quoi consiste exactement une étude de marché, en comparaison de tout ce qui existe déjà. Nous ne comprenons pas comment cela va fonctionner et, quand on a affaire à des pouvoirs aussi étendus que ceux-là, il faut comprendre quelles en sont les répercussions avant d'adopter la disposition.

+-

    Le président: Merci.

    Brian, James et Lynn.

    Brian Masse.

+-

    M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

    Je remercie nos invités d'être venus témoigner.

    Pour revenir sur les pays que vous avez mentionnés, il est important de rappeler que ce pouvoir n'a pas été utilisé très souvent. Quelle preuve avez-vous donc qu'on n'assisterait pas à des expéditions de pêche ici au Canada?

    Dans les autres pays qui ont appliqué ce système, ce pouvoir a parfois été utilisé très parcimonieusement, tandis qu'ailleurs il ne l'a même jamais été. Ne craint-on pas qu'il y ait des expéditions de pêche? À quelle fréquence ferait-on des études de marché dans le contexte de notre Bureau de la concurrence?

¿  +-(0940)  

+-

    M. John Clifford: Je ne pense pas que nous ayons la moindre preuve que cela aura lieu quand ce pouvoir sera invoqué, mais nous avons de vives inquiétudes et croyons que cette possibilité existe. Le fait que cet amendement ait été proposé comme partie intégrante d'un train de mesures énergétiques pose la question de savoir pour quel motif politique on réclame ce pouvoir.

    On peut envisager un secteur comme celui du gaz, où cinq études ont été faites par le commissaire depuis 1990 sur l'établissement des prix. Le secteur a donc été étudié, mais dans le contexte d'une préoccupation politique légitime, on constate que ce pouvoir est introduit.

    Cela soulève la question de savoir comment il sera vraiment utilisé et si le gouvernement ne s'en servira pas pour réclamer qu'on fasse une étude pour détourner l'attention de préoccupations politiques. Ce serait une utilisation malheureuse de ce pouvoir.

+-

    M. Brian Masse: Dans quels autres secteurs pensez-vous qu'il pourrait y avoir ce type d'expéditions de pêche?

    Nous avons parlé de pétrole et de gaz. Je pense que l'une des raisons pour lesquelles nous entendons des discours contradictoires à ce sujet provient du fait qu'il n'y a pas eu une étude exhaustive de l'industrie, ce qui serait nécessaire, mais c'est une toute autre histoire. Selon vous, quels autres secteurs industriels pourraient faire l'objet de ces expéditions de pêche?

+-

    M. John Clifford: Je pense qu'elles pourraient se faire dans n'importe quel secteur. Mais si on regarde un peu en arrière, on constate que dans les années 1990, les compagnies aériennes faisaient l'objet d'un important débat public. L'industrie des télécommunications suscite de nombreuses discussions aujourd'hui. Et le secteur des banques, de la finance, de la vente au détail, n'importe lequel de ces secteurs pourrait faire l'objet d'une de ces expéditions de pêche.

    Ce sont ces secteurs là qui au cours des cinq à dix dernières années ont eu beaucoup d'attention de la part des médias. On a débattu de ce qui se passait dans ces secteurs, et de la façon dont ces secteurs devraient se restructurer. Je pense que c'est dans ces cas-là qu'on pourrait avoir recours aux études afin de calmer le jeu lorsque des préoccupations politiques font leur apparition.

+-

    M. Brian Masse: J'aimerais vous poser des questions concernant la Chambre de commerce du Canada. Dans votre mémoire, à propos des dispositions sur le complot à l'article 45, on peut lire que vous ne vous opposez pas à une augmentation des amendes, mais vous avez des réserves. C'est bien votre position en général?

    C'est un peu embrouillé, et j'aimerais quelques éclaircissements pour m'assurer que je comprends bien le mémoire. Cela se trouve à la quatrième page de votre mémoire.

+-

    M. John Clifford: Nous ne nous opposons pas au fait que l'amende passe de 10 millions à 25 millions de dollars, mais nous estimons que l'argument justifiant cet amendement est discutable, tout comme les raisons avancées par le gouvernement pour augmenter l'amende.

+-

    M. Brian Masse: Très bien. Merci beaucoup.

    Brève question à M. McIlroy, à propos de votre affaire. Peut-être l'avez-vous déjà mentionné, et je ne l'ai pas entendu. Quand est-ce que cette affaire a commencé? J'aimerais simplement savoir depuis combien de temps cela dure.

+-

    M. James McIlroy: La déclaration solennelle signée par six personnes a été déposée le 8 avril 2005. Si je ne me trompe, la commissaire à la concurrence a commencé l'enquête pendant l'été.

+-

    M. Brian Masse: Merci beaucoup.

    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à nos témoins.

+-

    Le président: Très bien, merci beaucoup.

    Y a-t-il d'autres observations pour conclure? Merci, Brian.

    James, la parole est à vous.

+-

    M. James Rajotte (Edmonton—Leduc, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci d'être parmi nous aujourd'hui. J'aimerais tout d'abord discuter des SAP, puis de l'exposé présenté par la Chambre de commerce. Plus particulièrement, pour ce qui a trait à l'augmentation des SAP, vous recommandez que le niveau maximal pouvant être imposé par le tribunal soit de 3 millions de dollars.

    Une des questions que nous avons régulièrement posée ici — et nous n'avons pas vraiment obtenu de réponse satisfaisante, et j'aimerais savoir si on vous a transmis des informations à ce sujet — donc nous avons régulièrement demandé au bureau de nous donner des informations, de nous dire pourquoi il était nécessaire d'augmenter les SAP. À mon avis, quand on décide de modifier une loi, il faut prouver qu'il existe un problème et que de ce fait on décide d'adopter une mesure législative pour régler ce problème. Mon collègue, M. Chong, a demandé des explications à chaque réunion, et on ne nous en a pas donné.

    Ma question est très simple. Le gouvernement vous a-t-il donné des éléments d'explication qui justifieraient une augmentation des SAP?

+-

    M. John Clifford: Monsieur Rajotte, nous n'avons pas trouvé le moindre élément d'information qui justifie la hausse des SAP. Il faut savoir tout d'abord que les SAP ne permettent pas de surseoir aux sanctions prévues pour l'abus de position dominante; la loi en vigueur n'entrave pas le commissaire dans l'exercice de ses fonctions. Bien au contraire, jusqu'à maintenant le commissaire a généralement réussi à intenter des poursuites pour abus de position dominante contre les entreprises de différents secteurs, et il a eu gain de cause dans bien des cas.

    Permettez-moi de clarifier la position de la Chambre de commerce relativement aux SAP. Nous estimons que les intimés qui comparaissent pour la première fois devant le commissaire ne devraient pas être passibles de SAP. Si, par la suite, le tribunal émet une deuxième ordonnance contre le même intimé, la SAP maximale devrait être de trois millions de dollars.

¿  +-(0945)  

+-

    M. James Rajotte: Merci de ces précisions.

    J'aimerais à présent aborder toute la question des études de marché. Il y a eu des consultations en 2003, à l'issue desquelles on a rejeté l'idée des études de marché. Témoignant devant notre comité au sujet du projet de loi C-19, la commissaire de la concurrence a d'abord dit que ces études n'étaient pas nécessaires et elle s'est prononcée contre cette mesure à l'époque. Si la question est revenue sur le tapis, c'est évidemment à cause de tout le dossier de l'industrie pétrolière et gazière.

    Est-ce là l'idée... ? Premièrement, le Bureau de la concurrence a tous les pouvoirs nécessaires pour faire enquête et, dans le cas de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, on a manifestement pu mener une enquête en vertu de l'article 11. Ne s'agit-il pas d'une des possibilités... ? La chambre devra peut-être y réfléchir. Tout le monde pense à l'industrie du pétrole et du gaz, mais on pourrait procéder de cette façon dans n'importe quel secteur. En effectuant des études de marché, on peut demander aux dirigeants de l'industrie automobile pourquoi les voitures de marque Toyota et Honda se vendent au même prix. Nous pourrions faire une enquête approfondie et les obliger à fournir toutes sortes de données. Nous pourrions aussi demander à l'industrie pharmaceutique pourquoi les sociétés Glaxo et AstraZeneca vendent des pilules au même prix? Il doit forcément y avoir collusion, et c'est pourquoi nous devons enquêter.

    Nous pourrions le faire dans n'importe quelle industrie ou secteur, ce qui provoquerait un refroidissement de l'activité industrielle au Canada. Et pourquoi? Quel serait le but de telles mesures? N'est-ce pas là un véritable danger? À l'heure actuelle tout le monde est obnubilé par ce qui s'est passé dans l'industrie du pétrole et du gaz, mais il faut savoir que ces études pourraient viser n'importe quel secteur et nuire aux investissements dans ce secteur.

+-

    Mme Nancy Hughes Anthony: J'abonde dans votre sens, monsieur Rajotte. Voilà essentiellement ce qui nous préoccupe pour les petites et grandes entreprises. La simple menace de recourir à ce pouvoir pourrait nuire grandement à certaines industries.

    Il convient par ailleurs de rappeler que le commissaire a déjà le pouvoir d'entreprendre des recherches et des enquêtes sur toute allégation de comportement anticoncurrentiel. On peut donc s'interroger sur la nécessité d'inclure cette disposition dans la loi alors que ses répercussions sont si aléatoires.

+-

    Le président: Monsieur Schultz, allez-y.

+-

    M. Nick Schultz (vice-président, Politique de réglementation et de transport et avocat général, Association canadienne des producteurs pétroliers): Je crois qu'on peut poser la question en termes très simples. Aucun des pays mentionnés dans la comparaison que la commissaire vous a remise n'a accordé des pouvoirs aussi vastes que ceux prévus dans le projet de loi pour faire respecter la loi en faisant enquête sur une industrie, d'une part, s'il y a des motifs valables de le faire ou, d'autre part, s'il n'y en a pas.

+-

    Le président: Merci.

    Nous terminerons avec Jerry Pickard, suivi de Marc Bouliane, et nous permettrons peut-être à Werner Schmidt d'avoir 30 secondes.

    Jerry, allez-y.

+-

    L'hon. Jerry Pickard: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je remercie tous nos invités d'avoir comparu ce matin.

