JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 7 avril 2005
Á | 1110 |
Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)) |
L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice) |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
Á | 1135 |
Le président |
M. Vic Toews (Provencher, PCC) |
L'hon. Irwin Cotler |
Á | 1140 |
M. Vic Toews |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Vic Toews |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Vic Toews |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Vic Toews |
Le président |
Á | 1145 |
M. Vic Toews |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Vic Toews |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Vic Toews |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ) |
Á | 1150 |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Richard Marceau |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Richard Marceau |
Á | 1155 |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
L'hon. Irwin Cotler |
 | 1200 |
Mme Anita Neville |
Le président |
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC) |
 | 1205 |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Rob Moore |
L'hon. Irwin Cotler |
 | 1210 |
M. Rob Moore |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.) |
L'hon. Irwin Cotler |
 | 1215 |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Irwin Cotler |
 | 1220 |
Le président |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Richard Marceau |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Richard Marceau |
 | 1225 |
Le président |
Mme Anita Neville |
L'hon. Irwin Cotler |
 | 1230 |
Mme Anita Neville |
Le président |
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD) |
L'hon. Irwin Cotler |
 | 1235 |
M. Joe Comartin |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
M. Vic Toews |
 | 1240 |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Vic Toews |
Le président |
M. Vic Toews |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Vic Toews |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
 | 1245 |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC) |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Garry Breitkreuz |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
 | 1250 |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
L'hon. Irwin Cotler |
Mme Judith Bellis (avocate générale, Services des affaires judiciaires, des cours et des tribunaux administratifs, ministère de la Justice) |
Le président |
M. Joe Comartin |
L'hon. Irwin Cotler |
 | 1255 |
Le président |
M. Mark Warawa (Langley, PCC) |
· | 1300 |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
· | 1305 |
M. Mark Warawa |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Mark Warawa |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
Mme Judith Bellis |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 7 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1110)
[Traduction]
Le président (L'hon. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): La séance est ouverte.
Nous accueillons le ministre de la Justice, l'honorable Irwin Cotler, dans le cadre de la poursuite de notre étude du processus de nomination des juges de la Cour suprême du Canada.
Le ministre a témoigné devant notre comité déjà. Beaucoup de travail a été fait pendant l'été concernant les deux dernières nominations et les consultations se sont poursuivies par la suite.
Sans plus tarder, je cède la parole au ministre. Monsieur le ministre, peut-être voudrez-vous nous présenter vos collègues.
L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice): Merci, monsieur le président.
Je suis accompagné de deux personnes qui sont, comme tous les employés de mon ministère mais encore plus, de véritables puits de savoir institutionnel et de connaissances d'expert. À ma gauche, Judith Bellis, avocate générale au service des affaires judiciaires, des cours et des tribunaux administratifs, ce qui ne décrit pas véritablement son rôle et sa contribution dans ce dossier.
François Giroux est mon nouveau conseiller à la magistrature. S'il ressemble à son prédécesseur, sauf pour les cheveux roux, c'est qu'il est son frère. Il a les mêmes compétences; c'est un ancien membre du service fédéral des poursuites et conseiller principal en matière de politiques. Nous avons de la chance de pouvoir compter sur quelqu'un qui assure la continuité dans ce poste et qui apporte de l'expérience et des connaissances d'expert.
Je suis heureux qu'il soit présent ici avec moi aujourd'hui et je ferai appel à eux, au besoin, pour répondre aux questions.
Vous avez eu raison, monsieur le président, de dire que vous poursuivez votre examen du processus de nomination des juges de la Cour suprême. Je comparais aujourd'hui pour la troisième fois devant votre comité à ce sujet, et je suis heureux de pouvoir aujourd'hui tracer les grandes lignes de la proposition du gouvernement traitant de réforme du processus de nomination des juges à la Cour suprême du Canada.
Cette proposition donne suite à l'engagement pris par le gouvernement—et aux recommandations du comité parlementaire à ce sujet—d'accroître la transparence du processus, ainsi que la confiance du public à l'égard de l'exercice de ce pouvoir important, tout en faisant appel à une participation et à une contribution parlementaire et provinciale significative.
Avant de commencer, permettez-moi de remercier toutes les personnes et tous les groupes qui ont ajouté leurs voix à ce débat important. J'ai étudié un vaste éventail d'opinions et de points de vue divers, d'avocats, de juges, d'universitaires canadiens et étrangers, de parlementaires, de législateurs provinciaux et de bien d'autres. Dans mon exposé d'aujourd'hui, je brosse un tableau du produit de l'examen soigneux de tous ces points de vue.
[Français]
Je voudrais tout d'abord adresser mes remerciements aux membres du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile de la dernière législature. Le rapport du comité, publié en mai 2004, est à la base même de la réforme proposée, dont je vous fais part aujourd'hui.
Je voudrais également remercier les membres du Comité spécial sur les nominations à la Cour suprême du Canada, qui a examiné les mises en candidature des juges Abella et Charron l'été dernier. Les résultats des audiences du Comité de la justice et du Comité spécial étayent cette initiative de réforme.
[Traduction]
Je suis ravi de voir ici aujourd'hui des députés qui ont été membres de l'un ou des deux comités parlementaires précédents qui m'ont fait part du fruit de leurs discussions et de leurs recommandations.
Tout au long des discussions publiques à ce sujet, deux grands thèmes se sont dégagés—et je pense aussi aux témoignages que vous avez entendus—et ont servi de point central des délibérations du gouvernement. En premier lieu, l'examen du processus de nomination revêt une grande importance pour notre pays, étant donné que la Cour suprême est la cime de notre appareil judiciaire et que cet appareil judiciaire est un pilier fondamental de notre démocratie constitutionnelle.
[Français]
C'est la pierre angulaire de notre démocratie, peut-on dire.
[Traduction]
Elle est en effet le recours ultime pour tous les différends juridiques du Canada, notamment ceux qui portent sur des questions de compétence fédérale et provinciale en vertu de la Constitution et ceux qui concernent les violations des droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.
Á (1115)
[Français]
Le second thème que je voudrais aborder concerne la réputation d'excellence exemplaire de la Cour suprême du Canada, dont l'héritage juridique a résonné bien au-delà des frontières du Canada.
La Cour suprême du Canada est respectée à l'échelle du pays tout entier. En fait, elle est respectée dans le monde entier. C'est un modèle de ce que devrait être une institution judiciaire vitale, moderne et indépendante. Il ne faut rien faire qui puisse porter atteinte à cet héritage important.
[Traduction]
Il y a un peu plus d'un an, j'ai comparu devant le Comité de la justice pour décrire le processus de nomination actuel. J'avais alors suggéré que l'élaboration d'un processus révisé de nomination devrait être guidée par une série de principes cadres. Un an après, ces principes constituent toujours les jalons de la feuille de route qu'a suivie le gouvernement pour formuler la proposition que je vous expose aujourd'hui. Accordez-moi quelques instants pour réaffirmer ces principes.
Le premier est celui du mérite. L'objectif primordial du processus de nomination est d'assurer que les meilleurs candidats soient nommés en fonction du principe du mérite. J'ai décrit les critères du mérite lors de mes comparutions l'an dernier devant le Comité de la justice et devant le comité spécial. Ces critères continueraient d'être utilisés pour évaluer les juges candidats à la Cour suprême. Dans le cadre du mérite, la magistrature de la Cour suprême du Canada devrait, dans la mesure du possible, refléter la diversité de la société canadienne. Cela assure la prise en compte des points de vue différents dans le règlement des différends.
Le second principe est le cadre constitutionnel. Toute réforme du processus de nomination doit avoir à sa source la reconnaissance du fait que la nomination des juges de la Cour suprême relève de la compétence constitutionnelle du gouverneur en conseil. Dès lors, le pouvoir exécutif du gouvernement demeure responsable et redevable de l'exercice de cet important pouvoir.
[Français]
Le troisième principe est l'indépendance judiciaire et l'intégrité des tribunaux. Le système devrait protéger et promouvoir la réalité et la perception de l'indépendance judiciaire. L'indépendance des juges est une garantie que les requêtes sont traitées par des juges équitables, impartiaux et ouverts d'esprit, qui ne sont redevables de quoi que ce soit à aucun groupe ou intérêt, et qui ne sont liés par quelque position officielle que ce soit.
Le système devrait également préserver l'intégrité de la Cour suprême du Canada et de l'appareil judiciaire en général, institutions qui sont vitales pour le maintien de la primauté du droit et pour la vitalité de la démocratie au Canada.
[Traduction]
Le quatrième principe est celui de la transparence. Autrement dit, le processus de nomination à la Cour suprême devrait être plus transparent. Lorsque, comme dans le cas présent, le processus nécessite un haut degré de confidentialité pour fonctionner comme il se doit, on peut atteindre l'objectif de transparence de deux façons. Premièrement, il faut s'assurer que le processus soit entamé, connu et compris du public. Deuxièmement, il faut structurer le processus pour que la population soit confiante que les décisions sont prises pour des raisons légitimes et qu'elles ne sont pas liées à un favoritisme politique ou à tout autre motif malséant.
[Français]
Le cinquième principe est celui de la contribution des parlementaires. Le gouvernement s'est clairement engagé à permettre aux parlementaires d'apporter une contribution significative. Les parlementaires représentent les Canadiennes et les Canadiens. À ce titre, ils sont en mesure de contribuer à la transparence et à la responsabilité du processus du comité consultatif, ainsi qu'aux dimensions de consultation et d'évaluation du processus.
[Traduction]
Le Parlement apporte donc une contribution importante et j'y reviendrai sous peu.
Le dernier principe est celui de la contribution des provinces. L'importance de la contribution des provinces, qui a été reconnue dans le processus actuel, reflète en partie le rôle de la cour dans le règlement des différends fédéraux-provinciaux et dans l'interprétation des lois provinciales.
Nous savons que les gouvernements provinciaux cherchent traditionnellement à jouer un rôle plus officiel dans le processus de nomination. La proposition du gouvernement leur répond de quatre façons.
Tout d'abord, les procureurs généraux de la région en question seraient consultés par le ministre de la Justice durant l'élaboration de la liste initiale et de l'identification des candidats que le comité consultatif doit évaluer.
Deuxièmement, les procureurs généraux de la région en question proposeraient un membre du comité consultatif.
Troisièmement, le comité consultatif, grâce à de nombreuses représentations provinciales, participerait aux consultations et au processus d'évaluation de la liste initiale des candidats et à la détermination de la liste courte de trois candidats.
Quatrièmement, il disposerait de la contribution et des conseils des autres membres proposés par la région, y compris par les barreaux locaux, les juges en chef et des profanes.
Voilà donc, monsieur le président, les principes sur lesquels est fondée la proposition du gouvernement. Parallèlement, nous devons tenir compte d'un certain nombre de facteurs pratiques.
Á (1120)
[Français]
Il y a d'abord le fait que les nominations à la Cour suprême doivent être effectuées dans un délai restreint. Un processus de nomination révisé doit pouvoir être établi, et un comité doit avoir été mandaté et avoir terminé son examen et formulé ses recommandations dans un délai d'au plus quelques mois.
[Traduction]
On dispose donc de peu de temps.
[Français]
Parallèlement, les membres du comité consultatif, qu'ils soient parlementaires, universitaires renommés, juges, représentants d'organismes juridiques ou autres personnalités canadiennes, sont toujours des gens fort occupés qui doivent insérer les exigences de leur participation à ce processus dans le cadre de leurs autres obligations.
Dans nos décisions concernant les tâches que nous demanderons au comité consultatif de faire, nous devrons en tenir compte.
[Traduction]
Le deuxième facteur pratique à considérer est que le comité consultatif devrait être d'une taille suffisamment gérable pour faciliter les activités du comité et promouvoir l'objectif de réalisation d'un produit en temps opportun.
Enfin, il s'agit du facteur de la confidentialité. En effet, la confidentialité est la condition la plus essentielle pour assurer le bon fonctionnement du processus et sa crédibilité auprès du public. La crainte que des renseignements confidentiels puissent être divulgués pourrait faire en sorte qu'à l'avenir, les personnes consultées hésitent à donner des évaluations sincères et franches. Par conséquent, cela pourrait porter atteinte à l'efficacité du processus et empêcher les candidats possibles d'accepter de présenter leurs noms, et par là, miner le principe d'excellence.
Ces principes généraux et ces facteurs pratiques ne sont pas toujours faciles à concilier. Par exemple, la nécessité de préserver la confidentialité doit être harmonisée avec le but visé d'une plus grande transparence. Les exigences en matière de contribution accrue des provinces doivent être prises en compte dans le contexte du pouvoir du Cabinet fédéral de procéder aux nominations. Au bout du compte, il s'agit d'arriver à un juste équilibre entre les différents principes et les différents facteurs.
Le gouvernement a entrepris une étude réfléchie et a passé plus d'une année à examiner les points de vue très divers exprimés sur cette question. Sa proposition représente une conciliation délicate et soigneuse de toutes ces préoccupations. Nous sommes ouverts à toute suggestion de peaufinage de cette proposition, mais à notre avis—après un débat et des discussions pendant plus d'un an sur ces enjeux—nous sommes maintenant près à nous servir de cette proposition comme gabarit du nouveau processus de nomination à la Cour suprême.
