INDU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 17 novembre 2005
¿ | 0900 |
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.)) |
M. Andrew Kent (directeur, Président du conseil des associés, président, Produits de crédit et Groupe de restructuration, McMillan Binch Mendelsohn, L'Institut d'insolvabilité du Canada) |
Le président |
M. Andrew Kent |
¿ | 0905 |
¿ | 0910 |
Le président |
Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien) |
Le président |
Mme Tamra Thomson |
Mme Deborah Grieve (présidente, Section nationale de la faillite et de l'insolvabilité, Association du Barreau canadien) |
¿ | 0915 |
Le président |
M. Robert Klotz (membre de l'exécutif et ancien président, Section nationale de la faillite et de l'insolvabilité, Association du Barreau canadien) |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC) |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Werner Schmidt |
¿ | 0925 |
M. Robert Klotz |
M. Werner Schmidt |
M. Robert Klotz |
M. Werner Schmidt |
M. Robert Klotz |
Le président |
M. Werner Schmidt |
M. Robert Klotz |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Robert Klotz |
Le président |
Mme Carole Lavallée (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ) |
¿ | 0930 |
M. Andrew Kent |
Mme Carole Lavallée |
M. Andrew Kent |
Le président |
¿ | 0935 |
M. Lynn Myers (Kitchener—Conestoga, Lib.) |
M. Andrew Kent |
M. Lynn Myers |
M. Andrew Kent |
M. Lynn Myers |
Mme Deborah Grieve |
M. Robert Klotz |
¿ | 0940 |
M. Lynn Myers |
M. Robert Klotz |
Le président |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
M. Andrew Kent |
Mr. Phillip Bélanger (McCarthy, Insolvency Institute of Canada (The)) |
Mme Deborah Grieve |
M. Brian Masse |
Mme Deborah Grieve |
Le président |
M. Brian Masse |
Mme Deborah Grieve |
M. Edward Sellers (membre, Coprésident du Groupe de travail sur la révision législative et Associé chez Osler, Hoskin & Harcourt LLP, L'Institut d'insolvabilité du Canada) |
¿ | 0945 |
M. Brian Masse |
M. Robert Klotz |
Le président |
M. Brian Masse |
Le président |
M. Ed Komarnicki (Souris—Moose Mountain, PCC) |
¿ | 0950 |
Le président |
Mme Deborah Grieve |
M. Ed Komarnicki |
M. Andrew Kent |
Le président |
M. Ed Komarnicki |
Le président |
M. Andrew Kent |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard (Chatham-Kent—Essex, Lib.) |
¿ | 0955 |
M. Andrew Kent |
À | 1000 |
Le président |
M. Robert Vincent (Shefford, BQ) |
M. Andrew Kent |
M. Phillippe Bélanger |
M. Robert Vincent |
À | 1005 |
Le président |
M. Phillippe Bélanger |
Le président |
M. Andrew Kent |
Le président |
L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
Le président |
M. Robert Klotz |
À | 1010 |
L'hon. Marlene Jennings |
M. Robert Klotz |
Le président |
M. Robert Klotz |
M. Andrew Kent |
Le président |
M. Andrew Kent |
Le président |
Mme Deborah Grieve |
Le président |
M. Robert Klotz |
Le président |
Le président |
M. Peter Lewis (président, Relations gouvernementales, vice-président, Administration de régimes, C.S.T. Consultants Inc., Association des distributeurs de REÉÉ du Canada) |
À | 1020 |
Le président |
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, PCC) |
À | 1025 |
Le président |
M. Peter Lewis |
Le président |
M. Peter Lewis |
M. John Duncan |
Le président |
M. Peter Lewis |
Le président |
Mme Carole Lavallée |
À | 1030 |
Le président |
M. Peter Lewis |
Le président |
M. Lynn Myers |
M. Peter Lewis |
À | 1035 |
M. Lynn Myers |
M. Peter Lewis |
M. Lynn Myers |
M. Peter Lewis |
Le président |
M. Peter Lewis |
M. Lynn Myers |
M. Peter Lewis |
M. Lynn Myers |
M. Peter Lewis |
M. Lynn Myers |
M. Peter Lewis |
M. Lynn Myers |
M. Peter Lewis |
M. Lynn Myers |
Le président |
M. Brian Masse |
M. Peter Lewis |
M. Brian Masse |
M. Peter Lewis |
M. Brian Masse |
M. Peter Lewis |
M. Brian Masse |
M. Peter Lewis |
M. Brian Masse |
M. Peter Lewis |
À | 1040 |
Le président |
M. Werner Schmidt |
M. Peter Lewis |
M. Werner Schmidt |
M. Peter Lewis |
M. Werner Schmidt |
M. Peter Lewis |
M. Werner Schmidt |
M. Peter Lewis |
M. Werner Schmidt |
M. Peter Lewis |
M. Werner Schmidt |
M. Peter Lewis |
M. Werner Schmidt |
M. Peter Lewis |
M. Werner Schmidt |
M. Peter Lewis |
M. Werner Schmidt |
À | 1045 |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC) |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard |
Le président |
Mme Carole Lavallée |
Le président |
L'hon. Marlene Jennings |
M. Peter Lewis |
L'hon. Marlene Jennings |
M. Peter Lewis |
L'hon. Marlene Jennings |
M. Peter Lewis |
À | 1050 |
L'hon. Marlene Jennings |
Le président |
L'hon. Jerry Pickard |
M. Peter Lewis |
L'hon. Jerry Pickard |
À | 1055 |
M. Peter Lewis |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 17 novembre 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0900)
[Traduction]
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, Lib.)): Bonjour à tous. J'ai le plaisir d'ouvrir la séance du 17 novembre du Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie. Aujourd'hui, nous poursuivons notre examen du projet de loi C-55 qui, pour résumer, est une loi modifiant la législation canadienne sur la faillite et l'insolvabilité, qui comprend des mesures pour protéger les salariés.
Le comité a décidé de tenir deux séances d'une heure et d'essayer de procéder à l'audition de deux témoins par séance.
Je ferai de mon mieux pour que tout le monde puisse poser des questions, mais si ce n'est pas possible au cours de la première heure, je veillerai à ce que ceux qui n'auront pas eu droit à la parole l'obtiennent au cours de la deuxième heure. Essayez donc de décider entre vous qui participera au premier tour, et au deuxième tour s'il n'y a pas assez de temps pour tout le monde au premier tour de questions, mais nous allons quand même essayer.
Nous avons le plaisir d'accueillir, au cours de la première heure, les représentants de l'Institut d'insolvabilité du Canada et de l'Association du Barreau canadien.
Veuillez nous présenter vos exposés dans le même ordre que celui de votre inscription à l'ordre du jour. Nous vous remercions infiniment d'être venus. C'est un projet de loi extrêmement important.
Je pense que l'on s'entend sur la nécessité d'apporter ces changements. Cela suscite peut-être certaines objections, ça et là, mais nous sommes ici précisément pour les écouter.
C'est M. Kent qui va parler au nom de l'Institut?
M. Andrew Kent (directeur, Président du conseil des associés, président, Produits de crédit et Groupe de restructuration, McMillan Binch Mendelsohn, L'Institut d'insolvabilité du Canada): Oui, monsieur.
Le président: La greffière vous a sans doute demandé d'essayer de vous limiter à cinq, six ou sept minutes afin de nous laisser beaucoup de temps pour poser des questions.
Vous pouvez commencer, monsieur Kent.
M. Andrew Kent: Merci.
Il est toujours difficile pour un avocat d'être bref, mais quoi qu'il en soit… Je suis ici aujourd'hui à titre de directeur de l'Institut d'insolvabilité du Canada, et je représente cet organisme.
Mes collègues, M. Bélanger, M. Sellers et M. McIntosh, sont ici avec moi pour m'aider.
Pour ceux d'entre vous qui n'ont jamais entendu parler de l'Institut d'insolvabilité du Canada, il s'agit, si vous voulez, d'un laboratoire d'idées sur l'insolvabilité des entreprises. L'Institut compte 125 membres à part entière. C'est une organisation nationale. Nos membres sont des comptables et des avocats chevronnés qui exercent leur profession dans le domaine de l'insolvabilité aux quatre coins du pays.
Les membres de l'Institut interviennent dans tous les cas célèbres d'insolvabilité comme ceux de Stelco, Air Canada et autres, mais comme il s'agit d'une organisation vraiment nationale, ils s'occupent également d'affaires importantes qui ne font pas la une des journaux, mais qui surviennent un peu partout dans le pays.
Nous sommes venus ici aujourd'hui de notre propre chef. Nous ne sommes pas venus défendre les intérêts de nos clients. Nous sommes là parce que cela fait des années que nous voyons des problèmes dans la législation canadienne concernant l'insolvabilité. En fait, cela fait cinq ans que nous cherchons à obtenir une réforme.
Pour ces raisons, nous nous réjouissons de ce qu'un projet de loi ait été présenté à la Chambre, mais nous avons des inquiétudes au sujet de certains détails, dont nous allons vous parler. Nous sommes reconnaissants au comité de prendre le temps de réfléchir à certaines des objections que nous-mêmes et d'autres ont au sujet de ce projet de loi.
Je dois dire que, personnellement, j'ai été assez déçu quand j'ai vu le projet de loi. Nous jugions nécessaire de prendre des mesures plus ambitieuses et même si nous reconnaissons les réalités de la politique, il y a des choses que nous aurions aimé retrouver dans cette loi et qui n'y figurent pas.
Je tiens d'abord à dire que nous souhaiterions que le prochain examen ait lieu plus tôt. Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, il est toujours long et difficile de faire modifier les lois. Ce projet de loi envisage un examen au bout de cinq ans. S'il est adopté, nous demandons sans aucun doute que ce délai soit ramené à trois ans.
Deuxièmement, un certain nombre de dispositions du projet de loi nous préoccupent. Nous pensons qu'elles auront des effets inattendus et cela nous inquiète parce que nous pensons que cette loi ne prévoit pas suffisamment de freins et de contrepoids.
Nous avons remis à Industrie Canada un rapport assez détaillé contenant un certain nombre de suggestions précises pour améliorer le projet de loi. Je n'ai pas le temps aujourd'hui de les passer en revue, mais je voudrais vous citer un ou deux exemples simplement pour vous faire comprendre ce qui nous inquiète.
Commençons par ce qui constitue, je pense, du point de vue politique, la partie du projet de loi qui suscite le plus d'intérêt, soit la protection des salariés. En tant que praticiens, nous n'avons pas grand-chose à dire sur le plan de la politique sociale, quant à savoir s'il est juste ou non d'utiliser l'argent des contribuables pour protéger des citoyens contre le risque que leurs avocats n'arrivent pas à leur faire obtenir leur salaire.
Il ressort de toutes les études qui ont été faites sur le sujet au Canada depuis 40 ans, que la meilleure solution est de mettre un fonds en place ou de puiser dans les deniers publics. Par conséquent, les principes sur lesquels la protection des salariés repose dans le projet de loi sont parfaitement conformes à toutes les études qui ont été réalisées sur le sujet au cours des années.
Toutefois, la façon dont c'est appliqué suscite un certain nombre de problèmes. Pour n'en citer qu'un seul, dans un cas de faillite commerciale typique, au Canada, on nomme un séquestre ou un syndic et on s'efforce de maintenir l'entreprise à flot, de la vendre et de la réorganiser. Les derniers salaires dus sont tout simplement payés comme d'habitude. Les employés sont rémunérés et l'entreprise poursuit ses activités.
Étant donné la façon dont le projet de loi est rédigé, ce n'est plus ce qui se passera. Vous n'allez pas payer ces salaires. Vous allez fournir aux employés un tas de renseignements sur la façon de remplir toutes sortes de formulaires qu'ils enverront à quelqu'un pour pouvoir toucher leur argent. Ils devront toutefois attendre le temps qu'il faudra à la bureaucratie pour examiner leur demande, décider si elle est valide ou non et faire le paiement.
C'est là, à notre avis, un bon exemple de conséquences inattendues et de résultats pervers, car au lieu d'aider les gens à toucher leurs salaires rapidement, certaines dispositions de ce projet de loi vont les en empêcher.
Si j'ai choisi cet exemple… il y a bien d'autres exemples, dans le projet de loi, de dispositions bien intentionnées, mais qui posent des difficultés d'exécution et qui, dans certains cas, produiront un effet diamétralement opposé à ce que voulaient les promoteurs de cette mesure.
Un autre exemple que je voudrais citer montre que ce n'est pas sur les entreprises insolvables que cette loi aura le plus d'effets. En réalité, ce sera sur les entreprises solvables car les gens tiennent compte de la législation sur l'insolvabilité pour organiser leurs affaires. Cela les influence.
¿ (0905)
Un exemple bien simple est celui d'une personne qui voudrait financer l'achat d'équipement au lendemain de l'entrée en vigueur de cette loi.
Imaginez un chef d'entreprise qui désire acquérir des biens d'équipement d'une modeste valeur de 200 000 $ ou 300 000 $. Il s'adresse à un prêteur pour obtenir l'argent nécessaire pour l'achat de cet équipement au lendemain de l'entrée en vigueur de cette loi. Le prêteur appellera un avocat pour lui demander s'il a davantage de raisons de s'inquiéter aujourd'hui qu'il n'en aurait eu hier. Est-il plus risqué pour lui de prêter de l'argent à ce chef d'entreprise? Un avocat qui connaît la loi lui dira d'abord que les conséquences de cette mesure ne sont pas claires, mais qu'il y a un certain nombre de risques évidents qui vont probablement finir par se concrétiser.
Je vais vous en citer trois.
Le premier problème surgira si ce monsieur a des difficultés financières. Parfois, quand les gens se sentent acculés, ils font des choses désespérées. Ils pourraient par exemple vendre son équipement. Le problème, pour le prêteur, est que s'il vend son équipement, cette loi ne lui reconnaît plus un droit prioritaire sur cet argent. En fait, cet argent servira d'abord à payer un tas d'autres gens. Si de l'argent est dû à l'État, les salaires des employés devront servir à rembourser le gouvernement.
Une autre chose que cette personne pourrait faire en cas de difficultés financières serait une demande de réorganisation. Lorsqu'elle dépose une demande de réorganisation, elle peut, sans en avertir le prêteur, demander à un juge de l'autoriser à faire un nouvel emprunt pour maintenir son entreprise à flot. Le juge peut le faire sans préavis. Il n'a pas à se demander si c'est juste ou non envers le prêteur. Il doit tenir compte de divers facteurs, mais pas de la question de savoir si c'est juste envers le prêteur.
Par la suite, si cette personne désire vendre l'équipement, le juge peut l'y autoriser et les droits du prêteur sur cet équipement n'entrent toujours pas en ligne de compte.
