INDU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 2 décembre 2004
¹ | 1535 |
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.)) |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
Le président |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Brian Masse |
Le président |
M. James Rajotte (Edmonton—Leduc, PCC) |
Le président |
M. James Rajotte |
Le président |
M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC) |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard (Chatham-Kent—Essex, Lib.) |
¹ | 1540 |
Le président |
L'hon. Denis Coderre (Bourassa, Lib.) |
Le président |
L'hon. Denis Coderre |
Le président |
L'hon. Denis Coderre |
Le président |
Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien) |
M. Donald Affleck (président, Section nationale du droit de la concurrence, Association du Barreau canadien) |
Le président |
M. Donald Affleck |
Le président |
M. Donald Affleck |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
Le président |
M. John Dillon (vice-président, Affaires réglementaires et avocat-conseil, Conseil canadien des chefs d'entreprise) |
º | 1600 |
º | 1605 |
M. Donald Affleck |
M. John Dillon |
Le président |
M. Michael Murphy (premier vice-président, Politiques, Chambre de commerce du Canada) |
Le président |
M. Tim Kennish (président, Groupe de travail sur le droit et la politique de la concurrence (co-président, Osler, Hoskin et Harcourt LLP), Chambre de commerce du Canada) |
º | 1610 |
º | 1615 |
Le président |
M. Tim Kennish |
º | 1620 |
Le président |
M. Werner Schmidt |
M. Tim Kennish |
M. Werner Schmidt |
M. Tim Kennish |
M. Donald Affleck |
º | 1625 |
Le président |
M. Tim Kennish |
M. Donald Affleck |
Le président |
M. Donald Affleck |
Le président |
M. Werner Schmidt |
M. Donald Affleck |
M. Werner Schmidt |
M. Donald Affleck |
M. Werner Schmidt |
M. Donald Affleck |
M. Werner Schmidt |
M. Donald Affleck |
º | 1630 |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ) |
M. Donald Affleck |
M. Tim Kennish |
M. Donald Affleck |
Le président |
M. Tim Kennish |
Le président |
M. Serge Cardin |
M. John Dillon |
º | 1635 |
Le président |
M. Tim Kennish |
M. Donald Affleck |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard |
º | 1640 |
M. Michael Murphy |
L'hon. Jerry Pickard |
M. Michael Murphy |
L'hon. Jerry Pickard |
Mme Tamra Thomson |
L'hon. Jerry Pickard |
M. Donald Affleck |
L'hon. Jerry Pickard |
º | 1645 |
M. Donald Affleck |
L'hon. Jerry Pickard |
M. Donald Affleck |
L'hon. Jerry Pickard |
M. Donald Affleck |
L'hon. Jerry Pickard |
M. Donald Affleck |
L'hon. Jerry Pickard |
M. Donald Affleck |
L'hon. Jerry Pickard |
M. Donald Affleck |
L'hon. Jerry Pickard |
M. Donald Affleck |
L'hon. Jerry Pickard |
M. Donald Affleck |
Le président |
M. Donald Affleck |
L'hon. Jerry Pickard |
M. Tim Kennish |
º | 1650 |
Le président |
M. John Dillon |
L'hon. Jerry Pickard |
M. John Dillon |
Le président |
M. Brian Masse |
M. John Dillon |
º | 1655 |
M. Brian Masse |
M. Donald Affleck |
M. Brian Masse |
Le président |
M. James Rajotte |
M. Tim Kennish |
M. James Rajotte |
M. Donald Affleck |
» | 1700 |
Le président |
M. Tim Kennish |
M. James Rajotte |
» | 1705 |
M. Tim Kennish |
M. Donald Affleck |
Le président |
M. James Rajotte |
M. Donald Affleck |
Le président |
M. Tim Kennish |
» | 1710 |
Le président |
M. John Dillon |
Le président |
M. Serge Cardin |
Le président |
M. John Dillon |
» | 1715 |
Le président |
M. Tim Kennish |
Le président |
M. Serge Cardin |
Le président |
M. Donald Affleck |
Le président |
M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC) |
» | 1720 |
Le président |
M. John Dillon |
Le président |
M. Tim Kennish |
Le président |
M. Michael Chong |
» | 1725 |
M. Donald Affleck |
M. Michael Chong |
M. Donald Affleck |
Le président |
M. Tim Kennish |
» | 1730 |
Le président |
M. John Dillon |
M. Donald Affleck |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 2 décembre 2004
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.)): Je déclare ouverte la deuxième séance du Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie.
Je souhaite la bienvenue aux témoins que nous allons entendre aujourd'hui qui représentent trois organisations très importantes. Je vais vous les présenter dans quelques minutes.
Nous venons de recevoir un avis de motion—présenté à la toute dernière minute, si je peux m'exprimer ainsi—qui émane de Brian Masse du NPD. Je vais lui demander de vous la présenter dans un instant, mais je tiens à dire aux membres du comité que nous avons ramené de 48 à 24 heures le délai dans lequel il convient de présenter les avis de motion. Je vais peut-être demander au greffier de préparer une motion indiquant qu'il faut présenter dans les deux langues les motions soumises dans le délai de 24 heures, étant donné que le greffier doit obtenir la traduction des motions avant de pouvoir les distribuer aux autres membres du comité
Je ne refuserai pas d'examiner cette motion, mais j'ai déjà fait ce commentaire; selon la nouvelle règle que nous avons adoptée, il serait très utile de recevoir les motions dans les deux langues de façon à pouvoir les distribuer immédiatement à nos collègues. Mais nous allons examiner celle-ci.
Je vais d'abord lire la motion pour le compte rendu et demander ensuite à Brian de la présenter mais, avant de procéder ainsi, je dirais simplement que le but de cette motion me paraît acceptable, même si la seconde partie relie la motion à la deuxième lecture, ainsi qu'au dépôt d'un projet de loi par le gouvernement du Canada, conditions qui ne sont peut-être pas acceptables. Autrement dit, vous pouvez demander la suspension des audiences au sujet du projet de loi C-19 et fournir les raisons pour lesquelles vous présentez une telle motion dans vos commentaires mais pour ce qui est de la motion elle-même, la validité de la seconde partie me paraît douteuse.
Seriez-vous d'accord pour que je lise cette motion jusqu'aux mots «suspendre les audiences au sujet du projet de loi C-19»?
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Je n'ai aucun problème avec cela, monsieur le président.
Le président: Je déclare donc l'autre partie de la motion irrecevable, mais vous pourrez expliquer cela dans votre commentaire et préciser que vous ne demandez pas que la suspension prenne effet immédiatement.
Je vais la lire. La motion demande au comité de suspendre les audiences au sujet du projet de loi C-19, point final.
Je vais maintenant demander à Brian de vous expliquer sa motion.
M. Brian Masse: Merci, monsieur le président.
Le président: Je vais demander à nos témoins de patienter quelques minutes. Merci.
M. Brian Masse: Merci, monsieur le président. Je vais être bref pour ne pas retarder davantage l'audition de nos témoins et aussi pour mentionner que cela ne vise pas notre séance d'aujourd'hui—nous voulons bien sûr entendre les témoins. Je propose cette motion parce que le gouvernement s'est engagé à modifier la loi de l'impôt, à supprimer la possibilité de déduire les amendes aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est une mesure qui figurait dans le budget du ministre il y a un an, qui avait été promise, qui a déjà fait l'objet de discussion et qui n'a toujours pas été prise.
D'après notre service de recherche, que je remercie ici pour le travail qu'il a effectué, il existe effectivement un projet de loi qui n'a pas encore été déposé. Je trouve la situation très irritante, en particulier après la recherche qui a été effectuée, parce que les amendes qui ont été imposées à des sociétés pour des pratiques prédatrices ayant causé un préjudice aux consommateurs et aux autres entreprises pourront éventuellement être déduites de leurs impôts à la fin de l'année.
Nous sommes loin d'un gouvernement transparent. Le gouvernement n'envoie pas un message clair et je trouve cela frustrant parce que nous sommes en train d'étudier la question des amendes et que les sociétés qui adoptent des comportements prédateurs et des pratiques déloyales à l'égard des consommateurs ainsi qu'à l'égard d'autres entreprises peuvent encore les déduire de leurs impôts.
Mon intention est donc d'indiquer au gouvernement que notre comité peut aborder d'autres questions et de l'inviter à donner suite à la promesse qu'il a faite dans le budget. Cela me paraît une façon acceptable de procéder, étant donné que notre comité a beaucoup de questions à étudier et j'aimerais que cela soit rectifié pour que nous puissions ensuite reprendre notre étude du projet de loi C-19.
Le président: Y a-t-il des commentaires au sujet de la motion de Brian?
James
M. James Rajotte (Edmonton—Leduc, PCC): Merci, monsieur le président. Veuillez m'excuser de mon retard, mais je voulais simplement une précision. Nous pouvons effectivement voter la motion telle que modifiée, parce que le point se trouve après «projet de loi C-19».
Je tiens à signaler pour le compte rendu que le Parti conservateur ne souscrit pas nécessairement au motif mentionné par mon honorable collègue, mais nous sommes en faveur de la motion si elle est modifiée de façon à ce qu'elle se termine après les mots «projet de loi C-19».
Le président: Il est simplement proposé que le comité suspende les audiences au sujet du projet de loi C-19.
M. James Rajotte: C'est le texte intégral de la motion telle qu'elle est en ce moment, n'est-ce pas?
Le président: Oui.
En attendant d'obtenir une décision du greffier de la Chambre à ce sujet, je dirais que cela veux dire oui, que...
Cela pourrait vouloir dire aujourd'hui, si...
M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC): Ce n'est pas ce que je veux faire.
Le président: Werner, voulez-vous ajouter une modification pour que les audiences au sujet du projet de loi C-19 soient suspendues à partir de 17 h 30 aujourd'hui?
M. Werner Schmidt: Oui.
Le président: Très bien, la motion est donc modifiée pour que le comité suspende les audiences au sujet du projet de loi C-19 à partir de 17 h 30, aujourd'hui, le 2 décembre 2004.
M. Werner Schmidt: Très bien. C'est parfait.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?
Jerry.
L'hon. Jerry Pickard (Chatham-Kent—Essex, Lib.): Monsieur le président, je me demande si la motion qui est présentée est vraiment conforme à l'esprit des modifications que propose le projet de loi C-19. Je dois dire que je ne le crois pas.
C'est la situation actuelle. Il est sans doute assez facile de trouver une disposition d'un projet de loi et de dire que le comité doit suspendre son examen du projet de loi parce que cette disposition est inacceptable. Franchement, si l'opposition s'oppose vraiment à ce que les modifications du projet de loi C-19 ou à ce que le projet de loi C-19 soit adopté, les députés peuvent voter en faveur de la motion présentée, mais ils ne devraient pas utiliser un prétexte pour empêcher l'adoption d'une mesure législative fédérale. Il faut examiner le projet de loi tel qu'il est.
Il est effectivement possible de présenter n'importe quel genre de motion. Il faut par contre se demander si les modifications à la Loi sur la concurrence qui sont proposées ici sont souhaitées par la plupart des Canadiens. S'agit-il d'un projet de loi raisonnable et équilibré?
Si un parti veut se servir d'un prétexte pour bloquer une mesure gouvernementale, il peut le faire, si c'est vraiment ce qu'il souhaite. Mais je me demande si notre comité a pour rôle d'étudier les projets de loi ou de bloquer le mécanisme parlementaire.
¹ (1540)
Le président: Merci, Jerry.
Y a-t-il d'autres commentaires avant que nous mettions au vote la motion sous sa forme actuelle, et qui propose que le comité suspende les audiences au sujet du projet de loi C-19 à partir de 17 h 30 le 2 décembre?
L'hon. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Je demande un vote par appel nominal.
(La motion est adoptée par 7 voix contre 3.)
Le président: Puisqu'il n'y a pas d'autres points à l'ordre du jour, à part l'audition des témoins qui sont ici aujourd'hui—et j'espère que vous ne prenez pas personnellement ces discussions très importantes—, nous avons aujourd'hui des représentants de...
Il y a un appel au Règlement, Denis.
[Français]
L'hon. Denis Coderre: Monsieur le président, je prends note de la décision de mes collègues. Je veux qu'on indique très clairement que je trouve cette décision totalement irresponsable et que je mets même en doute la capacité de ce comité à faire un travail. Je ne vois pas la pertinence de continuer le travail aujourd'hui.
[Traduction]
Le président: Ce n'est pas un appel au Règlement.
[Français]
L'hon. Denis Coderre: Je demande qu'on suspende immédiatement le travail.
[Traduction]
Le président: Quoi qu'il en soit, je vous remercie de cette intervention, mais ce n'est pas un appel au Règlement.
Je vais donc inviter nos témoins, qui représentent l'Association du barreau canadien, le Conseil canadien des chefs d'entreprise et la Chambre du commerce du Canada, à prendre la parole.
Nous allons commencer avec l'Association du barreau canadien. Je pense que Mme Thomson va parler en premier.
Je vais demander aux témoins de parler pendant huit à 12 minutes, ou en moyenne une dizaine de minutes pour chacun des trois groupes, ce qui nous donnera du temps pour les questions. Merci.
Je vous invite à commencer, madame Thomson.
Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité. Nous sommes très heureux de comparaître devant votre comité aujourd'hui au nom de la section nationale du droit de la concurrence de l'Association du barreau canadien.
L'Association du barreau canadien est une association nationale qui représente plus de 38 000 juristes dans tout le Canada. La section du droit de la concurrence est composée d'avocats qui pratiquent et se spécialisent dans le domaine de la concurrence , de sorte qu'ils sont bien placés pour vous parler de cette question aujourd'hui.
Parmi les objectifs prioritaires de l'association, figure l'amélioration du droit et de l'administration de la justice, et c'est dans cet esprit que nous vous présentons aujourd'hui nos observations.
Je vais demander à M. Affleck, le président de la section du droit de la concurrence, de vous présenter nos commentaires sur ce projet de loi.
Vous avez devant vous un exemplaire de notre mémoire.
M. Donald Affleck (président, Section nationale du droit de la concurrence, Association du Barreau canadien): Monsieur le président, j'ai le sentiment d'être favorisé, compte tenu de la motion que vous venez d'adopter. C'est bien sûr un plaisir d'être ici.
Le président: Votre témoignage aura peut-être des conséquences historiques...