    J'aimerais moi aussi aborder deux sujets, à savoir l'effet préjudiciable que pourrait avoir la loi sur le milieu des affaires, et les expéditions de pêche sur lesquelles on a beaucoup entendu.

    Certains des témoins d'aujourd'hui ont laissé entendre que le texte actuel pourrait donner lieu à des expéditions de pêche dans les divers secteurs d'affaires, mais ce n'est certes pas le cas: en effet, le mandat du bureau du commissaire prévoit que l'intention de mener une étude doit être d'abord publiée dans la Gazette du Canada, ce qui en limite d'office le pouvoir d'enquête et en circonscrit les activités. Lorsque des problèmes surgissent, si le Bureau de la concurrence estime qu'il peut être bénéfique pour le Canada et pour le milieu des affaires du Canada qu'il mène une étude, il doit donc en établir le mandat et publier ceux-ci dès le début. Par conséquent, je ne crois pas que cette disposition donne au bureau toute la latitude voulue pour agir sur les marchés.

    Ensuite, vous avez laissé entendre que ces études prenaient du temps, coûtaient cher et nuisaient aux affaires. Toutefois, à la lumière des informations que j'ai au sujet des autorités antitrust des autres pays que l'on a mentionnés, celles-ci n'agissent pas uniquement comme spectatrices mais enquêtent couramment dans des cas semblables et s'intéressent aux perspectives commerciales. L'Union européenne, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie ont tous des pouvoirs d'enquête comme ceux que nous proposons ici, et ceux-ci ne semblent avoir aucun effet préjudiciable sur les occasions d'affaires ni ne semblent les paralyser, comme on a encore une fois voulu le laisser entendre. Il est possible de lancer des études de marché dans tous ces autres pays avec lesquels nous faisons beaucoup d'affaires. Par conséquent, pourquoi cela ne devrait-il pas être aussi le cas au Canada, qui est un pays où la concurrence est semblable? Qu'est-ce qui fait du Canada un pays si différent des autres pays dont on a parlé?

¿  +-(0950)  

+-

    Le président: M. Clifford.

+-

    M. John Clifford: J'aimerais offrir à la question de M. Pickard une réponse à deux volets, dont l'un concerne la portée du pouvoir en soi.

    Les amendements proposés au projet de loi C-19 permettraient au commissaire de mener une étude sur la situation de la concurrence dans tout secteur ou sous-secteur de l'économie canadienne, point final. Il n'y a aucune limite qui circonscrirait les motifs pour lesquels on pourrait lancer l'étude et la façon dont elle serait menée.

    Je veux bien reconnaître que l'intention de mener une étude doit être publiée dans la Gazette du Canada, mais il revient au commissaire à en établir le cadre et les limites. Donc, je ne vois pas en quoi une étude de ce genre serait circonscrite de la façon dont vous le laissez entendre.

    En second lieu, j'ai déjà répondu plus tôt au sujet des autres pays qui, comme l'expliquait la commissaire, ont des pouvoirs d'enquête et qui sont l'Australie, le Royaume-Uni, les États-Unis et l'Union européenne. Dans le cas de ces autres pays, regardez de près quels sont ces pouvoirs, ce à quoi ils donnent lieu et comment ils sont exercés.

    Dans certains cas, ces pouvoirs sont assortis de production de preuves volontaire. Autrement dit, même s'il est possible de mener des enquêtes, ces enquêtes ne sont assorties d'aucun pouvoir d'obliger à produire des preuves. C'est un aspect très important pour nous, à la fois pour ce qui est de ce pouvoir et pour ce qui est des questions en vertu de la Charte des droits que suscite l'exercice de ce pouvoir.

    Puis, dans d'autres pays, même si le pouvoir d'enquêter existe, il est peu ou prou exercé, puisque ces pays semblent reconnaître les préoccupations que suscite la conduite d'études de ce genre et semblent reconnaître la difficulté qu'il y aurait d'obliger à produire des documents sans que ce soit parce que l'on veut mener une enquête liée à une importante réserve en matière de droit de la concurrence, ce qui serait le cas de l'Union européenne, par exemple. Là-bas, en effet, il faut avoir une importante réserve en matière de droit de la concurrence avant de pouvoir mener une étude, qui donne ensuite le droit d'enquêter.

    Ce qui nous préoccupe, au Canada, c'est que la loi octroierait un pouvoir qui ne serait pas lié à une importante réserve en matière du droit de la concurrence, et qui serait assorti à une utilisation musclée des pouvoirs conférés par l'article 11.

+-

    Le président: Monsieur Clifford, pourriez-vous nous brosser un tableau de ces différences avec des exemples?

+-

    M. John Clifford: Absolument. Et j'ajoute, monsieur le président, que les renseignements que je vous ai transmis se retrouvent dans le propre rapport de la commissaire, lequel a été consulté pour effectuer cette étude, mais je vais me faire un plaisir de vous remettre mon document.

+-

    Le président: Votre résumé serait utile.

    M. Alvarez.

+-

    M. Pierre Alvarez: Je voudrais seulement ajouter une observation. John a dit qu'il n'y a pas de fumée sans feu. Ce qui est inquiétant, c'est que dans un marché des capitaux extrêmement compétitif, si le commissaire publie soudainement un avis dans la Gazette disant que l'on fait enquête, le marché des capitaux va en tenir compte immédiatement. La compagnie ou les compagnies en question n'ont peut-être pas la moindre idée de l'objet de l'enquête. Le marché des capitaux est actuellement extraordinairement volatile. On rivalise pour l'obtention de capitaux partout dans le monde. Il y a des conséquences associées à cela et je pense que le comité doit en tenir compte.

+-

    Le président: Merci, monsieur Alvarez.

    Marc.

[Français]

+-

    M. Marc Boulianne (Mégantic—L'Érable, BQ): Merci, monsieur le président.

    Ma question s'adresse à M. Methot. Vous avez mentionné que l'article 50 est abrogé, ce qui cause des problèmes quant aux dispositions transitoires. Dans votre exposé, vous avez mentionné qu'il faut absolument des dispositions transitoires très claires; sinon, cela pourrait être long et litigieux.

    Qu'est-ce que vous entendez par « dispositions transitoires très claires »? Est-ce que vous êtes prêts à aller jusqu'à contester le projet de loi?

+-

    M. James McIlroy: Non, monsieur. Nous ne sommes pas ici pour nous opposer au projet de loi. Nous sommes seulement ici pour nous assurer que le Parlement s'exprime très clairement. Comme Mme Jennings l'a déjà mentionné, l'article 43 de la Loi d'interprétation est un article que je qualifierais de générique, tandis que l'amendement que va proposer M. Duncan est lié aux mots spécifiques contenus dans la Loi sur la concurrence. Donc, nous demandons que le texte de la Loi d'interprétation soit adapté aux mots justes de la Loi sur la concurrence.

+-

    M. Marc Boulianne: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le président: Une brève question, Marlene, puisque nous avons le temps, et une brève question pour Werner; mais je vous demanderais à tous les deux d'être brefs.

    Marlene.

¿  +-(0955)  

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Ce sera très difficile.

    Pour en revenir à l'étude de marché et aux distinctions que vous avez faites entre la situation actuelle et les pouvoirs qui existent dans d'autres pays, je vais vous exposer une situation hypothétique. Disons que le gouvernement et le comité adoptent l'amendement permettant au Bureau de la concurrence de faire des études de marché. Dans une telle hypothèse, je vous pose la question suivante: Quels amendements proposeriez-vous, premièrement, pour lier le pouvoir de faire une telle étude de marché à une préoccupation légitime en matière de concurrence; et deuxièmement, sur la question de la divulgation volontaire ou obligatoire des documents? Si le commissaire de la concurrence a le pouvoir de forcer les intervenants à produire des documents, il faudrait que ce soit lié à des critères quelconques pour encadrer l'exercice de ce pouvoir, par exemple en ce qui a trait aux coûts.

+-

    Le président: Merci, Marlene.

    Voulez-vous répondre à cela?

+-

    M. John Clifford: Je ne suis pas sûr qu'il soit possible de répondre brièvement à cette brève question, mais je vais essayer d'être bref.

+-

    Le président: Si vous le voulez, vous pouvez ajouter votre réponse à l'autre note que nous vous avons demandée, mais essayez de résumer votre position.

+-

    M. John Clifford: Madame Jennings, premièrement, je fais l'hypothèse que vous allez adopter la mesure permettant les études de marché. Nous avons des préoccupations quant à l'existence même de l'étude, quant aux coûts que cela impose et quant aux inquiétudes que cela pourrait susciter dans le monde des affaires. Si vous avez le pouvoir de faire des études de marché, et si c'est lié à une préoccupation légitime mettant en cause le droit de la concurrence, je dirais que nous n'avons pas besoin de ce pouvoir parce qu'il y a déjà un pouvoir suffisamment étendu dans la Loi sur la concurrence pour effectuer une enquête afin de déterminer cela. Si vous lisez la loi actuelle et la manière dont les enquêtes sont faites, vous verrez que c'est à ce niveau là qu'il faut établir le lien avec d'éventuels motifs justifiant qu'une ordonnance soit rendue.

    Deuxièmement, si vous créez un pouvoir encadré par de tels paramètres, alors je dirais qu'il ne faut pas inclure un renvoi à l'article 11, parce que cela rendrait la divulgation de renseignements volontaire, sans exposer les entreprises à une ordonnance du tribunal les forçant à produire des renseignements.

    Quant à la troisième éventualité que vous évoquez, si vous avez un pouvoir associé à une ordonnance aux termes de l'article 11, alors je crois que vous devez être explicite quant au fait que les renseignements recueillis dans le cadre de ce processus ne seront pas utilisés dans le cadre d'une enquête ultérieure contre la personne qui a fournit le renseignement. Vous pourriez peut-être prévoir une disposition visant à indemniser les participants de leurs coûts pour se conformer à l'ordonnance et à l'enquête.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Clifford, de nous avoir aidés à bien comprendre cela.

    Je suis certain que vous voudrez y revenir au prochain tour.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Quand vous voudrez, monsieur le président.

+-

    Le président: Werner, vous avez le dernier mot.

+-

    M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci beaucoup à tous d'être venus témoigner. Je pense que vous avez donné des réponses singulièrement pointues et j'en suis très heureux.