[Français]
Permettez-moi de décrire maintenant la proposition du gouvernement. Je ferai tout d'abord un rapide survol des éléments de base du nouveau processus avant d'en aborder les détails précis.
[Traduction]
Monsieur le président, nous proposons un processus en quatre étapes. Je vais vous résumer brièvement ces quatre étapes avant de les aborder plus en détail.
Tout d'abord, le ministre de la Justice tiendrait des consultations ressemblant beaucoup à ce qui se fait actuellement pour identifier des candidats possibles. J'ai déjà rendu public le protocole des personnes consultées. Ces consultations permettraient d'établir une liste renfermant actuellement entre cinq et huit noms, selon la région, qui serait évaluée par un comité consultatif.
Lors de la deuxième étape—et il s'agit là d'une étape de participation et de consultation entièrement nouvelle—un comité consultatif serait formé pour mener des consultations et un processus d'examen en vue d'évaluer les candidats selon un mandat rédigé par le ministre et selon des critères bien établis contenus dans le protocole public. Le comité consultatif fournirait alors au ministre une liste courte de trois candidats, accompagnée d'une évaluation des points forts et des points faibles de chaque candidat figurant sur la liste courte.
À la troisième étape, le ministre et le premier ministre termineraient toute autre consultation jugée nécessaire, et le premier ministre recommanderait un candidat au gouverneur en conseil.
Enfin, le ministre comparaîtrait devant le Comité de la justice aussitôt que possible après la nomination pour expliquer le processus de nomination ainsi que les qualités personnelles et professionnelles du candidat retenu, comme je l'ai fait devant le comité spécial l'été dernier. La différence, c'est que cette quatrième étape interviendrait maintenant une fois que le comité consultatif aurait participé activement aux trois étapes préalables du processus de nomination.
[Français]
Je vais passer maintenant aux aspects plus précis de la proposition.
Il importe de souligner que les candidats à la Cour suprême viendraient de la région d'où était le titulaire du poste vacant, que ce soit l'Atlantique, l'Ontario, le Québec, les Prairies, le Nord ou la Colombie-Britannique. C'est une question de pratique, sauf pour le Québec, car la Loi sur la Cour suprême établit que trois juges doivent venir du Québec. Nous sommes sensibles, comme je le souligne toujours, à la spécificité de la tradition du droit civil du Québec dont témoigne cette exigence.
De plus, comme c'est traditionnellement le cas, des consultations seraient tenues dans la région pour laquelle le poste s'est libéré.
À la première étape, lorsque le ministre de la Justice dresse la liste initiale de cinq à huit noms, il consulterait les personnes qu'il consulte maintenant, c'est-à-dire le juge en chef du Canada, le ou les procureurs généraux de la région en question, les juges en chef des cours de la région en question, les sociétés du Barreau de la région en question et l'Association du Barreau canadien.
Le ministre inviterait publiquement les personnes ou les groupes intéressés à lui faire part de leur opinion au sujet des candidatures. Cela permettrait au public de faire de vastes contributions à la liste initiale.
Á (1125)
[Traduction]
Étant donné que certains candidats risquent de ne pas souhaiter voir leurs noms pris en considération dans ce nouveau processus, le ministre demanderait le consentement préalable des candidats avant de présenter leurs noms.
À la deuxième étape du processus, un comité consultatif serait formé chaque fois qu'un poste se libère. C'est une mesure appropriée, étant donné la nature régionale des nominations, qui se refléterait dans la composition du comité consultatif. La composition du comité consultatif serait la suivante : un député de chaque parti reconnu de la Chambre; un juge retraité, nommé par le Conseil canadien de la magistrature; un membre proposé par les procureurs généraux de la région; un membre proposé par le Barreau provincial de la région; deux personnes profanes éminentes reconnues dans la région nommées par le ministre—et quand je parle de « profanes », je veux dire des personnes qui n'ont jamais été juges ou avocats ou juristes.
Vous avez peut-être remarqué que je n'ai pas parlé des membres du comité comme des « représentants ». C'est de propos délibéré. Nous n'avons pas l'intention que les membres du comité consultatif représentent des circonscriptions particulières ou des points de vue donnés. Nous voulons plutôt qu'ils apportent un ensemble d'expérience et de perspectives pour mener à bien l'entreprise commune d'évaluation des candidats à la Cour suprême fondée sur le principe du mérite.
[Français]
Le ministre fournirait alors au comité consultatif une lettre énonçant son mandat et ses objectifs, décrivant les critères fondés sur le mérite, établissant l'échéancier ainsi que la procédure générale, notamment en ce qui a trait à la confidentialité. Le ministre rencontrerait également le comité avant le commencement de ses travaux afin de clarifier ces enjeux et de souligner l'importance de la collégialité et de la confidentialité dans les travaux du comité.
[Traduction]
Le comité consultatif serait habilité à demander le consentement du ministre pour évaluer tout candidat additionnel dont le nom ne figurerait pas sur la liste initiale. Avant de donner son consentement, le ministre procéderait à des consultations des personnes auxquelles il s'était adressé pour dresser la première liste. Si le ministre accepte la nouvelle mise en candidature, il demanderait au candidat ou à la candidate son consentement pour ajouter son nom à la liste.
L'évaluation des candidats par le comité serait fondée sur une évaluation de l'expérience et de l'expertise des candidats et sur l'examen du dossier—curriculum vitae, jugements, articles, etc.—ainsi que sur des consultations de tierces parties, qui seraient approfondies, nous l'espérons.
Cette démarche a été adoptée par la majorité du Comité de la justice dans son rapport de mai 2004. Nous convenons avec le Comité de la justice, et cela représente aussi l'opinion prépondérante de nombreux répondants, qu'il ne devrait pas y avoir d'entrevues en personne. Selon l'opinion générale exprimée, de telles entrevues ne serait pas susceptibles de permettre d'obtenir des renseignements pertinents que le comité pourrait obtenir auprès d'autres sources, y compris au moyen de vastes consultations et du processus d'évaluation que nous mettons en place pour la première fois.
[Français]
Le comité consultatif travaillerait sur une base démocratique, car ces décisions clés nécessiteraient un consensus ou un vote majoritaire. Ces décisions porteraient sur les personnes à consulter, sur l'ajout d'un nom de candidat supplémentaire et sur les noms pouvant figurer sur la liste courte.
[Traduction]
Je voudrais maintenant aborder la question de la confidentialité. Il va sans dire que la tâche d'évaluation des candidats à la Cour suprême est extrêmement importante et délicate. Pour que le processus du comité consultatif se déroule efficacement—pour qu'il puisse fonctionner—, il est crucial que les personnes consultées par le comité consultatif soient complètement franches dans leur évaluation. Pour cette même raison, comme l'a reconnu le Comité de la justice, il est essentiel que les membres du comité puissent discuter le plus largement possible. Des discussions franches ne sont possibles que si les participants peuvent être assurés que leurs opinions restent entièrement confidentielles. De plus, des mesures de protection rigoureuses de confidentialité permettront de rassurer les candidats possibles qui pourraient autrement hésiter à voir leur nom figurer sur la liste aux fins de considération.
Á (1130)
[Français]
La confidentialité devrait viser non seulement les membres du comité, mais aussi les personnes consultées en ce qui a trait aux candidats. Étant donné le vif intérêt du public à l'égard de ces nominations, la confidentialité visant les personnes consultées pourrait présenter le plus grand défi. C'est la raison pour laquelle on demandera aux membres du comité ainsi qu'aux personnes consultées de signer des engagements écrits en matière de confidentialité.
[Traduction]
Il est vrai qu'il n'existe pas de garantie que ces engagements seront toujours respectés. J'estime, toutefois, que la nature collégiale de ce processus, l'envergure et la réputation des membres du comité consultatif, ainsi que l'importance nationale de cette tâche dissuaderont les personnes d'enfreindre ces obligations. Une personne qui déciderait d'entraver un processus aussi important, ce qui risquerait de porter préjudice à certaines personnes et à l'institution de la Cour, ferait face à une condamnation publique importante. Ce serait par ailleurs un élément dissuasif contre tout méfait de ce genre.
À l'issue des délibérations, le comité consultatif remettrait au ministre une liste courte et confidentielle de trois noms, accompagnée de commentaires sur les points forts et les points faibles des candidats dont les noms y figurent. De plus, le comité remettrait au ministre un compte rendu complet des résultats des consultations et de toute autre documentation sur laquelle il s'est fondé. Si, pour une raison quelconque, le ministre pensait que le compte rendu des consultations était incomplet, il pourrait demander au comité consultatif de mener d'autres consultations.
La troisième étape du processus vise la nomination d'une personne choisie à partir de la liste courte. Le ministre bouclerait les consultations concernant la liste courte et présenterait une recommandation au premier ministre. Sauf dans des circonstances exceptionnelles, le nom du candidat nommé sera tiré de la liste courte. La réserve « circonstances exceptionnelles » constitue une soupape de sécurité. Elle vise principalement à reconnaître la réalité juridique de la responsabilité ultime qui incombe au Cabinet de procéder à ces nominations.
Mais cela repose également sur une raison d'ordre pratique. Pour mettre en vigueur ce nouveau processus, le gouvernement fait un grand pas en avant. Nous ne pouvons simplement pas prévoir toutes les possibilités et tout ce qui peut arriver dans l'avenir. Il se peut par exemple, et j'espère que cela n'arrivera jamais, que le processus du comité consultatif soit entravé dangereusement par des fuites importantes. Dans de tels cas, le gouvernement aurait non seulement le droit, mais aussi la responsabilité de mettre fin au processus et de procéder à la nomination comme il l'a fait jusqu'à présent.
[Français]
Il serait très rare que le gouvernement procède à la nomination d'un candidat en dehors de la liste courte, et ce, pour trois raisons. Premièrement, le gouvernement ne voudrait pas faire face à de vives critiques de la population devant l'exercice de ce pouvoir. Deuxièmement, la décision de nommer un candidat dont le nom ne serait pas sur la liste courte saperait grandement la crédibilité du processus de nomination. Troisièmement, l'exercice d'un tel pouvoir pourrait dissuader d'éminents Canadiens de participer à des comités consultatifs. Il suffit de vous interroger sur les raisons qui pousseraient un membre du comité consultatif à faire tout ce travail s'il y avait vraiment un risque que le gouvernement ignore les recommandations du comité.
[Traduction]
Pour ces raisons, il me semble que ce recours serait tout à fait extraordinaire et je ne m'attendrais pas à ce qu'il soit jamais utilisé.
À la quatrième et dernière étape, après la nomination, le ministre comparaîtrait devant le comité de la justice pour expliquer le processus de sélection et exposer les qualités personnelles et professionnelles de la personne retenue. Cela ressemblerait à ma comparution devant le comité spécial l'été dernier, bien que dans cette proposition, cela suit trois autres étapes—la consultation, l'évaluation et la participation—comme nous l'avons vu. Le comité spécial n'a pas adopté cette mesure, mais il a recommandé que l'on procède de cette façon. C'est pourquoi nous en avons fait un élément intégral et important pour notre proposition.
[Français]
Bien que ce processus ait été critiqué l'année dernière, je crois qu'il a donné à la population une idée du processus et des candidats. Ce processus ne peut que rehausser la transparence et la compréhension du processus par le public, ainsi que les qualités que tout nouveau juge apportera à cette institution nationale si cruciale.
Á (1135)
[Traduction]
Monsieur le président, cela conclut ma description détaillée de la proposition du gouvernement.
Monsieur le président, membres du comité, je voudrais remercier de nouveau les nombreuses personnes—de mon ministère et à l'extérieur de celui-ci—qui ont contribué aux discussions des plus précieuses qui ont inspiré cette proposition. De même, les audiences devant ces deux comités de l'an dernier ont été extrêmement utiles pour éclairer les divers points de vue et les diverses options, tout en faisant ressortir certaines difficultés rencontrées dans le cadre de cet important exercice. Même s'il existe un nombre infini de moyens de résoudre cette question, et je les reconnais, j'estime que la proposition du gouvernement est celle qui concilie le mieux tous les facteurs pertinents.
Monsieur le président, la Cour suprême du Canada est, comme je l'ai mentionné, le pilier de notre démocratie constitutionnelle. Elle mérite, tout comme le Parlement et le public, un processus de nomination digne d'elle, de son excellence, et du respect qu'on lui porte. Nous estimons que cette proposition, qui prévoit la participation et la contribution des parlementaires, des provinces et de la population, remplit exactement ces conditions.
Merci de votre intérêt. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Passons maintenant au premier tour de table. M. Toews.
M. Vic Toews (Provencher, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci d'être venu témoigner devant nous, monsieur le ministre.
