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Bonjour. Je m'appelle John Cowan, et je représente Grain Farmers of Ontario. Je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion d'exposer la position de Grain Farmers sur cette très importante question de la santé des abeilles pollinisatrices au pays.
Histoire de vous mettre un peu en contexte, Grain Farmers of Ontario représente les 28 000 agriculteurs qui cultivent le maïs, le soja et le blé dans la province de l'Ontario. L'organisation est le fruit de la fusion, il y a trois ans et demi, de trois associations représentant ces cultures. Nos cultures couvrent plus de 5 millions d'acres et représentent des recettes à la ferme de plus de 2,5 milliards de dollars. Nous sommes dirigés par 15 administrateurs élus, et nos 15 circonscriptions sont représentées par 150 délégués élus à l'échelle de la province.
J'ai deux déclarations pour commencer. Grain Farmers of Ontario reconnaît l'importance des abeilles pour notre milieu naturel et leur importance comme insecte de pollinisation de multiples cultures. Les agriculteurs ontariens reconnaissent aussi le besoin du traitement insecticide des grains afin de protéger la semence et les jeunes plantules de maïs.
Je vais vous présenter un bref historique du traitement insecticide des semences en Ontario et également au Canada. Avant l'enregistrement des néonicotinoïdes, les semences de maïs étaient traitées au lindane, un insecticide organochloré. En 2001, Santé Canada a conclu que le lindane appliqué en traitement des semences posait des risques inacceptables pour les travailleurs. Le lindane a été officiellement supprimé en 2004. Essentiellement, il était extrêmement nocif pour les agriculteurs. Les traitements de semence actuels aux néonicotinoïdes ont été enregistrés de 1995 à 2003 — alors il y a plus de 10 ans — et sont réputés beaucoup plus sécuritaires pour les agriculteurs que ce qui était utilisé auparavant.
Grain Farmers of Ontario a été avisé pour la première fois au printemps 2012 d'un important taux de mortalité des abeilles.
Le traitement appliqué à la semence permet de réduire de 10 à 20 fois la quantité de pesticides utilisée, comparativement aux pulvérisations d'insecticides à la volée, ce qui est plus sécuritaire à la fois pour les producteurs et l'environnement. Des agents polymères servent à lier l'insecticide à la semence, et la semence de maïs traitée est enfouie de quatre à huit centimètres sous la surface du sol. L'insecticide protège la semence de maïs et les jeunes plantules contre les insectes nuisibles qui se nourrissent de la plante jusqu'à ce qu'elle puisse se nourrir à partir de ses racines.
Les pertes subies à la densité de la population au champ sans application d'insecticides, selon les mesures du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, sont équivalentes à une diminution de rendement de l'ordre de 3 à 20 boisseaux l'acre en raison des attaques du ver fil-de-fer, de la mouche du semis et du ver blanc. Une diminution de 20 boisseaux l'acre équivaut à une perte de presque 130 $ l'acre pour les producteurs de maïs. Nombre de nos membres signalent qu'une perte de 10 % est la moyenne, ce qui représente environ 95 $ l'acre. Pour un producteur de maïs qui exploite 500 acres, cela équivaut à des pertes d'environ 50 000 $, qui, bien entendu, compromet directement la rentabilité.
Le traitement des semences représente une garantie sur l'investissement contre les pertes de rendement et de revenu. Il n'y a aucun autre insecticide disponible pour protéger le maïs contre ces ravageurs en début de saison.
Grain Farmers of Ontario soutient la recherche sur ce thème important. Nous appuyons actuellement, en collaboration avec le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation et le ministère des Affaires rurales de l'Ontario, un projet qui a pour objectifs:
• de déterminer la présence des abeilles et des plantes en fleurs autour des champs de maïs au moment des semis et les possibilités de réduire l'exposition des insectes pollinisateurs à la poussière contaminée aux pesticides;
• de déterminer le rôle des lubrifiants de semences sur la production de la poussière contaminée aux pesticides durant les semis.
Cette étude, évaluée à 340 000 $, comprend des apiculteurs et des producteurs de maïs ontariens, et dispose d'un financement du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation de l'Ontario et de celui des Affaires rurales, du Agricultural Adaptation Council et du Pollinator Partnership des États-Unis.