    J'ai été particulièrement frappé par votre observation, et je m'adresse à la présidente de la Chambre, Nancy Hughes Anthony. Vous avez fait observer que cette étude de marché pourrait être faite tant qu'il y ait la moindre preuve de comportement nuisible à la concurrence. Je pense, madame, que vous êtes maintenant à la tête de la Chambre depuis un certain nombre d'années; monsieur Clifford, vous avez aussi tout un bagage d'expérience, de même que vous, Pierre, et tous les autres — vous êtes tous dans ce domaine depuis très longtemps. Je me demande dans quelles conditions et pour quelles raisons voudrait-on donner au commissaire ce pouvoir de faire des études d'une portée illimitée sur n'importe quel secteur sans avoir la moindre preuve qu'un telle étude est nécessaire?

+-

    Mme Nancy Hughes Anthony: Je pourrais peut-être répondre.

    Je suis certainement d'accord avec vos observations. Nous estimons que ce pouvoir n'est pas nécessaire. J'éprouve aussi une certaine sympathie pour le commissaire qui, le 18 novembre 2004, a témoigné devant le comité et a exposé précisément des préoccupations quant à la manière dont tout cela pourrait fonctionner, eu égard à la Charte des droits et libertés. Par la suite, le 6 octobre 2005, un certain nombre de ministres, dont celui de qui relève la commissaire, ont présenté cette demande particulière. Je trouve que la commissaire elle-même est maintenant dans une situation extrêmement inconfortable, parce qu'elle s'est justement prononcée contre une telle mesure, et voici que son ministre vient dire que ce pouvoir pourrait être nécessaire à cause des préoccupations qui ont été soulevées le 6 octobre au sujet de l'essence.

    J'en reviens donc à vos observations et je dis que cette mesure s'explique par des motivations politiques. C'est absolument illogique de prévoir une telle disposition dans une loi cadre très importante comme la Loi sur la concurrence du Canada.

À  +-(1000)  

+-

    Le président: Merci, Werner, et merci à tous.

    Merci à tous nos témoins.

    Nous allons faire une pause d'une minute, après quoi nous inviterons notre deuxième groupe de témoins à prendre place à la table.

    Merci.

À  +-(1000)  


À  +-(1002)  

+-

    Le président: Nous allons reprendre cette réunion du 22 novembre du Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie.

    Au cours de cette deuxième heure, nous poursuivons l'étude du projet de loi C-19. Nous avons le plaisir d'accueillir des délégations représentant le Centre pour la défense de l'intérêt public, l'Association canadienne de l'immeuble et le Conseil canadien des chefs d'entreprise. L'ordre est déterminé de façon plutôt aléatoire, quand le greffier établit notre ordre du jour.

    Je remercie tous les témoins d'être venus. Nous devrons libérer la salle vers 11 heures pour laisser la place au comité suivant et nous allons donc commencer par entendre Michael Janigan, du Centre pour la défense de l'intérêt public. La greffière vous a probablement avisés que nous vous demandons de faire une allocution d'environ cinq minutes, ce qui laisse amplement de temps pour que le membres du comité puissent poser des questions, et vous pourrez revenir par la suite sur un point si vous n'avez pas eu le temps de le faire dans votre déclaration liminaire.

    Monsieur Janigan, vous avez la parole.

+-

    M. Michael Janigan (directeur exécutif et avocat conseil, Centre pour la défense de l'intérêt public): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité, de nous donner l'occasion de vous parler du projet de loi C-19. Cela me réjouit, puisque nous avons également pu prendre part aux consultations publiques portant sur les enjeux du projet de loi et avons pu par la suite étudier les témoignages faits au comité au cours de l'étude du projet de loi.

    Puisque la plupart d'entre vous avaient été renseignés de façon détaillée par la commissaire sur le projet de loi, il serait peut-être utile d'aborder les aspects du projet de loi qui semblent avoir provoqué le plus de débats et qui pourraient éventuellement faire l'objet d'amendements. Toutefois, il conviendrait, à notre avis, de faire quelques commentaires préliminaires sur la façon recommandée d'aborder la concurrence et la législation antitrust.

    Au paragraphe 1.1 de la Loi sur la concurrence, l'intérêt public se traduit par préserver et favoriser la concurrence. Donc, pour paraphraser l'objet de la loi, pour préserver et encourager la concurrence, il faut donner à toutes les entreprises, peu importe leur taille, les occasions de participer à une économie canadienne et à des marchés mondiaux plus efficients dans le but d'assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits.

    Les intérêts privés ne sont pas tous toujours alignés avec les objectifs publics. La concurrence n'implique pas toujours et uniquement l'absence de réglementation gouvernementale. Elle implique promouvoir un état final, là où les objectifs que je viens de mentionner peuvent être atteints. Les intérêts privés ont pour objectif de gagner cette concurrence, et pas nécessairement de s'assurer de son équité.

    Regardons les deux grands secteurs dans lesquels il est possible d'avoir un comportement concurrentiel qui pourrait être touché par les amendements du projet de loi. La publicité trompeuse est non seulement préjudiciable d'un point de vue financier aux consommateurs qui sont incités à acheter ou à agir d'une telle façon parce qu'il y a eu fausse représentation, mais elle nuit également aux autres entreprises incapables de rivaliser à cause de l'offre trompeuse, et dont la réputation pourra être ternie par cette pratique douteuse.

    L'abus de la position dominante peut être extrêmement bénéfique au joueur dominant si celui-ci réussit à évincer ses concurrents du marché. Cela se confirme particulièrement lorsque de nouveaux concurrents veulent se tailler une place sur certains marchés mais qu'ils doivent, pour ce faire, en payer chèrement le prix. L'élimination des choix peut être précurseur de prix et de qualité anticoncurrentiels pour les consommateurs.

    De plus, au Canada, on assiste à des niveaux élevés de concentration dans bien des marchés, particulièrement si l'on se compare aux États-Unis, et ce phénomène rend difficile les ambitions d'innover que pourraient avoir certains. On ne peut se décourager de l'état de la concurrence sur les marchés canadiens, dans un premier temps, puis refuser ensuite au commissaire de la concurrence les outils qu'il lui faudrait pour atténuer le problème.

    Laissez-moi aborder brièvement la question des sanctions, qui semblent en avoir contrarié plusieurs. D'abord, lorsque l'on conçoit un train de mesures de sanction pour acte répréhensible, il faut avoir comme premier étalon les victimes d'un tel acte. Comment faire pour que l'acte ne soit pas répété, et comment compenser adéquatement pour les dommages causés? Ainsi, si vous deviez proposer un projet de loi destiné à empêcher le déversement de substances dangereuses ou leur mauvaise utilisation, vous devriez d'abord vous préoccuper des gens, de leurs biens, et des entreprises qui pourraient être lésées par un tel déversement ou geste abusif. L'opinion de ceux dont l'activité est de manipuler la substance dangereuse au sujet de l'amende qui leur serait imposée s'ils échouaient dans leurs fonctions pourrait être intéressante, bien sûr, mais pas nécessairement déterminante. De la même façon, vous n'accepteriez sans doute pas de réduire l'amende maximale simplement parce que certains petits exploitants de substances dangereuses pourraient craindre qu'on leur impose des amendes maximales élevées.

    On peut se demander pourquoi la santé et la sécurité de la concurrence dans les marchés où il va de l'intérêt économique des consommateurs doivent passer au second plan, par rapport à des craintes éventuelles. Je suis peut-être trop généreux en parlant de craintes éventuelles. Nous avons entendu des publicitaires affirmer que d'imposer des sanctions à leur publicité trompeuse mais créative paralysera leur capacité à se développer et à créer de la saine publicité. Si on les empêche de déformer librement la vérité, qui sait ce qui nous échappera au cours du prochain Super Bol.

    Enfin, s'il était possible d'abuser des nouveaux pouvoirs proposés, il faudrait dans un premier temps qu'ils soient exercés de façon injuste par le commissaire, puis appliqués d'une façon injuste par le Tribunal de la concurrence, et enfin que les résultats soient ignorés par les cours d'appel. Toutefois, retirer ces nouveaux pouvoirs pourrait laisser les victimes sans aucun moyen de faire corriger la situation et sans moyen de faire appel — sans oublier que cela ne découragerait aucunement les actes répréhensibles préjudiciables.

    L'un des témoins s'opposant à ces mesures proposées affirmait au comité que pour garder le marché vivant, il fallait le garder actif, bruyant, et dans le désordre. Avec tout le respect que je vous dois, en tant que représentants de consommateurs, nous demanderions à quelqu'un d'autre de corriger ce désordre.

    Je répondrai avec plaisir à vos questions, et particulièrement celles sur les études de marché, que je n'ai pas abordées.

À  +-(1005)  

+-

    Le président: Merci d'avoir été si concis.

    Nous entendrons maintenant M. Beauchamp, de l'Association canadienne de l'immeuble.

[Français]

+-

    M. Pierre Beauchamp (chef de la direction, Association canadienne de l'immeuble): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je suis accompagné de Catherine McKenna, de notre service du contentieux, et spécialiste des questions de concurrence.

    Au nom de tous les agents immobiliers du Canada, je vous remercie de nous donner l'occasion de commenter le projet de loi C-19.

    L'Association canadienne de l'immeuble est l'une des plus importantes associations commerciales à vocation unique du Canada, et la majeure partie de nos membres sont des petits propriétaires et exploitants. Nous prenons très au sérieux le respect de la loi, monsieur le président. Notre association oeuvre depuis plusieurs années avec le Bureau de la concurrence pour promouvoir la conformité à la loi, et nous n'avons de cesse de trouver des façons pour faire en sorte que les agents immobiliers, même dans les localités les plus éloignés, comprennent bien le rôle de la politique sur la concurrence.

    Mes commentaires d'aujourd'hui se fonderont sur l'expérience que j'ai acquise de la Loi sur la concurrence et du travail effectué auprès du Bureau de la concurrence pour faire comprendre à nos membres l'importance de se conformer aux lois canadiennes.

À  +-(1010)  

[Français]

    J'aimerais d'abord vous parler de la plus importante préoccupation soulevée par notre association, à savoir le deuxième amendement que propose le gouvernement en vue d'accorder au Bureau de la concurrence le pouvoir d'entamer des études générales de marché.

