:
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux membres du comité, pour l'occasion qui m'est donnée de faire un exposé sur la chaîne alimentaire du Canada. Je veux faire des observations très rapides sur le George Morris Centre, pour l'information de tout le monde; ensuite, je vais parler très rapidement de la chaîne alimentaire et de certains des problèmes et des perspectives, et du concept de la chaîne de valeur comme une façon d'essayer de faire face à ces difficultés, ce que les gouvernements au Canada et l'industrie elle-même ont commencé à faire. Et nous allons parler de certaines orientations futures.
Le George Morris Centre, comme certains d'entre vous s'en rappellent peut-être à cause de l'exposé de l'automne dernier, est un groupe de réflexion national sans but lucratif qui s'intéresse à la politique agroalimentaire. Un des domaines dans lesquels nous travaillons est la chaîne de valeur, le concept de la chaîne de valeur et comment la rendre plus efficace.
La chaîne alimentaire du Canada, qui va de la ferme jusqu'à la table du consommateur, comme certains le disent, est sophistiquée, concurrentielle, novatrice et souple. Mais elle n'est pas parfaite. Il y a des problèmes d'échelle, selon votre place dans le secteur et à l'intérieur de la chaîne alimentaire, la provenance de vos investissements, qui sont les investisseurs et s'ils sont capables de faire face à certaines innovations. La réglementation de la chaîne alimentaire varie, selon votre localisation, les produits que vous fabriquez et l'histoire se rapportant à ces produits, et il y a des questions non liées à l'alimentation pour ce qui est d'entraîner une compétition directe ou une compétition pour l'argent du consommateur.
Il y a une évolution assez marquée, à la fois au niveau de la vente au détail et des services alimentaires, que la plupart des consommateurs voient tout le temps. Cela mène à des changements le long de la chaîne, au niveau de la transformation, dans la collectivité agricole et dans le secteur des intrants. Tout le concept de la traçabilité est une façon de voir comment l'attention que portent les gens à la chaîne alimentaire a changé au cours des années.
Je devrais noter que la concurrence existe partout dans la chaîne alimentaire à un degré plus ou moins élevé et, dans certains cas, elle est féroce. Dans certains cas, on constate la domination de quelques grands acteurs.
J'ai simplement quelques données statistiques à offrir, et je suis certain que mes collègues vont donner beaucoup plus d'information. Je devrais noter que récemment, Agriculture et Agroalimentaire Canada a publié un aperçu pour 2012 sur toute cette question, mais il est très bon. Je vais essayer de ne pas le répéter, mais une estimation de la valeur des ventes au détail d'aliments au Canada s'élève à 87 milliards de dollars, et les ventes des services alimentaires se situent autour de 48 à 49 milliards de dollars. Il s'agit des grands employeurs, lorsque nous les additionnons, dans le système alimentaire canadien, et ils ont un effet spectaculaire dans toutes les régions du Canada.
Par ailleurs, du point de vue de la chaîne alimentaire, la collectivité agricole, les détaillants de la transformation alimentaire, les services alimentaires et d'autres ont connu une histoire très différente, dans certains cas, assez tranquille et dans d'autres, un peu plus turbulente. De nombreux acteurs du passé ont disparu. La consolidation s'est effectuée partout dans la chaîne alimentaire et, dans certains cas, on a augmenté l'échelle et, dans d'autres, on a augmenté l'innovation. On constate des attitudes très différentes aux différents niveaux de la chaîne et une partie de cela est liée au contexte réglementaire auquel sont exposés les intervenants.
On constate également des différences entre les chaînes, lorsque je pense aux services alimentaires et à la vente au détail ou aux indépendants, et les relations avec les transformateurs et la collectivité agricole. Et il y a également de nouveaux compétiteurs. Je suis certain que mes collègues vont en parler, comme la question des autres détaillants, comme Target qui veut s'implanter au Canada, ou les changements que Walmart a apportés au système de vente au détail des aliments. Il y a les stations-service qui vendent des articles d'épicerie et des services alimentaires. Shoppers Drug Mart commence maintenant à faire de la vente d'aliments au détail dans une certaine mesure. Ces formules changent, et cela montre le genre d'évolution continue qui touche la chaîne alimentaire et ce que cela signifie tout au long de cette chaîne.
De plus, on a constaté une modification incroyable de la demande des consommateurs en ce qui concerne les produits frais, certains types différents de produits emballés, les prix et les produits provenant de l'extérieur du Canada. On observe également des changements dans les données démographiques, à la fois en termes d'âge et d'ethnicité, ainsi que la nécessité d'adopter des approches différentes pour répondre aux besoins de ces différents types de consommateurs, ce qui se répercute tout au long de la chaîne.
Une chose qui a changé au cours des deux ou trois dernières décennies, particulièrement en ce qui a trait à la politique stratégique en matière d'agriculture et d'alimentation, c'est la participation croissante de l'ensemble de la chaîne alimentaire dans toutes les discussions, que ce soit sur une question précise ou sur le contexte plus vaste de la politique agroalimentaire. Le défi, c'est que la capacité varie d'un acteur à l'autre. Leur histoire et les mémoires institutionnelles ne sont pas identiques et la façon dont les marchés les touches n'est pas identique non plus. Les deux travaillent en fonction des efforts du passé et en fonction de leur destination future.
Il y a différentes façons de répondre aux pressions environnementales, sociales et communautaires, aux problèmes communautaires, ce que veut et ne veut pas une collectivité en ce qui concerne certains produits alimentaires, et comment vous changez les rôles et les relations entre ces éléments. La façon de réagir du secteur et de l'ensemble de la chaîne alimentaire n'a pas toujours été cohérente. On a exprimé des opinions très différentes dans les discussions entre les différentes parties de la chaîne, une partie des différences étant attribuable au contexte réglementaire, ce qui fait partie de l'histoire, de la façon dont ces choses ont évolué.
Au cours des dernières années, sous les exhortations de l'industrie et du gouvernement, on a accordé une plus grande importance à ce que nous appelons les chaînes de valeur, dans lesquelles nous essayons de trouver des occasions de marché au niveau de l'entreprise, en n'essayant pas de résoudre toutes les questions au niveau de l'industrie, mais en partant des entreprises, les chaînes de valeur spéciales au sein des secteurs et des sous-secteurs.
Il existe maintenant toute une notion de gestion de la chaîne de valeur, que le gouvernement du Canada, les gouvernements provinciaux et les groupes de l'industrie ont appuyée. Ils essaient d'en apprendre davantage sur son fonctionnement et comment d'autres entités administratives ont utilisé la chaîne de valeur pour assurer une plus grande rentabilité, une plus grande viabilité pour l'ensemble des acteurs, et pas seulement pour certains acteurs dans la chaîne alimentaire, et comment la technologie, les attitudes différentes et une sensibilisation différente pourraient influer sur cette question.