M. Donald Affleck: En effet.
Le président: ... et sera peut-être l'un des derniers témoignages au sujet du projet de loi C-19. Je n'en sais rien.
M. Donald Affleck: Je suis heureux que le comité accepte d'entendre ce témoignage.
Nous avons préparé un mémoire à l'intention du comité. Le mémoire indique que nous appuyons l'abrogation des articles 50 et 51 de la Loi sur la concurrence, qui sont les dispositions pénales actuelles relatives à la discrimination par les prix, aux prix d'éviction, à la discrimination géographique par les prix et aux remises promotionnelles discriminatoires.
Notre association appuie également les parties du projet de loi C-19 qui ont pour but d'abroger les dispositions spécifiques à l'industrie aéronautique et à apporter des modifications corrélatives. L'appui qu'accorde la section de la concurrence aux modifications proposées ne porte pas cependant sur les dispositions touchant les sanctions administratives pécuniaires ni sur les dispositions connexes que l'on trouve dans le projet de loi qui visent à modifier les dispositions actuelles relatives aux pratiques commerciales et à l'abus de position dominante.
Les dispositions relatives aux pratiques commerciales se trouvent au début du projet de loi, au début de la loi, je vais donc en traiter en premier lieu. Je pense que la meilleure façon de présenter mon argument est de vous donner un exemple. Supposons que nous possédons une petite chaîne de pharmacies comprenant deux ou trois magasins à Saskatoon, Lindsay, en Ontario ou à Trois-Rivières. Elle publie une annonce dans un journal local, dans une circulaire, et je dois vous dire que cela est tiré d'une affaire réelle, même si j'ai changé les noms des parties, monsieur le président. Cette annonce se lit ainsi: «Le meilleur prix sur tous les articles, tous les jours, que ce soit des médicaments, des vitamines, des prescriptions ou des articles de toilette».
Supposons qu'il soit possible d'acheter trois articles du magasin à un prix moindre dans une autre pharmacie, que ce concurrent porte plainte, que le Bureau de la concurrence fasse enquête et constate que le propriétaire exploitant de la chaîne de pharmacies a effectivement comparé les prix avant de placer cette annonce mais n'a pas fait un excellent travail, ce qui veut dire qu'il y a des erreurs dans l'annonce.
Si cela s'était produit le mois dernier—en novembre 2004—, qu'aurait pu faire le Bureau de la concurrence? Premièrement, il aurait pu porter une accusation pénale contre le propriétaire aux termes de l'article 52, ou du moins, menacer de le faire. Deuxièmement, il aurait pu également poursuivre l'assistant du propriétaire, qui a rédigé l'annonce et l'a fait publier dans le journal; le propriétaire/exploitant s'apercevrait qu'il est passible d'une sanction—une amende maximale de 200 000 $ si lui ou la société était poursuivi par voie de procédure sommaire, ou une amende dont le montant serait fixé par la cour si la Couronne procédait par voie d'acte d'accusation et qu'il pourrait peut-être faire l'objet d'une ordonnance judiciaire qui lui interdirait de violer cette loi, ordonnance qui resterait en vigueur pendant dix ans.
En novembre 2004, le Bureau de la concurrence aurait également pu dire au propriétaire qu'il allait régler cette affaire aux termes de l'article 74.01, une disposition de nature civile, qui peut déboucher sur une ordonnance d'interdiction—l'obligation de publier un avis dans les journaux ou dans une autre circulaire indiquant que les annonces étaient fausses et trompeuses sur certains points, accompagné d'explications, et sur une sanction administrative pécuniaire plafonnée à 50 000 $ ou 100 000 $, dans le cas d'un particulier, et à 100 000 $ ou 500 000 $, dans le cas d'une société.
Il y a un fait que je ne vous ai pas mentionné, monsieur le président et les membres du comité. Ce propriétaire a violé en 1989 ce qui était alors la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions. Il avait fait publier une annonce qui mentionnait qu'en achetant une pellicule au prix courant de 11,99 $, on pouvait en acheter une deuxième pour 5,99 $. Le problème était que le prix courant était de 10,79 $ et non pas de 11,99 $. Il n'a pas contesté ce fait. Il a plaidé coupable en 1989 et a été condamné à payer une amende de 1 000 $.
Plaçons-nous maintenant en 2005, dans la même situation, à part le fait que les modifications introduites par le projet de loi C-19 ont été adoptées et sont entrées en vigueur.
¹ (1545)
Le propriétaire/exploitant pourrait encore faire l'objet de poursuites pénales, et se voir infliger des amendes et une ordonnance d'interdiction, mais aux termes des dispositions soi-disant civiles, la situation serait modifiée de façon dramatique.
Premièrement, l'amende ou la sanction administrative pécuniaire dans le cas d'un particulier, serait plafonnée à 1 million de dollars et à 15 millions de dollars si le propriétaire exploitait son entreprise sous le nom d'une société. Cela vient du fait que cet homme est un récidiviste, qu'il a déjà contrevenu à une disposition pénale—puisqu'il a été déclaré coupable en 1989. D'après la loi, il est très clair qu'aux termes du paragraphe 74.1(6), cela serait considéré comme une deuxième ordonnance prise contre lui.
Nous avons parlé de la déductibilité de l'impôt, je crois. Il semble que ces amendes ne seraient pas déductibles d'impôt. Il y a eu un budget en 2004. L'Agence du revenu du Canada a publié un bulletin révisé indiquant que ces amendes ne seraient pas déductibles. L'agence cite la Loi sur la concurrence. Bien sûr, elle doit attendre que cette partie du budget soit adoptée. Je crois que quelqu'un a posé cette question lorsque des représentants du Bureau de la concurrence ont comparu devant vous, et la réponse n'a pas été très claire; il est cependant clair que c'est ce que propose le gouvernement.
Mais ce n'est pas tout. Avec ces modifications, le tribunal pourrait délivrer une ordonnance, ce que j'appelle une ordonnance de recours collectif, obligeant notre propriétaire/exploitant à créer un fonds qui serait alimenté par les recettes réalisées par les magasins sur la vente des trois articles qui ont fait l'objet d'une indication trompeuse, pendant la période visée par lesdites annonces.
Je crois que des membres du comité ont dit que cela constituait un dédommagement. Cela revient à rendre quelque chose aux consommateurs. Ce n'est pas ce que dit la loi. Elle ne parle pas de dédommagement. Elle dit que cet argent doit être versé «aux personnes auxquelles les produits visés ont été vendus». La loi ne parle pas de personnes qui ont perdu de l'argent, de personnes qui ont subi un préjudice, ce qu'elle aurait pu facilement faire.
Dans mon exemple, les clients de Saskatoon, Trois-Rivières ou Lindsay estimeront peut-être le propriétaire/exploitant, qu'ils connaissent bien, puisque ce sont des collectivités relativement petites—cela pourrait être Moose Jaw—a déjà assez souffert. Il a été obligé de retenir les services du meilleur avocat de la ville, par exemple, et ces personnes ne vont pas réclamer les sommes qui se trouvent dans le fonds, toutes les sommes qui y ont été versées.
Est-ce que cet argent lui revient? Le projet de loi répond que non. L'argent qui reste après avoir payé les avis, informé la population de l'existence d'un fonds, rémunéré les services d'un comptable ou d'un cabinet de comptables pour administrer le fonds—c'est lui qui doit payer ces frais-là—est remis à un organisme sans but lucratif. Le projet de loi n'exige aucunement que cet organisme sans but lucratif ait des liens avec la collectivité où est exploitée cette entreprise.
Je dirais aux députés que cette modification revient à lever un impôt sans obtenir l'approbation du Parlement.
Cette situation est déjà assez terrible, mais revenons à notre propriétaire. Il avait envisagé de prendre sa retraite et de cesser ses activités, décision qui était connue de tous. Il aurait lieu de s'inquiéter si le bureau apprenait tout cela. Le bureau pourrait demander un genre d'injonction, une ordonnance qui l'empêcherait de vendre ses biens. Cette modification figure à l'article 6 de votre projet de loi.
Après tout ceci, pourrait-on reprocher au propriétaire du magasin de se dire: «J'aurais bien mieux fait d'aller parler à mon concurrent et de le convaincre de s'entendre avec moi sur les prix». Le pire qui aurait pu lui arriver en vertu de cette loi serait une amende de 10 millions de dollars, et personne n'a jamais payé un tel montant.
Il est certain qu'il ne republiera jamais ce genre d'annonce.
Du point de vue juridique, il paraît difficile d'éviter de conclure qu'on a préparé ces modifications pour tenter de contourner les règles d'équité procédurale de notre système juridique.
Je m'interroge sur la constitutionnalité de ces dispositions, aspect qui est mentionné dans le mémoire, ainsi que celle de la disposition prévoyant un recours quasi collectif, la disposition qui crée un fonds.
¹ (1550)
Cela peut toucher la propriété et les droits civils dans la province, et pour ce qui est de la peine, qui est bien ce qu'évoque ce genre d'amende, l'article ne contient pas les protections qui sont habituellement associées aux sanctions pénales. J'invite le comité à demander au Bureau de la concurrence ou aux responsables de cette mesure législative de vous communiquer l'avis constitutionnel qui garantit que ces dispositions peuvent être valablement adoptées par le Parlement et ne sont pas contraires à la Charte des droits et libertés.
En résumé, rien n'indique que les sanctions administratives pécuniaires actuelles nuisent à l'application de ces articles. En fait, la commissaire a déjà conclu des ententes à l'amiable bien supérieures au montant des pénalités administratives mentionnées dans ces articles. La commissaire a obtenu 1,7 million de dollars d'une société de l'ouest du Canada et 1 million de dollars d'une autre. Les ordonnances de cesser et de s'abstenir ainsi que la publication de correctifs sont habituellement suffisantes. Ce sont des dispositions de nature civile. Il y a des dispositions pénales pour réprimer les comportements inadmissibles et il n'existe aucune raison de les modifier. J'estime que ces modifications sont inhabituelles, inutiles, inappropriées, inconstitutionnelles et incompatibles avec le rapport du comité de 2002.
Merci.
¹ (1555)
Le président: Merci, monsieur Affleck et madame Thomson.
Nous allons maintenant donner la parole à John Dillon, du Conseil canadien des chefs d'entreprise.
M. John Dillon (vice-président, Affaires réglementaires et avocat-conseil, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Merci, monsieur le président.
Je tiens d'abord à vous remercier de me donner l'occasion de comparaître devant votre comité, qui a été nouvellement formé. Nous pensons que le mandat qui a été confié à votre comité est très vaste et qu'il revêt une importance critique. Nous envisageons avec plaisir de travailler avec vous à élaborer des politiques et des programmes qui pourront accentuer l'avantage économique du Canada, en particulier dans les industries manufacturières et les ressources ainsi que dans le secteur de la science et de la technologie.
Je n'ai pas besoin de rappeler aux membres du comité que le rythme du changement sur le marché s'accélère constamment et que, par conséquent, notre droit de la concurrence et nos autres politiques économiques générales doivent suivre ces changements. Il est important que le Canada continue à demeurer un endroit qui attire les investisseurs et qui permette aux entreprises d'être concurrentielles sur le plan international. Si nous voulons que nos sociétés réussissent dans cette arène internationale aussi changeante, il faut que nos politiques renforcent leur capacité de maintenir et même d'accélérer le rythme de leurs innovations.
En particulier, les modifications à la Loi sur la concurrence devraient faciliter plutôt que décourager le genre d'alliances stratégiques et d'ententes commerciales que les entreprises utilisent de plus en plus fréquemment pour pouvoir fonctionner efficacement sur le marché mondial. Il va sans dire que le fait d'avoir des entreprises dynamiques exerçant leurs activités à partir du Canada est la meilleure façon d'assurer aux Canadiens des emplois et d'autres avantages sociaux et de fournir aux consommateurs canadiens des produits utiles à des prix compétitifs.
Comme certains membres du comité le savent certainement, mon organisation a participé activement au cours des années à l'examen des modifications apportées à cette loi et, dans l'ensemble, nous avons appuyé l'approche utilisée par le bureau et le gouvernement pour améliorer progressivement cette loi.
Cependant, une telle approche comporte certains inconvénients. Nous craignons, je vous le dis très franchement, que l'on perde de vue les réalités plus larges du commerce mondial et les tendances qui, même si elles se produisent surtout à l'extérieur de nos frontières, ont une profonde incidence sur la compétitivité et la croissance des entreprises canadiennes.
C'est pourquoi il serait peut-être bon que le comité se demande si la Loi sur la concurrence actuelle et les modifications proposées ici vont vraiment aider les entreprises canadiennes à devenir des entreprises plus dynamiques. La réalité est que, compte tenu de la taille du marché canadien et de la nature de la concurrence que l'on retrouve sur les marchés internationaux, une certaine concentration dans certains secteurs est non seulement inévitable mais souhaitable. Les entreprises canadiennes doivent avoir la taille, les compétences, les efficiences et la capacité nécessaires pour livrer une concurrence efficace aux grandes multinationales.
La plupart des grandes entreprises canadiennes, et même un bon nombre des petites et moyennes entreprises, ne subissent plus seulement la concurrence des entreprises de notre marché, ni même celle des entreprises établies aux États-Unis; elles doivent plutôt faire face à la concurrence des sociétés européennes, japonaises, mexicaines, coréennes, ainsi qu'à celle de nouveaux acteurs comme la Chine, l'Inde et le Brésil. Nous savons que de nombreux secteurs importants pour l'économie canadienne sont maintenant dominés par quelques grands joueurs mondiaux, dont certains sont basés au Canada, mais nos entreprises ont besoin d'avoir cette envergure et cette taille pour avoir les moyens de lutter efficacement contre les autres.
Comment la politique canadienne en matière de concurrence fait-elle face à ce défi? Je sais que votre comité, notamment, s'est intéressé récemment à certaines transactions qui pourraient amener des sociétés étrangères, voire même des gouvernements étrangers, à faire des investissements importants dans quelques-unes de nos plus grandes sociétés. Cela a sans doute suscité quelques inquiétudes au Canada, mais la véritable question est la suivante: si c'était des grandes sociétés canadiennes, plutôt que des sociétés étrangères, qui souhaitaient prendre le contrôle de ces sociétés, que diraient les autorités canadiennes de réglementation de la concurrence à ce sujet?