    Je tiens à signaler aux membres du comité que l'Association canadienne de l'immeuble accorde son plein appui au Bureau de la concurrence pour qu'il utilise ses pouvoirs actuels en vue d'enquêter sur des entreprises et des secteurs lorsque des préoccupations légitimes sont soulevées en matière de concurrence. Ces pouvoirs contribuent à promouvoir et à maintenir une concurrence juste et équitable. Ils sont importants, tant pour les consommateurs que pour les entreprises.

[Traduction]

    En vertu de la loi actuelle, le commissaire de la concurrence peut lancer une enquête officielle s'il croit à la possibilité qu'on a contrevenu à la loi. Le commissaire doit lancer une enquête si six Canadiens le lui demandent par pétition ou si le ministre de l'Industrie le lui demande. Ses pouvoirs d'enquête sont extrêmement exhaustifs, à notre avis, et sont les mêmes que ceux qui sont entre les mains des instances de réglementation étrangères. D'ailleurs, dans notre mémoire, page 4, nous vous avons donné un résumé des pouvoirs qui existent dans les autres pays à des fins de comparaison. À notre avis, cet amendement n'est pas nécessaire. Le bureau et le commissaire ont déjà entre les mains divers outils d'enquête. Pour l'instant, rien ne prouve ce que d'aucuns affirment, à savoir que le bureau n'a pas les outils nécessaires pour faire enquête sur des préoccupations légitimes en matière de concurrence. De plus, les nouveaux pouvoirs que l'on se propose de donner au bureau constitueraient une mauvaise utilisation des ressources limitées de celui-ci et n'entraîneraient aucun avantage clair pour les consommateurs.

    La proposition d'accorder des pouvoirs pour effectuer une étude de marché soulève de graves problèmes en regard de la charte, à cause de l'absence de précaution en matière de procédure. La proposition accorderait au commissaire le pouvoir sans contrainte de déterminer qu'une étude s'avère nécessaire. À notre avis, cela correspond à donner au bureau un permis pour faire des expéditions de pêche, comme l'ont dit les témoins précédents.

    Qu'arrive-t-il si une entreprise fournit de l'information dans le cadre d'une étude de marché, mais que cette information entraîne une enquête au criminel par le bureau? La commissaire s'est inquiétée elle-même de la possibilité d'auto-incrimination de la part des entreprises, lorsqu'elle a comparu en novembre dernier. C'est une préoccupation que nos membres partagent.

[Français]

    L'amendement portant sur le pouvoir proposé de faire des études de marché ne tient pas compte de la question et ne contient pas de critère minimal pour l'exécution des études de marché qui éloignerait les préoccupations au sujet des « expéditions de pêche » de la part du Bureau de la concurrence. Une étude de marché serait extrêmement coûteuse pour une entreprise ou un secteur assujetti à un tel examen. Il serait nécessaire de retenir les services d'avocats. Elle pourrait comporter la production de dossiers ainsi que des présentations écrites.

[Traduction]

    Les études de marché sont extrêmement coûteuses en ressources humaines et sont extrêmement importunes. Les entreprises seraient forcées à concentrer leurs énergies pour répondre aux demandes, ce qui détournerait leur attention de leurs opérations régulières. N'oublions pas non plus la stigmatisation. Le fait qu'une industrie soit ciblée par une enquête risque de ternir sa réputation auprès du public, même en l'absence de tout acte répréhensible.

    C'est pour toutes ces raisons que notre association recommande fortement au gouvernement de laisser tomber la proposition sur le pouvoir d'effectuer des études de marché de ses amendements au projet de loi C-19 et que nous exhortons le comité à rejeter l'amendement numéro 2.

    Nous sommes également préoccupés de certains des autres amendements proposés au projet de loi qui sont discutés plus en détail dans notre mémoire déposé au comité.

    Nous vous remercions, à nouveau, de nous avoir permis de vous faire part de notre position, et nous répondrons avec plaisir à vos questions.

+-

    Le président: Merci, monsieur Beauchamp.

    Nous accueillons maintenant M. Dillon, au nom du Conseil canadien des chefs d'entreprise.

+-

    M. John Dillon (vice-président, Affaires réglementaires et avocat-conseil, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs. J'ai grand plaisir à être ici ce matin pour parler des derniers changements proposés à la Loi sur la concurrence.

    Monsieur le président, le rythme des changements dans les marchés est en accélération. La Loi sur la concurrence, tout comme les autres politiques d'encadrement économique, doit être au diapason de ces changements si le Canada veut demeurer un pôle d'attraction pour l'investissement et offrir des fondements solides sur lesquels pourront s'appuyer les entreprises pour rivaliser sur la scène internationale. Il va de soi que la présence d'entreprises dynamiques ayant leur siège au Canada constitue le meilleur moyen de procurer aux Canadiens des emplois et des avantages sociaux et offrir aux consommateurs du pays des produits utiles et à prix concurrentiel.

    Comme je l'ai affirmé devant votre comité en décembre dernier, nous soutenons deux des dispositions spécifiques contenues dans le projet de loi: celles qui portent sur l'abrogation des dispositions sur la fixation criminelle des prix et le retrait des dispositions s'appliquant aux compagnies aériennes. Toutefois, lors de notre comparution précédente, nous signalions également accepter difficilement deux autres dispositions du projet de loi.

    Les amendements de 1986 établissaient une distinction nette entre les infractions criminelles liées à une conduite anticoncurrentielle et les pratiques civiles pouvant être examinées. L'adoption du projet de loi entraînerait une augmentation importante des sanctions administratives pécuniaires, soit à 10 millions de dollars pour une première infraction dans le cas de causes civiles reliées à des pratiques commerciales trompeuses. Comme le faisait remarquer le professeur Peter Hogg, érudit reconnu en matière constitutionnelle, lorsqu'il a comparu devant le comité au nom du Conseil canadien du commerce de détail, les sanctions seraient portées à un niveau quasi pénal sans que soient assurées les protections que comportent normalement les procédures de nature pénale, ce qui soulève des questions graves quant aux protections assurées par la Charte des droits.

    Selon le projet de loi C-19, le commissaire à la concurrence aurait le pouvoir de solliciter un dédommagement pour les pertes subies par un consommateur à la suite de représentations fausses ou trompeuses. Un dédommagement est pertinent si le Bureau utilise une procédure pénale dans des cas de fraudes caractérisées commises à l'endroit de consommateurs. Toutefois, ce qui pourrait constituer une représentation « trompeuse » est mal défini et le Bureau n'a pas établi d'arguments convaincants démontrant qu'il existe d'importants problèmes à ce chapitre qui exigent des pouvoirs beaucoup plus importants. Augmenter considérablement les SAP et permettre la restitution si aucune perte n'a été démontrée pour le consommateur constituerait en fait des mesures punitives qui décourageraient tout simplement les publicités dynamiques, mais justes, qui jouent un rôle important sur le marché concurrentiel de la consommation.

    Les propositions les plus récentes du gouvernement à l'égard du projet de loi accorderaient au commissaire le pouvoir de lancer une enquête sur l'état de la concurrence dans n'importe quel secteur de l'industrie. Cette idée a suscité d'importantes discussions au cours des consultations publiques entreprises par le Bureau de la concurrence en 2003, et la réaction a été en général très négative. En fait, le Bureau dispose de suffisamment de pouvoirs dans ce domaine et le gouvernement compte plusieurs autres moyens lui permettant d'évaluer l'état de la concurrence dans des secteurs ou dans des marchés particuliers. Le milieu des affaires craint fortement que de telles enquêtes puissent être déclenchées pour des motifs politiques; cette crainte a d'ailleurs été renforcée par le fait que le gouvernement a fait une annonce afin d'inclure ce nouveau pouvoir dans l'ensemble de mesures annoncées le 6 octobre à l'égard de la hausse des prix de l'énergie.

    Autre aspect tout aussi important: introduire de cette manière un pouvoir général d'enquête sur le marché soulève des préoccupations en matière d'équité et d'application régulière de la loi. Comme l'a signalé lui-même le Bureau de la concurrence dans son document récent intitulé Étude de marché, cela soulève d'importantes questions de nature juridique, notamment celle de savoir si une étude de ce genre pourrait être utilisée comme enquête déguisée de mise en application et si le pouvoir d'exiger des preuves pourrait violer la garantie de la Charte contre l'auto incrimination.

    Avant de conclure, monsieur le président, j'aimerais signaler que nous entretenons également des préoccupations sérieuses à l'égard d'un certain nombre d'amendements proposés par le Bloc québécois, en particulier la proposition de supprimer le mot « indûment » de l'article 45.

    Les entreprises canadiennes de toutes tailles ont de plus en plus recours à la coentreprise et à des alliances stratégiques pour effectuer des recherches avant la mise en marché, pour développer de nouveaux produits ou pour s'assurer des marchés dans d'autres pays. Lorsque ces arrangements sont pris entre des concurrents ou des concurrents potentiels, il peut y avoir certains effets accessoires sur la concurrence, mais dans presque tous les cas, cela serait fortement compensé par les gains globaux qu'en retirerait l'économie canadienne. Éliminer le critère d'une réduction « indue » de la concurrence paralyserait ces alliances et empêcherait le déploiement de stratégies novatrices susceptibles de vraiment améliorer la concurrence sur le marché canadien ainsi que d'assurer une assise plus forte aux sociétés canadiennes pour qu'elles exercent leur concurrence à l'échelle internationale.

    Comme je l'ai affirmé au début, nous devrions avoir pour but de faire en sorte que la Loi sur la concurrence renforce la marché canadien tout en améliorant la capacité des entreprises de toutes tailles de prospérer et de rivaliser de manière plus efficace sur la scène mondiale. Or, bon nombre de propositions présentées au comité ne correspondent pas à ces critères.

    Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité, et j'attends avec impatience vos questions.

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Dillon.

    Vous nous avez tous donné d'excellents exposés.

    Nous allons maintenant passer aux questions. James prendra la parole en premier, suivi de Paul, de Jerry et de Brian.

    Je suis désolé. Werner, vouliez-vous commencer?