Encore une fois, il y a des limites à la capacité, des limites à l'adaptabilité, qui a l'argent pour investir et qui peut investir du temps et des efforts pour penser différemment au sujet d'une question à laquelle tout le monde peut participer. Là où, dans le passé, ils auraient été en conflit, peut-être que dans l'avenir, il y aura une confiance et une capacité de réaction plus grandes.
Le George Morris Centre comporte un Value Chain Management Centre et nous faisons ce travail depuis environ quatre ans. Nous avons fait du travail avec l'Institut canadien des politiques agro-alimentaires représenté par David McInnes. Un document publié récemment a reconnu ces défis aussi bien par l'intermédiaire de nos ateliers que de notre analyse. Les anciennes attitudes de confrontation, mues par des conflits historiques concernant le pouvoir de négociation, les attitudes, les différences touchant la manière de réaliser les mêmes objectifs, et le manque de confiance dans le partage de l'information ont constitué de réels défis. Toutefois, il est possible de les surmonter, et on trouve des exemples tant au Canada qu'ailleurs dans le monde où la chaîne alimentaire est parvenue à obtenir de meilleurs résultats pour les consommateurs et pour elle-même grâce à une meilleure collaboration, à de meilleures relations et à une plus grande confiance.
Un objective clé des chaînes de valeur, c'est comment peut-on l'améliorer avec le temps, étape par étape de manière que cela puisse fonctionner, non seulement pour un petit produit, mais pour l'ensemble des produits. Mais nous devons tout de même être conscients que le secteur est complexe. Il n'y a pas de solution universelle. Il doit y avoir des façons différentes de l'envisager et différents moyens pour mesurer le succès. Ensuite, il faut regarder ces résultats et déterminer lesquels fonctionnent le mieux; par la suite, il faut essayer de reproduire les succès et d'éviter les échecs.
Mon point de vue, et celui du centre, c'est qu'il y a une excellente occasion ici pour améliorer la confiance, le degré d'aisance et les relations entre tous les intervenants le long de la chaîne. Il y a une possibilité d'améliorer le partage d'information, d'améliorer la sensibilisation à l'égard de la volonté du consommateur et de reconnaître la complexité lorsqu'il s'agit d'essayer d'apprendre comment concrétiser ces chaînes de valeur, pas simplement du point de vue conceptuel ou pas simplement par le biais d'un petit projet pilote, mais comment les concrétiser.
Permettez-moi, monsieur le président, de faire une dernière publicité; au début de la semaine prochaine, le gouvernement de l'Ontario, appuyé par le gouvernement du Canada, parraine le Value Chain Innovation Forum ici à Mississauga. Nous en faisons partie. Il y aura des spécialistes de partout au Canada, du Royaume-Uni et de l'Australie qui viendront dire aux gens comment faire en sorte que le système fonctionne vraiment, comment il a été élaboré dans le passé et comment ils peuvent le faire fonctionner ici.
Merci, monsieur le président.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Bonjour.
Je représente l'Institut canadien des politiques agro-alimentaires, un organisme indépendant et apolitique. Notre raison d'être est de favoriser un dialogue sur des enjeux pertinents et de présenter des solutions de remplacement devant permettre au Canada d'atteindre son plein potentiel.
[Traduction]
Monsieur le président, il s'agit de créer un secteur agroalimentaire plus prospère. Quelles sont les conditions essentielles pour créer des emplois et de la rentabilité dans l'ensemble du secteur? Nos consultations ont révélé qu'il fallait trois choses pour nous assurer un excellent avenir du point de vue agroalimentaire: transformer notre façon de collaborer; relier le succès économique, la santé des gens et la durabilité de l'environnement pour créer des occasions; et, troisièmement, intégrer les politiques et les stratégies pour appuyer ces changements. Ces idées sont fondées sur un rapport intitulé La destination du secteur agroalimentaire canadien que nous avons publié en 2011. En gros, notre travail consiste à appuyer et à cultiver les systèmes alimentaires.
Le système alimentaire comprend les chaînes d'approvisionnement et comment elles fonctionnent mieux ensemble. De plus, il s'agit de voir comment les chaînes d'approvisionnement dépendent ou subissent les effets de manière que de nombreuses autres sont essentielles au succès tous les jours. Trois niveaux de gouvernement, les services financiers, les fournisseurs de services de technologie de l'information, les nutritionnistes, les éducateurs, les ports, les transports, la logistique, les secteurs de la santé humaine et animale — et la liste se poursuit. Adopter une approche fondée sur les systèmes alimentaires, c'est déterminer comment ces intervenants peuvent mieux travailler ensemble, de manière que nous soyons dans la meilleure position pour servir les intérêts des consommateurs.
Le diagramme que nous vous avons présenté, pour les besoins du compte rendu, présente une perspective.
Les aliments lient les gouvernements et les chaînes d'approvisionnement. Du côté droit du diagramme figurent des priorités stratégiques vraisemblables du gouvernement. Du côté gauche figurent des priorités proposées du secteur agroalimentaire. Je vais survoler rapidement ce diagramme pour vous aider à le comprendre.
Commençons par la santé. Pour tous les gouvernements au pays, l'objectif principal est de réduire le coût des soins de santé. Nous devons mettre plus d'accent sur la prévention. Environ 40 p. 100 des coûts des soins de santé sont liés aux maladies chroniques et le régime alimentaire est un élément clé de la réduction des maladies chroniques — 90 p. 100 des cas de diabète de type II et 80 p. 100 des maladies cardio-vasculaires pourraient être évités grâce à un régime alimentaire amélioré, parmi les autres changements liés au mode de vie.
Répondre à l'intérêt croissant pour la nutrition et pour ce que nous mangeons constitue une occasion pour le secteur agroalimentaire. Pulse Canada, par exemple, désire créer une demande du marché pour les légumineuses à grain, les fèves et les lentilles comme « ingrédients ». En ajoutant des légumineuses à grain aux pâtes, par exemple, on peut doubler la teneur en fibres et accroître la teneur en protéines de 25 p. 100 tout en réduisant l'empreinte carbone. En travaillant avec des chercheurs, des écoles d'art culinaire et des professionnels de la santé, Pulse Canada essaie de cultiver la demande pour des légumineuses à grain saines.
Vancouver possède une stratégie des systèmes alimentaires. Ce système lit la viabilité des agriculteurs locaux, dont le nombre s'élève à 2 600 dans la région métropolitaine de Vancouver, à la production d'aliments sains comme des fruits et des légumes pour ses résidents. Nous devons déterminer comment Cultivons l'avenir 2 peut-être lié à des stratégies de santé pour profiter de ce potentiel.