Je crains que bien souvent ce genre de fusion ne serait pas approuvée, même si une fusion aurait probablement pour effet de donner naissance à un concurrent plus dynamique avec un siège social situé au Canada, et tous les avantages marginaux que cela apporte à notre pays, et qu'il serait mieux en mesure de faire concurrence à ces acteurs étrangers. Cela s'explique principalement par la façon assez restreinte dont est définie la concurrence lorsqu'il s'agit du marché canadien.
J'espère que votre comité décidera de réfléchir longuement à ces questions lorsque vous reprendrez, comme je le pense, l'examen de ce projet de loi au moment que vous estimerez approprié.
Pour en revenir aux dispositions particulières du projet de loi C-19, nous appuyons, comme l'ont mentionné nos collègues de l'Association du barreau canadien, quelques modifications qui permettront, d'après nous, au gouvernement de réaliser son objectif de moderniser la loi—en particulier, l'abrogation des dispositions pénales en matière de fixation des prix et la suppression des dispositions visant les compagnies aériennes. Cette dernière mesure est importante parce qu'elle indique clairement qu'il s'agit là d'une loi d'application générale et que tous les acteurs commerciaux doivent respecter les mêmes règles.
º (1600)
Cependant, tout comme nos collègues avocats, notre organisation entretient de sérieuses réserves au sujet des propositions relatives aux sanctions administratives et pécuniaires, tant en ce qui concerne l'examen de l'article 79 que du régime civil des pratiques susceptibles d'examen, ainsi qu'à l'égard des sanctions administratives pécuniaires dans la mesure où elles sont applicables aux dispositions relatives à la publicité trompeuse.
Je ne pense pas que je pourrais ajouter quoi que ce soit à ce que M. Affleck a déjà déclaré sur ce dernier sujet, mais pour ce qui est de l'article 79, je tiens à répéter que le régime civil des pratiques susceptibles d'examen dont fait partie l'article 79 est fondé sur l'hypothèse que la plupart de ces comportements et de ces activités sont en fait conformes à la loi et favorisent même peut-être la concurrence. C'est toutefois un jugement qui relève du tribunal, une fois examiné l'ensemble des preuves et des comportements adoptés. Je ne suis pas très sûr qu'une sanction administrative pécuniaire du montant proposé, fixée après coup par le tribunal, soit vraiment équitable ou ait effectivement un effet dissuasif, puisqu'il s'agit d'un jugement rendu a posteriori.
Nous avons également quelques réserves au sujet de la disposition du projet de loi C-19 qui attribue au commissaire le pouvoir de demander un dédommagement dans les cas d'indications fausses ou trompeuses. Je comprends que le bureau puisse prendre des mesures lorsque les consommateurs ont été fraudés, ce que j'appuie totalement; cependant, comme mon collègue l'a, je pense, bien montré, il existe parfois une différence importante entre une annonce trompeuse et une véritable fraude, par exemple, lorsqu'un groupe de consommateurs identifiable a acheté un produit sans aucune utilité, le dédommagement peut être un recours approprié; nous ne pensons toutefois pas qu'il y ait lieu d'utiliser aussi largement un tel recours, comme le propose le projet de loi.
Enfin, je vais aborder brièvement quelques aspects qui ne touchent pas le projet de loi C-19 mais que j'estime nécessaire d'aborder, parce que, d'une part, nous sommes au courant des consultations en cours et, d'autre part, parce que la commissaire, lorsqu'elle a comparu ici la semaine dernière, a parlé en détail des sujets qui sont en train d'être examinés par le bureau.
Le premier touche l'article 45, l'examen des dispositions relatives au complot criminel. Comme vous l'ont certainement indiqué les discussions qui ont porté sur le document publié par le gouvernement l'année dernière et le rapport du Forum des politiques publiques, ce sujet a été examiné de façon très approfondie. Il me paraît très clair que les spécialistes du droit de la concurrence et les intéressés entretiennent des opinions très diverses à ce sujet. En fait, il n'y a pas de consensus pour le moment sur l'utilité de réformer l'article 45—pour traiter, bien entendu, des alliances stratégiques.
Personne ne conteste qu'il faut des dispositions pénales efficaces pour sanctionner les ententes en matière de cartel; il serait par contre tout à fait inapproprié d'exiger que les différents types d'accords que concluent des concurrents ou des concurrents potentiels—qui peuvent en fait favoriser la concurrence et servir à financer de nouvelles recherches sur de nouveaux produits dans le but de pénétrer sur de nouveaux marchés, et que les ententes que concluent toutes les entreprises, grandes ou petites, pour essayer d'innover davantage et de s'introduire sur de nouveaux marchés—fassent l'objet d'une sorte d'examen civil; cela me paraît très dangereux et un tel mécanisme risque de nuire gravement aux entreprises qui ont besoin de conclure ce genre d'entente. Cette mesure pourrait en fait avoir un effet paralysant. Le bureau m'a fait savoir que ce n'était pas son intention mais, après en avoir parlé avec de nombreux collègues et dirigeants d'entreprise qui fonctionnent de cette façon, il me paraît très probable qu'un tel régime aurait ce genre de répercussion.
Le deuxième point concerne la façon dont la loi traite les gains d'efficience. Je sais que les membres du comité sont au courant des diverses études et propositions, notamment le projet de loi d'origine parlementaire présenté au cours de la dernière législature, qui ont essayé de traiter cette question. Nous estimons que les gains d'efficience constituent un élément extrêmement important, en particulier dans le cas des fusions, et que toute proposition visant à changer cette situation risquerait d'être une mesure rétrograde.
Le bureau a entrepris des consultations. Nous avons été invités à présenter nos commentaires d'ici le 21 décembre. Le document de discussion qui a été publié semble pratiquement tenir pour acquis que nous allons procéder à l'examen des alliances stratégiques et que la seule question à débattre est le rôle que l'organisme d'examen devrait accorder à la question des gains d'efficience.
º (1605)
Comme je l'ai dit il y a un instant, c'est une mesure très problématique et j'estime que le comité devrait tenir compte de tous ces facteurs.
Je me permets de prédire que nous nous retrouverons bientôt ici pour discuter de cette question.
M. Donald Affleck: Pas après 17 h 30.
M. John Dillon: Pas après 17 h 30, et peut-être pas cette année-ci, monsieur le président, mais au moment où le comité estimera qu'il y a lieu de reprendre l'examen de ce projet de loi. Je pense qu'au cours de la présente législature, ou de la suivante, certainement, le bureau présentera d'autres idées de réforme et que vous devrez examiner tout ce qui a été fait auparavant et tout ce qui pourrait être proposé.
Merci, monsieur le président.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci. Voilà qui est parfait; dix minutes et quelques secondes. Très bien.
Nous allons maintenant passer à la Chambre du commerce du Canada.
Monsieur Murphy.
M. Michael Murphy (premier vice-président, Politiques, Chambre de commerce du Canada): Merci, monsieur le président.
Je suis heureux d'être ici, et plus encore, d'être accompagné par M. Tim Kennish, qui est le président du comité sur le droit et la politique de la concurrence de la Chambre de commerce. Je suis ravi qu'il soit ici avec nous aujourd'hui.
[Français]
Je vais vous présenter aujourd'hui la perspective de la Chambre de commerce du Canada, un regroupement d'entreprises très vaste et le plus représentatif au Canada. La chambre est le porte-parole d'environ 170 000 membres par l'entremise de son réseau de plus de 350 chambres et bureaux de commerce à travers le pays. Nous représentons des grandes et des petites entreprises dans chaque secteur de l'économie et dans toutes les régions du Canada.
[Traduction]
La Chambre de commerce estime que la Loi sur la concurrence constitue un cadre législatif de première importance qui régit toute une série d'activités commerciales—la publicité des entreprises, l'établissement des prix et les fusions. Par conséquent, selon la Chambre de commerce, tout projet de réforme devrait avoir pour but d'assurer que la loi constitue un cadre efficace et prévisible favorisant la concurrence, tant pour les entreprises que pour les consommateurs canadiens.
[Français]
La chambre croit aussi que certaines des réformes à la Loi sur la concurrence proposées par le projet de loi C-19 représentent des pas positifs visant à faire en sorte que la loi soit fondée sur une approche équilibrée et un fonctionnement moderne. Elle estime, par ailleurs, que certains amendements proposés par le projet de loi ne sont pas souhaitables, pour les motifs mentionnés ci-après, parce qu'ils n'apportent pas l'équilibre voulu entre la nécessité d'appliquer efficacement la loi et l'utilité d'énoncer des règles de conduite en affaires prévisibles et équitables qui n'entraveront pas la rivalité saine entre les concurrents.
[Traduction]
J'aimerais souligner le fait que, dans plusieurs domaines, il est difficile d'évaluer toutes les répercussions que pourraient avoir les modifications proposées dans le projet de loi, étant donné que d'autres mesures législatives pourraient être proposées, qui pourraient toucher certains aspects que nous avons entendus mentionnés par les intervenants précédents, l'élargissement d'autres droits d'action privés, la possibilité d'indemnisation des dommages privés et l'élargissement du recours aux sanctions administratives pécuniaires aux autres dispositions de la loi; la chambre estime donc que ces modifications, si elles étaient présentées plus tard, accorderaient au bureau et au tribunal des pouvoirs d'application démesurés, ce qui risquerait de freiner des comportements concurrentiels qui seraient autrement tout à fait légitimes.
Cette loi joue un rôle essentiel dans la préservation de la compétitivité de notre économie. À ce titre, il est important que les pouvoirs d'application de cette loi soient suffisamment souples et équilibrés pour encourager les entreprises à se livrer à une vive concurrence et pour que les changements n'aient pas uniquement pour effet de protéger les consommateurs, mais également celui de faciliter la promotion de la concurrence sur le marché, ce qui est le rôle de cette loi.
Merci, monsieur le président.
Je vais maintenant demander à M. Kennish de vous présenter les commentaires que nous avons préparés au sujet de cette proposition.
Le président: Monsieur Kennish.
M. Tim Kennish (président, Groupe de travail sur le droit et la politique de la concurrence (co-président, Osler, Hoskin et Harcourt LLP), Chambre de commerce du Canada): Merci, monsieur le président et les membres du comité.
La chambre est très heureuse d'avoir l'occasion de présenter son point de vue sur le projet de loi C-19. Je suis également heureux d'avoir le dernier mot officiellement sur ce sujet au nom de ce groupe.
Je vais tout d'abord résumer à votre intention la position qu'a adoptée la chambre à l'égard des amendements proposés et j'aborderai ensuite les raisons pour lesquelles nous avons adopté cette position.
Premièrement, nous estimons que le plafond actuel des sanctions administratives pécuniaires qui peuvent être imposées dans le cadre des poursuites civiles relatives aux pratiques commerciales déloyales est déjà suffisant et qu'il ne devrait donc pas être augmenté. Deuxièmement, nous pensons que les SAP s'appliquant à l'abus de position dominante ne devraient pouvoir être imposées que pour une deuxième infraction ou une infraction subséquente à l'article 79, la disposition qui réprime ce comportement, et ne devraient pas dépasser 3 millions de dollars. La chambre appuie l'abrogation des dispositions de la loi propres aux transporteurs aériens, ainsi que les dispositions concernant la discrimination géographique par les prix, les remises promotionnelles et les prix d'éviction. Nous recommandons également que soit abrogée la disposition relative au maintien des prix, une autre disposition concernant l'établissement des prix.
Je vais commencer par aborder les propositions civiles relatives aux pratiques commerciales déloyales. Don Affleck a réglé de façon très élégante certains aspects qui nous préoccupent. Je vais vous expliquer pourquoi nous nous opposons à ce qu'on augmente le montant des pénalités administratives pécuniaires. Tout d'abord, le plafond des SAP est fixé à un niveau qui soulève des questions constitutionnelles fondamentales aux termes de la Déclaration des droits, dans la mesure où les entreprises susceptibles de faire l'objet de ces pénalités n'auront pas accès aux protections habituelles qu'offre le droit pénal, alors qu'elles risquent de faire face à des pénalités considérables. Le même argument s'applique aux pénalités prévues dans les cas d'abus de position dominante.
En outre, comme M. Affleck l'a mentionné, le gouvernement a déjà obtenu des pénalités très importantes avec la loi actuelle, sans que ces montants aient été augmentés, puisqu'une pénalité de 1 million de dollars a été imposée dans l'affaire Suzie Shier et que, dans l'affaire Forzani, d'après mes notes, 2 millions de dollars—même si je pense que M. Affleck a peut-être raison de parler de 1,7 million de dollars, mais cela représente de toute façon un montant considérable pour ce genre de chose.
Dans le cas des sociétés, on propose pour une première ordonnance de multiplier par 100 le plafond actuel, ce qui est tout à fait surprenant. Cette mesure serait manifestement punitive si elle était utilisée à ce niveau. Cette modification ne vise pas uniquement à encourager le respect de la loi et va à l'encontre de la directive explicite contenue au paragraphe 74.1(4) qui énonce expressément que ce genre d'ordonnance ne doit pas avoir pour but de punir le contrevenant. Il est également intéressant de comparer le risque d'une amende de 10 millions de dollars—appelons-la comme cela—aux termes de la disposition civile et l'amende maximum de 200 000 $ qui s'applique dans le cas d'une poursuite pénale intentée en vertu des mêmes règles mais selon la procédure de déclaration sommaire de culpabilité.
Le chiffre de 10 millions de dollars est le même que celui qui s'applique dans les cas de fixation des prix et des ententes en matière de cartel, comportements qui nuisent beaucoup plus gravement à la concurrence. Comme cela a été mentionné, il semble que le tribunal n'ait jamais imposé une amende de 10 millions de dollars dans une affaire de fixation des prix. Habituellement, les amendes imposées aux entreprises qui participent à un cartel sans en être l'âme dirigeante se situent la plupart du temps entre 500 000 et 1 500 000 $. De plus, les maximums proposés s'éloignent considérablement des plafonds prévus pour des infractions pénales semblables créées par d'autres dispositions.
Le télémarketing trompeur est, selon la Loi sur la concurrence, passible d'une amende maximale de 200 000 $, en cas de déclaration sommaire de culpabilité. Il existe des limites comparables pour la publicité trompeuse aux termes de la Loi sur les aliments et drogues. Ces dispositions ont été adoptées il y a cinq ans seulement et je ne pense pas qu'il y ait de preuves que ces dispositions aient eu un effet vraiment dissuasif sur les comportements incriminés ou qu'elles constituent des outils d'application de la loi inefficaces.