Grain Farmers of Ontario s'engage à comprendre les enjeux, à continuer à se tenir au courant des résultats de la recherche et à communiquer les meilleures pratiques de gestion à nos agriculteurs. Nous nous engageons à gérer les produits que nous utilisons de la meilleure manière possible et à axer nos efforts sur une solution fondée sur des principes scientifiques éprouvés qui tient compte de la santé des récoltes et des abeilles.
Pour conclure, beaucoup de gens cherchent la solution idéale. Une récente étude du département de l'Agriculture américain publiée la semaine dernière confirme notre croyance selon laquelle la mort des colonies d'abeilles en Amérique du Nord est un problème très complexe. Il comprend les acariens varroa, l'alimentation des colonies et d'autres interrelations entre la gestion et l'environnement.
Nous avons exprimé notre souhait que le gouvernement du Canada investisse dans la recherche pour comprendre la santé des abeilles, le butinage des colonies d'abeilles et les interactions entre les agriculteurs et l'environnement dans lequel ils travaillent.
Merci.
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Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
Merci de m'avoir donné l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui pour parler de l'important sujet de la santé des pollinisateurs.
[Français]
Je m'appelle Pierre Petelle. Je suis vice-président pour le secteur de la chimie chez CropLife Canada. Nous représentons les développeurs, les fabricants et les distributeurs de produits antiparasitaires et de biotechnologies végétales.
[Traduction]
Mme Maria Trainer, directrice générale, Affaires réglementaires, CropLife Canada, m'accompagne aujourd'hui.
Je vais présenter une déclaration préliminaire au nom de CropLife ce matin.
Les entreprises membres de CropLife Canada s'engagent à protéger la santé humaine et l'environnement. Nos technologies sont bénéfiques, non seulement pour les agriculteurs canadiens, mais aussi pour les consommateurs qui profitent d'aliments à meilleur marché, d'une plus grande qualité environnementale et d'une économie plus prospère.
L'agriculture n'a jamais été aussi durable sur le plan environnemental, en grande partie grâce aux produits novateurs mis au point par notre industrie. Par exemple, nous aidons les agriculteurs à accroître leur production tout en réduisant la superficie requise, ce qui optimise grandement leur efficience. Les produits de notre industrie améliorent aussi la conservation du sol, réduisent la quantité d'eau utilisée et génèrent moins de gaz à effet de serre. Nous sommes fiers de ces contributions.
Outre notre obligation morale de protéger l'environnement, dont les pollinisateurs sont une composante intégrale et essentielle, notre industrie a aussi directement intérêt à protéger les abeilles. Sans pollinisation adéquate, nombre des cultures que visent à protéger nos produits n'existeraient tout simplement pas. Le succès de la culture moderne dépend des abeilles, et nous sommes entièrement résolus à protéger et à améliorer la santé des pollinisateurs.
Le comité a sans doute vu l'analyse préliminaire de l'ARLA portant sur les incidents liés aux abeilles dans le sud de l'Ontario au printemps dernier. Selon l'analyse, l'insecticide utilisé pour traiter le maïs a bel et bien contribué aux pertes. Avant que ne je commente le rapport de l'ARLA et les mesures qu'a prises notre industrie depuis le printemps dernier, j'aimerais aborder le traitement des semences en général. John en a déjà parlé dans une certaine mesure, mais j'aimerais expliquer plus en profondeur de quoi il s'agit, pourquoi on recourt à cette pratique et l'importante amélioration environnementale par rapport à l'autre solution.
Les semences traitées à l'insecticide représentent une amélioration sur le plan de la précision, car une quantité infime du produit est appliquée directement sur la semence, où il garantira la meilleure protection, à savoir dans la semence et dans le sol. Cette méthode d'application du pesticide signifie que le produit est appliqué à un endroit où des insectes bénéfiques, comme les abeilles et d'autres organismes non visés, sont moins susceptibles d'entrer en contact avec le pesticide.
