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ERRE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la réforme électorale


NUMÉRO 021 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 31 août 2016

[Enregistrement électronique]

(1400)

[Traduction]

    Bienvenue à la 21e séance du Comité spécial sur la réforme électorale. Nous en sommes à notre séance de l'après-midi.
    Nous accueillons M. Richard Johnston, du département des sciences politiques de l'Université de la Colombie-Britannique; M. Darrell Bricker, d'IPSOS Affaires publiques; et M. Gordon Gibson, que vous êtes nombreux à connaître, bien sûr, pour ses écrits et ses commentaires.

[Français]

     Permettez-moi d'abord de vous présenter une brève biographie de chacun des témoins qui vont comparaître devant nous aujourd'hui.

[Traduction]

    Richard Johnston est professeur de sciences politiques à l'Université de la Colombie-Britannique et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en opinion publique, en élections et en représentation. M. Johnston est également boursier de recherche Marie-Curie à l'Institut universitaire européen de Florence, où il est le chercheur invité d'une entreprise visant à former de jeunes étudiants en matière d'élections et de démocratie. En outre, il est actuellement directeur du Centre for the Study of Democratic Institutions. M. Johnston a été chercheur principal dans le cadre des études électorales canadiennes de 1988 et de 1992-1993, et il a été consultant dans le cadre de l'étude électorale menée en Nouvelle-Zélande, en 1996. Il a siégé au conseil consultatif pour les études électorales britanniques de 2001, de 2005 et de 2009, et il a été membre du comité de planification dans le cadre du projet pilote d'étude électorale nationale des États-Unis, en 1998. M. Johnston est l'auteur d'un grand nombre de publications, et il a remporté quatre prix de l'American Political Science Association et quatre prix du livre.
    Bienvenue, M. Johnston. Nous sommes très heureux de votre présence aujourd'hui.

[Français]

    Darrell Bricker est chef de la direction à IPSOS Affaires publiques. Il a travaillé en 1989 au Cabinet du premier ministre Mulroney en tant que directeur de la recherche sur l'opinion publique. M. Bricker est titulaire d'un doctorat de l'Université Carleton et d'un doctorat de droit honorifique de l'Université Wilfrid-Laurier.
     M. Bricker a publié une longue liste d'articles et d'ouvrages universitaires. Il rédige régulièrement des chroniques pour le National Post et The Globe and Mail. En 2010, M. Bricker a été nommé colonel honoraire par le ministre de la Défense nationale pour ses contributions au Canada. Il est actuellement membre du conseil d'administration de l'Institut Laurier pour l'étude de l'opinion publique et de la politique. Il est également membre de l'Association américaine de recherche sur l'opinion publique.

[Traduction]

    Bienvenue, monsieur Bricker.
    Gordon Gibson est politicien, chroniqueur politique et auteur. Il est titulaire d'un baccalauréat ès arts de l'Université de la Colombie-Britannique et d'une maîtrise en administration des affaires de l'Université Harvard. M. Gibson a été adjoint au ministre fédéral des Affaires du Nord de 1963 à 1968 et adjoint spécial au premier ministre Pierre Trudeau, de 1968 à 1972, en plus d'avoir siégé à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique, dans les années 1970 et 1980. Depuis 1993, il est agrégé supérieur en études canadiennes à l'Institut Fraser, et il a rédigé de nombreux livres sur le fédéralisme canadien et sur la gouvernance. En 2001, le gouvernement de la Colombie-Britannique lui a demandé de formuler des recommandations concernant la structure et le mandat d'une assemblée citoyenne sur la réforme électorale, dont nous avons souvent discuté, jusqu'ici, au sein du Comité. Plus tard, ces recommandations ont été adoptées. En 2008, M. Gibson s'est vu décerner l'Ordre de la Colombie-Britannique.
    Je crois que chaque témoin présentera sa déclaration pendant 10 minutes. Ensuite, nous tiendrons deux séries de questions, dans le cadre desquelles chaque membre du Comité aura l'occasion de poser des questions et de recevoir des réponses pendant cinq minutes chacun. Nous reprendrons simplement le processus pour la deuxième série d'interventions.
    Sans plus attendre, je demanderai à M. Johnston de nous faire part de ses réflexions sur la réforme électorale.
(1405)
     Merci, monsieur le président. Je commencerai par dire que certains des renseignements que vous avez fournis sont aussi désuets que la photographie qui figure sur ma page Web.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Richard Johnston: Je regrette davantage la dernière information que la première.
    Je veux simplement soulever quatre grandes questions, tirées de la déclaration de cinq pages que j'ai envoyée la semaine dernière. La première, c'est que je trouve inquiétant qu'une si grande part des commentaires sur la réforme électorale présentent à tort la Chambre comme s'il s'agissait d'une espèce de Congrès américain ou d'une certaine entité qui fait partie d'un cadre relatif au Congrès, pas la chambre constituante du gouvernement, ce qu'elle est inévitablement dans un système parlementaire. Les électeurs s'y intéressent. Ils s'y intéressent autant sous le régime d'une RP que dans un système majoritaire, car la RP accompagne presque toujours — du moins, les exemples pertinents — les systèmes parlementaires. Même sous une RP, les considérations au sujet de la formation du gouvernement induisent le vote stratégique. Vous avez probablement entendu parler du vote stratégique découlant des seuils et de ce genre de choses.
    Même si on ne tient pas compte des seuils, de nombreux électeurs s'intéressent à la composition probable du gouvernement une fois que les résultats sont compilés. Certaines données probantes donnent à penser, par exemple, que les électeurs qui sont de gauche ou de droite, ou bien de gauche ou de droite modérée, votent pour des partis plus extrémistes qu'eux afin de faire pencher le gouvernement de leur côté, pour ainsi dire. Ce que je veux dire, en gros, c'est qu'on ne peut pas isoler le moment du vote de celui de la formation du gouvernement. Je dirais qu'il y a eu un genre de séparation intellectuellement paresseuse de ces deux éléments dans une grande partie des propos qui ont été tenus ici.
    La deuxième question — et peut-être celle qui me tient le plus à cœur en ce moment —, c'est que je suis étonné qu'on présente si souvent des formules en gros, puis qu'on leur attribue des vertus ou des vices. Je pense qu'il est tout à fait important de se rappeler que tout système électoral est en fait au moins — il y a aussi d'autres éléments, mais à tout le moins — un mélange de trois choses. L'interaction entre les trois est absolument nécessaire pour que l'on puisse se faire une idée du produit probable d'un changement dans la direction en question.
    Premièrement, il doit y avoir un scrutin. La distinction la plus importante à faire — même s'il ne s'agit pas de la seule — consiste à déterminer s'il s'agit d'un scrutin catégorique ou préférentiel.
    Deuxièmement, toute la question de la magnitude des circonscriptions, du nombre de sièges par circonscription, est un élément tout à fait crucial. Il est évident qu'on ne peut pas avoir de représentation proportionnelle si on a des circonscriptions à un seul député. Si on a des circonscriptions à plusieurs députés selon la formule uninominale majoritaire à un tour, on obtient des résultats exagérément disproportionnés. Néanmoins, la magnitude de la circonscription est importante à bien des égards, notamment pour la proportionnalité d'un cadre proportionnel.
    La troisième question concerne la formule en soi, c'est-à-dire que la formule est claire comme de l'eau de roche dans le cas du système uninominal majoritaire à un tour, qu'elle l'est à moitié dans le cas de la majorité, qui peut prendre, en quelque sorte, deux formes exploitables... puis il y a la famille, au sein de laquelle les distinctions portent beaucoup à conséquence dans le cas de la représentation proportionnelle. Dans bien des cas, les effets qui sont attribués — disons — à la formule sont en fait le produit d'une autre caractéristique du système. Il se pourrait qu'il s'agisse d'une caractéristique du système qui n'est pertinente que sous une formule proportionnelle, mais ça n'est pas tellement la formule qui est cruciale.
    Laissez-moi vous donner un exemple. Comme vous l'avez entendu dire, il est généralement vrai que le taux de représentation descriptive des femmes est plus élevé en moyenne dans les systèmes de RP, mais nous observons également des écarts majeurs au sein de la famille de la RP. Il y en a aussi dans les familles plus majoritaires, mais les écarts sont particulièrement importants au sein de la famille de la RP. Une partie de ces écarts reflète en fait le scrutin. Si on veut maximiser la représentation descriptive de tout groupe — femmes ou autres — et y attribuer une certaine forme de garantie, il est utile d'avoir des circonscriptions les plus grandes possible. Plus le nombre de sièges par circonscription est grand, plus il sera facile de mélanger les caractéristiques démographiques dans le menu que présente un parti donné.
    Qui plus est, on veut avoir un bulletin de vote qui contient une liste fermée, un vote catégorique, un seul par électeur. De plus, en dehors de la formule électorale en soi, on veut que les noms figurant sur le bulletin de vote soient placés au centre. Si vous cédez à la tentation de déroger à l'une ou l'autre de ces règles, vous ne disposerez pas d'un mécanisme aussi puissant pour créer la perspective de représentation garantie de groupes catégoriques. Par contre, si ce que vous voulez, c'est faciliter la représentation par les femmes ou par d'autres groupes ou forces qui, dans un certain sens, ne sont pas intégrés dans le conflit central qui oppose les partis, vous voulez en fait le contraire de toutes ces choses. Ce que je veux dire, en gros, c'est que le scrutin est souvent aussi important que la formule générale pour ce qui est de l'atteinte de certains buts politiques ou sociaux.
(1410)
    Mon troisième argument concerne le fait que la plupart des systèmes électoraux changent, quoique la Nouvelle-Zélande est une exception, et peut-être l'Allemagne, car elle a en quelque sorte fait table rase à l'époque, et le pays a déjà eu des objectifs partisans, pour promouvoir les intérêts d'un parti ou pour nuire aux intérêts d'un autre. Je pense que nous devons être clairs à ce sujet. Selon moi, le fait de garder le silence à cet égard, c'est... Eh bien, c'est franchement malhonnête. Il est clair, d'une part, que les formules proportionnelles en général renforcent la gauche par rapport à la droite et que le contraire est vrai des formules majoritaires. C'est tout simplement ainsi que cela fonctionne. Si on fait la moyenne de tous les gouvernements d'après-guerre regroupés, la différence est vraiment très marquée.
    Ensuite, la question de savoir quel type de formule — majoritaire ou uninominal majoritaire à un tour — politise le plus les questions ethniques en est une qui sera toujours en jeu dans un endroit comme le Canada. En fait, la réponse n'est pas simple. Il est vrai que, sous le régime d'une RP, on facilite la naissance de micropartis, qui peuvent être ethniques ou autres, mais qui peuvent certainement être ethniques. Voilà pour ça. Par ailleurs, on n'augmente pas le pouvoir de groupes qui sont attirés par ces partis. Il est plus facile pour des partis présentant un attrait plus national de pénétrer ces collectivités et, dans un certain sens, de dissoudre la prétention singulière d'un parti particulier qui parlerait en leur nom.
    Par contre — ou il s'agit en fait d'une variation sur le même thème —, notre système a créé certaines possibilités privilégiées et géographiquement interreliées. La plus ancienne et la plus importante au Canada, c'est le fait que, jusqu'en 1993, au moins, elle faisait du Québec le pivot du gouvernement. En augmentant le pouvoir de la majorité qui dominait la province à cette époque, et toute une autre série de considérations au sujet du fait de déterminer... mais, elle faisait du Québec le pivot du gouvernement. Depuis, cette province n'a pas été le pivot du gouvernement de la même manière, mais, dans un certain sens, la tâche déterminante a été transférée aux banlieues de Vancouver et de Toronto.
    Ce sont toutes des histoires de bonnes nouvelles, mauvaises nouvelles, mais nous devrions reconnaître que des groupes géographiquement distincts — et cela comprend souvent des groupes ethnolinguistiques — peuvent en fait voir leur pouvoir augmenter avec la formule que nous appliquons maintenant. Il pourrait s'agir du prix de l'unité canadienne ou de celui de l'intégration réussie de certains groupes, mais il produit une situation dans laquelle certains votes comptent plus que d'autres. Ces situations peuvent aider des minorités ethniques.
    Mes dernières réflexions concernent la transition, s'il doit y en avoir une. Je ne suis pas favorable à la tenue d'un référendum, mais je ne m'y oppose pas. Selon moi, les référendums doivent ni être condamnés absolument ni être requis. Honnêtement, la question qui me préoccupe, c'est la stabilité institutionnelle du cadre que vous allez mettre en place. Si vous devez modifier le système électoral, ne le faites pas d'une manière qui invite simplement un retour à l'ancien système ou l'adoption d'un autre système à court terme. Je pense tout simplement que c'est corrosif pour la légitimité du gouvernement ainsi que pour le fonctionnement des partis politiques. Les pays qui le font — et il y en a quelques-uns; l'Italie et la France sont les principaux exemples — en ont payé le prix, selon moi.
    Je pense que la stabilité est la clé. À cette fin, le référendum devrait contribuer à la stabilité dans le sens qu'il présente un genre de force moralement contraignante émanant de la population en général. Je vous inviterais à vous demander si certains des buts de la tenue d'un référendum pourraient être atteints par d'autres moyens. Une partie de la raison pour laquelle les référendums sont attrayants pour les gens, c'est que, dans un certain sens, il vous retire le choix final, puis, dans un certain sens, il augmente les coûts que vous devez engager et limite votre marge de manœuvre au moment de faire le choix ultime. Ce but pourrait être atteint par d'autres moyens que par la tenue d'un référendum: une assemblée citoyenne, un groupe d'experts ou quoi que ce soit.
    J'ai deux ou trois choses à l'esprit. Par exemple, pour accomplir la tâche politiquement très lourde consistant à fermer des bases militaires aux États-Unis ou à adopter des accords commerciaux hautement controversés, le Congrès américain applique un processus dans le cadre duquel, essentiellement, il invite des parties de l'extérieur à présenter la proposition, et le Congrès prend une décision favorable ou défavorable. D'une certaine manière, c'est un peu comme si on effectuait le redécoupage des circonscriptions électorales au pays.
    Ce que je veux dire, en gros, c'est que, dans la mesure où tous les politiciens sont perçus — à tort ou à raison — comme des personnes qui commettent des délits d'initié et qui prennent des mesures intéressées, vous pourriez peut-être songer — si vous voulez vraiment changer le système — à apporter le changement d'une manière qui suppose l'intervention d'une voix indépendante, laquelle devra tout de même vous rendre des comptes et discuter avec vous.
(1415)
    Merci beaucoup.
    Merci infiniment, monsieur.
    Nous allons passer à M. Darrell Bricker; vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner la possibilité de comparaître aujourd'hui.
    Il s'agit d'un sujet important qui aura manifestement des conséquences majeures sur la démocratie du Canada, et je suis honoré que vous me demandiez de vous faire part de certains commentaires aujourd'hui.
    Je ne prétends pas être un expert des systèmes électoraux. Comme vous l'avez entendu à la lecture de mon CV, mes antécédents professionnels sont dans le domaine de la recherche sur l'opinion publique. À IPSOS, mes collègues et moi menons régulièrement des études scientifiques auprès des Canadiens concernant une grande diversité de sujets, y compris les élections à tous les échelons du gouvernement. Par ailleurs, en tant que PDG d'IPSOS, Affaires publiques dans le monde entier, je mène des études électorales partout dans le monde, dans un grand nombre des pays auxquels vous vous intéressez probablement ou que vous avez peut-être même étudiés. Nous avons effectué beaucoup de recherche sur tous ces endroits, et je serais heureux de répondre à toute question que vous me poserez au sujet de la façon dont les élections fonctionnent là-bas.
    Je devrais ajouter qu'IPSOS est un organisme de recherche non partisan. Le travail que nous faisons est à l'intention des médias. Nous ne travaillons pas au nom de partis ni au nom de candidats.
    Ainsi, vous ne devriez pas être surpris d'apprendre que, dans le but de me préparer à ma comparution d'aujourd'hui, j'ai mené une étude que je vous soumets afin que vous en teniez compte. Je voudrais utiliser le temps qui m'est alloué pour vous faire part des résultats de l'étude. Je l'ai mené la semaine dernière — c'est IPSOS Affaires publiques qui l'a fait — en ligne auprès de 1 000 Canadiens, de la façon dont nous menons habituellement une étude politique au Canada. Nous avons sondé les sujets suivants: la sensibilisation et l'intérêt à l'égard du processus de consultation sur la réforme électorale; la façon dont les grands changements apportés à notre système électoral devraient être approuvés, selon les Canadiens; et si la mobilisation publique et l'examen parlementaire sont suffisants, ou bien si un référendum national doit être tenu pour régler la question.
    Afin de mettre les gens dans le bon état d'esprit dès le départ et de leur donner une certaine idée du genre de questions que nous allions leur poser, nous leur lisions le préambule suivant.
    