En ce qui concerne le commerce, le Canada est en train d'étendre l'accès aux marchés pour les exportateurs. L'accès ouvre des portes, mais le fait d'encourager la demande est vital pour nos secteurs des produits et à valeur ajoutée. Pour faire concurrence aux pays exportateurs à faibles coûts et aux exportateurs principaux, nous avons besoin que les consommateurs étrangers veuillent acheter encore plus les produits canadiens. Il est impérieux de distinguer les aliments canadiens. Le prix, la qualité, l'innocuité et la fiabilité d'approvisionnement sont très importants, mais les consommateurs, les détaillants et les transformateurs s'intéressent de plus en plus à la façon dont les aliments sont produits, depuis les empreintes environnementales jusqu'aux caractéristiques comme l'absence d'hormones. Le succès des exportations dépendra vraisemblablement de la capacité d'offrir ces caractéristiques. La traçabilité, par exemple, est un outil efficace qui peut démontrer cette proposition de valeur.
La bioéconomie constituera certainement le moteur de l'innovation de l'avenir. Créer des occasions d'affaires est une priorité et c'est la plateforme pour générer de nouvelles recettes, réduire les intrants et abaisser les coûts pour les agriculteurs. Prenons un transformateur de pommes de terre du Manitoba. Il expédie maintenant ses déchets de pommes de terre à une entreprise de biotechnologie qui utilise ces déchets pour fabriquer des résines plastiques biodégradables utilisées dans l'emballage et le moulage. C'est une solution qui profite à tous.
Dans le secteur de l'élevage, des biodigesteurs peuvent générer du gaz et de l'électricité à partir du fumier, réduisant ainsi les coûts d'énergie et générant de nouvelles recettes par la vente de l'électricité au réseau local.
L'Université de la Saskatchewan a découvert un biopesticide provenant de la graine de moutarde.
Il faut systématiquement évaluer chaque produit alimentaire pour déterminer les applications possibles au niveau biotechnologique. Si l'on parvient à augmenter la viabilité des producteurs, notamment grâce au déploiement de solutions biotechnologiques, certains programmes de gestion du risque axés sur les producteurs, comme Agri-stabilité, pourraient devenir moins nécessaires.
Si l'on ajoute les gains d'efficience que l'on pourrait réaliser dans le cadre de ces programmes, on pourrait cibler les sommes économisées en faveur d'une intensification des activités d'innovation et de recherche et développement. Nous pensons qu'il s'agit là d'un investissement proactif. L'aspect environnemental est également important; il est prioritaire de bien gérer notre approvisionnement en eau et nos émissions de carbone. Dans un contexte de changement climatique, c'est essentiel si nous souhaitons demeurer des fournisseurs alimentaires dignes de confiance.
La recherche est cruciale pour le maintien de la capacité d'adaptation des agriculteurs. Il convient par exemple de trouver des façons de produire des récoltes résistant à la chaleur et à la sécheresse. Les détaillants et les transformateurs établissent des objectifs en matière d'utilisation de l'eau et de réduction du carbone. Ils remontent la chaîne d'approvisionnement jusqu'à l'entreprise agricole pour aider les producteurs à contribuer à cet effort. Les questions liées à l'approvisionnement en eau et aux émissions de gaz carbonique demeureront au coeur des stratégies environnementales et concurrentielles pendant bien des années encore.
Si l'objectif est de soutenir la concurrence, il est prioritaire d'établir un environnement d'affaires attrayant et la réglementation fait partie intégrante de cette équation. Les règlements ont un cycle de vie limité. Il convient par exemple de se demander si le règlement X contribue toujours à l'innocuité et à la capacité concurrentielle des produits alimentaires canadiens. Il est essentiel d'harmoniser et de maintenir à jour nos façons de faire en nous inspirant des pratiques qui ont fait leurs preuves. Des changements sont toujours possibles comme nous l'ont démontré les mesures importantes prises pour améliorer l'environnement réglementaire entre le Canada et les États-Unis.
La commercialisation des activités de recherche et développement financées par les deniers publics est en partie tributaire de partenariats publics-privés efficaces. On peut ainsi mitiger les risques liés à l'innovation. Prenons l'exemple d'un champignon ayant de meilleures qualités nutritives. Une grande entreprise ontarienne de transformation a collaboré avec un cultivateur de champignons et un centre de recherche public, Vineland Research, afin de créer un champignon plus nutritif pouvant être utilisé dans les sauces et les soupes. La collaboration fut profitable pour le transformateur qui a pu mettre sur le marché un produit recherché. Le producteur a aussi bénéficié de sa coopération avec un transformateur tenant compte des préférences des consommateurs. Le centre d'innovation en est aussi sorti gagnant, car il peut désormais compter sur une chaîne d'approvisionnement lui donnant accès aux marchés. Chacun réduisait les risques liés à l'innovation pour les autres intervenants.
Le lin peut-il prévenir les maladies cardiovasculaires? Un essai clinique est en cours pour essayer de le déterminer. C'est le fruit de la collaboration entre Agriculture et Agroalimentaire Canada, l'hôpital de Saint-Boniface, l'Université du Manitoba et Santé Canada. Une entreprise de transformation suit le dossier de près.
Dans le domaine de la recherche, il est prioritaire d'évaluer systématiquement les composantes alimentaires pour trouver de nouvelles idées de produits.
L'alimentation est au centre de différentes connexions. Du côté touristique, l'appellation « aliment canadien » peut contribuer à établir l'image de marque du Canada. En cette saison, il ne faut donc pas se surprendre de voir le site Web de Tourisme Canada parler de la récolte du sirop d'érable au Québec. La promotion des aliments locaux est profitable pour le tourisme, l'économie locale, les agriculteurs, les transformateurs et les restaurants. Il y a ici une question stratégique à se poser. Qu'est-ce qui fait en sorte que les aliments locaux ne permettent pas de vraiment définir le Canada comme destination gastronomique de choix? Je suppose que chaque région du pays aura sa propre réponse à ce sujet.
En résumé, l'alimentation touche plusieurs domaines stratégiques. Les intervenants sont reliés entre eux. Nous pouvons créer des débouchés économiques. Nous pouvons améliorer la santé des gens. Nous pouvons mieux assurer la pérennité du Canada. Nous devons agir pour optimiser les efforts en ce sens. Il s'agit de mettre sur pied une stratégie pour nos systèmes alimentaires. L'établissement de cibles et de jalons contribuera à galvaniser les énergies aux fins de cette démarche. C'est ce qu'a fait le Conseil du canola du Canada.
Nous ne sommes pas en train de dire que le gouvernement devrait dicter une ligne de conduite aux chaînes d'approvisionnement; chacune d'elles devrait se donner ses propres objectifs. Le gouvernement peut stimuler le changement en proposant un ensemble d'objectifs généraux. Il pourrait également le faire pour ses propres domaines d'activité. Il ne s'agit pas ici de rédiger des énoncés de vision. Nous devons discuter dès maintenant de l'avenir du secteur agroalimentaire canadien. Il nous faut préciser quel est notre objectif ultime.