Cette proposition soulève à mon avis trois grandes préoccupations. Dans le choix des candidats éventuels, nous avons constaté par le passé que le ministre ou le gouvernement choisissent huit personnes et demande ensuite au comité de faire son choix parmi les candidats déjà choisis. Aucun comité parlementaire n'a vraiment son mot à dire, même le comité qui a été créé à cette fin. Tout ce qu'on demande à ce comité, c'est de choisir une personne sur une liste que le gouverneur en conseil a déjà dressée. Cette façon de procéder n'est donc pas particulièrement intéressante; elle confirme simplement le choix du gouvernement ou du ministre.
Deuxièmement, lorsque le ministre comparaît devant le comité pour expliquer ce qu'il a fait, le comité est foncièrement autorisé à écouter et à faire une analyse a posteriori de ce qu'a fait le ministre. Là encore, le comité n'a pas vraiment son mot à dire.
Et ensuite, aussi grave que soient ces deux premières lacunes de la proposition, la troisième est encore bien plus troublante. Il s'agit de l'absence de tout débat public significatif dans ce processus. L'autre jour, le gouvernement nous a soumis une candidature, celle d'un certain Glen Murray, pour un poste dans le domaine de l'environnement. Le candidat s'est présenté devant le comité, nous l'avons interrogé, et je me suis dit que si le gouvernement estimait qu'il était suffisamment important de faire comparaître en public un membre d'un comité de l'environnement, il serait encore bien plus important de faire l'examen public des candidatures à la Cour suprême.
Je ne dis pas que ces candidats devraient subir un interrogatoire sans limite. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il n'y a aucun interrogatoire. Il n'y a aucune consultation publique. On demande simplement au comité des candidatures de retenir un nom parmi cinq ou huit candidats choisis par le gouvernement. En quoi cette façon de procéder diffère-t-elle de la méthode actuelle?
En ce qui a trait à l'aval des autorités provinciales, qui existe déjà d'une façon ou d'une autre, et à l'aval de députés, qui s'inscrira dans un processus confidentiel à huis clos, dans lequel les députés devront signer une entente de non-divulgation, quel changement important a-t-on apporté?
Je dois avouer, monsieur le ministre, que je suis déçu de ce que vous n'ayez pas corrigé les trois problèmes les plus criants de cette proposition.
L'hon. Irwin Cotler: Monsieur le président, j'espère que le député cessera d'être déçu une fois qu'il aura examiné la proposition. Il faut avouer que certains des postulats de sa question ne sont pas exacts quant aux faits. J'apprécierais que le député ait la courtoisie de m'autoriser à lui répondre.
Permettez-moi de passer en revue vos arguments—et je suis heureux que vous les ayez mentionnés—dans le même ordre, pour essayer d'y répondre.
Pour commencer, vous avez dit qu'on vous a présenté une liste de cinq à huit noms à partir de laquelle le comité doit choisir trois candidats, sans la participation du comité consultatif, et que tout cela n'est en fait que le droit du comité consultatif de limiter la liste des candidats choisis par le gouvernement ou de confirmer le choix du gouvernement. C'est à mon avis une fausse interprétation de ce que j'ai essayé de vous présenter. Vous pouvez ne pas être d'accord, et je respecte votre opinion, mais il faut se fonder sur les faits.
Et voici quels sont les faits. Dans le cas de la première étape, le choix de cinq à huit candidats se fait après la tenue de consultations au cours desquelles vous pouvez faire des propositions; n'importe qui peut faire des propositions; la population y est expressément invitée, comme je l'ai dit dans ma déclaration; n'importe quel organisme... Il ne s'agit pas de confirmer une liste de candidats proposée par le gouvernement...
Pardon? Je ne vous ai pas interrompu quand vous posiez vos questions.
Á (1140)
M. Vic Toews: Non, mais vous avez eu une demi-heure pour vous expliquer. Je ne dispose que de cinq minutes.
Ce qui m'inquiète, monsieur le ministre—par votre entremise, monsieur le président—, c'est que vous pouvez consulter qui bon vous semble. En fin de compte, les noms inscrits à la liste sont décidés par le ministre ou par le premier ministre. Le ministre peut consulter qui il veut. Il n'y a pas de participation réelle, et la liste est établie par le ministre.
L'hon. Irwin Cotler: Si le député veut bien me permettre de conclure, je pourrais même répondre à cette question.
Outre le fait que le ministre est chargé d'appliquer un processus comprenant de grandes consultations effectuées selon un protocole public quant au choix des personnes consultées—nous ne faisons pas de consultations à l'aveuglette au sujet d'une liste préétablie—, nous demandons au juge en chef du Canada quels candidats il recommande en fonction des compétences dont la Cour suprême a besoin. Nous demandons également leur avis aux juges en chef des provinces ou des régions en cause. Nous consultons les procureurs généraux des provinces ou des régions visées. Nous consultons les dirigeants des barreaux des provinces ou des régions en cause. Nous demandons l'avis de l'Association du Barreau canadien dans chaque cas. Et nous consultons également la population, que nous invitons à présenter des propositions. L'idée que tout cela est arbitraire et mené en secret est une interprétation absurde de ce processus.
J'ai également mentionné que si la liste de cinq à huit noms vous semble insuffisante, si vous souhaitez y ajouter des candidats, vous pouvez le faire. Le comité consultatif est autorisé à proposer...
M. Vic Toews: Monsieur le ministre, vous avez dit que cela s'appliquerait dans des cas exceptionnels.
L'hon. Irwin Cotler: Pas du tout. Lisez mon...
M. Vic Toews: C'est ce que vous avez dit dans le témoignage que vous nous avez présenté.
L'hon. Irwin Cotler: Monsieur le président, cela prouve que le député confond différents éléments. Au sujet de la liste de trois candidats, j'ai dit qu'après avoir déterminé qui nous choisirions à partir de cette liste, dans des circonstances exceptionnelles, dans le rare cas où il y aurait eu une fuite de renseignements qui aurait pu nuire au processus... Nous aurions des comptes à rendre si nous nous écartions de cette liste, mais j'ai dit que j'espérais que cela ne se produirait jamais.
Mais pour le reste, j'ai dit de façon distincte que lorsque vous étudiez la liste des cinq à huit candidats, vous pouvez recommander la candidature d'une autre personne qui ne figure pas à cette liste.
C'est pour cette raison que je dis que vous interprétez mal la proposition, mais je vais tenir compte de ce que vous n'avez pas eu l'occasion de bien comprendre ce que j'ai dit en français à propos de la consultation publique. Cela s'est peut-être perdu dans la traduction, je n'en suis pas certain.
Pour ce qui est de la quatrième étape, c'est-à-dire de la comparution du ministre devant le comité parlementaire, vous avez dit qu'il s'agissait d'examiner a posteriori ce que le ministre a fait. C'est un examen a posteriori de ce que vous avez fait. C'est le comité consultatif qui fait le travail à la deuxième et à la troisième étape. C'est vous qui tenez... Si vous tenez à minimiser votre propre rôle, vous pouvez le faire, mais...
M. Vic Toews: Monsieur le ministre, permettez-moi de vous interrompre à ce sujet.
Le président: Il ne s'agit pas d'un débat. Vous lui avez posé des questions et il y répond. Vous aurez le temps de poser d'autres questions plus tard. Sinon, cet échange durera toute la journée.
Á (1145)
M. Vic Toews: Monsieur le président, je soumets respectueusement que je dispose de cinq minutes.
Le président: Votre temps est écoulé; vous avez eu huit minutes. Je veux entendre les réponses, et vous pourrez poser vos questions au prochain tour de table. Sinon, nous n'en sortirons pas.
L'hon. Irwin Cotler: Vous avez posé trois questions, monsieur Toews.
M. Vic Toews: Monsieur le président, j'essaie simplement d'obtenir des précisions quant aux observations du ministre, car il dresse un tableau fautif...
Le président: Laissez-le répondre, puis vous aurez un autre tour pour y revenir.
L'hon. Irwin Cotler: Vous avez posé des questions, j'essaie d'y répondre. Les questions sont un peu interreliées. Une fois que j'y aurai répondu, vous pourrez m'en poser d'autres plus tard.
Je n'ai rien à cacher. Je vous présente une proposition que j'estime sérieuse. J'aimerais que vous y accordiez le sérieux qu'elle mérite, même si vous n'êtes pas d'accord avec elle. Je suis prêt à respecter votre désaccord.
Mais pour ce qui est de la question de l'examen a posteriori de ce qu'a fait le ministre, si c'est de cette façon que vous souhaitez le décrire, il s'agit de l'examen de ce que le comité consultatif lui-même a fait.
Enfin, vous avez dit qu'il n'y avait pas de débat public dans ce processus. Comme je l'ai dit, nous commençons par inviter la population à participer au choix initial des candidats. Il y a ensuite une autre consultation publique par l'entremise du comité consultatif, y compris le fait que pour la première fois, deux citoyens qui sont ni députés ni avocats pourront siéger au sein du comité consultatif.
Vous demandez ensuite comment tout cela est différent de ce qui s'est fait jusqu'à présent. Eh bien, on dirait que vous n'avez rien entendu de ce que j'ai dit.
Vous pouvez désapprouver ce que j'ai dit, mais vous ne sauriez affirmer que j'ai présenté un processus identique à ce qui s'est fait jusqu'à maintenant. Le processus actuel consistait-il, dans sa première étape, à tenir de vastes consultations à partir d'une liste initiale de cinq à huit candidats? Un comité consultatif était-il chargé de consulter, et d'évaluer et de participer de façon aussi approfondie que nous l'avons proposé? Le processus actuel permet-il à un comité consultatif d'examiner cinq à huit candidatures, d'en proposer d'autres et de prendre sa propre décision pour ce qui est de retenir les noms de trois candidats? Êtes-vous en train de dire que tout cela s'est déjà fait?
Vous avez parlé de confidentialité, et oui, c'est exact, il faut respecter la confidentialité, non le secret, du processus.
M. Vic Toews: Quand vous avez comparu devant notre comité il y a un an ou six mois, vous avez dit que le processus n'est pas secret; en réalité, il est obscur. Vous avez ensuite parlé des consultations auprès de la Cour suprême.
Je n'ai rien constaté de différent dans ce que vous avez dit aujourd'hui, comparativement à la dernière fois. Il ne suffit pas de coucher tout cela sur du beau papier et d'en faire un document un peu plus épais pour changer le fond des choses—c'est une chose qui m'inquiète beaucoup. Votre proposition, ce n'est rien de plus que le choix par un ministre libéral et par un premier ministre libéral de huit candidats. On demandera ensuite au comité de choisir un des huit candidats libéraux, par exemple... s'il y avait huit juges libéraux.
Une voix : Bravo!
M. Vic Toews : Ce n'est rien d'autre.
L'hon. Irwin Cotler: Monsieur le président, il serait utile que le député puisse pendant un instant se départir de son esprit partisan et de sa personnalité politique pour examiner les avantages de la proposition.
Il n'y a de correspondance à la procédure actuelle qu'à l'étape initiale, et là encore on y a apporté des perfectionnements pour y inclure, à la fin de la première étape de consultation, une liste de cinq à huit candidatures qui sera ensuite soumise au comité consultatif.
Toute la participation du comité consultatif est de nature représentative en ce qui concerne la composition du comité, qui comprend des représentants de la population, mais plus encore, en ce qui concerne les consultations qui sont tenues pour évaluer les candidats inscrits à la liste et recommander au ministre trois candidatures abrégées... cela n'a jamais fait partie de quelque proposition qui ait été présentée à quelque législature que ce soit. M. Toews devrait au moins le reconnaître.
Le président: Merci.
M. Vic Toews: J'invoque le Règlement. Je suis sûr que le ministre ne voulait pas dire que seules les candidatures abrégées seraient examinées, les autres aussi.
Le président: Merci.
M. Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre, d'être ici aujourd'hui.
À l'heure actuelle, la façon de nommer les juges à la Cour suprême est déterminée par deux documents juridiques: la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur la Cour suprême.
Les cinq points suivants proviennent de ces deux documents: premièrement, les juges de la Cour suprême sont nommés par le gouverneur en conseil; deuxièmement, tout juge ou ancien juge d'une cour supérieure provinciale ou avocat inscrit au barreau d'une province depuis au moins 10 ans peut être nommé juge à la Cour suprême; troisièmement, au moins trois des juges de la Cour suprême doivent être du Québec et, par convention, trois juges sont de l'Ontario, deux de l'Ouest et un de l'Atlantique; quatrièmement, cinq juges constituent le quorum; cinquièmement, les juges occupent leur poste à titre amovible jusqu'à l'âge obligatoire de la retraite, fixé à 75 ans.
C'est le cadre juridique actuel.
Dans ce contexte, qu'est-ce qui vous aurait empêché de préciser — et je sais que vous me voyez venir — que cette liste originale devrait être fermée et qu'elle devrait provenir de la province ou de la région où il y a un poste vacant à la cour?
Á (1150)
L'hon. Irwin Cotler: Vous parlez de la première étape, celle de l'identification des candidats, n'est-ce pas? D'accord.