º (1610)
Votre comité n'a pas recommandé d'augmenter le plafond des SAP dans ce domaine. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les États-Unis répriment moins ce genre de pratique que ne le fait le Canada. Aucune poursuite pour prix fictifs n'a été intentée aux États-Unis depuis 1979. Nous mentionnons dans notre mémoire certains éléments qui expliquent cette situation, mais il y a un risque à poursuivre trop agressivement ce genre d'annonce publicitaire.
Un des inconvénients est que ce genre de disposition peut paralyser la publicité agressive, qui est un des aspects essentiels de la concurrence, ce qui n'est pas souhaitable. Il a déjà été mentionné que les dispositions relatives aux ordonnances de dédommagement et de blocage des biens étaient inhabituelles et extrêmes et je ne pense pas qu'elles ont leur place dans le cas de poursuites civiles pour des pratiques commerciales déloyales. Comme M. Dillon l'a mentionné, il est normal d'utiliser des recours plus répressifs lorsqu'il y a eu véritablement fraude, mais ces poursuites devraient être intentées en vertu des dispositions pénales et non pas en vertu des dispositions civiles.
Pour ce qui est de l'abus de position dominante, nous proposons, comme je l'ai déjà dit, de limiter le recours aux SAP aux cas de récidive, et M. Dillon a fait allusion à la raison pour laquelle nous avons adopté cette position. L'hypothèse de base qui a présidé à l'adoption de ces dispositions de nature civile était que les pratiques visées ne ressemblaient pas aux comportements assujettis au droit pénal. La plupart du temps, ce dernier type de disposition a pour effet de restreindre la concurrence... elles n'ont pas toujours cet effet, mais elles peuvent l'avoir dans certaines circonstances.
Il a donc été prévu que le tribunal examinerait ces affaires cas par cas, et qu'après avoir décidé si le comportement reproché avait eu un effet préjudiciable, il pourrait rendre une ordonnance interdisant la poursuite de ce comportement à l'avenir. C'est pourquoi nous pensons que, conformément à cette approche, l'imposition de pénalités pécuniaires venant sanctionner un comportement antérieur devrait se limiter aux situations où l'entreprise a déjà commis une infraction semblable et a été jugée avoir contrevenu à la loi.
En outre, les dispositions actuelles en matière d'abus de position dominante comportent un élément dissuasif important. Elles n'autorisent pas simplement le tribunal à interdire la répétition du comportement reproché. Ces articles lui attribuent le pouvoir de prendre les mesures nécessaires, comme la vente forcée de biens, pour compenser l'effet anticoncurrentiel de la pratique. Dans pratiquement tous les cas d'abus de position dominante—et il y en a eu plusieurs—, le tribunal a utilisé largement son pouvoir de prendre des mesures accessoires, y compris l'annulation d'ententes restrictives conclues avec des clients.
Il est intéressant de noter que certains prétendent que le Canada a choisi une voie qui s'écarte de celle de son principal partenaire commercial. Le droit américain ne permet pas d'imposer des sanctions pécuniaires pour réprimer les pratiques monopolistiques aux termes de la Sherman Anti-trust Act. Comme cela a été mentionné dans le mémoire de l'ABC, tout comme dans le nôtre aussi, ces peines n'ont pas été demandées dans le cas de Microsoft.
º (1615)
Le président: Monsieur Kennish, je vous invite à terminer rapidement, il vous reste à peu près une minute.
M. Tim Kennish: Oui.
Pour terminer, nous sommes en faveur de l'abrogation des dispositions de la loi qui sont propres aux transporteurs aériens, tout comme des dispositions relatives à l'établissement de prix. Je sais que vous allez sûrement entendre des personnes qui souhaiteraient préserver ces dispositions et j'aimerais expliquer un peu les raisons qui nous poussent à appuyer l'abrogation de ces dispositions. Deux de ces dispositions ne prévoient pas l'application d'un critère relié à la concurrence, de sorte que dès qu'une société exerce ce genre d'activité, elle commet de ce seul fait une infraction pénale. La discrimination par les prix et les remises promotionnelles n'ont pas vraiment ce caractère; elles ne débouchent pas toujours sur ce genre de situation.
Nous sommes donc en faveur de décriminaliser ces deux dispositions ainsi que deux autres; nous vous invitons également à envisager la même mesure à l'égard des dispositions relatives au maintien des prix, parce qu'elles sont très semblables, semblables dans le sens où elles ne sont pas toujours anticoncurrentielles. Ce comportement devrait être examiné en tenant compte des circonstances, de façon à examiner les effets concurrentiels et à prendre une décision à ce sujet.
Je vous remercie de votre attention et si vous avez des questions, je serais heureux d'y répondre.
º (1620)
Le président: Merci, monsieur Kennish. Merci à tous.
Nous allons commencer par Werner Schmidt. Je vous en prie.
M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président, et merci, mesdames et messieurs, d'être venus ici. Je dirais que vous avez présenté des exposés très lucides et, d'après moi, très cohérents. Il est très rafraîchissant de voir des positions aussi semblables.
Je constate trois choses très importantes: premièrement, vous aimez certains aspects de la loi; deuxièmement, vous n'aimez pas du tout d'autres aspects de la loi; et troisièmement, vous n'avez présenté aucune suggestion sur la façon d'améliorer ce projet de loi.
Monsieur le président, il me paraît très souhaitable, en particulier, compte tenu de l'expertise que possèdent ces organisations, qu'elles présentent au comité des recommandations précises portant sur le genre de mesures qu'elles pourraient approuver.
Vous avez présenté des arguments très convaincants et j'ai aimé ce que j'ai entendu jusqu'à un certain point. Vous avez expliqué, du moins en partie, les raisons qui justifient la poursuite de l'étude de ce projet de loi avant qu'il ne soit adopté sous sa forme actuelle. En fait, je ne pense pas qu'il devrait être adopté sous sa forme actuelle. C'est également un point que vous avez fort bien fait ressortir.
Je vous invite à aborder de façon plus détaillée les difficultés que posent les SAP. Vous avez abordé cette question par le biais du niveau excessif des sommes qui peuvent être imposées à titre d'amende. Je peux fort bien comprendre pourquoi vous considérez que ces montants sont excessifs, mais ma question porte sur le principe même des SAP.
Je pense que M. Kennish a fait allusion au fait que ces dispositions ne respectaient pas l'équité procédurale, lorsque le tribunal exerce ses pouvoirs pour imposer certaines amendes à un contrevenant. Vous parlez d'équité procédurale par rapport au montant des amendes susceptibles d'être imposées ou parce que le tribunal n'offre pas les garanties qu'exigent les poursuites intentées en vertu du Code criminel?
Il me semble qu'il y a là un conflit fondamental. Si le tribunal possède le pouvoir d'imposer des amendes jusqu'à un certain montant et que l'équité procédurale n'entre pas en jeu, pourquoi exiger l'application de l'équité procédurale à un autre niveau? Le principe est-il différent?
M. Tim Kennish: Je répondrais en disant que des amendes qui peuvent s'élever jusqu'à 10 ou 15 millions de dollars ressemblent beaucoup à des amendes pénales, et que les parties qui font face à des poursuites civiles ne bénéficient pas de garanties, comme la communication de la preuve, comme c'est le cas dans une affaire pénale et elles ne bénéficient pas non plus des autres protections que le droit pénal accorde aux personnes qui peuvent être condamnées à une amende.
Je pense que ce sont là les principaux aspects qui soulèvent des questions constitutionnelles.
Pour ce qui est de l'autre aspect que vous avez mentionné, nous avons proposé de ramener à 3 millions de dollars le montant maximal de l'amende. Il est très possible que la réduction de ce montant ait pour effet de faire disparaître certains problèmes mais je ne suis pas un constitutionnaliste, mais je sais que les collègues qui pratiquent dans ce domaine ont soulevé la question de la constitutionnalité d'un mécanisme qui prévoirait le recouvrement d'amendes civiles d'un tel montant.
M. Werner Schmidt: Monsieur le président, j'aimerais élargir la question et demander si le principe de la justice est différent ou—et je vais renverser ma question—si le principe de la justice est défini en fonction du montant de l'amende ou s'il est défini en fonction de ce qui est juste?
M. Tim Kennish: Je dis simplement que le fait de porter les amendes à un tel niveau crée une situation qui est très proche d'une poursuite pénale et je...
M. Donald Affleck: Cela devient pénal. C'est une peine. Connaissez-vous des sociétés qui peuvent se permettre de payer des amendes de 10 ou 15 millions de dollars? C'est là le problème, dès qu'on en arrive là, l'entreprise risque de devoir cesser ses activités, avec une amende à laquelle viennent s'ajouter toutes les choses dont vous avez parlé, monsieur Schmidt.
Cela revient à pénaliser une entreprise, et cette entreprise est protégée par la Charte des droits et libertés. Nous parlons à l'heure actuelle de 50 000 à 200 000 $. Les librairies Indigo peuvent payer ce genre d'amende, mais pas une amende de 5 millions de dollars, parce que d'après leur...
º (1625)
Le président: Avez-vous terminé, monsieur Kennish?
M. Tim Kennish: Oui.
M. Donald Affleck: J'essayais simplement de répondre à cette question. Nous essayons tous de vous répondre le mieux possible.
Le président: Monsieur Affleck, je vous laisse alors conclure.
M. Donald Affleck: Non, c'est très bien. J'ai déjà conclu. Je pense que le membre du comité a compris ce que je voulais dire.
Le président: Il vous reste encore du temps.
M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.
Je l'ai un peu remonté et c'est très bien. Cela me paraît une bonne chose. Il est bon d'avoir une vive discussion à ce sujet parce qu'elle porte sur un principe très important. La justice est en cause et il faut faire ce qui est juste; je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il ne faut pas mettre les entreprises en faillite. Ce n'est pas du tout le but recherché; du moins par pour moi. Nous voulons simplement mettre un terme aux comportements anticoncurrentiels, lorsqu'il y a abus de position dominante, il devrait y avoir une conséquence grave. C'est de ce principe qu'il s'agit.
Je pense que les autres dispositions du projet de loi indiquent clairement que le tribunal doit prendre en considération l'effet pécuniaire sur le particulier qui est obligé de payer une amende d'un certain montant. Je pense que ces dispositions énoncent très clairement que, si l'amende fixée au départ entraînait une faillite, il faudrait alors en réduire le montant. À moins que j'aie mal lu la loi, et nos recherchistes pourraient peut-être nous dire si j'ai effectivement raison, il me semble que le projet de loi contient une disposition en ce sens.
Je me demande si cela fait, d'après vous, une différence, monsieur Affleck?
M. Donald Affleck: Cela fait une légère différence, mais pourquoi prévoir des amendes de 10 ou 15 millions de dollars? Les auteurs du projet de loi l'ont fait pour guider l'organisme judiciaire. Cela lui montre que ces amendes sont très importantes. Il aurait fort bien pu se contenter de dire que le tribunal fixera l'amende au montant qui lui paraît approprié, formule que l'on retrouve dans d'autres parties de la loi. Pourquoi ne pas procéder de cette façon et laisser le tribunal décider que, dans le cas d'un petit concessionnaire de Moose Jaw, il ne servirait à rien de l'obliger à payer 5 ou 10 millions de dollars.
M. Werner Schmidt: Ce montant de 10 millions de dollars est un maximum.
M. Donald Affleck: Oui, pour une seconde infraction.
M. Werner Schmidt: Non, c'est 15 millions de dollars pour une seconde infraction. C'est le maximum, mais l'amende pourrait être beaucoup plus faible.
M. Donald Affleck: D'accord.
M. Werner Schmidt: Je comprends très bien où vous voulez en venir. J'en suis convaincu. Je me demande simplement pourquoi modifier les principes. C'est peut-être la façon dont le droit s'applique. Lorsque l'amende est considérable, il faut appliquer des règles de preuve différentes de celles qu'on applique lorsque l'amende est faible. Il n'est pas grave de faire une petite erreur, mais il ne faut pas commettre d'erreur trop grave.
M. Donald Affleck: Il y a deux voies possibles.
Il y a le droit pénal, à cause des dispositions relatives à la publicité trompeuse. Le fait de fournir une indication fausse ou trompeuse, sciemment ou de façon insouciante, constitue une infraction.
Nous avons de l'autre côté les dispositions de nature civile, qui sont en principe moins sévères. Si vous faites une erreur, si vous dites que votre nettoyant nettoie mieux que tous les autres nettoyants, et que l'on découvre que vous n'avez pas fait un test acceptable, que vous avez tort, même si ce nettoyant est capable de nettoyer, vous ne l'avez pas fait sciemment ou de façon insouciante. Mais si vous parlez d'un vendeur sans scrupule qui vend des pendules dans un centre commercial le samedi et qui n'est pas là le lundi lorsque vous revenez lui dire qu'elles ne fonctionnent pas, alors vous pouvez utiliser dans son cas les dispositions pénales.
C'est pourquoi nous avons deux types de recours possibles. Nous sommes par contre en train de mélanger ces deux types de recours. Je pense que c'est ce que M. Kennish essayait de vous expliquer. Ces dispositions civiles ont été introduites parce qu'on a considéré que certains comportements étaient moins répréhensibles mauvais que d'autres et c'est pourquoi on a conservé l'article 52 dans la Loi sur la concurrence. Si ces amendes sont trop faibles, comment expliquer que le Bureau de la concurrence ait obligé certaines parties à verser 1,7 million de dollars et 1 million de dollars, alors que ces sociétés auraient pu plaider coupables devant le Tribunal de la concurrence et l'amende maximum qui aurait pu leur être imposée aurait été de 100 000 $? C'est parce que le Bureau de la concurrence leur a dit, si vous ne voulez pas vous entendre avec nous, nous allons utiliser les dispositions pénales et vous poursuivre vous, monsieur le président, et vous, monsieur le vice-président. C'est ce qui s'est passé.
º (1630)
M. Werner Schmidt: Monsieur le président, je ne sais pas ce que vous voulez faire. Souhaitez-vous que je poursuive?
Le président: Je pense que nous en sommes à neuf minutes.
M. Werner Schmidt: Je crois en fait que nous avons déjà suffisamment parlé de cette question. J'aimerais l'approfondir, mais...
Le président: Nous n'avons pas le temps de le faire, je vous le garantis.
Serge.
[Français]
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Merci, mesdames et messieurs.