Nous croyons que notre avenir alimentaire est très rose. Que souhaitons-nous réaliser? Voulons-nous doubler la valeur de nos exportations d'ici telle ou telle année? Devions-nous viser un certain pourcentage de notre propre approvisionnement alimentaire? De quoi aurons-nous besoin pour ce faire? Voilà autant de questions qu'il convient de se poser tous ensemble pour une meilleure harmonisation des politiques et des pratiques en vue d'un rendement accru.
Merci beaucoup.
Merci de m'avoir invité aujourd'hui. Pour ceux qui l'ignoreraient, le Conference Board est un laboratoire d'idées sans but lucratif et sans liens partisans dont le siège social est situé ici même à Ottawa. Nous menons des recherches dans différents secteurs y compris les politiques publiques, le rendement organisationnel, et les prévisions et analyses économiques.
On nous a convoqués aujourd'hui pour parler de la chaîne agroalimentaire. Dans ce contexte, nous pensons généralement aux quatre principaux segments de cette chaîne, à savoir les producteurs agricoles, les transformateurs, les détaillants et les restaurants. Mais il ne faut surtout pas oublier qu'il y a des connecteurs reliant ces segments principaux. On peut penser entre autres aux réseaux de transport et aux grossistes. Il importe donc d'examiner l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement et son fonctionnement global pour déterminer l'efficacité du secteur agroalimentaire au Canada.
Comme nous le faisons sans cesse valoir, le secteur agroalimentaire n'est pas un bloc monolithique. Les conditions du marché peuvent varier beaucoup d'un segment de l'industrie à l'autre. Prenons, par exemple, l'ampleur des investissements requis. L'agriculture exige des investissements très considérables. Plus on descend le long de la chaîne de valeur, moins les investissements sont importants. L'apport de capitaux est beaucoup moindre pour la vente au détail et la restauration. Les conditions de fonctionnement sont donc différentes à ce chapitre, car les besoins en capitaux ne sont pas les mêmes.
Pour ce qui est du niveau de concurrence et de l'emprise sur le marché, un sujet dont M. Séguin vous a déjà parlé, le secteur de la vente au détail est sans doute celui où la concentration est la plus marquée alors que trois grandes chaînes se partagent environ 70 p. 100 des ventes au pays, mais la concurrence y reste quand même bien présente. Les petits détaillants se comptent par milliers. Il faut aussi composer avec la concurrence de grandes chaînes à l'extérieur du secteur de l'alimentation, comme Walmart et Target. C'est donc un segment où la concurrence est très forte.
Différents types de concurrence s'exercent également dans les autres segments de la chaîne agroalimentaire. Par exemple, les activités de transformation peuvent varier grandement selon le type de produits, mais il y a tout de même la possibilité de prendre une position de force sur le marché grâce à des mesures comme l'établissement d'une image de marque. Le marché des restaurants est pour sa part très fractionné, mais chacun de ces nombreux intervenants a la possibilité de créer de la valeur par l'entremise de son menu, de son emplacement et du niveau de service offert.
On considère souvent que l'agriculture est une industrie axée sur les denrées. C'est le cas d'une manière générale, mais il y a bien des créneaux à l'intérieur desquels les agriculteurs peuvent ajouter de la valeur à leurs produits en cherchant d'abord à instaurer une image de marque, plutôt qu'à commercialiser de simples marchandises.
Le degré de volatilité des prix de vente et des coûts des intrants est un autre élément qui varie grandement selon la position dans la chaîne de valeur de l'industrie. À l'une des extrémités, les agriculteurs doivent composer avec des prix très instables, alors que les variations sont beaucoup moindres pour les détaillants et les restaurateurs à l'autre bout de la chaîne. Dans ce dernier cas, les mesures visant à contrer l'instabilité sont beaucoup moins nécessaires.
Dans nos recherches sur le secteur agroalimentaire, nous avons dû tenir compte du fait que c'est un secteur viable qui connaît une croissance modérée au Canada. Contrairement aux perceptions, ce n'est pas un secteur en déclin ou menacé de quelque manière que ce soit. Cela étant dit, il y a bien évidemment certaines entreprises de ce secteur qui connaissent des difficultés et le nombre d'intervenants dans l'industrie diminue. Ils sont donc moins nombreux mais de plus grande taille. Un processus de regroupement est en cours.
À quoi est attribuable cette croissance, cette réussite de l'industrie? Il y a différents facteurs. Il y a d'abord les richesses naturelles du Canada, notre eau et nos terres. Nous disposons des ressources nécessaires pour être des acteurs de tout premier plan sur la scène mondiale de la production agroalimentaire. À titre d'exemple, nous figurons parmi les principaux exportateurs de denrées courantes comme le blé, le canola et la fève soya, et nous sommes les plus grands exportateurs de différents produits de spécialité comme l'avoine, les pois et les lentilles. Nous occupons donc déjà l'avant-scène à l'échelle internationale et nous avons certes la possibilité d'intensifier notre présence encore davantage.
La croissance lente et stable de notre industrie s'explique également par la présence d'un marché intérieur capable de l'appuyer. Le taux de pénétration des importations est relativement faible. L'industrie mise principalement sur le marché intérieur. Exception faite de quelques secteurs clés, comme les plantes cultivées, les fruits de mer et certaines viandes rouges, la majorité de notre industrie est fortement axée sur les ventes au Canada. On note donc cette croissance lente et stable qui est tributaire de l'augmentation de la population et du revenu pour le maintien d'un niveau de richesse suffisant. Ainsi, l'industrie peut fonctionner en s'appuyant sur une base solide.
Mais à quel niveau de croissance doit-on s'attendre pour l'avenir? Il est bien certain que les marchés émergents prennent de plus en plus de place. C'est d'ailleurs l'un des facteurs qui expliquent l'augmentation planétaire du prix des aliments au cours des dernières années. De gros marchés comme la Chine, l'Inde et le Brésil voient leur population augmenter en même temps que leur richesse. La demande s'y accentue pour des produits alimentaires en plus forte quantité, de meilleure qualité et d'une plus grande variété. Le Canada a la possibilité de répondre à une partie de cette demande accrue, mais comment pouvons-nous en tirer le meilleur parti possible?
Comme le mentionnait M. Seguin, nous effectuons bien des analyses de l'industrie, mais c'est au niveau des entreprises que se joue notre réussite. Que font les différentes entreprises canadiennes pour prospérer? Dans le cadre de notre recherche sur le secteur agroalimentaire, nous avons effectué des études de cas sur différentes entreprises fructueuses.
Il y a toute une gamme de facteurs dont l'effet est souvent combiné. Nous constatons souvent une intégration verticale efficace au sein de la chaîne d'approvisionnement, que ce soit vers le sommet ou vers la base. Ces entreprises interviennent donc à la fois auprès de leurs fournisseurs et de leurs clients. Elles y arrivent soit via la propriété directe, lorsqu'elles possèdent d'autres segments de la chaîne d'approvisionnement, ou au moyen de partenariats ou de coentreprises, notamment.