Du point de vue des prêteurs, cette loi va créer de nombreux risques. Si vous avez une entreprise qui peut se permettre d'emprunter sans garantie, ce n'est peut-être pas bien important. Mais dans le cas contraire, il sera très difficile de faire face à de tels risques.
Je parle maintenant du point de vue des entreprises et non plus des prêteurs et nous pensons que cela va causer de sérieux problèmes au cours des années.
Comme mon temps est limité, je terminerai en disant simplement que nous aimerions que le comité songe à modifier le projet de loi avant qu'il n'aille plus loin.
Merci beaucoup.
¿ (0910)
Le président: Merci, monsieur Kent. Lorsque nous en serons aux questions, vous pourrez ajouter tout ce que vous n'avez pas pu dire dans votre déclaration préliminaire.
Madame Thomson, allez-vous parler au nom de l'Association du Barreau canadien?
Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Je vais commencer, monsieur le président. Mme Grieve parlera ensuite de certains aspects des faillites commerciales et M. Klotz parlera des faillites personnelles.
Le président: Nous vous demandons de suivre l'exemple de M. Kent et d'essayer de bien vous partager votre temps.
Merci beaucoup.
Mme Tamra Thomson: C'est ce que nous allons faire.
La Section du droit de la faillite et de l'insolvabilité de l'Association du Barreau canadien se réjouit de comparaître aujourd'hui devant le comité. L'ABC est un organisme national qui représente plus de 36 000 juristes de tout le pays et les membres de la Section du droit de la faillite et de l'insolvabilité sont des avocats qui s'occupent de cas de faillite commerciale et personnelle dans l'exercice de leur profession.
Notre section s'intéresse depuis longtemps à la réforme de la Loi sur la faillite étant donné que le gouvernement a présenté plusieurs projets de loi à ce sujet au cours des années. L'ABC a pour objectif d'améliorer le droit et l'administration de la justice. C'est dans cette optique que nous nous adressons à vous aujourd'hui.
J'ai quelque chose à mentionner au sujet du document que vous avez sous les yeux. Nous avons préparé un mémoire technique assez long. Comme nous n'avons pas eu le temps de le faire traduire avant la date de l'audience, nous avons préparé un résumé de ce mémoire à l'intention des membres du comité et nous l'avons remis à la greffière avec le mémoire technique plus long.
Je vais maintenant demander à Mme Grieve de vous parler des questions touchant l'insolvabilité commerciale.
Mme Deborah Grieve (présidente, Section nationale de la faillite et de l'insolvabilité, Association du Barreau canadien): Merci, madame Thomson.
Merci de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.
L'ABC se réjouit de voir la réforme de la Loi sur l'insolvabilité en tête de liste des priorités. Comme l'Institut d'insolvabilité, nous vous demandons de bien vouloir examiner les changements que nous proposons dans notre mémoire.
Je voudrais tout d'abord parler du programme de protection des salariés; si vous le permettez, je l'appellerai le PPS. Nous sommes pour la mise en place du PPS. Nous nous opposions, par le passé, à l'établissement d'une super priorité, mais dans le cadre d'un fonds… ce programme semble représenter un juste équilibre entre les intérêts des diverses parties prenantes.
Nous avons toutefois des suggestions à faire pour améliorer le mécanisme du PPS, plus particulièrement en ce qui concerne le traitement des administrateurs d'insolvabilité. La rémunération et la responsabilité potentielle de cet administrateur peuvent être facilement modifiées et nous recommandons qu'on le fasse.
Les administrateurs de dossiers d'insolvabilité ont l'obligation d'établir l'identité des employés et de faire en sorte que le programme soit administré. Néanmoins, il arrive souvent qu'ils n'aient pas les renseignements voulus. Il y a deux choses à considérer. D'une part, il y a une disposition prévoyant qu'ils seront rémunérés, mais pas de mécanisme pour qu'ils le soient en priorité et s'il n'y a pas suffisamment de fonds, ils courent le risque de ne pas être payés. Ce n'est pas juste pour la personne chargée de cette tâche. D'autre part, si le programme n'est pas appliqué, cela constitue une infraction quasi criminelle. Il est possible d'améliorer cette situation. Ce sont des changements faciles à apporter.
Deuxièmement, nous approuvons les dispositions du projet de loi qui améliorent la divulgation. Je voudrais parler un peu du contrôleur. Dans le cas d'une restructuration, le contrôleur est un intermédiaire, un intervenant qui est censé rester neutre et être une source d'information pour les créanciers. Étant donné la façon dont les choses ont évolué, dans certaines circonstances, le contrôleur donne l'impression d'être trop associé au débiteur. Nous appuyons les amendements qui permettent de distancer le contrôleur du débiteur et lui confèrent davantage l'obligation de fournir aux créanciers les renseignements dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées.
Le projet de loi propose la création d'un séquestre national. Au cours des années, le rôle du séquestre intérimaire s'est développé de façon différente d'une région à l'autre du pays. Le séquestre national jouera un rôle similaire, mais le concept du séquestre n'existe pas au Québec. Il y a des changements faciles à apporter à cet égard pour clarifier les dispositions concernant la nomination et les pouvoirs du séquestre. Nous recommandons que ce soit fait.
J'ai une dernière chose à ajouter pour le moment. Nous ne pourrons pas tout passer en revue.
Le projet de loi propose la codification de certaines pratiques et cherche à clarifier les règles. Nous estimons que, dans certains cas, ces règles ne sont pas suffisamment claires, mais qu'elles peuvent être facilement modifiées pour améliorer l'administration. Nous voulons la clarté et les certitudes nécessaires pour assurer un fonctionnement efficace du processus.
Par exemple, une disposition permet de résilier des contrats ou des ententes. C'est ce qui se passe en pratique. Les règles régissant la résiliation d'un contrat devraient être modifiées légèrement afin de clarifier les choses. Devrions-nous favoriser le débiteur en lui permettant de résilier un contrat simplement s'il estime devoir le faire ou faudrait-il que l'autre partie au contrat ait davantage son mot à dire et puisse aller devant le tribunal pour demander que le contrat ne soit pas résilié?
Je me ferai un plaisir d'en discuter plus en détail avec vous. Je ne veux pas dépasser le temps qui m'est alloué.
¿ (0915)
Le président: C'est vous qui concluez, monsieur Klotz. Vous avez le dernier mot.
M. Robert Klotz (membre de l'exécutif et ancien président, Section nationale de la faillite et de l'insolvabilité, Association du Barreau canadien): Merci, monsieur le président.
Ce que je vais dire vise surtout à faire en sorte que ces amendements permettent d'appliquer la loi efficacement, sans confusion, sans ambiguïté ou sans conséquence inattendue. Les personnes qui font faillite n'ont pas les moyens, la plupart du temps, de résoudre les problèmes que les ambiguïtés suscitent.
Je suivrai l'ordre des questions abordées dans notre résumé, en en sautant quelques-unes.
En ce qui concerne les propositions de consommateur, il n'y a aucune disposition couvrant les frais d'avocat que l'administrateur peut avoir à engager pour résoudre des problèmes. Comme le projet de loi prévoit un plafond de 250 000 $ pour ces propositions, les problèmes devraient être plus nombreux qu'à l'heure actuelle. Pour le moment, l'administrateur doit payer de sa poche les frais d'avocat. C'est tout à fait illogique.
Pour ce qui est des transactions à une valeur sous-estimée, la loi présente des défauts qui ne devraient pas se trouver là pour les faillites personnelles. Dans les ententes de séparation, par exemple, la bonne foi ne constitue pas une défense. Lorsque les couples se séparent ou divorcent et concluent une entente de séparation, si c'est suivi d'une faillite, comme cela arrive souvent, l'entente de séparation peut être contestée et annulée même si le conjoint a agi de bonne foi, simplement pour protéger ses propres intérêts ou protéger les enfants. Ce critère n'a pas sa place dans cette loi.
Cette mesure peut également avoir un effet négatif sur les familles intactes. Le syndic pourrait obtenir un jugement à l'égard de la pension alimentaire que l'épouse a obtenue de son mari insolvable. Il faut y remédier.
Il y a une disposition assez controversée permettant de libérer le failli sous condition, s'il rembourse un seul créancier. Le principe fondamental de la faillite est que tous les créanciers non garantis doivent être traités sur un pied d'égalité. Si vous permettez au tribunal d'accorder un recours ou un paiement à un seul créancier, vous risquez de corrompre le processus, car le seul à se faire payer sera celui qui réclamera. Ce n'est pas une bonne chose.
En ce qui concerne les prêts étudiants, nous apprécions les efforts visant à réduire les difficultés à cet égard, ce que nous recommandons depuis des années. À notre avis, il faudrait faire plus. Si la loi maintient à sept ans la période de non-admissibilité à la libération du failli, nous proposons au moins que ce dernier puise obtenir une audition pour difficultés exceptionnelles un an après la date de sa faillite. Il ne faudrait pas que la période d'attente soit trop longue. Nous recommandons également une libération partielle.
Enfin, une série d'amendements que le Sénat a recommandés pour aider la famille ne figurent pas dans le projet de loi. Il y a cinq amendements. Deux d'entre eux protègent le paiement de la pension alimentaire en cas de faillite. Ils remédient à un défaut de la législation existante. Le troisième prévoit le partage de la pension lorsqu'un des conjoints ou les deux conjoints font faillite. Le quatrième donne un recours contre les gens mal intentionnés qui ont caché des biens ou les ont intentionnellement dilapidés pour empêcher leur conjoint de faire valoir ses droits. Le cinquième règle le problème des syndics qui poursuivent l'autre conjoint pour le partage des biens.
À ma connaissance, ces propositions font l'objet d'un consensus. Elles ne suscitent aucune opposition. Tant la Section des faillites que la Section du droit de la famille de l'Association du Barreau les appuient. Elles n'ont pas de conséquences négatives importantes pour les créanciers ou les syndics. Il n'y a aucune raison de ne pas les inclure dans ce projet de loi. Elles devraient y être intégrées. Je crois qu'on est en train de travailler sur le texte et qu'il n'y aurait pas d'obstacle important à l'insertion de ces dispositions. Ce serait une chose raisonnable à faire et cela aiderait les familles canadiennes.
J'ai encore deux petites choses à dire. Nous appuyons énergiquement les dispositions concernant les REER; néanmoins, nous souhaitons que la période de récupération soit de deux ans plutôt qu'un an. Enfin, une autre chose qui ne figure pas dans la loi et qui a été recommandée par le Sénat est l'abrogation des accords de réaffirmation implicite. Il s'agit des gens qui font faillite et qui s'aperçoivent avec horreur qu'ils doivent toujours le montant de leur prêt hypothécaire parce qu'ils ont fait quelques paiements. Là encore, cela touche les consommateurs. Le consensus est général à ce sujet.
Merci.
¿ (0920)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Klotz.
Merci à tous pour ces excellents exposés.
Nous allons commencer par Werner Schmidt.
M. Werner Schmidt (Kelowna—Lake Country, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup pour vos exposés clairs, brefs et concis. Un même thème ressort de tout cela. Il y a des changements qui peuvent être apportés, c'est relativement simple à faire, cela n'a pas été fait et vous n'avez pas le temps de présenter tous vos arguments en détail.
Je trouve vraiment regrettable, monsieur le président, que nous soyons saisis d'une mesure qui a été étudiée pendant des années et que des firmes très réputées et des gens qui traitent de ces questions régulièrement viennent nous présenter des recommandations en nous disant: « Vous n'avez pas fait ceci et vous n'avez pas fait cela. Vous n'avez pas donné suite à nos recommandations. »
Je trouve extrêmement regrettable que nous nous trouvions devant un projet de loi que nous ne pouvons pas examiner en détail. Il est question ici de l'endettement des consommateurs et du grand nombre de faillites.
Vous demandez-vous pourquoi nous sommes si pressés d'adopter ce projet de loi maintenant alors qu'il est évident, d'après ce que viennent de nous dire les témoins, qu'il n'est pas complet?
Le président: Vous me posez la question, Werner?
M. Werner Schmidt: Je veux qu'on prenne note du fait que nous sommes saisis d'un projet de loi qui est de toute évidence incomplet, qui n'a pas été étudié suffisamment et qui n'a pas fait l'objet d'une analyse suffisante.
Le président: Je pense que vous faites certaines suppositions d'après ce que vous lisez dans les journaux. Néanmoins, nous faisons probablement tous la même chose, alors…
M. Werner Schmidt: Oui, c'est vrai, nous subissons tous cette influence, mais… Vous l'avez vous-même entendu ici ce matin… nous n'avons pas le temps, ce matin, d'examiner certaines de ces questions. Je pense que c'est regrettable. Monsieur le président, j'ajouterais toutefois que ce projet de loi contient deux éléments très importants. J'ai fait valoir l'autre jour que le programme de protection des salariés est un volet très important de ce projet de loi. Je voudrais qu'il soit adopté afin qu'il soit mis en place.
Monsieur le président, je vous demande s'il est vrai que selon l'avis juridique que vous avez reçu, nous ne pouvons pas adopter séparément le programme de protection des salariés et nous occuper des autres aspects du projet de loi plus tard.
Le président: Ce qu'on m'a dit, Werner, c'est que le projet de loi ne peut pas être divisé ici, quels que soient les avis juridiques à cet égard, sans instruction de la Chambre. Par conséquent, je peux seulement vous inviter à en parler à votre leader parlementaire. Je ne suis pas vraiment qualifié pour vous répondre sur le plan juridique, mais je sais que sur le plan de la procédure, nous avons besoin des instructions de la Chambre.
Werner, je dirais seulement que vous avez bien décrit le dilemme qui est le nôtre. C'est consigné au compte rendu. Voulez-vous essayer d'aborder quand même quelques questions pendant les trois minutes qui vous restent?
M. Werner Schmidt: Oui, certainement, monsieur le président. Le plus important pour moi dans tout cela, c'est la justice. Je veux que ce soit équitable. On a fait valoir ici qu'un seul créancier, par exemple, pourrait être payé en cas de faillite; c'est ce qu'a dit, je crois, M. Klotz.
Je me demande comment il est possible que si une personne ou une société a contracté des emprunts auprès de plusieurs créanciers, un juge puisse décider qu'un d'entre eux sera remboursé, mais pas les autres. Comment peut-on mettre en place une loi qui créerait ce genre d'iniquité ou d'injustice?
¿ (0925)
M. Robert Klotz: En effet. Cela ne s'applique pas aux sociétés; le processus de libération ne les vise généralement pas. Ce sont les particuliers qui sont libérés d'une faillite.
