INDU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 6 octobre 2005
¿ | 0900 |
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.)) |
M. Bruce Pearce (vice-président, Conseil d'administration, Green Communities Canada) |
¿ | 0905 |
¿ | 0910 |
Le président |
M. Robert Huget (vice-président administratif, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier) |
¿ | 0915 |
Le président |
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, PCC) |
¿ | 0920 |
M. Bruce Pearce |
M. John Duncan |
M. Robert Huget |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Marc Boulianne (Mégantic—L'Érable, BQ) |
M. Bruce Pearce |
M. Marc Boulianne |
M. Bruce Pearce |
M. Marc Boulianne |
M. Bruce Pearce |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.) |
M. Bruce Pearce |
M. Andy Savoy |
M. Bruce Pearce |
M. Andy Savoy |
M. Bruce Pearce |
M. Andy Savoy |
M. Bruce Pearce |
M. Andy Savoy |
M. Bruce Pearce |
M. Andy Savoy |
M. Bruce Pearce |
M. Andy Savoy |
M. Robert Huget |
¿ | 0935 |
M. Andy Savoy |
M. Robert Huget |
M. Andy Savoy |
M. Robert Huget |
M. Andy Savoy |
M. Robert Huget |
Le président |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
M. Bruce Pearce |
M. Brian Masse |
M. Robert Huget |
¿ | 0940 |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC) |
M. Bruce Pearce |
M. Werner Schmidt |
M. Bruce Pearce |
M. Werner Schmidt |
M. Robert Huget |
¿ | 0945 |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Bruce Pearce |
Le président |
L'hon. Denis Coderre (Bourassa, Lib.) |
M. Bruce Pearce |
¿ | 0950 |
L'hon. Denis Coderre |
M. Bruce Pearce |
L'hon. Denis Coderre |
M. Bruce Pearce |
L'hon. Denis Coderre |
Le président |
M. Robert Huget |
¿ | 0955 |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard (Chatham-Kent—Essex, Lib.) |
Le président |
M. Bruce Pearce |
À | 1000 |
Le président |
Le président |
À | 1005 |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
Mme Sheridan Scott (commissaire de la concurrence , Bureau de la concurrence) |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
Mme Sheridan Scott |
À | 1010 |
Le président |
M. Bradley Trost (Saskatoon—Humboldt, PCC) |
À | 1015 |
Mme Sheridan Scott |
Mme Suzanne Legault (sous commissaire adjointe de la concurrence, Direction générale de la politique de la concurrence, Bureau de la concurrence) |
M. Bradley Trost |
Mme Sheridan Scott |
M. Richard Taylor (sous-commissaire de la concurrence, Direction générale des affaires civiles, Bureau de la concurrence) |
À | 1020 |
Le président |
Mme Sheridan Scott |
Le président |
M. Bradley Trost |
Le président |
M. Gérard Asselin (Manicouagan, BQ) |
Mme Sheridan Scott |
À | 1025 |
M. Gérard Asselin |
Le président |
Mme Sheridan Scott |
Le président |
L'hon. Denis Coderre |
À | 1030 |
Mme Sheridan Scott |
L'hon. Denis Coderre |
Mme Sheridan Scott |
L'hon. Denis Coderre |
Mme Sheridan Scott |
L'hon. Denis Coderre |
Mme Sheridan Scott |
L'hon. Denis Coderre |
Mme Sheridan Scott |
L'hon. Denis Coderre |
Mme Sheridan Scott |
L'hon. Denis Coderre |
Mme Suzanne Legault |
L'hon. Denis Coderre |
Mme Suzanne Legault |
L'hon. Denis Coderre |
Le président |
Mme Suzanne Legault |
À | 1035 |
Le président |
M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC) |
Le président |
Mme Sheridan Scott |
M. Michael Chong |
À | 1040 |
Le président |
Mme Sheridan Scott |
M. Richard Taylor |
M. Michael Chong |
M. Richard Taylor |
M. Michael Chong |
Le président |
M. Michael Chong |
M. Richard Taylor |
M. Michael Chong |
M. Richard Taylor |
M. Michael Chong |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard |
À | 1045 |
Le président |
Mme Sheridan Scott |
Le président |
M. Gérard Asselin |
À | 1050 |
Mme Sheridan Scott |
M. Gérard Asselin |
Mme Sheridan Scott |
M. Gérard Asselin |
Mme Sheridan Scott |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard |
M. Werner Schmidt |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard |
À | 1055 |
Mme Sheridan Scott |
M. Richard Taylor |
Á | 1100 |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Mme Sheridan Scott |
M. Werner Schmidt |
Mme Sheridan Scott |
M. Werner Schmidt |
Mme Sheridan Scott |
M. Richard Taylor |
Á | 1105 |
M. Werner Schmidt |
M. Richard Taylor |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie |
|
l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 6 octobre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0900)
[Traduction]
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.)): Bonjour, chers collègues. Good morning everyone.
J'ai le plaisir d'ouvrir la séance du Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie aujourd'hui, 6 octobre. Nous siègerons toute la journée et nous entendrons aujourd'hui d'autres témoins en rapport avec notre étude sur le prix du combustible et de l'essence que nous avons entamée le 22 septembre.
Nous avons le plaisir d'avoir parmi nous aujourd'hui des témoins représentant Green Communities Canada et le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Nous disposons d'une heure avec ces témoins que nous remercions d'être venus et nous aurons ensuite une autre heure en compagnie du commissaire de la concurrence.
Sans plus tarder, messieurs, nous allons commencer dans le même ordre que celui de votre présentation sur l'ordre du jour. Nous vous remercions d'avoir pris le temps, malgré vos emplois du temps chargés, de venir nous aider à mieux comprendre, nous et tous les Canadiens, la situation que nous vivons après le passage des deux ouragans, en particulier dans la région du golfe aux États-Unis, ainsi que la situation complexe de l'industrie dans son ensemble.
Monsieur Pearce, nous allons commencer par vous. La greffière a dû vous expliquer qu'une intervention de cinq à sept minutes au total serait idéale. Allez-y, s'il vous plaît.
M. Bruce Pearce (vice-président, Conseil d'administration, Green Communities Canada): Merci monsieur le président.
Bonjour. Je suis Bruce Pearce, vice-président de Green Communities Canada. Je viens vous parler du besoin urgent d’établir un programme national d’efficacité énergétique pour les personnes à faible revenu au Canada, question que vous examinez aujourd'hui. Il s'agit de mettre en place des mesures à long terme plutôt que de tenter de suivre la valse des prix. Nous voulons des approches politiques nationales durables à long terme. Je vous remercie beaucoup de me donner l’occasion de m’adresser à vous.
Green Communities Canada est une association nationale en pleine expansion regroupant 40 organisations sans but lucratif qui apportent des solutions environnementales novatrices et pratiques aux ménages et aux communautés du Canada. De fait, nous sommes une invention propre au Canada. Aux États-Unis, le mouvement écologique aimerait disposer d'un groupe national comme le nôtre qui pourrait dispenser une gamme de services communs dans toutes les régions du pays afin d'aider les Américains à faire face à de telles situations. Au Canada, ce groupe existe déjà.
Au cours des huit dernières années, Green Communities a effectué 42 000 vérifications énergétiques dans le cadre du Programme ÉnerGuide pour les maisons, en partenariat avec Ressources naturelles Canada. Notre association nationale et nos organismes membres sont des chefs de file dans ce programme.
À titre d’exemple, nous avons élaboré la mesure d’encouragement à la réhabilitation ÉnerGuide pour les maisons qui a été approuvée par le gouvernement fédéral en 2003, mesure qui est extrêmement prisée par les propriétaires qui ont les moyens. Certains membres du comité ont peut-être déjà effectué leur propre vérification énergétique ainsi que les travaux nécessaires et bénéficient des avantages vantés par Rick Mercer.
Cette mesure a contribué à accroître les économies moyennes de l’utilisation de l’énergie pour le chauffage des bâtiments de plus de 30 p. 100 pour les participants—il s'agit d'une moyenne et non pas d'un maximum. ÉnerGuide pour les maisons est un programme fantastique et nous saluons le gouvernement fédéral de son investissement à la hausse dans cet outil valable et efficace—ainsi que les autres intervenants qui ont réclamé ce type d'initiative.
Toutefois, ce programme s’adresse principalement au marché des personnes qui sont en mesure de payer. Le programme profite surtout aux propriétaires qui peuvent se permettre les travaux de réhabilitation. La situation est très différente au Royaume-Uni où le programme national cible les foyers à faible revenu et n'est pas accessible aux particuliers au revenu plus élevé. Le Canada a beaucoup à apprendre du Royaume-Uni où le programme ne cible pas le même secteur de la population.
Le programme ÉnerGuide ne répond pas aux besoins des personnes qui sont le moins en mesure de soutenir le fardeau de plus en plus lourd des coûts énergétiques. C’est la raison de notre présence ici aujourd’hui. Green Communities Canada croit que le Canada a besoin de toute urgence d’un programme national d’efficacité énergétique qui répond particulièrement aux besoins des ménages à faible revenu. Notre organisme a reçu des subventions de Ressources naturelles Canada, de la Société canadienne d’hypothèques et de logement et de la Fédération canadienne des municipalités pour étudier la conception la plus rentable d’un nouveau programme canadien.
Plusieurs secteurs—municipalités, ONG environnementales, défenseurs des droits en matière de logement – sont d’accord pour dire qu’un programme énergétique national pour les personnes à faible revenu est nécessaire. En tant que membres du comité, l'occasion vous est donnée de bâtir un nouveau programme social national qui restera selon moi une caractéristique permanente du paysage canadien.
Divers organismes se joignent à Green Communities Canada, notamment l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine, porte-parole des groupes de logement abordable; Équiterre, qui est notre groupe correspondant à Montréal et qui a mis au point avec le gouvernement québécois un programme destiné aux familles au revenu modique; la Fédération canadienne des municipalités, que je n'ai pas besoin de vous présenter; Habitat for Humanity; l’Organisation nationale anti-pauvreté; le Low-Income Energy Network, qui est basé en Ontario; la David Suzuki Foundation; Share the Warmth, organisme parrainé par les services publics et dont le rôle est de venir en aide aux personnes qui sont en retard dans le paiement de leurs factures; Chez Toit, le seul organisme canadien national d'aide aux sans-abri; et l’Alliance de l’efficacité énergétique du Canada. Nous vous avons remis une liste des organismes qui nous appuient.
Un programme national s’adressant aux personnes à faible revenu comblera cette importante lacune dans la politique sociale, économique et environnementale pour les Canadiens qui vivent dans tous les types de logement pour personnes à faible revenu. C'est vraiment très important, on ne saurait trop le souligner, parce que l'annonce faite aujourd'hui nous montre qu'il faut réfléchir aux principes régissant la prestation du programme. Selon moi, toutes Ies personnes au revenu faible devraient être admissibles, quel que soit leur type de logement : logement social, location privée ou logement de type propriétaire-occupant.
Le programme aidera les Canadiens qui vivent dans des conditions de « pauvreté énergétique », c’est-à-dire les ménages qui doivent consacrer au moins 10 p. 100 de leur revenu annuel pour payer le combustible et l’électricité. Selon Statistique Canada, d’après cette mesure, un Canadien sur quatre vit en situation de pauvreté énergétique.
Je vous ai apporté un document faisant état de la répartition par région afin que vous ayez un portrait de chaque province et une idée de l'écart entre les ménages canadiens moyens et ceux qui se situent dans le quintile du revenu le plus bas. Dans ma province natale de Terre-Neuve, les ménages qui se situent dans le deuxième quintile du revenu consacrent eux aussi plus de 10 p. 100 de leur revenu à l'énergie. La pauvreté énergétique est lourde de conséquences. Les ménages canadiens qui se situent dans le quintile du revenu le plus bas dépensent, par rapport au ménage canadien moyen, plus du triple de leur part du revenu pour payer le combustible et l’électricité. C'est tout simplement incroyable.
¿ (0905)
Ce n'est pas parce qu'ils ont plus de jeux électroniques, de gadgets ou d'équipement. Ces statistiques révèlent simplement que leur logement ne répond pas aux normes d'efficacité énergétique. En effet, le plus pauvre consacre aux dépenses énergétiques 13 p. 100 de son revenu par rapport à 4 p. 100 pour le Canadien moyen. Dans certaines provinces, l’écart est encore plus grand--j'ai mentionné par exemple le cas de Terre-Neuve.
Le lourd fardeau énergétique des personnes qui sont touchées par la pauvreté énergétique réduit l’accès au logement abordable. C'est un problème auquel je suis confronté dans le cadre de mon travail quotidien à l'Initiative nationale pour les sans-abri. Il y a aussi des effets additionnels sur la santé et le bien-être, y compris l’exposition des enfants et des aînés à des températures dangereusement basses l’hiver–et des températures élevées l’été, comme nous avons pu le constater l’été dernier.
Il est intéressant de noter qu'aux États-Unis, 22 p. 100 de tous les incendies de maisons--soit chaque année 120 000 incendies qui auraient pu être évités--sont causés par des appareils de chauffage d'appoint. Ces appareils sont inutiles dans un logement efficace sur le plan énergétique. Imaginons combien de personnes pourraient vivre dans des environnements sûrs si l'on pouvait remédier à cette situation
Le logement inefficace énergétiquement des personnes à faible revenu est un facteur important de la pauvreté énergétique. La réhabilitation de l’efficacité énergétique assurée par l’entremise d’un programme national sera une contribution importante et durable à la capacité financière des ménages. En outre, l’efficacité énergétique des personnes à faible revenu n’est pas seulement une question de capacité financière et de chaleur : il s’agit également de la participation équitable au respect de l’engagement du Canada à Kyoto à l’égard du changement climatique, un protocole de Kyoto inclusif qui fait participer 4,7 millions de Canadiens à faible revenu et fait en sorte que ces derniers partagent les bénéfices qu’offrent les programmes d’efficacité. De ce fait, les 28 millions d'autres citoyens canadiens n'auraient pas à faire autant d'efforts pour aider le pays à atteindre ses objectifs. Ce serait également une utilisation plus productive de l’énergie. Le comité sait que cela est essentiel à la santé de l'économie canadienne. Un programme d’efficacité énergétique pour les personnes à faible revenu créera des emplois et des ouvertures économiques dans chaque collectivité.
Le Canada doit rattraper des pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni, qui ont tous les deux des programmes nationaux substantiels d’efficacité énergétique pour les personnes à faible revenu. Le Canada doit s’engager à long terme à moderniser son stock de logements pour personnes à faible revenu. Nous entrevoyons un leadership du gouvernement fédéral dans un cadre axé sur les résultats qui permet une participation « prête à utiliser » des gouvernements provinciaux et territoriaux, des services publics, des sociétés énergétiques et des fournisseurs de logements. Aux États-Unis, les sociétés de service public sont d’importants partenaires financiers pour réaliser les programmes américains – nous nous attendons à ce qu’il en soit de même au Canada.
Permettez-moi de terminer en soulignant trois points importants pour l'élaboration de ce nouveau programme canadien. Je pense que c'est extrêmement important parce que le programme va être annoncé aujourd'hui et que le modèle n'est pas encore définitif.
Premièrement, il faut des réhabilitations, pas seulement des rabais. Les gouvernements canadiens se préoccupent avec raison des effets immédiats des prix élevés de l'énergie. Nous croyons que les rabais ont leur place, mais qu’ils sont habituellement une réponse ponctuelle et non pas une solution à long terme. Nous demandons au gouvernement fédéral d’investir dans l’amélioration de l’efficacité énergétique pour les logements à faible revenu pour permettre de réaliser des économies permanentes du compte d’énergie, conjuguées à des bénéfices environnementaux durables.
Deuxièmement, allons-y en profondeur. L'expérience de Green Communities en matière de vérifications énergétiques dans des milliers de foyers nous a appris que la plupart des résidences canadiennes construites avant 1980 présentent un potentiel de grandes économies énergétiques--allant du quart au tiers des coûts annuels de chauffage des bâtiments. Pour faire de grandes économies, il faut réaliser de grandes dépenses--de l’ordre de 3 000 à 5 000 $ par maison. Les dépenses en efficacité énergétique doivent être prises sérieusement, comme un investissement. Heureusement, cet investissement sera récupéré facilement au cours de la durée de vie des mesures comme le calfeutrage, l’isolation et la modernisation du système de chauffage.
Enfin, agissons correctement. La mauvaise nouvelle est que le Canada a pris énormément de retard par rapport aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les États-Unis s’attaquent à ce dossier depuis presque trois décennies, depuis la création du programme national par le président Carter. Le Royaume-Uni a établi des cibles importantes, venant en aide à près d'un million de foyers, avec les budgets en conséquence. Son but est d'éliminer la pauvreté énergétique.