Cette façon de faire comporte de nombreux avantages. Cela permet par exemple la diversification des produits et des marchés. En fabriquant un produit destiné à un client suivant une formule d'intégration verticale, on peut espérer atténuer une partie des fluctuations associées à son cycle économique. Il est possible qu'une certaine portion de la chaîne d'approvisionnement agroalimentaire éprouve des difficultés à un moment donné, mais il n'y a guère de risque que toute la chaîne puisse connaître des problèmes. La diversification peut donc être profitable.
L'image de marque est également importante. Voulez-vous seulement offrir du boeuf, ou un produit que les consommateurs peuvent reconnaître et apprécier? Comprennent-ils bien qu'il s'agit d'un produit de qualité constante qu'ils pourront acheter régulièrement?
La mise au point de nouveaux produits est aussi un aspect à considérer. Les produits sont-ils créés en vase clos, ou bien en fonction des désirs des consommateurs? Quelles sont les possibilités qui s'offrent aux producteurs? Pouvons-nous nous réunir pour comprendre les caractéristiques de nos produits et voir comment on peut les adapter aux besoins des consommateurs?
Voilà donc autant de façons d'accroître la valeur créée au sein du secteur agroalimentaire canadien grâce à l'intégration verticale.
En résumé, le secteur alimentaire a été une source constante de croissance modeste pour l'économie canadienne au cours des 20 à 30 dernières années. Ce sont nos richesses naturelles — notre eau et nos terres — qui nous assurent cette croissance. Nous devons mieux comprendre ces atouts afin de tirer le meilleur avantage possible des possibilités qui s'offriront à nous, surtout au sein des marchés émergents. Une gestion efficace de notre chaîne de valeur alimentaire est l'un des moyens à notre disposition pour ce faire.
Merci.
:
Je remercie tous les témoins d'être ici.
David, je commence par vous. Notre parti est tout à fait d'accord avec votre proposition d'une stratégie alimentaire convaincante, de l'étable à la table. Nous la préconisons depuis des années. Cela ne s'est pas concrétisé.
La Fédération canadienne de l'agriculture a essayé d'en proposer une. Toutes sortes de groupes différents... À mon avis, il incombe au gouvernement fédéral, de concert avec tous les joueurs, de préparer un tel plan, comme cela s'est fait en Angleterre, en Écosse et, comme vous le savez, en Nouvelle-Zélande. Mais, ici, ce n'est pas encore fait.
Je vous demande d'abord de parler de la nécessité de ce plan et d'indiquer qui, quel groupe, devrait en diriger l'initiative.
Ensuite, vous avez fait une observation intéressante. Vous avez dit qu'une fois le plan rédigé, il n'était pas nécessairement obligatoire d'y rattacher des règlements ou des règles, qu'il fallait que ce soit une vision. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, en grande partie parce que rien n'oblige la vision à se concrétiser, si vous voyez ce que je veux dire.
Par exemple, on a beaucoup parlé de l'excès de sel dans notre régime alimentaire et de la nécessité d'en réduire la teneur dans beaucoup de produits transformés. Le gouvernement avait l'occasion d'agir et s'est abstenu. Je m'en suis ouvert à certains fonctionnaires qui m'ont répondu que c'était laissé à la liberté des gens. C'est l'idéologie du libre choix, n'est-ce pas?
D'autre part, en ce qui concerne les chemins de fer, qui d'après votre organigramme, relèveraient du commerce et de l'industrie, je suppose, pour augmenter les exportations et améliorer le pouvoir concurrentiel, depuis deux ans les agriculteurs viennent témoigner ici pour dénoncer leurs arnaques, leur immobilisme. Faute de règlements ou de règles, le plan n'est que velléité. Qu'en pensez-vous?
:
Merci beaucoup pour vos questions.
Je commencerai par commenter ce que vous venez de dire. Nous reconnaissons que les objectifs peuvent être difficiles à fixer et à appliquer. Nous sommes tous censés manger de cinq à dix fruits et légumes par jour. Parfois, nous omettons de le faire. Des objectifs peuvent donc être facultatifs plutôt qu'obligatoires.
D'autre part, les objectifs peuvent être très efficaces. Le Conseil canadien du canola, pour son secteur, a fixé un objectif d'augmentation de la production de canola de 65 p. 100 d'ici 2015. Le secteur l'atteindra. Grâce à cet objectif, il a galvanisé sa chaîne logistique — triturateurs, transformateurs, producteurs et autres — pour catalyser la productivité et la rentabilité.
Est-ce que le gouvernement devrait fixer des objectifs? Cela fait peut-être partie de votre question. Je pense que cela doit être discuté. Le gouvernement doit faire preuve d'initiative, pour nous montrer ce vers quoi il aimerait se diriger... D'autre part, il ne s'agit pas de déresponsabiliser complètement les chaînes logistiques. Elles doivent se galvaniser elles-mêmes pour décider ce qu'elles feront de concert. Donc, dans ce cas-ci, l'esprit d'initiative est une chose à partager.
En outre, bien honnêtement, les chercheurs ont un rôle. Ils doivent s'intégrer dans les chaînes logistiques bien plus qu'ils ne l'ont fait. Ce n'est pas une approche descendante de la part du gouvernement. C'est une approche collective, par laquelle chacun essaie de déterminer comment il peut le mieux répondre aux besoins du consommateur, améliorer sa santé et créer des emplois et des profits dans les domaines dont il est responsable. C'est ainsi que l'on devrait procéder.
Je pense que votre première question portait sur les stratégies alimentaires, si vous me permettez d'y répondre.
Je viens de Nouvelle-Écosse. La marée montante soulève tous les bateaux, et plus les gens parlent de stratégies, de plans et d'avenir, le nôtre — en fait, nous parlons d'une destination, pas nécessairement d'une vision — le mieux c'est, d'après moi, parce que le niveau de la discussion commence à changer.
Le Conference Board a organisé, il n'y a pas si longtemps, un sommet alimentaire. On y est constamment revenu sur la nécessité de pourvoir aux systèmes alimentaires. C'en était passionnant. Nous commençons à parler de cela plutôt que, simplement, de chaînes de valeur des fournisseurs. Je pense que la terminologie commence à changer, ce qui révèle une compréhension améliorée de la complexité de la réalité.
Je pense que, au bout du compte, il est probablement important que nous essayions tous, ensemble, de dégager des principes communs. Nous ne pouvons pas faire la microgestion de chaque chaîne logistique. Ce serait impossible. Mais formuler des principes communs, paramétrés et assortis d'objectifs pour orienter les comportements? C'est ce que nous visons.