Évidemment, pour ce qui est de la concurrence, c'est relativement délicat compte tenu des amendes, des sanctions administratives pécuniaires. Je ne suis pas un spécialiste, mais je crois comprendre que vous voudriez voir un certain ajustement des amendes et des pénalités par rapport à l'importance de la faute ou du délit. Au fond, vous voudriez que ce soit appliqué de façon plus sensible.
[Traduction]
M. Donald Affleck: Exactement.
M. Tim Kennish: Si je peux ajouter quelque chose...
M. Donald Affleck: Il y a les dispositions pénales, comme je l'ai dit, et les dispositions civiles; les comportements les plus graves peuvent donner lieu à l'application des dispositions pénales. Rien n'indique que les dispositions relatives aux amendes soient insuffisantes et je ne vois aucune raison de les changer. La modification de ces dispositions vont susciter des inquiétudes, non seulement parmi les grandes entreprises mais, comme j'essayais de l'illustrer dans mon exemple, chez les petites entreprises. Qui va courir un tel risque? Pourquoi ces entreprises prendraient-elles un tel risque? Voulons-nous vraiment contrôler la publicité de cette façon? La publicité, c'est communiquer avec le consommateur. Nous voulons protéger le consommateur, nous voulons qu'il ait accès au maximum d'information.
Désolé, Tim.
Le président: Monsieur Kennish.
M. Tim Kennish: Je voulais ajouter, et cela répond également à une remarque précédente, qu'en prévoyant une amende d'un montant de 10 millions de dollars, aussi bien pour les poursuites civiles en matière de publicité ou de pratique déloyale que pour les cas d'abus de position dominante, on assimile en fait ces infractions aux infractions sanctionnant les cartels, comme la fixation des prix, parce que c'est le montant maximal de l'amende prévue pour ces dernières infractions. Il est reconnu que c'est la pire chose que l'on peut faire dans le domaine de la concurrence; ce comportement a des effets particulièrement nuisibles et tout le monde ici reconnaîtrait, je pense, que c'est une question beaucoup plus grave. Ces diverses infractions sont maintenant situées sur le même niveau et c'est le message que transmets le projet de loi avec ses modifications
Le président: Serge.
[Français]
M. Serge Cardin: En ce qui concerne la concurrence, il est évident que des entreprises de toutes dimensions peuvent être impliquées, des petites comme des grandes. Il faut donc user de discernement.
Cependant, dans le contexte de la mondialisation, M. Dillon disait tout à l'heure qu'on devrait, contrairement à certains principes dans la Loi sur la concurrence, favoriser les fusions, favoriser les entreprises qui deviennent de plus en plus grandes. Donc, la petite faute que commet une petite entreprise peut, si elle est transposée à des entreprises multinationales, entraîner des bénéfices. J'imagine que c'est pour cette raison que les pénalités peuvent aussi varier en fonction de ce qu'a pu retirer une entreprise du fait d'avoir posé une action allant à l'encontre de la Loi sur la concurrence.
M. John Dillon: Merci. Pour l'efficacité de mes commentaires, je vais répondre en anglais.
[Traduction]
J'essayais de mentionner, comme vous l'avez rappelé, que dans plusieurs secteurs de notre économie, nos entreprises font face à la concurrence de grosses entreprises multinationales établies dans différents pays étrangers, et que c'est une des raisons pour lesquelles il faudrait agrandir la taille des entreprises canadiennes pour qu'elles puissent leur faire concurrence. Dans le secteur de l'acier, les entreprises ne vendent pas seulement leurs produits au Canada ou aux États-Unis, elles font concurrence aux aciéries de la Corée, de Taïwan, de la Chine, de la Russie. C'est la réalité du marché à laquelle ces entreprises font face.
Cela dit, il ne faudrait pas pour autant donner carte blanche aux grandes sociétés qui occupent une place dominante au sein du marché canadien. Loin de là. Cependant, c'est un facteur important dont il faut tenir compte lorsqu'on examine la situation de la concurrence au Canada. Voilà ce que je voulais dire.
Oui, il est vrai que, lorsque nous parlons du montant des amendes, il y a dans notre organisation les grosses sociétés canadiennes qui sont en mesure de verser des amendes aussi importantes, cela est vrai. Mes collègues essayaient de montrer que les directives contenues dans le projet s'adressent non seulement aux juges, mais également au bureau. Je ne suis pas une expert des pratiques qu'utilise le bureau, mais j'ai parlé à des collègues qui le sont et il est très clair que le bureau a adopté comme politique d'essayer d'en arriver à un compromis, lorsqu'il reçoit une plainte dans une affaire de publicité trompeuse. Si ce projet de loi est adopté, le bureau disposera d'une arme encore plus puissante avec laquelle il pourra forcer ces sociétés à accepter des compromis.
Supposons qu'une petite société ne respecte pas la loi. Le bureau pourrait très bien dire qu'il va utiliser les dispositions civiles. Ces dispositions n'imposent pas un fardeau de la preuve très lourd. Il suffit d'établir certains faits selon la prépondérance des probabilités; ce n'est pas le fardeau pénal qui exige une preuve au-delà de tout doute raisonnable. Le bureau pourrait dire: «Je vous signale que si nous obtenons gain de cause devant le tribunal, vous pourriez être obligé de payer une amende de plusieurs millions de dollars». Il pourrait menacer une grosse société de cette façon; il pourrait également le faire à l'égard d'une petite société. C'est la réalité à laquelle nous faisons face.
º (1635)
Le président: Monsieur Kennish.
M. Tim Kennish: J'aimerais ajouter que je reconnais qu'il faut que les pénalités et les recours aient un effet dissuasif et découragent les comportements anticoncurrentiels; mais il ne faudrait pas exagérer cet élément dissuasif, qui ferait courir aux personnes qui violent la loi le risque de subir des pénalités considérables; cela pourrait décourager les comportements concurrentiels, ce qui est bien entendu, contre-productif. On peut remarquer ce genre d'attitude dans le domaine de la publicité, parce que la publicité joue un rôle très important dans la concurrence. Si une société estime qu'une publicité agressive risque de l'amener devant les tribunaux, elle hésitera à faire ce genre de publicité, mais elle aura plus de mal à différencier ses produits, par exemple.
Je ne défends pas les indications trompeuses, mais nous savons tous qu'il y a des domaines—M. Affleck en a donné un exemple au début de la séance—où il y a des zones grises. Il ne serait pas souhaitable que les entreprises renoncent à se faire concurrence dans ce domaine.
M. Donald Affleck: Permettez-moi d'ajouter ceci. Par rapport aux grandes sociétés, la loi... Il ne faut pas critiquer les grosses sociétés, pourvu qu'elles n'essayent pas de nuire à un concurrent ou à un concurrent potentiel en adoptant un comportement anticoncurrentiel. À l'heure actuelle, le tribunal peut, en plus de ses autres pouvoirs, ordonner la vente de biens ou d'actions de cette société, dans une ordonnance. Y a-t-il une sanction plus dévastatrice pour une grande société que d'être obligée de vendre une division ou ses actions? Le tribunal possède ainsi un pouvoir considérable, sans même parler de sanctions pécuniaires.
Je ne pense pas qu'il ait jamais été établi que l'article réprimant l'abus de position dominante n'était pas efficace. Je n'ai jamais entendu dire que c'était le cas, qu'il y avait de grosses sociétés qui rachetaient tout le monde et maltraitaient les consommateurs. Je n'ai jamais entendu dire cela. Il me semble que cet article accorde, sous sa forme actuelle, suffisamment de pouvoirs au tribunal pour qu'il ne soit pas nécessaire de prévoir des amendes aussi considérables dans ce qui est, en théorie, une évaluation des avantages et des inconvénients des activités d'une société donnée.
Merci.
Le président: D'accord, Serge? Merci.
Jerry, allez-y.
L'hon. Jerry Pickard: Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus. J'espère que ce ne sera pas la dernière fois que vous nous parlerez du projet de loi C-19.
J'ai quand même trouvé, tout comme M. Schmidt, que vos témoignages se ressemblaient de façon étonnante, puisqu'on y retrouve pratiquement les mêmes formules. Cela soulève pour moi quelques questions.
Dans votre mémoire, vous dites que la Chambre de commerce représente 170 000 entreprises. C'est un éventail d'entreprises très large. Votre mémoire a-t-il été préparé par votre comité exécutif ou avez-vous procédé à de larges consultations auprès de vos membres pour préparer les positions que vous avez présentées au comité?
º (1640)
M. Michael Murphy: Permettez-moi de commencer, monsieur le président.
Ce mémoire est en fait un résumé des positions qui sont les nôtres depuis déjà un certain temps. Le processus qu'a suivi la Chambre de commerce a été relativement long. Bien évidemment, les questions abordées dans le mémoire sont très importantes pour tous les membres de la chambre.
Nous avons procédé à de nombreuses consultations pendant des années sur ces sujets, en remontant non seulement au document original qui portait sur les recommandations du comité, dont certaines se retrouvent dans le projet de loi, mais aussi sur des mesures qui n'étaient pas recommandées mais qui se retrouvent dans le projet de loi.
Dans l'ensemble, cela fait déjà pas mal de temps que nous avons adopté ces positions et nous les avons soumises à nos membres pour savoir ce qu'ils en pensaient. Nous avons utilisé toutes sortes de moyens de communication. Nous avons également bénéficié, comme je l'ai mentionné au début, de l'existence d'un comité de la concurrence qui est composé de membres bénévoles de la Chambre de commerce. Nous avons plusieurs comités de ce genre et nous avons la chance d'avoir des gens comme M. Kennish qui donnent bénévolement leur temps pour nous aider à étudier ces questions.
Cela fait donc un moment que nous travaillons sur ces questions et nous avons eu de nombreuses occasions de communiquer directement à nos membre les ébauches des divers mémoires qui portaient sur ces questions.
L'hon. Jerry Pickard: Vous avez consulté votre base et vous nous présentez le point de vue des petites, moyennes et grandes entreprises. C'est ce que vous me dites.
M. Michael Murphy: Absolument.
L'hon. Jerry Pickard: J'imagine que la position de l'Association du barreau canadien est sans doute très semblable. Est-ce que la plupart des membres de votre organisation appuient la position que M. Affleck a présentée?
Mme Tamra Thomson: Je peux vous parler du processus qu'utilise l'Association du barreau canadien. Premièrement, les commentaires que M. Affleck et moi avons présentés aujourd'hui, ainsi que le mémoire, l'ont été au nom de la section nationale du droit de la concurrence, qui est une des quelque 30 sections de l'Association du barreau canadien, qui sont toutes composées de personnes qui pratiquent dans un domaine du droit particulier et qui possèdent l'expertise nécessaire pour examiner ces questions. La section du droit de la concurrence est composée d'un grand nombre d'avocats qui travaillent dans ce domaine dans les différentes régions. Les membres de la section élisent un comité exécutif et...
L'hon. Jerry Pickard: Est-ce qu'ils représentent principalement les grandes entreprises ou...
M. Donald Affleck: Permettez-moi de vous détromper. Tout d'abord, le comité exécutif de ma section a préparé ce mémoire. Le projet de loi a été déposé à la Chambre le 2 novembre et le comité a commencé ses audiences peu de temps après. Il a fallu le préparer rapidement. Le comité exécutif est composé d'un avocat d'Edmonton, d'un avocat de Montréal et de trois avocats de Toronto, dont moi.
Je fais partie d'un cabinet de dix avocats, pas 500. Nous ne représentons aucune des sociétés mentionnées dans Fortune 500. Je représente des personnes qui veulent intenter des poursuites civiles aux termes de la Loi sur la concurrence. J'ai travaillé pour ce comité, sous une forme différente, en 1979, lorsqu'il s'appelait le Comité des finances, du commerce et des affaires économiques de la Chambre des communes, au sujet du projet de loi C-42. Je viens de m'occuper du litige sur le bois d'oeuvre avec les États-Unis, à cause de mon expertise dans le domaine de la concurrence, mais je n'ai rien à voir avec les grandes sociétés. Cela représente notre réflexion sur la façon d'améliorer ce projet de loi.
L'hon. Jerry Pickard: J'ai posé cette question parce que le Bureau de la concurrence a déclaré qu'il avait procédé à de larges consultations et que, très franchement, il avait obtenu l'appui général des petites et moyennes entreprises. Il existe certaines divergences entre ce que j'ai entendu aujourd'hui et les témoignages précédents. Je pense qu'il ne faudrait peut-être pas trop insister là-dessus parce qu'il arrive qu'il y ait des différences d'opinion.
Nous avons parlé des sanctions administratives pécuniaires et vous avez clairement mentionné qu'il était inapproprié de prévoir une pénalité pouvant aller jusqu'à 15 millions de dollars. J'ai une grande confiance dans notre système judiciaire et je dirais que l'on présente aux tribunaux des arguments et de la jurisprudence qui permettent aux avocats et aux juges de prendre des décisions. Lorsque l'on prévoit une pénalité, on peut effectivement imposer le montant maximum de la pénalité, mais le tribunal peut également imposer le montant minimum, qui pourrait être pratiquement égal à zéro. Je pense que les juges et les personnes qui sont chargés de décider de ce genre de chose utiliseraient la pénalité appropriée, conformément à ce qui leur est permis de faire et à la situation de chaque affaire particulière. C'est sans doute la raison pour laquelle nous avons des tribunaux.
Je ne suis pas vraiment convaincu que le fait que le montant maximum de la pénalité soit de 5 ou de 50 millions de dollars fasse une différence, comme l'a fait remarquer M. Schmidt, pour ce qui est de l'amende qu'imposerait un juge donné en tenant compte des renseignements dont il dispose. Il est possible qu'il soit nécessaire d'imposer de lourdes amendes dans une affaire complexe où certaines personnes ont grossièrement trompé les consommateurs et fait de gros bénéfices, mais ce n'est pas ce genre d'amende qui sera fixée dans les exemples que vous avez mentionnés, monsieur Affleck, et vous le savez tout comme moi.
Ne devrions-nous tout de même pas avoir une limite qui est suffisamment élevée pour dissuader certains groupes d'adopter des comportements particulièrement préjudiciables? Je pense qu'en fin de compte, la décision finale qui fixe le montant de l'amende n'est pas ce qui figure dans les dispositions législatives. Le montant final est le montant qui est décidé par l'appareil judiciaire et par le juge.
º (1645)
M. Donald Affleck: Et vous, monsieur, vous avez dit que vous aviez pleinement confiance dans l'appareil et dans notre système judiciaires.