+-

    M. Werner Schmidt: Oui, merci beaucoup, monsieur le président.

    J'aimerais remercier tous les témoins de leur exposé, qui étaient très concis et précis.

    J'ai beaucoup de questions à vous poser. Ma première question s'adresse à M. Janigan.

    J'aimerais parler du dédommagement des victimes. Appuyez-vous cette disposition?

+-

    M. Michael Janigan: Oui, je l'appuie. Cette disposition permet d'indemniser les consommateurs qui ont été directement touchés par une déclaration trompeuse.

+-

    M. Werner Schmidt: Soit, cela indique alors que lorsqu'il n'y a pas de preuve de préjudice à l'endroit d'une victime... Je crois que M. Dillon vient de faire valoir ce point, mais je trouve que cette observation est fort importante. Lorsqu'on ne peut pas clairement établir qu'il y a eu préjudice, que la victime a subi des dommages, comment peut-on alors procéder à un dédommagement? Est-il difficile de mener à bien cette indemnisation?

À  +-(1020)  

+-

    M. Michael Janigan: Absolument. En effet, dans les cas où vous n'avez pas l'historique factuel pour déterminer qui a droit à une indemnisation, alors cette proposition restera toujours difficile. Les tribunaux ont eu recours à diverses mesures pour régler ce problème, selon les cas. Certaines mesures peuvent concerner l'affichage d'avis publics afin de s'assurer que vous avez effectué un examen minutieux pour trouver les victimes potentielles de déclaration trompeuse. Certaines mesures réduisent le montant des dommages-intérêts. Dans certains cas, aucun dommage-intérêt n'est versé, et une sanction administrative pécuniaire est plus appropriée, en raison des difficultés associées à l'organisation du dédommagement. Toutes ces possibilités devraient être envisageables, selon le cas.

+-

    M. Werner Schmidt: On a également fait valoir le point suivant ce matin: l'équité et l'application régulière de la loi devraient exister, pour déterminer le dommage ou le comportement anticoncurrentiel, selon le cas.

    L'équité et l'application régulière de la loi demeurent une question fondamentale pour les Canadiens. J'aimerais demander à M. Dillon de nous fournir une explication plus précise et claire des termes équité et application régulière de la loi dans ce cas précis, car, en ce qui concerne cette nouvelle étude de marché, qui est si vaste... j'avais l'impression que, dans votre exposé, vous parliez de l'industrie pétrolière. Toutefois, dans le libellé de la modification, on ne parle pas de l'industrie pétrolière. Le libellé ne fait pas de référence à une industrie en particulier. Il s'applique ainsi à toutes les industries. Le commissaire n'a besoin d'aucune disposition pour prouver qu'il y a un comportement anticoncurrentiel. Le commissaire pourrait donc faire un rêve un soir et du jour au lendemain décider de mener une enquête sur cette industrie.

    Est-ce que c'est cela que vous entendiez lorsque vous parliez d'équité et d'application régulière de la loi?

+-

    M. John Dillon: Merci, monsieur Schmidt.

    C'est ce que je voulais dire en partie, mais en réalité, il y a deux volets à la question. D'abord, comment une étude de ce genre sera-t-elle énoncée et mise en oeuvre? L'amendement prévoit qu'un avis doit paraître dans la Gazette du Canada, mais rien ne prévoit quelle doit être l'ampleur de l'étude. Par conséquent, c'est au commissaire à décider quelle doit être l'ampleur de l'étude et la simple obligation d'en publier un avis dans la Gazette du Canada ne prévoit aucune garantie. C'est ce qui préoccupait d'ailleurs, je pense, des témoins précédents.

    Au fil des ans, plusieurs industries ont vu leurs opérations scrutées à la loupe par les milieux politiques. Il est intéressant de noter que le projet de loi ne contient aucune disposition traitant précisément des compagnies aériennes, puisqu'à une certaine époque, on disait qu'il y avait un joueur dominant dans cette industrie et qu'il fallait que la Loi sur la concurrence comporte des règlements distincts qui s'appliqueraient à cette industrie. Apparemment, ce n'est plus le cas aujourd'hui. D'ailleurs, il y a une bonne concurrente dans l'industrie aérienne. Toutefois, une autre industrie que celle-là pourrait être visée dans l'avenir.

    C'est un aspect important, et s'il soulève des préoccupations chez beaucoup de gens d'affaires, c'est que cet amendement a été réintroduit après avoir été discuté la première fois et exclu du projet de loi. Il a en effet été réintroduit dans la foulée des dispositions préparées par le gouvernement en octobre dernier pour traiter de la hausse des prix de l'énergie. Mais ce n'est certainement pas l'industrie du pétrole et du gaz qui s'inquiète de cette disposition.

    Le second élément, celui de l'équité et de l'application régulière de la loi, est lié au pouvoir d'obliger à présenter des preuves; en effet, on se demande si cela n'enfreint pas les dispositions protégeant les individus contre l'auto-incrimination. Je pourrais vous en parler plus en détail, car cela préoccupe effectivement.

+-

    Le président: Merci, monsieur Schmidt.

    M. Werner Schmidt: Je n'ai plus de temps? Déjà?

    Le président: Vous avez légèrement dépassé vos cinq minutes.

+-

    M. Werner Schmidt: Comme c'est dommage, j'avais une question au sujet de...

+-

    Le président: Faites vite.

+-

    M. Werner Schmidt: Très vite.

    La définition du terme « indûment » a-t-elle posé problème dans les tribunaux?

+-

    Le président: Merci, Werner.

+-

    M. John Dillon: Pas que je sache. La difficulté, c'est que l'alinéa 45(1)a) traite du mode, et le bureau est déjà en train de se pencher sur la façon de déterminer comment tenir compte de façon beaucoup plus efficace des coentreprises et alliances stratégiques, puisque les faits confirment que bon nombre de ces dernières se font entre des entreprises qui sont des concurrentes potentielles. Il faut donc être très clair: nous voulons encourager les accords qui augmentent la productivité et aider les entreprises à mettre au point de nouveaux produits et à pénétrer de nouveaux marchés. Il n'est pas question de les décourager.

    En retirant le terme « indûment », toute conséquence sur la concurrence quelle qu'elle soit a pour effet de déclencher l'article 45, de même que le processus pénal afférent à l'article 45.

À  +-(1025)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Dillon.

    Merci, Werner.

    Paul, puis Jerry, puis Brian.

[Français]

+-

    M. Paul Crête: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais intervenir sur la question des études, étant donné que le Bloc québécois a exercé de fortes pressions pour que ces amendements soient adoptés. En fait, c'est le résultat de ce qu'on a vécu en particulier dans le secteur pétrolier, mais je crois que cela pourrait s'appliquer ailleurs. L'ancien commissaire de la concurrence nous avait dit qu'il ne possédait pas de pouvoirs d'enquête suffisants et qu'il fallait qu'il s'agisse quasiment d'une cause judiciaire ou qu'on ait fait la preuve qu'il y avait collusion pour qu'il puisse enquêter. L'objectif de cet amendement n'est pas d'établir qu'il y a collusion. Il vise plutôt à faire en sorte que des secteurs industriels puissent être étudiés par la commissaire de la concurrence, afin de voir s'ils fonctionnent bien au plan de la concurrence. Sur une période de 10 à 20 ans, il pourrait y avoir un certain nombre d'études sur un certain nombre de secteurs. Cependant, des gens pourraient affirmer que le secteur fonctionne très correctement.

    Il y a un vide juridique important qui fait qu'on ne peut, d'aucune façon, obtenir ce type d'enquête, à moins d'apporter une preuve quasi judiciaire. Il y a donc déséquilibre entre le pouvoir des consommateurs et l'intérêt d'un secteur industriel. Selon moi, cet amendement vise à corriger cette situation.

    Pourquoi ne croyez-vous pas que l'existence d'un tel pouvoir d'enquête puisse constituer un avantage pour vos différents secteurs?

+-

    M. Pierre Beauchamp: Toute enquête a une connotation péjorative.

+-

    M. Paul Crête: Pourquoi cela serait-il le cas?

+-

    M. Pierre Beauchamp: Il s'agit du Bureau de la concurrence. Jusqu'à présent, le Bureau de la concurrence a mené des enquêtes qui étaient, habituellement, basées sur des plaintes. Il ne fait pas des enquêtes pour s'assurer qu'une industrie fonctionne de façon productive. Ce n'est pas son rôle.

+-

    M. Paul Crête: Le pouvoir d'enquête sur l'état de la concurrence n'implique aucun aspect négatif. Le texte accorde simplement un pouvoir supplémentaire au commissaire de la concurrence...

+-

    M. Pierre Beauchamp: Quel serait le but de telles enquêtes?

+-

    M. Paul Crête: Le but serait de faire le portrait de la situation d'un secteur industriel. Il s'agirait donc de voir s'il faut mettre des choses en place afin d'éviter des crises comme celles que nous avons vécues dans le domaine de l'industrie pétrolière aux mois d'août et de septembre derniers et qui pourraient se produire dans d'autres secteurs.

+-

    M. Pierre Beauchamp: En ce qui a trait au problème que vous identifiez, le Bureau de la concurrence a déjà fait des enquêtes. En fait, il y en a eu quatre: les outils existent.

+-

    M. Paul Crête: Il y en a eu sur les cas de collusion, mais il n'y a pas eu d'enquête générale. C'est très différent.

+-

    M. Pierre Beauchamp: On ne décrit pas ce que serait une enquête générale ni quelle procédure serait suivie. Cela constitue un problème. De toute façon, les outils sont déjà disponibles. Il peut y avoir un dialogue entre le Bureau de la concurrence et n'importe quelle industrie. En fait, il y en a un avec notre industrie, on se parle souvent. Il existe un beau dialogue. S'il y a des problèmes, on tente de les résoudre. Si le Bureau de la concurrence n'est pas satisfait des réponses qu'on lui donne, il existe toutes sortes d'outils, à l'article 11, par exemple.

+-

    M. Paul Crête: M. von Finckenstein, le prédécesseur de Mme Scott, nous avait dit lui-même que cela manquait à sa panoplie d'outils de travail. On ne cessait de demander au ministre s'il y aurait une enquête sur ce secteur. Le ministre disait qu'il n'avait pas le pouvoir formel de commander des enquêtes de ce type, sans preuves formelles de collusion. Le commissaire disait la même chose. En fait, l'amendement vise à permettre tout simplement d'établir l'état de la situation de la concurrence dans différents secteurs sans qu'il y ait nécessairement collusion ou que des accusations soient portées.