:
Est-ce que je peux développer mes idées à ce sujet? Le lien entre la santé et l'agroalimentaire est évidemment très complexe. Il faut tenir compte des méthodes de production des aliments, qui pourraient renfermer du sodium, des gras trans et d'autres choses, tenir compte, aussi, de la façon dont nous mangeons, ce qui est évidemment le régime, de la façon de nous informer, nous, nos enfants, nos familles sur l'alimentation, ce qui fait appel à l'information sur les emballages, à l'éducation, à la promotion, à la publicité, etc.
Un autre facteur est l'innovation, peut-être la plus grande chance du secteur agroalimentaire, parce que d'autres ministères, organismes et associations consacrent beaucoup d'efforts à l'éducation et à la promotion. Ils font un assez bon travail. D'après nous, la question, c'est comment catalyser l'activité, comment faire avancer le dossier de la santé. Cela concerne la prévention, et je pense que, partout au pays, on trouve beaucoup de bons exemples.
L'Institut international du Canada pour le grain, l'IICG, a commencé à travailler à la création d'une variété d'orge qui serait un ingrédient plus nutritif, un peu comme on l'a fait pour les légumineuses. Il a embauché des obtenteurs, un établissement de recherche-développement à Leduc, en Alberta, des transformateurs qui veulent faire partie de cette recherche éventuelle et des producteurs. Il y aura de nombreuses occasions à saisir si l'orge entre dans la composition de divers aliments transformés ou autres. Bien sûr, c'est une bonne source de fibres. L'institut, en rassemblant ces divers joueurs, essaie d'accélérer leur travail. Nous aurons ensuite plus d'accès aux aliments au Canada.
Il y a un autre avantage. Nous pouvons augmenter nos exportations d'aliments sains et nous faire connaître comme producteurs d'aliments de qualité, salubres et sains. Donc, le lien entre la santé et les aliments est complexe, mais notre créneau, ici, à l'intersection des ensembles dans le diagramme de Venn, combine la façon de créer un pôle d'innovation pour produire des aliments plus sains et des occasions de croissance dans toutes les chaînes logistiques.
:
Merci, monsieur le président.
Je me réjouis que le comité examine la chaîne de valeur, qui est, à mon avis, constituée de deux grands groupes: d'un côté, les agriculteurs, qui produisent la matière première qui alimente la chaîne, et de l'autre, les consommateurs. Entre les deux, on trouve certains points communs, mais également des différences, selon ce que le consommateur choisit d'acheter et de l'endroit où il le fait. Par exemple, il peut acheter des aliments transformés à l'épicerie ou aller au restaurant.
Les chaînes peuvent présenter des caractéristiques différentes, mais je crois qu'elles ont également des points communs, comme le fait que les aliments passent du producteur au transformateur, puis au distributeur, au grossiste, aux détaillants et aux consommateurs. Cette chaîne est, selon moi, assez bien comprise, mais j'aimerais mieux saisir les divers aspects de chaque étape.
J'aimerais savoir comment nous pouvons optimiser les revenus les agriculteurs produisant les aliments qui entrent dans la chaîne et comment nous pouvons nous assurer que le consommateur final en a pour son argent, étant donné que toutes les étapes de manutention, de transformation, de transport, d'entreposage et de distribution font gonfler le prix. Il faut également réduire les pertes le plus possible. Chaque perte est assumée financièrement par quelqu'un. C'est là que notre étude peut se révéler fort intéressante et très importante.
Ce rapport, préparé conjointement par le George Morris Centre, M. Seguin et l'Institut canadien des politiques agro-alimentaires, fait ressortir les facteurs déterminants des chaînes de valeur florissantes. Dans la première de vos cinq recommandations, vous indiquez que ces chaînes de valeur ont, en fait, besoin de la libre participation des entreprises qui la constituent. Autrement dit, on ne peut pas vraiment les réglementer. Il faut que les entreprises qui constituent les maillons de la chaîne participent de leur propre gré.
En outre, les chaînes de valeur se modifient. Les sciences et l'innovation évoluent, tout comme la demande des consommateurs. Les chaînes doivent donc être très novatrices et les entreprises, très souples pour survivre, se développer et prospérer dans cet environnement.
Pourriez-vous formuler des commentaires sur ces deux recommandations, en particulier sur le rôle du gouvernement? Je ne suis pas convaincu qu'il doivent imposer une législation ou une réglementation lourdes, mais il pourrait jouer un rôle précieux.
Messieurs Seguin et McInnes, à la lumière des deux premières recommandations que contient votre document, quel rôle le gouvernement devrait-il jouer?
Je vous remercie d'aborder la question, monsieur Lemieux.
Selon nous, c'est une démarche d'entreprise, prise par des vendeurs et des acheteurs libres et non obligés par la loi ou la réglementation, dans une recherche du bien commun. Il y a un avantage pour tous, même s'il est parfois difficile à déceler. Parfois, même le régime de réglementation est défavorable.
Les attitudes et les conflits antérieurs n'encouragent guère les gens à unir leurs efforts. Mais si ces derniers y parviennent, ils s'apercevront qu'ils peuvent offrir une valeur accrue au consommateur, peut-être réduire leurs coûts et leurs pertes, trouver de meilleures façons de faire face à la situation et s'adapter au fil du temps.
Ce n'est pas quelque chose qu'on peut reproduire simplement avec des règlements ou une étude de gestion. Il faut faire preuve de persistance. La situation varie d'une filière à l'autre. Les perspectives concernant le marché ou la demande en produits laitiers au Québec et en Ontario sont fort différents de celles des producteurs de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard ou du Nouveau-Brunswick ou d'un éleveur de bovins de l'Alberta ou de la Saskatchewan. Comment atteindre un juste équilibre opérationnel?
En outre, le passé pèse lourd dans la balance. Les différends, les points de vue, les lois et les attitudes du passé n'ont pas toujours encouragé les acteurs à travailler ensemble. Il faut donc qu'ils soient disposés à collaborer. Les gouvernements peuvent les y encourager, favoriser le renforcement des capacités en gestion et aider à comprendre de qui se passe vraiment sur le marché. Les gens ne doivent cependant pas être obligés à collaborer.
Merci, Bob.
Il faudrait que ce soit organique, c'est-à-dire que les choses évoluent naturellement quand des occasions d'affaires se présentent. Le gouvernement a certainement un rôle de premier plan à jouer à titre d'agent de réglementation, de bailleur de fonds et de promoteur du commerce. Il peut donc avoir une incidence sur l'ensemble du marché ou sur certaines chaînes de valeur ou d'approvisionnement.
On peut d'ailleurs le constater en observant, je crois, le gouvernement de l'Ontario, qui aide les producteurs, les détaillants, les chefs et les restaurateurs à se trouver sur le marché. Par l'entremise du site Web Ontariofresh.ca, le gouvernement s'efforce d'établir de nouveaux liens afin de créer essentiellement de nouvelles chaînes d'approvisionnement avec les agriculteurs, les producteurs et les marchés dans les zones habitées situées dans les environs de la ceinture verte. Il peut donc apporter de l'aide à cet égard, sans nécessairement participer à la transaction.