L'un des engagements pris par le premier ministre Trudeau et par les libéraux durant les élections fédérales d'octobre dernier était que, s'ils étaient élus, ils allaient apporter des changements fondamentaux au système électoral du Canada. Ces changements pourraient comprendre tout, du remplacement du système uninominal majoritaire à un tour au vote en ligne, en passant par le vote obligatoire. Nous voudrions vous poser quelques questions sur ces enjeux.
    Autrement dit, nous rappelions aux gens qu'il ne s'agissait pas que d'une chose qui était sortie de nulle part. Il s'agissait d'un engagement pris par le parti au pouvoir durant la campagne électorale, et un comité était en train de se pencher sur ces sujets particuliers. J'ai pris une partie de la question du mandat que vous réalisez actuellement... du moins, ce que j'ai reçu concernant ce qui était à l'étude.
    La première question était la suivante: « Le gouvernement fédéral a-t-il amorcé un processus de consultation publique et parlementaire sur les changements qu'il propose d'apporter à notre système électoral? » Autrement dit, qui nous regarde aujourd'hui.
    Près de 19 % des Canadiens ont répondu par l'affirmative; 21 % ont répondu par la négative; 60 % ont dit qu'ils ne savaient pas. Autrement dit, une proportion combinée de 81 % pensaient que les consultations n'avaient pas encore commencé ou n'étaient pas certains. Seule environ une personne sur cinq a déclaré qu'elle croyait que ces consultations avaient eu lieu, qu'il se passait quelque chose.
    Ensuite, ce que nous avons fait, c'est un suivi auprès des 19 % qui avaient dit: « Hé! Je sais ce qui se passe », et nous leur avons posé une question que vous leur auriez posée, c'est-à-dire: « Dans quelle mesure suivez-vous les consultations de près? »
    Parmi les personnes qui étaient au courant de leur tenue, 16 % — ou 30 personnes sur 1000 — ont affirmé qu'elles suivaient les consultations de très près. Une autre tranche de 68 % — ou 129 personnes — ont dit les suivre un peu, ici et là, et 16 % — ou 31 des personnes que nous avons interrogées — ont déclaré qu'elles ne les suivaient pas du tout. Celles qui étaient les plus susceptibles de suivre le processus étaient des hommes âgés, scolarisés et bien nantis.
    Par conséquent, le public qui suit de près ce processus aujourd'hui compte pour environ 3 % des Canadiens, et il s'agit d'un groupe faisant partie de l'élite. D'après mon expérience, cette situation ne devrait surprendre personne. Même si les réformes électorales majeures touchent tout le monde, les gens sont occupés et vivent leur vie quotidienne — regardez quelle est la période de l'année, en ce moment —, et il est très difficile d'attirer leur attention sur ces types d'enjeux publics. Quand ils prêtent attention à quoi que ce soit qui se passe à Ottawa, c'est à des enjeux qui sont bien plus prioritaires pour eux personnellement, comme la santé, l'emploi et l'économie. Il s'agit d'une conclusion constante de tout sondage au sujet du programme national du Canada, quelles que soient les personnes qui y répondent.
    Ensuite, nous avons posé des questions au sujet des consultations par rapport à la tenue d'un référendum national. J'ai utilisé une question qu'une autre firme avait posée, car elle avait montré une certaine dissidence à cet égard, et j'ai pensé qu'il s'agissait d'une bonne question. Alors, je l'ai posée: « Certaines personnes disent que tout changement apporté au système électoral serait fondamental au point qu'il exigerait la tenue d'un référendum national. D'autres affirment qu'un programme rigoureux de mobilisation publique et d'examen parlementaire devrait être suffisant. Lequel des énoncés se rapproche le plus de votre point de vue? »
    Près de 49 % ont déclaré qu'un référendum était nécessaire; 51 % ont dit que les consultations devraient être suffisantes.
(1420)
    Ensuite, je posais une question semblable, mais je rappelais aux gens que les consultations étaient en train d'avoir lieu: « À votre avis, le processus de mobilisation publique et d'examen parlementaire que suit actuellement le gouvernement fédéral est-il suffisant pour lui donner le consentement public nécessaire pour apporter un changement fondamental à notre système électoral fédéral sans la tenue d'un référendum national, ou bien voulez-vous que le gouvernement obtienne le consentement du public concernant les changements qu'il proposera en tenant un référendum national? »
    À cette question, la réponse « les consultations sont suffisantes » a chuté de six points de pourcentage pour s'établir à 45 %, et « référendum national » a augmenté de six points de pourcentage, pour s'établir à 55 %. Ce résultat m'amène à penser que, plus les gens en savent à propos de ce processus, plus ils veulent avoir leur mot à dire en y contribuant directement.
    La majorité des gens de toutes les catégories démographiques que nous avons étudiées — par sexe, âge, degré de scolarité, revenu et ayant ou non des enfants dans leur domicile — appuyaient la tenue d'un référendum. La majorité des gens qui avaient des enfants dans leur domicile ou qui n'en avaient pas — appuyaient également la tenue d'un référendum. La seule exception à cette règle a été le Québec, où seulement 47 % des répondants appuyaient le tenue d'un référendum national. Je suppose qu'ils ont un peu plus d'expérience quant au processus référendaire que les autres Canadiens.
    En résumé, malgré l'importance de cet enjeu, un public d'élites comptant pour environ 3 % des Canadiens pourrait être décrit comme étant mobilisé relativement à ce processus, en ce moment. En conséquence, il ne faudrait pas s'étonner que la majorité des Canadiens de tous les segments de la population veulent être consultés directement au sujet des changements majeurs qui seront apportés au système électoral au moyen d'un certain type de référendum national.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Bricker, d'avoir porté ces nouveaux résultats à notre attention.
    C'est mon travail.
    Nous vous en sommes reconnaissants.
    Nous allons maintenant passer à M. Gibson.
    Merci de cette occasion, monsieur le président.
    À l'exception de deux brefs commentaires préliminaires, mes réflexions porteront sur le processus plutôt que sur les systèmes électoraux, dont vous avez déjà beaucoup entendu parler. Le principal ajout que je ferais aux conseils partagés des experts, c'est formuler l'argument évident selon lequel les divers systèmes électoraux ne peuvent pas être envisagés dans l'abstrait, quelle que puisse être leur élégance.
    Nous sommes une fédération très étendue et hautement urbanisée possédant sa propre composition, sa propre histoire et sa propre culture politique.
    En outre — et il s'agit d'une mise en garde —, les changements apportés à tout système politique présentant de grandes complexités et d'importantes boucles de rétroaction entraînent tôt ou tard des conséquences imprévues. Par exemple, dans le volet « tôt », en 1952, dans ma province, la coalition des libéraux et des conservateurs qui était en train de se dissoudre a instauré une forme de scrutin préférentiel, un régime qui, selon les médias, est la solution de rechange privilégiée par les libéraux. Le but était de tenir le NPD — qu'on appelait la CCF, à cette époque — à l'écart du pouvoir en se fondant sur la théorie selon laquelle les électeurs favorables à la libre entreprise feraient de l'un ou l'autre des deux vieux partis leur premier et leur second choix. Le résultat? Du jour au lendemain, un gouvernement du Crédit social s'est mis à régner sur la Colombie-Britannique pour 20 ans. Il est impossible de savoir quelles répercussions auront les changements, même s'ils sont petits.
    En guise de deuxième exemple bref, qui aurait pu imaginer que ce qui semblait être de petits changements apportés au système des primaires américain il y a des années entraînerait la nomination de Donald Trump aujourd'hui?
    Des conséquences imprévues se cachent dans le changement constitutionnel, et il s'agit selon moi du type de changement dont il est question.
    Je passe maintenant à mes deux principaux arguments. Le premier, c'est que le système électoral appartient uniquement au peuple, pas aux politiciens, et que les citoyens doivent participer directement à tout changement.
    Vous allez probablement exiger un argument à l'appui de ma proposition selon laquelle le Parlement ne peut agir seul, puisque, dans la tradition britannique, le Parlement a toujours été l'entité suprême.
    Au Canada, dès le départ, le Parlement et les assemblées législatives ont fait face à des contraintes. Certaines d'entre elles étaient explicites dans la Loi sur l'Amérique du Nord britannique, et certaines étaient implicites dans le libellé du préambule: « semblable dans son principe » à celle du Royaume-Uni, qui importait certaines conventions, et ainsi de suite. Le pouvoir qu'a le Parlement d'agir a par la suite été limité considérablement, et ceux de la Cour suprême ont été étendus considérablement par les amendements constitutionnels de 1982, y compris par la Charte. En 2007, le même tribunal a élaboré une doctrine limitant davantage le pouvoir du Parlement en enchâssant dans notre droit des documents internationaux ratifiés portant sur les droits de la personne. En 2014, une décision encore plus pertinente a été rendue concernant le Sénat.
    Dans les circonstances d'aujourd'hui, et compte tenu du droit d'aujourd'hui, je souhaite poser trois questions. Premièrement, le Parlement du Canada peut-il modifier unilatéralement le système électoral de la Chambre des communes en droit? Deuxièmement, si un tel changement était légal, serait-il moralement approprié? Troisièmement, si la réponse à la première et à la deuxième question est « oui », serait-ce avisé, d'un point de vue politique?
    Un tel changement serait-il légal? Personne ne peut répondre à cette question, ni même les avocats du gouvernement, à l'exception de la Cour suprême, à qui on la posera certainement si le changement est proposé. Nous avons un peu de jurisprudence sur laquelle nous fonder, provenant du Renvoi concernant la compétence du parlement relativement à la Chambre haute de 2014. Dans cette décision, la cour a élargi de façon importante ses pouvoirs d'examen de ces questions, et je cite:
La Constitution ne doit pas être considérée comme un simple ensemble de dispositions écrites isolées. Elle a une architecture, une structure fondamentale. Par extension, les modifications constitutionnelles ne se limitent pas aux modifications apportées au texte de la Constitution. Elles comprennent aussi les modifications à son architecture qui altèrent le sens de son texte.
    Il est inutile de dire à quiconque ici présent que, depuis 1982, la Cour suprême peut faire ce qu'elle veut, surtout dans les cas comme celui-ci, où la disposition de dérogation ne s'applique même pas, en théorie. Ce libellé doit être pris au sérieux. Que pourrait-il signifier dans ce contexte?
    L'exemple le plus simple est de nature fédérative. Le Québec — et M. Johnston l'a mentionné — pourrait bien affirmer que, tout au long de notre histoire, le système uninominal majoritaire à un tour a contribué massivement à l'élection en bloc de députés de cette province, ce qui a accru son pouvoir au sein de la fédération. Tout changement aurait une incidence sur l'architecture de la confédération; cela ne fait aucun doute. Je ne voudrais pas avoir à plaider l'autre côté de cette cause.
    Un argument plus vaste, c'est que le système uninominal majoritaire à un tour rend les gouvernements majoritaires beaucoup plus probables, ce qui est un fait incontestable. Le vote préférentiel est peut-être une exception. Cela pourrait aussi faire partie de l'architecture constitutionnelle essentielle du pays. La question a certes eu de l'importance tout au long de notre histoire.
    La Cour étudierait tous ces éléments, mais il me semble qu'elle pourrait faire fi d'un tel raisonnement, si un soutien assez persuasif de la part de tiers était offert, comme le consentement d'un certain nombre de provinces ou dans le cadre d'un référendum populaire.
(1425)
    Ainsi, je dis aux membres du Comité que, s'ils veulent éviter un litige prolongé sur cette question — une possibilité déplaisante —, ils seraient avisés de rendre tout changement proposé à l'épreuve de jugements en faisant la preuve de ce soutien extraparlementaire.
    Pour passer à ma deuxième question — le caractère approprié du changement unilatéral — l'État canadien n'appartient pas au Parlement; les propriétaires bénéficiaires sont les Canadiens. Les représentants sont des fiduciaires... ils sont respectés et sont investis de pouvoirs vastes, mais limités.
    Dans notre système, presque toutes nos décisions sont prises par vous, en tant que représentants, et notre culture politique ne rend pas le recours fréquent à des référendums pratique, souhaitable ou populaire. La plupart des gens n'ont ni le temps ni l'envie de mener les études que vous menez et de faire les compromis que vous faites en notre nom.
    Toutefois, cette déférence a des limites. Lorsqu'il s'agit des règles du jeu, des lois de base qui déterminent comment les décisions sont prises, les gens veulent avoir leur mot à dire et méritent de l'avoir. J'ai éprouvé un très grand respect pour les paroles de M. Bricker à ce sujet, quand il a dit que, plus les gens en savent, plus ils veulent avoir leur mot à dire.
    Vous pouvez être absolument certains que, si la réforme électorale devient une affaire probable, les gens en sauront beaucoup à ce sujet. Le référendum sur l'accord de Charlottetown tient lieu de précédent très puissant, où une solide majorité de Canadiens a rejeté pratiquement tout l'establishment canadien. Ma province applique depuis 25 ans une loi exigeant que toute proposition constitutionnelle soit soumise à un référendum.
    Je sais que certains témoins vous ont dit que les référendums constitutionnels se soldent toujours par un échec. Je suis là pour vous dire que ce n'est pas vrai. La Nouvelle-Zélande a été mentionnée, mais, si nous limitons notre attention au Canada, il y a un peu plus de dix ans, une proposition de nouveau système électoral en Colombie-Britannique a reçu le soutien affirmatif de près de 58 % de l'électorat. Le taux de participation a été de 61,5 %. La mesure a obtenu une majorité absolue dans 77 des 79 circonscriptions. Ce référendum s'est soldé par une réussite selon tout critère raisonnable, mais le gouvernement provincial avait établi un taux de rendement minimal de 60 %, alors une merveilleuse occasion d'expérimentation naturelle d'une réforme électorale réfléchie a été perdue.
    Le fait est que, si la proposition est bonne et que les consultations sont adéquates, un référendum constitutionnel peut non seulement être remporté, mais aussi, ce faisant — et on en revient à l'argument de Richard —, conférer une énorme légitimité qui serait autrement inatteignable. Cette légitimité devrait être la norme de référence pour toute proposition de changement touchant les lois de base.
    Le mécanisme d'élaboration et de consultation relatif à la nouvelle proposition électorale était au coeur de la réussite de la Colombie-Britannique. De concert avec les gouvernements de l'Ontario et de l'Île-du-Prince-Édouard et dans des circonstances semblables, le gouvernement de la Colombie-Britannique a accepté le fait que le système électoral appartenait au peuple et que les changements devraient être élaborés et affirmés par le peuple. Par conséquent, le gouvernement a mandaté une assemblée citoyenne et m'a fait l'honneur de me laisser concevoir le mécanisme. Grâce aux efforts déployés par le président, par le personnel et par les membres de l'assemblée citoyenne, il a extrêmement bien fonctionné.
    Là où je veux en venir, c'est qu'au bout du compte, les gens y ont cru parce qu'il était crédible et habilité. Je suis convaincu qu'avec les modifications appropriées, un processus semblable pourrait fonctionner à l'échelon national, et je serais ravi de donner des détails si on me le demande.
    J'arrive maintenant à mon argument final. J'ai fait valoir qu'un changement unilatéral apporté à notre système électoral par le Parlement pourrait bien ne pas être légal, et j'ai suggéré des façons de le rendre légal. J'ai affirmé que le changement ne serait pas légitime s'il était unilatéral, et j'ai proposé un mécanisme permettant de répondre à ce besoin.
    Maintenant, laissez-moi vous dire que vous pouvez faire fi des deux premiers arguments, mais alors, vous tomberez dans le piège d'un troisième facteur: un changement unilatéral ne serait pas avisé, d'un point de vue politique. Vous êtes actuellement des praticiens; je n'en suis pas un. Toutefois, j'ai consacré un tiers de ma vie professionnelle à la politique et un autre tiers à commenter les faits et gestes des politiciens, alors je ne me sens pas mal à l'aise de vous donner quelques conseils en matière de politique.
    Si le Parlement — et plus particulièrement le parti au pouvoir — procède à l'adoption d'un changement électoral sans l'avoir fait valider par la Cour ou par les citoyens, il fera face à une tempête de critiques. Les attaques se rédigent pratiquement d'elles-mêmes: « le système électoral appartient au peuple, pas aux politiciens », « nos employés ne devraient pas s'embaucher par eux-mêmes », et ainsi de suite. Si je faisais encore de la politique, ce débat serait extrêmement amusant, mais je vous conseille très sincèrement d'éviter une telle bataille par crainte de réduire la confiance déjà trop fragile à l'égard de notre système.
    Certaines des personnes occupant les banquettes ministérielles vous diront: « mais, nous avons promis que les dernières élections seraient les dernières à se tenir sous le régime du système uninominal majoritaire à un tour ». Oui, vous avez fait cette promesse. Tous les partis font des promesses mal avisées. Tous les citoyens le comprennent. La question devient alors la suivante: après les élections, lesquelles sont cruciales d'un point de vue électoral et lesquelles ne le sont pas? Selon moi, celle-ci ne l'est pas.
(1430)
    Le conseil que je vous donne, c'est de déclarer à la Chambre qu'après une étude minutieuse du Comité, vous vous êtes tous entendus sur le fait qu'il est plus important de prendre le temps de bien faire les choses plutôt que de mal les faire à la hâte. Faites confiance à la population à ce sujet. Vous ne le regretterez pas.
    Merci de votre attention.
    Merci, monsieur Gibson.
    Nous allons commencer la première série d'interventions par M. DeCourcey, pour cinq minutes, s'il vous plaît.
    Deux de nos témoins doivent partir à 16 h 30, alors il se pourrait que je sois plus strict que je l'ai été dans le passé lorsque nous atteindrons la limite de temps.
    Je ne crois pas avoir déjà dépassé le temps qui m'était alloué.
    Non, c'est vrai. Cela ne s'adressait pas à vous en particulier.
    Merci. Je continuerai à donner l'exemple.
    Oui, vous êtes notre étalon, monsieur DeCourcey.
    Des voix: Oh, oh!
    Je veux commencer par M. Johnston et, en fait, la toute première phrase du mémoire qu'il nous a fait parvenir, qui est ainsi libellée: « La discussion sur la réforme électorale se concentre trop souvent sur la composition totale du Parlement et laisse entendre que la Chambre des communes est un corps législatif doté d'un système de pouvoirs distincts. »
    Vous avez un peu expliqué ce que cela pourrait signifier, mais je me demande si vous pourriez peut-être offrir des conseils concrets ou précis quant à la façon dont cela s'applique au Comité et à la façon dont nous pourrions mieux structurer la conversation au moment où nous parcourrons le pays dans le but de mobiliser les Canadiens.
    Souvent, il est très difficile de faire ces distinctions, car il est fréquent que des comportements particuliers des électeurs ou des politiciens incorporent les deux éléments. À part dans les situations de grande coalition, tout gouvernement qui est formé est une sélection partielle de l'ensemble de la Chambre. La question que vous voulez vous poser, c'est dans quelle mesure les gouvernements en question sont représentatifs de la totalité de la Chambre; ou bien, si ce n'est pas de la totalité de la Chambre, est-ce qu'ils englobent au moins — comme on dit — le membre médian de la Chambre du point de vue d'une répartition — disons — gauche-droite ou d'une autre répartition?
    L'une des particularités du Canada, c'est que, pendant la majeure partie de son histoire, il a possédé le seul système de circonscriptions uninominales au sein duquel, la plupart du temps, le gouvernement englobait le membre médian. La forme de gouvernement standard sous le régime uninominal majoritaire à un tour, c'est un parti qui n'est pas au centre, qui n'englobe pas le centre et qui peut néanmoins gouverner. Le frein critique, c'est qu'il est vulnérable à la défaite. On espère que, plus tard, il y aura une alternance suffisante pour tenir le système sur la bonne voie. Voilà un élément.
    La préoccupation particulière qui est souvent soulevée relativement aux systèmes de RP, c'est qu'ils habilitent souvent de petites minorités et en font le pivot pour la formation de coalition. C'est fantastique s'il y a un parti qui est lui-même au centre, qui peut effectivement être le pivot pour le gouvernement et qui est peut-être utile, au chapitre de l'alternance. C'est ce qui est arrivé en Allemagne, par exemple, jusque dans les années 1990, essentiellement. Le Parti démocrate libéral, en particulier, faisait partie de tous les gouvernements allemands. Il occupait habituellement deux des plus importants ministères, soit les affaires étrangères et l'économie. Que le chancelier soit social-démocrate ou chrétien-démocrate, dans un certain sens, le Parti démocrate libéral tenait la barre du navire de l'État allemand — pour ainsi dire — et gardait le cap. Ce n'est plus le cas maintenant. De fait, deux des trois dernières élections ont forcé la formation d'une grande coalition en Allemagne. Cela donne lieu à une politique de consensus, mais produit une situation électorale insatisfaisante lorsque le débat se tient entre le chancelier et le candidat à la chancellerie de l'autre parti et leurs collègues du Cabinet.
(1435)
    Un peu plus loin dans ce paragraphe d'introduction, vous abordez ce que je crois être le point de vue des électeurs, qu'il s'agisse ou non d'une convention, le fait qu'il détermine la légitimité de qui peut gouverner autant qu'il décide quels sont les objectifs stratégiques. Pensez-vous qu'il s'agit d'une valeur qui est très fortement représentée par notre culture politique actuelle? S'agit-il d'un aspect dont nous voulons tenir compte?
    Oui, il a de la valeur. Comme toutes les valeurs, elle n'est pas absolue. Le prix de la mise en œuvre de cette valeur peut être trop élevé. Il arrive au moins parfois que la mise en œuvre de la valeur produise des gouvernements qui ne sont pas au centre. Toutefois, les électeurs — y compris sous le régime de systèmes de RP — apprécient le fait d'avoir leur mot à dire dans la composition des gouvernements. Comme c'est le cas dans de nombreux systèmes de RP, les coalitions électorales sont formées d'avance, et les ententes de coalition font partie, de fait, de l'ensemble sur lequel les gens votent. Même là où ces ententes existent — ou même là où elles n'existent pas —, il y a une tranche d'électeurs qui considère que le vote possède une valeur stratégique en ce qui a trait à la composition du gouvernement.
    Matt Shugart, qui est l'un des premiers observateurs dans ce domaine, a formulé un genre d'observation générale selon laquelle ce que nous procure le système uninominal majoritaire à un tour — et, dans une certaine mesure, la formule majoritaire —, c'est, dans un certain sens, un cadre électoral dont l'efficience est maximale. Il n'est pas parfait, mais son efficience est maximale pour ce qui est de concrétiser le caractère direct de l'incidence sur le choix de gouvernement. Il le fait toutefois au prix de la représentativité, et, plus particulièrement, de la possibilité que le gouvernement englobe le membre médian, pour ainsi dire.
    Merci.
    Monsieur Reid, allez-y.
    Je veux commencer — si je le puis — par M. Bricker. Les résultats de sondage que vous nous avez présentés de vive voix aujourd'hui sont-ils maintenant affichés sur votre site Web, ou bien le seront-ils sous peu?
    Je n'y avais pas pensé. Je pensais qu'ils vous étaient destinés à vous uniquement, mais je peux certainement les afficher.
    La séance est télévisée, alors je vous garantis qu'ils ne sont plus uniquement pour nous.
    Ils sont diffusés.
    Peut-être que je pourrais poser ma question différemment. Je me demande si vous en avez une copie.
    Je l'enverrai à la greffière.
    Ce serait très apprécié.
    Ces résultats confirment une impression que j'ai depuis un certain temps. J'ai mes propres partis pris, mais, à mesure que je tente d'expliquer ce qui se passe aux gens qui n'y prêtent pas attention, ils tendent à appuyer de plus en plus fermement ma position, c'est-à-dire qu'un référendum devrait être tenu concernant le système qui sera proposé à la fin de ce processus.
    Toutefois, vos résultats diffèrent quelque peu de ceux d'un sondage que vous aviez mené antérieurement, qui a été publié à la fin du mois de mai et dans le cadre duquel vous avez posé aux gens des questions à la suite de ce préambule:
L'un des engagements pris par le premier ministre Trudeau et par les libéraux durant les élections était que, s'ils étaient élus, ils allaient apporter des changements majeurs au système électoral du Canada et à la façon dont nous élisons les députés. Leur engagement ne précisait pas exactement comment ils allaient modifier le système. Les énoncés qui suivent concernent cet engagement. Pour chacun, veuillez indiquer la mesure dans laquelle vous êtes en accord ou en désaccord:
    Il s'agit là du préambule, puis on demandait aux gens de répondre à l'énoncé suivant:
Les libéraux ne devraient pas apporter de changement majeur au système électoral du Canada sans tenir de référendum national afin d'obtenir l'approbation des modifications par le public.
    La somme combinée des réponses « fortement d'accord » et « un peu d'accord » en faveur de la tenue d'un référendum correspondait à plus de 70 % des répondants...
(1440)
    C'était 73 %.
    ... et seulement environ 20 % étaient de l'autre côté. Quelle est la différence? Quelle raison explique la différence entre le résultat de ces deux sondages?
    Nous avons posé une question différente. Nous avons donné aux répondants l'option de faire examiner et approuver le processus d'une autre manière, c'est-à-dire le processus parlementaire — le processus que nous suivons actuellement au moyen du Comité — ou dans le cadre d'un référendum, alors que, dans ce cas particulier, nous n'avons fait que poser une question au sujet de la tenue d'un référendum. Cela m'amène à croire que, plus on en parle, plus les chiffres augmentent.
    Exact.
    Je m'attends à ce que, plus les gens parleront du processus et plus ils s'y intéresseront, plus on verra ces chiffres augmenter plutôt que diminuer.
    L'une des questions qui ont été posées... je ne sais pas si vous l'avez fait, mais je suis tous les sondages à ce sujet.
    Je suis désolé pour vous.
    Eh bien, en fait, vous avez empiré la situation, aujourd'hui, en ajoutant un autre sondage.
    Tout le plaisir est pour moi.
    Je fais bel et bien le suivi des sondages, et l'une des firmes de sondage a inclus un préambule posant la question suivante: « quel que soit votre avis au sujet de la réforme électorale, êtes-vous en faveur de la tenue d'un référendum? »
    Je me demande seulement si les résultats que vous avez obtenus comportaient quoi que ce soit qui indique une distinction entre les personnes qui sont en faveur de la réforme électorale et celles qui ne sont pas en faveur de la tenue d'un référendum, ou bien si les résultats sont plus ou moins les mêmes, quel que soit le souhait personnel final des gens quant aux résultats qui seraient obtenus.
    J'ai toujours de la difficulté avec une question qui dit: « je ne veux pas que vous réfléchissiez à ce que vous en penseriez vous-même. » À qui doivent-ils penser? Est-ce qu'ils pensent à leurs voisins, ou à qui que ce soit? Il n'est pas très logique de poser des questions comme celle-là.
    Non, à ce stade, comme nous n'avons présenté aucune proposition que les gens pourraient examiner, il est un peu difficile de leur poser des questions à ce sujet, quoique j'ai mené dans Policy Options il y a quelques années un sondage qui posait aux gens des questions au sujet de la RP, et le taux d'appui pour ce système n'était pas très élevé. La raison, c'est que le public ne voit pas nécessairement un énorme problème dans la façon dont il élit les parlementaires. Le problème des gens, quand ils se méfient de ce qui se passe au Parlement, tient à ce que font les parlementaires une fois qu'ils y sont, pas nécessairement au processus qu'ils suivent pour se faire élire.
    Il n'est pas surprenant que, quand nous commençons à leur parler du processus, dans une certaine mesure, ils pensent que vous posez la mauvaise question.
    Il s'agit là d'un point de vue intéressant.
    Je voulais poser une autre question. Le gouvernement a promis qu'il adopterait une loi, alors nous saurons vraiment quel est son système d'ici le mois d'avril prochain, en supposant qu'il tient cette promesse et qu'il produit une proposition de nouveau système électoral. À ce moment-là, une fois que les Canadiens auront la possibilité de voir laquelle des diverses options est celle qui est proposée, ce qui signifie nécessairement que toutes les autres seront exclues, est-il probable que cela change le pourcentage de personnes qui estiment qu'un référendum devrait être tenu? Par définition, bien entendu, les gens seront mieux informés à ce moment qu'ils ne le sont maintenant, mais ma question est tendancieuse. Laissez-moi simplement vous demander ce que...
    Répondez brièvement, s'il vous plaît.
    Je répondrai de façon impartiale.
    Je dirais qu'il y a vraiment beaucoup de choses qui dépendent de ce que fait le Comité. S'il dit être parvenu à un consensus sur la façon dont nous devrions procéder, je pense que cela changerait vraiment la façon dont les Canadiens verront le processus pour ce qui est de tenir ou non un référendum.
    Si le Comité affirme que la question est très controversée, que personne ne s'entend et qu'il n'y a pas de consensus à cet égard, je pense que c'est là que nous nous retrouverons dans la situation que MM. Johnston et Gordon ont évoquée relativement au besoin d'obtenir une validation externe pour le système qui sera proposé. Cette validation deviendra encore plus importante.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Il n'y a pas de quoi.
    Monsieur Boulerice, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les distingués témoins qui prennent cette période au mois d'août pour venir nous parler de questions touchant le système électoral.
    Au départ, il faut rappeler le mandat de ce comité. Lors de la campagne électorale, le gouvernement libéral nous a dit que 2015 serait la dernière élection avec un mode de scrutin qui produit de fausses majorités. C'est un mode de scrutin qui peut être défini comme étant celui où le gagnant prend tout. Dans une circonscription donnée, même si un candidat a récolté 32 % des votes, il peut gagner. Les 68 % de votes qui sont allés aux autres partis étant jetés à la poubelle.
    Nous avons le mandat d'écouter des experts, des gens de la société civile, des citoyens et des citoyennes afin d'essayer de dégager entre nous un consensus sur ce que nous allons proposer à ce sujet.
    Mes amis du Parti conservateur utilisent pratiquement le référendum comme une feuille de vigne. C'est un peu comme de mettre la charrue devant les boeufs. Avant de nous demander s'il faut tenir un référendum, il faudrait savoir si nous pouvons nous entendre sur quelque chose. Qu'allons-nous proposer? Sur quoi porterait la question? Nous sommes encore très loin de cela. Je veux que nous prenions le temps de discuter et d'analyser les différentes options qui sont proposées.
    Monsieur Johnston, en 2001, dans un article publié dans le magazine Policy Options, vous aviez dit qu'un changement fondamental de notre système électoral était rendu plus que nécessaire. Vous aviez conclu que la représentation proportionnelle serait probablement le meilleur système pour le Canada. Vous aviez aussi dit que le vote alternatif ou le vote préférentiel n'était probablement pas la réponse au malaise démocratique canadien. Vous aviez dit — et je vais le mentionner en français — que le vote alternatif pourrait produire une hégémonie libérale puisque les libéraux sont, après tout, le deuxième choix quasi universel des citoyens et des citoyennes.
    Êtes-vous toujours d'accord avec les propos du M. Johnston de 2001?
(1445)
    Touché, monsieur Boulerice.