L'hon. Jerry Pickard: C'est exact.
M. Donald Affleck: Eh bien, pourquoi faut-il alors donner des directives aux tribunaux? Pourquoi ne pas dire aux juges qu'ils ont toute latitude pour fixer le montant de l'amende? Pourquoi parler de 15 ou 10 millions de dollars? Le juge examine la disposition et dit, monsieur Affleck, vous dites que ce petit propriétaire ne devrait pas payer une amende aussi importante, mais le Parlement a parlé et il a dit que cela peut être une situation plus grave qu'un cartel qui établit les prix de façon abusive.
L'hon. Jerry Pickard: Avec votre argument, pensez-vous alors qu'il serait préférable que le projet de loi ne fixe aucune limite?
M. Donald Affleck: Oui.
L'hon. Jerry Pickard: Vous préféreriez que ce projet de loi ne mentionne aucune limite?
M. Donald Affleck: Cela serait laissé à la discrétion du tribunal.
L'hon. Jerry Pickard: Totalement?
M. Donald Affleck: Eh bien, je ne dis pas que c'est ce que je préférerais...
L'hon. Jerry Pickard: Totalement?
M. Donald Affleck: ... mais je l'accepterais. Je pense que les dispositions actuelles sont tout à fait acceptables.
L'hon. Jerry Pickard: Je vous ai posé la question et vous avez répondu oui.
M. Donald Affleck: J'ai dit que les dispositions actuelles étaient tout à fait acceptables. Je l'ai déjà dit. Je dis maintenant...
L'hon. Jerry Pickard: Des pénalités illimités, une pénalité d'un milliard de dollars, pourraient être imposées...
M. Donald Affleck: ... comme deuxième...
Le président: S'il vous plaît.
M. Donald Affleck: Comme deuxième position, j'accepterais que le tribunal ait toute latitude pour fixer le montant de l'amende et que, si le tribunal condamnait une partie à payer un milliard de dollars—le tribunal pourrait le faire—, quelqu'un interjetterait appel et la question serait revue.
Mais oui, monsieur, je serais d'accord avec cela.
L'hon. Jerry Pickard: La Chambre de commerce serait-elle d'accord avec ce qu'affirme M. Affleck?
M. Tim Kennish: Nous espérons que les juges prendraient la bonne décision et fixeraient un montant approprié.
Ce qui nous inquiète, c'est le message que transmet cette modification; elle indique une direction, elle indique qu'il s'agit de choses très graves, elle indique qu'il faut mettre de côté ce qui s'est fait antérieurement et que nous devrions être beaucoup plus sévères avec ce genre de comportement et imposer des sanctions très lourdes. C'est une erreur parce qu'il y a déjà, dans le domaine de la publicité trompeuse, la possibilité d'intenter des poursuites pénales en cas de fraude, lorsqu'il y a un comportement blâmable. Les peines criminelles jouent ce rôle, elles ont pour rôle de dénoncer les comportements visés par le droit pénal.
Cela revient à la question de la dissuasion. Je pense que les personnes qui examinent la situation, et qui constatent qu'elles risquent une pénalité de 10 millions de dollars, ne vont peut-être pas être aussi motivées à jouer ce jeu. C'est cela qui m'inquiète.
º (1650)
Le président: Monsieur Dillon.
M. John Dillon: Merci. Je voulais répondre à un de vos commentaires précédents. Je sais que vous n'avez pas demandé si nous avions procédé à des consultations, mais je pense que vous connaissez les membres de notre association.
L'hon. Jerry Pickard: Ce sont les grandes sociétés, c'est pourquoi je ne vous ai pas posé cette question.
M. John Dillon: Oui. Je voulais répondre à une de vos remarques, à savoir la suggestion—et je sais que le bureau avance parfois cet argument lorsqu'il met de l'avant des propositions—que, dans l'ensemble les petites entreprises sont favorables au projet et que les grandes sociétés sont contre. Cela m'apparaît tout à fait simpliste et inexact.
J'ai assisté à un atelier organisé par le Forum des politiques publiques à Ottawa, au cours duquel un certain nombre de représentants de différentes associations—il y avait des caisses de crédit, il y avait une association de courtage immobilier, il y avait un certain nombre d'organisations très larges qui représentaient principalement les petites et moyennes entreprises—ont exprimé des préoccupations au sujet des propositions présentées.
Oui, il est vrai que certains organismes regroupant de petites entreprises ont appuyé certaines de ces propositions, mais je vous invite à leur demander—pour reprendre l'exemple qu'a pris M. Affleck, ce qu'ils pensent de la situation d'une petite entreprise qui fait de la publicité que certains pourraient qualifier de trompeuse.
Je ne suis pas certain que les organisations dont parle le bureau ont eu vraiment la chance de lire ce projet de loi, de parler à leurs avocats—et probablement, elles n'ont pas d'avocats, même si je suis sûr que M. Affleck leur offrirait ses services—au sujet de la portée réelle de ce projet de loi.
Je vous invite cependant à poser cette question à des organisations comme la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Interrogez-la en particulier au sujet des lourdes pénalités qui sont proposées ici—et ce sont des amendes, en fin de compte; c'est bien joli de les qualifier de sanctions administratives pécuniaires, mais ce sont des amendes—et expliquez-leur qu'une petite entreprise à qui on reproche d'avoir fait de la publicité trompeuse pourrait se voir imposer une amende très lourde et avec toutes les mesures accessoires. Il n'y a pas simplement l'amende, comme M. Kennish l'a fait remarquer.
Je ne suis pas sûr que la plupart de ces entreprises soient conscientes de ce qui pourrait leur arriver et elles réagiraient peut-être différemment si elles le savaient.
Le président: Merci, monsieur Dillon.
Jerry, je vous garantis que vous aurez le temps d'intervenir à nouveau.
Nous allons passer à Brian, ensuite à James, et ensuite, nous donnerons à Jerry une autre occasion de prendre la parole. Mike suivra ensuite.
M. Brian Masse: Je remercie la délégation d'être venue aujourd'hui. Nous reviendrons sur ce sujet si l'on procède à certains aménagements.
Pour ce qui est des pénalités proposées—et je pense, monsieur Dillon, que vous avez parlé de la différence qui existe entre les petites et les grandes entreprises et de l'efficacité des amendes dans vos premières observations—, avez-vous une opinion sur l'opportunité d'aggraver les pénalités pour certains types de comportements qui touchent davantage ou moins de gens ou qui touchent les entreprises de façon particulièrement préjudiciable? Avez-vous des idées sur ces aspects? Vous avez également mentionné qu'en fixant le montant maximum des amendes, on établissait également des lignes directrices pour les juges et aussi pour le bureau. Que pensez-vous des autres mesures? Avez-vous des remarques à faire à leur sujet?
M. John Dillon: Je ne pense pas que ce soit moi qui ai abordé ce sujet. Je ne sais pas très bien à quoi vous faites référence, mais si vous me demandez s'il existe d'autres dispositions dans ce projet de loi, ou dans d'autres articles de la loi, qui soulèvent des problèmes, je sais que la capacité du bureau à faire respecter la loi fait problème.
Je ne suis pas un expert au sujet de ce que fait le bureau et de ce qu'il peut faire. Je sais, d'après ce que j'ai lu, que le télémarketing frauduleux et d'autres genres de fraude à la consommation préoccupent beaucoup le bureau. Comme tout le monde, je reçois toutes sortes de choses dans le courrier et dans mon courrier électronique—des choses qui ont l'air trop belles pour être vraies, et qui sont sans doute trop belles. Personnellement, j'ai le sentiment que ce genre de comportement commercial est très répandu.
Je peux comprendre que le bureau estime qu'il ne dispose pas de ressources suffisantes pour s'occuper de toutes ces choses. Pour le reste, je dirais qu'une bonne partie d'entre nous savons que le bureau essaie depuis quelque temps de montrer qu'il a besoin de pouvoirs accrus pour contrôler l'abus de position dominante. Comme mes collègues, j'aimerais que l'on me démontre qu'il existe vraiment un problème que le bureau n'est pas en mesure de contrôler.
º (1655)
M. Brian Masse: Veuillez m'excuser, j'aurais dû être plus précis. Le télémarketing est un bon exemple de ce genre de chose. Je pense que je vous ai confondu avec quelqu'un d'autre. Plus précisément, vous avez parlé de fixer des normes pour les juges pour ce qui est des amendes et de leurs montants. C'est là où je voulais en venir. Excusez-moi de vous avoir cité à ce sujet.
Je pourrais peut-être demander aux autres témoins s'il serait souhaitable de fournir des directives au sujet du montant des amendes, pour les augmenter ou les réduire, en fonction du nombre des personnes ou des entreprises qui sont touchées par certaines pratiques.
M. Donald Affleck: Monsieur, aux termes de la disposition pénale qui réprime la publicité fausse et trompeuse, une disposition très large, toute personne qui donne au public une indication fausse ou trompeuse commet une infraction. C'est là qu'il conviendrait de fixer des limites ou de fournir des directives à l'institution—le tribunal pénal dans ce cas-ci—qui serait chargée de prendre une décision à ce sujet, qui pourrait comprendre un dédommagement.
On pourrait peut-être également utiliser une ordonnance de blocage, parce que cela vise le cas du vendeur qui vend une pendule dans un centre commercial, qui est ici à Toronto aujourd'hui et qui sera demain à Edmonton. Nous pouvons le retrouver à Edmonton—nous avons un bureau de la concurrence national—et nous pouvons l'arrêter. Nous pouvons bloquer ses comptes bancaires. Nous pouvons dédommager les consommateurs qui ont acheté un produit qui n'a jamais fonctionné. Nous pouvons lui imposer une amende qu'il devra payer à l'aide des profits illégaux qu'il a réalisés, mais pas dans le cas de la personne qui déclare: «soldé à 1,99 $, prix courant 2,19 $» et où l'on constate que le prix courant est de 2,29 $ ou de 2,09 $. Le consommateur a tout de même acheté un bien qui vaut quelque chose. À moins que cette personne, le propriétaire, ait intentionnellement fourni une fausse indication et qu'il persiste à le faire, je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il s'agit d'un crime horrible.
M. Brian Masse: C'étaient là mes questions. Merci.
Le président: Merci, Brian.
James, ensuite Serge, s'il le souhaite, et ensuite, Michael.
M. James Rajotte: Merci, monsieur le président.
Merci d'avoir présenté vos exposés aujourd'hui. Je tiens à vous dire que je souscris à la plupart de ce que vous avez dit. Je souscris certainement à l'idée qu'il faut abroger les dispositions propres aux compagnies aériennes, parce que la loi doit normalement s'appliquer à tous. Je vous félicite d'avoir adopté cette position.
Je tiens à parler de l'augmentation du niveau des SAP, parce que j'estime que ce projet de loi devrait remédier à des problèmes. Il devrait y avoir un problème ou quelque chose qu'il faudrait corriger. C'est la raison pour laquelle on présente un projet de loi. Je crois que certains pensent que ce projet de loi est le fruit de vastes consultations.
J'étais membre du comité qui a présenté le rapport en 2002. Je ne me souviens pas que nous ayons recommandé d'augmenter le niveau des SAP, pour ce qui est du montant maximum. Je ne m'en souviens pas. Nos assistants de recherche pourraient peut-être préciser ce détail pour nous.
M. Tim Kennish: Je ne pense pas que le comité l'ait fait.
M. James Rajotte: Deuxièmement, pour ce qui est des affaires que vous avez mentionnées, il ne semble pas qu'il y ait une jurisprudence importante, comme l'a fait remarquer l'Association du barreau canadien, et cela fait problème, cela fait ressortir le besoin de corriger la situation de cette façon. Je pense que c'est la Chambre de commerce qui a signalé les affaires Suzy Shier, Forzani et Sears dans lesquelles les SAP étaient déjà très lourdes.
Le membre qui siège de l'autre côté de la table a laissé entendre que c'étaient les grandes sociétés qui s'opposaient à ce projet de loi. Je pense, comme M. Affleck l'a fait remarquer, que ce sont les PME qui devraient être particulièrement inquiètes, parce que les SAP dont parle le projet de loi pourraient mettre en faillite une PME, alors qu'une grande société pourrait absorber une sanction d'un tel niveau.
Peut-être que M. Affleck et M. Kennish, les deux avocats présents aujourd'hui, souhaitent faire des commentaires. Existe-t-il d'autres affaires qui soulèvent des problèmes et qui auraient amené le gouvernement à proposer des SAP d'un tel niveau?
M. Donald Affleck: Permettez-moi de vous répondre, monsieur, en vous citant la recommandation que vous avez faite en 2002:
Que le gouvernement du Canada donne au Tribunal de la concurrence le droit d'imposer des sanctions d'ordre administratif à quiconque viole les articles 75, 76, 77, 79 et 81 de la Loi sur la concurrence. Le tribunal aurait toute discrétion pour établir ces sanctions. |
C'est ma position de repli pour la question que me posait le membre du comité qui siège en face.
Je ne connais aucune autre affaire, à part une affaire appelée PVI, qui concernait un économiseur d'essence, qui a fait l'objet d'une audience. Deux personnes ont comparu seules dans cette affaire. Je ne me souviens pas si elles se sont vu imposer une amende. Si c'est ce qui s'est passé, celle-ci était de 25 000 ou 50 000 $ tout au plus. Je ne connais pas d'autre affaire à part celles que M. Kennish a mentionnées dans son mémoire—les affaires Suzy Shier et autres.
Il y a une disposition que je devrais vous signaler, et vous allez certainement en entendre davantage à ce sujet si le comité reprend son examen du projet de loi C-19, c'est une disposition relative à la comparaison des prix qui figure dans l'article 74.01 et qui énonce qu'il faut effectuer une comparaison des prix si la personne n'a pas «vendu une quantité importante du produit à ce prix ou à un prix plus élevé pendant une période raisonnable antérieure ou postérieure à la communication des indications» et n'a pas «offert de bonne foi le produit à ce prix ou à un prix plus élevé pendant une période importante précédant de peu ou suivant de peu la communication des indications».
Lorsque j'ai répondu à M. Schmidt avant de parler des dispositions pénales, il faut savoir avant d'inculper quelqu'un d'une infraction pénale, où se trouve la limite. Que constitue «une période raisonnable» pour quelqu'un qui vend des maillots de bain? Qu'est-ce qu'une «période raisonnable» pour quelqu'un qui vend des manteaux de fourrure»? Est-ce l'année entière? Que veut dire l'expression «de bonne foi»?