Nous connaissons un couple d'entrepreneurs, que nous avons d'ailleurs invité à un de nos symposiums, qui a acheté des produits de 29 agriculteurs et producteurs de bovins et de produits agricoles de l'Ontario afin d'offrir chaque jour des repas sains à des milliers d'écoliers de la région du Grand Toronto. Ils ont réussi à raccourcir la chaîne d'approvisionnement en développant des relations empreintes de confiance. Conscients des mérites de cette démarche, ils cherchent maintenant à l'appliquer aux produits transformés; par exemple, ils essaient d'utiliser toutes les carcasses ou d'assurer un approvisionnement à l'année longue en s'intéressant notamment à la préparation de sauces. Je ne suis pas certain que le gouvernement ait participé à l'initiative, mais ils se sont découvert un désir commun de créer un excellent produit qui rehausse la qualité des repas servis quotidiennement à des milliers d'enfants. Nous devrions leur lever notre chapeau.
Si nous leur demandions ce qui nuit à leur réussite, je suis convaincu qu'ils pourraient nous dresser toute une liste d'obstacles. Nous devrions toutefois accepter le fait que la diversité fait partie de ce monde et qu'il y aura des chaînes de toutes les tailles.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, messieurs, de comparaître.
Je trouve intéressant que vous ayez parlé de nourrir les écoliers. Le plan alimentaire national d'Écosse prévoit justement de nourrir les enfants jusqu'en sixième année, sans égard aux revenus, par simple application d'une stratégie alimentaire, point à la ligne.
Sachez en outre qu'un hôpital de la région du Grand Toronto prépare maintenant ce qu'il conviendrait d'appeler des repas maison. Personne ne souhaite être hospitalisé, mais quiconque a déjà séjourné à l'hôpital sait à quel point la cuisine y est mauvaise. Or, ces repas maison, s'ils sont plus chers à préparer au début, ont l'avantage de ne pas finir aux trois-quarts à la poubelle, où aboutissent la plupart des repas servis aux patients, car ces derniers ne les aiment vraiment pas, et cela se comprend. Ceux d'entre nous qui ont été hospitalisés dernièrement savent que ce n'est pas très drôle et que ces repas ne sont vraiment pas très bons. Il est donc intéressant que vous ayez évoqué cette chaîne et le rôle que les établissements peuvent, dans une certaine mesure, jouer à cet égard. Il faudra voir ce qu'il advient de cette initiative, qui, pour l'instant, ne fait intervenir qu'un seul hôpital de Toronto. Nous verrons ce qui se passe.
David, vous avez parlé dans votre rapport du Vineland Research and Innovation Centre, un établissement que je connais fort bien, car j'habite la région. Robert a également effleuré la question. À ma grande honte, je dois avouer que j'y volais des pêches quand j'étais petit. Elles étaient délicieuses, d'ailleurs. Ils ne cultivent plus cette sorte, je crois, car ils ne l'aimaient pas.
Quoi qu'il en soit, existe-il des modèles semblables au pays? C'est assez novateur, considérant que l'endroit, moribond il y a environ huit ans, est devenu ce qu'il est aujourd'hui. Est-ce que l'un d'entre vous voudrait faire un commentaire à ce sujet?
Je me demande également si vous pourriez traiter brièvement de ce que vous qualifiez de plans de durabilité agricole. Pourriez-vous nous en parler tous les deux? Je vous laisserai le reste du temps pour répondre à ces deux questions.
Je vous laisse libre de répondre si vous le souhaitez.
:
D'accord. Bob, vous pouvez réfléchir à une bonne réponse.
Je reviendrai rapidement à la question des hôpitaux pour dire que c'est vraiment intéressant. Cette initiative illustre le concept que nous avons essayé de présenter ici, à savoir si nous devrions nous intéresser aux secteurs de la santé et de l'agroalimentaire pour déceler des occasions communes, comme l'approvisionnement en aliments produits dans les diverses régions du Canada afin de servir des repas dans les hôpitaux.
Je sais que dans la région du Grand Toronto, on sert chaque année 115 millions de repas dans les établissements de soins de longue durée de la province. J'espère que cette statistique est juste. Aurions-nous là une occasion? Je n'ai pas la réponse. Quel pourcentage de ces aliments viennent de l'Ontario ou du Canada? C'est une question qu'il faut se poser. Laissons-nous échapper des occasions dans notre propre cour?
En ce qui concerne Vineland, c'est un établissement que je connais fort bien. Je crois qu'on s'efforce de regrouper les acteurs des diverses régions du pays. J'ai parlé de l'IICG. Il y a également le Richardson Centre for Functional Foods de Winnipeg, qui essaie de tendre la main au secteur privé et aux chaînes d'approvisionnement pour créer des occasions. De plus, si je ne fais erreur, FOODTECH Canada accueille, dans ses installations de R-D, des cultivateurs et des entrepreneurs qui travaillent ensemble pour développer et tester des aliments et réaliser des études de marché et des recherches sur les besoins des consommateurs. Il y a beaucoup d'activités.
J'en reviendrais donc à la question de savoir s'ils adoptent une perspective d'entreprise? Ont-il le consommateur à l'oeil? Exploitent-ils les ressources des installations de recherches publiques et privées pour lancer leurs produits sur le marché? De plus, la structure de réglementation nécessaire est-elle en place quand un produit est commercialisé?
Il faut, selon moi, réunir immédiatement tous ces éléments pour créer un environnement optimal pour l'innovation.
:
Si vous me le permettez, monsieur le président, c'est une bonne question.
Je dirai trois choses. J'aimerais savoir à quel moment un gouvernement ou un ministre de l'Agriculture a dit que les aliments de proximité n'étaient pas importants, puisqu'ils l'ont toujours été. Ce qui a toujours posé problème à de nombreux établissements sur le plan de l'alimentation, ce sont les coûts. Pour répondre à la question, je dirais que beaucoup de produits ont fini par être jetés, gaspillés.
Il a fallu un changement d'attitude. Que voulons-nous vraiment lorsque nous fournissons des services alimentaires à des établissements, que ce soit des écoles, des hôpitaux ou des centres de soins de longue durée? Comment voulons-nous utiliser les aliments, et obtenons-nous la valeur optimale? Le fait de poser ces questions nous fait voir les choses différemment et nous amène à nourrir autrement les gens qui se trouvent à ces endroits.
Je ferai remarquer que le Collège de gestion et d'économie de l'Université de Guelph a terminé, ou termine en ce moment, une étude sur les hôpitaux locaux et ce qui influence leur rapport à la nourriture. Ce n'est pas le fait que le gouvernement n'impose pas de mesure ou que le producteur et le transformateur n'innovent pas; c'est la façon dont les établissements ont toujours traité les aliments et cherché à en minimiser les coûts. Voilà comment ils voyaient la chose. Ils changent maintenant d'attitude, ce qui devrait faire évoluer la situation.