La bonne nouvelle est que le Canada a la possibilité de profiter de leur expérience pour établir son propre programme et viser à en faire le meilleur programme du monde. Green Communities Canada espère travailler avec le gouvernement fédéral à la conception et à la mise en oeuvre du meilleur programme canadien possible. Entre-temps toutefois, n’attendons pas pour agir. Surveillons cette initiative et façonnons-la et évitons de nous enfermer dans des programmes existants. Nous pensons qu'il faut bâtir sur de nouveaux programmes.
¿ (0910)
Le président: Merci, monsieur Pearce.
Qui va prendre la parole?
Monsieur Huget. Allez-y.
M. Robert Huget (vice-président administratif, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier): Merci beaucoup.
Bonjour monsieur le président et messieurs les membres du comité.
Je suis Bob Huget, vice-président administratif du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, région de l'Ontario, et je suis accompagné de M. Joe Hanafin, notre directeur des communications, ici à Ottawa.
Merci de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd’hui. Votre sujet d’étude est de toute évidence le sujet de l’heure au Canada. Nous croyons que le Canada doit prendre sans tarder des initiatives innovatrices pour freiner les effets économiques à long terme de ce qui se présente comme des prix élevés permanents de l’essence et d’autres combustibles.
Je dois dire, d’entrée de jeu, que le sujet nous tient à cœur. Nous représentons le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, organisation comprenant 162 000 membres d’un océan à l’autre. Environ 40 000 de nos membres travaillent dans les industries du pétrole, du gaz et de la pétrochimie, y compris le secteur des sables bitumineux de l’Alberta et les raffineries de Montréal et de la région de l’Atlantique. Si ces membres gagnent leur vie dans l’industrie et veulent que le secteur pétrolier du Canada soit prospère, ils reconnaissent également que les prix actuels ne sont pas favorables à l’ensemble de l’économie. Ils sont des consommateurs et des contribuables, eux aussi, et ils sont tout autant perplexes que les autres Canadiens et Canadiennes devant les prix affichés à la pompe à essence.
Pour les Canadiens ou Canadiennes ordinaires, il n’est pas sensé que le litre d’essence se vende 99 cents lorsqu’ils vont travailler et 1,16 $ ou plus lorsqu’ils rentrent à la maison. Et il est incroyable de voir les prix changer presque à chaque milliseconde à des stations d’essence rivales du même pâté de maisons. Comment ne pas soupçonner une conspiration ou une fixation arbitraire des prix?
Soit dit en passant, si vous croyez avoir entendu le pire au sujet des prix de l’essence à la pompe cet été, attendez de rentrer chez vous pendant la période des fêtes et d’entendre les gens vous parler de leurs frais de chauffage!
La solution annoncée par le gouvernement qui consiste à remettre 250 $ à des familles désignées permet de faire bonne presse pour une journée ou deux mais ne règle rien à ce qui cloche sur le marché d’aujourd’hui. N’oublions pas que ces fonds sont tirés de nos poches. Nous devons payer à la fois les prix exorbitants de l’essence et, par l’entremise de nos impôts, les paiements de secours nécessaires aux familles à faible revenu, tout ça pour que l’industrie puisse garder tous ses bénéfices exceptionnels. L’idée nous paraît bizarre.
Pourquoi ne pas plutôt imposer les profits imprévus que réalise l’industrie et remettre les recettes de l’impôt à tous les consommateurs et consommatrices ainsi que mettre en œuvre les mesures d’économie d’énergie, entre autres, qui sont nécessaires pour maintenir notre économie? La création d’un organisme de contrôle semble être une bonne mesure. Cependant, elle ne sera bonne que si cet organisme est tout à fait indépendant de l’industrie du pétrole et du gaz. S'il n'obtient ses données que de cette industrie, il ne pourra absolument rien changer à la situation actuelle et future.
Des politiques et des stimulants en matière d’économie d’énergie seraient utiles et doivent être établis sans délai pour que nous puissions maintenir notre niveau de vie à long terme. Toutefois, même si les mesures d’économie d’énergie les plus radicales sont prises, cela n’aidera pas les travailleurs et les travailleuses de l’automobile qui perdent leur emploi cette année parce que le chiffre d’affaires a baissé. Ni les milliers de travailleurs et travailleuses du papier qui perdent leur emploi à cause des prix élevés de l’énergie. Ni les consommateurs et consommatrices du Canada qui paient déjà des prix plus élevés pour des milliers de produits parce que les frais de transport ont augmenté.
Nous croyons que le Canada doit se doter d’une politique nationale de l’énergie qui serait favorable à la population canadienne. Or, la première chose à examiner pour établir cette politique est la capacité de raffinage. On prend de plus en plus conscience et il est prouvé que, dans toute l’Amérique du Nord, l’ensemble de l’industrie a délibérément réduit sa capacité de raffinage pour manipuler le marché. Si nous voulons régler la crise actuelle des prix, ce qu’il nous faut, ce n’est pas plus d’exploration ou de production de pétrole brut. Même si nous doublions la production des champs de sables bitumineux demain, nous ne pourrions pas raffiner le produit. Pourquoi? Parce que l’industrie ferme des raffineries depuis une décennie afin de maintenir des prix élevés sur le marché.
¿ (0915)
Soit dit en passant, depuis l’annonce, en 2004, de la fermeture de la raffinerie de Petro-Canada à Oakville (Ontario), les importations canadiennes d’essence raffinée en Europe ont augmenté considérablement. C’est comme si le Canada importait du blé! C’est insensé aussi bien du point de vue des consommateurs et consommatrices du Canada que sur le plan de l’économie canadienne. Seules les sociétés pétrolières bénéficient de cette situation.
L’établissement d’une politique sur les prix bien canadienne doit donc commencer par l’adoption de mesures pour accroître la capacité de raffinage. Ensuite, il faut, à notre avis, créer un organisme de réglementation qui veille vraiment au bien public. C’est ce que l’Office national de l’énergie est censé faire. À notre avis, il ne fait qu’approuver aveuglément des permis d’exportation à court terme. Pendant que l’ONE surveille l’acheminement du gaz naturel vers le sud de la frontière, des milliers et des milliers de ménages canadiens auront cet hiver de graves difficultés à se garder au chaud.
S’il y a lieu de confier un nouveau mandat à l’ONE, qu’on le lui donne et qu’on indique clairement qu’il s’agit de garantir à la population canadienne un approvisionnement en énergie stable à des taux raisonnables pour le Canada. Et si cela nécessite la création d’un barème de prix national différent de celui du marché nord-américain ou mondial, soit. Et si cela nécessite la révocation de l’Accord de libre-échange nord-américain, qu’on fasse ça aussi.
L’ALENA est devenu un prétexte trop souvent employé par nos gouvernements pour justifier leur inaction ou, ce qui est encore pire, pour mettre en œuvre des pratiques commerciales--particulièrement dans le secteur de l’énergie--qui alimentent le géant américain mais nuisent à la population canadienne. Le conflit du bois d’œuvre a prouvé d’une façon des plus claires que les États-Unis ont cessé de juger que l’ALENA est un traité qu’il est possible de mettre en œuvre. Et là-dessus, nous sommes d'accord.
Merci de votre attention. Nous serons heureux de répondre à vos questions et d’entendre vos commentaires.
Le président: Merci, monsieur Huget.
Nous allons commencer par John. Ensuite, ce sera au tour de Marc, Andy et Brian.
Chers collègues, je me vois contraint d'être très strict sur le plan du temps, puisque nous avons aujourd'hui quatre séances indépendantes d'une heure chacune. Nous allons prévoir de quatre à cinq minutes par personne.
John, c'est vous qui allez commencer.
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, PCC): Je vais m'adresser tout d'abord à M. Pearce, puisqu'il a pris la parole le premier.
J'ai vraiment apprécié la façon dont vous avez abordé le sujet. Je fais partie de ces personnes qui vivent dans une maison construite avant 1980. Je ne peux que confirmer ce que vous avez dit, puisque j'ai tiré parti moi-même du potentiel de grandes économies d'énergie qu'offrait ma maison.
Vous affirmez que nous avons besoin d'une stratégie nationale de l'énergie, mais j'ajouterais que nous avons également besoin d'une stratégie nationale de conservation de l'énergie. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Il nous arrive trop souvent d'opter pour des expédients plutôt que de prendre des mesures à long terme. Je pense que nous avons très bien entendu votre message.
Quelque chose m'a peut-être échappé, mais la seule question intelligente que je puisse poser est pourquoi...? Vous avez indiqué que Terre-Neuve et l'Est du pays étaient plus tributaires en matière d'énergie. Est-ce parce que cette région a tendance à utiliser une plus grande proportion de mazout domestique pour le chauffage?
¿ (0920)
M. Bruce Pearce: Exactement. Dans ma propre province de Terre-Neuve, environ 30 à 40 p. 100 des consommateurs se chauffent au mazout domestique. Mais j'ajouterai également que nous avons un taux de pauvreté supérieur à la moyenne nationale, puisqu'il atteint 18 p. 100. Si vous regardez les tableaux que je vous ai remis, les personnes appartenant au quintile de revenu le plus faible consacrent de 12 à 13 p. 100 de leur revenu à l'énergie. En comparaison, un Ontarien moyen consacre 4 p. 100 à ses dépenses énergétiques. À Terre-Neuve, les chiffres sont un peu plus élevés dans le deuxième quintile. Environ 40 p. 100 des ménages du deuxième quintile dépensent plus de 10 p. 100 de leur revenu en énergie.
Je note avec plaisir que vous avez fait évaluer le rendement énergétique de votre maison à l'aide de l'ÉnerGuide et que vous bénéficiez actuellement des économies. J'en suis bien content pour vous et je note au passage que le mot « conservateur » vient du verbe « conserver ».
M. John Duncan: Oui, je suis un conservateur qui est pour la conservation, mais je n'ai pas utilisé l'ÉnerGuide, je me suis débrouillé tout seul. Et je peux vous dire que ma chaudière qui fonctionnait auparavant huit heures par jour ne tourne plus que pendant deux heures au cours des mois d'hiver.
Quant à l'exposé du SCEP présenté par Robert, j'aimerais préciser que le SCEP est présent dans ma circonscription—je viens de la côte Ouest—et que certains travailleurs du secteur forestier sont actuellement en chômage. Certains d'entre eux sont membres du SCEP. Ils ne travaillent plus à cause du prix élevé du carburant. Vous avez été très clair sur cette question et je suis tout à fait d'accord avec vous. La réaction devrait être plus ciblée; les augmentations devraient revenir à l'ensemble des consommateurs, y compris, d'après moi, aux consommateurs industriels, parce que c'est un facteur de production pour eux et parce que l'augmentation des prix nuit également à l'emploi dans votre région.
Il ne me déplairait pas d'examiner cette capacité de raffinage. Nous avons entendu des témoins à ce sujet. Aux États-Unis, aucune raffinerie n'a été construite depuis 35 ans. Je ne sais pas où nous en sommes au Canada, mais je suppose que la situation est à peu près analogue. On s'est beaucoup intéressé à ce secteur. On se rend compte actuellement qu'un des problèmes principaux concerne plutôt la capacité de traitement que la capacité de raffinage. Le fait que notre capacité existante de raffinage soit concentrée au même endroit pose également problème. En effet, en cas de catastrophe, les répercussions seraient multiples...
Je me demande si le véritable problème, ce n'est pas moins la nécessité de créer de nouvelles capacités de raffinage, que d'augmenter notre capacité de traitement et d'étaler notre risque.
M. Robert Huget: C'est un secteur industriel complexe, en particulier pour le raffinage. Mais vous avez tout à fait raison de signaler qu'aucune nouvelle raffinerie n'a été construite au Canada ni aux États-Unis depuis longtemps. Mais ce n'est pas tout. On assiste actuellement à la fermeture de certaines raffineries aux États-Unis, en particulier dans les États de la côte Est, ainsi qu'au Canada. Loin de conserver la même capacité ou de l'augmenter, le secteur pétrolier réduit actuellement sa capacité de raffinage du pétrole brut.
Je crois que divers groupes et comités se sont penchés sur les coûts du pétrole, du point de vue de l'établissement des prix, mais je pense que le problème est probablement ailleurs. C'est la capacité de raffinage qui pose problème. Il n'y a pas de raffineries indépendantes. Notre capacité de raffinage est tout simplement insuffisante—usine de traitement ou raffinerie—et nous ne disposons pas de suffisamment d'essence, de carburant diesel et d'autres produits dont les marchés ont besoin. En fait, l'industrie pétrolière a adopté l'approche inverse, de part et d'autre de la frontière. Elle a réduit sa capacité de raffinage. À mon avis, cette approche de l'industrie pétrolière vise uniquement à maintenir le prix de ses produits.
¿ (0925)
Le président: Merci, monsieur Huget.
Marc, s'il vous plaît.
[Français]
M. Marc Boulianne (Mégantic—L'Érable, BQ): Merci, monsieur le président.
Bienvenue. Ma question s'adresse à M. Pearce. Nous sommes tous d'accord pour dire que cibler les ménages à faible revenu est une très bonne initiative. On les néglige bien souvent. On ne parle que de l'industrie. En termes de principe, c'est une bonne idée, mais notre inquiétude demeure pour ce qui est de l'admissibilité aux programmes nationaux. Ici, on parle évidemment de l'identification des ménages, des critères d'admissibilité et de la consommation, bref d'une foule de critères qui entrent en jeu et qui inquiètent les gens.
Il s'avère parfois très difficile de bénéficier de vos programmes ou d'y être admissible. Pouvez-vous rassurer les gens à ce sujet?
[Traduction]
M. Bruce Pearce: Merci, monsieur Boulianne. C'est une excellente question.
La question de l'admissibilité nous préoccupe beaucoup. Évidemment, nous sommes dans le secteur tertiaire, le secteur communautaire, et nous travaillons avec cette population. Nous terminons une étude sur la structure à donner au programme national. Nous voulons faire participer tous les secteurs—provinces, territoires, municipalités—à la conception d'un programme qui serait parmi les meilleurs du monde.
Lorsqu'on examine la population à faible revenu, selon les critères canadiens, on se rend compte que l'on doit faire en sorte que les critères d'admissibilité n'écartent pas certaines personnes qui se trouveraient juste à l'extérieur des limites fixées. On pourrait peut-être adopter, dans la conception du programme, une méthode utilisant une échelle mobile. Pourquoi pas en effet, si ce programme entre dans le cadre de l'initiative de Kyoto? Il ne s'agit pas uniquement de répondre aux besoins des moins nantis, mais d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés sur le plan international. Nous devons conjuguer nos efforts.
Nous nous inspirons de la longue expérience acquise par les Américains dans le domaine. Cela fait 30 ans qu'ils proposent un tel programme. Ils transfèrent les fonds aux États; les États—ainsi que les Premières nations, les services publics et les groupes d'action communautaire—assurent la prestation du programme. Ce type de structure retient beaucoup notre attention pour la conception d'un programme canadien, puisque le Québec est la seule province qui dispose d'un programme d'efficience énergétique pour les ménages à faible revenu et nous pensons qu'il est très important de travailler en collaboration avec des initiatives existantes plutôt que de s'en remettre aux programmes fédéraux qui existent déjà et dont je me ferais le plaisir de parler plus tard si vous avez des questions à ce sujet.
Je crois que le gouvernement s'en va dans cette direction, avec l'annonce qu'il vient de faire. Je ne l'ai pas encore vue, mais nous devons créer un programme distinct et indépendant qui cible ce secteur.
[Français]
M. Marc Boulianne: Vous avez déjà commencé à répondre à la question que j'allais poser. Vous dites que nous accusons un retard face aux États-Unis et au Royaume-Uni. Quelles mesures pourrions-nous prendre pour rattraper ce retard le plus rapidement possible? Vous nous avez déjà donné au moins un exemple. Pouvez-vous nous en donner quelques autres?
[Traduction]
M. Bruce Pearce: Pourriez-vous donner plus de détails concernant les mesures?
[Français]
M. Marc Boulianne: Vous dites que le Canada a du retard à rattraper sur les États-Unis et le Royaume-Uni, par exemple. Ces pays ont sûrement pris des mesures efficaces ou spectaculaires. Lesquelles pourrions-nous leur emprunter?