M. Werner Schmidt: Y a-t-il des personnes physiques ou des sociétés privées qui seraient traitées de la même façon?
M. Robert Klotz: Cela s'applique à toutes les personnes physiques. Souvent, il y a…
M. Werner Schmidt: En tant que sociétés? Une société privée…
M. Robert Klotz: Généralement, quand les sociétés font faillite, elles restent en faillite. Si elles veulent ressusciter, elles déposent une proposition qui traite toutes leurs dettes de la même façon, sous réserve du rang des créanciers, mais si je comprends bien, la loi part du principe que dans certains cas un même créancier détient 90 p. 100 ou 80 p. 100 des créances, par exemple lorsqu'il s'agit d'une faillite fiscale ou de certaines faillites matrimoniales. Ce créancier fait opposition et au lieu d'obtenir 80 p. 100 et d'avoir à payer les honoraires du syndic et des frais au surintendant, il se fait payer directement. Cela pose toutefois un problème.
Le président: Vous devez conclure maintenant, Werner.
M. Werner Schmidt: Oh! je suis désolé!
Je voudrais également revenir sur la demande de certaines personnes qui voudraient que certains des biens pris en garantie par des prêteurs qui assument un risque élevé ne puissent pas être vendus. Ces biens sont considérés comme des garanties en vertu d'une entente conclue avec l'emprunteur. Il peut s'agir, par exemple, de meubles en certains cas ou encore d'un véhicule donné en garantie. Dans bien des cas, ils ne peuvent pas être convertis en espèces, mais ils sont quand même là.
Comment se fait-il que ces biens puissent être donnés en garantie?
M. Robert Klotz: Cette question est abordée à la toute fin de notre sommaire. Dans le jargon technique, il s'agit des sûretés accordées sur la valeur de non-acquisition d'un bien sur des biens exclus. C'est une chose dont le Sénat a recommandé l'élimination. L'Association du Barreau reconnaît qu'il faudrait que ce soit supprimé.
C'est quand le prêteur de dernier recours prête 1 000 $ et prend en garantie le lit, la table de cuisine et les meubles. Les prêteurs savent que s'ils mettent à exécution cette garantie, la valeur de revente sera nulle alors que s'ils menacent de saisir tout le mobilier, ils obligeront le créditeur à rembourser le prêt. Nous proposons de ne pas autoriser ce genre de pression ou de tactique.
M. Werner Schmidt: Quelles seraient les percussions économiques de son élimination?
Le président: Merci, Werner.
Allez-y, monsieur Klotz.
M. Robert Klotz: Je ne suis pas expert en la matière, mais je crois qu'il deviendra peut-être plus difficile d'obtenir ce genre de prêt, car il ne sera plus possible de se faire payer de cette façon. Je ne sais pas si ce type de prêt sera encore disponible.
Le président: Merci, Werner. Merci, monsieur Klotz.
C'est maintenant au tour de Carole Lavallée et ce sera ensuite Lynn Myers.
[Français]
Mme Carole Lavallée (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Monsieur le président, je suis assez d'accord avec mon collègue M. Schmidt, parce que l'exercice que l'on fait ce matin, compte tenu de tout ce qu'on entend au comité au sujet de la priorisation des projets de loi, n'est pas tout à fait inutile, évidemment. Cependant, il est difficile de cerner l'objectif de la rencontre de ce matin.
Je poserai quand même des questions à nos invités. La première s'adresse à monsieur Kent. J'en aurai une autre pour M. Klotz, mais si je n'ai pas le temps de la lui poser maintenant, je le ferai au prochain tour.
Dans le document que vous nous avez fait parvenir, il est écrit, au paragraphe 3:
Ainsi, ces dispositions pourraient avoir des effets négatifs importants sur la productivité et I'emploi au Canada puisque les entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises, auront plus de difficulté à obtenir du financement, ce qui pourrait hausser leurs coûts de façon dramatique. |
Effectivement, c'est un argument qui revient souvent en ce qui concerne la priorisation des créanciers. Toutefois, on entend fréquemment aussi que dans les entreprises, les créanciers hypothécaires passent les premiers, prennent les premiers millions de dollars, et il ne reste rien ensuite pour couvrir les quelques dizaines de milliers de dollars de la masse salariale.
C'est peut-être facile de faire passer un premier créancier qui a quelques dizaines de milliers de dollars de masse salariale à payer. Ensuite, plutôt que de prendre un million de dollars, les banquiers ou les créanciers hypothécaires auraient 900 000 $. C'est un exemple que je vous donne.
D'autre part, on dit aussi que les créanciers hypothécaires ont plusieurs sources de revenu. Alors, s'ils perdaient quelques dizaines de milliers de dollars, ils pourraient les récupérer aisément auprès de leurs autres clients, tandis que pour un salarié qui gagne, disons, cinq cent dollars par semaine, c'est son unique source de revenu. Je crois qu'il faut faire preuve d'un peu de compassion dans notre société et tenir compte de telles situations, qui peuvent devenir des drames.
Je voudrais donc savoir si vous avez fait des études, si vous avez des chiffres, des analyses démontrant qu'après que les créanciers hypothécaires ont pris ce qui leur revient, il y a toujours de l'argent pour la masse salariale.
¿ (0930)
[Traduction]
M. Andrew Kent: Je vous remercie de cette question.
Je dois commencer par une observation. Mon grand-père a travaillé dans les mines de charbon d'Angleterre -- c'était un Travailliste -- et mon père, Tom Kent, était un mordu de la politique sociale à l'époque de Pearson, alors quand j'aborde ces questions, ce n'est pas en penchant du côté des entreprises. Quand je dis ce genre de choses, ce n'est pas pour faire du tort aux employés, mais il faut que les gens comprennent comment le système fonctionne en pratique.
Vous exprimez de bons sentiments, mais j'essaie d'expliquer comment les choses marchent dans le monde des affaires en ce qui concerne l'emploi et la croissance de l'économie.
Si vous prenez une entreprise, pour reprendre votre exemple, vous pourriez vous demander quelle différence cela fait si un créancier garanti, une grande banque très riche, obtient 900 000 $ au lieu d'un million. Lorsque vous irez lui demander de l'argent, cette banque dira que si elle récupère seulement 900 000 $ au lieu d'un million, elle vous prêtera seulement 900 000 $. Elle vous accordera 100 000 $ de moins. C'est ce qu'elle dira à toutes les entreprises. Elle le dira aux bonnes entreprises qui s'adresseront à elle, et pas seulement aux entreprises qui battent de l'aile. Toutes sortes d'entreprises du pays obtiendront 100 000 $ de moins. Elles pourront acheter moins de stock, engager moins d'employés et acheter moins de biens d'équipement. Ce coût est réparti dans l'ensemble du pays; cela touche tout le monde et nous fait du tort à tous.
Personne ne dit qu'il ne faudrait pas faire preuve de compassion envers les travailleurs. Personne n'est venu ici aujourd'hui dire que le fonds salarial était une mauvaise idée pour protéger la paye. Heureusement, d'après toutes nos statistiques et celles d'Industrie Canada, à l'échelle nationale, cela ne représente pas un gros montant d'argent. C'est important pour les personnes touchées, mais à l'échelle nationale, cela ne représente pas une grosse somme. Pourquoi? Parce que dans bien des cas, les employeurs paient les employés de toute façon.
Dans le cas de Canada 3000, nous avons fait des efforts extraordinaires pour payer les salaires. Cela représentait une somme d'environ 5 ou 6 millions de dollars. Les gens qui l'ont fait étaient des professionnels et une de nos banques que je ne nommerai pas. En fait, les seuls qui n'étaient pas d'accord étaient des agents du gouvernement fédéral, parce que nous avons dû faire quelques entorses aux règles.
Nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour dire qu'il ne faudrait pas payer les employés. Nous sommes ici pour dire qu'il faut le faire de façon intelligente. Si vous le faites intelligemment, c'est une bonne chose, mais si vous le faites de façon stupide, cela fera du tort à tout le monde.
[Français]
Mme Carole Lavallée: Avez-vous des chiffres concernant les prêts des créanciers et les masses salariales?
[Traduction]
M. Andrew Kent: Comme je l'ai dit, d'après les statistiques, à l'échelle nationale, les pertes salariales se situent entre 20 millions et 30 millions de dollars par an. J'ai entendu des chiffres allant jusqu'à 50 millions de dollars. Il est très difficile d'obtenir des chiffres exacts.
Ce projet de loi réglerait le problème en faisant en sorte que lorsque les salariés ne sont pas payés, il y ait de l'argent pour leur verser leurs salaires. Personne ne s'y oppose. Ce sont les autres parties du projet de loi et la façon dont c'est appliqué qui nous inquiètent.
Vous feriez mieux de vous contenter de faire le chèque et de laisser tomber le reste du projet de loi. Vous protégerez quand même les travailleurs, mais toutes les autres dispositions causeront du tort aux entreprises, nous feront perdre beaucoup plus d'emplois et coûteront beaucoup plus au pays. Voilà ce que nous en pensons.
Nous ne sommes pas ici pour vous dire qu'il ne faudrait pas protéger les salariés; nous sommes ici pour vous dire qu'il faut le faire intelligemment. Même si cette loi est bien intentionnée, nous craignons qu'elle ait des conséquences négatives à l'échelle nationale.
Le président: Merci, Carole. Merci, monsieur Kent.
Juste avant de donner la parole à Lynn, j'ai appris qu'un de nos témoins pour la deuxième heure, le CTC, ne pourra pas venir pour de bonnes raisons en rapport avec les négociations. Par conséquent, si le comité le veut bien, nous allons dépasser un peu le temps alloué à ces témoins. À la fin, nous vous accorderons peut-être cinq minutes chacun pour récapituler. Autrement dit, vous pourrez prolonger votre déclaration préliminaire et parler de sujets qui n'ont pas été abordés dans les questions.
Cela convient-il à tout le monde?
Merci.
C'est au tour de Lynn Myers.
¿ (0935)
M. Lynn Myers (Kitchener—Conestoga, Lib.): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier chacun d'entre vous d'être venu nous apporter un important témoignage aujourd'hui.
Monsieur Kent, j'ai une question à vous poser au sujet du projet de loi C-55. Il précise que ni un tribunal ni un employeur ne peut modifier unilatéralement une convention collective. Par contre, le tribunal peut obliger l'employeur et le syndicat à négocier de bonne foi. C'est ce que j'ai compris. C'est seulement avec l'accord des parties que la convention collective peut être modifiée.
Pourquoi cela ne suffit-il pas -- ou est-ce suffisant?
M. Andrew Kent: Encore une fois, cela pose un problème pratique. Laissons de côté les gros dossiers comme celui de Stelco, qui peuvent s'étaler sur deux ans pendant lesquels l'entreprise peut poursuivre ses activités.
De nombreuses entreprises syndiquées du Canada sont beaucoup plus petites. Elles ne peuvent pas survivre aussi longtemps à une restructuration; si vous entreprenez leur restructuration, le processus doit avoir une durée raisonnable sans quoi les gens ne prendront même pas le risque d'essayer. S'il n'y a pas un mécanisme garantissant qu'un arrangement sera conclu dans un délai raisonnable, les gens abandonneront.
Un exemple qui me vient à l'esprit est celui d'Alloy Wheels International. C'était une entreprise syndiquée de Barrie qui fabriquait des pièces automobiles et qui était, à l'époque, le plus gros employeur du secteur privé. Elle a d'abord appartenu à Volkswagen, puis elle a été vendue à des intérêts sud-africains et elle a eu des difficultés financières. Ses propriétaires ont voulu réinvestir dans l'entreprise, mais ils voulaient mettre à pied certains des travailleurs d'une façon qui n'était pas conforme aux exigences de l'ancienneté et avaient donc besoin d'obtenir des concessions du syndicat. Ils ont déposé leur bilan.
Les syndicats sont souvent très mal informés par la direction. La direction essaie de les manipuler. Il y a beaucoup de faussetés. Les syndicats ont l'habitude de se faire malmener et leur réaction initiale est donc la prudence. Dans ce cas particulier, le syndicat a dit qu'il n'était pas prêt à accepter ces concessions si bien que deux semaines plus tard, les propriétaires ont abandonné et mis la clé sous la porte. C'était vraiment dommage. Par la suite, la presse de Barrie a publié beaucoup d'histoires tristes à propos de ces gens qui ont perdu leur emploi et qui ne pouvaient pas en trouver un autre.
Ce n'est pas une conséquence positive. Je ne prends pas parti pour ou contre les travailleurs. Je ne dis pas que c'était de leur faute -- c'était peut-être la faute des Sud-Africains -- mais le résultat a été mauvais. Ce n'est pas le résultat que nous voulons. Les gens comme nous diront à leurs clients, s'il s'agit d'une entreprise syndiquée de taille moyenne, qu'à moins d'obtenir une réponse positive immédiate du syndicat, ils peuvent oublier ces règles, car elles n'ont aucun effet. Ils doivent reconnaître que s'ils ont besoin d'obtenir des concessions du syndicat, s'ils ne peuvent pas les obtenir très rapidement et facilement, ils ont intérêt à abandonner et à liquider l'entreprise, un point c'est tout.
En ce qui concerne les syndicats, le problème est dû en partie au fait qu'il s'agit de machines à négocier. Ce sont d'excellentes entités de négociation et ils n'ont pas pour habitudes de faire des concessions à la légère. C'est leur raison d'être et ils font du bon travail pour leurs membres. Ce sont également des organisations politiques; ils sont élus et il leur est donc difficile de parrainer des concessions et de changer rapidement leur fusil d'épaule. En l'absence d'un cadre obligatoire quelconque permettant aux syndicats de reculer un peu, les gens vont se dire que c'est trop difficile pour eux. Ils vont simplement abandonner et mettre la clé sous la porte. C'est ce qui va se passer.
Nous ne préconisons pas d'imposer quoi que ce soit aux travailleurs. Il n'est pas nécessaire que ce soit le même mécanisme qu'aux États-Unis, mais il faudrait un processus apportant des certitudes afin que les gens cherchent à sauver ces entreprises.
M. Lynn Myers: J'aimerais quelques éclaircissements au sujet du séquestre qui serait nommé en vertu de la LFI et qui agirait au niveau national. Est-ce une bonne mesure?
M. Andrew Kent: C'est beaucoup plus efficace et évite les frais inutiles que représentent les faillites. Étant donné qu'un grand nombre de nos entreprises sont maintenant implantées à l'échelle nationale, il n'y a aucune raison de ne pas le faire. Cela rend le système plus efficace. Tout ce qui rend le système plus efficace peut nous faire du tort, parce que nous toucherons moins d'honoraires, mais du point de vue du système, c'est préférable.
M. Lynn Myers: Cette question s'adresse à l'Association du Barreau canadien. Je crois que votre organisme est généralement d'accord pour que les REER soient exemptés de saisie en cas de faillite. Bien entendu, c'est ce que propose le projet de loi C-55. Les REER seraient assujettis à une récupération des contributions. De plus, le projet de loi prévoit des règlements qui plafonneront le montant des REER pouvant être protégé et qui bloqueront le montant restant. Cette mesure vous paraît-elle importante?