Enfin, il faut voir comment nous amenons les gens à penser différemment et à comprendre où se trouve la véritable valeur dans le marché, au lieu de dire que nous savons avec certitude où elle se trouve. Le système alimentaire est beaucoup trop complexe pour croire qu'une obligation ou un règlement saura satisfaire à la fois les consommateurs et les gens qui produisent et transforment les aliments. Il nous faut beaucoup plus de souplesse.
Quant au plan agricole de durabilité, le centre croit qu'il s'agit d'un excellent concept, mais les gouvernements et l'industrie y ont mis fin. Alors, quels sont les effets réels sur l'environnement? Pouvons-nous vraiment mesurer ces impacts pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas? Faire un pas de plus, c'est là tout un défi, à notre avis.
Je remercie les témoins de leur présence parmi nous.
Une foule d'idées me viennent à l'esprit. Je vais essayer de faire du mieux que je peux en cinq minutes. Je dirai tout d'abord que ce dossier est complexe et c'est dommage de n'avoir que des interventions de cinq minutes pour en discuter. C'est très difficile.
Je commencerai par vous remercier, monsieur McInnes, d'avoir souligné, en finissant de répondre à M. Valeriote, que nous ne pouvons pas faire de microgestion.
Je vais revenir à un thème que M. Valeriote a ouvert en disant qu'il voit une certaine idéologie dans le désir des conservateurs de donner aux gens la liberté de suivre leur propre destin. De ce côté-ci de la salle, nous observons souvent un désir idéologique de la part des libéraux qui souhaitent voir le gouvernement faire de la microgestion. Je crois que cette distinction s'impose.
J'ai écouté attentivement, et on a peu parlé aujourd'hui de l'interaction entre les compétences fédérales et provinciales. Bien sûr, je suis nouveau au sein de ce comité, et il se pourrait que je sois finalement tombé sur un comité où la question de la compétence fédérale-provinciale ne pose aucun problème. Peut-être que tout fonctionne rondement et qu'il n'y a aucun obstacle.
La chaîne alimentaire comporte des activités complexes et ce, dans toutes les provinces. Puisque nous faisons un genre de survol ici, j'aimerais d'abord demander à M. McInnes si toutes les questions fédérales-provinciales concernant la chaîne d'approvisionnement alimentaire ont été réglées, ou s'il reste quelques points en suspens, et s'il croit que le gouvernement fédéral peut agir pour faire avancer ces dossiers?
:
Merci à tous d'être ici.
Monsieur McInnes, j'aimerais revenir à ce que vous avez dit au sujet des soins de santé et de l'alimentation. Je vais lancer mes questions, en espérant que nous aurons assez de temps pour que vous puissiez tous y répondre.
Nous avons parlé des soins de santé et de l'alimentation. Au cours des audiences sur la stratégie alimentaire que j'ai menées partout au Canada, on a beaucoup commenté le fait que plus on favorise une saine alimentation, moins les coûts sont élevés pour notre système de soins de santé.
Le gouvernement devrait-il jouer un rôle en rendant obligatoire l'approvisionnement local ou en légiférant dans ce domaine, que ce soit au niveau provincial ou fédéral, pour qu'il y ait un certain pourcentage d'aliments de proximité, par exemple, dans les établissements de l'État et les établissements fédéraux? Devrait-on mettre en place certains types de programmes pour soutenir les agriculteurs? Je sais qu'aux États-Unis, on remet des coupons aux personnes âgées pour qu'elles fassent leurs achats dans les marchés fermiers. En Colombie-Britannique, nous avons mené un projet pilote semblable auprès des familles à faible revenu. Devrait-on encourager une telle politique? Il est bien connu que les gens qui consomment beaucoup de fruits et de légumes sont en meilleure santé. C'est là une chose.
Il y a aussi toute la question des OGM. Je sais que mes collègues conservateurs se réjouiront du fait que, dans le débat sur l'étiquetage des aliments génétiquement modifiés qui se déroule aux États-Unis, il est question de la liberté de choix, c'est-à-dire la liberté de choisir des aliments génétiquement modifiés ou non. Je me demande quel effet cela pourrait avoir ici sur notre chaîne d'approvisionnement. Environ un million de personnes ont signé une pétition demandant à la FDA d'étiqueter les aliments génétiquement modifiés. Plus de 500 organisations partenaires ont contribué à galvaniser ce mouvement.
Je viens d'apprendre qu'en Californie, on demande la tenue d'un référendum parallèlement au scrutin de novembre. Si elle est approuvée, la position de la Californie aurait un effet d'entraînement. L'étiquetage des aliments transgéniques serait obligatoire en Californie. Comme cet État a été un chef de file dans bien des domaines, cette mesure aurait un effet d'entraînement, et l'étiquetage deviendrait probablement obligatoire partout aux États-Unis, et probablement ici.
Dans cette éventualité, quel effet cette mesure aurait-elle sur la chaîne alimentaire, selon vous tous? Avez-vous des commentaires à ce sujet? Nous savons, par exemple, que cet étiquetage est obligatoire en Europe et dans de nombreux autres pays.
Je pose ces deux questions seulement, en espérant que vous aurez assez de temps pour y répondre. M. McInnes pourrait peut-être commencer.
:
Merci de poser la question. C'est une grande question.
Évidemment, les universitaires et les scientifiques ont un rôle majeur à jouer dans le domaine de la recherche, et la recherche appliquée est très importante. Toutefois, je crois qu'on s'intéresse de plus en plus à la façon dont elle est commercialisée — je parle plutôt de la recherche fondamentale. Comment appliquons-nous la recherche pour pouvoir la commercialiser?
Je crois que le canola est un excellent exemple, et je suis ravi que vous en parliez. Le canola est, bien sûr, l'un des plus grands succès du Canada, un grand succès sur le plan de l'exportation. Mais c'est le fruit des travaux de deux scientifiques d'Agriculture Canada, si je ne m'abuse, qui l'ont mis au point, pour travailler ensuite avec l'Université du Manitoba et le Conseil national de recherches, puis avec les entreprises et les nutritionnistes pour l'amener là où il est aujourd'hui.
Quelle est la morale de l'histoire? Une idée peut naître en recherche fondamentale, mais il faut toute une palette de joueurs pour qu'elle connaisse du succès. J'ai vu une statistique — de Cargill, en fait — disant que la pleine commercialisation d'une grande innovation peut prendre 10 ans et coûter entre 50 et 100 millions de dollars. Nous devons donc voir la complexité d'une question et bien comprendre pourquoi nous avons besoin de tous les intervenants pour décider de la meilleure façon de faire les choses ensemble.
Par ailleurs, si nous voulons vraiment être souples, damer le pion à nos compétiteurs et attirer les investissements ici, alors il est essentiel que l'innovation soit dirigée par les entreprises.