[Traduction]
M. Bruce Pearce: Très intéressant.
Dans les années 1970, les États-Unis ont pris des mesures de sécurité énergétique par rapport à l'OPEP. C'est la position qu'ils ont adoptée. Le programme d'aide aux personnes à faible revenu est devenu un programme annuel, une sorte de programme social. Il a été renouvelé chaque année par la suite, le gouvernement fédéral consacrant chaque année 2 milliards de dollars à ce programme. Reagan l'a renforcé dans les années 1980 et Bush l'a fait par la suite. Les politiciens ont tous appuyé le programme, quel que soit leur parti.
Les Britanniques ont adopté une approche très différente. Comme nous, ils ont commencé plus tard, en 2001. Ils ont lié leur programme à l'accord de Kyoto dont ils sont, comme nous signataires.
Premièrement, ils ont mis en place un indicateur qui n'existe pas dans le programme américain : un ménage qui consacre 10 p. 100 ou plus de son revenu aux dépenses énergétiques est considéré comme énergétiquement pauvre et admissible à l'aide. Cet indicateur serait-il valide au Canada? Nous l'ignorons. Nous devons présenter nos conclusions à ce sujet d'ici le mois de décembre.
Deuxièmement, ils se sont donné pour objectif d'éliminer la pauvreté énergétique d'ici 2010—c'est donc un programme très ambitieux. Près d'un million de foyers a déjà bénéficié d'une aide pour la réhabilitation énergétique. Les Britanniques ont adopté une approche différente.
Je pense que le Canada doit préciser ce qu'il veut faire de son programme. Il est intéressant de noter que le Canada est le plus froid des trois pays. Je me demande parfois si nos politiciens savent que le monde tourne sur un axe incliné et que l'hiver revient chaque année, parce que nous avons l'air de nous réveiller au mois de novembre en réalisant tout d'un coup qu'il nous faut d'urgence préparer une stratégie.
Cela étant dit, je suis encouragé de savoir que l'annonce faite plus tard ce matin met l'accent sur la conservation. Je ne pense pas que les médias aient relevé cet aspect; ils ne parlent que des rabais. C'est un nouveau programme national qui va jouer un rôle de premier plan au Canada. Tout cela est très prometteur si nous parvenons à faire fonctionner ce programme.
¿ (0930)
Le président: Merci, monsieur Pearce.
Merci, Marc.
Merci à tous mes collègues de ne pas dépasser le temps de parole qui leur est imparti.
Andy.
M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): Merci beaucoup.
Je crois que nous savons que le monde tourne autour d'un axe incliné.
Monsieur Pearce, vous avez parlé de 3 000 à 5 000 $ par maison. Disons 4 000 $ par maison. Quel investissement cela représenterait-il pour le gouvernement du Canada? Avez-vous fait les calculs? Pouvez-vous nous donner une idée générale des dépenses que devrait encourir le gouvernement du Canada à raison de 4 000 $ par maison?
M. Bruce Pearce: Je crois que l'annonce faite aujourd'hui prévoit des mesures de conservation de l'ordre d'un milliard de dollars.
Le montant de 4 000 $ par maison comprend les coûts indirects du programme, les coûts directs des mesure correctives—installation par des gens de métier—, tout, plus les coûts d'immobilisation. Pour chaque maison, cela comprend l'isolation, l'amélioration du système énergétique, l'amélioration de la chaudière, le remplacement des appareils ménagers et le calfeutrage. Voilà les mesures types qui seraient prises en considération. Il y a tout un ensemble de mesures parmi lesquelles les ménages pourraient choisir pour atteindre un objectif.
Je n'ai pas calculé encore combien de ménages seraient touchés si l'on divise un milliard de dollars à raison de 4 000 $ par maison. Je ne peux donc pas vous dire combien de ménages le nouveau programme permettra d'atteindre et si cela sera suffisant.
M. Andy Savoy: Vous parlez de dépenser 4 000 $ par ménage. Vous avez dit que pour faire de grandes économies, il faut faire des grandes dépenses, de l'ordre de 3 000 à 5 000 $ par maison. À quoi correspond le chiffre de 4 000 $ par maison? Qu'est-ce que cela représente?
M. Bruce Pearce: Sur le plan des avantages? J'essaie de comprendre. Le coût de 4 000 $ représente—
M. Andy Savoy: Dans votre deuxième suggestion, vous recommandez d'y aller en profondeur. Ensuite, vous poursuivez en disant que pour faire de grandes économies, il faut faire de grandes dépenses, de l'ordre de 3 000 à 5 000 $ par maison. Par conséquent, si on prend une moyenne de 4 000 $ par maison, à quoi cela correspond-il?
M. Bruce Pearce: Si je vous ai bien compris, voici ce que cela représente—
M. Andy Savoy: C'est une question très simple.
M. Bruce Pearce: Je pense que ce chiffre comprend l'ensemble des mesures que j'ai mentionnées. Avec 4 000 $, vous pouvez acheter un réfrigérateur, une cuisinière, améliorer la chaudière, le calfeutrage et l'étanchéité de la maison et faire appel à une évaluation scientifique telle que proposée par ÉnerGuide pour les maisons, ou un autre outil de mesure avant ou après l'évaluation.
Il est impossible de lancer un programme d'isolation des maisons comme cela fut fait dans les années 1970. Il faut disposer d'un outil de mesure avant et après l'évaluation pour que le gouvernement fédéral soit certain des résultats obtenus. Voilà tout ce qu'on peut obtenir pour 4 000 $. C'est un assez bon prix.
M. Andy Savoy: Donnez-moi les chiffres—4 000 $ par maison multiplié par le nombre de ménages que vous avez noté dans vos estimations. Quel est le coût total?
M. Bruce Pearce: Ah, les ménages à faible revenu? On compte 4,7 millions de Canadiens à faible revenu. Cela correspond à 1,7 million de ménages vivant dans la pauvreté. Nous ne savons pas exactement si tous ces ménages sont pauvres sur le plan énergétique... Nous n'avons pas encore terminé notre étude. C'est probablement la raison pour laquelle vous ne semblez pas satisfait par ma réponse. Nous le saurons en décembre, lorsque nous aurons terminé notre rapport.
M. Andy Savoy: S'il y a 1,7 million de ménages, à raison de 4 000 $ par ménage, le total s'élève à 6,8 milliards de dollars. Est-ce que c'est ce montant que vous souhaitez nous voir dépenser?
M. Bruce Pearce: Oui, mais ces dépenses seraient étalées sur plusieurs années. Il n'est pas question que tout se fasse du jour au lendemain. Vous souvenez-vous du rabais de 1,4 milliard de dollars versé aux contribuables en 2000? Plus de 1 milliard de ce programme a été réparti entre des gens comme moi. J'ai reçu deux chèques pour ma maison qui est chauffée à l'électricité. Il n'y avait pas eu de hausse des prix.
Nous pourrons revenir plus tard à ces ménages qui subiront le choc de la hausse lente des coûts de l'énergie accumulés au fil des années. Voilà comment j'aborderai la question. C'est une dépense de 6,8 milliards de dollars pour toute la durée d'application du programme. Le gouvernement annoncera un programme étalé sur cinq ans.
M. Andy Savoy: Monsieur Huget, l'imposition des bénéfices exceptionnels du secteur est une idée intéressante qui a déjà été évoquée. Vous pensez que le gouvernement aurait tout à fait raison d'imposer ce secteur dont la hausse des prix a eu des répercussions importantes sur les consommateurs et le secteur commercial au Canada. À quels autres secteurs devrions-nous, selon vous, imposer un impôt sur les bénéfices exceptionnels?
M. Robert Huget: Soyons francs, je ne pense pas qu'il y ait autour de cette table une personne qui ne soit pas au courant des bénéfices records réalisés par cette industrie au cours des trois ou cinq dernières années. Personne autour de cette table n'ignore en particulier que les prix des produits pétroliers ont augmenté de manière spectaculaire après les deux ouragans aux États-Unis et peut-être même après le 11 septembre.
En Ontario, nous payons le prix de gros de l'essence au coût de la côte Est qui s'aligne sur les prix de New York relatifs à la zone occidentale pour les produits fabriqués au Canada. Le coût est en dollars canadiens et les produits sont vendus en dollars américains. Par conséquent, en temps normal, le secteur est très profitable. Certains jours, il fait d'énormes bénéfices. Je n'ai absolument aucune hésitation à solliciter la participation de cette industrie puisque, après tout, c'est une ressource canadienne.
Au lieu de cela, le gouvernement continue d'accorder des réductions d'impôt et d'alléger le fardeau fiscal des sociétés, y compris celles qui, franchement, en ont le moins besoin. Il n'y a pas de pièce assez grande pour engranger tous les bénéfices réalisés par certaines de ces entreprises. Je pense que c'est logique de solliciter leur participation au programme de conservation de l'énergie. Les chiffres donnés par M. Pearce ne sont que la pointe de l'iceberg. Il faut tenir compte du facteur coût. Il faut mettre en place d'urgence des programmes de conservation, en particulier pour les ménages à faible revenu. Et je ne veux pas être le seul à faire les frais de ces programmes.
¿ (0935)
M. Andy Savoy: Si l'on analyse la situation dans la perspective de la politique publique, il faudrait certainement que l'imposition des bénéfices exceptionnels s'applique aux autres secteurs. Est-ce que vous appliqueriez cette imposition au secteur des pâtes et papiers et au secteur forestier où nous sommes des vendeurs au prix du marché et de grands exportateurs de produits? Pensez-vous que nous devrions appliquer la même méthode au secteur des pâtes et papiers lorsqu'il réalise des bénéfices exceptionnels?
M. Robert Huget: Je ne sais pas si vous connaissez la situation que vit actuellement le secteur des pâtes et papiers, mais moi, je peux vous en parler. Le secteur est en perte de vitesse. Il pourrait aussi bien coller un billet de 100 $ sur chaque rouleau de papier qu'il exporte.
M. Andy Savoy: Les profits exceptionnels...
M. Robert Huget: L'industrie des pâtes et papiers ferme des usines partout au pays et en Ontario, la situation est grave. En Colombie-Britannique c'est la même chose.
M. Andy Savoy: Je connais la situation.
M. Robert Huget: Cette industrie ne fait pas de profits exceptionnels.
Le président: Très bien, merci beaucoup.
C'est maintenant le tour de Brian, Werner, Denis.
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à M. Pearce. Votre étude se penchera-t-elle sur la création d'emplois due aux activités de réhabilitation des logements de personnes à faible revenu et sur son incidence sur les collectivités locales, l'emploi et le secteur manufacturier, ainsi que sur l'industrie des services? Allez-vous effectuer cette analyse et pouvez-vous nous faire part de certaines données préliminaires?
M. Bruce Pearce: Oui, nous allons le faire, et nous devrions avoir des résultats en décembre. Et, oui, je peux vous dire, d'après mon expérience passée, que ce genre d'investissement rapporte un gain net sur le plan de l'emploi. C'est en partie parce qu'on profite des coûts évitables—de l'argent jeté par les fenêtres, autrement—et qu'on met les gens au travail.
À Terre-Neuve, chaque fois qu'il y a quelqu'un qui ne fait rien—ce qui arrive souvent—et qu'un immeuble, une poissonnerie ou une maison est inefficace, nous pouvons mettre ces deux éléments ensemble et payer les travaux en partie grâce aux économies d'énergie. Cela vient en partie aussi de l'argent du fédéral. Dans une très large mesure, c'est une stratégie de développement économique et de création d'emploi.
Nous avons réalisé une étude pour Ressources naturelles Canada en 2001, juste après les derniers rabais. RNCan nous a demandé à quoi pourrait ressembler, à notre avis, un programme à long terme. L'analyse des coûts et avantages est disponible, et je me ferai un plaisir de la transmettre aux membres du comité pour qu'ils puissent l'examiner. Il ne faut pas oublier qu'elle date un peu. C'était avant Kyoto, avant sa ratification par le Parlement, et tout, et tout. Nous avons proposé un programme quinquennal de 350 millions de dollars qui aurait permis de remettre en état 645 000 résidences canadiennes. Et cela aurait entraîné un gain d'emplois net, si je ne me trompe pas, de 13 000 personnes par année.
Le programme que nous avons proposé était assez limité. Nous avons été très prudents; c'était un nouveau territoire. Je pense que cette annonce nous permet maintenant d'aller beaucoup plus loin.
Dans le secteur de l'itinérance, dont je m'occupe à Terre-Neuve, je travaille avec un organisme de l'Église Unie qui emploie des gens qui suivent une formation en menuiserie et qui touchent de l'argent de la province à titre de bénéficiaires de l'aide sociale. Ils veulent effectuer une réhabilitation énergétique des logements de tous les gens à faible revenu de la ville, parce qu'il n'y a pas de secteur dans lequel on retrouve les compétences nécessaires pour entreprendre des initiatives complètes comme celles que nous allons demander à ce secteur. Nous devons former nos travailleurs canadiens pour qu'ils puissent prendre ce genre de mesures, et aussi pour créer de l'emploi dans les communautés.
M. Brian Masse: Monsieur Huget, certains de nos autres témoins—je veux parler plus particulièrement de Michael Irving—ont qualifié de spectaculaires les profits réalisés par l'industrie du raffinage pendant l'ouragan Katrina. Vous avez souligné à juste titre que le taux d'imposition des entreprises de cette industrie était en fait à la baisse, puisqu'il était de 28 p. 100 en 2000 et qu'il devrait se situer à 21 p. 100 en 2007. Il y a des profits records, comme vous l'avez très bien fait ressortir. Nous n'avons pas assez parlé de cet aspect-là en comité; nous n'avons pas parlé des bénéfices que réalise l'industrie.
Pourquoi, d'après vous, est-ce que que l'industrie ne réinvestit pas dans sa capacité de raffinage? Vous avez raison de souligner qu'elle garde ses prix élevés. Il y aussi une question de sécurité nationale, en ce sens qu'il faut éviter les redondances dans le système. Pourriez-vous commenter cette situation?
M. Robert Huget: Pour ce qui est de savoir—c'est de la pure spéculation de ma part—pourquoi l'industrie n'investit pas dans sa capacité de raffinage, je dirais que c'est surtout à cause des prix du marché. Je pense que, si nous sommes sous-approvisionnés, ces prix vont rester hauts. C'est ce que nous constatons aux États-Unis, et aussi au Canada, et c'est peut-être la première raison qui incite l'industrie à ne pas investir.
Franchement, à mon avis, les compagnies pétrolières du pays ont préféré dépenser aussi peu que possible sur le terrain, cette année, pour quoi que ce soit et pour qui que ce soit. Elles sont tout à fait satisfaites—certaines en sont même très fières—d'indiquer dans leurs rapports annuels le nombre d'installations qu'elles ferment, le nombre de gens qu'elles mettent à pied et le nombre d'emplois qu'elles suppriment. À mon avis, leur volonté de contribuer de façon significative à l'économie canadienne est chose du passé. Elles cherchent uniquement à tirer le maximum de nos ressources, en payant le moins possible et en faisant le plus d'argent possible, et à écouler leurs produits, n'importe où et à n'importe qui, au prix le plus élevé possible.
Je dirais qu'il n'y a rien qui les encourage vraiment à continuer à faire ce qu'elles faisaient dans le passé, c'est-à-dire à créer des emplois décents, à exploiter des raffineries et à avoir des capacités de raffinage. Elles cherchent seulement à faire sortir leurs produits du pays le plus vite possible. Elles exportent le gaz naturel brut aussi vite qu'elles le peuvent. Pour l'industrie pétrochimique, parce que c'est un des produits de base de l'industrie pétrochimique... Cela va tuer cette industrie en Alberta, en Ontario et ailleurs. Il n'y a absolument aucun encouragement à investir dans notre pays. En tout cas, je n'en ai pas vu.
Ce que je prédis, bien franchement, à moins que le gouvernement... Nous devons envisager la question de la sécurité des approvisionnements du point de vue des consommateurs, mais aussi du point de vue de la stratégie industrielle du pays. Le cheval est déjà sorti de l'écurie, mais si nous ne nous mettons pas à l'oeuvre bientôt, nous n'en verrons plus jamais la queue; il sera parti depuis longtemps.
¿ (0940)
M. Brian Masse: Je voudrais poser une question à la greffière ou aux attachés de recherche. J'oublie toujours de la poser.
Il semble y avoir un débat sur les chiffres. À combien s'élèvent les contributions gouvernementales et les subventions de recherche versées chaque année à l'industrie du pétrole et du gaz depuis dix ans? Il y a toutes sortes de chiffres qui circulent à ce sujet-là, et j'aimerais bien avoir cette information.
Le président: Nous trouverons la réponse pour plus tard.
M. Brian Masse: Oui, ce n'est pas pour tout de suite; c'est pour plus tard, quand nous préparerons notre rapport.
Le président: Vous pourrez clarifier cela avec Jean-Luc tout à l'heure.