Les semences traitées ont très bien coexisté avec des pollinisateurs dans nombre de régions canadiennes depuis un certain temps. Par exemple, le canola, l'une des plus grandes réussites canadiennes, est semé sur plus de 21 millions d'acres dans l'Ouest canadien. La quasi-totalité de cette culture, qui est très attirante pour les abeilles, est traitée avec un néonicotinoïde, et la santé des abeilles dans cette région demeure solide. En fait, bon nombre d'apiculteurs nous ont dit que les produits de traitement des semences représentaient une amélioration considérable comparativement aux pratiques antérieures au chapitre de la protection de la santé des abeilles.
En plus de réduire le risque d'exposition des pollinisateurs, les traitements de semences ont également aidé les agriculteurs en favorisant des cultures plus fortes et plus résilientes ainsi qu'un meilleur rendement. Toute restriction se rattachant à ces produits obligerait les producteurs à recourir à d'autres produits antiparasitaires, dont la pulvérisation foliaire, qui pourrait accroître le risque d'exposition d'organismes non visés, comme les abeilles.
Les pesticides sont un outil essentiel pour permettre à nos producteurs de nourrir la population mondiale grandissante de façon écologiquement responsable. Sans pesticides, le monde perdrait au moins 40 % de son approvisionnement alimentaire; pour certaines cultures, les pertes pourraient atteindre 80 %. La situation de l'approvisionnement alimentaire mondial serait tout simplement catastrophique.
Au Canada, nous avons essentiellement échappé à l'important déclin des colonies d'abeilles observé ailleurs dans le monde. De fait, selon les données de Statistique Canada, le nombre de nos abeilles est à la hausse. Toutefois, nous ne devons pas nous asseoir sur nos lauriers. La santé des abeilles est complexe, tout comme celle des humains, et, selon les experts — et je ne prétends pas en être un —, elle dépend d'une multitude de variables interreliées dont les parasites, les maladies et d'autres facteurs de stress, comme la perte de l'habitat, les faiblesses génétiques et l'exposition à l'environnement.
Compte tenu de la dépendance manifeste de notre industrie à l'égard des abeilles, tous ces facteurs sont pour nous une source de préoccupations. La complexité englobe les circonstances du printemps dernier. La chaleur record de l'an dernier, le vent et les conditions printanières uniques ont entraîné un accroissement de la poussière libérée durant l'ensemencement du maïs. De plus, en raison de la chaleur supérieure aux normales saisonnières, les mauvaises herbes ont poussé plus tôt qu'à l'habitude, et les abeilles butinaient pendant l'ensemencement du maïs.
En réalité, on ensemence du maïs traité aux néonicotinoïdes en Ontario et ailleurs depuis 10 ans sans créer d'incidents semblables.
J'ai mentionné plus tôt que notre industrie avait pris des mesures depuis le printemps dernier. J'aimerais en parler un peu plus en profondeur.
Depuis l'an dernier, notre industrie a notamment élaboré un ensemble exhaustif de pratiques exemplaires sur le plan de la gestion pour l'ensemencement de maïs traité à l'insecticide et la communication active de cette information aux producteurs. Nous établissons aussi une meilleure communication et des relations positives entre les apiculteurs, les producteurs et notre industrie pour aider à protéger les pollinisateurs et à trouver des solutions aux problèmes de santé qui touchent constamment les pollinisateurs. Nombre de nos entreprises membres investissent dans de nouveaux produits de santé des ruches, qui sont aussi des pesticides, pour protéger les abeilles contre les parasites dévastateurs de ruches, comme l'acarien varroa.
Une chose qu'on oublie souvent de prendre en compte, c'est que les pesticides sont l'une des substances les plus lourdement réglementées sur le marché. L'ARLA de Santé Canada est l'un des organes de réglementation les plus respectés au monde, souvent cité en exemple par d'autres pays qui cherchent à renforcer et à moderniser leur cadre de réglementation. L'ARLA mène une évaluation en profondeur de tous les produits antiparasitaires avant l'approbation de leur utilisation et de leur vente au Canada. Cet exercice comprend une évaluation rigoureuse de l'incidence potentielle sur la faune et d'autres organismes non visés.