Mme Deborah Grieve: Absolument.
M. Robert Klotz: Oui. L'Association du Barreau est tout à fait pour cette exemption, à la fois au niveau fédéral, par la Loi sur la faillite, ainsi que dans diverses provinces. Cette mesure est en place en Saskatchewan et à l'Île-du-Prince-Édouard et je pense que toutes les autres provinces commencent à leur emboîter le pas. En Alberta, la Commission de réforme du droit a produit un rapport à ce sujet. L'Ontario va se pencher sur la question dès que cette loi sur la faillite sera adoptée.
¿ (0940)
M. Lynn Myers: Cela va empêcher les abus, pensez-vous?
M. Robert Klotz: Il s'agir d'accorder une exemption comme pour les pensions, mais différente étant donné que les REER sont différents des pensions. C'est pour assurer l'équité entre les deux types d'épargne-retraite, en tenant compte de la différence entre les deux.
À notre avis, c'est ce que fait cette disposition, sous réserve de ce que nous avons dit quant à la durée de la période de récupération, à savoir qu'un an, c'est trop court. Une période de deux ans, que les tribunaux pourraient augmenter, conviendrait parfaitement, car il faut s'attendre à un comportement stratégique. Si cette période est d'un an, une personne pourra faire une importante contribution, un an et un jour avant de faire faillite, attendre 12 mois et déclarer faillite sans qu'on puisse y faire grand-chose. En raison de ce que cela coûterait pour récupérer cet argent, s'il n'y a pas un système de récupération automatique en place, le coût est trop élevé et une action en justice est trop risquée -- et qui sera prêt à gaspiller de l'argent dans une poursuite pour des sommes relativement petites? Dans le monde de la faillite, une petite somme peut s'élever à 2 000 $ ou 10 000 $.
Le président: Merci.
Merci, Lynn.
C'est maintenant au tour de Brian, puis Ed Komarnicki -- bienvenue, Ed -- et enfin Jerry.
Brian, s'il vous plaît.
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président, et je remercie nos témoins de leur présence ici aujourd'hui
Tout le monde reconnaît, je pense, que les travailleurs doivent être justement rémunérés pour le temps et les efforts qu'ils mettent au service de leur employeur. Une chose qui manque dans ce projet de loi, une lacune qui a été mise en lumière, est qu'environ 7 p. 100 des travailleurs canadiens ne sont pas du tout couverts. Ce sont des personnes qui ont travaillé moins de trois mois, qui ont apporté leur contribution, à qui un salaire est dû et pour qui ce projet de loi ne prévoit pas d'indemnisation.
Je voudrais que vous me disiez tous ce que vous en pensez. Seriez-vous d'accord pour éliminer cet obstacle? Avez-vous des suggestions pour le faire si vous êtes d'accord?
M. Andrew Kent: Monsieur Bélanger, voulez-vous répondre étant donné que vous avez travaillé sur ce dossier?
Mr. Phillip Bélanger (McCarthy, Insolvency Institute of Canada (The)): Dans notre mémoire plus complet, je crois que nous recommandons de supprimer la limite de trois mois. Rien ne justifie que les employés ne soient pas protégés pendant cette période.
Mme Deborah Grieve: L'Association du Barreau canadien ne s'est pas prononcée officiellement à ce sujet. Bien entendu, on ne veut pas accorder aux employés une chose à laquelle la législation provinciale normale ne leur donnerait pas droit, mais ce sont peut-être les travailleurs les plus vulnérables. Souhaitons-nous, dans le cadre de la politique sociale, les protéger encore plus que les employés qui travaillent depuis un certain temps? Telle est la question.
M. Brian Masse: Vous soulevez une bonne question. Ce sont effectivement les employés les plus vulnérables; il s'agit souvent de travailleurs à temps partiel, et ce sont souvent des femmes et des gens qui n'ont qu'un emploi précaire. C'est un facteur important. Vous n'avez pas pris position à ce sujet. Comment se fait-il que l'Association du Barreau n'ait pas pris position? Le projet de loi présente là une lacune évidente.
Mme Deborah Grieve: Je ne peux pas vraiment vous dire…
Le président: Si vous avez l'impression d'être mis au banc d'accusation, vous n'avez pas à répondre.
M. Brian Masse: Ma question est sincère. C'est là une lacune importante. Pourquoi l'Association n'a-t-elle pas pris position à ce sujet ou va-t-elle le faire? Cela me paraît important.
Mme Deborah Grieve: Je pense pouvoir dire que nous n'y voyons pas d'objection. Nous allons certainement nous pencher sur cette question.
M. Edward Sellers (membre, Coprésident du Groupe de travail sur la révision législative et Associé chez Osler, Hoskin & Harcourt LLP, L'Institut d'insolvabilité du Canada): Monsieur le président, nous avons discuté de cette question dans le cadre des délibérations du groupe de travail de l'Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité et de la réorganisation et de l'Institut d'insolvabilité du Canada. On nous a fait valoir que cette disposition avait été incluse dans le projet de loi pour éviter les abus afin qu'on ne puisse pas inscrire des gens sur la feuille de paye juste avant la faillite d'une entreprise pour qu'ils reçoivent des paiements dans le cadre du PPS.
L'Institut d'insolvabilité du Canada n'a pas eu le temps d'adopter une position officielle à ce sujet avant de comparaître devant le comité, mais nous sommes partis du principe que le facteur à considérer n'est pas la date à laquelle vous avez été inscrit sur la liste de paye, mais plutôt la raison pour laquelle vous y avez été inscrit. À notre avis, il faudrait voir si vous avez un lien avec les propriétaires ou la haute direction de l'entreprise, et si vous avez été inscrit sur la liste de paye à la dernière minute pour bénéficier du PPS plutôt que de fixer un délai de trois mois, trois semaines, deux mois ou n'importe quel autre délai arbitraire. Cette injustice nous a également frappés.
¿ (0945)
M. Brian Masse: Très bien. Je me réjouis que vous l'ayez constaté. Malheureusement, pour le moment, un des aspects les plus troublants de ce projet de loi est qu'en fin de compte, les travailleurs les plus vulnérables seront pénalisés parce qu'un nombre probablement limité de gens pourraient abuser du programme. C'est une chose qu'il faut réexaminer.
Je vais passer rapidement à une autre question. Les dispositions concernant les étudiants me semblent importantes. Monsieur Klotz, expliquez-nous encore une fois, peut-être plus en détail, le processus que vous envisagez au bout d'un an. De quel genre de processus s'agit-il? Pourquoi est-il si important d'apporter des changements à cet égard?
M. Robert Klotz: La loi prévoit qu'une fois que vous cessez d'être étudiant, vous devez attendre sept ans. Si vous déclarez faillite avant l'expiration de ce délai de sept ans, vous ne pouvez pas être libéré de votre dette. L'amendement prévoit une audition pour difficultés excessives. La Loi actuellement en vigueur prévoit un délai de 10 ans. Vous pourrez quand même obtenir une audition sur vos difficultés afin d'être libéré de cette dette, mais il faut attendre 10 ans.
Les gens qui peuvent obtenir une audition pour difficultés excessives sont des gens qui ne peuvent pas rembourser leur prêt parce qu'ils sont sans emploi, parce qu'ils sont malades, parce qu'ils n'ont jamais obtenu leur diplôme ou parce qu'ils ont obtenu un diplôme dans un domaine dans lequel il n'y a pas de travail. Il y a également toutes sortes d'autres raisons. Si vous regardez où en sont ces personnes au bout de trois ans, cinq ans ou sept ans, vous pouvez voir que ce sont des gens de bonne foi, de bons citoyens, qui méritent d'être libérés de leur dette à cause de leurs difficultés. La législation actuelle les oblige à rester au purgatoire pendant 10 ans.
Nous proposons de leur donner accès à une audition pour difficultés excessives. Je ne dis pas que ce devrait être accordé par le tribunal -- les tribunaux sont très stricts à ce sujet à en juger par la jurisprudence -- mais il faudrait qu'ils puissent avoir droit à une audition. Cette possibilité devrait leur être offerte rapidement, afin qu'ils puissent commencer à rebâtir leur vie, à faire face à leurs difficultés ou au moins vivre avec leur souffrance -- en cas de maladie, par exemple -- sans avoir à supporter le harcèlement et le poids de leur dette. Nous devrions prévoir cette clause de sauvegarde pour les personnes qui méritent notre clémence, et cela rapidement, c'est-à-dire un an après la date de la faillite ou en même temps que l'audience de libération. Il faut permettre que les deux audiences aient lieu en même temps. Ces personnes n'ont pas d'argent. Elles n'ont pas les moyens de payer les frais d'avocat.
Le président: Merci, Brian.
M. Brian Masse: Merci, monsieur le président.
Le président: C'est au tour de Ed, et ce sera ensuite Gerry.
M. Ed Komarnicki (Souris—Moose Mountain, PCC): Merci, monsieur le président. J'ai plusieurs questions que j'adresserai peut-être à Mme Thomson et à M. Kent.
Je sais que la protection des salariés est une question de compassion, mais il faut parfois faire attention à ne pas adopter de mauvaises lois. J'ai eu du mal à obtenir des chiffres quant aux conséquences que cela pourrait avoir pour les entreprises et les travailleurs.
Tout d'abord, l'Association du Barreau a beaucoup parlé du processus de codification des pratiques qui figurent dans le projet de loi. En fait, la partie concernant la protection des salariés fait obstacle aux transactions garanties. C'est une chose que les avocats savent depuis très longtemps en ce qui concerne les transactions garanties et les transactions commerciales.
J'ai remarqué que vous n'aviez rien dit quant au fait qu'une charge de premier rang devrait rester une charge de premier rang, car les institutions financières reculeront devant ces 2 000 $ multipliés par le nombre d'employés, que vous soyez en faillite ou non. Cela se répercutera sur toutes les entreprises et tous les employés.
Deuxièmement, la partie du projet de loi concernant la protection des salariés est très importante. Je me demande si vous verriez des objections à ce qu'elle soit séparée du reste du projet de loi, tout en étant reliée à la faillite. Voilà ma deuxième question.
La troisième porte sur les chiffres. J'ai l'impression que ce projet de loi vise à permettre à l'État ou au gouvernement de récupérer 2 000 $ par employé d'une entreprise en faillite, ce qui représente de 20 millions à 30 millions de dollars. Pour récupérer 20 ou 30 millions de dollars, nous risquons de perdre 2 000 $ par an par employé ou plus probablement 3 000 $ à cause des frais d'administration.
Quelqu'un a-t-il étudié les conséquences de cette mesure sur le crédit? J'ai l'impression que s'il y a environ 16,5 millions de travailleurs -- j'ignore ce qu'il en est exactement -- si nous multiplions ce chiffre par 2 000 $, cela enlève 33 milliards de dollars des budgets d'exploitation pour économiser 20 ou 30 millions de dollars.
Quelqu'un a-t-il examiné les conséquences que cela aura pour notre pays? Je veux dire qu'il est très bien de vouloir protéger les travailleurs, mais quand les gens iront emprunter à la banque ou dans une coopérative de crédit, on leur demandera simplement: « Combien d'employés avez-vous? » et on ne voudra pas leur prêter d'argent. Cette source de financement va se tarir de plus en plus. Cela se répercutera sur toutes les entreprises, car elles ont des comptes débiteurs, des travaux en cours et des stocks. À moins d'avoir des liquidités, toutes les entreprises, surtout celles qui démarrent, y perdront. La plupart d'entre elles n'ont pas de liquidités.
Quelqu'un a-t-il fait les calculs? Peut-on séparer les deux parties? Pourquoi l'Association du Barreau canadien n'a-t-elle pas mentionné le fait que ce projet de loi modifie ou détruit le principe de la charge de premier rang?
¿ (0950)
Le président: Qui veut commencer?
Madame Grieve.
Mme Deborah Grieve: Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'Association du Barreau canadien a toujours dit qu'elle préférerait qu'il n'y ait pas de charges ayant priorité sur toutes les autres. J'ai dit que cela aurait certainement des répercussions sur le crédit.
Avons-nous des chiffres? Non, nous n'en avons pas. Nous sommes des praticiens. Nous sommes des avocats. Nous n'avons pas de statistiques.
Quant à savoir si la protection des salariés devrait être séparée du reste, le programme de protection des salariés exige que la législation sur l'insolvabilité soit modifiée. Il y a de nombreux changements à apporter à la loi. Nous recommandons que ces changements soient faits.
M. Ed Komarnicki: Très bien. Maintenant, en ce qui concerne les chiffres et l'argent qui est retiré du marché, M. Kent pourrait peut-être nous en parler.
Deuxièmement, je voudrais également savoir si cela devrait être financé par le Trésor ou peut-être le Compte d'assurance-emploi.
M. Andrew Kent: Les membres de la profession ont toujours estimé qu'il serait plus logique de payer les salaires avec le Compte d'assurance-emploi que d'imposer cette charge, pour les raisons que vous avez énoncées. Le calcul est compliqué, car il y a beaucoup de grandes entreprises qui peuvent financer leurs activités sans aucun prêt garanti. Il faut donc les exclure du calcul. Il y a aussi d'autres entreprises qui donnent leur maison en garantie, etc. C'est difficile à calculer.
Cela fait partie du problème. Pour vous donner un petit exemple, une loi a été adoptée récemment pour modifier la Loi sur la faillite en ce qui concerne le financement des avions. On l'a fait pour des raisons particulières dont je ne parlerai pas aujourd'hui, mais cette mesure accordait aux prêteurs le droit exceptionnel de reprendre rapidement possession de l'appareil. Selon les estimations, cette mesure doit permettre aux compagnies aériennes d'économiser 25 à 50 points de base sur le financement de leurs appareils. Cela représente donc une économie importante pour elles. C'était là un tout petit élément, mais qui garantit la rapidité.
Il est très difficile de prouver scientifiquement ce que vous avancez, et sur quoi je suis entièrement d'accord, à savoir que cela va toucher beaucoup d'entreprises et il est très difficile également de faire ce calcul. Je sais qu'Industrie Canada s'y est essayé. À ma connaissance, le ministère n'a jamais réussi à faire un calcul précis -- et il pourra répondre lui-même à cette question.
Mais quant aux conséquences dont vous avez parlé, il ne fait aucun doute qu'elles existent.
Le président: Très brièvement, Ed.
M. Ed Komarnicki: Tant que nous n'aurons pas ces chiffres, je ne vois pas comment nous pourrions adopter cette loi sans savoir quelles en seront les conséquences.
Mais si cette loi est adoptée, ne serait-il pas sage de puiser tout simplement cet argent dans le Trésor et de laisser tomber la question de la super priorité?
Le président: Merci, Ed.
Un dernier mot?