    C'est un peu comme ce qui se passe dans le marché du travail. Des évaluations sont faites par des ministères, année après année, sur l'état du marché du travail dans divers secteurs d'activité. Selon moi, cela va permettre de faire la même chose pour la question de la concurrence.

+-

    M. Pierre Beauchamp: Si je peux me permettre un bref commentaire, je dirai que l'objectif du gouvernement n'est pas d'agir comme consultant, à savoir indiquer aux industries si elles sont ou ne sont pas productives.

+-

    M. Paul Crête: Il s'agit du bien commun.

+-

    M. Pierre Beauchamp: Exactement. Il n'est pas seulement question de collusion, ici. Si le gouvernement a besoin d'outils, il peut choisir parmi ceux qui sont disponibles. Ils existent déjà; il n'est pas nécessaire d'en inventer.

À  +-(1030)  

+-

    M. Paul Crête: Je ne pense pas non plus qu'il en soit question. Il reste que le pouvoir dont il est question dans ce projet de loi n'existait pas dans la loi précédente. On m'a répondu à plusieurs reprises à la Chambre — et c'est une expérience plutôt amère — que rien dans la loi ne permettait ce genre d'enquête et que pour cette raison, le gouvernement avait finalement accepté d'y inclure cette disposition.

+-

    Le président: Merci, Paul.

[Traduction]

    Voulez-vous terminer par quelques mots, monsieur Dillon? Allez-y.

+-

    M. John Dillon: Merci, monsieur le président.

[Français]

    Merci, monsieur Crête. Je vais répondre en anglais.

[Traduction]

    Il ne faut pas oublier que le Bureau de la concurrence n'est pas la seule et unique source d'information sur les activités des divers secteurs et marchés du Canada. L'Office national de l'énergie connaît très bien l'industrie de l'énergie. Le CRTC suit l'industrie des télécommunications pas à pas et se prononce à son sujet régulièrement. Le gouvernement lui-même a demandé au Conference Board d'effectuer une étude sur l'industrie du pétrole et du gaz il y a de cela plusieurs années, à l'époque où on s'inquiétait des prix. Par conséquent, le Bureau de la concurrence n'est pas le seul outil à la disposition du gouvernement pour se pencher sur un secteur, faire effectuer une étude de marché ou de sous-marché pour voir si tout marche rondement. Ce qui préoccupe, c'est que le Bureau de la concurrence ait la capacité de faire appliquer la loi dont on parle ici. La difficulté, ce sera de faire la distinction, si tenue soit-elle, entre, d'une part, les connaissances générales et la compréhension de l'industrie et, d'autre part, l'information qui entraînera une enquête précise sur l'application.

+-

    Le président: Merci, monsieur Dillon.

+-

    M. Michael Janigan: Monsieur le président, puis-je répondre?

+-

    Le président: Très brièvement.

+-

    M. Michael Janigan: M. Beauchamp soulève un point important, à savoir que lorsque le commissaire mène une enquête, cela pose un problème d'image pour l'entreprise. C'est la raison pour laquelle on en arrive à faire une étude de marché pour l'ensemble de l'industrie. L'enquête est un micro-outil que l'on utilise pour une entreprise particulière ou une personne qui a enfreint à la loi ou qui risque de le faire.

    Une étude de marché est tout à fait différente. Il s'agit alors d'examiner la situation de la concurrence au sein d'un secteur. Nous nous tournons de plus en plus vers les forces du marché pour remplacer la réglementation, parfois dans des secteurs où, il y a 50 ans, il n'en aurait pas été question car il se serait agi de quelque chose de trop important qui ne pouvait être le fait que d'un monopole ou d'une société d'État.

    Dans ces circonstances, je pense que nous sommes tenus de veiller à ce que dans ces industries, nous ayons les outils voulus dans les services les plus expérimentés de l'administration qui s'occupent de telles questions pour faire une étude de marché. Certains semblent croire que les études de marché peuvent répondre à des pressions politiques. Je suppose que ce serait sans preuve d'absence de concurrence dans le secteur. Réagir aux pressions politiques n'est pas nécessairement mauvais. Il peut être important d'effectuer une étude approfondie, avec les preuves et les recherches voulues, dans un secteur particulier, pour s'assurer que la concurrence est saine et c'est en fait ce qu'a proposé le commissaire dans ce cas.

+-

    Le président: Merci, monsieur Janigan.

    Jerry, Brian, James.

+-

    L'hon. Jerry Pickard: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je trouve ahurissant que les grosses entreprises semblent toutes avoir les mêmes arguments. Examinons les choses. Qu'est-ce que la concurrence? C'est s'assurer que le consommateur se voit offrir de façon juste et équitable le meilleur prix, le meilleur produit, ce dont il a besoin sur le marché.

    M. Janigan a tout à fait raison de dire que le Bureau de la concurrence doit protéger le consommateur, s'assurer que nous avons des pratiques d'entreprise honnêtes et que la réglementation voulue est appliquée.

    On parle de l'Union européenne, des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'Australie où il y a partout une loi stipulant que les organismes de réglementation peuvent s'occuper de ces questions, examiner les études de marché et faire le nécessaire, mais on semble dire que si une entreprise est coupable d'actes criminels, elle devrait peut-être s'auto-incriminer. Je trouve cela absolument ridicule.

    Très franchement, elles ont les mêmes droits et protections légales dans tous les cas. Elles n'ont pas besoin de s'auto-incriminer mais pourquoi devrions-nous nous inquiéter d'une entreprise peut-être coupable d'actes criminels et essayer de la protéger et d'éliminer une loi qui pourrait peut-être faire le jour là-dessus? Très franchement, je trouve cela très bizarre.

    Toutefois il ne faut pas oublier non plus que le Bureau de la concurrence ne peut se pencher sur un problème s'il n'y a pas eu plainte. Il est très limité dans ce qu'il peut faire. Si l'on considère l'industrie du gaz ou toute autre industrie, il faut savoir ce qui se passe. Il devrait avoir le droit d'examiner cette industrie et si cela révèle des questions d'auto-incrimination, on arrête immédiatement l'étude et l'on procède en vertu de l'article 11 autrement.

    C'est cela le problème. Le problème est que c'est ce que l'on fait dans tous les autres pays. Le problème c'est qu'il faut protéger les consommateurs. Le problème c'est que cela ennuie un peu les PME. Elles ont comparu et nous ont dit que ce qui se produisait actuellement les ennuyait. Dire que nous ne devons pas donner les outils voulus au gouvernement, au Bureau de la concurrence, me semble réellement difficile à accepter.

    J'aimerais que M. Janigan réponde parce qu'il n'a pas dit grand-chose alors que les autres ont déjà eu l'occasion de s'exprimer. Ils pourront le faire après.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Merci, Jerry.

    Monsieur Janigan.

+-

    M. Michael Janigan: À propos de l'auto-incrimination, la difficulté, dans une large mesure, touche la poursuite, et non pas les entreprises elles-mêmes. Qu'arriverait-il, en effet, si l'on pouvait prouver que les informations glanées l'avaient été au cours d'une enquête au civil et que l'entreprise conteste ou prétende que cela a été obtenu par d'autres moyens et que l'on a violé, par exemple, ses droits aux termes de la Charte.

    Cela pose un gros problème et le commissaire me semble l'avoir réglé et l'avoir réglé de façon très délicate. Ce n'est pas tellement que l'on craint que l'entreprise soit lésée dans ses droits mais qu'en fait des poursuites criminelles ou des poursuites qui auraient été autrement lancées soient finalement entravées.

    Nombre d'entre vous se souviendront peut-être des enquêtes Iran/Contra il y a une vingtaine d'années. Suite aux enquêtes menées au Congrès, des renseignements ont été communiqués au procureur spécial et les condamnations que celui-ci a par la suite obtenues contre, en particulier, Oliver North et certains des autres défendants ont été annulées parce qu'il avait eu accès aux renseignements par le biais de l'enquête du Congrès.

    Cela présente donc des problèmes du point de vue de la poursuite. On passe de l'autre côté et, tout d'un coup, il y a la possibilité d'auto-incrimination. Il y a un motif important de défense face à une éventuelle poursuite criminelle et c'est plus important que les implications que cela peut avoir pour le secteur ou certains acteurs au sein de ce secteur.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Beauchamp, allez-y.

+-

    M. Pierre Beauchamp: Merci de vos commentaires et de votre question.

    Tout d'abord, nous représentons les PME. Vous avez fait allusion aux grosses entreprises. Je ne sais pas si vous me regardiez à ce moment-là, mais 65 p. 100 de nos membres ont dix employés ou moins. Nous considérons qu'il s'agit de PME et non pas de grosses ou grandes entreprises.

    Deuxièmement, l'élément de la concurrence internationale est important. Je ne suis pas sûr que j'appuierais ce que vous avez proposé. Si l'on considère le document que nous vous avons présenté, la recherche ne va pas tout à fait dans le même sens. En Australie, nous avons découvert que l'on n'a pas le droit d'obliger à fournir des renseignements. C'est exactement ce que nous avons constaté à propos du système qui s'applique là-bas.

    Au sein de l'Union européenne, les inspections sont limitées aux cas qui semblent particulièrement préoccupants. On s'inquiète parce qu'une inspection ou une étude de marché entreprise sans aucune raison particulière semble tout à fait insensée. Pourquoi faire cela? Je reviens à la fonction de consultation, qui n'est pas celle de l'administration.

    Même chose au Royaume-Uni. Je ne prendrai pas le temps de l'expliquer mais je reviendrais à l'auto-incrimination car c'est une notion très importante. J'aimerais demander à Catherine McKenna de poursuivre.

+-

    Le président: Je vous demanderais d'être brève, madame McKenna. Merci.

+-

    Mme Catherine McKenna (avocate-conseil de la concurrence, Association canadienne de l'immeuble): D'accord. Je dirais deux choses en vitesse.