Les néonicotinoïdes sont toxiques pour les insectes, mais très peu pour la majeure partie de la faune. En outre, la nature ciblée de la technologie de traitement des semences réduit au minimum l'exposition des insectes bénéfiques, comme les pollinisateurs. À l'heure actuelle, certains néonicotinoïdes font l'objet d'une nouvelle évaluation. Il s'agit d'un volet routinier du processus de l'ARLA conçu pour que l'on s'assure que toutes les données scientifiques les plus récentes sont prises en considération au moment d'étudier un produit approuvé par le passé. Nous appuyons le rigoureux système de réglementation du Canada, dont la réévaluation régulière de produits approuvés. On veille ainsi à ce que les décisions en matière de réglementation soient constamment évaluées au regard des meilleures données scientifiques disponibles et que les Canadiens fassent confiance aux innovations mises au point par notre industrie.
Enfin, certains feront sans doute valoir que la Commission européenne a récemment annoncé son intention d'interdire l'utilisation de certains nicotinoïdes à partir du 1er décembre de cette année. Il importe de noter que la décision était partagée en Europe et que nombre de membres ont voté contre la recommandation. Il est aussi intéressant de noter que la commission a fondé sa recommandation sur un rapport de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, ou l'AESA, qui n'était pas concluant et était fondé sur des écarts de données perçus, qui auraient pu être corrigés. Par exemple, les chercheurs n'ont pas tenu compte des études de suivi indépendantes menées dans un certain nombre d'États membres de l'UE, qui indiquaient clairement l'absence de répercussion des insecticides néonicotinoïdes sur les colonies d'abeilles lorsqu'ils étaient utilisés correctement et ils n'ont pas non plus tenu compte de l'expérience pratique d'autres régions dont le Canada. Néanmoins, on a choisi d'adopter une approche qui représente une mauvaise application fondamentale du principe de précaution.
La décision envoie un signal très négatif aux sociétés de R-D novatrices qui dépendent du caractère prévisible des décisions fondées sur la science en matière de réglementation. À nos yeux, il s'agit encore d'un autre cas où la politique l'emporte sur la science en Europe, qui est maintenant le plus grand importateur d'aliments au monde. Cette décision rend les agriculteurs complètement impuissants, contribuera à accroître encore davantage le prix des aliments en Europe et ne contribuera en rien à la santé des pollinisateurs en Europe.
Les pesticides et les pollinisateurs ont tous deux des rôles essentiels à jouer sur le plan de l'agriculture. Ils sont essentiels au succès de la durabilité de la production alimentaire destinée à une population mondiale en constante croissance. L'industrie de la phytologie du Canada s'engage à travailler avec les apiculteurs, les producteurs et toutes les parties intéressées pour améliorer et préserver la santé des pollinisateurs au Canada, aujourd'hui et pour les générations futures.
Merci beaucoup de votre attention.
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Ça va. Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier nos témoins. Je crois que je n'ai jamais vu une salle aussi bondée.
Il s'agit d'un sujet très important. Je me souviens d'avoir accueilli des témoins l'année dernière, et la séance a été très émouvante et mémorable.
Je vais poser une question dans l'autre langue.
[Français]
J'ai parlé avec les gens de la Fédération des apiculteurs du Québec. Je pense qu'il est important de faire valoir aussi leur position à ce sujet.
Comme en Ontario, il y eu des cas semblables au Québec depuis 2009. Ces cas étaient moins nombreux, mais on parle bien des mêmes cas. Ils ont été déclarés au printemps. La fédération estime qu'elle doit sensibiliser, par tous les moyens possibles, les agriculteurs aux risques de ces insecticides sur les abeilles et autres pollinisateurs. C'est toutefois comme le combat de David contre Goliath. C'est vraiment difficile à enclencher et c'est complexe.
Par ailleurs, devant les décisions récentes de l'Union européenne et la position prise par l'Association des apiculteurs de l'Ontario en fin de semaine dernière, le conseil d'administration de la Fédération des apiculteurs du Québec, qui se réunissait hier soir, a adopté une résolution demandant de bannir l'utilisation des néonicotinoïdes dans l'agriculture au Canada.