À cette étape, n'importe quel gouvernement provincial peut suggérer des noms de personnes pour que celles-ci soient évaluées et incluses dans la première liste soumise par le ministre de la Justice au comité consultatif. La province peut donc contribuer à la première étape et continuer à le faire de façon constante lors des étapes subséquentes par l'intermédiaire de représentants siégeant au comité consultatif. Au cours de la deuxième étape, il s'agit de cibler des postes vacants dans une région ou province par le biais de consultations avec les représentants du gouvernement de cette province, en l'occurrence les parlementaires.
Il y a donc des dispositions qui prévoient la contribution de chacune des provinces. Quant au Québec, comme je l'ai dit quelques fois à l'extérieur de ce comité, ce n'est pas une province comme les autres. Son système juridique est fondé sur le droit civil. Nous en sommes conscients et y sommes sensibles, tout comme nous sommes sensibles à l'importance de la contribution du Québec en regard de ce système juridique qui lui est propre.
M. Richard Marceau: Je comprends de vos explications, monsieur le ministre, que la contribution provinciale est une contribution parmi d'autres. Pour le comité consultatif, par exemple, elle pourrait avoir la même valeur que celle d'un membre du public ou celle d'un Barreau.
L'hon. Irwin Cotler: En un sens, vous avez raison. Il s'agit de la même contribution que celle des autres provinces puisque nous avons, à l'égard de cette démarche, élargi et augmenté la contribution de chacune des provinces. C'est un renforcement des pouvoirs de toutes les provinces. Lorsqu'on parle de l'accroissement de la contribution du Québec, on doit être sensible particulièrement à la spécificité juridique du Québec lors de ces consultations. Le gouvernement du Québec — comme les autres provinces, je vous l'accorde — peut participer à toutes les étapes: d'abord à la recommandation d'inclure certaines personnes sur la liste, et ensuite au choix des personnes qui seront sur la liste courte. Dans tout le processus de consultation et d'évaluation, il est très important qu'il y ait, pour toutes les provinces, un accroissement de leur participation et, dans le cas du Québec, une sensibilisation à la contribution spécifique de son système juridique.
M. Richard Marceau: Dans un système fédéral comme le nôtre, en attendant qu'il y ait un changement au statut du Québec, la Cour suprême est l'arbitre suprême des conflits de juridiction entre les niveaux de gouvernement. Or, en regardant votre proposition sur la façon dont l'arbitre serait choisi, on constate qu'à la première étape, le gouvernement fédéral fait des consultations. Une des entités consultées est le gouvernement du Québec, par exemple. Le rôle du gouvernement fédéral est déjà très important par rapport à celui des provinces.
À la deuxième étape, pour le comité consultatif, la province est une entité parmi tant d'autres. À la troisième étape, c'est encore le ministre — donc vous ou votre successeur — qui fera, avec le premier ministre, le choix final. Dans la proposition que vous nous faites, pour le choix de l'arbitre suprême dans un conflit de juridiction entre les provinces et le gouvernement fédéral, il y a un déséquilibre très important entre les niveaux de gouvernement. Non seulement doit-il y avoir justice, mais il doit y avoir également apparence de justice; il me semble qu'il faut un bien meilleur équilibre dans le choix des personnes qui trancheront les conflits de juridiction. C'est à cause de cela, je dois vous le dire, que je ne pourrai pas appuyer la réforme que vous nous proposez aujourd'hui.
Á (1155)
L'hon. Irwin Cotler: Je comprends votre position ainsi que la raison pour laquelle vous la maintenez. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que la Cour suprême est un arbitre dans les conflits entre le gouvernement fédéral et les provinces. Cependant, l'expérience et les études ont démontré que c'était un arbitre très impartial, qui avait vraiment prouvé son excellence à cet égard.
Nos nominations sont ici basées sur le mérite. Elles ne le sont pas sur des intérêts qui seraient autres que le mérite; nous ne nous intéressons pas à l'idéologie politique. Ce n'est pas l'approche adéquate pour nommer des juges à la Cour suprême du Canada. Le gouvernement du Québec, comme les autres gouvernements, peut suggérer des personnes qui, à son avis, possèdent les qualités professionnelles et les aptitudes requises, donc des candidats de mérite. C'est ce que nous désirons et ce que nous voulons atteindre par ce processus.
Le président: Merci, monsieur le ministre et monsieur Marceau.
Madame Neville.
[Traduction]
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, merci de votre témoignage d'aujourd'hui et merci beaucoup de votre proposition qui, à mon avis, est bien pensée, très complète, et inclut une grande partie de la population.
Ce qui me préoccupe, c'est la question de la confidentialité, la conciliation de la confidentialité et de la transparence. Je définirais ce qui est proposé comme étant confidentiel et non secret, comme vous l'avez dit. J'ai été pendant de nombreuses années membre non-juriste du Barreau du Manitoba et j'ai participé à un grand nombre de discussions confidentielles au sujet de la profession. Ces discussions n'étaient pas secrètes, mais elles étaient confidentielles, même si elles exigeaient également un certain degré de transparence.
J'aimerais donc savoir comment, à l'heure actuelle, le ministère trouve un juste milieu entre la nécessité de la transparence et la nécessité de tenir des délibérations confidentielles, lorsque les juges sont nommés. Et j'irai un peu plus loin en vous demandant si des sanctions seront exercées contre ceux qui seraient responsables de fuites de renseignements.
C'est un processus important. Nous voulons pouvoir présenter les meilleurs candidats. Nous voulons un système qui respecte le régime parlementaire de gouvernement. Comment peut-on garantir le maintien de la confidentialité parallèlement à la transparence?
L'hon. Irwin Cotler: Disons qu'actuellement, avant cette proposition et dans le cadre du processus actuel de nomination, le principe de la confidentialité est quelque chose qui doit être respecté par toutes les personnes que je consulte en vertu du protocole public, ainsi que par moi-même. Il y a peu de risque de fuite puisque les personnes que je consulte, les juges en chef et les procureurs généraux, ne risquent guère d'enfreindre ce principe et que j'enfreindrais mes propres responsabilités si j'étais moi-même l'auteur de fuites.
Si la confidentialité devient quelque chose d'aussi important, c'est parce que nous parlons d'un rôle sérieux, complet et soutenu pour un comité consultatif qui procédera—ce ne sera pas le ministre—à tout un éventail de consultations. Le risque de fuites—et nous espérons bien qu'il n'y en aura absolument pas—est plus grand quand on a affaire à un groupe consultatif de neuf personnes qui consultent une myriade d'interlocuteurs que lorsque c'est simplement un ministre qui consulte un groupe désigné. C'est une question de mathématiques.
Il n'est pas question ici d'un processus secret; le processus sera public. La nature de ce processus sera connue. On connaîtra les quatre étapes du processus. On saura qui est consulté. On saura quels seront les critères utilisés pour l'identification initiale des candidats et quels seront les critères utilisés par le comité consultatif. On connaîtra tout cela. La seule chose qui devra rester confidentielle, ce sont les conversations elles-mêmes qui se dérouleront lors de ces consultations, mais pas le processus, pas l'identité des personnes consultées, pas les quatre étapes, etc.
Si l'on ne peut pas donner aux membres du comité et aux personnes qu'il consultera la garantie que tout ce qu'elles diront demeurera confidentiel, elles hésiteront peut-être à s'exprimer en toute franchise. De même, si l'on ne garantit pas aux candidats qui ont accepté de proposer leurs noms que tout ce qui sera dit à leur sujet restera confidentiel, ils risquent de refuser de s'inscrire.
Ce qui est en jeu ici, c'est la réputation des juges, l'intégrité des tribunaux, l'intégrité du processus parlementaire et l'intégrité du rôle du comité consultatif. J'espère donc que compte tenu des personnalités concernées et du sérieux du processus ainsi que de l'importance de l'institution en jeu, la Cour suprême, tous les intervenants respecteront la confidentialité des conversations, des évaluations, etc. Mais en dehors de cela, tout le processus sera entièrement public.
 (1200)
Mme Anita Neville: Merci.
Le président: Merci.
M. Moore.
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC): Merci d'être venu nous rencontrer, monsieur le ministre.
Je dois dire qu'en tant que nouveau député, je suis assez déçu par ce que je constate ici. J'aimerais avoir quelques explications.
Notre comité a présenté des recommandations qui me semblent mûrement réfléchies. Nous avons eu un large consensus sur bon nombre de ces recommandations, et l'une d'entre elles était qu'un comité dresse et propose une liste de candidats. Or ce qui se passe ici, c'est que vous avez un pouvoir entièrement discrétionnaire et un contrôle total au début et à la fin du processus. Au début, vous élaborez une liste, comme cela a toujours été le cas, par des moyens que les Canadiens ne comprennent pas, et le processus manque beaucoup de transparence. J'y reviendrai dans un instant.
Vous dressez une liste de candidats, vous demandez à un comité de l'examiner, vous réduisez un peu cette liste, et vous vous prononcez finalement à partir de cette liste courte. Donc c'est vous qui tirez les ficelles au début et à la fin du processus, et c'est finalement votre candidat qui sera le prochain juge.
Je vous invite à examiner deux choses. Vous parlez de toutes ces suggestions provinciales et de ces vastes consultations. Je vais faire une comparaison avec quelque chose de récent. Prenez le cas de l'Alberta : les Albertains ont proposé des sénateurs pour leur province. Le gouvernement libéral a-t-il tenu compte de ce choix? C'est donc la première de mes questions : pourquoi les citoyens canadiens devraient-ils croire qu'on va vraiment accorder un poids réel aux suggestions formulées dans l'intérêt des provinces?
Par ailleurs, je suis allé en Israël où j'ai visité la Cour suprême. On m'a expliqué tout le processus et précisé que c'était le comité consultatif qui votait en dernière analyse, et que ce comité consultatif était constitué de tout un éventail de personnes, des profanes, des membres de la Knesset et des membres de la magistrature. Ce sont eux qui choisissent la prochaine personne qui va être nommée.
Quand j'ai expliqué à ma guide la procédure utilisée au Canada pour choisir les juges, elle a été scandalisée. Elle ne le croyait pas. Elle n'en revenait pas d'apprendre que cette décision était laissée à l'entière discrétion du ministre de la Justice et du premier ministre. Je sais que vous connaissez bien le régime israélien, et j'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.
Ce que je voudrais savoir, c'est pourquoi vous devez avoir le contrôle total au début et à la fin du processus? Pourquoi ne feriez-vous pas ce qui se fait dans d'autres pays et ce que notre comité a recommandé, c'est-à-dire donner le véritable contrôle à un groupe qui devrait à mon avis être constitué d'individus très divers qui pourraient sérieusement intervenir dans la sélection, au lieu de vous contenter de réduire votre propre liste pour prendre vous-même la décision à la fin?
J'aimerais entendre votre réponse à ces deux questions.
 (1205)
L'hon. Irwin Cotler: Je vous remercie de ces questions.
Tout d'abord, je déplore la façon dont vous décrivez ou vous travestissez le processus. Vous parlez par exemple de pouvoir discrétionnaire total et de contrôle sans entrave au début du processus. Non seulement vous déformez mon rôle dans ce processus... Il n'y aurait pas d'entrave, si vous voulez, si nous n'avions pas de processus du tout, et nous pourrions effectivement le faire avec le cadre constitutionnel actuel, puisque la Constitution autorise l'exécutif à prendre cette décision. Ce n'est pas un pouvoir sans entrave. Vous pouvez le dire, mais c'est quelque chose qui se fait dans le respect de la Constitution.
Il faut donc être bien conscient de ce cadre constitutionnel. Si j'allais trouver le premier ministre en lui proposant un nom et qu'il nommait cette personne en s'appuyant sur ma recommandation et que le Cabinet approuvait sa décision, nous respecterions la Constitution. Ce n'est pas ce que nous voulons faire. Nous souhaitons ouvrir le processus, le démocratiser, et nous voulons prendre au sérieux les recommandations qui seront faites.
Donc non seulement vous présentez une vision déformée de tout le processus en disant qu'il n'y a pas de processus, que nous faisons comme si... Et nous agissons comme la Constitution nous autorise à le faire, mais ce qui est surtout important, c'est que vous portez atteinte à l'intégrité du processus.
Pensez-vous que si je vais consulter le juge en chef de la Cour suprême du Canada, les juges en chef des cours régionales et les procureurs généraux des provinces, je vais dire que je me moque éperdument de ce qu'ils ont à me dire? Vous pensez que je vais dire que je vais dresser de toute façon ma liste de cinq ou huit personnes en me moquant éperdument de ces consultations? Ce n'est pas comme cela que les choses se passent. Ce n'est pas comme cela que le droit fonctionne. On procède de cette façon parce qu'on respecte l'opinion des personnes que l'on consulte.
M. Rob Moore: Monsieur le ministre, quelles garanties avons-nous ou quelles modalités sont-elles en place pour garantir que l'on accorde de l'importance à la consultation? J'ai utilisé l'exemple des élections au Sénat. On dispose d'une latitude absolue : vous présentez huit candidatures; ce sont vos choix et on finira pas retenir la candidature de l'une de ces personnes—une ou deux, selon le nombre de postes, qui deviendra juge de la Cour suprême du Canada.