    Tout d'abord, n'oublions pas que nous parlons d'une étude de marché sans preuve de comportement anticoncurrentiel. Donc, quand on parle d'auto-incrimination et de savoir s'il est important ou utile de retenir la notion, il faut savoir que dans ce cas, le commissaire décide qu'il faut effectuer une étude de marché et qu'ainsi il n'y a pas de preuve de comportement anticoncurrentiel. Ce problème de la Charte est très sérieux. Je vous rappellerais les propos de la commissaire le 18 novembre 2004 qui déclarait que c'était un problème important. Elle concluait: « Nous serions prêts à adopter un modèle, mais pas un modèle qui ne fonctionne pas ». Il me semble qu'il serait bon que le comité tienne compte de cette mise en garde.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Merci.

    Brian, James et Marlene.

+-

    M. Brian Masse: Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus.

    J'ai une question qui s'adresse à vous tous sur l'étude de marché. On a beaucoup parlé aujourd'hui de parties de pêche. C'était dans plusieurs exposés et, comme vous l'avez noté, monsieur Dillon, c'est lié aux motivations politiques dans le domaine du gaz et du pétrole que nous venons d'étudier. Votre organisation fait du lobbying pour motiver les différents partis à agir. Par conséquent, peu importe votre position. Vous vous intéressez au sujet, que vous représentiez des citoyens ou une autre organisation, et ça, c'est positif.

    J'aimerais m'attarder sur cette question, car beaucoup ont prétendu que ces études de marché auront une incidence sur la réputation, sur les entreprises et sur leur capacité de réagir au fait qu'elles feront l'objet d'une étude. Pensons à l'examen que nous avons mené récemment sur le secteur du pétrole et du gaz. J'aimerais que les témoins me disent comment cette étude leur a nui. Les profits sont à la hausse; la valeur des actions a augmenté. On s'est mis à investir dans le raffinage alors que des témoins nous avaient dit que la capacité de raffinage au Canada avait atteint de 95 à 97 p. 100, soit presque son maximum. Même des experts du secteur nous ont affirmé qu'il n'y avait pas de nouvelles entreprises de raffinage à l'horizon. Or, nous avons appris qu'on allait investir dans le raffinage. Notre étude a permis de mettre tout cela en lumière et à donner des informations au public.

    Notre comité a en quelque sorte fait une étude du marché, alors, expliquez-moi en quoi cela a nui à ce secteur. J'aimerais bien le savoir, parce que nous venons d'en faire l'expérience. En quoi cela a-t-il été nuisible du point de vue économique ou du point de vue de l'opinion publique? Moi, j'estime que notre étude a mené à une augmentation des investissements, alors qu'on nous avait déclaré que le Canada avait atteint sa capacité de raffinage maximale et que les propres experts du secteur du pétrole et du gaz ont reconnu que les profits étaient spectaculaires. On a compris que nous étions vulnérables si l'offre ne soutenait pas la capacité de raffinage. Cette vulnérabilité est grave pour la région que je représente, où le secteur automobile et manufacturier est très présent. On commencera peut-être à apporter des correctifs.

    J'aimerais que tous les témoins répondent.

+-

    Le président: Monsieur Dillon, voulez-vous commencer?

+-

    M. John Dillon: Merci, monsieur Masse.

    Vous avez entendu, parmi les témoins précédents, des experts représentant ce secteur particulier, mais je vais quand même tenter de répondre à votre question.

+-

    M. Brian Masse: Ma question porte sur les effets de l'étude du marché.

+-

    M. John Dillon: Je ne voulais pas laisser entendre que toute étude d'un secteur serait nuisible à ce secteur, pas du tout. J'estime plutôt que d'autres solutions seraient préférables. Je n'ai pas fait mention des comités parlementaires, mais c'est une option évidente. L'industrie estime qu'il y a bien d'autres façons d'obtenir des informations sur le fonctionnement d'un secteur, sur les effets de l'offre et de la demande, sur la situation relative aux prix mondiaux des aliments et sur les répercussions sur le marché. Cela ne signifie pas du tout que j'estime que toute étude est préjudiciable pour l'industrie, pas du tout.

    Toutefois, quand le Bureau de la concurrence, qui a la responsabilité d'engager des poursuites le cas échéant, entreprend une étude, cela sème le doute dans l'esprit des gens qui se disent alors que quelque chose ne va pas dans ce secteur, que la concurrence est injuste ou insuffisante, et le secteur doit faire face à ces soupçons.

+-

    Le président: Monsieur Beauchamp.

+-

    M. Pierre Beauchamp: L'étude de marché à laquelle vous faites allusion a été menée par votre comité. Ce n'est pas sur ce genre d'étude que nous nous prononçons aujourd'hui. Nos observations portent plutôt sur les amendements qui ont été proposés, ce qui est tout à fait différent, selon moi.

    Qu'est-ce qui déclencherait ce genre d'étude de marché? Qu'est-ce qui motiverait ce genre d'étude? Comme on l'a dit plus tôt, suffirait-il d'avoir fait un rêve? Vous vous réveillez un matin et vous décidez de mener une étude d'un secteur en particulier pour voir si vous ne pourriez pas y améliorer la concurrence?

    Le secteur que je suis venu représenter aujourd'hui est hautement concurrentiel. C'est un domaine où la concurrence est très forte. Nous offrons notre collaboration pleine et entière au Bureau de la concurrence. Tous nos membres ont un programme de conformité en béton. Tous nos membres savent comment la loi s'applique à leur secteur. S'il faut mener plus d'études, je ne vois pas pourquoi les outils existants ne suffiraient pas au bureau. Nous sommes prêts à parler ouvertement et franchement avec les représentants du Bureau de la concurrence. Nous pouvons faire le point sur notre secteur aussi souvent qu'il le souhaite, et nous le faisons déjà régulièrement.

À  +-(1045)  

+-

    M. Brian Masse: J'aimerais que M. Janigan réponde aussi. Je suis un peu insatisfait parce que j'ai posé une question précise sur notre examen d'ensemble du secteur du gaz et du pétrole... Le Bureau de la concurrence a déjà enquêté sur ce secteur, et vous ne m'avez pas dit en quoi le secteur a été touché. C'était ça, ma question.

+-

    Le président: Merci, Brian.

    Brièvement, monsieur Janigan, puis nous devrions avoir assez de temps pour trois dernières interventions.

+-

    M. Michael Janigan: Je ne crois pas que cette modification à la loi amènera le Bureau de la concurrence à utiliser avec insouciance ses ressources ou à les gaspiller. Jusqu'à présent, l'expérience nous prouve le contraire. Le Bureau de la concurrence a fait preuve d'une grande prudence dans l'exercice de cette fonction particulière.

    Si au sein du public ou ailleurs, on estime important qu'un secteur en particulier soit étudié à l'aide des autres ressources disponibles, sans vouloir manquer de respect aux comités parlementaires, pourquoi ne voudrait-on pas faire appel à un organisme indépendant et neutre qui dispose des ressources nécessaires dans le domaine que vous voulez étudier? Il me semble évident qu'on voudrait confier cette tâche au commissaire à la concurrence qui agirait aux termes de la loi et de façon indépendante. Voilà pourquoi nous appuyons ce projet de loi.

+-

    Le président: Merci, monsieur Janigan.

    Je voudrais que James, Marlene et Paul puissent poser leurs questions.

    James, allez-y.

+-

    M. James Rajotte: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Merci à vous tous d'être venus.

    Il me paraît important de se demander pourquoi on voudrait commander une étude de marché. Si c'est pour obtenir des informations ou à des fins d'enquête, il y a les comités parlementaires, le Conference Board et d'autres agences et organismes qui pourraient faire cela.

    Quand des gens me disent qu'il y a un problème au sein d'un secteur en particulier et qu'il faudrait enquêter, je souligne, comme l'a fait l'Association canadienne de l'immeuble dans son mémoire, à savoir que « une enquête officielle peut être entreprise de l'initiative personnelle du commissaire s'il a une raison de penser qu'il y a eu ou qu'il pourrait y avoir une contravention à la loi. En outre, le commissaire est obligé de procéder à une enquête si le ministre de l'Industrie lui en fait la demande ou s'il reçoit une demande à cet effet de la part de six résidents canadiens ». Par conséquent, si le ministre de l'Industrie estime qu'il y a un problème dans un domaine, qu'il y a un problème dans le secteur du pétrole et du gaz, il peut demander l'ouverture d'une enquête.

    Je le répète aux gens constamment; je leur dis, si vous pensez qu'il y a un problème dans un secteur en particulier, trouvez cinq autres personnes qui signeront une lettre. Je la présenterai à la commissaire qui agira.

    Moi, je suis convaincu que nous n'avons pas besoin de ce pouvoir de mener des études de marché. Tous les pouvoirs d'enquête nécessaires existent déjà. Les enquêtes peuvent être déclenchées de l'une ou l'autre des trois façons que je viens de décrire.

    Peut-être que M. Janigan pourrait nous dire pourquoi il juge que ces pouvoirs sont insuffisants.

+-

    M. Michael Janigan: Ces pouvoirs sont suffisants parce qu'il s'agit d'enquêter sur une entreprise ou un particulier ou une personne qui a vraisemblablement enfreint la loi ou est sur le point de le faire.

    En l'occurrence, il ne s'agit pas du cas où une personne demanderait tout à coup une enquête sur Wal-Mart, alléguant, par exemple, que cette société avait enfreint la Loi sur la concurrence. Il s'agit de déterminer pourquoi il n'y a pas assez de concurrence entre les détaillants au Canada. Il faut analyser la situation macro-économique, non pas pour montrer qui que ce soit du doigt mais pour avoir le pouvoir d'effectuer une enquête indépendante, équitable et objective. Ainsi, tous les acteurs politiques et toutes les personnes intéressées au processus pourront avoir accès aux conclusions de cette analyse.

    C'est tout à fait différent d'une enquête, qui vise à mettre en lumière un éventuel délit. À l'issue de ce processus, on détermine s'il y a lieu d'infliger des sanctions civiles ou pénales, et c'est la raison d'être de l'enquête.

+-

    M. James Rajotte: Pour pousser un peu plus loin votre raisonnement, monsieur Janigan, si nous voulons scruter le comportement de détaillants, pourquoi ne pas laisser au Conference Board du Canada le soin d'examiner l'ensemble de la question?