La personne qui lit ces dispositions et qui veut annoncer un certain prix à un consommateur et qui voit toutes ces SAP qui lui pendent au nez avec toutes les mesures de dédommagement et de blocage va hésiter et parlera plutôt de «comparer nos prix» ou de «prix courant» ou quelque chose de très indirect. Ce n'est pas à cela que sert la publicité.
Pour répondre à votre question, je dirais que les SAP sont suffisantes. Elles n'existent que depuis trois ou quatre ans. Nous avons eu trois ou quatre affaires portant sur ces dispositions, et nous avons obtenu d'excellents résultats.
» (1700)
Le président: Voulez-vous intervenir?
M. Tim Kennish: Pour ce qui est du recours aux SAP dans le contexte de l'abus de position dominante, il a été parfois affirmé qu'étant donné que certaines dispositions du projet de loi proposent également de décriminaliser—et que cela serait en fait uniquement encadré par la disposition relative à l'abus de position dominante—et entraînent des pénalités découlant de leur violation en tant que dispositions pénales, ces dispositions ont un effet dissuasif supérieur à celui qu'ont les dispositions actuelles.
Si vous prenez les pratiques en matière d'établissement des prix, on constate que ces dispositions n'ont pas été largement mises en application. Je pense que la plupart des gens diraient que le bureau a hésité à les mettre en application à cause de leur caractère ambigu. Ces pratiques ne sont pas toujours anticoncurrentielles et les gens n'aimaient pas trop appliquer trop strictement ces dispositions.
Il y a aussi les dispositions en matière de position dominante qui sont propres aux compagnies aériennes et qui sont assorties d'une SAP de 15 millions de dollars. Cette pratique est désormais visée par une disposition de nature civile. Il est possible que certains soutiennent qu'il faut surveiller de près ces compagnies aériennes et qu'il faut donc des gros chiffres pour ce qui est des sanctions pécuniaires.
Nous affirmons dans notre mémoire que nous n'avons jamais pensé que c'était là une pénalité appropriée pour les compagnies aériennes susceptibles d'être visées par cette disposition particulière. Je sais que cela figurait dans la loi, mais je ne pense pas que le montant de cette amende était approprié.
M. James Rajotte: Monsieur le président, j'ai interrogé la commissaire à la concurrence au sujet de l'abus de position dominante et des pratiques commerciales déloyales parce qu'un des témoins—je ne me souviens plus lequel—a signalé que nous voulions évidemment poursuivre les gens comme ceux qui étaient à l'origine de la fameuse affaire nigérienne, qui était une pure tromperie, et dont les responsables essayaient d'amener frauduleusement les gens, en particulier les personnes âgées, à leur remettre de l'argent. Mais il existe des pratiques commerciales qui sont en fait concurrentielles. Nous n'allons pas commencer à poursuivre Tide parce que cette compagnie affirme qu'avec son produit, les vêtements seront plus blancs. Ce n'est pas une pratique commerciale déloyale.
Je ne sais pas si les témoins veulent aborder cette question maintenant, mais si vous pouviez ne serait-ce qu'identifier—la commissaire l'a fait de façon générale—l'abus de position dominante... J'aimerais savoir si, pour ce qui est de l'abus de position dominante et des pratiques commerciales déloyales, le tribunal a jusqu'ici réussi à établir une distinction entre les pratiques commerciales qui consistent parfois à exagérer les vertus du produit mais qui sont en fait concurrentielles et les pratiques qui sont beaucoup plus pernicieuses?
» (1705)
M. Tim Kennish: Je mentionnerais simplement que tout cela est assez récent. Cela ne fait que quatre ou cinq ans que le tribunal s'occupe de ces questions. Il y a les quelques affaires auxquelles nous avons fait allusion, mais il n'existe pas une longue liste de poursuites civiles. Il existe un nombre considérable d'affaires en matière de publicité trompeuse aux termes des anciennes dispositions pénales, mais c'est tout ce que nous avons pour le moment. Notre argument est qu'il n'existe dans ce dossier aucun élément qui montre, d'après nous, que ces dispositions ne permettent pas de régler les problèmes auxquels ils font face ou auxquels ils pourraient faire face.
M. Donald Affleck: La plupart de ces affaires n'ont pas été débattues devant les tribunaux. Il y a eu des transactions. Il y a une affaire qui a donné lieu à un procès. Elle concernait Sears Canada et le jugement a été mis en délibéré. Toutes les parties ont présenté des arguments et nous attendons la décision du tribunal. Nous pensons—et je dis «nous», parce qu'il s'agit d'avocats et que je ne me suis pas occupé de cette affaire—que ce jugement va aborder certaines questions de droit soulevées par cette affaire.
Quant à l'abus de position dominante, cette disposition existe depuis un peu plus longtemps. Le tribunal a été amené à l'examiner dans trois ou quatre affaires. Les décisions du tribunal sont toujours critiquées, en particulier par la partie perdante, mais je dirais qu'en général, les gens estiment que le tribunal a fait du bon travail dans ces affaires.
Le président: Allez-y, James.
M. James Rajotte: Merci, monsieur le président.
Une dernière question. Je voudrais élargir un petit peu le débat dans ma réponse. Je pense que M. Dillon a parlé des grosses sociétés canadiennes qui faisaient concurrence à des sociétés multinationales.
J'estime que le comité devrait examiner un des aspects de la Loi sur la concurrence—et avec les experts que nous avons ici aujourd'hui, j'aimerais avoir leurs commentaires—, c'est la question récente que pose la possibilité que Noranda soit rachetée intégralement par China Minmetals. Il m'a été signalé que la Loi sur la concurrence, telle qu'elle est rédigée actuellement, pourrait interdire à une entreprise comme Inco de faire la même chose. Notre propre Loi sur la concurrence pourrait interdire cette opération mais la loi, ni aucune autre disposition législative n'empêcherait une société étrangère d'acheter Noranda, même si la Loi sur Investissement Canada exigerait un examen.
Est-ce un sujet—et je sais que je m'éloigne un peu du projet de loi C-19, mais j'aimerais avoir votre réponse sur ce point—que le comité et le Parlement devraient examiner, à savoir modifier la Loi sur la concurrence pour peut-être faciliter la concentration des entreprises canadiennes de façon à ce qu'elles soient mieux en mesure de supporter la concurrence internationale?
M. Donald Affleck: Cela touche indirectement les gains d'efficience. Si Inco voulait acheter Falconbridge, le Bureau de la concurrence demanderait si cela risque de réduire sensiblement la concurrence au Canada. Ce rachat pourrait être validé si Inco pouvait démontrer que cette fusion déboucherait sur des gains d'efficience. Mais il est intéressant de noter que selon cette loi, une entreprise étrangère qui n'exerce aucune activité au Canada pourrait fort bien acheter une entreprise canadienne. En effet, cet achat n'entraînerait pas une réduction importante de la concurrence. Ce serait simplement un changement de propriétaire.
Le président: Monsieur Kennish.
M. Tim Kennish: J'aimerais faire deux remarques. Premièrement, ces situations ne se limitent pas toujours au marché canadien, il y a un marché international, de sorte qu'il faut peut-être prendre un peu de recul et tenir compte d'autres aspects. Il est peut-être plus facile de contrôler des actions, même selon nos normes, et il est possible d'envisager des combinaisons acceptables s'il s'agit d'un marché international. C'est la situation dont parlait M. Dillon.
L'autre aspect est que je pense effectivement qu'il serait bon d'examiner la question des gains d'efficience. En fait, le Bureau de la concurrence a invité les intéressés à fournir des commentaires sur ce sujet.
Il y a aujourd'hui quelques projets de loi qui proposent de modifier la défense basée sur les gains d'efficience. La défense basée sur les gains d'efficience pourrait fort bien s'appliquer à un cas comme la fusion d'Inco et Falconbridge qui exploitent des mines situées l'une à côté de l'autre à Sudbury, ce qui produirait certainement des gains d'efficience importants. Je dirais que la plupart des avocats qui pratiquent dans ce domaine diraient que la situation est confuse. Personne ne peut vraiment prédire comment la loi s'appliquerait aujourd'hui à cette situation et cela devrait être clarifié.
» (1710)
Le président: Merci.
Vouliez-vous faire un commentaire, monsieur Dillon?
M. John Dillon: Très brièvement, monsieur le président, je vous remercie.
J'ai effectivement soulevé ce point, ou le conseil l'a fait, dans notre mémoire, et je pense que c'est un aspect qui mérite vraiment d'être étudié par le comité. Comme M. Kennish l'a suggéré, il est évident que dans certains cas il est important de considérer le marché international. Cela serait certainement vrai dans le cas de l'industrie minière. Cependant, je crois comprendre que le bureau a tendance à appliquer des règles assez strictes dans le cas où l'entreprise fusionnée obtiendrait d'un seul coup une part importante du marché canadien. Une telle situation déclencherait automatiquement l'examen d'autres questions, quelle que puisse être la situation du marché international, quelles que puissent être les entreprises étrangères qui peuvent importer ces mêmes produits au Canada.
Le président: Merci.
Serge, vouliez-vous... Et ensuite, Michael.
[Français]
M. Serge Cardin: J'aimerais continuer sur les thèmes de la concurrence, la mondialisation et les grandes entreprises de l'extérieur. À la suite de vos commentaires, je me posais une question. Pour ce qui est de la concurrence dans nos marchés, au pays et au Québec, il est certain qu'on doit s'assurer que toutes les choses se font dans les règles de l'art et, de façon générale, dans la plus grande protection des consommateurs. Cependant, la dimension internationale gagne en importance.
Tout à l'heure, quelqu'un a dit que la fixation des prix était une des actions les plus graves relativement à la concurrence. On sait bien qu'on s'est souvent posé des questions concernant l'essence, parce que les prix sont tous pareils, peu importe la compagnie. Donc, ce sont de gros joueurs. J'ai l'impression qu'en raison du fait que les joueurs sont de plus en plus considérables et qu'ils travaillent partout dans le monde, la fixation des prix à l'extérieur d'un marché domestique, que ce soit le Canada ou les États-Unis, sera beaucoup plus simple à faire. Si on a de la difficulté à appliquer les lois sur la concurrence à l'intérieur d'un pays, malgré les sanctions dissuasives, comment va-t-on faire à l'étranger?
La question ne se pose pas seulement pour l'étranger, parce que ces compagnies peuvent venir s'installer ici. Prenons l'exemple de l'arrivée de Costco au Canada. Tous le monde disait que Canadian Tire allait piquer du nez. Pourtant, on s'est aperçus que la compétition a fait en sorte que les prix de Canadian Tire ont diminué aussi, et l'action de Canadian Tire n'a jamais été aussi haute. Il y a donc eu une concurrence qui a été très favorable à Canadian Tire.
Cependant, à mon avis, plus les joueurs sont gros, plus la possibilité de collusion est grande. Nous avons déjà demandé au Bureau de la concurrence s'il y avait de la collusion dans le secteur du pétrole. On nous a répondu que non. Par contre, il est curieux que les prix soient toujours les mêmes. Quelquefois, ils varient par région, mais c'est plutôt rare. Donc, pour ce qui est de la concurrence, voilà où se trouve l'importance de la fixation des prix, compte tenu de la mondialisation des marchés.
Avez-vous des commentaires à ce sujet?
[Traduction]
Le président: Quelqu'un veut-il faire des commentaires sur les observations de M. Cardin?
Monsieur Dillon.
M. John Dillon: Je vais essayer, monsieur le président.
Évidemment, il y a parmi les exemples que nous avons cités des industries pour lesquelles le prix des produits est fixé par le marché mondial. Une société canadienne, qu'il s'agisse d'une société existante ou de la fusion de deux sociétés canadiennes, ne serait pas en mesure d'influencer le prix mondial de ses produits. Le fait est que ces prix sont fixés par le marché international et une grande entreprise canadienne fusionnée n'aurait pas un poids suffisant sur le marché international pour influencer les prix. Ceux-ci sont fixés par l'ensemble des pays. Si l'entreprise canadienne ne peut pratiquer ces prix, alors le produit en question sera importé de la Corée, de la Russie, de la Chine ou de la Thaïlande ou des pays où ces produits sont fabriqués.
Je ne suis pas un spécialiste du secteur du gaz et du pétrole. Je sais cependant que cette industrie a fait l'objet de plusieurs études. Le fait que les prix de l'essence soient tous comparables indique clairement que toutes ces entreprises se font concurrence. C'est ce qu'ont montré toutes les études qui ont été faites au sujet de cette industrie.
Cela dit, M. Kennish a fait remarquer, et il a tout à fait raison sur ce point, que, lorsqu'il y a complot en vue de fixer les prix et que les acteurs du marché sont en mesure de le faire, cela constitue clairement une infraction pénale. Mais ce n'est pas de cela dont il s'agit ici.
» (1715)
Le président: Monsieur Kennish, sur le même sujet.
M. Tim Kennish: J'hésite à me lancer dans cette discussion parce que c'est un sujet très complexe, mais il y a un aspect de la situation de la vente au détail de l'essence qu'il convient de mentionner, c'est que les produits sont tous identiques—même si je ne veux pas choquer les grandes pétrolières en disant cela. Certains clients pensent qu'il y a une grande différence entre les produits, mais si une station-service demandait 10c. de plus par litre d'essence, pourquoi iriez-vous acheter chez elle? Bientôt, tous les acheteurs iraient ailleurs.
Nous avons adopté une pratique au Canada qui remonte je crois au début des années 1980, au moment où la Commission sur les pratiques restrictives de commerce avait examiné la vente des produits pétroliers et exigé que le prix de base de l'essence soit affiché de façon à ce que tout le monde puisse le voir. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner le prix à la pompe, il suffit de lire les affiches. Elles indiquent le prix de base. Ces prix sont semblables et cela s'explique par le fait que si le prix d'une station-service est plus élevé que celui des autres, cette station va perdre un grand nombre de clients. C'est pourquoi les prix semblent se situer à un niveau comparable. Il est possible que les prix soient identiques parce qu'il y a eu fixation des prix. Mais ce pourrait aussi être parce qu'une station-service risque de perdre un grand nombre de clients si ses prix ne sont pas compétitifs.