[Traduction]

    J'avais fait une sous-estimation.
    Vous vous rappelez peut-être — comme je l'ai mentionné dans mes observations publiées dans la même édition — que Tom Flanagan et Ted Morton eux-mêmes ont plaidé en faveur du vote préférentiel précisément dans le but de régler la division de la droite.
    Je pense que nous avons tous sous-estimé la résilience de l'ordre politique. Je n'éprouve pas particulièrement de remords. Je pense que l'enchaînement de circonstances qui a essentiellement permis à Stephen Harper d'exécuter la prise de contrôle inverse du Parti conservateur était assez extraordinaire. Il s'agissait selon moi d'un exploit remarquable d'ingénierie politique de sa part, du côté du parti.
    J'ai envie de dire que cela illustre, dans un certain sens, le pouvoir du cadre de provoquer un comportement. Ensuite, après 2006 — même si j'avoue avoir fait de mauvaises prédictions —, je pensais que les élections de 2011 allaient peut-être placer le Parti libéral du Canada dans une situation impossible. En vérité, dans la majeure partie du reste du monde, il est très difficile d'articuler une stratégie de croissance à partir du centre.
    Encore une fois, j'ai sous-estimé la résilience du système et des partis qui ont manoeuvré afin de surmonter ces genres de division. À l'époque de 2001, je pensais que nous étions coincés sur place. Dans la mesure où je formulais un argument instrumental, je suis moins persuadé de la valeur du raisonnement que je ne l'étais à ce moment-là.

[Français]

    Tout le monde a le droit d'évoluer et de changer d'opinion.
    On est dans un processus qui pourrait demander des changements fondamentaux, des redécoupages électoraux et la création de listes de partis politiques. Le directeur général des élections du Canada nous a déjà donné certaines indications sur le temps nécessaire pour pouvoir changer le système pour les élections de 2019.
    En octobre dernier, un article de la CBC vous citait en disant que vous étiez extrêmement sceptique quant à la capacité ou à la probabilité qu'un gouvernement libéral sera en mesure de changer le mode de scrutin ou le système d'ici les prochaines élections.
    D'après notre calendrier, est-il possible de faire à cet égard des changements significatifs et non pas cosmétiques?