    Je ne veux pas éclabousser qui que ce soit. Nous lisons tous les pages financières et lorsqu'une entreprise ou un secteur fait l'objet d'une enquête, nous le remarquons, et les investisseurs de même. Nous devrions tous le reconnaître.

    Je comprends qu'on peut vouloir faire une enquête générale sans chercher à désigner des coupables. Dans ce cas, pourquoi ne pas confier toute cette tâche au Conference Board plutôt qu'à la commissaire de la concurrence? Si je lis dans le journal qu'une entreprise fait l'objet d'une enquête pour des activités anticoncurrentielles, je conclus tout de suite qu'il n'y a pas de fumée sans feu. Mais si je vois que c'est le Conference Board qui s'en charge, je ne tire pas les mêmes conclusions parce que je sais qu'il s'agit d'un organisme neutre et non partisan; j'en conclus qu'il fait simplement enquête sur l'industrie pour recueillir plus de renseignements à son sujet.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Merci, James.

+-

    M. Michael Janigan: D'après mon expérience, nos analystes en placements sont bien rompus aux subtilités de l'évaluation des marchés financiers. Je doute qu'une étude de marché portant sur l'ensemble d'une industrie aurait des répercussions aussi importantes que vous croyez sur le marché.

    Par ailleurs, si nous envisageons d'adopter un tel système c'est justement pour éviter les enquêtes dans lesquelles une société ou une entreprise est scrutée à la loupe. Il s'agit d'une étude de marché qui vise à détecter les entraves à la concurrence dans l'ensemble d'un secteur.

    Enfin, quant à savoir qui devrait effectuer ces études, je suis convaincu que le Conference Board a les ressources voulues, de même que d'autres organismes. Je crois cependant que le Commissariat de la concurrence dispose du plus grand nombre de ressources dont l'indépendance, l'objectivité et les connaissances poussées ne sont plus à démontrer.

+-

    M. James Rajotte: Permettez-moi d'ajouter, monsieur le président, que lorsque la commissaire a comparu devant notre comité, elle a déclaré manquer de ressources depuis des années. Toutes les parties en ont convenu. Si nous lui confions plus de pouvoirs et plus de responsabilités, ce manque de ressources engendrera des problèmes encore plus graves.

+-

    Le président: Merci, James.

    Madame McKenna, je vous demande d'être brève. Ce sera ensuite à Jerry.

+-

    Mme Catherine McKenna: J'aimerais préciser ce qu'a dit M. Janigan. Vous utilisez le mot « étude de marché » comme s'il s'agissait de quelque chose d'anodin. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit de pouvoirs d'enquête prévus par l'article 11. Une étude de marché réalisée en vertu des pouvoirs énoncés à l'article 11 est en fait une enquête.

+-

    Le président: Merci.

    À vous, Jerry.

+-

    L'hon. Jerry Pickard: Merci, monsieur le président. Je crois disposer de six minutes, pour avoir le même temps que l'opposition.

    Permettez-moi de répliquer à l'argument selon lequel ces enquêtes seraient faites à l'aveuglette. En toute honnêteté, nous savons que les recommandations comportent des paramètres précis. Les dispositions doivent être publiées dans la Gazette du Canada. L'industrie doit savoir quel est l'objet de l'étude. À moins que des accusations soient portées contre une entreprise, les mesures que peut prendre le Bureau de la concurrence sont strictement limitées. Vous avez raison de dire cependant que si le Bureau de la concurrence étudie un cas à l'heure actuelle, cela peut entraîner d'autres mesures. Cependant, s'il s'agit d'une étude, ce ne sera pas le cas.Par conséquent, cette orientation permettra au Bureau de la concurrence de mieux comprendre l'ensemble des répercussions, la nature vaste de l'industrie et les causes de certains phénomènes.

    Cela a un aspect crucial. Il ne s'agit pas du tout d'une enquête menée à l'aveuglette dans l'espoir de découvrir des irrégularités. Je ne pense pas qu'un ministère agirait de façon irresponsable. Les ministères prennent des positions tout à fait responsables.

    Plusieurs personnes ont indiqué que les administrateurs du Bureau de la concurrence ne sont pas nécessairement d'accord.Quant à moi, j'estime qu'ils sont tout à fait d'accord avec l'idée de pouvoir mener des études, des études portant sur une industrie.

    Beaucoup de témoins ont affirmé que cette étude serait préjudiciable pour les entreprises. D'autres ont signalé qu'il y a des pouvoirs limités dans certains pays. Il est très clair que les pouvoirs seront aussi très limités en l'occurrence. Le Bureau de la concurrence doit se limiter à mener une étude selon les paramètres prévus parce qu'ils sont tenus de faire en sorte que la population canadienne comprenne la structure et la portée de l'étude, en publiant de l'information à ce sujet dans la Gazette du Canada.

    On connaît les effets... De telles études sont très souvent effectuées dans d'autres pays: en Australie, au Royaume-Uni, aux États-Unis. Certains disent que ces études sont menées de façon exceptionnelle, mais les fonctionnaires du ministère et du Bureau de la concurrence m'ont indiqué très clairement qu'on se sert souvent de ce moyen pour examiner le fonctionnement des entreprises, pour mettre en lumière la combinaison de différents facteurs et pour déterminer les répercussions de certaines activités de l'industrie sur le consommateur.

    À mon avis, les amendements ne font que donner au Bureau de la concurrence les outils nécessaires pour procéder de façon raisonnable et bien structurée et il doit indiquer de façon très claire l'objet de ces mesures.

+-

    Le président: Voulez-vous que les témoins aient la possibilité de vous répondre, Jerry?

+-

    L'hon. Jerry Pickard: Je sais, monsieur le président, que j'ai le temps d'expliquer...

À  -(1055)  

+-

    Le président: Le temps alloué comprend habituellement les réponses.

+-

    L'hon. Jerry Pickard: ... ils auront peut-être moins de temps pour répondre.

    Je crois que nous devons protéger les entreprises qui oeuvrent dans tous les secteurs au Canada, mais nous avons aussi des responsabilités à l'endroit du consommateur. Le consommateur sera-t-il mieux servi en permettant à l'industrie de lui communiquer autant d'information...? En effectuant des études, le Bureau de la concurrence pourra accélérer la transmission de l'information des entreprises aux consommateurs.

+-

    Le président: Merci, Jerry.

    M. Beauchamp, puis M. Dillon.

+-

    M. Pierre Beauchamp: Je crois comprendre que le Bureau n'a pas à porter d'accusations pour amorcer une étude en vertu de l'article 11. Il peut simplement...

+-

    L'hon. Jerry Pickard: Il le fait à la suite d'une plainte.

+-

    M. Pierre Beauchamp: Il n'a donc pas besoin de porter des accusations contre une organisation, une industrie ou une entreprise pour faire les études nécessaires. En vertu de l'article 11, qui autorise des perquisitions et saisies rétroactives, il peut exiger de l'entreprise en question de recueillir tous les documents dont il a besoin. Après en avoir pris connaissance, il peut prendre n'importe quelle décision, y compris de mettre fin à toutes les démarches, ce qu'il fait souvent.

+-

    L'hon. Jerry Pickard: Mais c'est très limité, et il faut qu'il y ait une plainte.

+-

    M. Pierre Beauchamp: Non, l'étude peut être suffisamment vaste afin de leur permettre d'examiner tous les aspects d'un sujet en particulier en vertu de l'article 11.

+-

    Le président: Monsieur Dillon, la parole est à vous.

+-

    M. John Dillon: Merci, monsieur le président.

    Monsieur Pickard, je ne suis pas spécialiste des procédures régissant le Bureau, mais je ne pense pas que le Bureau ne puisse agir que s'il y a plainte. Il a certainement assez de pouvoirs aujourd'hui pour étudier l'industrie de sa propre initiative, sans qu'il y ait eu plainte.

    Les préoccupations qui ont été soulevées concernent la possibilité d'études complètement transparentes. L'amendement, tel que j'ai pu le voir, énonce qu'un avis devra être publié dans la Gazette du Canada. L'amendement ne dit rien à propos de la portée de cette étude. Il ne stipule pas non plus qu'il faille déterminer la portée de l'étude de façon à ce que certaines personnes se sentent plus à l'aise. Pour l'instant, tout est transparent.

    Très honnêtement, le Bureau fonctionne de la manière dont il fonctionne. Il a des pouvoirs d'enquête. Dans certains cas, il a des relations conflictuelles avec certaines entreprises et certains secteurs, et c'est très bien comme ça. Si ce que nous souhaitons, c'est une étude tout à fait impartiale, non biaisée et exhaustive, elle peut se faire ailleurs sans que ce type de préoccupation ne soit soulevée.

+-

    Le président: Merci, monsieur Dillon.

    On est sur le point de nous jeter dehors.

    Paul, très brièvement.

[Français]

+-

    M. Paul Crête: M. Dillon a émis des commentaires concernant un de nos amendements. Je voudrais revoir ce texte, après notre rencontre.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, Paul.

    Avant de conclure, j'aimerais remercier nos témoins. Je souhaiterais également faire savoir à mes collègues que le projet de loi C-55 a disparu.

    De plus, nous travaillons au jour le jour. Je me montrerai peut-être plus éloquent jeudi, mais nous savons que Werner et Jerry prennent leur retraite. Alors, au cas où l'un d'entre eux ne serait pas ici jeudi, ou bien que l'un d'entre nous n'y soit pas, j'aimerais vous remercier d'avoir été membres de ce comité. Je voudrais vous remercier de votre travail assidu depuis 1993 dans le cas de Werner, et depuis 1988 dans le cas de Jerry. Merci beaucoup de vos services rendus au sein de ce comité.

    Paul, souhaitez-vous faire un rappel au Règlement?

[Français]

+-

    M. Paul Crête: C'est la deuxième fois qu'on les remercie, mais, considérant le travail qu'ils ont accompli, on peut dire qu'ils le méritent bien. Cependant, j'espère qu'il n'y aura pas de troisième fois.

    Des voix: Ah, ah!

[Traduction]

-

    Le président: Je n'en suis pas certain.

    Merci à nos témoins.

    Nous nous réunirons de nouveau ici, ou ailleurs, jeudi à 9 heures, je l'espère.

    La séance est levée.