Notre rôle, le cas échéant, se situe au stade intermédiaire et consiste à circonscrire vos choix plutôt qu'à proposer des candidatures, comme le ferait un comité consultatif et comme l'a recommandé notre comité. Bien entendu, vous seriez également consultés dans ce processus qui est recommandé, mais c'est vous qui contrôlé la situation au début et à la fin de sorte qu'au bout du compte le résultat obtenu sera la nomination du candidat que vous avez choisi. Nous ignorons—et il n'existe aucun moyen d'évaluer—l'importance que l'on accorde à ces propositions.
L'hon. Irwin Cotler: Tout d'abord, vous avez raison. Vous jouez un rôle consultatif; il ne s'agit pas d'un mécanisme de conseil et de consentement comme celui qui existe aux États-Unis. Nous avons une Constitution différente ici au Canada. Nous sommes en train d'ouvrir cette Constitution, qui confère aujourd'hui le pouvoir à l'exécutif, pour que puisse intervenir sérieusement un comité consultatif qui sera composé de personnes venant de différents horizons et ayant un rôle sérieux à jouer, comme je viens de le décrire.
Je tiens simplement à dire qu'au début du processus, rien ne vous empêche personnellement de faire des recommandations. Il n'y a rien même qui en empêcherait la guide touristique dont vous parliez, même si je préférerais me fier à un guide touristique pour me présenter les sites archéologiques d'Israël plutôt que pour me faire des instances au sujet de ce processus. Ce que je suis en train de dire c'est que n'importe quel citoyen peut présenter ses observations.
Ceux que nous avons identifié dans le protocole public sont les personnes que nous devons consulter, et j'ai indiqué de qui il s'agit. Ils représentent un puits d'expérience et de savoir qui tout au long de l'histoire de la Confédération nous a permis d'avoir la meilleure Cour suprême au monde, un modèle d'excellence, de mérite, d'impartialité et de choses de cette nature. Le processus qui a existé jusqu'ici, avant que nous fassions appel à des comités consultatifs, a permis de constituer une Cour suprême exemplaire. Il n'y a donc eu aucune politisation jusqu'à présent. Il ne s'agissait pas uniquement du choix du ministre.
Et lorsque vous dites...
 (1210)
M. Rob Moore: Si vous me le permettez, j'aimerais intervenir. C'est la façon dont vous voyez les choses, et je crois que c'est la raison pour laquelle vous hésitez à apporter des changements de fond à cet égard. Vous avez parlé des États-Unis. Je parle d'Israël, où un comité similaire...
Le président: Le ministre peut répondre à cette question maintenant.
L'hon. Irwin Cotler: Je crois connaître assez bien le processus en vigueur en Israël. J'ai comparu devant des comités parlementaires là-bas pour ce qui est de faire la comparaison entre nos deux systèmes. Je dois vous dire qu'il existe des critiques en Israël au moment même où nous nous parlons en ce qui concerne la politisation indue causée par ce processus. Certains pensent que l'on devrait peut-être envisager le type de processus que je vous propose ici aujourd'hui.
Il est possible que la guide touristique ne soit pas au courant de cet aspect particulier des discussions qui se déroulent à l'heure actuelle en Israël. Autrement dit, on envisage d'adopter le système que je suis en train de vous proposer, tandis que vous êtes en train de dire que nous devrions adopter leur système, qui fait actuellement l'objet de certaines critiques.
Chaque système—et c'est-là l'important—, chaque processus doit s'ancrer dans la culture juridique de la société en question, dans son cadre constitutionnel, dans sa culture juridique et dans la conscience générale de l'histoire et de la vie sociale de ce pays. Au Canada, nous avons un cadre constitutionnel distinct de celui qui existe aux États-Unis et distinct de celui qui existe en Israël, et je dois avouer que notre cadre constitutionnel me plaît. Nous avons un système parlementaire de gouvernement qui diffère de celui qui existe aux États-Unis. Nous n'avons pas de Congrès, nous n'avons pas un régime présidentiel qui a une fonction de conseil et de consentement. Nous proposons aujourd'hui un système qui, à mon avis, offre au comité consultatif, offre au Parlement, offre aux provinces et offre au public, selon les modalités que j'ai décrites, une occasion d'apporter une contribution importante.
Le président: Je vous remercie.
Nous devons passer au suivant.
M. Macklin.
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aussi aux témoins qui sont venus aujourd'hui nous parler de cette notion.
J'aimerais sonder un peu le terrain. Pour commencer, jusqu'où avez-vous poussé les consultations à ce sujet auprès des procureurs généraux des provinces, et quelle a été leur réaction, si réaction il y a eu, jusqu'à présent? Comment prennent-ils la façon dont vous allez procéder, surtout dans un contexte régional, comment perçoivent-ils la façon dont vous allez pouvoir déterminer qui va être le représentant ou qui va défendre les intérêts régionaux.
Outre cela, rien dans cette proposition ne parle d'une participation des territoires. Y en aura-t-il une?
L'hon. Irwin Cotler: Pour commencer, en ce qui concerne les consultations, j'ai régulièrement des pourparlers avec mes homologues provinciaux depuis le tout début du processus. Mes collègues sont au courant du rapport du comité, et nous avons discuté ensemble du tout premier rapport du comité qui recommandait la constitution d'un comité consultatif. Je pense que cela avait été adopté et d'ailleurs, cela aurait été la solution que tous les procureurs provinciaux auraient privilégiée pour démocratiser le processus.
Nous avons également eu des pourparlers après les travaux du comité spécial, des travaux qui, j'en conviens d'ailleurs tout comme eux, étaient insuffisants du point de vue du temps qui avait été consacré et du point de vue aussi des critères de transparence, de responsabilisation, de participation et tout ce qui s'ensuit, critères rendus nécessaires par la situation qui prévalait à l'époque du fait des vacances de postes fortuites à la Cour suprême. Et depuis lors, nous en discutons également dans le but d'en arriver à cette proposition.
J'ai fait part à mes homologues, tant que je pouvais le faire sans déroger au respect que j'ai pour le processus parlementaire, de certains des éléments fondamentaux de cette proposition. Je ne pouvais pas leur communiquer la teneur de la proposition, vous le comprendrez fort bien, mais ils l'ont maintenant reçue. J'ai écrit à chacun de mes homologues provinciaux juste avant cette réunion aujourd'hui, et dans cette lettre, je leur ai fait part de cette proposition avec tous les détails nécessaires. Le texte intégral de la proposition est maintenant entre les mains de tous les procureurs généraux des provinces. Dans les discussions que j'ai eues avec eux, je leur avais dit que je me remettrais en rapport avec eux lorsqu'ils auraient eu le temps d'analyser suffisamment les propositions que vous avez ici sous les yeux dans le contexte du Parlement.
Mais je n'ai pas arrêté d'en discuter avec eux. Ils m'ont donné leur avis, j'en ai tenu compte dans cette proposition, et je voudrais d'ailleurs reconnaître ici publiquement leur participation comme je l'ai fait dans mon exposé liminaire.
S'agissant de territoires, dans le contexte constitutionnel actuel, les territoires n'ont pas le même statut pour un processus comme celui-ci, mais il n'empêche que je me suis entretenu avec leurs responsables. Il y a encore quelques jours, j'en ai parlé au ministre compétent des Territoires du Nord-Ouest, c'est un exemple que je vous donne, et là aussi, je lui ai fait part des grandes lignes du processus, mais pour des raisons que vous comprendrez fort bien, je ne suis pas entré dans les détails.
 (1215)
L'hon. Paul Harold Macklin: S'agissant de la première phase du processus, certaines questions pourraient venir à l'esprit. Pour commencer, pourquoi d'abord limiter le nombre des candidats dont les dossiers seront étudiés par le comité. En second lieu, pourquoi le comité n'est-il pas purement et simplement indépendant, pourquoi ne peut-il de sa propre volonté choisir et juger les candidatures qui, selon lui, devraient figurer sur cette liste qui vous est remise?
L'hon. Irwin Cotler: En ce qui concerne la première question sur le nombre de candidats, ce nombre n'est pas coulé dans le béton. Nous sommes prêts à faire preuve de souplesse à ce sujet, et tout dépendra de la province ou de la région en cause. Pour une province plus grosse comme l'Ontario, la liste pourrait aller jusqu'à huit ou dix. Pour une région plus petite, la liste pourrait être plus courte. Ce n'est donc pas une position irréductible. Nous avons simplement dit qu'il y en aurait entre cinq et huit.
S'agissant de l'indépendance du comité et de la raison pour laquelle nous ne confions pas ce dossier à un comité indépendant en lui demandant de choisir et d'évaluer les candidatures qu'il juge méritoires, la réponse doit ici faire intervenir à la fois une question de principe et une question de commodité.
Sur la question du principe, comme je l'ai déjà dit, le gouvernement a non seulement le pouvoir constitutionnel de nommer les juges à la Cour suprême du Canada, c'est également un pouvoir qu'il ne peut pas déléguer. Nous ne pouvons pas confier ce pouvoir à un comité indépendant en lui permettant d'entamer le processus, parce que la Constitution réserve ce pouvoir au gouvernement fédéral. Nous pouvons l'élargir, certes, nous pouvons en démocratiser l'application. Nous pouvons engager un comité et le faire intervenir au niveau du principe, mais c'est un pouvoir que nous ne pouvons pas déléguer.
Il faut donc arriver à un compromis entre un processus plus indépendant et plus transparent, ce que nous souhaitons, avec une participation notable du Parlement, des provinces et de la population, et la nécessité de nommer à la Cour suprême des gens qui puissent être considérés comme le méritant vraiment. Et nous avons la conviction que cette façon de procéder permettra d'arriver à ce juste milieu.
Il y a également des considérations d'ordre pratique qui doivent être prises en compte. Il y a par exemple le fait que dans toute la mesure du possible, il faille faire en sorte que la Cour suprême soit toujours forte de neuf juges, étant donné la lourdeur de son rôle, l'importance des causes et ainsi de suite. Souvent, une charge de juge à la Cour suprême se libère de façon fortuite et il faut y pourvoir dans les meilleurs délais, généralement trois mois au maximum. Il serait donc assez malcommode, sans même parler des raisons constitutionnelles qui sont impérieuses, d'avoir un comité consultatif composé de députés et d'autres sommités qui sont eux-mêmes fort occupés professionnellement en plus d'être nommés par leurs propres commettants—qui fasse le nécessaire pour consulter, proposer une première liste, consulter encore, pour finir par une liste abrégée, et tout cela en l'espace de trois mois au plus, à moins qu'il y ait précisément ce genre de rapport étroit associé entre le gouvernement et le Parlement qui donnerait un cadre de référence dans lequel ce comité consultatif aurait tout loisir d'apporter quelque chose d'important et de sérieux au processus en faisant intervenir des parlementaires, les milieux politiques et la population.
 (1220)
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Merci à vous, monsieur Macklin.
M. Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci, monsieur le président.
À l'heure actuelle, le Québec est gouverné par le Parti libéral du Québec, qui est le parti le plus faible, le plus fédéraliste et le moins revendicateur de l'histoire récente du Québec, du moins depuis Joseph-Adélard Godbout, premier ministre du Québec de 1939 à 1944. Je cite ce que ce parti déclarait en 2001 dans un document:
[...] on pourrait prévoir que les provinces seraient appelées à soumettre des listes de candidats au gouvernement du Canada, à partir desquelles celui-ci effectuerait les nominations à la Cour suprême. |
Cette position a été reprise — si ma mémoire est bonne — par le ministre Benoît Pelletier le 28 décembre 2004 dans une entrevue au journal Le Droit. Je me vois donc dans l'obligation de vous donner avis d'une motion que je dépose et qui se lit comme suit:
Que le Comité exprime sa vive déception à l'égard de la proposition de Réforme du processus de nomination des juges à la Cour suprême soumise par le gouvernement; dénonce la trop grande latitude discrétionnaire laissée au ministre de la Justice et au Premier ministre dans le processus suggéré; demande au gouvernement de reconsidérer sa position et de lui présenter d'ici la fin juin un nouveau projet de réforme plus ambitieux, notamment avec un rôle beaucoup plus important pour les parlementaires et les provinces. |
J'ai fait distribuer des copies de la motion que je dépose avec un avis de 48 heures. Elle sera soumise au vote lors de la prochaine rencontre.
Le président: Notre prochaine rencontre a lieu la semaine prochaine, je pense.
M. Richard Marceau: Oui. Voilà.
[Traduction]
Le président: M. Toews a un rappel au Règlement.
M. Vic Toews: Je ne saurais manifestement accorder mon appui à la motion pour la même raison que celle mentionnée par mon collègue par égard à la cause séparatiste... ou que le gouvernement du Québec est le plus fédéraliste, mais...
Le président: A-t-il soumis une motion?