M. Andrew Kent: Vous avez raison.
Le président: Vous avez obtenu votre réponse, je pense, Ed.
C'est au tour de Jerry.
L'hon. Jerry Pickard (Chatham-Kent—Essex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais parler du facteur temps. Lorsque ce projet de loi a été déposé, nous nous attendions à ce que le Parlement ait un peu plus de temps devant lui que ne le laissent entendre maintenant certains membres de l'opposition. Ils semblent supposer qu'il y aura moins de temps.
Il est également intéressant de voir que Werner et le Bloc ont passé beaucoup de temps à discuter du facteur temps alors que c'est eux qui ont demandé qu'on accélère l'étude de ce projet de loi. Comme ce sont les trois partis de l'opposition qui veulent qu'on accélère, qu'ils ne nous en fassent pas reproche.
Je voudrais en revenir aux personnes qui sont ici aujourd'hui. Les fonctionnaires veulent que tout soit fait dans les formes, avec toute la diligence voulue. Un grand nombre des questions que vous avez soulevées sont, sans aucun doute, très importantes. Ce sont des questions sur lesquelles le ministère s'est penché et pour lesquelles nous avons jugé important d'écouter des témoins, d'entendre leur opinion afin de proposer des amendements qui tiendront compte des avis ou des idées qui ont été avancés.
C'est souvent ainsi que l'on procède pour les projets de loi. Dans ce cas-ci, étant donné la complexité de toutes ces questions, nous avons jugé préférable de procéder de cette manière. Je vous assure que nous avons l'esprit ouvert et que nous examinons très attentivement les questions que vous soulevez.
Je voudrais maintenant aborder un sujet qui me semble d'une importance cruciale, soit la super priorité. Je sais que les deux organismes ont laissé entendre que cette idée ne leur plaît pas. Je sais qu'on a laissé entendre qu'il existait d'autres moyens de financer cette perte de salaire de 3 000 $. Je crois qu'à l'heure actuelle de nombreux travailleurs n'ont pas à subir cette perte de salaire pendant très longtemps. Nous espérons que si cette créance a la priorité sur toutes les autres, cette période va raccourcir.
Examinons la capacité de prêt et l'argument voulant qu'un prêt d'un million de dollars soit réduit à 900 000 $. N'est-ce pas l'entreprise qui examine les risques? L'argent n'est pas le seul facteur pour chaque contrat signé. Une banque, par exemple, examine la situation des entreprises avec qui elle a affaire… et il y en a peut-être une sur 15 qui va faire faillite.
Par conséquent, lorsque les banques prêtent de l'argent, elles tiennent compte de la répartition des risques au lieu de vouloir récupérer 100 p. 100 auprès de chaque entreprise. Si elles procèdent ainsi, elles sont vraiment trop gourmandes. Du point de vue mathématique, cela ne tient pas debout.
Si nous parlons de la répartition des risques… Nous avons dit que sur 15 sociétés, une pourrait faire faillite si bien que la perte sera répartie sur une quinzaine d'entreprises moyennant une augmentation mineure du taux d'intérêt. Je crois que le milieu des affaires a toujours fonctionné sur cette base. Les banques ne vont pas s'empresser de récupérer cet argent auprès de chaque personne.
C'est ce que j'en pense. Est-ce que je me trompe quant à la façon dont les choses se passent dans le milieu des affaires?
¿ (0955)
M. Andrew Kent: Il est vrai que c'est une question très complexe qui comporte des zones grises. Elle est tout à fait pertinente. Je vais essayer d'y répondre sans que cela ne prenne une heure, car c'est une question qui mérite une réponse d'une heure. Tout d'abord, la façon dont les entreprises canadiennes obtiennent un financement aujourd'hui est très différente de ce qu'elle était il y a 5, 10, 15 ou 20 ans. Les banques canadiennes contribuent beaucoup moins au financement des entreprises canadiennes qu'elles ne le faisaient à l'époque.
Par conséquent, un grand nombre des prêteurs dont vous parlez ne sont pas Canadiens. Ils ont une autre conception des prêts. Il y a ce qu'on appelle les prêts associés à des éléments d'actif pour lesquels le prêteur fait une analyse détaillée de la liquidation. Il se dit que s'il peut récupérer son argent, il va accorder le prêt sans trop s'inquiéter de savoir si l'entreprise va réussir ou non, car en cas de faillite, il y aura suffisamment d'éléments d'actif pour que l'emprunt puisse être remboursé.
Prenons par exemple le cas d'Eaton quand cette société a été refinancée en 1997-1998, lorsqu'elle a déclaré faillite pour la première fois. Je représentais les prêteurs qui ont financé l'opération. C'était très intéressant, parce que GE -- qui préférerait sans doute que je ne dise pas quelle était le prêteur -- a vu précisément les choses de cette façon. D'autres prêteurs canadiens n'ont pas voulu intervenir, car en examinant le plan d'entreprise, ils ont estimé que le risque était élevé. GE a fait une analyse de liquidation, s'est dit qu'elle pourrait s'en sortir si les choses marchaient mal et elle a prêté l'argent. Bien entendu, en fin de compte, les uns comme les autres avaient raison. Le redémarrage n'a pas marché, mais GE s'en est sortie parce que son analyse de liquidation était juste.
Par conséquent, dans ce contexte, il faut se demander qui fournit l'argent et de quel genre de prêt il s'agit. Il y a des entreprises pour lesquelles ce que vous dites est parfaitement vrai tandis que ce n'est pas le cas pour d'autres.
Ensuite, il faut se dire qu'au Canada nous nous trouvons actuellement dans une bulle nord-américaine sur le plan du financement. Il est très facile de se procurer de l'argent. Cela va changer et, dans ce contexte, l'effet de ces règles se fera sentir davantage que maintenant.
Troisièmement, ce ne sont pas les prêteurs qui en pâtiront. Si les prêteurs connaissent les règles, ils changeront leur façon de faire. Ils s'arrangeront pour gagner de l'argent. Ils ne vont pas consentir des prêts stupides. Les personnes lésées seront mes clients qui ont besoin d'argent. J'ai eu des clients qui étaient au bord du gouffre et s'ils avaient perdu 100 000 $ de crédit, cela aurait suffi à les faire tomber. Ces 100 000 $ de crédit supplémentaire leur ont permis de tenir le coup. C'est vrai pour de nombreuses entreprises canadiennes. Elles traversent des moments difficiles. Il y a aujourd'hui de nombreuses entreprises qui sont très prospères, mais qui ont connu de grandes difficultés à un moment donné. Chaque dollar de financement est alors important.
J'ai travaillé pour le Syndicat du blé de la Saskatchewan entre 2000 et 2004. Ces règles auraient pu déterminer si nos liquidités auraient été suffisantes ou non à l'époque. Tout va bien maintenant, mais à l'époque, les finances étaient serrées.
À (1000)
Le président: Merci, monsieur Kent et Jerry.
Maintenant, si vous le permettez, nous allons dépasser un peu le temps prévu, car nous avons seulement un témoin pour la prochaine heure. Je vais accorder quelques minutes à Robert et Marlene, s'ils veulent bien être brefs. Ensuite, nos témoins auront quelques minutes chacun pour aborder tous les sujets qui ont été omis jusqu'ici.
Robert.
[Français]
M. Robert Vincent (Shefford, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur Kent, au début de votre intervention, vous avez mentionné que votre père était mineur. Mon père est agriculteur et je ne fais pas pousser des navets pour autant. Dans votre intervention, vous avez aussi parlé de votre super priorité, de prospérité économique et vous avez dit que cela avait nui à l'économie, que cela n'avait pas beaucoup rapporté et qu'il faudrait donner une paye intelligente, etc.
Pour vous, les travailleurs ne sont pas plus importants qu'il le faut. Lors de votre dernière intervention, vous avez dit que vos clients étaient importants, qu'une différence de 100 000 $ était importante.
Je vois qu'il est écrit dans votre document qu'on devrait rouvrir les conventions collectives lorsqu'une entreprise ne va pas très bien. Je comprends mal pourquoi il faudrait que les conventions collectives soient rouvertes. L'administration de la compagnie relève des administrateurs, et non des travailleurs. Pourquoi, si des administrateurs ne font pas leur travail adéquatement, faudrait-il que ce soit le travailleur qui paie en bout de ligne?
[Traduction]
M. Andrew Kent: Je vous remercie de votre question.
Premièrement, les opinions que j'exprime sont celles d'un organisme. Ce ne sont pas des opinions personnelles. Ces prises de position sont le résultat d'un processus démocratique. Je vous fais donc part d'opinions collectives. Je tiens seulement à préciser que ce que je vous dis ne correspond pas nécessairement à mes opinions personnelles, mais que je suis ici en tant que porte-parole.
Personne ne veut que des employés souffrent. Le problème est que vous prenez le cas d'une entreprise qui bat de l'aile et vous voulez aider ses employés. Que faites-vous pour les autres entreprises? Il faut tenir compte à la fois des intérêts des uns et des autres. Si je parle des 100 000 $ que perdrait une entreprise, ce n'est pas que je veuille enrichir ses administrateurs ou ses propriétaires; il s'agit plutôt de voir si l'entreprise pourra survivre afin de continuer à fournir des emplois et des services. Il faut donc voir les choses globalement. Si vous modifiez telle règle, cela aura telles répercussions. Il faut tenir compte des deux aspects. Il ne s'agit donc pas de faire du tort aux employés, mais de bien comprendre que si l'on veut aider quelqu'un dans une entreprise, il faut veiller à ne pas causer du tort à quelqu'un d'autre, dans une autre entreprise. C'est tout.
[Français]
M. Phillippe Bélanger: Je voudrais quand même ajouter, en ce qui concerne les conventions collectives, que nos recommandations ne sont pas de permettre purement et simplement une réouverture facile des conventions collectives. Le problème exprimé quant aux suggestions énoncées dans le projet de loi est qu'il n'y a pas de finalité au processus. Ainsi, le fait de permettre éventuellement à la cour de soumettre les parties à un arbitrage qui aura une certaine finalité nous semble être un compromis raisonnable pour amener les parties à s'entendre.
Les suggestions ne sont certainement pas de permettre une réouverture facile des conventions collectives parce qu'une entreprise a déposé un avis d'intention ou une annonce de sa restructuration en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Ce n'est donc pas une suggestion qui, à proprement parler, modifie le rapport de force entre les parties. Pour l'instant, la loi ne fait qu'identifier le fait que l'entreprise peut envoyer un avis de négociation. Toutefois, si les négociations ne produisent pas de fruits en bout de piste, il n'y a pas de fin au processus. Donc, d'un point de vue pratique, notre suggestion est la suivante: si les parties ne s'entendent pas, ne peut-on pas mettre en place un processus limité dans le temps, de sorte qu'après un certain temps, un arbitre serait désigné devant lequel les parties devraient arriver à une conclusion?
M. Robert Vincent: Ne pensez-vous pas qu'il pourrait y avoir des abus de la part des employeurs qui voudraient rouvrir massivement les conventions collectives sous prétexte que l'administration est un peu déficiente et qu'on veut mettre un peu d'argent de côté pour les jours difficiles? On réduirait donc les salaires afin de mettre un peu plus d'argent de côté et, si ce n'est pas suffisant, on pourrait vendre de la machinerie. Or, le jour où une entreprise déclarerait faillite et qu'elle ne payerait plus personne, elle aurait alors un petit pactole de côté et aurait recours à quelques évasions fiscales ici et là.
Quant aux travailleurs, on leur demanderait de rouvrir les conventions collectives afin d'aller chercher un peu plus d'argent en réduisant la masse salariale afin de le réinvestir et d'essayer de le faire profiter un peu plus. Sinon, on fermerait la compagnie. De toute façon, si l'employeur à réussi à mettre de côté un montant de 400 000 $ ou 500 000 $, peu importe ce qu'il advient des travailleurs, puisque la loi lui permettra encore d'abuser d'eux. Cela ne posera pas de problème aux employeurs.
N'avez-vous pas pensé que les premières personnes à protéger sont les travailleurs? Ils ne sont pas là pour donner leur temps et faire du bénévolat. Il est important qu'on fasse du bénévolat, mais pas en industrie.
À (1005)
[Traduction]
Le président: Merci, Robert.
Nous passons à la réponse.
[Français]
M. Phillippe Bélanger: Mon collègue M. Kent voudra faire un commentaire à ce sujet. Ce qu'on a vu s'est produit dans des contextes où il n'y avait pas d'ententes et où un acquéreur potentiel de l'entreprise qui souhaitait maintenir les emplois disait que s'il n'était pas possible d'arriver à une entente ou à un compromis raisonnable, non seulement avec les employés, mais avec l'ensemble des autres créanciers qui avaient un intérêt dans cette entreprise, il n'était pas prêt à l'acheter. Cela se terminait par une liquidation.
On essaie de passer comme message que cela peut avoir, pour les employés, un effet contraire à celui espéré. S'il n'y a pas d'entente sur une convention collective permettant à l'entreprise de continuer ses activités ou d'être vendue dans un contexte de maintien des emplois, on est souvent confronté à une liquidation pure et simple. Un encanteur se saisit des éléments de l'actif et il n'y a plus d'emplois.
Alors, la préoccupation n'est pas que l'entreprise puisse avoir un pactole. La préoccupation générale est plutôt que l'on fasse en sorte que chaque créancier doive faire des compromis, ce qui, dans certains contextes, implique également les employés.
Le président: Merci, monsieur Bélanger.
[Traduction]
Monsieur Kent, peut-être pourrez-vous répondre à cela lorsque vous ferez vos dernières observations.
M. Andrew Kent: Oui, monsieur, je pourrais le faire.
Le président: C'est au tour de Marlene.
L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci.
Je voudrais seulement avoir vos opinions sur trois questions.
La première est la période de récupération automatique prévue pour les REER. L'Association du Barreau canadien a déclaré, je crois, qu'elle aimerait que cette période soit de deux ans. Sauf erreur, le groupe de travail sur l'insolvabilité personnelle, a recommandé trois ans et je crois que d'autres professionnels de l'insolvabilité aimeraient que ce soit trois ans, ou qu'au moins les contributions faites au cours des 36 mois précédant la date de la faillite soient déclarées dans le bilan ou le rapport prévu à l'article 170. Je voudrais savoir ce qu'en pense, par exemple, l'Association du Barreau canadien, et aussi ce qu'en pense l'Institut.
Deuxièmement, à propos de la conversion des biens non exemptés en biens exemptés -- par exemple, les REER ou le changement de bénéficiaire d'une assurance-vie entière -- pensez-vous que cela devrait être automatiquement considéré comme une opération sous-évaluée et donc passible d'un réexamen, tout comme n'importe quelle transaction avec un lien de dépendance?