C'est une situation complexe, mais il est intéressant de noter que le Bureau de la concurrence fait chaque année des enquêtes approfondies pour déterminer s'il y a fixation des prix dans le commerce de détail de l'essence. D'après mon souvenir, le bureau n'a jamais réussi à démontrer que c'était le cas. Les gens pensent souvent que ces prix sont fixés après concertation des pétrolières parce qu'ils sont presque identiques, mais il existe d'autres explications de cette situation.
[Français]
Le président: Ça va?
M. Serge Cardin: Monsieur le président, s'il me reste un peu de temps, j'aimerais poursuivre. M. Kennish est revenu sur la question du pétrole. Effectivement, s'il y avait une différence de 10 ¢ le litre, celui qui demanderait 10 ¢ de plus n'aurait pas une grosse clientèle.
Je prends l'exemple du Québec, où le ministère des Ressources naturelles fixe un prix minimal pour un litre. Les grandes pétrolières avaient l'habitude de beaucoup baisser le prix, ce qui faisait mourir les entreprises indépendantes. Il y a donc eu la fixation d'un prix minimal. Les grandes pétrolières ne se rendent jamais au prix minimal, mais gardent toujours une importante marge de profit par litre. C'est pour cela que vous êtes revenu sur ce sujet en disant qu'ils s'ajustaient mutuellement. Cependant, si quelqu'un voulait vendre le pétrole au prix minimal suggéré par le ministère des Ressources naturelles, qui correspondrait à un coût et à un profit normaux, cela provoquerait indirectement une collusion. La seule différence, c'est qu'ils ne le font peut-être pas ensemble dans un bureau le matin. Mais cela se produit quand même rapidement. Ils s'ajustent au cours de la même heure.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur.
M. Donald Affleck: Il ne faut pas oublier, monsieur Cardin—je me fais vieux—que la façon de vendre l'essence a évolué. On a connu la station d'essence du coin de la rue avec le mécanicien et le reste. Les stations-service se font maintenant concurrence sur les beignes et le café et non plus sur l'essence. C'est sur ces aspects que joue la concurrence—le Pepsi-Cola ou le Coca-Cola que ces commerces vendent, avec d'autres produits.
M. Kennish a tout à fait raison, le bureau étudie cette question depuis des années. En fait, il effectue une enquête à l'heure actuelle et je crois qu'il va très bientôt présenter un rapport à la Chambre, par l'intermédiaire de son ministre.
Le président: Merci.
C'est au tour de Michael Chong.
M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC): J'ai deux questions très différentes, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus devant le comité.
Ma première question porte sur le sujet qu'a abordé James Rajotte et sur les commentaires qu'a faits John Dillon au sujet de la capacité des entreprises canadiennes de soutenir la concurrence internationale—et du fait qu'il était souhaitable d'en arriver à un certain niveau de concentration dans certains secteurs pour que ces entreprises puissent soutenir la concurrence mondiale et que la Loi sur la concurrence, considérée dans ce contexte plus large, devrait pouvoir favoriser ce genre de chose.
Ma question s'adresse non seulement à M. Dillon, mais également à l'Association du barreau canadien et à la Chambre de commerce du Canada. Pourriez-vous nous préciser comment nous pourrions, d'un côté, accepter certains comportements anticoncurrentiels et, de l'autre, permettre aux entreprises canadiennes de se renforcer de façon à pouvoir soutenir la concurrence internationale? Autrement dit, comment concilier ces deux orientations, et où faudrait-il, d'après vous, tracer la limite si nous voulions intervenir dans ce domaine dans le but de réviser la loi?
» (1720)
Le président: Qui aimerait commencer?
Monsieur Dillon.
M. John Dillon: Permettez-moi de préciser que je n'ai pas dit qu'il fallait laisser les entreprises adopter librement un comportement anticoncurrentiel au Canada pour qu'elles puissent être compétitives sur le plan international. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.
J'ai par contre déclaré que si le bureau décide d'utiliser des ratios fixes pour déterminer si une fusion risque d'avoir une incidence sur la concurrence, je sais que le bureau prend en compte le marché international. C'est une question que vous devriez poser aux représentants du bureau parce qu'en fait, comme je l'ai dit plus tôt, lorsque ces entreprises font du commerce international, elles ne sont pas en mesure de fixer les prix. C'est le marché international qui le fait, et si elles essaient de vendre leurs produits à un prix supérieur au Canada, ce sont les entreprises étrangères qui leur font concurrence qui emporteront les marchés.
Comme nous le savons, les entreprises concurrentes de la Chine, de l'Inde, du Brésil et de la Corée sont de plus en plus agiles, efficaces et elles utilisent la technologie la plus récente pour produire leurs marchandises à des prix de plus en plus bas. Il est possible que dans certains secteurs, les entreprises canadiennes doivent fusionner pour mieux résister à cette concurrence. Il ne s'agit pas du tout d'agir de façon à limiter la concurrence. Il s'agit d'augmenter la taille des entreprises et l'ampleur de leurs activités; cela entraîne des gains d'efficience qui leur permettent de faire concurrence aux entreprises des pays qui, bien souvent, ont des coûts de production inférieurs aux nôtres pour toutes sortes de raisons.
Le président: Monsieur Kennish.
M. Tim Kennish: Je crois que l'on peut dire que les règles de la concurrence ne permettent pas d'accorder une exemption à une entreprise nationale que l'on souhaiterait plus compétitive sur le plan international, si cette exemption avait pour effet de créer une entreprise géante au Canada qui obligerait les Canadiens à payer des prix supérieurs à ceux qu'ils paieraient si notre marché était concurrentiel. C'est un compromis qui n'est pas acceptable selon les règles actuelles de la concurrence.
Le parlement pourrait modifier cela en adoptant une loi qui réglementerait l'industrie en autorisant ce genre de chose lorsque les avantages d'une telle situation l'emportent sur les inconvénients; il faudrait néanmoins examiner soigneusement la nature d'un tel compromis. Si c'était le cas, le droit de la concurrence ne protégerait pas efficacement la fusion d'entreprises canadiennes qui aurait pour objet de créer une société plus importante et plus compétitive sur le plan des coûts et qui pourrait ainsi affronter la concurrence internationale avec la conséquence qu'elle dominerait le marché canadien.
Le président: Vouliez-vous passer à votre deuxième question, Michael?
M. Michael Chong: Ma deuxième question concerne un aspect auquel vous avez fait allusion tout à l'heure, et elle porte sur les ententes en matière de cartel. Le projet de loi n'a pas pour effet de modifier les dispositions applicables aux cartels.
Pensez-vous qu'il conviendrait de renforcer considérablement cette partie de la loi de façon à décourager ce genre de comportement et, dans ce cas, est-ce que la décriminalisation de ce genre de comportement serait un moyen plus efficace de l'empêcher? Au-delà de la question de la décriminalisation, devrait-on faire passer les amendes prévues dans cette partie de la loi au-delà de la limite actuelle de 10 millions de dollars dans la zone de 100 millions de dollars, montant qui a été proposé, je crois, aux États-Unis? D'autres pays ont également augmenté considérablement le montant des amendes susceptibles d'être imposées.
Voilà mes questions.
» (1725)
M. Donald Affleck: M. Kennish et moi ne sommes pas du même avis sur ces questions et les membres de l'Association du barreau canadien ne s'entendent pas non plus sur la position adoptée à l'égard de l'article 45. C'est l'article dont vous parlez. Devrait-on renforcer cette disposition? Cette disposition fait-elle problème? Je me pose personnellement cette question. Cette disposition fait-elle problème?
J'ai des clients qui ont été accusés d'avoir violé l'article 45. J'ai examiné les faits. J'ai demandé à la Couronne de me communiquer les preuves selon Stinchcombe et j'ai dit à mon client qu'il ferait mieux de plaider coupable parce qu'il risquait de dépenser un million de dollars pour se défendre, pour être finalement déclaré coupable. Ces entreprises ont présenté une défense et ont été condamnées à payer une amende—1,5 million de dollars. C'est un des fabricants de produits chimiques étrangers qui se contentent de vendre des pilules ou d'autres choses à un distributeur au Canada. Le bureau ne tient pas compte de ce genre d'affaire parce qu'elle n'a pas été contestée. Je dis que cela ne veut rien dire. Les avocats qui représentent ces clients examinent les faits. Ce sont des affaires contestées dans le sens où vous conseillez le mieux possible votre client.
Je crois que le trésor public a recueilli près de 128 millions de dollars au cours des trois dernières années avec ce genre d'affaire. Cela représente beaucoup d'argent et ces dispositions donnent de bons résultats. Le Bureau de la concurrence profite en fait des poursuites intentées aux États-Unis et il y en a en ce moment un certain nombre qui sont en cours.
Décriminaliser? Vous pouvez demander à la commissaire de la concurrence et dire, chère madame la commissaire, je veux conclure une entente qui me permettrait d'exploiter les sables bitumineux de l'Ouest. La voici. Examinez-la s'il vous plaît. Elle va dire oh, monsieur Affleck, il y a quelques clauses que nous n'aimons pas. Si vous pouviez changer ceci et cela... De cette façon, le commissaire de la concurrence ferait de la réglementation. Cela ressemble un peu aux fusions. On autorise les fusions pourvu que les sociétés concernées vendent certains magasins ou d'autres actifs. La décriminalisation m'inquiète parce que je ne sais pas où cela va se terminer mais, comme vous le savez, le bureau est en train d'examiner les possibilités qu'offre l'article 45.
Pour ce qui est des amendes, je m'en remettrais encore une fois à la discrétion des tribunaux. Le montant de ces amendes va augmenter.
M. Michael Chong: Elles sont plafonnées actuellement.
M. Donald Affleck: Oui, elles sont plafonnées actuellement. C'est pourquoi j'aimerais libérer ces choses. Le membre du comité qui siège en face était prêt à s'en remettre aux tribunaux. Moi aussi.
Merci.
Le président: Nous avons juste le temps d'entendre quelques derniers commentaires très brefs, M. Kennish et M. Dillon, et nous allons ensuite lever la séance.
M. Tim Kennish: J'aimerais parler du sujet qu'a soulevé M. Chong.
Tout d'abord, la plupart des gens reconnaissent qu'il est nécessaire de réprimer, de la façon la plus directe possible, les ententes en matière de répartition du marché, la fixation des prix, les ententes sur la répartition des clients et les restrictions en matière de production. Ce sont de pures ententes injustifiables en matière de cartel. Ce genre d'entente n'offre aucun avantage pour l'économie ou pour la société et il est inutile de perdre son temps à examiner l'effet sur le marché de telles ententes. Elles devraient être interdites et être passibles de pénalités importantes.
Parallèlement, la plupart des ententes conclues par les entreprises concurrentes qui ne visent pas les choses que je viens de mentionner exigent qu'elles soient examinées de façon plus détaillée pour voir si elles ont des effets préjudiciables ou non, parce qu'il y a des alliances stratégiques qui peuvent être avantageuses. Ces alliances relèvent actuellement du droit pénal.
La proposition consiste à incriminer automatiquement les ententes injustifiables en matière de cartel et à prévoir un examen civil des autres ententes horizontales. Je ne veux pas trop aller dans les détails. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens qui s'opposent à cette solution. Beaucoup de gens disent qu'elle est difficile à insérer dans la législation.
L'Union européenne est en train de dépénaliser ce domaine. Elle n'impose pas d'amende pénale pour les activités en matière de cartel et, en fait, pendant une période assez longue, elle n'imposait que des amendes assez faibles, ce qui explique peut-être en partie la culture de collaboration que l'on trouve dans cette région. Les amendes sont maintenant plus fortes.
La situation est totalement différente aux États-Unis. Chez eux, la lutte contre la fixation des prix et les cartels est presque une religion. J'ai parlé à un avocat d'expérience, spécialisé dans ce domaine, des peines d'emprisonnement automatiques, qui est le mécanisme en vigueur dans ce pays. Je lui ai demandé si cela était une bonne idée et il m'a dit que c'était l'arme la plus efficace pour empêcher ce genre d'activité, à part les programmes d'immunité.
» (1730)
Le président: Les derniers mots sont pour vous, monsieur Dillon.
M. John Dillon: Merci, monsieur le président.
Ce sont peut-être les derniers mots qui seront prononcés sur ce sujet pendant un moment. Je vais simplement répéter l'observation que j'ai faite tout à l'heure. Il est évident qu'il faut avoir des dispositions pénales très strictes pour réprimer les ententes en matière de cartel. La difficulté que soulèvent les propositions qui ont déjà été présentées, comme cette idée d'instituer un régime civil pour examiner les différentes sortes d'ententes que peuvent conclure des concurrents ou des concurrents potentiels, nous ramène aux observations de M. Affleck. En réalité, la plupart des grands projets, qu'il s'agisse du sable bitumineux d'Athabasca, des pipelines du Nord, exigent la collaboration de divers concurrents. Mais il ne s'agit pas uniquement des grandes sociétés.
Beaucoup de petites entreprises m'ont mentionné qu'elles concluaient ce genre d'ententes de collaboration lorsqu'il s'agissait de mettre au point de nouveaux produits, d'entrer sur de nouveaux marchés où individuellement, elles n'auraient pas la surface ou l'expérience requise, mais où, en s'alliant avec d'autres entreprises, elles pourraient y parvenir. Il se conclut toutes sortes d'alliances stratégiques. S'il est possible de réglementer tout cela de façon efficace, très bien, mais les propositions présentées par le bureau ne m'ont pas convaincu, pas plus que nos membres, que cela est possible. Nous risquons plutôt de refroidir l'ardeur des entreprises qui souhaitaient conclure des ententes novatrices qui peuvent vraiment favoriser le commerce.
M. Donald Affleck: Monsieur le président, je voudrais vous présenter ainsi qu'aux membres du comité et au greffier mes meilleurs voeux pour la saison des fêtes.
Le président: Merci et permettez-moi de vous souhaiter la même chose. Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
Je vais informer mes collègues que nous avions prévu d'entendre des témoins jeudi prochain et que nous allons devoir les informer que la séance est annulée. Je propose donc, à moins qu'il y ait des objections majeures, d'examiner le projet de loi C-21, en attendant que le sort du projet de loi C-19 soit réglé.
Mardi, nous allons travailler sur notre stratégie. Nous allons entendre l'Association des manufacturiers et des exportateurs canadiens, le Congrès du travail du Canada et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante mardi.
Encore une fois, jeudi prochain, nous examinerons le projet de loi C-21, en attendant que soit réglé le sort du projet de loi C-19.
Je vous dis merci à tous. La séance est levée.