[Traduction]

    Soyez très bref, s'il vous plaît, car nos cinq minutes sont déjà écoulées.
    Ils peuvent le faire unilatéralement s'ils le désirent.
(1450)
    Merci.
    Que ce soit un changement durable ou non, je dirai simplement que, selon moi, leur réélection ne serait pas garantie, contrairement au point de vue exprimé dans Options politiques.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Thériault.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Messieurs, je vous remercie de contribuer aux travaux du comité.
    Pour reprendre une expression connue, je dirais que vos paroles sont comme de la musique à mes oreilles, particulièrement celles de M. Gibson. Mes collègues ont dû reconnaître plusieurs de mes questions et de mes affirmations dans vos propos. C'est la légitimité qui fonde la légalité. Ce n'est pas parce que c'est légal que c'est moral. On en a eu la preuve lors du rapatriement unilatéral de la Constitution. Les juges de la Cour suprême ont considéré cela comme étant légal, mais illégitime.
    En fait, si on veut changer les règles démocratiques de la société canadienne et du parlementarisme canadien, il faut préciser de quel Canada on parle. Parle-t-on du Canada de 1867 ou de celui d'après 1982? On ne peut réduire strictement la nation québécoise à une région géographique ou à une minorité ethno-linguistique.
    Cela dit, je crois que les délais auxquels nous sommes soumis ne sont pas réalistes. Je pense aussi qu'en exigeant un référendum, le but n'est pas de freiner une volonté de changement. Au Québec, en tant que porte-parole de l'opposition officielle en matière d'institutions démocratiques, j'avais suivi de près à l'époque la démarche de la Colombie-Britannique concernant la réforme. Je pense que le problème était la formule du 60 %. À mon avis, la formule du 50 % plus un doit être la règle en démocratie, même pour des changements de cette nature. Il faut donc voir quel processus mène à ce changement. Or, il me semblait que le cas de la Colombie-Britannique était assez exemplaire à cet égard.
    J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

[Traduction]

    Vous parlez plus précisément du seuil de 50 %, puis de 60 %?
    On peut défendre les deux options. Dans certains dossiers — et je vais me mouiller —, comme la séparation du Québec, une fois qu'on obtient une majorité de 50 % plus un, le monde change du tout au tout le lendemain, puisque la situation créera de l'instabilité avec laquelle il faudra composer.
    Par ailleurs, lorsque la constitution déjà en place fonctionne bien, on peut imposer un seuil plus élevé. Personnellement, j'ai été très déçu de l'échec de la réforme en Colombie-Britannique en raison de l'adoption d'un seuil plus élevé, mais, malgré tout, je n'ai jamais formulé de critique à ce sujet. Je comprends que certaines personnes font valoir que les documents constitutionnels doivent bénéficier d'une stabilité accrue afin que les acteurs politiques puissent s'y fier.
    Je répète que la question de la séparation du Québec et du seuil de 50 % plus un est un enjeu différent. Je ne parle pas de la Constitution canadienne actuelle, alors...

[Français]

    En ce qui a trait à la réforme, je peux comprendre votre opinion sur la question nationale québécoise. Pour ce qui est du changement du mode de scrutin, je ne partage pas votre opinion en matière constitutionnelle. J'aimerais entendre la réponse des trois témoins à cet égard.
    La formule du 50 % plus un est selon moi suffisante, et vous allez comprendre pourquoi. Si elle est suffisante en matière constitutionnelle ou pour ce qui de la question nationale québécoise, elle l'est aussi dans le cas du changement des règles démocratiques.
    Monsieur Thériault, posez-vous la question à chacun des témoins?
    Oui.
    Nous disposons donc d'une minute pour les trois réponses.
    Est-ce suffisant?

[Traduction]

    Je ne crois pas.
    Surtout dans la mesure où il s'agit d'un changement de formule qui modifie l'équilibre du pouvoir entre les provinces sans toute fois changer la composition numérique des circonscriptions du Parlement.
    Monsieur Bricker.
    Je n'ai rien à dire à ce sujet.
    Monsieur Gibson.
    Nous avons défini une règle touchant la modification de notre Constitution. Cettre règle tient compte des diverses régions du pays dans le but d'assurer leur protection de même que l'unité du pays.
    Par exemple, nous allons créer une assemblée citoyenne nationale. Je crois que cette assemblée aussi devrait être fondée sur une règle électorale, qui découle de la formule d'amendement de la Constitution, soit 7-50.
(1455)
    Nous allons maintenant passer à Mme May, s'il vous plaît.
    Premièrement, je tiens à remercier tous les témoins d'être là aujourd'hui.
    Je veux commencer par Darrell Bricker. Je regarde les résultats du sondage et je ne suis pas très surprise. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi, selon moi, la connaissance qu'a le public des travaux du Comité — même si ces travaux battent leur plein — est assez limitée et l'intérêt des Canadiens n'a pas encore été suscité. La situation ne me surprend pas. Jusqu'à présent, toutes nos réunions relevaient de la première phase de nos travaux estivaux, ici, à Ottawa. Le Comité « prendra la route », comme on le dit, et, de la mi-septembre à tout juste après l'Action de grâce, nous tiendrons des séances publiques dans chaque province et territoire, y compris des séances libres ouvertes à quiconque. Nous tentons de favoriser le plus possible l'inclusion et la participation. Comme vous le savez, bon nombre de députés organisent aussi des assemblées publiques locales, même si ce ne sont pas tous les députés qui le font.
    De toute façon, j'aimerais bien savoir si vous continuerez à poser ces mêmes questions après la fête du Travail, durant une période où le Comité croit — c'est en tout cas ce que je crois en tant que membre du Comité — pouvoir entendre ce que les citoyens ont à dire et interagir avec eux. En outre, j'espère que nous serons en mesure de les sensibiliser à la question grâce à la couverture médiatique de ces réunions, qui auront lieu partout au pays. Dans une certaine mesure, jusqu'à présent, nos travaux ne sont absolument pas un événement « public ». Nous n'avons rien fait pour susciter l'intérêt des gens. Nous ne nous sommes pas promenés sur les plages torse nu. Nous avons été très discrets.
    Je me demande: si nous nous rendons à la fête du Travail comme nous prévoyons le faire, prévoyez-vous continuer à faire un suivi pour déterminer si nos travaux ont un impact?
    Absolument. Selon moi, c'est un enjeu critique pour le pays et, chez IPSOS, nous réalisons toujours des enquêtes sur les enjeux nationaux cruciaux. Je crois que nous avons une bonne base de référence sur laquelle nous appuyer. J'ai bien hâte de voir la suite des choses.
    Je suis aussi heureuse que vous ayez posé la même question. Je crois que c'est EKOS qui a lancé l'expression « Certaines personnes disent que tout changement... », comme vous l'avez déjà lu.
    Oui.
    Leurs résultats ne sont pas très différents des vôtres : environ cinquante-cinquante.
    Non.
    Dans ce cas-là, la question de la légitimité est sur le fil du rasoir. Je crois que tous les membres du Comité — et moi aussi — croient que toute modification de notre système électoral exige la confiance du public, ce qu'on traduit par la notion de « légitimité ». Un référendum est peut-être une des façons d'y arriver. J'ai des craintes à ce sujet, mais disons qu'un référendum peut permettre la légitimité. On peut obtenir la légitimité grâce à un processus et des délibérations publics, tout comme on peut l'obtenir grâce à des assemblées citoyennes. Nous avons entendu beaucoup de propositions différentes sur la façon d'assurer la légitimité.
    Je vais très bientôt m'adresser à M. Johnston afin de lui poser une question complémentaire à ce sujet, mais avez-vous des commentaires à formuler sur toutes ces choses qui peuvent favoriser la confiance du public et la légitimité?
    Je crois que, une fois qu'on informe au moins les gens du fait que le processus est en cours et qu'une réforme est envisagée — en passant, le fait d'être élu avec ce programme ne garantit pas la reconnaissance publique, comme vous l'avez déjà constaté — et que les gens participent, surtout s'ils perçoivent que c'est important et qu'ils doivent porter attention, je crois qu'ils seraient prêts à envisager un certain nombre d'options différentes.
    De plus, je crois aussi que, plus vous en parlerez, plus les gens voudront participer à un processus dans le cadre duquel on sollicite directement leurs opinions, plutôt que de simplement participer à des séances de discussion ouvertes ou de voir leur point de vue véhiculé grâce à un autre type de mécanisme.
    Oui.
    Je vais passer à M. Johnston. Je suis perdue. En effet, dans la première phrase de votre article dans Options politiques, article dont a déjà parlé mon ami Alexandre Boulerice, vous dites que « le système électoral uninominal majoritaire à un tour du Canada n'est plus adapté aux caractéristiques de notre scène électorale ». Cependant, je sais que vous avez aussi beaucoup écrit sur le fait que notre situation est assez unique et que nous étions parmi les premiers pays à utiliser un système uninominal majoritaire à un tour et à afficher constamment un Parlement multipartite depuis les années 1920. Vous avez dit que « le système électoral uninominal majoritaire à un tour du Canada n'est plus adapté aux caractéristiques de notre scène électorale, si même il l'a déjà été ». Vous avez aussi dit que « la façon dont le système uninominal majoritaire à un tour traduit les votes en sièges a toujours produit des distorsions ».
    On sait bien que les distorsions provoquées — et je n'essaie pas d'exagérer — mènent parfois à ce qu'on appelle une « fausse majorité ». Peter Russell a aussi utilisé cette expression. Il y a eu une fausse majorité en 2011, puis une autre en 2015. Ces distorsions se produisent encore, et elles entraînent d'assez importantes fluctuations stratégiques.
    Compte tenu de votre examen du domaine, je me demande bien pourquoi vous êtes préoccupé par le fait que le système uninominal majoritaire à un tour n'est plus adapté à notre contexte électoral, qui a changé en raison de l'unification de la droite par Stephen Harper.
(1500)
    Soyez bref, s'il vous plaît, même si je reconnais qu'il s'agit d'une question complexe.
    Ce n'est pas seulement l'unification de la droite par Stephen Harper. Je n'ai jamais été troublé par le fait que les majorités parlementaires sont presque toujours « fabriquées », pour utiliser l'expression consacrée dans le milieu universitaire. Selon moi, l'expression « fausse majorité » est partisane.
    Les faits qui ne semblaient pas cadrer en 2001 concernaient la capacité du système de partis à fournir un niveau de compétition raisonnablement sain dans le cadre des élections. J'ai sous-estimé la capacité de la droite d'unir ses forces. Et, en 2011 et en 2015, même si je ne prenais pas parti d'un côté comme de l'autre, j'ai sous-estimé la capacité du centre gauche d'unir ses forces.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Mme Sahota.
    Ma question est destinée principalement à M. Johnston, mais je serais heureuse de connaître aussi l'opinion des autres témoins.
    Nous avons parlé de l'importance de la responsabilisation, mais nous avons surtout parlé de représentation locale et de la possibilité pour les gens de tenir leur représentant local responsable et de s'assurer que leurs représentants connaissent bien leur circonscription et peuvent la défendre à Ottawa.
    Monsieur Johnston, je sais que vous avez formulé certaines déclarations et écrit pas mal de choses sur la responsabilisation au sein du système mixte proportionnel et sur la présence de différents types de députés — les députés qui figurent sur la liste et les députés locaux — et la possibilité de créer, au bout du compte, des gouvernements de coalition. De quelle façon peut-on appliquer la notion de responsabilisation au sein des gouvernements de coalition et des plateformes dont nous parlons? Actuellement, dans le cadre du système uninominal majoritaire à un tour, on peut savoir que tel parti s'est présenté en fonction de tel ou tel programme. Si, au bout du compte, le parti n'obtient pas de bons résultats, on peut alors le tenir responsable ou tenir le député local responsable, mais dans le cadre des systèmes de représentation mixte et des gouvernements de coalition, comment peut-on le faire?
    Pour commencer, je ne crois pas que le système de représentation mixte soit particulièrement central à la question que vous posez. Votre question concerne-t-elle les gouvernements de coalition?
    On nous a souvent dit que le système de représentation mixte crée parfois des gouvernements de coalition ou qu'il crée différents niveaux. Pouvez-vous nous parler de ces deux aspects?
    C'est non pas le système de représentation mixte en tant que tel qui crée des coalitions, mais le fait qu'il s'agisse d'un système proportionnel. La composante des députés supplémentaires compense complètement — du moins d'un point de vue arithmétique — toute disproportion au niveau des circonscriptions.
    Je crois que la composante de représentation locale de la représentation électorale nationale est un argument exagéré. Selon moi, l'un des attraits d'un système de représentation mixte, c'est qu'il peut y avoir de grandes circonscriptions rurales. Le système pourrait créer une disproportion qui ferait en sorte que Nathan Cullen représente la moitié de la population d'une circonscription typique de Surrey. On pourrait le faire et compenser pleinement sa disproportion grâce au volet compensatoire.
     Pour ce qui est de la responsabilisation des gouvernements de coalition, je crois qu'il y a de nombreux systèmes dans lesquels ils sont parfaitement responsables de leurs actes, et on met l'accent sur le parti formateur, celui qui est au centre du système. C'est lui qui, en un sens, encaisse le coup. Il y a des systèmes de coalition où les coalitions s'écroulent, habituellement en raison de la présence d'un pivot, qui est faussé et qui crée des équivalents inappropriés.
    Un autre témoin veut-il ajouter quelque chose? Sinon, je vais passer à une autre question.
    Si votre objectif principal est la représentation locale, alors la meilleure solution est le mode de scrutin à vote unique transférable plurinominal, parce que les gens trouveront presque assurément un représentant de leur circonscription qui a le même point de vue qu'eux, peu importe le point de vue. Bien sûr, ce n'est qu'un des éléments, et il y a bien d'autres à satisfaire.
    C'est exact. Où classeriez-vous la responsabilité en ce qui a trait aux valeurs que nous devons accorder ici aux différents éléments?
    Il ne fait aucun doute que c'est important. La responsabilité générale du gouvernement est probablement plus importante que la responsabilité des différents membres. La stabilité du gouvernement est extrêmement importante. J'aimerais réfléchir à votre question un peu plus avant de vous donner une réponse plus complète.
    D'accord.
    Monsieur le président, me reste-t-il du temps?
    Il vous reste environ une minute.
    J'ai trouvé les enquêtes que vous menez très intéressantes, monsieur Bricker. C'est surprenant, et je crois que nous devons nous efforcer d'accroître la sensibilisation à l'égard de ce qui se produit actuellement. Je crois que nous saurons relever le défi.
    Avez-vous d'autres suggestions? Mme May a demandé ce que nous pouvons faire durant la deuxième moitié de notre processus d'extension lorsque nous nous rendrons un peu partout au Canada. Y a-t-il quoi que ce soit que vous nous conseillez de faire pour accroître la sensibilisation des gens au sujet du processus que nous réalisons actuellement? Nous espérons pouvoir en venir à un consensus au bout du compte.
(1505)
    Je crois que votre tâche la plus importante, c'est d'accroître la sensibilisation.
    Vous avez tous été candidats à des élections et vous les avez tous gagnées. J'ai assurément oeuvré dans le cadre de beaucoup de campagnes électorales, et je peux vous dire que les gens ne voteront pas pour vous et ne vous soutiendront pas s'ils ne savent pas qui vous êtes.
    Même si vous êtes tenté d'aborder toutes ces choses que j'aime appeler le « Yahtzee » des politicologues — toutes ces particularités extrêmement complexes quant à la façon dont il faut structurer le système — la première chose à faire, c'est de dire aux gens que vous réfléchissez à la question, que vous faites quelque chose à ce sujet et qu'ils peuvent participer plutôt que d'essayer d'aborder toutes les ramifications de ce que seront les résultats.
    Nous allons passer à M. Richards.
    Monsieur Gibson, j'ai, pour commencer, quelques questions pour vous.
    Vous avez mentionné dans votre déclaration préliminaire — et je vous cite peut-être un peu librement — que le genre de changement que nous envisageons d'apporter ici serait semblable à un changement constitutionnel. Vous avez approfondi quelque peu votre pensée à ce sujet, mais je me demande si vous voulez l'occasion d'en dire un peu plus sur la raison pour laquelle vous croyez que ce serait un peu comme un changement constitutionnel.
    C'est parce que cela fait partie de nos lois fondamentales; cela fait partie des règles du jeu.
    Cela dit, c'est quelque chose que le Parlement aurait très bien pu faire avant 1982, et personne n'aurait posé de question à ce sujet. S'agit-il oui ou non d'un changement constitutionnel, qui s'en préoccupait? Le Parlement pouvait le faire.
    Aujourd'hui, il importe vraiment de savoir s'il s'agit d'un changement constitutionnel, et seule la Cour suprême peut répondre à cette question. Je suppose que, étant donné qu'elle revoit sans cesse l'architecture constitutionnelle, comme elle l'appelle, elle serait probablement d'avis que cela fait partie...
    Je sais que vous avez dit plus tôt ce que vous venez juste de dire, c'est-à-dire que personne ne peut dire avec certitude si la proposition respecte le critère constitutionnel. Je crois que le meilleur exemple de cela, c'est le fait que certains témoins que nous avons entendus ont affirmé sans équivoque que, oui, on considérerait cela comme un changement constitutionnel. D'autres ont dit de façon tout aussi peu équivoque que non, ce n'est pas le cas. Je crois que cela illustre très bien le point, soit qu'il s'agit d'une question que seule la Cour suprême est en mesure de trancher.
    Maintenant, en ce qui concerne la légitimité du processus, vous militez certainement en faveur des référendums. Je crois pouvoir vous citer. Le premier extrait date déjà, le second est tiré de votre exposé d'aujourd'hui, et je crois que vous avez donné un exemple parfait. Vous avez dit, premièrement, que [traduction] « aucune règle n'est plus importante que celles qui déterminent quels députés seront élus et quel parti formera le gouvernement ». Aujourd'hui, vous avez dit quelque chose d'encore plus profond, à mon avis: [traduction] « Lorsqu'il s'agit des règles du jeu, des lois de base qui déterminent comment les décisions sont prises, les gens veulent avoir leur mot à dire et méritent de l'avoir. »
    J'aimerais profiter de votre expérience de la Colombie-Britannique et de l'assemblée citoyenne de cette province. On a recommandé de garantir que toute proposition de système serait soumise aux électeurs par voie de référendum.
    J'aimerais que vous nous donniez votre opinion, que vous nous disiez si, à votre avis, cette garantie a amélioré les travaux de l'assemblée citoyenne, si elle les a aidés à demeurer honnêtes et neutres, et si elle constituait un aspect important de ce processus.
    Merci. C'est une très bonne question.
    Il ne fait absolument aucun doute qu'une telle responsabilité est absolument essentielle à la crédibilité d'une assemblée citoyenne. Cette assemblée jouissait d'une grande crédibilité étant donné que tout le monde savait — et les membres de l'assemblée le savaient aussi — que toute proposition qu'elle arriverait à formuler serait concrètement soumise au peuple. Si l'assemblée au bout du compte ne constituait qu'une commission royale de plus — sans vouloir manquer de respect à l'égard des commissions royales —, qui s'en préoccupait? Dans ce cas particulier, toutes leurs propositions allaient faire l'objet d'un vote, et cela leur donnait une grande importance.
    Si nous devions recommander cette sorte de garantie, que tout ce qui découlera de ce processus soit soumis au peuple, dans le cadre d'un référendum, est-ce que cela donnerait plus de crédibilité au processus? Est-ce que cela rendrait le processus plus important et plus solide?
    Si votre comité, par un mécanisme quelconque, une assemblée citoyenne ou autre chose, arrivait à formuler une proposition et que celle-ci soit ensuite confirmée par le peuple, dans le cadre d'un référendum, ce sera à mon avis légitime.
(1510)
    Vous pensez que, en donnant maintenant cette garantie, en disant que peu importe ce qui se passe, les changements recommandés seront soumis au peuple, le processus sera dès ce moment-là plus crédible?
    Oui.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Aldag.
    Je vais pour commencer poser deux ou trois questions à M. Johnston.
    Je trouve toujours intéressant d'avoir en main le texte des exposés, et, pendant que je les parcours, il y a toutes sortes de choses qui me sautent aux yeux. Pour commencer, mon attention a été attirée par ce que vous dites au paragraphe 9: « Les formules de représentation proportionnelle exigent de « l'ingénierie » pour arriver à un résultat électoral. »
    C'est la première fois que je vois... J'imagine que c'est implicite... Nous avons vu ces calculs mathématiques, et bien d'autres choses. La question que je me pose vise tout simplement à savoir si les Canadiens sont prêts pour un système plus complexe. Nous avons entendu parler, ce matin, du système allemand, conçu pour nous, qui supposait un certain nombre de calculs. Quand j'ai vu le terme « ingénierie », je me suis dit que c'est réellement de cela qu'il s'agit. Il s'inspire d'un mode de calcul tout simple auquel on applique quelque chose d'autre.
    Pensez-vous que les Canadiens en sont rendus au point où ils sont prêts pour un système plus complexe qu'un système majoritaire ou à majorité simple?
    Je ne crois pas être en mesure de répondre de but en blanc à cette question. La Colombie-Britannique a décidé d'adopter un système qui, à certains égards, était le plus complexe, du point de vue de l'électeur, puisqu'il s'agit d'un scrutin préférentiel pour lequel le dépouillement exige du temps. J'ose espérer que, peu importe le système qui sera proposé, on ne discutera pas exclusivement de sa complexité.
    Quand je parle de « l'ingénierie », ce n'est pas du tout péjoratif. Je fais simplement allusion au fait que le seul système qui fonctionne de façon autonome, c'est le scrutin majoritaire uninominal à un tour; tout simplement parce qu'il garantit un résultat, et c'est tout. Si l'on veut s'avancer davantage, étant donné qu'il n'existe presque jamais de, ouvrez les guillemets « majorité naturelle » nulle part, pour avoir un système majoritaire, il faut faire un peu d'ingénierie. La notion même de proportionnalité est associée à tout un cadre conceptuel. Elle présuppose, d'une part, que ce qui est représenté, ce sont les partis politiques, et c'est exactement cela que les électeurs disent ne pas apprécier; d'autre part, si vous voulez que cette proportionnalité se réalise, en tant que telle mais également conformément aux règles de l'arithmétique, il vous faut établir un certain nombre de dépouillements, qui, dans un certain sens, représentent l'ingénierie électorale.
    Je crois que c'est cet aspect qu'il est difficile de faire accepter. Je comprends pourquoi les gens qui essaient de vendre l'idée se préoccupent d'un éventuel référendum. De fait, comme Gordon pourra le confirmer, l'assemblée citoyenne de la Colombie-Britannique tenait cet aspect de l'acceptation pour important. L'assemblée a au bout du compte privilégié le vote unique transférable, mais elle a conclu que le système mixte proportionnel était plus difficile à admettre en raison de tout ce dont il est fait.
    D'accord, c'est bien. Merci.
    Une autre chose qui a attiré mon attention, et vous n'avez pas fourni beaucoup de détails à ce sujet pendant votre exposé, se trouve à votre paragraphe 13. Contrairement à ce qu'ont dit les autres témoins, vous écrivez qu'il ne serait pas avisé d'appliquer « différentes combinaisons dans différents endroits », par exemple en distinguant les milieux ruraux et les milieux urbains. Nous avons entendu des arguments convaincants selon lesquels se serait la meilleure solution pour le Canada.
    Seriez-vous disposé à utiliser les minutes qu'il me reste pour nous dire pourquoi vous pensez que ce ne serait pas une bonne idée?
    Eh bien, je reconnais que nous devons trouver un équilibre délicat, dans notre fédération. Pourquoi devons-nous être représentés au Sénat? Pourquoi les circonscriptions rurales comptent-elles moins d'habitants que les circonscriptions urbaines? Nous arrivons assez bien à assurer cet équilibre délicat, mais je suppose que c'est grâce à un processus qui permet de tenir compte de l'ensemble des intérêts. Mais, sur le terrain, s'il fallait mettre au point un système qui...
    Je crois qu'il s'agit d'une des marottes de Nelson Wiseman, pendant ses années de jeunesse à Winnipeg. D'aucuns se rappellent comment les provinces de l'Alberta et du Manitoba, en particulier, ont été découpées, lorsqu'il y avait des districts à un seul député, à l'extérieur des villes, et des districts à plusieurs députés, dans les villes; lorsqu'il était assez clair que, pour le Manitoba, il s'agissait principalement d'atténuer l'impact de Winnipeg sur la province tout en augmentant l'incidence des régions rurales du Manitoba sur le cadre général.
    Disons par exemple que vous choisissez le vote préférentiel à l'extérieur des villes et le vote unique transférable dans les villes; à ce moment-là, peu importe ce que vous décidez quant à la dimension des circonscriptions, vous instituez dans les villes un mécanisme électoral qui, pour ainsi dire, n'a aucune incidence sur l'équilibre du pouvoir. À l'extérieur des villes, vous donnez par exemple à une grande minorité la possibilité d'augmenter son pouvoir.
(1515)