Enfin, estimez-vous que le paragraphe 95(1) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité devrait être modifié afin que les tribunaux aient la possibilité d'annuler la transaction? Cela permettrait aux syndics de recouvrer des biens au profit de la succession.
Le président: Nous allons voir à quel point vous êtes capable de répondre à ces excellentes questions le plus rapidement possible.
M. Robert Klotz: Puis-je répondre au nom de l'Association du Barreau?
Tout d'abord, en ce qui concerne la récupération, j'ai fait partie du groupe de travail sur l'insolvabilité personnelle et j'ai participé à l'élaboration des propositions concernant les REER, qui ont été adoptées dans le rapport du groupe de travail. Il s'agissait d'une période de récupération de trois ans. Lorsqu'elle a examiné la question, l'Association du Barreau a estimé qu'une période de deux ans serait préférable. Le Sénat a émis une préférence pour une durée d'un an, mais l'Association du Barreau a trouvé que c'était trop court, pour la raison que je viens de donner. Le projet de loi prévoit une période d'un an que le juge peut prolonger. Le Barreau croit qu'il serait souhaitable de remplacer un an par deux ans.
À (1010)
L'hon. Marlene Jennings: Deux ans ou plus…
M. Robert Klotz: Deux ans ou plus et il suffit pour cela d'apporter une petite correction sur cette page. C'est donc ce que nous recommandons.
C'est peut-être la solution qui concilierait les divers rapports et opinions divergentes.
Permettez-moi de parler un peu du problème de la conversion et de l'article 96.1 proposé. Cet article laisse au tribunal un pouvoir discrétionnaire car il y a le mot « peut ». Le juge peut laisser passer ou rendre un jugement contre l'intéressé, ce qui est à la fois bon et mauvais. Le mot « peut » est un petit mot, mais des pages et des pages ont été écrites dans les rapports juridiques sur sa signification. Il vaut beaucoup mieux avoir une idée de la façon dont ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé, surtout s'il n'est plus nécessaire de prouver la mauvaise foi. Des gens risquent d'être pénalisés, qu'ils aient agi ou non honnêtement, qu'ils aient su ou non que la transaction a été faite par quelqu'un d'insolvable, si bien que le mot « peut » a énormément de poids. Nous avons exprimé nos inquiétudes à ce sujet.
Le président: C'est la version de l'Institut…
M. Robert Klotz: Pour ce qui est de la conversion, le problème se pose généralement dans le cas des REER exemptés. Les REER de type assurance sont exemptés si le bénéficiaire est désigné. Si les REER sont exemptés en vertu de ce projet de loi, la question ne se posera plus. Nous nous occuperons uniquement des polices d'assurance.
Selon la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, si vous voulez mettre ces choses de côté, il faut prouver la mauvaise foi. Cette exigence est éliminée. Nous ne nous sommes pas attardés sur cette question dans nos mémoires. Peut-être faudrait-il l'examiner.
M. Andrew Kent: J'ajouterai une chose. En ce qui concerne les opérations sous-évaluées, un concept qui est ressorti des travaux de l'Institut, c'était surtout dans le contexte commercial. Dans le contexte commercial, un simple énoncé général nous a paru très suffisant, et nous avons fait quelques observations dans nos documents.
M. Klotz a raison de dire que si cela s'applique aux faillites personnelles, il faudrait appliquer des règles différentes. Il en a énoncé un certain nombre aujourd'hui. Nous avons établi ces règles dans le contexte commercial. Si cela s'applique dans les deux contextes, il va falloir apporter des changements qui s'appliqueront aux faillites personnelles et non pas aux faillites commerciales, car nous ne voudrions pas que certains d'entre eux soient apportés dans le contexte commercial.
Mme Marlene Jennings: Merci.
Le président: Très bien. Merci.
Nous allons inviter chacun des groupes -- pas tous les trois, mais seulement une personne de chacun des groupes -- à parler pendant quelques minutes en abordant peut-être des questions que vous n'avez pas encore mentionnées.
Monsieur Kent, si vous voulez bien commencer, le défi à relever est qu'il faut le faire en deux ou trois minutes.
M. Andrew Kent: Merci.
Je voudrais seulement parler d'une chose qui ressort des excellentes questions qui ont été posées au sujet des abus.
Ce qui s'est passé, avec la législation actuelle, et cela continuera avec ce projet de loi, c'est que le pouvoir se retrouve maintenant entre les mains de la direction. Chaque fois que vous conférez un tel pouvoir à la direction, elle peut en faire un bon ou un mauvais usage et le risque d'abus augmente au fur et à mesure.
Nous craignons que le projet de loi ne suffise pas à assurer un contrôle adéquat sur la gouvernance et que le risque d'abus soit trop élevé. Un grand nombre de nos recommandations visent à remédier au risque d'abus, directement ou indirectement. Nous croyons souhaitable de conférer davantage de pouvoirs à l'entreprise pour résoudre les problèmes, mais si vous conférez ces pouvoirs à la direction, il est encore plus important de s'assurer qu'elle se comportera bien et qu'il y a suffisamment de freins et de contrepoids
J'ai une dernière chose à dire. Lorsque nous avons présenté nos propositions, dont certaines figurent dans le projet de loi, le juge LoVecchio, de l'Alberta -- un excellent juge -- m'a taquiné en me disant que j'étais devenu un socialiste, à cause de ce transfert du pouvoir. C'est très bien à la condition qu'il y ait suffisamment de freins et de contrepoids. Dans un certain nombre de recommandations, nous avons émis de vives inquiétudes au sujet de leur absence et cela nous ramène en partie à la question concernant les unités de négociation collective, mais également à de nombreux autres pouvoirs.
Merci beaucoup.
Le président: Bien.
Qui va parler au nom du Barreau?
Madame Grieve.
Mme Deborah Grieve: En fait, en ce qui concerne l'insolvabilité commerciale, nous aimerions que les améliorations et les changements que nous proposons dans notre mémoire soient apportés. Je crois qu'il faudrait accorder plus de poids aux recommandations que M. Klotz a faites pour la faillite personnelle…
Le président: Monsieur Klotz, le défi que vous devez relever est d'être plus bref que M. Kent, si possible.
M. Robert Klotz: C'est tout un défi.
Je suppose que, pour conclure, je dirai simplement une chose. Il y a de nombreuses questions d'efficacité qui sont importantes dans le contexte commercial, mais même si c'est aussi le cas pour la faillite personnelle, la justice et la compassion comptent également beaucoup. Par exemple, si vous prenez les opérations sous-évaluées, je suis d'accord avec M. Kent pour dire que même si certaines entreprises seront peut-être pénalisées à tort si elles font certaines transactions peu de temps avant une faillite, en général, elles recouvreront leurs pertes. Nous devons nous soucier de l'efficacité. Lorsqu'il s'agit de faillites personnelles, le contenu de cette loi déterminera l'opinion que les gens auront de ce qui est bien et ce qui est mal, de ce qui est éthique et de ce qui ne l'est pas. Il faut donc s'inquiéter du fait que les dispositions concernant les transactions sous-évaluées ne parlent pas de critères comme la bonne foi, la connaissance des faits et le bien-fondé.
Je vous remercie infiniment en notre nom à tous.
Le président: Excellent.
Je remercie les deux organismes et mes collègues pour cette excellente discussion. Je suis sûr que nous pourrions tous y consacrer plus de temps, et qui sait, mais nous allons suspendre la séance pendant une minute.
Nous allons remercier nos témoins et inviter l'Association des distributeurs de REEE du Canada à prendre place à la table.
Nous allons suspendre la séance pendant une minute.
À (1014)
À (1017)
Le président: Nous reprenons la réunion du 17 novembre du comité permanent pour poursuivre notre examen du projet de loi C-55.
J'ai le plaisir d'accueillir Peter Lewis, qui est le président du comité des relations gouvernementales de l'Association des distributeurs de REEE -- c'est-à-dire des Régimes enregistrés d'épargne-études -- du Canada.
Vous êtes seul, mais nous allons suivre les mêmes règles, monsieur Lewis. Pourriez-vous limiter votre exposé à cinq ou sept minutes? Je dirais qu'en réalité seulement un témoin sur 10 le fait, mais nous allons essayer. Je crois que vous allez traiter d'un aspect important de ce projet de loi et nous aimerions donc avoir du temps pour les questions.
La parole est à vous et merci d'être venu.
M. Peter Lewis (président, Relations gouvernementales, vice-président, Administration de régimes, C.S.T. Consultants Inc., Association des distributeurs de REÉÉ du Canada): Merci beaucoup. C'est un plaisir pour moi.
Je suis ici aujourd'hui en tant que président des Relations gouvernementales de l'Association des distributeurs de REEE du Canada pour vous parler de la décision du gouvernement de ne pas exempter les REEE de la procédure de faillite en vertu du projet de loi C-55.
Je m'inquiète des répercussions que cela aura sur les familles à revenu faible et modeste, sur les parents qui hésitent à commencer à économiser de crainte de se retrouver demain en faillite. Étant moi-même père de six enfants, je sais ce que c'est que d'avoir des espoirs et des rêves pour l'avenir de ses enfants. Je m'inquiète du message que l'on envoie lorsque la société ne fait pas tout ce qu'elle peut pour protéger leur avenir.
Mon association représente les firmes qui se spécialisent dans les REEE. Nous fournissons environ 50 p. 100 de tous les REEE à 1,3 million de familles canadiennes. Nos objectifs sont simples. Nous voulons inciter les familles, quel que soit leur niveau de revenu, à économiser pour que leur rêve de voir leurs enfants faire des études postsecondaires devienne une réalité. Les REEE sont un outil dont le gouvernement du Canada reconnaît l'importance pour financer l'enseignement postsecondaire. Ce sont des programmes d'épargne ciblés, à l'abri de l'impôt, qui donnent droit à une subvention fédérale de contrepartie appelée la Subvention canadienne pour l'épargne-études.
Nous croyons à la valeur des REEE, car plusieurs décennies d'expérience nous ont démontré qu'ils atteignent leur but. Rien que l'année dernière, les membres de notre association ont versé plus de 150 millions de dollars à près de 75 000 étudiants canadiens. J'entends souvent des parents et des étudiants dire que c'est grâce aux REEE qu'ils ont pu poursuivre leurs études.
Nous croyons que les REEE sont importants pour les familles pour trois raisons: premièrement, c'est pour les parents un outil qui leur permet de bien faire comprendre à leurs enfants qu'ils s'attendent à ce qu'ils fassent des études postsecondaires; deuxièmement, ils aident à faire comprendre à l'enfant, dès son plus jeune âge, qu'il est destiné à faire des études postsecondaires et soulignent la valeur de cet enseignement. Et troisièmement, ils aident à couvrir le coût des études. Ils contribuent à combler le fossé financier et à réduire les autres sources de financement auxquelles l'étudiant doit recourir.
Reconnaissant la valeur de ces programmes d'épargne, à compter de cette année, le gouvernement favorise une plus grande participation aux REEE en ciblant surtout les familles à revenu faible et moyen. La Loi canadienne sur l'épargne-études, qui a bénéficié d'un appui important à la Chambre des communes, augmentait le Programme de subvention existant et créait le bon d'études. À en croire l'ancien ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, ces mesures « aideront les familles à concrétiser leur rêve de voir leurs enfants entreprendre des études postsecondaires en leur permettant d'économiser à cette fin ».
Toutefois, ce rêve peut rapidement s'écrouler si la situation financière de la famille change. Si les parents qui ont investi dans un REEE déclarent faillite aujourd'hui, ils doivent rembourser le capital du régime au syndic. Cela entraîne le remboursement des subventions au gouvernement fédéral. Dans certains cas, cela entraîne l'annulation du régime et la perte du revenu accumulé. Enfin, comme les droits de cotisation à un REEE et les droits à une subvention ne sont jamais rétablis, l'enfant ne peut pas regagner ce qu'il a perdu.
En 2003, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a recommandé de soustraire les REEE et les REER à la saisie en cas de faillite. Toutefois, le projet de loi C-55 propose des exemptions pour les REER et les FERR, tandis que les REEE, qui visent à aider un enfant à se lancer dans l'une des aventures les plus importantes de sa vie, n'ont pas été exemptés.
Nous apprécions grandement l'appui que vous avez accordé à la Loi canadienne sur l'épargne-études et nous avons besoin de votre soutien pour modifier le projet de loi C-55. C'est une question qui intéresse les jeunes familles. C'est une question importante tant pour une famille dont le principal gagne-pain travaille dans une usine automobile de Windsor que pour une famille de petit commerçants de Red Deer ou de Chicoutimi.
Comparons brièvement les REEE et les REER. En 2004, les familles ont investi 2,1 milliards de dollars dans des REEE tandis qu'elles ont investi 28,8 milliards de dollars dans des REER. Le plafond des cotisations à un REEE est de 4 000 $ par an et par enfant. En 2004, la cotisation maximum à un REER était de 15 500 $ par investisseur. Le REEE est un régime d'épargne dont le principal bénéficiaire est un enfant tandis qu'un REER est un régime d'épargne dont le principal bénéficiaire est l'investisseur.
Nous croyons que les REER doivent être protégés, mais nous sommes également convaincus qu'il faudrait protéger les REEE pour trois raisons. Premièrement, lorsque le titulaire d'un REEE déclare faillite, c'est l'avenir de l'enfant qui est compromis et non pas celui de l'investisseur. Deuxièmement, comme il s'écoule relativement peu de temps entre l'ouverture d'un REEE et le début des études postsecondaires, par rapport à la période plus longue qui s'écoule entre l'ouverture d'un REER et la retraite, les possibilités de rattrapage après une faillite sont moindres. Troisièmement, les gouvernements à tous les niveaux encouragent activement les familles à revenu faible et moyen à ouvrir des Régimes enregistrés d'épargne-études.
La plupart des gouvernements provinciaux ne tiennent pas compte de l'actif des REEE lorsqu'ils évaluent l'admissibilité à l'assistance sociale. En ne protégeant pas l'épargne-études d'une famille qui se trouve en difficulté financière, le projet de loi C-55 s'écarte de la politique gouvernementale, tant au niveau provincial que fédéral.
À (1020)
Pour placer les choses dans leur contexte, prenez ce cas dont j'ai eu récemment à m'occuper. Des parents d'une région rurale de Terre-Neuve-et-Labrador avaient économisé 25 $ par mois pour leur fille, au cours des 10 dernières années. Leur fille a maintenant 15 ans, mais cette année, la famille a fait faillite. Les créanciers ont récupéré environ 2 000 $ et le gouvernement du Canada 400 $ de subventions d'épargne-études. Ce montant paraît peu important, mais cela peut suffire à déterminer si cette jeune Canadienne pourra aller ou non à l'université.