M. Vic Toews: Non, je voulais simplement préciser la chose, monsieur le président.
Le président: Nous avons simplement reçu un préavis de motion. Nous aurons tout le loisir d'en débattre.
M. Vic Toews: Tout ce que je veux dire, c'est qu'il y a un tout petit amendement qui pourrait me permettre de donner mon appui à cette motion. Je vous donne donc préavis de ce que nous aimerions ajouter « et la population » après « les provinces ».
Le président: Cela pourra se faire la prochaine fois lorsque nous mettrons la motion en délibération. Les amendements à la motion pourront être présentés à ce moment-là.
[Français]
Nous continuons. Avez-vous terminé, monsieur Marceau? Il vous reste trois minutes.
M. Richard Marceau: J'ai terminé, monsieur le président.
Le président: D'accord.
[Traduction]
La prochaine personne sur ma liste est Mme Neville.
Excusez-moi,
[Français]
vous n'avez pas fini de répondre, monsieur le ministre?
L'hon. Irwin Cotler: Je n'ai pas commencé à répondre.
Le président: D'accord, mais il ne s'agissait pas d'une question.
L'hon. Irwin Cotler: Je suis déçu que le député ait lancé un avis de motion pendant notre discussion. Ça laisse l'impression qu'elle était prête, peu importe la démarche que j'allais proposer au comité aujourd'hui. Donner un avis de motion sans avoir évalué tout ce que nous avons à proposer est un manque de respect.
Donnez-moi la chance de répondre à cela. J'aurais souhaité que vous vous penchiez de façon plus attentive sur notre proposition avant de proposer une motion: elle aurait été le résultat de cette réunion. Vous avez le droit de le faire, mais je ne suis pas tenu de respecter l'approche et le processus qui ont inspiré cette motion, puisque j'ai le sentiment qu'elle était préparée avant que je n'arrive ici aujourd'hui. Peu importe ce que je dirai aujourd'hui, il y a une motion. Cette façon de faire me déçoit.
[Traduction]
Le président: M. Toews.
M. Vic Toews: Je pensais que le ministre avait dit qu'il allait répondre à la question. Moi, on m'empêche de débattre de la motion, mais on permet au ministre de le faire.
Le président: C'était un commentaire qu'il faisait à ce sujet.
M. Vic Toews: Mais moi aussi, c'était un commentaire que je faisais au sujet de la motion.
[Français]
Le président: Monsieur Marceau, vous avez un autre commentaire à faire.
M. Richard Marceau: Monsieur le ministre, je suis un peu surpris par votre sortie intempestive. Je peux comprendre que vous soyez déçu qu'on ne soit pas d'accord, mais j'ai vu dans un journal très lu au Canada anglais que le président de ce comité parlait de cette proposition, disant que le fait que le gouvernement fédéral soit lié par la liste initiale était rejeté. Vous l'avez vous-même dit à maintes reprises. Je peux vous assurer que j'ai lu très attentivement ce que vous avez présenté, mais vous m'avez dit, personnellement et publiquement, que vous ne pourriez pas aller aussi loin que je le voudrais. En vous prétendant surpris que je condamne et désapprouve votre proposition, alors que vous connaissiez mes critères, vous me semblez jouer les vierges offensées, cela dit en toute amitié et avec respect.
 (1225)
Le président: Je dois vous arrêter. J'ai fait des commentaires, mais pas à ce propos, parce que je ne l'avais pas vu. J'ai fait des commentaires généraux sur les travaux du comité et sur ce qui s'y est fait jusqu'à maintenant. Il faut toujours se méfier de ce qu'on lit dans les journaux sans connaître les faits.
[Traduction]
Madame Neville, avez-vous une autre question?
Mme Anita Neville: Je vous remercie, monsieur le président.
Je vais prendre les choses sous un angle différent, monsieur le ministre, en vous interrogeant au sujet de la seconde tournée de consultations que vous proposez, au sujet de ces trois candidats que le comité consultatif devrait censément proposer.
Certes, c'est une façon de faire nouvelle, mais selon vous, à quoi pourrait ressembler cette seconde série de consultations? Dans quelles conditions escompteriez-vous nommer quelqu'un qui ne soit pas l'un des trois candidats suggérés par le comité consultatif?
L'hon. Irwin Cotler: Je fonderais ma décision sur le postulat voulant que la liste restreinte des trois candidats soit l'aboutissement de consultations sérieuses et poussées de la part du comité consultatif. Après une évaluation de la première liste de candidats, ce dernier arriverait à des recommandations éclairées et réfléchies au sujet des trois candidats. Selon le mandat prescrit, il motiverait également son choix, renseignerait sur le processus de consultation suivi et fournirait des renseignements sur les points forts et les points faibles des trois candidats figurant sur la liste, sans toutefois les classer. Il fournirait ensuite sa liste restreinte de trois noms au ministre avec les évaluations respectives.
Le ministre verrait alors s'il y a lieu d'obtenir davantage de renseignements et partant, de demander au comité de tenir d'autres consultations. À cette fin, je pourrais rencontrer les membres du comité, ou bien le comité pourrait lui-même tenir de plus amples consultations. Une fois le travail d'évaluation terminé, j'en étudierais alors la teneur, je tiendrais peut-être moi-même des consultations plus poussées, peut-être auprès des personnes que j'aurais d'abord sondées, puis je choisirais l'un des trois candidats et le recommanderait au premier ministre. Celui-ci communiquerait ensuite sa recommandation au Cabinet, qui, en tant que gouverneur en conseil, a autorité en matière constitutionnelle. Pour revenir à votre remarque, ici, je ne pense pas que le ministre de la Justice, quel qu'il soit, devrait jamais s'écarter de cette liste de trois candidats.
Dans mes remarques, j'ai précisé dans quelles circonstances exceptionnelles on pourrait envisager une telle chose, soit que le processus aurait été réduit à néant en raison d'atteintes à la confidentialité. Toutefois, ainsi que je le précisais aussi, qui que soit, le ministre de la Justice... Je ne prévois nullement ce genre de situation, mais si jamais elle devait se présenter, le ministre serait tenu d'expliquer publiquement pourquoi il se serait écarté de la liste des trois candidats recommandés, par exemple, en raison d'une violation de la confidentialité.
Cela dit, pour la raison que je vous ai précisée, étant donné l'envergure des candidats retenus, la rigueur des délibérations et les coûts qu'entraîneraient les manquements à la confidentialité, y compris le fait pour le ministre de devoir s'écarter de la liste, je prévois qu'on respectera le processus. Le ministre fera donc son choix à même les trois candidats proposés par le comité consultatif.
 (1230)
Mme Anita Neville: Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, madame Neville.
La parole est maintenant à M. Comartin.
M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence parmi nous. Je m'excuse d'avoir dû vous quitter pendant un moment, mais je devais prendre la parole à la Chambre.
J'espère que ma question n'a pas déjà été posée. Si tel est le cas, alors n'hésitez pas à m'interrompre sur-le-champ.
Ce qui me préoccupe, c'est la présélection, laquelle ne repose pas sur une participation assez vaste. Une autre question me semble aussi découler de cette première. Dans le cas où, à la suite de ces discussions, de ces consultations ou de ces contacts avec le milieu de la justice, le comité proposerait un nom qui ne figure pas sur la première liste, en tiendriez-vous compte? Ces deux questions me semblent liées, quoi qu'il en soit, j'attends votre réponse.
L'hon. Irwin Cotler: En effet, ces questions ont été soulevées mais je vous dois une réponse qui sera peut-être mieux appréciée que celle que j'ai donnée alors.
Lors de la présélection initiale, nous invitons une large participation à deux égards. Tout d'abord, le protocole public, dont j'ai parlé au comité, précise toutes les personnes que je dois consulter. Ces personnes représentent un puits d'expérience et de savoir très important pour la recherche initiale de candidats à la Cour suprême, la première liste de cinq à huit. Le juge en chef de la Cour suprême, qui en est le porte-parole, présentera non seulement un nom mais également l'éventail de compétences nécessaires alors à la Cour. Les procureurs généraux provinciaux, les chefs des barreaux provinciaux, le président de l'Association du Barreau canadien et les juges en chef des cours des régions et provinces apporteront également leurs contributions. Nous aurons donc tout un éventail parmi lequel choisir.
Toutefois—et c'est une chose sur laquelle je voulais également insister—j'inviterai le public à participer. Toute personne ou organisation peut également proposer des candidats qui lui semblent mériter notre attention. Ainsi le choix initial de cinq à huit personnes, le nombre n'est pas immuable et peut varier selon la province ou la région, résulterait d'une large participation des différentes parties prenantes au processus, juridique et non juridique, de ceux qui sont indiqués dans le protocole public comme devant être consultés et de tous les autres qui n'y sont pas indiqués.
Le comité consultatif pourrait dire: « Vous avez donné de cinq à huit noms mais nous pensons qu'il y a un excellent candidat que vous avez peut-être oublié. Malgré toutes vos consultations, aussi sérieuses ont-elles pu être, il y a un candidat que vous avez négligé. Ne voudriez-vous pas envisager également X? » Nous sommes ouverts à tout et c'est que ce reflète le processus. Le comité consultatif peut suggérer un autre candidat qui ne figurerait pas sur la liste des cinq à huit. Pour un tel candidat, je reviendrais à mon processus consultatif initial auprès des juges en chef et de tous les autres que j'ai mentionnés et dirais: « Nous avons ce candidat. Pensez-vous qu'il devrait être inclus dans la liste de cinq à huit? »
Il est donc possible que le comité consultatif inclue des gens qui ne figurent pas à la liste initiale. Il vous est également possible, en tant que députés, d'apporter votre propre contribution à la sélection initiale, de dire qui vous pensez devrait figurer à cette liste.
 (1235)
M. Joe Comartin: Monsieur le ministre, en Ontario, le processus prévoit une annonce officielle qu'un poste est à pourvoir avant que ce processus ne commence. J'aurais deux questions.
Premièrement, envisageriez-vous d'annoncer la chose, d'annoncer par exemple dans la Gazette que vous attendez des réponses de l'ensemble du public au cours de cette période.
Deuxièmement, vous avez parlé d'un vaste processus de consultation. Je ne pense pas qu'il y ait de politique arrêtée sur les personnes que le ministre ou le ministère devraient consulter dans cette phase initiale. Je me trompe peut-être, mais je n'en ai jamais vue et je suppose ainsi qu'il n'y a rien d'écrit.
L'hon. Irwin Cotler: Tout d'abord, quant à savoir si j'envisagerais de parler du fait que le grand public peut participer en publiant un avis sous une forme ou une autre, certainement, et je crois que c'est inclus dans notre proposition.
Deuxièmement, pour les personnes qui sont consultées dans ce large processus consultatif, nous vous avons indiqué le protocole que j'ai rendu public lors de ma première comparution devant votre comité. J'ai indiqué les personnes qui sont normalement consultées par le ministre de la Justice. Ce protocole est disponible et je l'ai résumé dans mon exposé ce matin. Je me ferais un plaisir de vous le répéter. J'ai également rendu publiques dans ce protocole les qualifications particulières, autrement dit, les qualifications professionnelles et les qualités personnelles, que l'on considérerait dans une nomination fondée sur le mérite. Nous ne travaillons pas en vas clos. Nous sélectionnons cinq à huit personnes en vue de nominations fondées sur le mérite en suivant des critères précis. Ces critères sont énoncés dans un protocole public indiquant les personnes que nous sommes obligés de consulter.
Le président: Merci.
Merci, monsieur Comartin.
M. Toews.
M. Vic Toews: Merci.
Monsieur le ministre, vous contestez l'interprétation faite par mon collègue selon laquelle le processus est sans entrave. Vous avez également indiqué que nous avons déjà un processus en place. Il n'en demeure pas moins que c'est toujours vous qui dressez la liste; au bout du compte, c'est vous qui établissez la liste. Après consultation, c'est toujours votre liste, et c'est vous qui devez expliquer quelle personne...
Le fait qu'il y a un processus en place ne veut pas forcément dire que des progrès ont été faits, cela ne veut pas dire non plus que c'est équitable. Il existe des processus partout dans le monde. On n'a qu'à penser aux troikas dans l'Union soviétique en 1937 et dire qu'il y avait un processus en place; le tout était « un processus ». Toujours est-il qu'une personne saine d'esprit ne dirait pas simplement du fait qu'il y a un processus en place que le système n'était pas sans entrave, et pourtant il l'était. De la même façon, votre système est sans entrave dans la mesure où il n'existe pas de véritables freins et contrepoids par rapport aux personnes que vous pourrez mettre sur la liste. Aucune disposition à cet effet n'est prévue par la loi.
Je vous propose à cette étape-ci de vous pencher sur le Manitoba où il est vrai que le ministre reçoit une liste. Toutefois, la liste n'est pas formulée à l'origine par le ministre et écourtée par la suite par le comité. Au contraire, c'est le comité qui dresse la liste une fois qu'une annonce publique a été faite à l'effet qu'il y a des postes vacants. La population est ainsi bel et bien représentée dans la mesure où il y a un avis émis à l'intention du public et du fait qu'il ne s'agit pas simplement d'une liste formulée par le ministre et abrégée par la suite.