[Français]

     Merci.
    Monsieur Cullen, vous avez la parole.

[Traduction]

    Tous les systèmes sont par nature faussés. N'est-ce pas?
    Absolument.
    C'est le cas de notre système, du système américain, du système allemand, etc. C'est intéressant, étant donné que nous avons reçu ce matin des témoins de l'Allemagne. Nous leur avons demandé si cela n'était pas trop complexe, comme mon collègue libéral vient de le dire. Ils ont répondu qu'au contraire les gens comprenaient, comme en Irlande et en Écosse.
    Est-ce que c'est instable? Voilà un autre mythe touchant les systèmes proportionnels. Selon tous les témoignages que notre comité a entendus, selon les gens qui sont au courant, non, ce n'est pas plus instable.
    N'existe-t-il pas un lien à l'échelle locale, si un système proportionnel suppose que les électeurs perdent leur lien à l'échelle locale avec un représentant direct? Comme nous l'ont dit M. Gibson et d'autres experts, c'est aussi un mythe.
    Tous ces mythes s'ajoutent les uns aux autres et donnent lieu à des interprétations ambiguës, pourrait-on dire, et laissent croire que les systèmes proportionnels priveraient les gens de leur droit de vote et que les électeurs ne les apprécieront pas, malgré les données probantes qui montrent que les gens les apprécient. Je ne me souviens pas avoir vu des données au sujet d'un pays quelconque qui serait passé d'un système proportionnel à un scrutin majoritaire uninominal à un tour.
    J'ai une question, monsieur Bricker, au sujet de votre sondage. J'ai été un peu désarçonné. Vous avez mené un sondage au mois de mai en demandant directement aux répondants s'ils voulaient ou non un référendum. Le résultat était dans les environs de 70 %?
    Il était de 73 %.
    Vous avez ensuite posé une deuxième question, la semaine dernière, en expliquant ce qui se passait. Les gens ne semblaient pas très au courant, mais vous leur avez expliqué ce qui se passait et vous avez constaté que le nombre de personnes qui désiraient un référendum avait chuté?
    Oui, nous leur avons proposé deux choix.
    En effet. Donc, soudainement, il y a un processus. La question de la validation et de la façon dont les gens voient les choses et ce que nous essayons de faire, au Parlement, pendant notre mandat, tout cela est valide. Pour les électeurs, le mot « légitime » est peut-être mieux choisi.
    Est-ce à cette question-là que vous vous êtes donné le devoir de répondre?
    Non. La question vise à savoir quel processus nous voulons.
    Bien.
    Si nous décidons d'aller de l'avant et d'entreprendre le processus de changement de notre système, quelles sortes de consultations sont nécessaires?
    Pour cette légitimité?
    En effet.
    D'accord. Donc, quand les gens savent qu'il se passe quelque chose...
    Je vais vous poser une question au sujet de laquelle vous avez probablement déjà mené un sondage. Je vais vous demander, ici, d'émettre une hypothèse. Si un seul parti se portait à la défense d'un nouveau système, j'imagine que sa crédibilité, sa validité, baisseraient, tandis que, dans un scénario selon lequel, comme nous sommes nombreux à l'espérer, nous pourrions parvenir à une sorte de consensus, ce ne serait pas le cas.
    Ce qui se passerait, c'est que les Canadiens se poseraient des questions sur notre motivation.
    En effet.
    La question serait alors la suivante: pourquoi veulent-ils apporter ce changement alors que les gens ne sont pas tous d'accord?
    Unilatéralement.
    En fait, cela est déjà arrivé au Canada, après les élections de 2008, lorsque le premier ministre a modifié le système de financement des partis politiques.
    Y avait-il un calcul politique derrière cela?
    Mais cela a échoué.
    En effet. C'est également ce qui s'est passé, selon moi, dans le cas de la Loi sur le manque d'intégrité des élections, qui a été proposée de façon unilatérale par le Parlement dans le but de changer le mode de scrutin. Cela a été vu davantage comme une manoeuvre partisane que comme une lueur d'espoir pour la démocratie.
    Quand on commence à entendre les protestations de gens qui s'opposent à quelque chose, le réflexe nous amène automatiquement à remettre en question les motivations. Pourquoi est-ce que cela se passe? Quel est le but de tout cela? À qui est-ce que cela profite? Ensuite, on se tourne vers ceux qui ont proposé ce à quoi les gens s'opposent, et on évalue tout cela en fonction de la crédibilité des gens qui en ont parlé.
    C'est très utile.
    Monsieur Gibson, je m'adresse maintenant à vous. Vous avez écrit que le but de la réforme électorale était de [traduction] « concevoir un changement [de système] de façon que cela profite au grand public, sans tenir autant compte des intérêts des partis politiques ». Cela veut dire, carrément, un système qui donne aux gens plus de pouvoir quant au choix du député qui les représentera au Parlement et qui donne à ces députés davantage de pouvoir au sein du gouvernement.
    Pensez-vous — je ne vais pas prendre position — qu'un système proportionnel général vaut mieux que le système majoritaire qui est le nôtre?
    Pour la Colombie-Britannique, oui. Je travaille auprès de l'assemblée citoyenne. Quand j'en ai dressé les plans, je ne pensais pas du tout à la réforme électorale. Si je me fie à la démarche logique et aux délibérations, je me dis qu'elle en est arrivée à la bonne conclusion pour la Colombie-Britannique. À l'échelle nationale, c'est une autre chose. Le Canada est une fédération, contrairement à la Colombie-Britannique. Les différentes régions du Canada sont étroitement liées au délicat équilibre, maintenu ici, à Ottawa. L'une des raisons pour lesquelles nous sommes une fédération, c'est pour faire en sorte qu'Ottawa n'ait pas trop de pouvoir et que les régions en aient beaucoup plus.
    Sir John A. Macdonald et Thomas Jefferson seraient consternés de voir les résultats de leurs efforts, puisque Sir John A. voulait une fédération très centralisée, et les Américains voulaient décentraliser; c'est le contraire qui s'est passé. Notre fédération est très décentralisée. Pourtant, je crois que si vous adoptez un système de représentation proportionnelle, vous centraliserez encore plus notre fédération.
(1520)
    Notre temps est écoulé, mais j'aimerais que vous nous disiez pourquoi vous pensez que ce serait le cas. Dites-nous tout simplement pourquoi vous pensez que la fédération deviendrait plus centralisée.
    Voilà l'avantage d'être le président.
    Eh bien, il y en a quelques-uns.
    Elle serait plus centralisée, je crois, parce que d'un seul coup il serait impossible à quelque groupe que ce soit de prétendre parler pour, disons, l'Alberta.
    D'accord.
    Je vais prendre un exemple plus ou moins impartial, étant donné que l'Alberta serait représentée tous azimuts.
    Merci.
    Monsieur Rayes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Bricker.
    Dans votre allocution, vous avez dit qu'il ne fallait pas seulement tenir des consultations, mais voir aussi ce que les gens pensaient vraiment. Ce ne sont peut-être pas les mots exacts que vous avez utilisés. J'aimerais toutefois savoir ce que vous entendez à ce sujet. Faudrait-il faire davantage que de mener des consultations pendant quatre semaines en nous rendant dans certains endroits au Canada? Devrions-nous utiliser un autre mode de consultations, comme par exemple faire des sondages?

[Traduction]

    Eh bien, oui, nous pourrions faire des sondages.
C'est une très bonne idée. J'en ai fait un peu à votre intention.
    Dans notre ère moderne, étant donné toute la technologie dont nous disposons, et vu que nous avons affaire à une population très éclairée, très scolarisée, nous devrions lui faire confiance. Je ne prends habituellement pas position dans ces dossiers; je me contente de rendre compte de l'opinion publique. Dans le cas qui nous occupe, je dirais que, plus vous faites de démarches pour connaître l'opinion des gens, et non pas seulement celle des râleurs, ceux qui ne manquent pas de se présenter aux assemblées générales, et tous les autres... Si vous vous avancez et que vous communiquez avec le public, vous pouvez le faire participer à la discussion.
    Je vais être honnête avec vous et vous expliquer dans quelle situation vous vous trouvez actuellement: vous êtes en train de dire aux gens qu'ils ont un problème dont ils ignoraient l'existence. Le problème dont le comité s'occupe n'est pas un problème pour bien des personnes. L'autre chose, c'est qu'à peu près personne ne comprend quoi que ce soit au sujet des solutions que vous proposez. L'obstacle que vous devez surmonter pour obtenir un consensus dans la population générale et avoir l'approbation du public n'est pas négligeable. Tous les moyens que vous pouvez utiliser, tous les mécanismes dont vous disposez pour mieux sensibiliser les gens à ce processus, leur dire pourquoi il est important et leur demander de participer, tout cela sera je crois très profitable à votre Comité comme au Canada.

[Français]

     Selon les résultats du sondage que vous nous avez présentés en primeur aujourd'hui, vous arrivez à la conclusion que 3 % des Canadiens suivent présentement les consultations. Donc, 19 % des gens qui ont été sondés savent que les consultations ont commencé et, de ce nombre, 16 % s'y intéressent. Vous parlez d'une élite qui s'intéresse à la politique.
    Globalement, selon vos sondages mensuels et annuels ou ceux menés au cours de différentes élections, quel est le pourcentage de citoyens et de citoyennes qui suivent vraiment la politique et qui connaissent très bien les programmes des différents partis politiques? Est-ce que cela se situe autour du même pourcentage?

[Traduction]

    Non, c'est probablement un peu plus élevé que cela, en particulier lorsqu'il s'agit d'un dossier auquel les gens s'intéressent personnellement. Il s'agit ici d'un dossier particulièrement ésotérique.
    Comme je l'ai déjà dit, il s'agit d'un problème dont les gens ignorent l'existence. Les gens qui comprennent les solutions que vous allez présenter et ce qu'elles permettraient d'améliorer sont peu nombreux. À l'heure actuelle, la façon dont les parlementaires sont élus ne représente pas un problème important pour les gens.

[Français]

    La ministre ou le premier ministre nous dit que les gens ont voté en faveur des libéraux. Les deux autres partis disent que le pourcentage de leurs votes combinés leur donnerait la légitimité de faire ce changement sans consulter l'ensemble de la population. Peut-on supposer que, même en additionnant tous ces votes, ce ne sont pas tous les citoyens ayant voté pour eux qui étaient conscients de cet élément parmi les multiples propositions mises de l'avant et qui y étaient favorables? On parle d'une centaine de propositions pour chaque parti politique. Statistiquement, pourrait-on dire cela?