M. Brian Masse: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Werner, Denis et ensuite Jerry.
M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être venus ce matin.
Je voudrais vous poser quelques questions. Vous avez tous les deux, monsieur Huget et monsieur Pearce, évoqué la nécessité d'une stratégie à long terme. La question que je veux vous poser à tous les deux est la suivante. Il y a déjà des mesures à court terme—c'est ainsi que vous les avez appelées, je pense—comme le programme de rabais qui doit être annoncé aujourd'hui, et comme les programmes de réhabilitation énergétique qui ont déjà existé. Ce sont des programmes à court terme, et ils répondent à un besoin.
Je vais poser ma question en deux parties. Premièrement, pourquoi n'y a-t-il pas de programme national de l'énergie au Canada? Est-ce qu'il serait bon que nous ayons une stratégie nationale de l'énergie pour le Canada?
M. Bruce Pearce: Je pense qu'il y a une politique pour le Canada. Mais je dirais qu'il faut réorienter certaines de ses priorités en fonction du monde d'aujourd'hui, qui est plus pauvre en ressources en carbone, et de la montée des prix de l'énergie.
M. Werner Schmidt: Vous dites qu'il y en a déjà une?
M. Bruce Pearce: Officiellement, oui. J'ai rencontré la semaine dernière le ministre Dion et des représentants de 150 organismes environnementaux sans but lucratif qui se préparent pour le sommet de Montréal. Le monde s'en vient chez nous, pour parler justement de la question que vous avez soulevée.
Une des choses que nous avons demandé au ministre d'envisager—et je pense que vous en avez entendu parler au comité; j'ai lu les bleus—, c'est de prendre le milliard et demi de dollars de subventions que reçoit le secteur des combustibles fossiles et de l'investir dans les énergies renouvelables et les économies d'énergie. Aux États-Unis, je pense qu'on a organisé les choses de façon telle qu'au niveau fédéral, les entreprises de services publics ont contribué financièrement, par exemple, à un programme pour les gens à faible revenu comme celui qui me tient particulièrement à coeur. Dans un État comme le Vermont—et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres—, le gouvernement et les services publics ont mis plus d'argent que le gouvernement fédéral dans le programme d'économie d'énergie pour les gens à faible revenu, mais c'est le gouvernement fédéral qui assure le leadership et la coordination nécessaires. C'est lui qui met la table, si vous voulez. Et, bien sûr, il apporte aussi sa contribution financière. Je pense que c'est le genre de programme que nous devons mettre en place.
J'espère que cela répond à vos questions.
M. Werner Schmidt: En partie. Il faudrait un programme beaucoup plus complet que cela. Il devrait porter sur le développement durable et le développement technologique, et tenir compte aussi de la capacité financière, qui est toujours très importante pour nous tous. Et il faut aussi que la qualité y soit.
Monsieur Huget.
M. Robert Huget: À mon avis, il est clair que nous avons besoin d'une politique faite pour les Canadiens. Il s'agit après tout d'une ressource non renouvelable. C'est un élément majeur de ce qui rend notre pays économiquement viable et utile. C'est une chose à laquelle nous devons vraiment prêter attention, en termes d'utilisation finale, de capacité de raffinage, d'exportations et ainsi de suite. Il me semble que nous n'avons jamais eu de politique—du moins, s'il y en a une, je ne la connais pas—en vertu de laquelle nous examinons sérieusement la sécurité des approvisionnements dans notre pays et envisageons la question de la capacité financière, en ce qui concerne les prix que les Canadiens peuvent se permettre de payer.
Je ne parle pas d'il y a 50 ans; je parle de maintenant. C'est une ressource non renouvelable. Elle n'est pas infinie. À mon avis, le Canada a désespérément besoin d'une commission de l'énergie qui fasse vraiment quelque chose. Nous n'avons pas besoin d'une commission de l'énergie qui se contente d'approuver les exportations. Nous devons commencer à nous pencher sur les questions stratégiques comme celles que vous avez soulevées à juste titre.
¿ (0945)
M. Werner Schmidt: Oui, nous vous avons entendu dire cela au moins une fois.
Combien de temps me reste-t-il?
Le président: Une minute et demie.
M. Werner Schmidt: Je voudrais passer à une autre question qui n'a aucun rapport avec celle-ci, même si j'aimerais que nous explorions cette histoire de politique beaucoup plus longuement.
Nous avons entendu dire, par exemple par les gens de l'Agence internationale de l'énergie, qu'aucune source d'énergie ne suffira à elle seule pour répondre à la demande mondiale croissante. Nous allons donc devoir nous tourner vers toutes sortes de sources d'énergie renouvelable... Les hydrocarbures traditionnels—il va falloir y penser. Il me semble qu'un programme national de l'énergie devrait inclure le développement de tous ces secteurs, et pas seulement des hydrocarbures. Nous nous fions depuis toujours aux hydrocarbures, mais nous devons ratisser beaucoup plus large. Il faut que ce soit un programme national complet.
J'aimerais que nous parlions particulièrement... et je m'adresse surtout à M. Pearce—
Le président: C'est presque le temps de conclure, mais continuez.
M. Werner Schmidt: Je suis désolé.
Devrions-nous nous occuper des codes du bâtiment? Je m'intéresse tout particulièrement aux nouvelles constructions. Je veux parler des codes du bâtiment à long terme. Je pense plus précisément aux condos qui ne sont pas étanches. C'est bien beau de parler de réhabilitation et des gens à faible revenu. Vous suggérez de 3 000 $ à 5 000 $ par maison. Eh bien, j'ai entendu parler de cas, dans cette histoire de condos—qui pose un problème très sérieux et qui concerne énormément de gens—, où il faudrait dépenser de 50 000 $ à 100 000 $ par condo, simplement pour enlever l'humidité.
Le président: Vous avez posé votre question, je pense.
Bruce.
M. Bruce Pearce: Oui, la réhabilitation arrête l'hémorragie. Nous allons lancer un nouveau cadre national pour l'habitation, d'après ce qu'on m'a dit, et il va y avoir pas mal d'argent là-dedans. Je pense que votre comité devrait recommander, parmi les conditions de ce nouveau cadre national, que chaque logement financé par les fonds publics soit construit avec une efficacité maximale. Certains gouvernements provinciaux dépassent déjà de 25 p. 100 ou plus le code national de l'énergie qui sert de modèle pour le bâtiment, et je pense que nous devons aussi nous pencher sur ce code.
Pour ce qui est de la politique nationale, il ne faut pas oublier qu'en conservant l'énergie, on augmente l'offre. Grâce à la conservation de l'énergie, le Canada a créé plus d'offre, depuis les années 1970, qu'avec toutes les nouvelles sources d'énergie combinées. J'en ai parlé à Danny Williams, à Terre-Neuve, parce qu'il y a beaucoup de gens qui se réjouissent des nouvelles sources de pétrole, mais il ne faut pas oublier que le fruit le plus bas, le plus facile à atteindre, c'est la conservation, et c'est ce que nous devrions faire en premier.
Le président: Merci, monsieur Pearce.
C'est au tour de Denis, et ensuite de Jerry.
[Français]
L'hon. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Merci beaucoup, messieurs.
Monsieur Pearce, je sais qu'au Québec, le Programme ÉnerGuide a été mis à l'essai. On y a investi des fonds supplémentaires. La première année, les résultats se sont chiffrés à 3 p. 100, et la deuxième, à 5 p. 100. Dire qu'on va obtenir des subventions et trouver une façon de s'adapter pour que les maisons puissent répondre adéquatement à ces obligations en matière d'énergie, c'est bien, mais ne croyez-vous pas qu'il faut aller plus en profondeur? Octroyer des fonds n'est pas uniquement ce qui compte; il faut aussi responsabiliser les gens. Le gouvernement a un rôle à jouer, mais la population doit elle aussi se prendre en main.
Que devrions-nous faire? Je trouve qu'on a facilement tendance à passer à l'échelon national. On choisit alors d'accorder des fonds. Or, je pense que c'est carrément insuffisant. Comment peut-on, tout en ayant des objectifs communs pour l'ensemble du pays, adopter une stratégie qui permette de responsabiliser l'ensemble des communautés et faire en sorte que chacun joue un rôle prépondérant, sans pour autant qu'il y ait de chevauchement?
On parle d'un changement de mentalité, de culture, même sur le plan de la responsabilité en matière d'énergie. Je pense qu'en fin de compte, il s'agirait là d'une vraie culture. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
[Traduction]
M. Bruce Pearce: Eh bien, je suis d'accord pour dire que les idées nouvelles peuvent faire bouger les choses. Elles vont dans le sens de l'action, et c'est excitant. Je pense que les gens doivent prendre les choses en main. La moitié de la bataille, dans l'inititiative dont je parle, concerne l'éducation et la sensibilisation des consommateurs, des locataires et des propriétaires, pour qu'ils sachent comment se servir des nouveaux systèmes qui seraient mis en place.
Mais n'oubliez pas qu'il faut faire en sorte qu'il soit plus facile de conserver l'énergie que de la gaspiller. Or, j'ai bien peur qu'il soit trop facile de gaspiller l'énergie dans notre pays. Je me souviens d'avoir participé, quand j'étais enfant, à la campagne ParticipACTION—le Suédois moyen de 60 ans est plus en forme que le Canadien moyen de 30 ans. Eh bien, nous avons aussi des maisons qui ne sont pas en forme dans notre pays; nous ne devrions pas en avoir. Nous avons les meilleurs programmes d'habitation au monde; nous avons la SCHL, et il y a d'autres pays qui achètent nos programmes. Allons, Canada! Faisons de nos maisons les plus efficaces au monde! Nous avons le climat le plus froid; nous devrions être les plus efficaces. Il faut garder le froid à l'extérieur, et non à l'intérieur de nos maisons.
Le programme que nous suggérons comprendrait un volet d'éducation. L'éducation et la sensibilisation du grand public doivent faire partie du programme parce que c'est une mesure qui ne coûte pas cher. Je dois vous dire que, quand je suis chez nous à Terre-Neuve, où je travaille dans le domaine de l'itinérance, et quand je vois—que Dieu le bénisse—Rick Mercer, un gars bien de chez nous, apparaître à l'écran et dire aux Canadiens de faire un effort, je pense à la mère monoparentale avec cinq enfants, qui loue son logement et dont le propriétaire n'est pas très gentil et n'a pas investi dans la maison depuis des années. Nous n'avons pas fourni à cette femme les outils qui lui permettraient de conserver l'énergie facilement; elle ne contrôle pas les moyens d'action.
Le secteur public ne devrait pas se mêler de tout. C'est certainement un domaine dans lequel nous aurions dû lancer d'abord notre programme national d'application de l'accord de Kyoto; nous aurions dû commencer par les gens les plus vulnérables, plutôt que de verser des subventions à ceux qui conduisent des VUS et qui ont les moyens de payer. Nous avons commencé par la fin, ce qui n'est pas dans nos habitudes au Canada.
¿ (0950)
[Français]
L'hon. Denis Coderre: Je connais bien le programme ParticipACTION. On a besoin d'une stratégie de prévention, mais également de méthodes curatives. Sans créer une police de l'environnement, comment peut-on intervenir auprès de ceux qui créent le problème? Ici, on peut penser aux entreprises, mais également aux individus qui n'ont pas suffisamment le sens des responsabilités. On sait que de plus en plus, dans les municipalités, des compteurs d'eau et autres appareils de ce genre sont installés.
Pensez-vous que nous devrions adopter des mesures coercitives destinées à faire respecter l'environnement?
[Traduction]
M. Bruce Pearce: Je ne sais pas s'il faudrait des mesures coercitives; ce n'est pas le terme que nous préférons utiliser. Mais je ne suis pas sûr que ce soit vraiment ce que vous avez en tête. J'ai l'impression que vous voulez plutôt parler de règlements plus sévères, ou d'exigences impératives. Je pense qu'à l'avenir, quand on entrerait dans une maison qu'on envisage d'acheter, il devrait y avoir une étiquette ÉnerGuide sur le coffret à fusibles; autrement, il est impossible de voir l'hypothèque énergétique invisible avec laquelle vous et votre famille allez vous retrouver. Nous avons aujourd'hui des programmes d'application volontaire, mais je pense qu'un de ces jours—et ce sera votre décision, pas la mienne—, ÉnerGuide et les programmes de ce genre devraient être obligatoires quand une propriété change de mains, et les acheteurs potentiels devraient pouvoir dire : « Comme condition d'achat, je veux une évaluation ÉnerGuide. »
L'hon. Denis Coderre: Vous préconisez donc des mesures obligatoires.
M. Bruce Pearce: Eh bien, j'envisagerais la possibilité; je ne mettrais certainement pas cela de côté.
Il y a une chose que je dois dire—il faut bien se vanter un peu! C'est que nous avons bâti un réseau national qui comprend des mesures concrètes comme le transport actif, les analyses de la consommation d'énergie résidentielle, et ainsi de suite. C'est vers nous que les groupes environnementaux se tournent, dans les communautés, et c'est de nous qu'ils parlent. Nous ne sommes pas un groupe d'intérêts. Je pense que, si vous voulez une stratégie nationale qui part de la base, vous devriez avoir une initiative comme Green Communities au niveau national.
L'hon. Denis Coderre: Monsieur Huget, vous n'avez pas mâché vos mots aujourd'hui. Je comprends votre frustration et je pense que tout le monde, dans la population, a la même impression que vous.
Comment peut-on concilier le respect de Kyoto et la construction de nouvelles raffineries? Croyez-vous que nous devrions cesser de dépendre uniquement du pétrole fossile et nous tourner plutôt vers les énergies renouvelables?
Deuxièmement, vous avez dit qu'il y avait eu beaucoup d'emplois perdus. Je ne sais pas si vous avez des chiffres à nous fournir, mais ce serait très utile. En même temps, pensez-vous qu'il y aurait de meilleurs moyens à prendre que de taxer ces gens-là? Nous sommes tous dans le même bateau. Nous essayons tous de trouver des moyens de nous assurer que les gens qui font d'énormes profits, surtout dans les raffineries... Quelle est la solution miracle?
Le président: Merci, Denis.
Monsieur Huget.
M. Robert Huget: Au sujet de Kyoto, tout le monde sait que nous en sommes d'ardents partisans. Nous appuyons sans réserve tous les efforts de conservation et toutes les nouvelles sources d'énergie qu'englobent les principes de cette entente.
Nous pensons qu'une stratégie énergétique devrait porter non seulement sur la sécurité de l'approvisionnement pour la population canadienne et sur l'établissement de prix abordables pour les Canadiens, mais aussi sur les nouvelles sources d'énergie et la conservation. Tout cela fait partie du puzzle. Toutes les initiatives doivent en tenir compte aussi.
Pour ce qui est de la capacité financière, je tiens à préciser clairement que les Canadiens profiteront tous des programmes de conservation d'énergie. Ils profiteront tous des programmes de réhabilitation énergétique. Le problème, à mon avis, c'est que les contribuables canadiens paient les coûts de transport. Je ne crois pas que les entreprises qui réalisent d'énormes bénéfices grâce à nos ressources fassent leur part. En fait, les niveaux d'imposition ont été réduits pour elles. Les redevances ont été réduites pour elles en Alberta, plusieurs fois plutôt qu'une. Alors, il y a sans doute une partie de la population canadienne qui pense, comme moi, que cela suffit.
¿ (0955)
Le président: Merci, messieurs.
Jerry, s'il vous plaît.
L'hon. Jerry Pickard (Chatham-Kent—Essex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je constate que la nécessité est souvent mère de l'invention, particulièrement dans ce contexte. Le coût de l'énergie est très élevé en ce moment, cela ne fait aucun doute. Je ne prévois pas qu'il va baisser; j'ai plutôt l'impression qu'il va continuer à augmenter. En comparaison, nos coûts d'énergie sont encore bien plus bas qu'en Europe. Et bien plus bas aussi qu'en Asie. Compte tenu des ressources que nous avons, je pense que M. Huget a tout à fait raison de dire que nous fonctionnons essentiellement à 100 p. 100 de notre capacité—l'industrie parle de 97 p. 100. Quand on fonctionne à 97 p. 100, on exploite à peu près toute la capacité de raffinage du pays.
Comme nous le savons tous, l'installation de raffineries coûte extrêmement cher et prend du temps. D'après l'information que notre comité a reçue des gens de l'industrie—et d'autres experts aussi, d'ailleurs, pas seulement des gens de l'industrie—, il faut une dizaine d'années et des milliards de dollars pour développer une raffinerie.