Je veux donc savoir quelle est votre position par rapport à leur récente résolution.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Et merci à nos témoins d'être venus aujourd'hui. Il s'agit effectivement d'un thème important, et c'est pourquoi nous l'étudions. J'ai remarqué un certain nombre d'articles dans les journaux, ce qui témoigne aussi de l'importance de ce thème.
Mais, à mon avis, l'un des messages qui peuvent être transmis par inadvertance — parfois dans le cadre d'articles, par exemple —, c'est que les agriculteurs, pour une raison ou une autre, ne se soucient pas vraiment du sort des abeilles. Ce sont les abeilles contre les agriculteurs. N'est-ce pas? Si seulement les agriculteurs se souciaient du sort des abeilles, la situation changerait.
Permettez-moi de poser une question. Comme mon temps est limité, je vais demander des réponses courtes. Comment les abeilles profitent-elles aux cultivateurs, et les cultivateurs ont-ils un intérêt direct dans la santé des populations d'abeilles?
Je vais commencer par John, puis Pierre. Ensuite, j'aimerais poser deux autres questions.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins.
Monsieur Petelle, permettez-moi de dire ceci tout de suite: nous reconnaissons le fait que, pendant des années — et je m'adresse également à M. Cowan, parce que lui et moi avons déjà abordé la question ensemble —, il ne semblait pas y avoir de problème.
M. Valeriote a parlé d'une tempête parfaite. Mme Trainer, vous avez laissé entendre qu'il s'agit peut-être d'une bonne façon de décrire la situation. Mais je dirais à mes amis assis de l'autre côté de la salle que nous comprenons que cette question particulière... Monsieur Petelle, vous avez dit que vous avez compris que les néonicotinoïdes constituaient l'an dernier un facteur de ce qu'est arrivé aux colonies de l'Ontario en particulier, que ce soit en raison des conditions météorologiques ou des résidus et de toutes les autres choses dont nous avons parlé.
Ce que je voudrais vraiment aborder, c'est cette impression de... À l'échelon municipal, nous appelions cela la tempête du siècle, et, dans le cadre de toutes nos activités, nous nous préparions à cette tempête. Nous avons arrêté de nous préparer pour la tempête du siècle il y a environ six ou sept ans. Maintenant, nous nous préparons pour une tempête qui survient aux deux siècles et demi. La tempête parfaite de l'an dernier indique peut-être qu'il va y en avoir d'autres, parce que ce n'est plus une tempête par siècle.
Si nous ne tenons pas compte de tout cela, du fait que la tempête s'est produite, pouvez-vous m'aider à comprendre, messieurs Cowan et Petelle, comment nous devons nous y prendre pour faire en sorte que tous ces groupes qui ont lancé le débat — ce qui, en passant, est très positif et va faire intervenir les fabricants d'équipement aussi... Je veux dire... les agriculteurs ont investi dans de l'équipement. M. Cowan l'a dit en parlant des planteuses. On n'achète pas une nouvelle planteuse si on en a déjà acheté une il y a quelques années. Comment faire pour réunir tous ces groupes à long terme, de façon à ce que nous soyons mieux préparés que la dernière fois lorsque la prochaine tempête surviendra — parce qu'il y en aura d'autres — à aborder la situation sous tous les angles?
Les apiculteurs eux-mêmes, qui ont un rôle à jouer, en passant — je ne les écarte pas et n'affirme pas qu'ils peuvent continuer éternellement à travailler de la même façon — doivent faire les choses différemment aussi. De quelle façon envisagez-vous le regroupement de tous ces aspects en vue de bâtir quelque chose qui nous protégera contre l'effondrement que nous avons connu l'an dernier? Nous allons aborder seulement cette question, mais je reconnais et j'admets que des problèmes à plusieurs facettes se posent dans la volière; nous acceptons ce fait. C'est toutefois cette question qui vous concerne. De quelle façon devons-nous poursuivre le travail sur toutes ces facettes pour essayer d'au moins éliminer cette possibilité?
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Je vais ajouter quelque chose à ce que vous venez de dire, monsieur Cowan, et je pense qu'après je n'aurai plus de temps.