Premièrement, êtes-vous prêt à insérer certaines dispositions dans la loi, et, deuxièmement, à faire en sorte que le comité puisse plus facilement faire des recommandations, voire, formuler sa propre liste?
 (1240)
L'hon. Irwin Cotler: Monsieur le président, pour ce qui est du commentaire qu'il n'y ait pas de mesures législatives et que le régime soit sans entrave, je tiens à rappeler à l'honorable député qu'il existe actuellement des dispositions dans la loi non seulement au niveau législatif mais également dans la Constitution, qui établit le processus selon lequel les nominations à la Cour suprême sont faites.
M. Vic Toews: Excusez-moi. Ce processus...
Le président: Monsieur Toews, l'on ne peut pas interrompre toute réponse qui nous déplaît. Vous avez posé une question; permettez au ministre d'y répondre.
M. Vic Toews: Je posais simplement une question au sujet du processus, monsieur le président, à savoir, s'il compte l'inscrire dans la loi.
Le président: Mais c'est justement la question à laquelle il répondait. Ces réunions ne fonctionneront pas bien si chaque fois qu'un témoin pose une question, on s'oppose à sa réponse alors qu'il est en train de nous la fournir.
M. Vic Toews: En toute justice, monsieur le président, si le témoin choisit de dénaturer ma question...
Le président: Mais il est en train d'y répondre, et vous ne pouvez pas connaître d'avance la suite. Permettez-lui donc de terminer.
M. Vic Toews: Bon, d'accord, on verra bien sa réponse.
L'hon. Irwin Cotler: Monsieur Toews, je vous ai fait la courtoisie d'écouter patiemment votre question même si je pensais qu'elle représentait une fausse interprétation de mes remarques parce que vous avez le droit de terminer votre question comme vous l'avez dit. Je pense que j'ai le droit non pas à plus mais à autant de courtoisie. Si vous me le permettez, je vais même peut-être vous donner la réponse que vous souhaitez si vous voulez bien ne pas m'interrompre au milieu d'une phrase par une intervention préétablie. Permettez-moi donc de continuer à vous répondre.
Je disais qu'il faut comprendre le principe et l'aspect pratique. Pour ce qui est du principe,-- et il est important de commencer et de poursuivre là-dessus,-- il existe actuellement un cadre constitutionnel qui définit l'exercice du pouvoir exécutif. Il ne s'agit donc pas de dire qu'il n'y a pas de loi. Nous faisons là une proposition qui va au-delà de la Constitution et qui permet de démocratiser le processus en donnant un rôle important au comité consultatif à quatre étapes différentes.
À la première étape, que vous avez qualifié d'inutile, je ne suis pas assis à mon bureau à dresser une liste que je vais ensuite présenter au comité consultatif, et je ne compose pas non plus cette liste au cours de mes réflexions nocturnes. J'en arrive à une liste qui est le résultat des instances qui m'ont été présentées par les personnalités figurant dans le protocole. Et je ne pense pas que vous considérerez comme marginale une proposition faite par le juge en chef de la Cour suprême du Canada ni par aucun autre des juges en chef ou des procureurs généraux provinciaux. Il ne s'agit donc pas de ma liste. Cette liste représente l'expression collective des recommandations qui m'ont été faites conformément à des critères établis concernant les compétences professionnelles et les qualités personnelles des candidats, tels qu'ils sont appréciés et évalués par ceux qui me font ces recommandations, le public étant invité à en faire aussi, pour dresser cette liste initiale.
Il ne s'agit donc pas de « ma » liste et il est injuste de la qualifier ainsi. C'est injuste non seulement en ce qui concerne le processus mais également pour les personnes éminentes que je consulte et qui prennent le temps, en suivant les critères prescrits, en se fondant sur leur expérience et leurs connaissances, de me faire leurs recommandations. C'est la première chose.
La deuxième, nous ne sommes pas l'Union soviétique, monsieur Toews et je connaissais très bien cette constitution. J'ai défendu des prisonniers politiques. J'aurais aimé que la constitution de l'Union soviétique m'autorise à faire là-bas ce que j'aurais pu faire ici pour tout accusé au Canada. J'ai récemment eu une rencontre avec le président de la cour constitutionnelle de la Russie, jadis l' Union soviétique, qui m'a dit que l'on examinait maintenant là-bas notre façon de faire quant au processus de nomination, afin d'améliorer leur système, parce qu'ils veulent le démocratiser, ils veulent également démocratiser le processus de nomination.
Ce dont il est question ici, c'est d'avoir un processus qui réserve un rôle sérieux au comité consultatif afin que les parlementaires puissent donner leur avis, les provinces puissent donner leur avis et le public puisse donner son avis. Le comité consultatif a-t-il un veto? Non. Son rôle consiste-t-il à conseiller et à consentir? Non. Notre Constitution le prévoit-il? Non. Essayons-nous de faire quelque chose qui est conforme à la Constitution sur les questions de principe tout en étant conforme à ce que nous essayons de faire ici pour donner un rôle sérieux au Parlement, aux provinces et au grand public? Oui. C'est la façon dont nous envisageons tout ce processus.
M. Vic Toews: J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'ai été patient. Il n'a répondu à aucune de mes questions. Je tiens simplement à le préciser.
Le président: Eh bien, nous avons certainement réglé la question de la liste...
L'hon. Irwin Cotler: Je ne suis pas certain de pouvoir vous donner une réponse qui cadrerait avec ce que vous voulez entendre.
 (1245)
Le président: À vous, monsieur Macklin.
L'hon. Paul Harold Macklin: Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai deux ou trois questions pointues.
Cela déborde peut-être le cadre des travaux du comité, mais je tiens à savoir si l'on songe pour ce qui est de la liste de départ, c'est-à-dire, celle à partir de laquelle vous choisirez les cinq à huit candidats... à communiquer cette liste plus exhaustive au comité qui effectue ce travail consultatif?
Deuxièmement, n'est-il pas théoriquement possible que le comité vous soumette, au bout du compte, des candidats qui ne figuraient même pas sur votre liste originale? En d'autres mots, ne pourrait-il pas sélectionner trois candidats de leur choix, en dehors des cinq à huit que vous avez soumis, évitant ainsi de choisir comme candidats ceux que vous souhaitiez, au moins à cette étape-là du processus?
L'hon. Irwin Cotler: En ce qui concerne la liste initiale de cinq à huit candidatures, ici encore le nombre de candidats que renferme cette liste initiale peut varier. D'après mon expérience des consultations concernant les nominations de juges de l'Ontario à la Cour suprême—et j'utilise cet exemple parce que l'Ontario avait l'embarras du choix—je ne crois pas que le nombre puisse être beaucoup plus élevé. Disons que dans une province comme l'Ontario, il pourrait y en avoir 10, mais je ne crois pas que le processus de consultations aboutirait à une liste plus longue que cela.
Je dois vous dire que lorsque j'ai participé au processus de consultations, il existait un consensus général quant à ceux qui feraient partie au départ de la liste de cinq à huit candidats. Comme vous avez pu le constater, il est devenu plus difficile de condenser cette liste en une version plus courte, mais ce serait le rôle du comité consultatif. La liste initiale traduirait et représenterait, à mon avis, le consensus général auquel seraient arrivées les personnes consultées conformément aux critères fondés sur le mérite qui ont été prescrits et qui serviraient habituellement à établir cette liste.
Mais comme je l'ai dit, même si cette liste—censée représenter le consensus général fondé sur les compétences et l'expérience des personnes consultées—y compris certains membres du public—n'était pas considérée exhaustive, le comité consultatif pourrait alors proposer un ou deux noms qui selon lui auraient dû faire partie de la liste initiale. C'est donc la marge de manoeuvre que prévoit la proposition à cette fin. Le comité pourrait s'écarter de la liste initiale si les critères fondés sur le mérite justifiaient de proposer un nom supplémentaire qui d'une façon ou d'une autre n'avait pas été pris en compte et recommandé par tous ceux que je consulterais, lorsque d'une façon ou d'une autre ils ne se sont pas aperçus que l'inclusion d'un autre candidat pourrait être justifiée. La proposition prévoit cette possibilité.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, PCC): J'aimerais faire un rappel au Règlement. Monsieur le ministre, dans votre exposé, vous dites que si le comité veut...
L'hon. Paul Harold Macklin: Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement.
M. Garry Breitkreuz: Non, mais c'est une question qui se rapporte à ce que vous êtes en train de dire, à savoir que c'est uniquement avec votre consentement que le comité peut ajouter un autre nom à la liste, n'est-ce pas?
Le président: Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement, mais le ministre voudra peut-être quand même répondre.
L'hon. Irwin Cotler: C'est ce que j'ai expliqué dans mes remarques préliminaires. J'ai dit que cela est attribuable à la nature du processus, et je dois revenir à la notion selon laquelle ce que nous visons à faire ici c'est d'établir un équilibre entre les questions de principe et les questions d'usage. Oui, en raison de l'existence de cette importante relation entre l'exécutif et le comité consultatif, dont le rôle est consultatif, tandis qu'à cet égard le rôle de l'exécutif est décisionnel, nous examinerions sérieusement toute candidature recommandée par le comité, qui ne figure pas sur la liste initiale des cinq à huit candidats, même si j'estime par expérience, qu'une telle chose est peu probable. Comme je l'ai dit, si vous pouviez établir que vous proposez un candidat qui en fait répond aux exigences d'une nomination fondée sur le mérite, nous serions prêts à inclure cette candidature. L'objectif visé est de nommer à la Cour suprême les personnes les plus compétentes en fonction du mérite. Si nous avons omis quelqu'un, tant pis.
 (1250)
Le président: Nous allons revenir à M. Macklin puis nous passerons à M. Comartin et nous terminerons pas M. Warawa. Nous devons quitter la salle à 13 heures.
Monsieur Macklin, il vous restait une minute.
L'hon. Paul Harold Macklin: Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai une autre question. Disons que le comité consultatif fait son travail et établit sa liste à trois candidats qu'il souhaite recommander. Je ne constate ici aucune proposition qui permettrait au comité d'établir un ordre de classement de ces candidatures ni la raison d'être de ce classement, et c'est peut-être quelque chose qu'il faudrait envisager. Est-ce que cela ferait partie de votre proposition mais qui n'a tout simplement pas été présentée ici aujourd'hui?
L'hon. Irwin Cotler: C'est une bonne question, monsieur Macklin.
Aujourd'hui je suis accompagné de deux spécialistes, et je me sens un peu mal à l'aise de ne pas leur avoir demandé de répondre aux questions. Je crois que vous êtes en droit d'entendre des précisions qui permettraient de vous éclairer, donc je vais demander à Judith Bellis, qui a vraiment participé à ce projet depuis le début d'une façon très soutenue, tant au niveau des principes qu'au niveau pratique sur le terrain, de vous répondre.
Mme Judith Bellis (avocate générale, Services des affaires judiciaires, des cours et des tribunaux administratifs, ministère de la Justice): Monsieur Macklin, la proposition en fait aborde l'opportunité de procéder à un classement des candidatures qui figurent sur la liste. La proposition indique que la liste ne fera pas l'objet d'un classement. On a envisagé cette possibilité, mais nous nous sommes dit que le comité aurait peut-être eu de la difficulté à s'entendre sur un classement susceptible d' entraîner des dissensions au lieu de favoriser une contribution efficace de la part du comité
Par ailleurs, comme le ministre l'a indiqué, lorsque le comité présente la liste courte, il ne présentera pas uniquement trois candidats. Il présentera tous les renseignements voulus—les facteurs pris en considération, le compte rendu de la consultation concernant tous les candidats examinés et en particulier un commentaire sur les divers points forts des trois candidats sur la liste. Il semble que lorsque l'on commence par ce qui devrait être un excellent répertoire de candidats, comme dans le cas de toute analyse des points forts de trois candidats de valeur égale, les commentaires et l'information en question seront beaucoup plus utiles qu'un classement sans doute moins utile et qui risque d'entraîner des dissensions. C'est le raisonnement qui a été utilisé.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin: Monsieur le ministre, je crois que la principale lacune du système, comme Mme Bellis vient de le mentionner, c'est que le répertoire de candidatures que nous utiliserons se compose presque exclusivement de juges des tribunaux de première instance. Je sais qu'il y a certaines exceptions mais elles sont plutôt rares. Si ce répertoire n'est pas satisfaisant, n'est pas un répertoire solide, alors il est évident que cela se reflétera dans les nominations à la Cour suprême pendant un certain temps.
Avez-vous envisagé d'ouvrir le processus de nomination pour toutes nominations fédérales à un type similaire de processus, au niveau des cours de première instance en particulier, et peut-être aussi au niveau de la Cour d'appel fédérale?
L'hon. Irwin Cotler: Je me réjouis que vous ayez posé la question, monsieur Comartin.