Nous comprenons la nécessité de tenir compte à la fois des intérêts des créanciers et de protéger l'avenir des jeunes Canadiens. Nous proposons d'ajouter une exemption pour les REEE dans le projet de loi C-55 en incluant une disposition pour la récupération des cotisations versées et nous croyons qu'une période de 12 mois est acceptable. Nous vous suggérons également de limiter la protection des REEE aux membres de la famille immédiate, c'est-à-dire aux enfants ou petits-enfants de l'investisseur.
Nous sommes convaincus de la valeur des REEE, et nous croyons que le gouvernement a eu raison de créer des incitatifs plus importants pour amener les familles à revenu faible et moyen à épargner. Nous croyons que l'absence d'exemption pour les REEE va à l'encontre des intentions de la Loi canadienne sur l'épargne-études et nous vous exhortons à modifier le projet de loi C-55 afin d'adopter une approche équilibrée pour protéger l'actif des REEE et préserver ainsi l'avenir des jeunes Canadiens.
Le président: Merci, monsieur Lewis, pour ce bref exposé.
J'ai sur ma liste John, Carole et Lynn, je crois.
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, PCC): Merci beaucoup.
J'ai un REEE parvenu à maturité pour un de mes enfants et si j'examine l'investissement que j'ai fait jusqu'ici, je vais devoir obtenir des renseignements que j'aurais peut-être dû obtenir au départ, plutôt qu'à la fin, en tant que consommateur. Une des choses qui m'inquiètent, en dehors de votre exposé, c'est qu'il y a tellement de modalités différentes dans le secteur des REEE du Canada que ce que les gens croient acheter ne correspond pas toujours à ce qu'ils obtiennent vraiment. Comme vous faites partie d'une association, j'en profite pour vous poser la question. Je pense qu'il y aurait beaucoup de travail à faire pour simplifier les choses ou établir des normes dans votre secteur.
Pour disposer d'un régime à maturité, j'ai reçu des formulaires à remplir qui me demandaient de le prolonger d'un an. Je n'ai pas compris ce à quoi je m'engageais, même en lisant tous les documents. J'ai dû m'en occuper malgré un emploi du temps très chargé. J'ai téléphoné à la société, ce qui ne m'a toujours pas satisfait. J'ai ensuite téléphoné à un ami à Vancouver qui travaille dans ce secteur et qui m'a fourni une autre série d'explications, qui m'ont un peu rassuré. En fait, je ne sais toujours pas exactement ce que je possède, même si je cotise à ce régime depuis 14 ans environ. C'est seulement sur le plan personnel.
En ce qui concerne les travaux du comité, ce que vous demandez me paraît logique étant donné qu'en fait c'est l'enfant qui est le bénéficiaire et que cet argent devrait lui être destiné. Je ne pense pas avoir d'objection de principe à votre demande. Pour ce qui est de la question pratique, avez-vous un libellé à suggérer à cet effet ou un amendement à proposer à la loi?
À (1025)
Le président: Merci, John.
Comme j'essaie de donner la parole à tout le monde, j'apprécie cette courte question.
M. Peter Lewis: Nous n'avons pas de libellé précis à suggérer, mais je dirais qu'il serait assez simple de modifier l'article qui exempte les régimes enregistrés d'épargne-retraite et les fonds enregistrés de revenu de retraite en y ajoutant les régimes enregistrés d'épargne-études.
Le président: Vous avez compris, John?
Voulez-vous répéter?
Des voix: Oh, oh!
M. Peter Lewis: À mon avis, il ne serait pas compliqué d'insérer les régimes enregistrés d'épargne-études dans l'article qui exempte les régimes enregistrés d'épargne-retraite et les FERR. Je ne sais pas si vous voulez que je réponde à vos observations antérieures concernant notre secteur. Je pourrais certainement le faire, mais…
M. John Duncan: J'aimerais bien une réponse…
Le président: Il faut que ce soit bref, car nous voulons concentrer notre attention sur le projet de loi, mais allez-y si vous voulez.
M. Peter Lewis: Je vais faire une ou deux observations rapides. Premièrement, les REEE sont assez complexes. Malheureusement, cette complexité est due en partie à la loi qui les régit. Notre secteur a fait beaucoup d'efforts pour simplifier les choses, et je vais certainement faire part de vos commentaires à notre association pour faire comprendre que nous devons de toute évidence faire encore mieux.
Le président: Merci, John.
Monsieur Lewis, nous allons suivre l'exemple de John.
Carole, Lynn et ensuite Brian.
[Français]
Mme Carole Lavallée: Monsieur Lewis, ce que vous présentez est tout à fait raisonnable. Les conditions que vous établissez, c'est-à-dire une récupération des cotisations des 12 derniers mois et le fait que les REEE s'adresseraient plutôt aux enfants et aux petits-enfants, nous semblent assez raisonnables.
Je vais quand même vous parler d'un sujet qui n'est peut-être pas tout à fait votre tasse de thé, mais qui va dans le même sens. Vous avez dit au début de votre présentation que vous étiez très sensible au bien-être des familles et à la valeur de l'éducation.
Il y a, dans le projet de loi C-55, un autre volet, qui s'appelle les prêts étudiants. C'est plaisant quand des familles sont suffisamment aisées pour être en mesure d'accumuler un petit pécule afin de se prévaloir d'un régime enregistré d'épargne-études. Par ailleurs, il y en a pour lesquelles c'est impossible. Dans ce cas, les jeunes demandent et obtiennent des prêts pour leurs études. Après leurs études, toutes sortes de choses surviennent qui les obligent, quelques années plus tard, à déclarer faillite.
Historiquement, certains gouvernements provinciaux se sont toujours objectés, lorsque des prêts étudiants étaient en cause, à ce que les prêts étudiants soient inclus dans les faillites personnelles.
En septembre 1997, pour toutes sortes de considérations que l'on peut aujourd'hui trouver un peu discutables, des gens ont décidé d'inclure cela dans la loi. Puisque certains gouvernements provinciaux s'objectaient à ce que les prêts étudiants fassent partie des faillites personnelles, on a décidé de l'inscrire dans la loi et on a donné un délai de deux ans pour que ces prêts soient inclus dans une faillite. Sans que l'on sache trop comment, on s'est retrouvé avec une loi dans laquelle il était inscrit que le délai était de 10 ans.
Dans le projet de loi C-55, on propose que ce délai soit ramené à sept ans, mais de façon tout à fait arbitraire. En fait, il n'y a aucune véritable raison pour laquelle les prêts étudiants ne peuvent pas faire partie d'une faillite personnelle. Historiquement, il n'y en a aucune. De plus, ce délai est tout à fait arbitraire; il pourrait être de cinq ans, quatre ans ou trois ans, mais de façon générale, la plupart des gens à qui on parle — jusqu'à maintenant c'était le cas de toutes les personnes auxquelles j'ai parlé — et qui sont touchés par le projet de loi C-55 sont d'accord pour dire que cet article devrait éliminer le délai. Il n'y a aucune raison valable pour le maintenir. Aucune analyse ne démontre que les étudiants déclarent faillite simplement par plaisir. Jamais, au lendemain d'études qui ont duré plusieurs années, un étudiant n'a choisi de déclarer faillite afin de se délester du fardeau trop lourd de sa dette étudiante, fut-elle de 50 000 $.
De toute façon, vous savez qu'il y a des juges pour faire la part des choses et éviter qu'on accepte les demandes farfelues.
Je voudrais donc savoir si vous avez réfléchi à ce volet du projet de loi et ce que vous en pensez.
À (1030)
Le président: Monsieur Lewis.
[Traduction]
M. Peter Lewis: Notre association n'a pas pris position au sujet des prêts étudiants si ce n'est que tout ce qu'on peut faire pour augmenter les moyens financiers dont l'étudiant dispose pour ses études diminuera son recours à d'autres formes d'aide financière. En pratique, cela réduira le montant de ses dettes et devrait, en principe, réduire le risque qu'il fasse faillite à la fin de ses études.
Je vais exprimer une opinion personnelle en disant qu'à mon avis le délai de sept ans proposé reste encore un peu trop long. Je pense qu'il devrait être un peu plus court. Ce n'est toutefois qu'une opinion personnelle qui ne se fonde sur aucune des recherches que j'ai faites.
Le président: Merci, Carole. Parfait.
Lynn, Brian et Werner.
M. Lynn Myers: Merci, monsieur le président.
Pour ce qui est d'éviter les abus, je voudrais vous demander, monsieur, si vous pensez qu'au cas où les REEE seraient exemptés, on pourrait empêcher le failli d'avoir accès au capital accumulé après avoir été libéré et de se servir de cet argent à des fins personnelles plutôt que pour les études d'un enfant.
M. Peter Lewis: Merci.
En fait, c'est une excellente question. L'aspect le plus faible de mon argument est sans doute que la loi qui régit les REEE ne prévoit pas de mécanismes de blocage et qu'il est donc théoriquement possible qu'un failli puisse accéder aux capitaux accumulés dans un régime.
Je ne pense pas que ce soit un scénario probable. J'aurais plusieurs arguments à faire valoir. Premièrement, je ne crois pas qu'un REEE soit une bonne cible pour quelqu'un qui cherche à mettre des biens à l'abri en vue d'une faillite. Le plafond des cotisations est trop bas pour que vous puissiez mettre à l'abri un actif suffisant et la complexité des formalités qui accompagnent les REEE est également importante.
Par-dessus le marché, si un failli a investi dans un REEE pour un enfant ou un petit-enfant -- là encore, je parle des dispositions que nous proposons -- et récupère cet argent par la suite à des fins personnelles, s'il le fait alors que l'enfant n'est pas en train de faire des études, il renonce à la subvention qu'il a obtenue sur cet investissement. Il ne pourra jamais récupérer ce droit à la subvention. Il est donc vrai qu'il pourrait mettre la main sur le capital, mais il aurait un prix à payer étant donné qu'il n'aurait plus accès à la subvention qu'il aurait obtenue du gouvernement fédéral.
À (1035)
M. Lynn Myers: Vous dites que c'est peu probable, mais cela pourrait certainement arriver.
M. Peter Lewis: Cela pourrait arriver, en effet.
M. Lynn Myers: Avez-vous une idée du montant d'argent détenu dans des REEE qui est perdu en cas de faillite?
M. Peter Lewis: Le montant de l'actif total détenu dans les REEE se chiffre à près de 16 milliards de dollars. Cela comprend la subvention gouvernementale.
Le président: Il veut savoir quel est le montant perdu dans des faillites.
M. Peter Lewis: Non, je n'ai pas ce chiffre. Ce que je peux vous dire, au nom de l'organisme que je représente, c'est que sur nos 250 000 clients, nous avons chaque année environ 200 familles qui font faillite, ce qui est un pourcentage assez faible. La taille moyenne d'un REEE est généralement inférieure à 10 000 $.
M. Lynn Myers: Pour rester sur le sujet des REEE, je voulais également vous demander une chose. Bien entendu, on ouvre un REEE avec son revenu après impôt.
M. Peter Lewis: Pour les REEE, oui.
M. Lynn Myers: Qui possède le capital investi dans le régime? Est-ce le cotisant ou l'enfant? La loi reconnaît-elle au bénéficiaire du régime un droit sur le capital? Sinon, en quoi un REEE diffère-t-il d'un compte en banque?
M. Peter Lewis: Le capital appartient au cotisant. Il arrive dans certains cas que le régime ait pour instruction de payer le capital à l'enfant. C'est ce qui se passe, par exemple, en cas de divorce, lorsque les parents ne peuvent pas se mettre d'accord et acceptent tous les deux que le capital soit cédé à l'enfant. Il est certainement possible de demander que le capital devienne le bien de l'enfant, mais au départ, il appartient à l'investisseur.
M. Lynn Myers: Le bénéficiaire du régime a-t-il légalement droit au capital?
M. Peter Lewis: Non.
M. Lynn Myers: Est-ce donc différent d'une compte en banque sur ce plan-là?
M. Peter Lewis: La structure du REEE prévoit un mécanisme de report d'impôt pour assurer la croissance du revenu, si bien que ce n'est pas la même chose. C'est également un programme d'épargne ciblé en ce sens que vous profitez surtout de votre investissement dans un REEE lorsque votre enfant fait des études postsecondaires alors que ce n'est évidemment pas le cas avec un compte en banque.
M. Lynn Myers: Merci.
Le président: Brian, Werner et Marlene.
M. Brian Masse: Merci, monsieur le président.
Vous dites qu'il est peu probable que le régime serve à mettre de l'argent à l'abri en cas de faillite, mais peut-être pourriez-vous nous expliquer plus précisément pourquoi. Deuxièmement, quelles seraient les conditions optimales qui permettraient de le faire? Dans quelles circonstances le REEE pourrait-il servir d'abri?
M. Peter Lewis: Il y a plusieurs raisons pour lesquelles le risque me paraît faible. Premièrement, le plafond des cotisations est bas. À moins d'avoir de nombreux enfants -- ce qui est mon cas -- vous n'avez pas vraiment la possibilité de protéger un actif important. Pour une famille moyenne de deux enfants, le plafond des cotisations qui peuvent être versées au cours d'une année est de 8 000 $, si bien qu'on ne peut pas mettre à l'abri des sommes importantes.
Deuxièmement, c'est un produit enregistré. Le numéro d'assurance sociale du cotisant est fourni pour chaque transaction. Ce n'est pas un produit qui vous permet d'agir discrètement, car chaque transaction est déclarée au gouvernement fédéral. Ce n'est pas un type d'épargne qui vous permet de cacher facilement vos intentions.
M. Brian Masse: Vous avez bien parlé de 200 familles?
M. Peter Lewis: Environ 200 familles par année.
M. Brian Masse: Et la majorité avaient un capital de moins de 10 000 $.
M. Peter Lewis: C'est exact.
M. Brian Masse: Y a-t-il d'autres similarités distinguant ces familles dans le contexte de cette loi? Vous dites qu'à cause du plafond et des cotisations, cela ne représente pas beaucoup d'argent, mais y a-t-il d'autres similarités?
M. Peter Lewis: Non, je n'en vois pas. Nous ne tenons pas de statistiques sur les revenus des familles, par exemple, si bien que je ne peux pas vous renseigner.
C'est réparti dans l'ensemble du pays. Par définition, ce sont toujours des jeunes familles.
M. Brian Masse: Quelle est la croissance de votre secteur en ce qui concerne les cotisations moyennes de ces cinq dernières années?
M. Peter Lewis: La cotisation annuelle moyenne dans un REEE est actuellement de 1 200 $ par parent et par enfant. Nous avons constaté que la famille typique investit 500 $ à 600 $ par année dans un REEE, mais bien entendu, certaines familles y versent de 2 000 $ à 4 000 $.
La croissance s'est un peu ralentie dernièrement. Bien entendu, après la mise en place de la Subvention canadienne d'épargne-études, en 1998, il y a eu une croissance importante pendant plusieurs années, surtout parce qu'un grand nombre de services financiers se sont lancés dans ce secteur. Cette croissance a toutefois ralenti dernièrement et se maintient à un niveau plus stable.