Il y a des solutions de rechange à court terme, comme l'a souligné Denis—les combustibles renouvelables, entre autres—, mais dans ma jeunesse, ce n'était pas vraiment grave de garder ses lumières allumées ou de monter le chauffage, par exemple, parce qu'on pouvait acheter de l'essence pour sa voiture, quand j'étais tout petit, pour 10 cents le gallon.
Quand les prix ont commencé à monter, les gens se sont mis à faire plus attention. Je pense qu'un des problèmes que nous avons en ce moment au Canada, c'est qu'il faut une prise de conscience plus rapide... Mais en même temps, je dois visualiser ce qui se passe. Les Canadiens à faible revenu sont généralement ceux qui vivent dans les vieilles maisons pleines de courants d'air, qui sont moins efficaces sur le plan énergétique. Donc, le fardeau n'est pas réparti également entre tous les Canadiens. Ceux qui ont une nouvelle maison bénéficient des nouvelles technologies, d'une isolation efficace et de tous les autres éléments nécessaires dans une maison. Comme Bruce l'a fait remarquer, la mère monoparentale avec ses cinq enfants n'habite généralement pas dans une bonne maison de ce genre. Ceux qui ont le plus de difficultés, ce sont habituellement les gens qui doivent se contenter d'une voiture plus vieille et de systèmes de chauffage moins efficaces. À mon avis, nous devons vraiment nous concentrer d'abord et avant tout sur ces familles, sur ces Canadiens à faible revenu. C'est une question d'intérêt public.
J'ai beaucoup aimé votre présentation, monsieur Pearce. Mais comment contrebalancer cette opinion publique? Tout le monde veut payer moins cher, c'est évident. Il y aura toujours des critiques au sujet des profits élevés, mais l'industrie pétrolière fait des profits dans le monde entier. Ce n'est pas nous qui fixons les prix du combustible.
À mon avis, le Canada devrait lancer un programme pour les gens à faible revenu... J'aimerais certainement avoir des commentaires sur la façon d'orienter l'opinion publique pour que les gens se rendent compte que ce besoin prime tous nos autres besoins dans le secteur de l'énergie.
Le président: Merci, Jerry.
M. Bruce Pearce: Je pense que les Canadiens sont prêts à appuyer une stratégie nationale d'efficacité énergétique pour les gens à faible revenu. Nous n'avons rencontré aucune opposition, dans aucun des secteurs où nous en avons parlé—auprès des propriétaires de maisons, des entreprises de production d'énergie, des services publics, des provinces. La question qui se pose maintenant, c'est de savoir comment nous y prendre. En tant que parlementaires, si vous avez un milliard de dollars, vous pouvez le dépenser judicieusement, ou alors vous pouvez le dépenser à tort et à travers. J'espère vraiment que vous allez nous écouter et travailler avec nous. Nous avons beaucoup d'expérience dans ce domaine, au niveau communautaire, et nous avons l'habitude de travailler avec cette population.
Je comprends ce que vous dites. Merci de votre appui et de vos commentaires. Tout ce que votre comité pourra faire pour pousser les choses dans la bonne direction sera apprécié.
Plus précisément, au sujet de la conception et de l'application de ce programme, je vous conseille de ne pas vous lancer là-dedans dès demain. Les rabais vont aider ceux qui en ont le plus besoin à court terme, à mon avis—trois millions de Canadiens—, comme en 2000. Nous ne devrions pas mettre tout l'argent dans le Programme d'aide à la remise en état des logements de la SCHL, ni dans le programme ÉnerGuide pour les résidences, ce qui va probablement se produire à mon avis. Nous devons avoir un programme distinct, en plus de ceux-là. Je ne veux pas dire qu'il faudrait abandonner ceux-là.
Quand nous publierons les conclusions de notre étude, j'espère que vous les lirez avec intérêt et que vous pourrez vous en servir afin de concevoir le meilleur programme possible pour le pays. Autrement, j'ai l'impression que nous allons chavirer dans le sillage que va laisser le gouvernement dans sa hâte à annoncer un programme, et toute notre expérience et tout notre travail de recherche... Nous avons consulté des gens dans tous les secteurs et toutes les régions du pays sur cette question au cours de la dernière année, et ils vont être sérieusement déçus si quelqu'un décide, dans une salle quelque part, de se contenter d'améliorer les programmes existants. Je pense qu'il faut faire preuve de créativité.
À (1000)
Le président: Merci, monsieur Pearce.
Il nous reste seulement une minute avant 10 heures. Je n'ai plus personne sur ma liste. Je vais donc remercier nos témoins de nous avoir accordé leur temps ce matin. Cela nous a été très utile. Vos témoignages ont été consignés par le service des comptes rendus des comités. Donc, tous ceux qui voudront donner suite à ces témoignages pourront le faire.
Alors, merci et au revoir. Nous allons faire une courte pause avant de passer à la prochaine partie de la séance.
À (1002)
À (1004)
Le président: Bonjour. Nous poursuivons la séance du 6 octobre du Comité de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie.
Nous étudions en ce moment le projet de loi C-19. Nous avons le plaisir de recevoir la Commissaire de la concurrence, Mme Sheridan Scott.
Comme vous avez déjà comparu souvent devant le comité, madame Scott, vous connaissez les usages. Nous vous demandons de faire une présentation de cinq à sept minutes, si possible, après quoi nous ferons de notre mieux pour gérer le temps prévu pour les questions.
Nous vous invitons donc à—
À (1005)
M. Werner Schmidt: Excusez-moi, mais avant d'en arriver là, monsieur le président, je voudrais vous poser une question. Je pensais que nous étions censés avoir des amendements au projet de loi C-19.
Le président: Tout ce que je peux vous dire, Werner, c'est que ni la greffière ni moi n'avons reçu d'amendements du gouvernement.
M. Werner Schmidt: Alors, qu'est-ce que nous allons faire maintenant?
Le président: Madame Scott, pouvez-vous...?
Premièrement, permettez-moi de vous expliquer le contexte. Le comité avait convenu il y a un certain temps de réinviter Mme Scott pour qu'elle puisse nous donner une deuxième opinion, au cours d'une deuxième rencontre, après que nous aurions entendu d'autres témoins. Il a été question cette semaine de la possibilité que le gouvernement présente des amendements à cette occasion.
Pouvez-vous nous faire votre présentation même s'il n'y a pas d'amendements du gouvernement?
Mme Sheridan Scott (commissaire de la concurrence , Bureau de la concurrence): D'après ce que j'avais cru comprendre, monsieur le président, vous vouliez que je vous présente aujourd'hui le rapport que je m'étais engagée à vous apporter au sujet des études de marché. À quelques reprises, lors de mon avant-dernière visite, vous m'avez demandé un complément d'information pour savoir comment nous procédons aux études de marché, si nous apprécions ces études et ce qui se fait au niveau international. Il me semble vous avoir indiqué à ce moment-là que nous étions en train d'approfondir la question. Si je suis de retour aujourd'hui, c'est tout simplement—si cela vous convient—pour vous faire mon rapport sur le travail que nous avons accompli au cours de l'été. Je ne suis pas certaine que nous ayons besoin d'amendements pour discuter de cela.
Le président: D'accord, il est clair que nous pouvons commencer.
Werner, si vous voulez protester parce qu'ils ne sont pas ici... Je pense que nous allons les recevoir, mais je n'ai pas l'impression qu'ils vont arriver dans l'heure qui vient.
Vous avez un commentaire à faire, Jerry?
M. Werner Schmidt: Le but de la rencontre a changé. Je pensais que nous allions étudier le projet de loi C-19, ce qui n'est évidemment pas le cas.
Le président: Eh bien, le rapport de la commissaire se rapporte au projet de loi C-19; il sera donc utile dans notre examen de ce projet de loi.
Jerry.
L'hon. Jerry Pickard: Je ne sais pas si cela répond aux préoccupations de M. Schmidt, mais si les amendements arrivent et que nous voulons les examiner de plus près avec nos témoins du Bureau de la concurrence, nous pourrons certainement le faire. Je ne sais pas encore s'il y aura des amendements importants ou pas.
Ce que je veux dire, c'est que nous devons en tout cas liquider ceci, c'est certain. Nous devons nous pencher là-dessus. Si nous avons une heure pour le faire maintenant, nous pourrons prendre moins de temps plus tard plutôt que de nous y attarder longuement à ce moment-là.
M. Werner Schmidt: J'ai simplement besoin de me faire à l'idée. Je pensais que nous allions étudier le projet de loi C-19. C'est peut-être pertinent au projet de loi C-19, mais il est clair que nous n'allons pas étudier le projet de loi lui-même. Mais si c'est ce que le comité désire, allons-y.
Le président: Je pense que nous allons commencer, Werner.
Ce rapport se rattache au projet de loi C-19 et, comme quelqu'un l'a déjà dit, nous aurions tous souhaité—y compris Jerry—que les amendements soient ici aujourd'hui, mais nous ne les avons pas. Quand ils arriveront, nous pourrons les examiner—
M. Werner Schmidt: Je voudrais seulement que le comité emploie son temps aussi efficacement qu'il utilise l'énergie.
Le président: Oui, très bien.
Sur ce, nous invitons Mme Scott à nous présenter sa déclaration.
Merci d'être revenue.
Mme Sheridan Scott: Merci, monsieur le président, messieurs les membres du comité.
Avant de commencer, je voudrais vous présenter les collègues qui m'accompagnent aujourd'hui. Richard Taylor est sous-commissaire à la Direction générale des affaires civiles, et Suzanne Legault est sous-comissaire adjointe à la Division des affaires législatives.
Quand j'ai comparu devant votre comité il y a deux semaines, au cours d'une séance spéciale sur les prix de l'essence au Canada, j'ai promis de déposer les conclusions d'une étude comparative internationale sur les pouvoirs en matière d'études de marché. Je suis heureuse de discuter de ce rapport avec vous aujourd'hui et j'espère bien revenir bientôt pour répondre aux questions que vous pourriez avoir au sujet de tous les aspects du projet de loi C-19.
Les modifications proposées dans le projet de loi C-19 consolideront le cadre concurrentiel du Canada dans l'économie mondiale. À notre avis, ces modifications reflètent un délicat équilibre entre les intérêts des consommateurs, des petites entreprises et des grandes sociétés. Ces propositions nous donneront plus de souplesse dans notre travail, et permettront vraiment de décourager et de corriger tout comportement anticoncurrentiel sur le marché.
[Français]
Au cours des audiences de ce comité sur le projet de loi C-19, il a été suggéré à maintes reprises d'augmenter les pouvoirs prévus dans la Loi sur la concurrence, de façon à permettre au bureau d'évaluer rigoureusement l'état de la concurrence dans l'économie canadienne au moyen de ce que l'on appelle des études de marché. Il s'agirait de prévoir, dans les circonstances appropriées, le recours à des pouvoirs formels en vue de recueillir des renseignements qui permettraient au bureau de disposer de toutes les données pertinentes, y compris des données commerciales délicates qui ne sont pas du domaine public, afin d'analyser en profondeur divers secteurs de l'industrie.
En 2003, nous avons mené des consultations sur une proposition semblable mise de l'avant par le député de Pickering—Scarborough-Est, M. McTeague. Ceux qui appuyaient ce pouvoir étaient d'accord sur le principe que les Canadiennes et les Canadiens devraient pouvoir être renseignés sur l'état de la concurrence dans tout secteur de l'économie. Des intervenants étrangers s'y sont aussi montrés favorables. Comme vous pouvez le constater d'après le document que je vais déposer aujourd'hui, de nombreux autres régimes prévoient déjà le pouvoir d'effectuer des études de marché. Les commentaires indiquent que ce pouvoir s'est révélé un précieux atout.
À (1010)
[Traduction]
Aux États-Unis, par exemple, la Federal Trade Commission fait enquête sur la recherche et la politique. Elle a publié notamment des rapports sur l'industrie pétrolière, de même que sur les changements structurels qui se sont produits depuis 20 ans dans le domaine des ventes de cigarettes et de la publicité connexe, de l'exactitude et de l'intégralité des cartes de crédit, des fraudes contre les consommateurs et du rôle potentiel de la concurrence dans le secteur de la santé. Ce dernier rapport contenait un certain nombre de recommandations visant à mieux concilier la concurrence et la réglementation.
La Commission européenne a pour sa part le pouvoir d'effectuer des enquêtes générales sur n'importe quel secteur de l'économie si « I'évolution des échanges entre États membres, la rigidité des prix ou d'autres circonstances font présumer que la concurrence peut être restreinte ou faussée a l'intérieur du marché commun ». Deux enquêtes sectorielles ont été lancées en 2005 : une sur la concurrence dans le secteur de l'énergie, et plus spécialement sur les marchés du gaz et de l'électricité, et l'autre sur le secteur des services financiers.
Cela dit, je pense qu'il est important de garder à l'esprit les préoccupations soulevées au sujet des études de marché au cours de nos consultations. L'opposition à un élargissement du mandat prévu par la Loi sur la concurrence repose en particulier sur les préoccupations relatives à la charte et sur les coûts pour les entreprises. Certaines personnes craignent aussi, parallèlement à cela, qu'une proposition de ce genre devienne un moyen inapproprié pour détourner les pressions politiques ou populaires vers le bureau, afin qu'il prenne des mesures d'exécution même en l'absence de preuves sur une faute quelconque ou sur de graves problèmes de concurrence touchant l'intérêt public. En ce qui concerne les préoccupations relatives à la charte, certains s'inquiètent de la possibiité que le bureau soit autorisé à « aller à la pêche » et que ceux qui fourniraient de l'information sur le marché soient obligés de s'incriminer eux-mêmes.
Toute modification proposée pour accorder ce pouvoir devrait donc nous protéger contre ces dangers. Par exemple, il serait possible de rendre public le cadre de référence de chaque étude, en précisant clairement dans quelles circonstances un juge pourrait ordonner la production de documents. Les études de ce genre devraient être réalisées pour des motifs légitimes, afin d'évaluer l'état de la concurrence sur le marché; il ne devrait pas s'agir d'enquêtes de conformité déguisées. En outre, ces études devraient être effectuées aussi rapidement que possible. Il serait également important qu'aucune information confidentielle ne soit divulguée.
En ce qui a trait au fardeau pour les entreprises, le pouvoir d'effectuer des études de marché devrait permettre d'établir un bon équilibre entre la nécessité d'obtenir de l'information exacte et à jour, d'une part, et le coût que représenterait la transmission de cette information pour les entreprises, d'autre part. En corrigeant les inconvénients dont je viens de parler au sujet de la portée et de la longueur des études de marché, on répondrait aussi dans une certaine mesure aux préoccupations que soulève la question des coûts pour les entreprises.
L'introduction du pouvoir d'effectuer des études de marché comporterait un certain nombre d'avantages. Une meilleure compréhension de l'état de la concurrence dans divers secteurs de l'industrie pourrait permettre d'appliquer plus efficacement la Loi sur la concurrence. Elle pourrait également aider à mieux défendre les intérêts en cause. Elle contribuerait à l'élaboration de bonnes politiques pour atteindre nos objectifs économiques, ce qui profiterait à tous les Canadiens. Enfin, elle apporterait une transparence accrue sur le marché, tant pour les entreprises que pour les consommateurs. À notre avis, il serait possible d'introduire un pouvoir de ce genre, comme cela s'est fait ailleurs, dans la mesure où nous accorderions toute l'attention qu'elles méritent aux préoccupations que je viens de vous exposer.
Je me ferai un plaisir de revenir devant le comité pour discuter de toutes vos questions au sujet du projet de loi C-19.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invitée à venir vous parler aujourd'hui de la question des études de marché. Nous nous ferons maintenant un plaisir de répondre à toutes vos questions.
Le président: Merci, madame la commissaire.
Nous allons commencer par Brad, Gérard, Denis, et ensuite Brian. Le temps nous presse parce que nous avons seulement une heure.
Merci, Brad.
M. Bradley Trost (Saskatoon—Humboldt, PCC): Comme vous le savez, monsieur le président, je dois partir un peu avant la fin de la séance. Alors, je serai bref.
Quand on regarde la situation internationale... Je constate, après avoir parcouru votre mémoire très rapidement, que vous vous êtes concentrés surtout sur la comparaison avec ce qui se fait à l'étranger : en Australie, aux États-Unis, à la Commission européenne, au Royaume-Uni, et ainsi de suite. Ma question est la suivante : quels ont été les effets économiques de ces études dans ces différents endroits? Mon petit côté pragmatique me dit qu'un rapport doit ultimement avoir des effets quelconques pour que l'économie en bénéficie. Pourriez-vous nous dire comment les choses se sont passées dans tous ces endroits-là—parce qu'il y a des différences— et s'il y a des rapports qui ont été plus utiles que d'autres? Une fois les études faites, quelles sont leurs retombées et leurs effets? Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet-là?