Je pourrai vous répondre en peu de mots que, comme nous avons déjà assez de difficulté à faire ce type de nomination, il serait risqué de nous lancer dans une démarche parallèle pour les autres paliers de la magistrature. Mais pour ce qui est des tribunaux d'autres instances, il faut comprendre qu'il existe déjà dans toutes les provinces et dans tous les territoires, de même que dans les régions des grandes provinces comme l'Ontario, des comités consultatifs de sélection des magistrats qui font de la consultation de façon à pouvoir dresser un répertoire des candidats éventuels. Je ne peux moi-même choisir un candidat qu'à partir des listes que m'ont soumis les comités consultatifs de sélection des magistrats. Par conséquent, pour ce qui est des autres échelons de la magistrature, je dois choisir parmi les noms figurant sur une liste de candidats éventuels, et pas à partir des répertoires que j'ai moi-même dressés. On m'envoie la liste des candidats « fortement recommandés » et « recommandés », et c'est moi qui fait le choix, mais ce uniquement après avoir fait de longues consultations, un peu comme celles que je mène actuellement, en vue de déterminer lesquels parmi les candidats soumis par le comité consultatif méritent d'être nommés.
J'aimerais maintenant revenir à une chose que vous avez dite au sujet des juges de tribunaux d'instance inférieure. Vos mots dépassaient peut-être votre pensée. Vous étiez en train de parler du processus de nomination de juges à des cours inférieures, autres que la Cour suprême, et je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce que vous aviez en tête : vous demandiez-vous si les seuls candidats possibles devaient être déjà juges?
Vous savez que, pour ce qui est des tribunaux d'instance inférieure, et certainement pour ce qui est des tribunaux de première instance, nous ne pouvons choisir que parmi les membres du Barreau. Plus nous montons dans la hiérarchie des cours d'appel, plus il est probable que des juges y seront nommés, mais ce n'est pas nécessairement toujours le cas. Si je me rappelle les nominations que j'ai faites à la Cour d'appel du Québec, par exemple, je sais que j'ai eu l'occasion d'y nommer plusieurs universitaires émérites et aussi un avocat. Vous voyez que, à mon avis, il ne faut pas nécessairement se limiter aux membres de la magistrature, même pour des nominations à des tribunaux supérieurs.
Quant au processus même de nomination, il donne actuellement d'assez bons résultats dans les tribunaux de première instance, ou dans les tribunaux d'instance inférieure à la Cour suprême, du simple fait que des comités consultatifs de sélection des magistrats existent déjà pour cibler les candidats éventuels, à partir desquels nous prenons notre décision après évaluation et consultation.
Bien sûr, nous pourrions peut-être encore améliorer la situation en nous assurant que la composition des dix comités consultatifs de sélection des magistrats reflètent eux-mêmes l'évolution démographique du Canada et incluent des représentants des minorités visibles, par exemple. Cela est évidemment une question de représentativité, mais du point de vue du processus même, sachez que ce sont les comités eux-mêmes qui au départ ciblent les candidats éventuels.
 (1255)
Le président: Merci beaucoup.
Merci, monsieur Comartin.
C'est maintenant à M. Warawa de conclure.
M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre, d'être des nôtres.
Je reconnais que la Constitution vous autorise, à titre de ministre de la Justice, à nommer ces juges. Vous nous l'avez signalé, et je le reconnais. Je reconnais également qu'il est très important que la Cour suprême maintienne une réputation à toute épreuve. Il faut donc protéger celle-ci,pour que les Canadiens continuent à respecter le principe de la suprématie du droit au Canada.
Vous avez donné plusieurs raisons pour lesquelles il ne faut pas compromettre l'héritage de respect dont jouit notre Cour suprême. Vous avez également donné comme premier argument que le choix de magistrats se fondait sur leur mérite.
Vous avez mentionné, en troisième lieu, à quel point il était important de maintenir l'indépendance des magistrats et l'intégrité des tribunaux. J'aimerais m'attarder un peu à cette question.
Les dernières décisions prises par le gouvernement ont de quoi préoccuper les Canadiens et me préoccupent aussi, puisqu'elles illustrent le peu d'importance que ce dernier a accordé aux recommandations qui lui avaient été faites et le peu de consultations qu'il a menées. Je songe aux dernières nominations à la Cour suprême. Mais auparavant, en mai dernier, le comité avait fait des recommandations en huit points qui s'adressaient directement au comité consultatif. C'est ce dernier—et non pas le ministre de la Justice—qui devait dresser la liste des candidats éventuels. Or, on n'en a apparemment pas tenu compte. Le comité de la justice a procédé récemment à une nomination.Il y a eu aussi le comité spécial.
Vous y avez d'ailleurs fait allusion à la page 1 de votre discours. Vous avez dit ceci : « Les résultats des audiences du comité de la justice et du comité spécial étayent cette initiative de réforme. »
Il semble que l'on n'a pas tenu compte des recommandations et que le comité spécial a été informé, plutôt que consulter, au moment des nominations.
Prenons le cas des nominations récentes au Sénat : comme mon collègue vous l'a signalé, même si la province de l'Alberta avait choisi d'élire ses sénateurs, le gouvernement n'en a pas tenu compte dans ses nominations au Sénat.
Vous comprenez que cela puisse préoccuper et que l'on puisse vouloir appuyer la motion de mon collègue du Bloc portant sur ce qui semble être une absence de consultation. Le gouvernement semble vouloir proposer une politique et pourrait faire mine de nous consulter, comme nous l'espérons, mais le dossier récent du gouvernement nous laisse peu d'espoir. Monsieur le ministre, nous sommes en droit de nous demander si nous pouvons faire confiance à cette démarche que vous avez entreprise. Cette démarche sera-t-elle équitable et démocratique et nous permettra-t-elle de respecter la façon dont les nominations sont faites?
Comment répondez-vous à ces préoccupations vu que le gouvernement ne semble pas tenir compte des recommandations? Comme on l'a déjà signalé, c'est vous qui allez dresser la liste des candidats. Or, notre comité avait recommandé pour sa part que ce soit le comité consultatif qui dresse cette liste.
· (1300)
Le président: Merci.
Auriez-vous l'amabilité de répondre rapidement, monsieur le ministre, puisque nous devons clore la séance.
L'hon. Irwin Cotler: D'accord.
Je veux remercier le député des questions qu'il m'a posées, lesquelles se rapportent au sujet dont nous sommes saisis. Je vais par ailleurs demander à ma collègue, Judith Bellis, de compléter la réponse que je vais donner, et sa réponse sera peut-être même plus utile que la mienne.
D'abord, il y a la notion selon laquelle nous n'avons pas pris en considération les recommandations du comité. Que je sache, la principale recommandation du comité était d'établir un comité consultatif, et c'est d'ailleurs l'essentiel de notre proposition, à savoir la constitution d'un comité consultatif et une participation sérieuse du Parlement, des provinces et de la population. Nous avons donc pris au sérieux la principale recommandation.
Si vous dites que nous n'avons pas accepté toutes les recommandations du comité parlementaire, c'est exact. Mais comme je l'ai indiqué, nous avons entrepris une étude d'une durée d'un an sur ce sujet, qui a donné lieu à des consultations, à mon sens, à grande échelle et exhaustives. Parallèlement à cette consultation, nous avons entrepris des discussions sur la sélection initiale des candidats. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, nous avons tenté dans notre proposition de concilier diverses perspectives et différentes considérations. Nous ne nous attendions pas à ce que tout le monde accepte chaque élément de notre proposition, car il se peut que nous ne soyons pas tout à fait alignés sur une perspective en particulier.
C'est pourquoi nous avons tenté de faire une proposition visant à concilier les diverses perspectives que nous avons entendues pas seulement du comité parlementaire, dont l'expérience, comme je l'ai dit et je le répète, a été précieuse pour nous... et en particulier, la recommandation relative à la création d'un comité consultatif et le processus. Cela dit, nous n'avons pas approuvé toutes les recommandations du comité consultatif pour les raisons que j'ai évoquées, mais nous avons néanmoins tenté de concilier tant les principes que l'orientation des diverses recommandations.
S'agissant de la nomination des sénateurs, je préférerais ne pas aborder cette question, car je ne pense pas qu'elle se rapporte au sujet qui nous intéresse ici. Je ne vais donc pas en parler.
Je voudrais réagir à la dernière chose que vous avez mentionnée, qui est peut-être la plus importante, et c'est la nécessité de faire en sorte que le processus soit équitable. Nous avons tenté de partager avec vous ce que nous estimons être une proposition raisonnée qui, comme je l'ai indiqué, cherche à prendre en considération une palette de perspectives et des échanges sérieux et soutenus tout au long de l'année. Judith Bellis a participé activement, je dirais même presque à temps plein, au processus de consultation.
Nous avons présenté une proposition. Je ne m'attends pas à ce que tout le monde soit d'accord avec chaque élément qu'elle contient, mais nous estimons que c'est une proposition sérieuse. Nous croyons qu'elle est équitable, exhaustive, et qu'elle permettra non seulement la création d'un comité consultatif, comme l'a recommandé le comité parlementaire, mais aussi une participation sérieuse, par le truchement du comité consultatif grâce à des mécanismes de consultation et d'évaluation, de la part du Parlement, des provinces et de la population.
Si différentes intérêts doivent être pris en compte, si M. Marceau veut nous limiter à une liste dans le cadre du processus consultatif proposé par une province, je lui répondrai que l'on peut suggérer une liste de noms. On peut suggérer cette liste en amont du processus de sélection initiale des candidats et aussi prendre part à l'évaluation durant cet exercice et participer au processus d'évaluation et recommander trois noms. Mais ce que je ne peux pas faire,d'un point de vue constitutionnel, et c'est pour cette raison que j'ai dit que ces considérations sont des questions de principe et d'orientation, c'est vous dire que je vais déléguer le pouvoir conféré par la Constitution à l'organe exécutif du gouvernement. À titre de procureur général du Canada, je dois fidélité à la Constitution. Si ce pouvoir ne peut être délégué, je ne pourrai pas vous dire que peu importe, au nom du gouvernement du Canada, en violation de la Constitution, je vais quand même déléguer ce pouvoir aux provinces. Je ne peux simplement pas le faire.
C'est pour cette raison que je dis que notre réponse relève des principes et de l'orientation. J'essaie d'aller aussi loin que je peux pour prendre en considération le point de vue de M. Marceau et ceux des autres et donner aux provinces la possibilité de prendre part sérieusement à toutes étapes du processus. J'ai indiqué dans mes remarques, et je ne rentrerai pas dans les détails de nouveau, les quatre possibilités pour les provinces, le Parlement et la population de prendre part activement au processus.
· (1305)
Alors, comme je l'ai dit, je crois que la proposition est sérieuse. Je l'estime juste. Je la considère équilibrée. Je pense qu'elle mérite un examen approprié et sérieux et d'être adoptée. Mais je reconnais que tous les éléments de la proposition ne plairont pas à tout le monde.
M. Mark Warawa: Monsieur le président, ma question était de savoir si le comité a le pouvoir de créer la liste. Et je crois qu'il l'a. Est-ce que le comité a le pouvoir constitutionnel de créer la liste que vous pourriez considérer?
L'hon. Irwin Cotler: Si vous me le permettez, j'ignore où dans la Constitution il est même fait mention de l'existence d'un comité, sans parler du pouvoir de créer la liste. Cela n'y figure simplement pas.
M. Mark Warawa: Vous y avez trouvé tout le reste.
L'hon. Irwin Cotler: Ce que nous disons c'est que nous irons plus loin que la Constitution, qui ne prévoit pas de comité, et que nous constituerons ce comité-là. Mais vous ne pouvez pas ensuite dire, eh bien, maintenant ce comité-là peut aussi avoir le pouvoir constitutionnel—qu'on ne peut pas lui accorder—de dresser la liste. Cela reviendrait non seulement à élargir et à démocratiser la procédure; cela reviendrait à violer la Constitution.
Le président: Merci.
L'hon. Irwin Cotler: Puis-je demander à Judith peut-être de...
Mme Judith Bellis: Je n'ai rien en particulier à ajouter, monsieur le président, sauf pour dire qu'à mon avis, lorsque les membres auront eu l'occasion de lire la proposition en détail, ils constateront que la proposition fait précisément ce que le ministre s'est engagé de faire dans sa lettre au comité, soit répondre à chacune des recommandations du comité ainsi qu'aux rapports dissidents.
Donc, j'espère que quand vous verrez le rapport au complet, vous constaterez qu'on a noté et répondu à chacune des recommandations.
Le président: Merci, madame Bellis.
L'hon. Irwin Cotler: Je tiens à remercier les membres du comité de leur considération et de leur attention. Comme l'a dit Mme Bellis, nous avons essayé de répondre à chaque élément qui a été soulevé. Bien que nous n'ayons pas retenu chaque élément, notre rapport intégral répond à chacune des préoccupations qu'a soulevées le comité parlementaire à juste titre, et dans notre réponse nous avons cherché à concilier toutes ces préoccupations et à y répondre de façon raisonnée.
Merci.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Merci aux fonctionnaires.
La séance est levée.