[Traduction]

    Je dirais que les gens prennent au sérieux les promesses faites pendant les campagnes électorales. Ils croient vraiment que les gouvernements sont élus en raison de leur programme. Comprennent-ils chaque aspect du mandat qui incombe au gouvernement élu? Non, ils ne le comprennent pas.
    La principale raison pour laquelle les libéraux ont gagné les dernières élections, c'est qu'ils représentaient le mieux le changement. C'est sur cela que les gens ont voté. Quelle était la nature exacte de ce changement? Vous pourriez consulter leur programme, mais cela reviendrait en somme à informer les gens plutôt qu'à tester leurs connaissances. Les gens ne sont pas vraiment au courant.

[Français]

    Afin d'avoir une légitimité plus forte en ce qui concerne un enjeu aussi fondamental, l'idée de promettre un référendum à la fin du processus donnerait-il aux yeux de la population beaucoup de crédibilité au travail que nous faisons?
(1525)

[Traduction]

    Je crois que les données réunies grâce au sondage montrent que les gens s'attendent à ce que des mesures soient prises pour obtenir directement leur opinion dans le cas où le système électoral serait modifié de fond en comble. Si vous réussissez à faire ce que Mme May a dit que vous allez faire ici encore pendant quelque temps, je m'attends à ce que le processus que vous utilisez amènera les gens à s'attendre encore davantage à ce qu'il y ait une forme ou une autre de consultation directe.

[Français]

    Merci.
    Mme Romanado va terminer la première période de questions.

[Traduction]

    J'aimerais remercier nos estimés collègues de s'être présentés ici aujourd'hui.
    Je dois avouer que les témoins de cet après-midi nous ont donné une petite leçon d'humilité. Ils nous ont dit que 3 % seulement de la population, surtout des hommes âgés, scolarisés et nantis, surveillaient nos travaux de près, que ce que nous faisions n'était pas nécessairement constitutionnel; et que ce que nous faisions n'aurait peut-être aucune incidence sur le résultat des prochaines élections. C'est une petite leçon d'humilité, je dois l'avouer, mais j'apprécie votre honnêteté et votre franchise.
    Ma première question s'adresse à M. Bricker. En ce qui concerne votre sondage en ligne — je ne remets pas en question la validité de votre sondage —, le fait qu'il ait été effectué en ligne confirmerait les commentaires du ministre selon lesquels les commentaires que nous demandons et recueillons sont toujours ceux des répondants habituels. Ce que nous essayons de faire, c'est de communiquer avec les Canadiens de toutes les régions du pays pour savoir ce qu'ils pensent de la réforme électorale et du système actuel, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Avez-vous prévu de diversifier vos sondages et d'utiliser d'autres méthodes pour sonder ceux qui n'ont peut-être pas accès à Internet? Étant donné que vous avez dit que vous alliez continuer ainsi, pourriez-vous nous le faire savoir?
    Bien sûr. J'ajouterais qu'il y a eu un autre sondage, par téléphone, et qu'il a donné exactement les mêmes résultats que le nôtre.
    D'accord.
    C'est pourquoi je ne crois pas qu'un groupe donné soit sous-représenté. Aux dernières élections, 68 % des Canadiens sont allés voter. Il s'agit d'un pic historique pour notre époque. Le ratio des gens qui sont allés voter et des gens qui sont branchés est presque de un pour un.
    D'accord.
    En fait, la plupart des meilleurs sondages effectués aux dernières élections ont été faits en ligne. La question ne concerne donc pas, en réalité, la représentativité.
     Quant à chercher d'autres méthodes, absolument. Nous voulons toujours être certains et nous continuerons à effectuer des sondages sur ces sujets... Mais vous allez d'abord devoir laisser passer Mme May.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Darrell Bricker: Les premières questions sont les siennes, et nous allons passer aux autres partis ici présents, mais nous tenterons de nous assurer d'avoir une bonne représentation.
    Ce serait magnifique.
    Je sais que nous avons beaucoup discuté des critères de sélection, des principes directeurs et des valeurs qui sont chers aux Canadiens étant donné que, comme nous l'avons entendu dire, aucun système électoral ne sera une panacée. Nous pouvons apporter ici et là quelques petites améliorations. Par exemple, si nous voulons augmenter le taux de participation, nous pourrions envisager le vote obligatoire ou d'autres mesures, par exemple d'étaler les élections sur plus de jours, donner congé aux gens le jour de l'élection, et ainsi de suite.
    J'aimerais savoir — et ce n'est pas parce que je voudrais que vous le fassiez — si vous envisagez de mener un sondage sur les valeurs ou les critères les plus importants aux yeux du public? Si je le demande, c'est qu'il nous faudra faire des compromis au moment de prendre cette décision, n'est-ce pas?
    Oui, je crois que nous lançons un réel débat sur la façon dont nous formons le gouvernement et tout le reste. Ce que les gens veulent, en réalité, c'est de savoir qui est responsable. Ils veulent savoir à qui s'en prendre s'ils n'aiment pas ce qui se passe. Si vous rendez les choses trop compliquées et si vous gardez de la distance, le public ne pourra pas considérer que c'est un outil de responsabilisation. Je crois que c'est assez clair.
    Je crois qu'à mesure que votre comité présentera ses propositions, quand nous verrons la forme que prendra le rapport final, en décembre, ce sera un enjeu public important, et IPSOS mènera toujours des recherches sur les grands enjeux publics.
    Monsieur Johnston, vous avez dit que, peu importe ce que nous faisons, nous ne devons pas revenir en arrière. Nous avons entendu d'autres témoins dire que nous pourrions peut-être envisager d'organiser un référendum, deux ou trois élections après le changement du système, pour voir les citoyens sont toujours heureux du changement ou si nous ne devrions pas revenir en arrière.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas revenir sur un changement après en avoir fait une réelle expérience. Le deuxième référendum, en Nouvelle-Zélande, m'a semblé parfaitement approprié.
    Toutefois, il me semble tout à fait inapproprié de faire l'expérience d'un système en 2019 pour ensuite tenir un référendum. Nous verrons quels seront les résultats des élections — nous pourrions être surpris —, mais je doute que les partis en seront arrivés à un certain équilibre, pour ainsi dire, que les règles du jeu se seront appliquées ou que nous connaîtrons réellement l'identité de tous les partis qui vont probablement émerger.
    L'idée de tenir une consultation subséquente me semble parfaitement appropriée, mais elle ne doit pas se tenir immédiatement après. L'idée de faire un essai en 2019 puis de faire quelque chose de complètement différent en 2023, ou vers 2023, me semble loufoque.
(1530)

[Français]

     Merci.
    Madame Romanado, le temps dont vous disposiez est écoulé.
    Nous allons maintenant débuter une deuxième série de questions, en commençant par M. DeCourcey.

[Traduction]

    J'ai certainement apprécié les échanges récents et les dernières questions touchant l'importance d'une consultation. Je crois que cela caractérise ce que nous nous sommes engagés à faire, consulter largement les Canadiens et encourager les députés de toutes les régions du pays à communiquer, comme ma collègue Sharon l'a dit, avec les répondants inhabituels, les Canadiens qui ne participent pas toujours au dialogue sur des dossiers importants qui les concernent.
    J'ai aussi réellement apprécié l'approche équilibrée que les témoins ont adoptée au moment de parler des différentes propositions de valeur qui nous ont été présentées, des différents systèmes qui incarnent ces valeurs; il est évident que le mémoire que vous avez transmis, monsieur Johnston, fait cela. Notre comité a été très privilégié d'avoir pu entendre autant de témoignages sur le bien-fondé des différents systèmes de représentation proportionnelle et sur les propositions particulières les concernant — et je crois que cela nous aidera à les présenter au public — même si cela ne s'applique pas autant aux systèmes majoritaires.
    Vous parlez un peu des systèmes majoritaires, dans votre mémoire. J'aimerais si cela est possible que vous en disiez plus sur certains avantages du système majoritaire. Vous avez dit que le système à deux tours était la méthode traditionnellement utilisée pour arriver à un résultat. Êtes-vous familiarisé avec la proposition touchant la règle de la majorité qui nous a été présentée hier par M. Maskin; le cas échéant, avez-vous une opinion quant à ses avantages?
    Plutôt que de tenir un scrutin à deux tours, c'est essentiellement une façon de permettre un « affrontement direct » avec un scrutin préférentiel.
    C'est le système australien. S'agit-il de quelque chose d'autre?
    C'est un peu différent. Bien sûr, lorsqu'il y a un vote préférentiel, le candidat qui arrive dernier s'efface, et les bulletins où il figurait en second choix sont redistribués. Dans ce système, le rival relatif de chacun, par rapport à tous les autres candidats, fait l'objet d'une pondération commune. Mais, quoi qu'il en soit, quels sont les avantages d'un système majoritaire?
    Vous devez comprendre que l'esprit qui anime un système majoritaire est essentiellement semblable à celui qui anime le système en place. Seulement, il le fait mieux et ne donne pas lieu à autant d'écarts; de plus, il est en particulier moins susceptible de produire ce qu'un universitaire appellerait les « aberrations du choix social ». Il n'est pas parfait. Il se peut toujours que le véritable second choix d'une majorité des électeurs soit éliminé avant que son tour ne vienne, mais à mon avis c'est un problème relativement peu important.
    Si les gens préfèrent de manière générale un cadre majoritaire, alors je crois que le vote préférentiel est l'avenue emprunter, puisque ce système garantit que, si on peut raisonnablement l'affirmer en toute justice, que la personne qui l'emporte est le candidat qui aurait été préféré s'il s'était agi d'un affrontement direct. C'est là, dans un certain sens, l'essence du fonctionnement de la règle de la majorité. Elle n'assure pas la proportionnalité, ne vous méprenez pas à ce sujet. Elle peut jusqu'à un certain point être propice à une coalition fonctionnelle, mais l'expérience montre que cela n'est pas vraiment le cas.
    Ce qui s'est passé récemment en Australie, où les gouvernements de droite, en particulier, n'ont pas réussi à obtenir la majorité, est en partie le reflet d'autres caractéristiques de ce système, en particulier l'existence d'un sénat élu de façon plus ou moins proportionnelle, ce qui a eu pour effet d'atténuer les prétentions des grands partis au moment des élections à la Chambre, en Australie.
    Mais pour ce qui est de l'équité générale, je crois bel et bien que, si vous adoptez un cadre majoritaire, un vote majoritaire est préférable à un scrutin majoritaire uninominal à un tour. C'est mon opinion.
    Si je me fie à ce que vous dites — et corrigez-moi si je me trompe —, j'irais jusqu'à dire que, peu importe le système qui est mis en place, il est impossible de savoir une fois pour toutes comment chaque parti en bénéficiera, ou comment les électeurs le percevront. Tout dépend en réalité du moment et du contexte et aussi de nombreux autres facteurs en jeu.
(1535)
    Oui. Nous pouvons discerner des tendances générales, dans la documentation, mais il est très difficile d'appliquer ces tendances générales à un résultat concret étant donné que chaque pays représente une situation particulière.
    Me permettrez-vous d'ajouter une chose?
    Oui, bien sûr.
    La nature de l'organisation d'un parti politique est d'une importance énorme, ici. Le système majoritaire de l'Australie est toujours vulnérable aux fuites des députés d'arrière-ban. Si vous visitez l'ancien édifice du Parlement, à Canberra, et que vous voyez combien l'Australie a eu de premiers ministres au total, vous constaterez que c'est énorme, et c'est en raison de ces fuites. Cela a des conséquences énormes, mais cela n'a rien à voir avec le mode de scrutin.
    Merci.
    La parole va maintenant à M. Reid. Allez-y.
    J'ai déjà vécu en Australie, et j'ai donc suivi avec intérêt la valse-hésitation entre Gillard et Rudd. Quoiqu'une partie de bras de fer serait peut-être une analogie plus appropriée, ou alors un retour du balancier. On pourrait aussi parler d'une chefferie alternative. Quoi qu'il en soit, l'une de ces analogies illustrait bien la situation, sans parler des partis autres que les travaillistes.
    Monsieur Johnston, je voulais vous poser une question à propos de quelque chose que vous avez mentionné plus tôt, quoique juste en passant. Je pose la question pour m'assurer de bien comprendre ce que vous avez dit. Lorsque l'électorat est très diversifié dans les circonscriptions, le système de représentation proportionnelle mixte permet d'obtenir une meilleure représentation dans les régions rurales, de renforcer le lien entre la circonscription et son député et, subséquemment, d'équilibrer le tout grâce aux députés de liste afin de s'assurer que les résultats correspondent à la proportion des votes. Est-ce bien ce que vous avez dit?
    C'est ce que j'ai dit. Évidemment, la longueur de la liste par rapport au nombre de circonscriptions uninominales aura certainement une incidence. Malgré tout, je crois que l'un des avantages qui se dégagent du système de représentation proportionnelle mixte pour notre pays — il s'agissait aussi peut-être d'un avantage en Nouvelle-Zélande, même si je crois que le modèle allemand s'est avéré plus intéressant — c'est le fait que vous pouvez redéfinir les limites des circonscriptions, comme cela est fait actuellement, afin de régler le problème de la représentativité dans un endroit donné. Vous pouvez même y arriver sans mettre en péril l'équilibre des pouvoirs, qui repose sur le soutien que la population générale accorde aux partis. Actuellement, c'est le cas, n'est-ce pas?
    Oui, c'est le cas.
    J'ai siégé, tout récemment et en 2004, au comité parlementaire qui a étudié les propositions pour les limites des circonscriptions. Je ne sais pas si cela a eu une incidence sur l'équilibre des forces entre les partis, mais il y a certainement eu un impact sur l'importance accordée par la Chambre des communes au vote de chaque électeur. Certaines des commissions de délimitation en étaient parfaitement conscientes. D'autres, en particulier en Ontario, ma propre province, se sont montrées plutôt excessives. On se retrouve avec une situation où, dans certaines parties de la province, le vote des électeurs ne représente plus grand-chose. C'était mon commentaire personnel sur le sujet. Merci de m'avoir permis de me vider le coeur.
    Monsieur Gibson, je voulais vous poser une question sur les assemblées citoyennes. Vous avez mentionné pouvoir mettre à notre disposition de la documentation sur la façon dont ce modèle pourrait être mis en oeuvre à l'échelon national. Toutefois, un certain nombre de préoccupations d'ordre pratique ont été soulevées à propos de ce modèle. Son utilisation a donné de bons résultats en Ontario et en Colombie-Britannique, mais cela pourrait se révéler plus compliqué s'il faut tenir compte des fuseaux horaires et des différences linguistiques, etc.
    J'aimerais savoir ce que vous avez à dire à ce sujet.
    Je n'ai pas préparé de documentation à ce sujet.
    Toutefois, à mon avis, vous pourriez, si vous le vouliez... Vous pourriez partir du modèle de la Colombie-Britannique et l'adapter à des fins nationales. Par exemple, gardez la parité des genres et gardez le même nombre de personnes par circonscription. Si le public doit avoir le dernier mot, vous pouvez tenir une sorte de scrutin sur l'amendement constitutionnel souhaité, même si cela n'a pas été nécessaire en Colombie-Britannique, puisque le consensus était flagrant.
    Ce n'est qu'une idée que je propose. Dans une circonscription sur deux, vous ne voudriez probablement présenter qu'un seul candidat, parce que selon moi, 160 ou 170 seraient le maximum de personnes que vous pourriez gérer de façon efficace, mais je peux me tromper. Vous pourriez essayer avec un candidat par circonscription. Néanmoins, ce même processus de sélection aléatoire pourrait vous procurer une excellente représentation au Canada. Bien entendu, il y a également une part d'autosélection.
    Rapidement, les délégués en Colombie-Britannique se sont rencontrés plusieurs fois en personne, dans la même salle.
    Selon vous, est-ce que cela était nécessaire? Une partie de la consultation au moins pourrait-elle être faite par...? Je suis surtout préoccupé par les coûts, évidemment, et par le mode de vie des gens. La consultation pourrait-elle être faite en ligne par voie électronique? Après tout, l'Assemblée des citoyens de la Colombie-Britannique remonte à la dernière décennie, voire plus loin. Ou est-ce que l'importance d'avoir tout le monde en personne au même endroit l'emporte sur le reste?
(1540)
    À l'instar de votre Comité, je crois qu'il faut que les gens se rencontrent en personne.
    Je crois qu'il faut être dans la même salle et étudier un dossier à la fois, encore et encore. Il faut que les gens apprennent à se connaître l'un et l'autre et à connaître le public. Ils doivent comprendre les faits. C'est tout un processus d'apprentissage. Le système électoral n'est qu'une petite partie du monde politique, mais il y a beaucoup de choses à savoir à ce sujet.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Boulerice.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Nous discutons de divers modes de scrutin ainsi que des avantages et des inconvénients de chacun d'entre eux. Or aucun n'est absolument parfait.
    Lors des deux élections les plus récentes, soit en 2011 et en 2015, le même scénario s'est pour ainsi dire répété, à savoir qu'un parti a obtenu 39 % des votes et 55 % des sièges. Pendant quatre ans, ces gens disposent de la majorité au sein des comités et de la Chambre et peuvent donc y imposer leurs points de vue. Ce système comporte certains avantages.
    Au NPD, nous pensons qu'un système proportionnel mixte a aussi comme avantage de permettre, la plupart du temps, l'établissement de gouvernements stables, d'avoir un lien avec les élus locaux et la capacité de produire des politiques publiques qui font consensus ou qui suscitent l'adhésion de la majorité.
    En fait, lorsque le système uninominal majoritaire à un tour trahit complètement la volonté des électeurs, cela cause des problèmes à certains. Cela n'est pas arrivé souvent au niveau fédéral. En 1979, le Parti conservateur a été élu en tant que gouvernement minoritaire alors que les libéraux avaient obtenu plus de votes.
    Au Québec, par contre, cela s'est produit à trois reprises dans le cadre du même système. Ce fut le cas en 1944, en 1966 et en 1998. Dans ces cas, la majorité des électeurs avait choisi un parti, mais à cause de la distorsion inhérente au système, c'est un autre parti qui a formé le gouvernement. Pour ma part, j'avais dit que c'était inacceptable. De son côté, le professeur Massicotte nous a dit récemment que c'était horrible qu'une telle chose se produise.
    Monsieur Johnston, ne croyez-vous pas que ces exemples historiques devraient nous inciter à opter pour un système dans le cadre duquel la volonté ou la majorité populaire ne serait pas contredite par le mode de scrutin?