À (1015)
Mme Sheridan Scott: Je voudrais vous dire quelques mots pour commencer, après quoi je demanderai à Suzanne de faire ses commentaires. C'est son équipe qui a examiné ce qui se fait ailleurs, même si je dois dire que nous nous sommes concentrés surtout sur la méthodologie qui a été appliquée, sur la faisabilité de la chose et sur les solutions apportées à certaines des préoccupations tout à fait fondamentales qui ont été soulevées au cours des consultations.
Si on regarde, de façon générale, les retombées positives des rapports de ce genre—et je suis d'accord pour dire qu'il est important d'examiner ces retombées—, je pense qu'on peut y voir un certain nombre d'avantages.
Il y a d'abord une meilleure compréhension de la façon dont le marché fonctionne dans différents secteurs. Nous serions mieux informés des raisons pour lesquelles les gens veulent savoir ce qui se passe sur le marché, et nous pensons que cela nous permettrait de mieux comprendre la situation et, par conséquent, de prendre des moyens d'application plus efficaces. Donc, s'il y avait une enquête au sujet d'activités anticoncurrentielles sur un marché donné, nous comprendrions mieux le fonctionnement de base de ce marché.
Un autre avantage que nous y voyons, c'est celui de la transparence. Une des choses que nous ont dites les groupes de consommateurs avec lesquels j'ai travaillé récemment—mais c'est aussi un thème qui revient souvent dans les conversations des gens d'affaires—, c'est qu'il faudrait mieux comprendre ce que fait le Bureau de la concurrence, ce qu'il pense des choses et comment il les analyse. Dans la plupart des endroits, vous constaterez que ces rapports sont rendus publics, que la population peut en prendre connaissance, ce qui fait que les entreprises pourraient comprendre comment nous abordons un marché, comment nous le comprenons et quelles sont nos hypothèses de départ.
Je vais voir si Suzanne a plus d'information sur les retombées économiques de ces études.
Suzanne, savez-vous quelque chose là-dessus?
Mme Suzanne Legault (sous commissaire adjointe de la concurrence, Direction générale de la politique de la concurrence, Bureau de la concurrence): Le principal avantage de ces études est qu'elles fourniraient aux entreprises, au gouvernement et aux autorités antitrust des données plus précises. C'est là leur principal avantage. Du point de vue de l'efficacité de l'application de la loi, ces études fourniraient des renseignements concrets sur la façon dont fonctionnent les marchés.
Si je replace tout cela dans le contexte canadien, je dirais qu'au Canada certains secteurs sont fortement concentrés et qu'il y a également divers secteurs qui sont très réglementés ou qui font l'objet de toutes sortes de restrictions. Lorsque nous examinons l'état de la concurrence dans un marché donné, et là je ne parle pas d'une enquête concernant une pratique anticoncurrentielle précise, cela nous permet de comprendre le cadre global dans lequel fonctionne le marché, et non pas seulement une pratique anticoncurrentielle particulière. Ces études pourraient donc fournir des renseignements précieux aux décideurs, et non pas seulement aux autorités antitrust, et c'est là le principal avantage qu'offrent ces études.
M. Bradley Trost: Aujourd'hui, avec la recherche que vous avez effectuée--et il est possible que cela ne fasse pas partie de votre mandat ou qu'il n'y ait pas de données à ce sujet--j'aimerais savoir si ces pays ont vraiment constaté que ces études avaient pour effet d'améliorer la productivité de l'industrie parce qu'elles favorisaient la concurrence, etc. Je me demande si ces études ont eu des retombées économiques concrètes.
Vous avez formulé dans votre exposé quatre observations que je trouve excellentes mais en fin de compte, on peut dire que tout cela est assez théorique. J'aimerais bien savoir si ces études ont eu un effet économique concret.
Mme Sheridan Scott: Je vais passer le microphone à Richard pour un moment mais je dirais néanmoins que nous ne pensions pas que c'était ce qu'on nous avait demandé, je vous le dis franchement, lorsqu'on nous a demandé de faire une comparaison avec les pays étrangers.
Richard, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Richard Taylor (sous-commissaire de la concurrence, Direction générale des affaires civiles, Bureau de la concurrence): Oui, je connais bien un certain nombre d'études qui ont été entreprises.
Il y a quelques années, au R.-U., les voitures coûtaient beaucoup plus cher que sur le continent; on se posait des questions au sujet de cette différence de prix, étant donné qu'il s'agit d'un marché commun. Les autorités responsables ont analysé cette situation. Elles ont effectivement constaté une tendance générale en matière de prix et ont cherché les raisons à l'origine de cette situation; elles ont pensé que cela provenait d'une façon générale d'une faiblesse systémique de la concurrence entre les concessionnaires. Les autorités ont donc pris des mesures pour autoriser les concessionnaires à vendre plusieurs marques de voitures. Grâce à ces mesures, en trois ans, les prix des voitures se sont alignés sur les prix européens.
Elles ont fait à peu près la même chose avec les brasseries et l'intégration verticale grâce à laquelle les brasseries étaient propriétaires de tous les pubs en Angleterre et elles sont intervenues. Là encore, elles ont analysé le problème. Je ne sais pas si cela a fait baisser le prix de la bière. Je peux néanmoins vous dire que ces études ont débouché sur des mesures concrètes. Ces études ne sont pas simplement destinées à accumuler de la poussière sur les étagères.
À (1020)
Le président: Merci, Brad.
Peut-on penser que cela a également augmenté la consommation?
Mme Sheridan Scott: Les Canadiens ont de la chance que la bière coûte moins cher ici.
Le président: Vouliez-vous dire quelque chose pour le compte rendu, Brad?
M. Bradley Trost: Je voudrais effectivement ajouter quelque chose pour le compte rendu. J'aimerais beaucoup obtenir de l'information sur ces études--c'est exactement ce que je cherchais.
Le président: Merci, Brad.
Gérard, et ensuite Denis.
Gérard, allez-y.
[Français]
M. Gérard Asselin (Manicouagan, BQ): Je tiens à remercier personnellement les gens du Bureau de la concurrence d'être ici ce matin.
Je vais essayer de parler d'un sujet d'actualité, à savoir la montée du prix de l'essence. Depuis plusieurs années, le Bloc québécois réclame une intervention de la part du gouvernement auprès du Bureau de la concurrence, afin que celui-ci intervienne en instituant une enquête. Nous voulons qu'il joue son véritable rôle, c'est-à-dire qu'il détermine s'il existe ou non une complicité entre les compagnies pétrolières.
Aujourd'hui, on profite de tous les désastres, que ce soient les événements au Moyen-Orient ou l'ouragan Rita, pour justifier l'augmentation du prix de l'essence. Or, on ne sait pas quel est le rôle du Bureau de la concurrence à ce chapitre. Il est censé être le chien de garde et vérifier s'il y a complicité entre les pétrolières, les raffineurs ou les détaillants. Le Bloc québécois réclame du gouvernement une véritable enquête à ce sujet depuis des années. Semble-t-il que cela ne se fait pas, que c'est plus ou moins efficace ou que cela ne dérange pas vraiment ceux qui sont là pour veiller à ce qu'il y ait des prix concurrentiels.
En bout de ligne, c'est le consommateur qui paie la note. Dans Manicouagan, il n'y a qu'une seule route d'accès, et tout se fait par transport routier. Permettez-moi de vous dire que le coût de l'essence affecte drôlement l'économie d'une région. Également, cela risque de faire mourir les industries du camionnage et du taxi, parce que celles-ci dépendent de la consommation d'essence ou de diesel pour vivre. De surcroît, le coût de l'huile à chauffage est très dispendieux pour ceux qui vivent dans le Nord et dans le Grand Nord.
Je voudrais savoir ce que le Bureau de la concurrence est en train de faire face à cette crise de l'essence. Cette situation ne date pas d'hier. Nous avons des inquiétudes depuis que le prix de l'essence a atteint 75 ¢ le litre, et il est le double aujourd'hui.
J'aimerais donc connaître le véritable mandat du Bureau de la concurrence. Est-ce que les lois gouvernementales vous permettent d'être véritablement le chien de garde à ce chapitre? Quel rôle jouez-vous en matière des prix de l'essence? Y a-t-il des lois qui doivent être changées pour vous donner plus de pouvoirs pour fonctionner?
Personnellement, j'ai besoin d'être renseigné à ce sujet. J'ai l'impression que le Bureau de la concurrence est impuissant, pour ne pas employer le mot « inutile ». Peut-être que je me trompe. Vous avez probablement un rôle important à jouer, mais comme parlementaires, nous manquons d'information en ce qui a trait à votre mission.
Mme Sheridan Scott: En matière de complicité, il est certain que nous avons l'autorité pour faire le genre d'enquête auquel vous faites allusion. C'est illégal de fixer les prix; la collusion est illégale. Il est certain que nous n'hésiterons pas à agir si nous avons la preuve qu'on a contrevenu à la loi.
Depuis quelques années, nous avons mené des études pour essayer de voir si on avait contrevenu à la loi. Nous avons complété cinq études du marché et nous n'avons pas obtenu de preuve. Il est certain que si nous avions trouvé un élément de preuve, nous aurions été en mesure de poursuivre ces gens.
Nous avons tous les pouvoirs nécessaires. Nous avons le pouvoir de demander de produire les documents, de perquisition et même de faire des interceptions téléphoniques. Nous avons la possibilité d'embaucher des experts, d'interroger les contacts de marché. Alors, nous avons les outils pour mener des enquêtes afin de savoir s'il y a eu complicité dans l'industrie.
Cependant, franchement, après cinq études, nous n'avons toujours pas constaté qu'il y avait des éléments de preuve à l'effet que la fluctuation des prix sur le marché était due à la complicité ou à la collusion plutôt qu'aux forces du marché.
À (1025)
M. Gérard Asselin: Vous conviendrez avec moi que si le baril de brut est à 70 $, que la raffinerie x, y ou z paiera 70 $ le baril.
Il semble que ce soit la raffinerie qui fait le raffinage du produit du pétrole brut qui va chercher le maximum de profits. On entend dire également que d'un autre côté, les détaillants ne tirent de cette situation que des profits de quelques cents du litre.
Je vais vous donner un exemple. Sur la Côte-Nord, dans la région de Baie-Comeau et Sept-Îles, c'est Ultramar qui livre l'essence dans les stations Shell, Petro-Canada, Canadian Tire, Ultramar, etc.
C'est le plus fantasque qui se lève un bon matin et qui décide d'augmenter le prix de l'essence de 9 ¢ du litre. Son voisin d'en face, qui trouve cela bien intéressant, décide alors de l'encourager et d'imiter la hausse. La veille, le premier a augmenté son prix de l'essence, alors qu'aujourd'hui, c'est au tour du second, et un troisième suivra.
Un de mes beaux-frères est détaillant. Il est propriétaire d'un poste d'essence Canadian Tire. Il n'a jamais reçu d'avis pour monter ou baisser les prix à la pompe. Il attend que Petro-Canada et Ultramar montent leurs prix, puis il fait de même. Le lendemain, c'est Ultramar qui monte ses prix, suivi de Petro-Canada, et mon beau-frère les suit. Il y a une complicité, à ce moment-là.
Le président: Merci, Gérard.
Mme Sheridan Scott: Il y a peut-être une autre explication. C'est un marché très compétitif, parce que les gens qui offrent les produits sur le marché répondent aux forces du marché. Quand un compétiteur est en train de changer les prix, les autres en font autant parce que c'est un marché compétitif.
Il faut dire que l'industrie du commerce au détail est très intéressante. Il s'agit d'une de la seule industrie où les commerçants sont en mesure de voir le prix de leurs compétiteurs affiché publiquement. Donc, les gens peuvent décider d'acheter ou non à tel ou tel poste d'essence. En effet, ils peuvent se promener sur la rue ou passer en voiture et ils sauront précisément quel prix ils vont payer pour le produit qu'ils veulent acheter. Ce n'est donc pas dans toutes les industries que l'on voit cela. C'est simplement une autre explication.
Par contre, c'est exactement la question qu'on nous pose: est-ce que les gens sont en train de faire de la collusion ou est-ce à cause du fonctionnement d'un marché très compétitif?
C'est pourquoi nous suivons les prix de très près, en tout temps, car si nous avons la preuve que la fluctuation des prix — la montée des prix, comme vous dites — résulte de la collusion, qu'il y a effectivement une telle possibilité, je vous assure que nous n'hésiterons pas à agir. Nous l'avons déjà fait à 13 occasions par le passé, et il y a eu 7 accusations.
Le président: Merci.
Denis.
L'hon. Denis Coderre: Madame Scott, c'est toujours un plaisir de vous avoir avec nous.
À prime abord, je suis d'accord qu'il ne faut pas transférer la pression politique au Bureau de la concurrence. Il faut donc faire de la politique avec un grand P, mais il ne faut pas politiser le Bureau de la concurrence. Au départ, c'est essentiel dans l'esprit même du rôle du bureau.
J'ai quelques questions à vous poser. Au fond, je pense que vous avez besoin de pouvoirs préventifs et coercitifs. Comme on le dit souvent, vous avez beaucoup de bonne foi, mais peu de mordant. Or, il faut trouver une façon pour — j'aime bien l'allusion de Gérard — donner vraiment au Bureau de la concurrence la capacité de jouer son rôle de chien de garde.
Vous avez déjà démontré par votre expertise qu'on peut avoir une série d'études qui permettent, à la lumière des pouvoirs limités que vous avez déjà, de dresser un portrait. Toutefois, j'aimerais qu'on aille un peu plus en profondeur.
J'ai trouvé votre étude intéressante, notamment quand vous avez comparé la Loi sur les enquêtes et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur. Je reviendrai au Tribunal canadien du commerce extérieur, mais dans un premier temps, pour le commun des mortels, qu'entendez-vous par « données commerciales délicates »?
À (1030)
Mme Sheridan Scott: Ce sont des données confidentielles.
L'hon. Denis Coderre: D'accord.
Vous voulez donc avoir la capacité d'aller chercher l'ensemble de l'information nécessaire au bon fonctionnement d'une enquête?
Mme Sheridan Scott: Pas d'une enquête, mais d'une étude du marché. Ce que nous proposons, c'est d'avoir un pouvoir d'assignation. Nous disons que ce serait une façon d'augmenter nos pouvoirs pour mieux faire notre étude. Il s'agit du pouvoir de demander aux gens et aux compagnies qui sont membres de l'industrie en question de produire des documents confidentiels.
L'hon. Denis Coderre: Au fond, que ce soit une enquête ou une étude, l'objectif est le même: obtenir l'information.
Mme Sheridan Scott: On l'a déjà pour les enquêtes. Lorsque nous enquêtons pour savoir si on a contrevenu à la loi, nous avons plusieurs pouvoirs: le pouvoir d'assignation, le pouvoir de perquisition, de même que l'écoute électronique. Selon nous, le pouvoir d'assignation serait approprié pour les études de marché. Cela nous permettrait de demander aux participants de nous fournir les données qui ne sont pas du domaine public.
L'hon. Denis Coderre: Si vous aviez eu plus de pouvoirs, les résultats de vos fameuses cinq études, qui disaient qu'il n'y avait pas collusion, auraient-il été différents?
Mme Sheridan Scott: Il est très difficile de répondre à cela et de comparer ce qui n'existe pas à ce qui existe. Nous avons été assez satisfaits de la réponse des compagnies dont nous avons obtenu les données pour faire ces études. Nous avons profité de l'expertise des gens que nous avions embauchés, des experts du marché qui connaissent les données confidentielles, car ils viennent souvent de l'industrie et en ont une grande expérience. Nous avons eu des contacts dans le marché. Nous avons eu accès, là aussi, à une partie des données confidentielles, mais nous n'avons pas toutes les données. C'est Richard qui a été impliqué dans ces études. Pour ma part, j'ai le sentiment que nous avons eu assez de données pour tirer des conclusions assez fiables.
L'hon. Denis Coderre: J'essaie de vous procurer l'environnement qui vous permettrait d'obtenir des réponses. C'est dans ce but qu'on envisage des amendements au projet de la loi C-19.
Croyez-vous qu'il faille modifier certains articles du Code criminel pour que vous ayez plus de pouvoirs?
Mme Sheridan Scott: Le Code criminel?
L'hon. Denis Coderre: Y a-t-il des domaines où vous avez tous les pouvoirs?
Mme Sheridan Scott: Je vais demander à Suzanne de répondre à cette question.
L'hon. Denis Coderre: On peut écouter Suzanne.