L'autre chose, c'est que c'est davantage une question de volonté, si on veut, le fait que les groupes se réunissent. Je pense que cette volonté a été suscitée en partie par le comité, par les suggestions qu'il a faites concernant l'idée que nous abordions enfin la question de façon plus concrète, si on veut.
Évidemment, nous n'envisageons pas de rendre le processus obligatoire. Y a-t-il un moyen de le renforcer, de continuer, parce que les abeilles sont si importantes pour les agriculteurs? M. Cowan est le premier à admettre... Il est arrivé ici en disant que les abeilles sont importantes pour nous. Nous voulons qu'il y ait des abeilles, nous avons besoin des abeilles. Il ne s'agit donc pas d'un combat entre les agriculteurs et les apiculteurs. Ne n'est pas vrai du tout. C'est une relation de symbiose. Ce qu'il faut éviter, c'est que cette symbiose devienne un antagonisme qui finirait par détruire la chose dont nous avons vraiment besoin.
Je me demandais s'il y avait une façon quelconque de renforcer le processus, pour qu'il puisse se poursuivre, pour que nous puissions commencer à envisager proactivement les choses qui pourraient se produire à l'avenir.
M. Cowan a parlé de ce qui s'est passé dans le cas du lindane. Il a fallu des années pour que nous comprenions. Nous avons maintenant compris que, si nous utilisons ce néonicotinoïde et que nous plantons par temps sec et venteux, cela peut avoir des conséquences. Nous avons maintenant appris une autre leçon. Ce sont comme des leçons de vie. Mais M. Cowan a souligné le fait qu'il n'est pas aussi facile pour les agriculteurs de décider de ne pas planter lorsque ce n'est pas la journée idéale.
Comment nous y prendre pour faire en sorte que la discussion se poursuive et que nous nous encouragions les uns les autres à y participer, pour que nous puissions vraiment agir ensemble, pour que toutes les parties ne subissent pas de conséquences négatives, ou à tout le moins pour que celles-ci soient réduites au minimum? Comment nous y prendre pour continuer de faire cela?
Je ne sais pas si M. Cowan veut essayer de répondre à cette question ou non.
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Je remercie les membres du comité de nous avoir invités à participer à la séance d'aujourd'hui et de nous offrir l'occasion de vous raconter l'histoire de l'apiculture dans l'Ouest du Canada. C'est ainsi que je vais aborder le sujet.
Pour ce qui est de notre entreprise en tant que telle, elle est située dans le district de Peace River, qui n'est pas l'endroit idéal pour une abeille pendant l'hiver. Nous passons l'hiver dans la vallée de l'Okanagan. J'y suis de façon plus ou moins continue depuis trois mois. Nous rentrons à Peace River cette semaine. J'ai laissé mes gars faire le travail pour venir à Ottawa. Cela dit, je n'ai pas apporté grand-chose, alors je vais simplement vous raconter l'histoire.
Une chose qu'il faut dire au sujet de l'utilisation des pesticides dans l'Ouest du Canada, c'est que nous n'avons pas constaté une perte énorme pouvant être attribuée aux pesticides. Les pertes ne sont même pas cycliques. Elles semblent correspondre plus ou moins à la période pendant laquelle un acaricide est efficace. Le varroa est présent dans nos colonies, et tant que l'acaricide du moment fonctionne, nos pertes hivernales sont acceptables. Habituellement, ce qui nous indique que l'acaricide n'est plus efficace, ce sont des pertes hivernales massives.
Pour ce qui est du fait que le pesticide tue des abeilles dans l'Ouest du Canada, ce n'est probablement pas exact. Les effets sublétaux et autres choses de ce genre restent à déterminer, mais, pour l'instant, nous envisageons d'un bon oeil d'utilisation des néonicotinoïdes pour le traitement des semences de canola.
L'autre problème qui semble nuire à notre industrie, c'est le manque de formation. Nos nouveaux producteurs et nos jeunes producteurs semblent avoir de la difficulté à assurer la survie de leurs abeilles pendant l'hiver.