À (1040)
Le président: Merci, Brian.
Werner, et ensuite Marlene.
M. Werner Schmidt: Merci beaucoup, monsieur le président, et merci beaucoup, monsieur Lewis.
Vous avez dit, je crois, que cette protection pourrait être incluse dans le même article que la protection des REER. Je ne sais pas vraiment comment ce serait possible, car les REER et les REEE sont des instruments financiers très différents.
J'ai sous les yeux les amendements à la loi concernant la protection des REER. Cela suscite certains problèmes, mais je n'en parlerai pas pour le moment. Cela fera l'objet de ma deuxième question.
Pour ce qui est de ma première question, comment proposez-vous d'inclure les REEE au même titre que les REER alors que ce sont des instruments financiers très différents qui sont traités de façon très différente dans la Loi de l'impôt sur le revenu?
M. Peter Lewis: Je ne pense pas que le projet de loi traite des différences entre les REER et les REEE d'une façon qui empêcherait de modifier ces dispositions.
M. Werner Schmidt: Non, mais vous avez dit qu'il faudrait l'inclure dans cet article. J'essaie de voir comment ce serait possible étant donné qu'il s'agit d'instruments entièrement différents aux yeux de la Loi de l'impôt sur le revenu.
M. Peter Lewis: Ce sont des instruments différents, mais les régimes d'épargne-retraite et les FERR sont également différents. Il s'agit, dans tous les cas, de produits enregistrés en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Je suppose donc qu'étant donné qu'il s'agit, dans tous les cas, de produits enregistrés, ils pourraient tous être traités de la même façon dans la loi.
M. Werner Schmidt: Je ne suis pas du tout d'accord, car je ne vois pas comment c'est possible. C'est très différent et dans les dispositions législatives s'appliquant aux REER et aux FERR, l'enregistrement n'est qu'un petit élément de ces instruments. Il y a également toutes sortes d'autres instruments.
Quoi qu'il en soit, c'est une question technique, et je vous suggère sérieusement de la réexaminer. Cela marchera peut-être, mais je ne vois pas comment.
Je voudrais également vous poser une question concernant les REEE et les législations provinciales qui s'y appliquent. Y a-t-il un lien entre les REEE…? J'ai trouvé d'autres lois fédérales et provinciales.
M. Peter Lewis: Non, il n'y en a pas. Pour le moment, le seul lien entre les provinces et les REEE existe en Alberta qui a créé son propre programme de subventions pour inciter les familles à épargner grâce à un REEE, mais il n'y a pas de législation provinciale à cet égard.
M. Werner Schmidt: Si les provinces se sont dotées de leurs propres programmes, comme c'est le cas de l'Alberta, suggérez-vous qu'ils soient également exemptés?
M. Peter Lewis: On pourrait dire que les subventions gouvernementales sont déjà exemptées en ce sens que la seule chose qui puisse être saisie est le capital d'un REEE.
M. Werner Schmidt: Ce n'était pas ma question. Je veux savoir si le capital que possède l'investisseur dans le cadre d'un régime provincial serait également protégé en vertu de la Loi sur les faillites?
M. Peter Lewis: Oui, le capital de l'investisseur serait protégé. Mais les programmes de subvention, qu'ils soient fédéraux ou provinciaux, ne le seraient pas.
M. Werner Schmidt: Cela ne répond toujours pas à ma question.
Si j'ai bien compris, vous voulez que le capital d'un REEE soit exempté.
M. Peter Lewis: Oui.
M. Werner Schmidt: Très bien. Et s'il y a un régime provincial qui comporte des subventions s'ajoutant à l'argent que l'investisseur place dans le régime, est-ce que ce serait exempté?
M. Peter Lewis: Les subventions provinciales sont versées dans le cadre du REEE; ce n'est pas un programme distinct. La subvention est versée dans le REEE et les cotisations de l'investisseur au régime sont les mêmes, qu'il ait été incité à investir par le programme de subvention provincial ou par le programme fédéral. Cela fait partie de ses contributions à un même compte.
M. Werner Schmidt: D'accord. Cela veut-il dire que la législation provinciale ne change rien?
M. Peter Lewis: Je crois que non.
M. Werner Schmidt: C'est très important. Je suis content que vous le précisiez. Je crois quand même que nous devrions examiner cela de plus près, car je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit exact. Si c'est le cas, je n'ai plus de raison de m'inquiéter. Mais si la législation provinciale a un impact, ce que vous suggérez causerait de très sérieux problèmes.
À (1045)
Le président: Merci, Werner.
Vous ne parliez pas d'un impact négatif…
M. Werner Schmidt: Je parlais d'une certaine confusion.
Le président: D'accord.
Je vais certainement donner la parole à Marlene et Carole, et Jerry attend son tour.
Marlene, avant de vous laisser parler, vous allez recevoir dans vos bureaux aujourd'hui, un certificat de nomination pour Suzanne Fortier, qui remplace le président du CRSNG, M. Brzustowski, qui prend sa retraite. Je vais vous demander de l'examiner et de dire, avant ou après la comparution des témoins sur le projet de loi C-19, mardi, si vous voulez rencontrer Mme Fortier ou si vous êtes prêts à entériner sa nomination mardi ou jeudi.
Avez-vous besoin de précisions à ce sujet, Michael?
M. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC): Quand la nomination entrera-t-elle en vigueur?
Le président: Je n'ai pas la lettre sous la main, mais je pense que c'est pour bientôt. Le savons-nous, Jerry?
L'hon. Jerry Pickard: Le président a annoncé son départ pour la retraite il y a déjà un certain temps et je suppose donc que son remplacement serait presque immédiat. Nous essayons de combler ce poste maintenant. Cela n'a rien à voir avec la politique. Le CRSNG est une communauté scientifique qui travaille énormément. Nous avons besoin de quelqu'un pour le diriger.
Le président: Cette personne fait déjà partie du Conseil. Je ne vous demande pas de décider d'accepter ou de refuser. Je vous dis seulement que vous recevrez cela à votre bureau, aujourd'hui je crois. Avant ou après la comparution des témoins pour le projet de loi C-19, mardi, je vous demanderai si vous êtes prêts à accepter cette nomination ou si vous voulez faire comparaître l'intéressée.
Sur ce, la parole est à Marlene et ensuite à Jerry.
[Français]
Mme Carole Lavallée: J'ajouterai un commentaire à ce que vous venez de dire. Évidemment, je soumettrai votre question à Paul Crête. C'est lui qui vous répondra, puisqu'il est le titulaire habituel de cette responsabilité.
[Traduction]
Le président: Très bien. Parfait.
Marlene.
[Français]
L'hon. Marlene Jennings: Merci beaucoup.
Merci pour la présentation. Vous avez dit que dans les faits, la contribution moyenne annuelle à un REEE est de 1 200 $. Vous avez aussi mentionné un montant variant entre 500 $ et 600 $ par enfant. Compte tenu du fait que la contribution maximale est de 4 000 $ par année, vous avez dit ce n'est pas réellement un véhicule pour abuser du système en recourant à une faillite personnelle, car 4 000 $ n'est quand même pas beaucoup d'argent.
Toutefois, quel est le montant rattaché à la possibilité de contribuer pour des années où on n'a pas contribué du tout ou qu'on n'a pas contribué le montant maximum? Si la contribution moyenne est seulement de 1 200 $, cela donne la possibilité de faire une contribution rétroactive de 2 800 $ par année par enfant. Cela peut être intéressant pour quelqu'un qui voudrait soustraire son capital à une faillite prévue dans 12 ou 18 mois.
J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
[Traduction]
M. Peter Lewis: Certainement. Le plafond actuel des cotisations est de 4 000 $. Il n'y a pas de disposition de report. Si ma cotisation de cette année est de moins de 4 000 $, je ne peux pas ajouter la différence à mes contributions futures. Le maximum que je peux investir dans un REEE est de 4 000 $ par année et par enfant.
L'hon. Marlene Jennings: Et vous ne pouvez rien reporter.
M. Peter Lewis: Vous ne pouvez pas reporter les cotisations que vous n'avez pas faites les années précédentes.
L'hon. Marlene Jennings: Par conséquent, si la cotisation moyenne est de 1 200 $ et le maximum de 4 000 $, vous dites que si quelqu'un s'attend à faire une faillite personnelle, l'exemption que vous demandez ne changerait pas grand-chose en ce qui concerne cette faillite, en ce sens qu'elle n'ouvrirait pas la porte aux abus.
M. Peter Lewis: En ce qui concerne les abus, ce n'est certainement pas un risque important. Il y a toujours une possibilité d'abus, mais à notre avis, les avantages qu'il y a à favoriser l'épargne-études sur le plan social l'emportent sur les risques d'abus.
À (1050)
L'hon. Marlene Jennings: Merci.
Je n'ai pas d'autres questions.
Le président: Jerry est le prochain sur ma liste.
Jerry, vous avez le dernier mot.
L'hon. Jerry Pickard: Merci beaucoup, monsieur le président.
Peter, les REEE sont pratiquement inattaquables. Néanmoins, la faillite est un système qui vise à répartir les richesses équitablement en limitant les possibilités d'abus au maximum. C'est du moins ainsi que je vois les choses.
Disons qu'un père de famille qui a cinq enfants songe à faire faillite. Chaque enfant a droit à 4 000 $, si bien qu'il pourrait investir aujourd'hui 20 000 $. En janvier, il pourrait ajouter 20 000 $ à ce montant. Cela donne 40 000 $ qu'il vient de mettre en banque et de protéger de la faillite. Il pourra ensuite retirer cet argent deux jours plus tard et c'est ce que j'appelle abuser du système. Tel est le problème que nous voyons.
Il s'agit d'une anomalie. À moins de modifier le système des REEE, le risque d'abus existera, car n'importe quel avocat de faillite conseillera à son client d'y placer son argent pour le protéger cette année et l'année prochaine. Par conséquent, nous ne parlons pas ici d'une cotisation moyenne de 1 200 $. Nous parlons des recommandations que fera un avocat de faillite.
Le père de famille ne sera peut-être pas au courant. Il n'a peut-être pas la moindre idée de cette possibilité, mais tout avocat qui comprend le système sait où vous devez aller placer tout votre argent pour qu'on ne puisse pas y toucher. Voilà le problème. Voilà comment se produisent les abus. Je pense qu'une loi raisonnable doit faire en sorte qu'il n'y ait plus d'abus.
Je sais qu'il s'agit d'un programme inattaquable, mais d'un autre côté, cet argent n'appartient pas à l'enfant, mais à l'investisseur. La personne qui l'investit peut protéger le capital et c'est là le risque. Voilà pourquoi nos experts qui ont examiné tout ce système ont déclaré, presque sans exception, qu'il y a là un risque d'abus.
Pouvez-vous m'éclairer à ce sujet? Je pense qu'ainsi nous saurons exactement à quoi nous en tenir.
M. Peter Lewis: Certainement.
J'aurais une ou deux choses à dire. Tout d'abord, il faut aussi reconnaître que nos REER appartiennent également à l'investisseur. La différence, bien entendu, c'est le mécanisme de blocage qui est proposé pour les REER.
Il est certainement facile de trouver des exemples d'abus. Comme j'ai six enfants, mes possibilités sont encore plus grandes que celles d'un père de cinq enfants. Néanmoins, ce n'est pas la norme et c'est un des facteurs à considérer.
Il existe des moyens de limiter les possibilités d'abus. Vous pourriez, par exemple, mettre en place une période de récupération adéquate.
Vous avez raison de dire que quelqu'un pourrait investir le maximum en décembre et de nouveau en janvier. Il est possible de faire la même chose pour ses cotisations à un REER et ainsi les protéger. La seule différence que je vois se situe au niveau du mécanisme de blocage et le fait qu'en fin de compte quelqu'un peut retirer l'argent qui se trouve dans son REEE.
Encore une fois, si vous retirez votre capital, il y a des pénalités. Tout d'abord, comme pour tout investissement, il y a généralement des frais à payer lorsqu'on retire le capital. Mais surtout, si c'est seulement pour les enfants ou les petits-enfants de l'investisseur, si ce dernier retire le capital, il renonce aux subventions gouvernementales de 20 p. 100 qu'il a reçues et cela pourrait représenter une somme importante. Il renonce à cet argent et ne pourra jamais le récupérer.
Je ne suis donc pas certain que les gens se diront qu'ils ont avantage à placer beaucoup d'argent dans un REEE pour le retirer quelques jours après être libérés d'une faillite. Un scénario plus probable est qu'un parent place des fonds 12 mois et un jour avant de faire faillite, laisse cet argent là et qu'il puisse un jour y avoir accès si l'enfant ne fait pas d'études. C'est là que je vois le plus gros risque.
L'hon. Jerry Pickard: Je suis d'accord avec à peu près tout ce que vous avez dit, à part le fait que si une personne fait faillite -- dans votre situation ou celle de n'importe qui d'autre -- si elle place 4 000 $ par enfant et retire cette somme trois jours plus tard, elle devra renoncer à la subvention gouvernementale. Si ce programme n'existait pas, elle perdrait ces 4 000 $ de toute façon.
Par conséquent, peu importe que la contribution gouvernementale soit là ou non. Cet argent sortira du système et sera mis à l'abri, si bien que tous ceux qui y ont droit n'y auront plus accès. Cela pourrait être des travailleurs, des familles ou d'autres gens. Le problème est que les gens qui auraient droit à cet argent risquent d'être lésés.
À (1055)
M. Peter Lewis: Vous avez tout à fait raison et je peux seulement vous répondre qu'il n'y a aucun système qui puisse entièrement supprimer les abus. Si nous croyons important d'inciter les familles à économiser pour les études de leurs enfants -- ce que le gouvernement fait de toute évidence compte tenu des lois qu'il a adoptées -- nous devons voir comment nous pouvons protéger cela. Je ne pense pas que la bonne solution soit simplement d'exclure ces régimes de la loi.
Voyons comment nous pourrions trouver une approche équilibrée. Nous avons fait quelques suggestions pour y parvenir. Cela ne va peut-être pas assez loin pour vous donner ce que vous recherchez, mais nous estimons que la bonne solution n'est pas de rejeter complètement cette inclusion. Réexaminons cette question et trouvons un moyen de protéger à la fois les intérêts des créanciers et les intérêts des familles qui sont touchées.
Le président: Merci, Jerry, monsieur Lewis et chers collègues. Un comité se réunit ici après nous, alors j'apprécie la coopération de tout le monde.
La prochaine réunion aura lieu mardi matin et nous aurons un grand nombre de témoins au sujet du projet de loi C-19.
Je vous remercie et vous souhaite un bon week-end. La séance est levée.