Mme Suzanne Legault: Le Code criminel nous accorde des pouvoirs qui vont très loin. En fait, les dernières modifications nous ont permis l'écoute électronique pour les dispositions les plus sérieuses de la Loi sur la concurrence, dont le complot et le télémarketing trompeur. C'est assujetti aux même conditions que toute autre action policière: on doit fournir les mêmes informations au juge. Je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit à ajouter de ce côté. Il est certain qu'il y a maintenant des éléments de nature électronique qui pourraient être modifiés dans le Code criminel. Je sais que le ministère de la Justice fait des recherches de ce côté. Nous voudrons alors aussi...
L'hon. Denis Coderre: Je pense à Internet et aux autres technologies de surveillance.
Mme Suzanne Legault: Exactement. Nous travaillons en ce moment avec le ministère de la Justice. Ce sera dans le contexte...
L'hon. Denis Coderre: Toutes les technologies de l'information
J'ai une dernière question, monsieur le président.
Le Bureau de la concurrence pourrait-il, en collaboration avec le Tribunal canadien de commerce extérieur, devenir l'entité par excellence? Y aurait-il complémentarité, ou sont-ce deux choses complètement différentes? C'est de la machinerie.
[Traduction]
Le président: Merci, Denis.
[Français]
Mme Suzanne Legault: Je vais tenter de répondre à cette question. Lorsqu'on a fait les consultations en 2003, la proposition qui émanait du député McTeague était que ce soit une référence qui soit faite au Tribunal canadien du commerce extérieur. Cela n'a pas eu beaucoup de succès auprès des intervenants consultés. Ils considéraient que le Tribunal canadien du commerce extérieur n'avait pas nécessairement l'expertise nécessaire et ils préféraient que ce soit le Bureau de la concurrence qui effectue ces études. Une des raisons pour lesquelles une mesure législative antérieure a abrogé cela est qu'on doublait le processus: d'abord le Bureau de la concurrence et ensuite la Commission sur les pratiques restrictives du commerce. Nous ne sommes pas en faveur de cela.
À (1035)
[Traduction]
Le président: J'ai Michael et ensuite, Jerry.
M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC): Je crains qu'il s'agisse là d'une réaction improvisée aux déclarations grandiloquentes qu'a faites Dan McTeague au sujet du prix de l'essence. Nous étions en train d'étudier le projet de loi C-19, de l'examiner dans un contexte plus large, lorsque tout à coup, cela a été ajouté parce que M. McTeague a demandé que nous examinions cette question. Je ne sais donc pas très bien ce qu'en pense la commissaire et si cela est une préoccupation pour elle pour ce qui est de...
C'est une question qui a été étudiée en 2003. Ce projet avait été très critiqué à l'époque mais il y avait également beaucoup de gens qui l'appuyaient. Nous constatons tout à coup une montée brutale du prix de l'essence, et nous sommes tous inquiets et nous nous demandons ce qu'il faut faire. Comme par hasard, cela fait ressortir l'idée de donner au Bureau de la concurrence le pouvoir d'effectuer des études de sa propre initiative. J'aimerais savoir ce que la commissaire pense de tout cela.
L'autre question que j'aimerais poser est que, si l'on donne au Bureau de la concurrence le pouvoir d'effectuer des études de sa propre initiative, pensez-vous que...? Je pense au projet de juin 2003. Il avait été suggéré que le Tribunal canadien du commerce extérieur y participe ou joue un rôle. Je me demande si la commissaire estime qu'il devrait également participer à ceci. Voilà ma question.
Le président: Merci.
Mme Sheridan Scott: Pour ce qui est de votre première remarque, j'aimerais préciser que nous sommes revenus ce matin pour faire le suivi de notre comparution du 18 novembre devant le comité. On nous avait posé des questions à ce moment-là sur les demandes d'enquête, un des sujets sur lesquels portaient les consultations, et nous nous étions simplement engagés à revenir, au moment où vous reprendriez l'étude du projet de loi C-19, vous faire rapport à ce sujet. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici ce matin ou la raison pour laquelle je pensais que nous avions été invités. Nous avons déposé les conclusions de cette étude.
Pour ce qui est du projet 2003 concernant le TCCE, nous avons constaté au cours des consultations au sujet des demandes d'enquête que certains auteurs avaient exprimé des préoccupations à l'égard du TCCE parce qu'il possède des attributions légèrement différentes. Avec ce projet, le Bureau de la concurrence n'aurait pas accès à toute l'information obtenue grâce à une de ces études de marché, parce que nous n'aurions pas nécessairement accès à cette information, et en particulier, à l'information confidentielle obtenue par le TCCE au cours de ces études de marché. Suzanne voudra peut-être ajouter quelque chose.
Je dirais que nous en avons conclu, après avoir examiné les différents commentaires que nous ont communiqués les intéressés, et compte tenu de notre analyse de ce que font d'autres pays et de ce que nous pourrions vous dire ce matin, que nous sommes favorables aux demandes d'enquête pourvu que le pouvoir de demander des enquêtes soit circonscrit. Il faudrait aménager des protections procédurales pour répondre aux préoccupations constitutionnelles et à ce genre de choses. La plupart des organismes antitrust possèdent ce genre de pouvoir. Cela ne serait donc pas inhabituel.
De toute façon, c'est un aspect que vous allez examiner au cours de l'étude article par article, du moins je le suppose; vous allez parler de l'opportunité d'apporter des modifications à ce projet de loi.
Suzanne, vouliez-vous dire quelque chose? Non? Parfait.
M. Michael Chong: Dans votre exposé, vous expliquez ce que font les autres pays en matière de demandes d'études de marché. Je me souviens en fait de l'étude qui a été faite au R.-U., c'était en décembre 2002, je crois, parce que je me trouvais au R.-U. à l'époque et je me souviens d'avoir lu des articles de journaux à ce sujet. Qu'est-ce que ça a donné? A-t-on pris des mesures concrètes? J'aimerais savoir si dans ces pays, on effectue des études sans qu'elles débouchent sur quoi que ce soit. Si c'est le cas, à quoi servent-elles?
À (1040)
Le président: Merci, Michael.
Mme Sheridan Scott: Richard.
M. Richard Taylor: Quelle industrie?
M. Michael Chong: C'était l'étude sur les concessionnaires automobiles.
M. Richard Taylor: Oui, les autorités ont effectivement pris des mesures. Comme vous le savez, à l'heure actuelle, les concessionnaires automobiles ne peuvent vendre qu'une seule marque de voitures. Un concessionnaire GM ne peut vendre que des produits GM; il ne peut pas vendre de Toyota. Au R.-U., cela a été changé. Les autorités ont constaté qu'il n'y avait pas suffisamment de concurrence au niveau des concessionnaires et elles ont donc autorisé les concessionnaires à vendre des produits fabriqués par plusieurs constructeurs. Je crois savoir qu'il y a eu un réalignement des prix des voitures au R.-U. Cette étude a donc débouché sur une action concrète.
Ce ne sont pas toujours les autorités antitrust qui interviennent. Les frais d'Interac ou les frais que paient les commerçants pour l'utilisation des cartes de crédit et des cartes de débit est une question qui se pose à l'heure actuelle dans tous les pays, pour les consommateurs. À l'heure actuelle, je sais que l'Australie et le R.-U. examinent cette question parce que les consommateurs et les détaillants n'aiment pas avoir à payer des prix aussi élevés. Ces études débouchent sur des recommandations présentées aux divers ministères des finances qui possèdent un pouvoir de réglementation. Il se pourrait que ces recommandations--et là, je ne fais qu'émettre une hypothèse puisque ces études ne sont pas terminées--proposent de plafonner ces frais.
M. Michael Chong: J'ai une dernière question.
Le président: Très brève.
M. Michael Chong: Pour ce qui est des études sur les frais de crédit, parlez-vous des frais annuels ou des frais d'échange qui sont facturés aux détaillants?
M. Richard Taylor: Le premier aspect examiné est celui des frais d'échange qui sont facturés aux détaillants, c'est bien cela.
M. Michael Chong: Ce sont donc les frais d'échange, ces frais de 1,9 p. 100.
M. Richard Taylor: C'est exact, et ils examinent également les frais de transaction facturés aux détenteurs de cartes de débit qui utilisent les guichets d'une autre banque.
M. Michael Chong: Très bien, merci.
Le président: Merci.
Jerry, et ensuite Gérard.
L'hon. Jerry Pickard: Merci, monsieur le président.
Pour commencer, j'aimerais apporter une correction au sujet de la façon dont nous avons été amenés à nous intéresser au prix de l'essence. D'après mon souvenir, ce n'était pas une réaction improvisée à ce qu'avait dit M. McTeague; il y a eu une demande présentée par le Bloc Québécois, appuyée par le NPD, et une demande du Parti libéral et du Parti conservateur, que nous avons appuyées. Cela n'a donc absolument aucun rapport avec le Bureau de la concurrence ou un autre organisme. C'était une demande interne formulée par notre comité qui nous a lancés dans cette voie, nous a ramenés ici pour effectuer l'étude demandée, que nous continuons en ce moment.
D'après moi, nous avons une conception déformée--par l'opinion publique--de ce que vous pouvez faire. Bien évidemment, vous n'avez pas le pouvoir de modifier l'opinion publique, ce qui crée un problème majeur. Les questions qu'ont posées les membres du comité aujourd'hui indiquent d'ailleurs clairement que tout le monde ne comprend pas exactement le rôle qui est, et devrait être, le vôtre.
À mon avis, il me paraît très utile d'avoir un chien de garde public, quel que soit le nom que nous lui donnons, qui serait chargé d'informer le public--prix du baril, coût du raffinage, prix de gros du marché de la veille, prix du marché--et de faire tout ce travail. La raison qui me vient immédiatement à l'esprit est qu'avec un tel organisme, le public comprendrait mieux la situation. Je sais que le prix de l'essence, notamment, est beaucoup plus élevé en Europe qu'ici. Leurs impôts sont beaucoup plus élevés que les nôtres. C'est la même chose en Asie, et comme dans à peu près tous les autres pays développés. Nous sommes relativement proches des États-Unis. Nos prix sont peut-être légèrement plus élevés dans certaines provinces. Mais le public estime que nos prix sont beaucoup trop élevés par rapport aux prix pratiqués ailleurs, alors que ce n'est pas le cas. Il serait donc souhaitable qu'un organisme public soit chargé de fournir cette information.
La raison pour laquelle je soulève cette question est que lorsque je suis retourné chez moi il y a deux semaines, j'ai constaté que les prix variaient énormément. Quelqu'un a fait monter les prix au moment où nous faisions nos études il y a deux semaines. Lorsqu'une station de service a fait passer le prix de l'essence de 1,03 $ à 1,50 $, toutes les autres stations de service ont suivi, parce qu'elles ont augmenté leurs prix dès qu'elles ont entendu cette rumeur. Les forces du marché ont donc essayé de réagir à l'avance au lieu d'attendre de disposer de renseignements fiables. Quelqu'un a cherché à faire de l'argent, c'est sûr. Mais tout cela s'est passé au niveau de la vente au détail. Cela n'avait rien à voir avec les prix de gros. Le prix de gros avait augmenté de 2¢ la veille. Les coûts de raffinage n'avaient pas changé. Il n'y avait pas eu de changement à ce niveau. Ce n'est pas un prix qui reflétait une augmentation mais les détaillants ont décidé d'augmenter le prix de l'essence. Cela arrive parfois au niveau de la vente en gros; parfois, cela se produit dans d'autres secteurs. C'est donc le prix du baril et les conséquences possibles de Rita qui ont amené les marchés à réagir à la diminution de notre capacité de raffinage que nous allons constater pendant quelques mois, qui est la principale cause de la situation actuelle.
Il existe toutes sortes de structures au sein de l'industrie qui suscitent des réactions improvisées. Le public craint beaucoup ces réactions improvisées et je pense que c'est ce dont le comité devrait s'occuper.
J'ai pensé que ce qui était arrivé était une excellente chose et j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet. Des gens qui connaissent bien cette industrie ont dit qu'avec ce qui s'était passé ces dernières semaines, le prix de l'essence dans une station service... le prix maximum que nous devrions payer dans cette région était de 95¢. Cela a été dit à la radio, dans les journaux, publiquement. Le lendemain, le prix de l'essence dans ma région a chuté de 5 ou 6¢, pour se rapprocher davantage de ce qu'avait déclaré ce défenseur des droits du public--ce n'était pas un défenseur des droits du public, c'était ce qu'avaient dit des gens bien informés.
À (1045)
Est-ce une façon de faire qui a été adoptée par un pays, est-ce une idée utile? Je crois que la seule façon d'aborder cette question rationnellement est d'informer la population. Il faut le faire d'une façon ou d'une autre pour éviter les accusations, les sous-entendus, aspects sur lesquels vous avez fait enquête et qui ne sont pas fondés.
Le président: Merci, Jerry.
Madame Scott.
Mme Sheridan Scott: Je suis une grande partisane de la transparence, du pouvoir de la transparence et du pouvoir de l'information pour les consommateurs. Je crois que ce sont des outils extrêmement puissants.
Lorsque j'ai comparu devant vous il y a quelques semaines au sujet du prix de l'essence, je vous ai signalés que j'avais rencontré un groupe d'associations de consommateurs, que je rencontre régulièrement, qui m'avaient dit qu'ils estimaient que leurs membres ne disposaient pas de l'information qui leur permettrait de comprendre l'évolution des prix. Je crois vous avoir déclaré à ce moment-là combien j'avais été impressionnée par le fait que certaines entreprises du secteur privé avaient communiqué de l'information à ce sujet, en Australie, par exemple. Shell a un excellent site Web sur lequel cette société affiche des renseignements très intéressants pour les consommateurs qui leur permettent de faire des comparaisons internationales comme celles auxquelles vous avez fait allusion, de suivre l'évolution des prix sur le marché, d'essayer de comprendre comment cela peut les toucher, et de décider s'ils doivent modifier leur façon d'acheter.
Je pense qu'effectivement les entreprises pourraient jouer un rôle très important qui consisterait à fournir davantage d'information. Lorsque nous avons de l'information, nous sommes toujours très heureux de la transmettre aux consommateurs, sauf lorsqu'il s'agit d'informations confidentielles, car nous voulons qu'ils comprennent mieux le fonctionnement des marchés.
Nous pouvons le faire déjà à l'heure actuelle dans une certaine mesure. Pour en revenir aux études de marché, lorsque nous examinons un secteur particulier, les conclusions de notre étude sont bien entendus publiés et cela fournit également de l'information à la population, pour qu'elle puisse mieux comprendre le fonctionnement de ce marché particulier.
Le président: Merci, madame Scott.
Gérard, allez-y.
[Français]
M. Gérard Asselin: Pour ma part, je m'attends à ce qu'un bureau de la concurrence ait tous les pouvoirs, qu'il soit efficace et qu'il dispose du personnel lui permettant de faire son travail. On semble vouloir vous apposer une étiquette de chien de garde. J'ai utilisé cette expression plus tôt, et elle a été employée par plusieurs collègues par la suite. On parle de chien de garde dans un sens caricatural, mais il reste que s'il s'agit d'un chihuahua qui jappe mais qui ne mord pas. Ça ne vaut pas grand-chose. S'il est question de vous qualifier de chien de garde, j'aimerais mieux, pour ma part, que ce soit un pit-bull. On parlerait alors de quelqu'un qui appliquerait des règlements, aurait des pouvoirs, des outils et du personnel, et ferait le travail qu'il a à faire. Nous aurions accès à des rapports sur le travail en question, et lorsque nous soumettrions un dossier au Bureau de la concurrence, il y aurait des résultats.
À l'heure actuelle, vous sentez-vous comme un chihuahua ou comme un pit-bull? Est-ce que je me trompe en disant que le Bureau de la concurrence veut faire du bon travail? Pourtant, face à tout ce qui se passe au Canada, que ce soit dans le domaine des produits pétroliers ou dans d'autres secteurs, le bureau semble impuissant. Je voudrais savoir ce qui vous manque pour être en mesure de dire que vous jouez vraiment le rôle d'un chien de garde, que vous avez tous les outils, le personnel et les pouvoirs nécessaires, et que les choses fonctionnent. À partir du moment où ce sera le cas, vous serez pris au sérieux.
À (1050)
Mme Sheridan Scott: Pour ce qui est de la mise en application de la loi, à l'égard de la concurrence, je crois que nous faisons un travail extraordinaire. Cependant, il faut tenir compte des responsabilités que nous avons. Par exemple, nous avons eu beaucoup de succès récemment en ce qui concerne le télémarketing frauduleux. Il y a eu des condamnations, des gens ont été envoyés en prison et des amendes ont été imposées. En ce qui a trait à la collusion, nous avons découvert des cartels internationaux. Depuis 1997, je crois que les amendes imposées se chiffrent à 220 millions de dollars. Ce n'est pas mal, compte tenu que ces sommes reviennent au trésor public. Pour ma part, je dirais que nous faisons du très bon travail. Cependant, c'est peut-être au niveau des attentes du public et de la façon qu'il perçoit nos responsabilités qu'il y a un décalage.