L'autre facteur important que je porterai à votre attention, c'est la nutrition. L'habitat naturel des abeilles correspond au sud de la Californie, au sud de l'Utah, au Nouveau-Mexique, au Texas et ainsi de suite, probablement, jusqu'en Caroline du Sud. Nous sommes passablement loin de l'habitat naturel de ces insectes. L'hivernage est un combat constant, et j'estime qu'il est essentiel d'assurer une nutrition adéquate. Il n'existe pas beaucoup de données concernant les acides aminés, les régimes vitaminiques et les apports en faibles quantités d'autres nutriments qui contribuent peut-être à la survie des abeilles. Personnellement, j'ai fait quelques expériences, mais je ne suis pas un chercheur. J'ai constaté qu'un ensemble de vitamines et un ensemble d'acides aminés ont tendance à contrebalancer les pertes hivernales. Il y a énormément de travail à faire au sujet de la nutrition des abeilles.
Merci de votre attention.
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Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de m'avoir invité. Je suis le délégué de l'Alberta au Conseil canadien du miel, et je préside depuis un an un comité chargé d'examiner les incidents touchant les abeilles qui a été constitué à la demande de l'Ontario Beekeepers Association dans la foulée des incidents dont on a fait état l'an dernier.
Je vous ai fait parvenir un document la semaine dernière — j'espère que vous l'avez reçu et qu'il a été distribué — concernant le travail que le comité a fait depuis un an. Je vais parcourir ce document, ajouter certaines choses et souligner certains points.
Le mandat du comité n'était pas seulement de se pencher sur les incidents survenus en Ontario; le comité devait examiner l'utilisation des pesticides en général dans l'ensemble du pays, puisque les incidents ont été signalés à l'extérieur de l'Ontario concernant d'autres produits à application foliaire. Le mandat du comité était donc de se pencher sur l'utilisation de produits chimiques en général en prenant comme point de départ les incidents survenus en Ontario.
Le comité a créé des sous-comités et les a chargés de s'occuper de six grands thèmes. Le premier était le processus de rapport des cas présumés d'empoisonnement des abeilles à l'intention des apiculteurs, et le deuxième était le processus de traitement des rapports à l'intention de l'ARLA. Nous voulions essayer de faire en sorte que les apiculteurs signalent les incidents, recueillent des échantillons et les fassent traiter de façon uniforme, de sorte que cela se fasse adéquatement dans le cadre d'un protocole approprié, et ainsi que l'information soit diffusée auprès des gens devant être mis au courant des incidents signalés. Nos recommandations ont été envoyées à l'ARLA, et je crois que vous allez aussi entendre le témoignage de représentants de cette organisation au cours des jours qui viennent. D'après ce que nous savons, ces recommandations qui figurent dans le document ont été bien reçues, et elles ont été appliquées.
Le troisième thème était l'analyse des niveaux de toxicité de certains produits chimiques et insecticides, et le quatrième était le point de contact et la nature des risques. Pour ce qui est de numéros trois et quatre, nous nous sommes dit que, en tant que représentants de l'industrie apicole, si nous voulions parler de l'utilisation et de la nécessité des produits chimiques et des pesticides, il fallait que nous nous informions au sujet de leur effet, de leur nature et des raisons pour lesquelles ils sont nécessaires, de sorte que nous puissions tenir des discussions exactes et objectives sur le sujet. Nous avons formulé beaucoup de recommandations sur les différents thèmes. Il y a des domaines où les apiculteurs et les producteurs doivent collaborer et apprendre les uns des autres.
Le cinquième thème était les recommandations et les bonnes pratiques de gestion pour tous les intervenants: les apiculteurs, les semenciers, les fabricants de produits chimiques, les agriculteurs, les applicateurs et les fabricants d'équipements. Comme on l'a dit tout à l'heure, ces intervenants ont participé à des tables rondes. Il y a eu de bonnes discussions, et cette relation existe déjà dans certaines régions et n'existe pas encore dans d'autres. Il y a donc beaucoup de place pour l'établissement de nouvelles relations et de nouveaux partenariats.
Le dernier thème abordé en sous-comité était l'indemnisation pour la perte des abeilles et de la production en cas d'incident. Le comité chargé de ce thème est encore en train de parachever certaines recommandations à présenter au conseil. C'est un thème difficile à aborder dans un sens. L'administration des programmes agricoles varie d'une province à l'autre, ce qui fait qu'il reste encore un peu de travail à faire là-dessus. Nous espérons conclure ce travail très bientôt.