Les prix excessifs ne sont pas de notre ressort, c'est certain. En outre, nous trouverions inapproprié qu'ils le soient. Pour que les prix ne soient pas excessifs — et je ne parle pas ici de prix anticoncurrentiels —, il faut appliquer des règlements, et cette responsabilité ne relève pas de nous. Dans le cas de l'industrie pétrolière, cela incombe souvent aux provinces. Le Québec, Terre-Neuve et l'Île-du-Prince-Édouard ont d'ailleurs entrepris des démarches en matière de réglementation. Franchement, je vous dirais que nous faisons du très bon travail.
M. Gérard Asselin: Nous sommes au courant de cela.
Mme Sheridan Scott: Il est très intéressant de soulever cet aspect des choses. Les gens ne sont pas suffisamment au courant du travail que nous faisons. C'est un peu compliqué. Nous ne réglementons pas les prix, et c'est là un fait qui est facile à comprendre. Nous surveillons le fonctionnement du marché. Nous devons déterminer s'il y a un marché ou si des actes anti-concurrentiels font en sorte que le marché ne fonctionne pas.
M. Gérard Asselin: Il est possible aussi que la population ait envers vous des attentes face à des domaines qui ne sont pas de votre compétence.
Mme Sheridan Scott: Voilà pourquoi j'ai parlé des prix excessifs. Certaines personnes pensent que nous sommes responsables de la réglementation des prix, ce qui n'est pas le cas.
[Traduction]
Le président: Merci, Gérard.
Pour les deux dernières interventions, nous allons donner la parole à Jerry et ensuite à Werner, tout simplement pour suivre l'ordre de la liste.
Voulez-vous être le suivant, Werner?
L'hon. Jerry Pickard: J'aimerais bien intervenir maintenant.
Cela vous convient-il, Werner?
M. Werner Schmidt: Eh bien, vous êtes déjà intervenu.
Le président: Je ne fais que suivre la liste sur laquelle nous nous sommes entendus...
L'hon. Jerry Pickard: Il y a une liste sur laquelle nous nous sommes entendus.
J'en reviens à l'opinion publique. Combien de gens connaissent le prix d'un sofa? Connaissons-nous le prix de vente au détail d'un sofa? Connaissons-nous le prix de gros d'un sofa au départ de l'usine? Connaissons-nous le prix du tissu et des matériaux utilisés pour le construire?
Je pense que l'opinion publique s'intéresse à ce prix parce qu'il est affiché à la vue de tous. On pourrait presque parler de question politique influencée par les médias. Dans un tel environnement, je ne sais pas s'il est vraiment possible de savoir ce qui est juste, ce qui est équitable, quelles sont les marges bénéficiaires. Je ne connais pas les marges bénéficiaires d'un fabricant de sofas. Je sais que tous les printemps, il y a des soldes d'hiver qui touchent le prix des vêtements. Il y a toujours des réductions de 25 p. 100. Si vous allez dans un centre d'achats au mois de janvier, vous pourrez le constater. Il y en a aussi en décembre, juste avant Noël--les soldes d'avant Noël.
Ce sont des techniques que toutes les entreprises utilisent pour vendre leurs produits ou les mettre en marché--elles pratiquent des prix élevés ou des prix réduits selon le cas. On s'en prend à l'essence parce qu'on dirait que le prix de l'essence augmente les fins de semaine, et aussi pendant les congés. On s'en prend à l'essence parce qu'il y a des moments où on dirait que tous les détaillants montent leurs prix.
Du point de vue de la logique, le public connaît parfaitement le prix de détail de l'essence et c'est pourquoi il réagit assez vivement à ces augmentations. Je ne vois pas pourquoi le prix du litre d'essence devrait monter au moment d'un congé d'été ou d'hiver ou à d'autres moments. C'est peut-être un problème de réserve. Il est possible que nos réserves diminuent et que par conséquent il faille augmenter les prix. Mais le système de distribution est en place, les marges bénéficiaires du détaillant, du grossiste et du raffineur ne changent pas.
Comment alors expliquer ces variations? Reflètent-elles les lois du marché? Est-ce la possibilité de faire un bénéfice supplémentaire, qui explique ces hausses? Très franchement, c'est la tendance générale de l'économie--l'offre et la demande. Peu importe qu'il s'agisse de vêtements, d'automobiles ou de n'importe quel produit; il y a des moments où l'on fait des soldes et il y a des moments où il n'y en a pas pour n'importe quel produit. Est-ce bien là une tendance générale ou y a-t-il quelque chose...? Voilà pourquoi le public réagit.
Vous dites que vous avez étudié d'autres marchés, est-ce que dans les autres pays et les autres régions, le public répond un peu comme les Canadiens réagissent à ces variations de prix? Nous essayons de tenir compte davantage de l'opinion publique que de la réalité...
À (1055)
Mme Sheridan Scott: Je vais demander à Richard d'expliquer davantage l'évolution des prix dans le secteur du pétrole et du gaz. Permettez-moi cependant de dire quelques mots en guise d'introduction.
Premièrement, je pense que le secteur de la vente d'essence au détail est tout à fait unique pour les raisons que vous avez mentionnées. Le prix est affiché à l'extérieur, il est très visible et il est également très facile à changer. La personne qui se trouve à l'intérieur de la station service peut bien souvent changer électroniquement les prix avec une clef lorsqu'il voit son concurrent de l'autre côté de la rue modifier son prix. Tout cela explique que la fixation des prix dans ce marché est différente des autres.
Pour ce qui est de l'évolution des prix au sujet de laquelle j'aimerais que Richard intervienne, je dirais que les observations que vous avez faites, les anecdotes que vous avez mentionnées... C'est une des raisons pour lesquelles nous aimerions reprendre certaines études que nous avons déjà faites. Il est intéressant d'examiner les données qui permettent de savoir si toutes ces anecdotes et observations correspondent vraiment à la réalité. Par exemple, pour celle que vous avez mentionnée, le fait que le prix de l'essence augmente avant les longs congés de fin de semaine, on constate qu'en fait lorsque le Conference Board a examiné cette question en détail en 2001--cela remonte à quelques années et il serait peut-être utile de revenir sur cette question particulière--il a effectué une analyse statistique approfondie de ce phénomène et constaté que ce n'était pas vrai. Il a effectivement constaté que les prix augmentaient pendant la fin de semaine--cela fait peut-être partie d'une tendance--mais qu'il n'était pas vrai qu'ils augmentent davantage avant les longues fins de semaine. Il est intéressant de noter que même si nous sommes peut-être tous convaincus que c'est bien ce qui se passe, les faits ne semblent pas justifier cette affirmation, ou du moins ce n'était pas le cas en 2001.
Richard, voulez-vous parler un peu des variations de prix?
M. Richard Taylor: Je vais commencer avec le prix du pétrole brut, car ce prix représente à peu près 70 p. 100 du prix imposable d'un litre d'essence. Lorsque le brut augmente, comme cela s'est produit cette année, et passe de 40 à 70 $, la règle est que pour chaque augmentation d'un dollar du prix du brut, cela entraîne en moyenne une augmentation d'un cent environ le litre vendu au détail.
Nous sommes donc bien évidemment obligés de suivre le prix du pétrole brut. De nombreuses études indiquent qu'environ 80 p. 100 de la variation du prix de l'essence au cours des dix dernières années s'explique par l'évolution du prix du pétrole brut. Nous constatons cependant de plus en plus fréquemment depuis trois ans que les prix s'écartent de l'évolution du prix du brut et que les pointes ne correspondent pas au prix du brut, et c'est ce que nous avons vu après Katrina. Nous avons examiné d'autres explications et une de ces explications pourrait être--et nous sommes en train d'essayer de le confirmer--que la capacité de raffinage aux États-Unis est déjà exploitée à la limite. Les États-Unis sont de plus en plus fréquemment obligés d'importer de l'essence et d'acheter de l'essence sur le marché mondial--ils en obtiennent en Europe, ils pourraient en obtenir au Canada--et c'est ce qui fait monter les prix au-delà de ce qu'eigerait l'augmentation du prix du brut. L'année dernière, il y a eu des fermetures de raffineries et quelques incendies dans ces installations. Cette fois-ci, c'est Katrina. Il est fort possible que cet aspect soit à l'origine de l'écart avec le prix du brut.
Voilà donc la façon dont on examine le prix du brut. Du côté du prix au détail, nous sommes en train d'étudier un certain nombre d'éléments qui expliquent les différences enregistrées entre diverses collectivités pour ce qui est du prix de l'essence. C'est parfois le prix du transport. Cela peut être le genre de concurrence qui existe dans un marché local, un aspect très important. Il se peut tout simplement qu'il y ait davantage de concurrents. Un autre aspect est la taille des acteurs. Les grandes sociétés peuvent réduire leurs prix parce qu'elles obtiennent des revenus supplémentaires grâce à la vente des friandises et des cigarettes. Par conséquent, lorsqu'il y a de grosses sociétés dans un marché donné, les prix sont en général plus bas.
La troisième question est la suivante : pourquoi est-ce que dans un endroit donné les prix varient autant? À l'heure actuelle, la station service moyenne change ses prix sept fois par jour, et ce n'est pas toujours pour les augmenter. Cela va dans les deux sens. Elles essaient d'attirer les clients, parce que ceux-ci sont très sensibles à de faibles différences. D'autres autorités antitrust ont constaté l'existence d'un autre cycle. En fait, les Australiens l'ont affiché sur leur site Web. Les prix descendent lentement pendant la semaine et montent ensuite brusquement la fin de semaine. Le consommateur ne remarque que l'augmentation de cinq ou six cents mais s'il examinait les prix au cours des cinq derniers jours, il constaterait que les prix ont baissé de cinq cents.
C'est donc une évolution en dents de scie. Les prix baissent lentement pendant que se fait sentir la concurrence. Les prix arrivent à un point où personne ne fait de bénéfices. Un des acteurs décide alors d'augmenter ses prix, et les autres suivent.
C'est donc un marché très complexe. Je n'ai pas pu expliquer comme il le faudrait les trois aspects que j'ai essayé d'aborder brièvement ici.
Á (1100)
Le président: C'était un excellent résumé, permettez-moi de le dire.
Le dernier mot appartient à Werner.
M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie d'être venus ici ce matin.
Je veux en fait revenir à cette étude et à l'importance de savoir ce qu'est un marché : existe-t-il un marché ou non dans un secteur particulier? J'aurais beaucoup aimé entendre il y a quelque temps ce que M. Taylor vient de nous dire, monsieur le président. C'est peut-être le résumé le plus concis que nous ayons...
Le président: Je pense que vous étiez ici.
M. Werner Schmidt: Je ne parle pas du Bureau de la concurrence. Je parlais des représentants des industries que nous avons entendus. De toute façon, ce n'est pas exactement ce que je voulais dire.
La question que j'aimerais vraiment poser porte sur le genre de choses auxquelles vous avez fait allusion dans vos derniers commentaires. Est-ce là une activité permanente du Bureau de la concurrence?
Mme Sheridan Scott: Suivre l'évolution des...?
M. Werner Schmidt: Oui.
Mme Sheridan Scott: Nous suivons le prix de l'essence assez régulièrement. Pour ce qui est des études approfondies, nous avons fait cinq études de ce genre. Nous ne les faisons pas régulièrement. Lorsque nous constatons que les prix évoluent de façon inhabituelle, cela nous incite parfois à nous dire qu'il serait peut-être bon de vérifier si ces anomalies ne sont pas dues à des pratiques anticoncurrentielles plutôt qu'au fonctionnement normal du marché. L'étude la plus récente a porté sur l'évolution des prix au cours du printemps et de l'été 2004. L'étude que nous avons publiée au début de cette année concernait cette période.
De sorte que nous surveillons effectivement ce marché. Nous ne suivons pas les prix de façon quotidienne mais l'équipe de Richard, comme vous pouvez le constater, connaît pas mal de choses sur la façon dont les prix varient dans ce domaine.
M. Werner Schmidt: J'ai posé cette question parce que je crois que c'était vous, Mme Scott, qui avez déclaré tout à l'heure que nous surveillions les prix, et je voulais vraiment poursuivre sur cet aspect. C'était un exemple.
S'agit-il d'une surveillance très étroite? Est-elle générale? Quels sont les secteurs que vous choisissez et comment les choisissez-vous? Vous avez fourni certaines indications mais le Bureau de la concurrence ne s'occupe pas uniquement du prix de l'essence. C'est un vaste domaine. J'aimerais savoir ce que vous surveillez, dans quelles conditions vous le faites, et quels sont les facteurs qui vous incitent à mettre en place un mécanisme de surveillance et si cette surveillance est permanente.
Mme Sheridan Scott: Je dirais que l'essence est un des secteurs les plus surveillés. Nous avons au bureau dix équipes de secteurs qui s'intéressent--je ne dirais pas qui surveillent mais qui s'intéressent--à l'évolution de leur industrie. Je ne pense pas qu'il y ait un autre secteur industriel que celui de l'essence--et Richard pourra me corriger si je me trompe et vous donner davantage de détails--dans lequel nous suivons de plus près la variation des prix. Permettez-moi de passer le microphone à Richard qui vous dira ce que nous faisons mais je vous dirais franchement que l'essence est plutôt l'exception que la règle.
M. Richard Taylor: Nous avons appris par expérience qu'une augmentation du prix de l'essence de 5 à 6¢ suscite de vives réactions chez les consommateurs et entraîne un grand nombre de plaintes. Nous ne voulons pas être obligés de dire aux gens que nous leur donnerons une réponse dans six mois. En nous tenant au courant de la situation du secteur de l'essence, nous sommes en mesure de leur fournir rapidement des réponses précises et d'essayer ainsi de dissiper leurs inquiétudes. Il y a aussi d'autres marchés que nous suivons de près parce que nous recevons aussi des plaintes des consommateurs à propos de ces marchés : les marchés financiers--frais de cartes de crédit, frais de cartes de débit, frais bancaires--et l'assurance. Vous vous souvenez qu'il y a environ deux ans, le prix de l'assurance accident et de l'assurance des biens avait fortement augmenté. Vous en avez sûrement entendu parler. Je pense que les prix ont augmenté de 30 à 40 p. 100. Ces augmentations ont touché des domaines très précis.
L'essence est le seul marché que nous suivons constamment. Nous avons un collaborateur qui surveille l'établissement des prix, et je sais très bien que, lorsque j'arrive au travail en voiture et que j'ai vu en passant que les prix avaient augmenté de plus de 3¢ du jour au lendemain, la commissaire m'appellera le matin et que nous serons appelés à expliquer ce qui se passe, parce que nous savons que les consommateurs veulent connaître les causes de ces augmentations.
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M. Werner Schmidt: C'est une partie de la réponse. Je voulais en fait qu'on me donne plus de détails sur ces activités... Vous avez certainement une liste des facteurs dont vous tenez compte. Je sais que c'est une question en direct mais vous arrive-t-il de prévoir...? La question fondamentale est la suivante : comment décidez-vous s'il existe ou non un marché? Vous dites que vous faites certaines choses. Comment déterminez-vous s'il existe un marché ou non? Le faites-vous d'avance ou le faites-vous une fois qu'est apparu un problème?
M. Richard Taylor: Cet aspect-là est assez bien fixé. Lorsque vous parlez de marché, vous parlez d'un marché où il y a des acheteurs et des vendeurs et vous voulez savoir si l'essence est un marché. C'est une notion économique. Nous sommes assez bons dans ce domaine. Lorsque vous nous demandez pourquoi nous surveillons l'industrie, je dirais que cela reflète le nombre des plaintes, l'effet sur les consommateurs, le chiffre d'affaires du secteur, la façon dont il touche les consommateurs, et la probabilité qu'il y ait des augmentations de prix inexpliquées. Nous n'excluons jamais la possibilité que ces changements puissent refléter un comportement anticoncurrentiel.
Le président: Madame la commissaire, nous vous remercions d'être venue avec vos collaborateurs. Nous reviendrons certainement sur le projet de loi C-19 et sur ces questions au cours des mois et des années qui viennent. Merci beaucoup.
Chers collègues, je vous remercie. Je vous rappelle que nous aurons à 15 h 30 notre première réunion avec le ministre Goodale dans la pièce 237-C de l'édifice du Centre.
La séance est levée.