Pour l'élaboration de ces recommandations, le comité a travaillé en collaboration. Nous avons bénéficié des suggestions des Producteurs de grains du Canada, de Grain Farmers of Ontario, de CropLife Canada, de l'ARLA, des apiculteurs des provinces et de quelques apiculteurs de l'Ontario, entre autres.
Nous avons également tenu une table ronde à Québec en novembre, et cela nous a permis de discuter avec beaucoup de ces groupes et de lancer quelques bons débats.
Je ne vais pas aborder chacune des recommandations. Il y en a beaucoup.
Comme je le disais, les deux premières ont été bien reçues par l'ARLA. Il y a beaucoup de travail à faire à cet égard. C'est raisonnable. Il va falloir établir des priorités et commencer le travail.
Comme Maria, Pierre et John l'ont dit, un important travail a été entamé pour régler le problème des résidus de maïs. Je dirais que le travail initial fait par les autres intervenants a été plutôt positif. Il ne s'agit peut-être pas d'une solution immédiate. Je crois que des essais vont être effectués cette année. Je pense qu'ils en reconnaissent l'importance, et nous sommes reconnaissants des efforts qu'ils déploient eux aussi.
Je pratique aussi l'apiculture commerciale en Alberta. Les activités touchent dans une proportion de 70 ou 80 % la pollinisation du canola pour la production de semences dans le sud de l'Alberta. J'ai aussi des abeilles chez moi pour la production de miel. Je peux également répondre à des questions concernant ce volet.
Une bonne partie de ce que nous avons entendu récemment dans les reportages concerne les effets sublétaux. Il y a eu la mortalité initiale, les effets sublétaux; je pense que certaines études scientifiques s'imposent. J'ai été heureux d'entendre dire tout à l'heure que notre processus décisionnel est axé sur la science. Je crois que c'est important. Assurément, il reste des études à faire.
C'est ce que j'avais à vous dire.
Merci.
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Eh bien, étant donné qu'il se rend dans la vallée de l'Okanagan, une région ensoleillée, je vais essayer...
Les répercussions ont été importantes, et nous n'avons pas encore reçu toutes les données.
En Alberta, notre situation était assez semblable. Je me suis mis au travail le 13 mars. Il me faut en général 10 jours pour faire le tour — je m'occupe de plus de 7 000 colonies —, et il nous a fallu plus de quatre semaines pour le faire, à cause du mauvais temps et de la neige, et il a fallu creuser pour nous rendre aux abeilles et leur fournir des compléments protéiques. C'est pour stimuler la reine afin qu'elle se mette à pondre des oeufs. Nous avons commencé le 13 mars, et, à ce moment-là, nous avions des pertes de 10 % en moyenne, ce qui me satisfaisait — c'était de bonnes nouvelles. Six semaines plus tard, nous avons commencé notre seconde tournée, et les pertes étaient alors supérieures à 30 %.
Cette période de quatre à six semaines est tout à fait critique. Cela fait 17 ans que je m'occupe d'abeilles, et je n'avais jamais vu de baisse aussi forte au printemps. Les abeilles ont une durée de vie de six semaines, et nous voulons que celles qui naissent en octobre ou en novembre vivent six mois. Ce serait vraiment trop leur demander de vivre plus longtemps; et pour que la reine se remette à pondre, nous devons lui fournir des protéines. En général, quand les abeilles sortent d'hivernation et que les reines se mettent à pondre, il y a un certain chevauchement, puisque les oeufs éclosent après 21 jours, avant que le processus recommence. Mais lorsque les vieilles abeilles meurent et que la reine n'a pas encore commencé à pondre, il y a un écart.
C'est ce que je constate moi-même, aujourd'hui, en Alberta. Je me suis demandé ce que j'avais fait, mais j'ai commencé à m'informer, et le scénario se répète partout, au centre et jusque dans le nord de l'Alberta. J'ai parlé à seulement deux ou trois apiculteurs de la Saskatchewan et du Manitoba, et le scénario est là aussi semblable.