[Traduction]

    Selon moi, le fait que cela est arrivé plusieurs fois est une aberration.
    D'un côté, les partis et les électeurs eux-mêmes se sont pour ainsi dire chargés de contrer cette tendance pernicieuse. D'un point de vue historique, ce genre de choses ne dure pas indéfiniment. Quand même, il s'agit clairement d'un des principaux défauts du scrutin majoritaire uninominal à un tour.
    D'un autre côté, il n'est pas nécessaire de passer à un système de représentation proportionnelle pour tenter de corriger ce problème. Vous pourriez tout aussi bien pousser la logique du principe de la majorité jusqu'à sa conclusion logique. Je ne crois pas que vous pourriez en tirer quelconque stratégie de réforme, mais, dans tous les cas, le fait est que le choix de la société peut s'avérer problématique avec le scrutin majoritaire uninominal à un tour.

[Français]

     Merci, monsieur Johnston.
    Monsieur Gibson, dans ce que nous avons lu, vous semblez avoir une position qui favorise généralement l'électeur vis-à-vis le parti politique et le député vis-à-vis le gouvernement en place.
    Si on devait adopter un certain mode de scrutin avec des listes, seriez-vous favorable à avoir des listes fermées ou des listes ouvertes?

[Traduction]

    Je dois d'abord dire que je n'aime pas les listes...
    Vous n'aimez pas les listes.
    ... mais s'il faut qu'il y en ait, ce devrait être des listes ouvertes. Je peux comprendre que les listes fermées permettent de s'assurer qu'il y a un équilibre entre les genres, les minorités ethniques et tout ce genre de choses, mais je crois que le pouvoir devrait appartenir en grande partie aux électeurs et non aux partis politiques. Il faut toujours conserver un équilibre. Un parti politique doit avoir assez de pouvoir pour être tenu responsable. Mais s'il doit y avoir des listes, elles doivent être ouvertes.
    En réponse à votre question précédente à propos des façons de corriger les éléments pernicieux des démocraties majoritaires, il est possible de les régler autant par une réforme du Parlement que par une réforme électorale. Par exemple, vous pourriez mettre sur pied un système complètement différent pour vos comités qui comprendrait des membres permanents, ce genre de choses. Il y a d'autres façons de donner une voix à chaque député.

[Français]

    Monsieur Johnston, le seul exemple de démocratie qui est près de nous ou de démocratie occidentale qui fonctionne avec un vote alternatif ou un vote préférentiel est celui de l'Australie. On voit que ce mode de scrutin amène un bipartisme extrêmement puissant et les objectifs de proportionnalité ne sont pas du tout atteints, si c'est ce qu'on veut mettre en avant. Au cours des quatre dernières élections australiennes, les deux partis principaux ont eu entre 96 % et 99 % des sièges. On peut voir la différence entre ce système et le système qui est utilisé pour voter au Sénat. En ce qui concerne la place des femmes, au cours des 50 ou 60 dernières années, deux fois et demi plus de femmes ont été élues au Sénat australien avec le vote unique transférable par rapport à ce qui s'est produit à la Chambre des représentants.
    Cela donne-t-il une indication de ce qui pourrait se produire ici si on appliquait un système semblable?
(1545)
    Monsieur Johnston, je vous demanderais de nous donner une réponse brève, s'il vous plaît.

[Traduction]

    En passant, cela vaut aussi pour les minorités ethniques. Le Sénat reflète beaucoup plus l'Australie que la Chambre. Pour autant que que je sache, pratiquement tous les députés de la Chambre s'appellent « Jeff ».
    Des voix: Oh, oh!
    Une voix: [Note de la rédaction: inaudible] ou Sheila.
    M. Richard Johnston: Non, à dire vrai, les Sheila sont au Sénat.
    Le fait est que, en Australie, où est appliqué de façon très exhaustive le mode de scrutin unique transférable, y compris la section « au-dessus de la ligne » qui sert pratiquement de facteur déterminant pour le déroulement du scrutin, les partis ont effectivement créé, de façon détournée — nonobstant l'intervention de Gordon —, une sorte de liste fermée.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Thériault, vous disposez de cinq minutes pour les questions et les réponses.
     Merci, monsieur le président.
    Depuis le début des travaux de ce comité, nous nous disons ouverts à un changement, mais pas n'importe à lequel et pas n'importe comment. Il ne suffit pas que nous soyons favorables au changement pour que, tout à coup, une aura de vertu apparaisse au-dessus de nos têtes.
    Monsieur Johnston, vous avez expliqué avec justesse que tout ce débat était surdéterminé par la partisanerie. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il faut aller au-delà des partis. Ce n'est pas un débat de politiciens, d'experts ou d'initiés. Nous devons suivre un processus qui,  je le souhaite, nous permettra d'atteindre un consensus d'ici le 1er décembre prochain et de redonner à la population la possibilité de se réapproprier ce débat. Pour ce faire, nous pensons que, dès maintenant, il faut se positionner quant à la tenue d'un référendum. Aucun système n'est parfait. S'il n'y a pas de système parfait, c'est donc qu'il y a un arbitrage à faire quant aux inconvénients et aux avantages des différents systèmes. Or si cet arbitrage est laissé entre les mains des politiciens, nous ne nous entendrons pas.
    Il serait dommage que le 1er décembre prochain, trois tendances se soient exprimées, que nous ne soyons arrivés à rien et que nous mettions tout cela sur la tablette. Si nous voulons un changement réel, ne nous laissons pas encarcaner par les délais d'un premier ministre qui a peut-être été trop enthousiaste pendant la campagne électorale. Faisons les choses correctement.
     Je ne pense pas contredire ce que vous soutenez, messieurs Gibson, Johnston et, je présume, monsieur Bricker. Étant donné que seulement 3 % des gens savent ce que nous sommes en train de faire, si ce débat est laissé strictement entre les mains des parlementaires, il sera difficile d'atteindre la légitimité escomptée.
    Monsieur Gibson, vous avez dit que ce débat ne pouvait pas se faire de manière abstraite. En effet, ce sont les détails qui posent problème. Il ne suffit pas de dire que nous voulons un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire pour assurer que le modèle ne comporte pas de biais partisan. On l'a d'ailleurs vécu au Québec. Le modèle choisi par le gouvernement Charest créait 26 régions. Plutôt que de favoriser la pluralité idéologique, cela favorisait strictement les trois partis déjà représentés à l'Assemblée nationale.
    Étant donné que ce sont les détails qui posent problème, que nous suggérez-vous de faire à cet égard? Pour ma part, je suggère qu'en 2019, on tienne un référendum en même temps que l'élection. De toute façon, nous n'avons pas le temps de le faire avant cela. Par contre, si nous procédons comme je le suggère, nous aurons le temps de passer à une deuxième phase. Celle-ci pourrait être un avant-projet de loi portant sur un modèle précis. Nous pourrions alors consulter les gens sur quelque chose de tangible.
    Nous allons maintenant consulter les gens sur leur volonté de changement, mais nous n'avons rien de précis à leur proposer. Si ce sont les détails qui posent problème, je me demande comment ils pourront se faire une idée sur tous les systèmes au sujet desquels nous allons les consulter. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
     Je sais que c'est long, monsieur le président, mais notre façon de fonctionner...
    Permettez à M. Gibson de répondre à la question. Son intervention pourra peut-être s'insérer dans les cinq minutes qui vous sont allouées.
(1550)
    Notre façon de fonctionner est cruelle, mais c'est ainsi.

[Traduction]

    Je répondrai que vos objectifs sont nobles et louables. Toutefois, vous n'arriverez à rien — du moins, à rien de productif — si vous ne pouvez pas arriver à un consensus. Si le parti majoritaire qui forme le gouvernement décidait d'aller à l'encontre des partis de l'opposition qui siègent au Comité, cela fera des vagues, et il y aura un affrontement. Cela soulèverait des questions de nature constitutionnelle qui pourraient occulter un grand nombre d'autres questions tout aussi importantes pour le pays. Les prochaines élections reposeront là-dessus.
    À l'opposé, si vous vous mettez tous d'accord avant de présenter la question à un référendum, le public se rangera très probablement derrière vous. Dans le cas contraire, ce ne sera probablement pas le cas.

[Français]

    Ne faudrait-il pas consulter les gens à partir du moment où nous aurions quelque chose à leur proposer?
     Il ne suffit pas de s'entendre. Pour le moment, je ne pense pas que nous allons nous entendre sur un modèle. Du moins, nous ne l'avons pas encore fait.
    Veuillez répondre brièvement, monsieur Gibson.

[Traduction]

    Je n'ai rien d'autre à dire. Oui, vous devez absolument sonder le public pour savoir ce qu'il pense d'un modèle précis, mais d'abord, il faut savoir qui va élaborer le modèle. En Colombie-Britannique, l'Assemblée des citoyens s'en est chargée. Ici, ce sera peut-être vous. Vous devez fournir des détails précis à la population. Vous avez absolument raison.
    Madame May.
    Merci. Je suis contente de pouvoir poser à nouveau des questions.
    Je vais commencer avec vous, monsieur Bricker. Ensuite, ce sera au tour de M. Johnston. J'espère avoir le temps de poser toutes mes questions.
    Vous avez mentionné que vous aviez réalisé, il y a quelques années, un sondage sur la satisfaction générale à l'égard du scrutin majoritaire uninominal à un tour, mais que vous n'aviez rien de récent. La maison de sondage EKOS a récemment réalisé un sondage sur la question suivante:
Dans quelle mesure êtes-vous d'accord avec l'énoncé suivant:

Il est injuste qu'un parti occupe une majorité des sièges à la Chambre des communes alors qu'il a remporté moins de 40 % des votes.
    Le sondage a été réalisé par téléphone et par cellulaire du 7 au 10 décembre de l'année dernière. Je ne sais pas vraiment s'il y aurait eu des différences si le sondage avait été fait en ligne. Est-ce qu'il s'agit toujours des 1 000 mêmes personnes? Est-ce qu'ils sont en ligne en tout temps? Il y a un certain hasard dans la sélection des participants pour les sondages en ligne. Je ne sais pas si cela a une incidence, mais ce sondage a été réalisé par téléphone et par cellulaire. Il semble que 56 % des Canadiens, plus ou moins 2,3 %, 19 fois sur 20, croient qu'il est injuste qu'un parti détienne la majorité des sièges à la Chambre alors qu'il a remporté moins de 40 % des votes.
    Je voulais savoir si, selon vous, la situation avait changé depuis votre dernier sondage sur la satisfaction globale à l'égard de notre système de scrutin. Selon vous, quel serait le résultat si vous faisiez votre sondage à nouveau?
    Je crois que les questions posées détermineraient en très grande partie les résultats. La façon dont la question a été posée laisse entendre, selon une logique intrinsèque, que quelque chose cloche. Les gens peuvent difficilement concilier mentalement le fait que 40 % des votes donnent la majorité à un parti. Un total de 56 % me semble même plutôt faible. Je n'aime pas vraiment la question.
    J'aurais espoir que vous en poseriez d'autres. La logique...
    C'est ce que je ferais.
    ... peut être comprise par les gens, parce qu'ils savent à quoi s'attendre quand ils votent aux élections... Bien entendu, les Canadiens semblent très attachés aux valeurs de proportionnalité et d'équité. Vous vous êtes déjà exprimé là-dessus. Il est donc plutôt contre-intuitif que l'ensemble du pouvoir, dans le cas d'un gouvernement majoritaire élu grâce à notre système électoral — où, essentiellement, le gouvernement détient et les pouvoirs législatifs et les pouvoirs exécutifs — se retrouve entre les mains du Conseil privé du premier ministre — et dans certains cas, le pouvoir est vraiment centralisé — dont le parti a remporté la majorité des sièges à la Chambre. Lorsque ces pouvoirs sont accordés par une minorité des votes, il y a une montée aux barricades de la part des Canadiens, qui trouvent cela injuste.
    Tout ce que je peux dire, c'est que, effectivement, lorsqu'on discute de cela avec les gens, on entend ce genre de conclusions. Malgré tout, si on se penche sur le degré de satisfaction à l'égard du gouvernement actuel, même compte tenu de la façon dont il a été élu, on constate qu'il est assez élevé.
    Oh, bien sûr, mais c'est une tout autre question, je crois...
    Je réponds seulement aux questions auxquelles je veux répondre.
    Je vois!
    Des voix: Oh, oh!
    Je prends exemple sur vous, en passant.
    Des voix: Oh, oh!
    À vrai dire, je réponds aux questions auxquelles je ne veux pas répondre, mais je suis originale.
    Monsieur Johnston, à la suite des élections, vous avez fait un commentaire qui, je crois, concernait justement la légitimité. CBC News a publié une entrevue très intéressante en octobre, tout de suite après l'élection, à propos de la réforme éventuelle du système électoral. Vous avez déclaré que vous affichiez un très grand scepticisme par rapport à la probabilité que les libéraux procèdent à un changement du système électoral fédéral. Vous vous êtes exprimé sur le fait que la Colombie-Britannique et l'Ontario avaient déjà essayé, et vous avez dit que les partis de l'opposition parlaient souvent de réformer le processus démocratique, mais que le discours changeait une fois qu'ils étaient au pouvoir.
    Je crois que le cynisme du public à l'égard des politiciens est un problème dans une démocratie saine. En outre, je crois que nous méritons le cynisme du public. Croyez-vous qu'il est important — et vous en avez justement parlé dans un témoignage précédent — pour les Canadiens que le gouvernement, les partis politiques et les dirigeants politiques tiennent leurs promesses. Dans le cas qui nous occupe, si l'on se tourne vers le passé, comme vous l'avez dit, les partis d'opposition parlent beaucoup de réformer le système électoral, mais le discours change une fois qu'ils sont au pouvoir. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que cela contribuerait à renforcer la confiance du public envers un parti si celui-ci tenait ses promesses? À l'inverse, un parti qui ne donne pas suite à ses promesses ne peut qu'augmenter le cynisme du public, n'est-ce pas?
(1555)
    Puisque vous avez formulé cela comme un principe général, on peut difficilement être en désaccord. J'imagine que je pourrais ajouter que les électeurs, à ce qu'il me semble, étaient tout disposés à laisser le gouvernement prendre tout le temps nécessaire afin de remplir une promesse très concrète, par exemple accueillir autant de réfugiés syriens que prévu. Il n'y avait aucune exigence selon laquelle le gouvernement devait atteindre le nombre prévu dans un délai qui, finalement, s'est révélé peu réaliste. Je crois que cela vaut également dans le dossier à l'étude. Selon moi, il est peu probable que vous pourrez, comme vous l'avez promis, abolir le système électoral en vigueur en une seule législature, surtout si tout le processus ne se met pas en marche avant le printemps. Du point de vue administratif, le seul changement que vous pourriez probablement apporter concernerait les bulletins de vote...
    Merci.
    ... vu le temps dont vous disposez.
    Merci beaucoup.
    Madame Sahota.
    Ma question s'adresse à M. Gibson. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez beaucoup parlé des conséquences imprévues qui pourraient être entraînées par une réforme du système électoral.
    Hier, John Loewen nous a présenté un graphique plutôt intéressant. Il nous a parlé du fait que les pays d'Europe nourrissent de plus en plus d'hostilité envers l'immigration légale. De fait, on parle des pays qui utilisent un système de représentation proportionnelle, où les petits partis se sont approprié ces questions de façon incontestable. M. Loewen a donné des exemples de la Suisse, de l'Autriche, de la Suède, de la Norvège et des Pays-Bas, où les petits partis ont réalisé des gains de popularité et ont remporté un grand nombre de sièges.
    Cela pourrait-il être une conséquence que nous n'avons pas prévue, en fonction de notre choix de système électoral? Vous avez mentionné que Donald Trump avait remporté l'investiture républicaine des États-Unis à cause des changements apportés au processus d'élections primaires. Y a-t-il d'autres conséquences que vous pourriez anticiper, puisque vous avez réfléchi de long en large sur le sujet?
    Merci.
    Il est clair que la représentation proportionnelle, surtout une représentation proportionnelle des extrêmes, comme c'est le cas en Israël, donne une voix ainsi que le moyen de s'organiser à de très petits groupes qui peuvent adopter des positions très tranchées. À l'inverse de notre système majoritaire uninominal à un tour qui favorise la représentation régionale, le système de représentation proportionnelle favorise la représentation idéologique. Il peut s'agir d'une idéologie chrétienne, anti-immigrante ou d'autre chose, mais il est beaucoup plus facile d'organiser ce genre de parti avec un système de représentation proportionnelle.
    Il s'agit quand même d'éventualités importantes, n'est-ce pas? Je veux m'assurer que nous n'allons pas, avec le recul, regretter ce que nous avons fait d'ici un certain nombre d'années. Nous voulons prendre de bonnes décisions qui mèneront à une réforme réussie pour les Canadiens. Avez-vous des conseils à nous donner à propos des différentes conséquences et des obstacles auxquels nous n'avons pas réfléchi jusqu'ici et dont nous devrions tenir compte? Si vous avez suivi les travaux du Comité, il y a peut-être des choses que vous aimeriez nous suggérer.
(1600)
    Vous savez, la situation est bien étrange. Pourquoi sommes-nous ici?
    En Colombie-Britannique, il y a eu deux élections aberrantes. Au cours de la première, un gouvernement a été élu avec moins de la majorité des votes, et pendant la deuxième, un parti a remporté 77 sièges sur 79 grâce à seulement 59 % des votes. Le public a réagi: quelque chose clochait.
    Ce n'est pas ce qui se passe au Canada aujourd'hui. Nous sommes ici — et pardonnez-moi d'oser vous dire ceci — parce qu'un parti politique avait promis, dans une partie minime de son programme, qu'on allait se pencher sur la question. Et c'est ce que nous faisons. Toutefois, les gens ne sont pas sortis manifester torches et fourches à la main, pour reprendre l'image de M. Bricker. Le public n'est pas en train de dire: « Pour l'amour du ciel, réglez le problème », mais cela va venir.
    Je crois que le Comité peut faire de l'excellent travail en jetant les bases en vue de ce jour. Vous en arriverez peut-être à la conclusion que ce jour n'est pas encore arrivé, mais je crois que vous pourrez réaliser une très bonne étude si vous essayez de réfléchir à une façon légitime et permanente de réformer le système électoral. Réfléchissez aussi aux organisations —par exemple une assemblée citoyenne — qui pourraient nous aider à cette fin.
    D'après vous, qu'est-ce qui évoquerait que ce temps est arrivé?
    Actuellement, un grand nombre d'organisations ont fait campagne en faisant cette promesse. On nous a dit que ces organisations comptent un grand nombre de membres et qu'il y avait eu beaucoup de discussions sur cette question pendant la dernière période électorale. Des assemblées citoyennes se sont penchées sur cette question dans un grand nombre de provinces. Comment détermineriez-vous que le moment est opportun?
    When Citizens Decide, par Oxford University Press, est probablement le meilleur ouvrage sur les assemblées citoyennes. Celles-ci sont plutôt rares, et elles sont souvent mises sur pied pour des raisons non partisanes ou quand un parti politique ou un autre met de l'avant l'idée — comme ce fut le cas pour Dalton McGuinty, Gordon Campbell ou un groupe aux Pays-Bas — qu'il faut agir à ce chapitre. Dans d'autres cas, on n'y a simplement pas recours. Et même si vous décidiez que cela est nécessaire, les assemblées citoyennes n'apparaissent pas du jour au lendemain. La plupart des partis ne voient pas d'un bon oeil ce genre de groupe d'étude. La plupart des partis veulent leur propre réforme électorale, une réforme qui servira leurs propres intérêts. Voilà comment va le monde aujourd'hui.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Richards.
    Ma question s'adresse à M. Bricker et à M. Gibson. Pendant la dernière période de questions, Mme Romanado a fait référence à un certain nombre de témoignages aujourd'hui qui, selon elle, nous servent une leçon d'humilité. Entre autres — et je ne me rappelle pas que vous l'ayez dit, mais quelque chose m'a peut-être échappé — il y a le fait que cela pourrait « avoir une incidence sur le résultat des prochaines élections ». J'imagine qu'elle faisait référence au Parti libéral.
    Monsieur Bricker, d'après ce que vous avez compris en sondant l'opinion publique, y aurait-il des conséquences politiques si le parti au pouvoir décidait d'aller de l'avant sans consulter directement les Canadiens, sans leur donner l'occasion de s'exprimer?
    Oui. Si l'on prend les programmes auxquels les Canadiens accordent le plus d'importance actuellement, vous verrez qu'ils veulent que le gouvernement mette l'accent sur d'autres priorités. Quand les gens commencent à se préoccuper du fait qu'Ottawa semble décalé de la réalité du reste du pays — et croyez-moi, c'est le cas —, cela met en relief le fossé qui existe entre les préoccupations des gens dans leur vie quotidienne et ce à quoi les parlementaires décident de consacrer leur temps et leur énergie.
    À cette fin, est-ce qu'on va sacrifier un avantage politique? Oui, je crois que cela devrait être le cas. Par ailleurs, si le processus débouche sur un résultat acceptable pour le public, le parti pourrait, dans les faits, renforcer son avantage politique. Pour l'instant, comme je l'ai dit plus tôt, peu de gens comprennent le problème à l'étude, et pratiquement personne ne comprend les solutions qui ont été proposées ni comment elles vont améliorer la situation.
    J'aurais supposé qu'il faudrait, entre autres, donner au public l'occasion de se faire entendre, soit par référendum, à la fin du processus, ou... Je ne vois pas d'autres façons de faire. J'imagine que si le public peut exprimer son opinion directement, alors, clairement...
    Comme je l'ai dit plus tôt, nous en sommes à un moment de l'histoire du Canada où il serait malaisé de ne pas laisser la population du pays participer, vu le taux d'éducation et d'alphabétisation et les meilleurs moyens technologiques à notre disposition. Je n'affirme pas qu'il s'agit de la meilleure façon de faire, mais je veux que vous compreniez le genre d'exigences qu'a le public.
(1605)
    Monsieur Gibson, d'après votre expérience pratique à l'égard du monde politique, quelles seraient les conséquences politiques potentielles si le parti au pouvoir précipitait la réforme sans tenir de référendum, sans donner l'occasion à la population de se faire entendre?
    Vous ne pouvez pas vous nuire en tenant un référendum. Vous laissez le public répondre à la question. Vous avez fait de votre mieux — votre Comité parlementaire a fait de son mieux —, et maintenant c'est au tour du public de trancher. Vous ne pouvez pas en sortir perdant.
    Vous prenez un risque si votre objectif — l'objectif de votre parti politique — se transforme en question politique. Dans cette situation, vous pouvez vraiment perdre des plumes.
    Alors pourquoi prendre le risque si ce n'est pas nécessaire? Renvoyez la balle au public; le fardeau devrait lui revenir de toute façon.
    Je crois qu'il s'agit d'un conseil vraiment très précieux. J'espère beaucoup que le Parti libéral — et je vois que le secrétaire parlementaire de la ministre des Institutions démocratiques est parmi nous aujourd'hui — est à l'écoute et qu'il choisira de suivre ce conseil, car je crois qu'il s'agit d'un conseil vraiment précieux et crucial. Les Canadiens veulent être entendus et méritent de l'être. Merci beaucoup d'être venus témoigner aujourd'hui.
    Nous allons passer à M. Aldag.
    Monsieur Gibson, j'aimerais poursuivre la conversation en cours. D'abord, j'ai remarqué dans votre mémoire que vous avez écrit que tous les partis font des promesses mal avisées. Puis, j'ai réfléchi au fait que les libéraux, le NPD et le Parti vert avaient tous promis une réforme électorale dans leur campagne. Êtes-vous en train de dire que 60 % des partis ont fait des promesses peu judicieuses, et que 63 % des Canadiens ont voté pour cela? À mon avis, cela veut dire quelque chose. Je ne dis pas que nous avons un plein mandat, ou même une légitimité, ou peu importe, mais les libéraux ne sont pas les seuls qui ont fait cette promesse.
    Ensuite, vous avez dit que personne n'a sorti les torches et les fourches pour manifester à propos de cette question, que ce n'est pas encore un désastre. Cela m'amène à penser que, justement, c'est le moment de tenir ce genre de discussion. Je ne voudrais vraiment pas me retrouver dans une situation semblable à celle de la Colombie-Britannique, comme vous l'avez mentionné, où le système se dérègle complètement et cesse de refléter la volonté du peuple. Pour couronner le tout, on ne pourrait rien faire avant quatre ans dans cette situation. D'autres témoins ont affirmé que, dans ce genre de situation, le parti politique avantagé est très peu motivé, sur le plan politique, à changer les choses.
    Je crois vraiment qu'il est temps d'avoir cette discussion avec les Canadiens, et un grand nombre de Canadiens ont dit y être prêts.
    Vous avez participé au processus qui s'est déroulé en Colombie-Britannique, et j'aimerais seulement savoir, de votre point de vue, si cela s'est révélé une réussite ou un échec.
    Premièrement, il est très louable de vouloir se préparer. Deuxièmement, vu le grand nombre de sujets qui ont été soulevés aux élections, je ne crois pas que les électeurs se sont prononcés seulement sur cette question, et ce, même si les trois partis qui ont promis une réforme électorale ont obtenu 61 % des votes. Troisièmement, Jean Chrétien avait promis d'abolir la TPS, et il est resté au pouvoir longtemps après cela.
    Pour répondre à votre question principale, je crois que l'Assemblée des citoyens en Colombie-Britannique s'est révélée une grande réussite. Pratiquement tout le monde partage cet avis.
    Richard, vos études pourront nous éclairer à ce sujet; dans les faits, il est très clair que la proposition de l'Assemblée des citoyens a obtenu un appui de la majorité principalement parce que les gens aveint confiance en ce processus. Ce n'est pas que les gens comprenaient le fonctionnement du vote unique transférable — la plupart demanderaient encore ce que c'est —, mais ils avaient confiance envers le groupe de citoyens qui avait travaillé fort et longtemps, pendant une année, afin d'en arriver à un résultat de bonne foi. Ils étaient convaincus que ces gens étaient objectifs et non partisans.
    À ce sujet, je vis en Colombie-Britannique, et nous utilisons encore le scrutin uninominal majoritaire à un tour. Des personnes très intelligentes ont déployé beaucoup d'efforts. Nos concitoyens ont proposé des recommandations, et celles-ci ont été rejetées par référendum. Je crois que je suis un peu préoccupé lorsqu'il est question de référendums ou d'autres... Il y a des façons de faire en sorte que rien ne change. Je suis réellement préoccupé par le fait que nous sommes peut-être, nous tous ici présents, en train de nous mettre en position de défaite, sur certains fronts entre autres.
    Comme l'a mentionné M. Thériault, vous n'avez pas à fixer le seuil à 60 %, comme l'a fait la Colombie-Britannique. Vous pouvez demander une majorité de 50 % plus un. C'est à votre discrétion.
    On nous a souvent répété qu'il faut qu'il y ait un consensus des gens ici présents. Il faut qu'il y ait un consensus si nous voulons aller de l'avant. Il va falloir s'entendre sur la façon de légitimer le processus, que ce soit un seuil de 50 % plus un ou tout autre pourcentage. J'essaie de comprendre. Si notre étude débouche sur un rapport consensuel, cela donne-t-il au processus que nous avons entrepris suffisamment de légitimité pour qu'il ne soit peut-être pas nécessaire de tenir un référendum? Y a-t-il d'autres options qui s'offrent à nous pour atteindre notre objectif, pour que la conversation porte ses fruits, et éviter que le peuple sorte dans les rues, torches et fourches à la main, plus tard?
(1610)
    Je crois que vous pouvez absolument compter sur le fait qu'il sera beaucoup plus facile pour le Comité de faire des changements s'il arrive à un consensus.
    D'accord.
    Reste-t-il une minute?
    Vous avez environ 40 secondes. Cela comprend la réponse.
    Monsieur Bricker, rapidement, avez-vous fait quoi que ce soit au sujet du vote en ligne ou du vote obligatoire? Avez-vous vu des recherches réalisées auprès des Canadiens à ce sujet?
    Non, pas personnellement.
    D'accord. Je ne savais pas si vous alliez poser des questions à ce sujet.
    Je vais en rester là.
    Merci, monsieur Aldag.

[Français]

     Monsieur Cullen, vous avez la parole.

[Traduction]

    J'étais en train de réfléchir aux commentaires de John. Nous avons proposé une version de l'assemblée citoyenne ici, en février. J'aurais aimé que vous travailliez au cabinet du ministre ou que vous ayez eu une certaine influence, parce que nous aurions alors pu faire en sorte que cela se réalise en parallèle, et la question de la légitimité aurait été approfondie pour nous tous.
    J'ai une petite correction à apporter, monsieur Johnston. Ma circonscription compte environ 95 000 personnes. Et comme par hasard, elle est plus grande que la Pologne.
    Ce qui semble être écarté dans tout ce dont on a parlé, c'est que le vote de neuf  millions de Canadiens aux dernières élections n'est pas reflété au Parlement. Il semble que cet aspect a cavalièrement été balayé de l'enjeu. Je ne vous accuse pas d'avoir exclu cet aspect de la réponse, mais je pense aux électeurs conservateurs à Toronto, aux électeurs néo-démocrates dans les Maritimes ou aux électeurs libéraux sur l'île de Vancouver. Dans certains cas, les libéraux, ou peu importe, ont reçu 25 % ou 30 % des votes, ou le député choisi, dans le système faussé que nous avons, a reçu moins du tiers de l'appui de ses électeurs, et pourtant, nous maintenons ce sophisme selon lequel cette personne est aussi légitime qu'un représentant choisi sous le régime de n'importe quel autre système. D'instinct, je dirais, comme M. Bricker l'a dit, qu'elle ne l'est pas.
    Monsieur Bricker, vous êtes-vous questionné au sujet de l'idée — qui a été rejetée ici par M. Johnston, mais appuyée par d'autres témoins — de tenter de mettre en place un nouveau système électoral et de lui faire passer le test, le soumettre à une proposition de rejet, où les citoyens sont capables de dire: « Nous n'aimons pas ce que nous avons vu et nous aimerions le rejeter »?
    Non, je n'ai pas réalisé de recherche à ce sujet, mais si ce dont nous parlons maintenant exige autant d'explications et de travail que je le pense, je m'attends à ce que cette prochaine étape soit probablement encore... Si vous avez déjà fait un pas de trop dans cette direction, vous êtes probablement allés beaucoup trop loin.
    La question du changement fait partie de votre travail. Vous posez des questions à propos du changement, lorsque des changements sont proposés. Selon mon expérience, pour avoir côtoyé les électeurs depuis maintenant cinq élections, de façon générale, il semble y avoir résistance inhérente au changement, particulièrement s'il s'agit d'un changement complexe. Prenez l'exemple d'une tasse de café; il y a ce merveilleux petit bistrot plus loin où le café est meilleur, mais on ne peut pas vous expliquer pourquoi, ce serait trop long — mais le café y est meilleur — la majorité des électeurs diraient « Même s'il est meilleur, même si le prix est meilleur », ou je ne sais quoi, « je vais rester avec ce que je connais, parce que vous ne savez jamais ce qui s'en vient. » N'est-ce pas une caractéristique inhérente? Lorsqu'il est question de référendums et de scrutins directs — souhaitez-vous garder ce que vous avez ou voulez-vous quelque chose de nouveau — la capacité d'expliquer ce qu'on entend par « nouveau » est aussi essentielle que la nouveauté, peu importe ce dont il s'agit. Est-il juste de dire cela?
    Avant tout, je dirais que, lors de la dernière élection, les gens ont clairement voté pour un changement et ils en sont satisfaits.
    En effet.
    Lorsqu'on leur a présenté la proposition de changement, les gens ont pensé qu'il y avait suffisamment de raisons pour changer; ils n'ont pas hésité à emboîter le pas. De fait, cela a fait grimper la participation électorale à un niveau très élevé à la dernière élection.
    Prenons une proposition spécifique, puisque c'est ce dont vous parlez; si vous n'êtes pas capable d'expliquer aux gens en quoi ce changement est avantageux pour eux, ils diront non.
    Oui, donc si je dis aux gens que vous avez interrogés « Votre vote comptera peu importe pour qui vous votez et peu importe où vous avez voté au pays », s'agirait-il d'une question intéressante à...
    Oui, absolument. C'en est une que je poserai.
    Vous êtes juste derrière elle sur la liste.
    Oh, très bien. Nous pouvons modifier la liste.
    Des voix: Oh, oh!
    Vous êtes sur la liste.
    Il me semble que le débat tourne autour de faussetés et de mythes, comme c'était le cas hier... Cet aperçu d'une série d'élections en Europe a soudainement fait en sorte que les systèmes proportionnels étaient équivalents au fait d'avoir des partis opposés à l'immigration, malgré près de 60 à 80 années de bonne entente dénotant que ce n'est pas le cas. Puis, ce mythe a encore été avancé ici aujourd'hui. L'avantage va aux gens qui font naître le mythe lorsqu'il est question de la réforme électorale.
    Monsieur Gibson, vous êtes passé par là. Vous avez vu ce groupe de Britanno-colombiens qui ont tenté de laisser le changement s'installer dans leurs collectivités. À quel point est-il important d'avoir des champions, outre les politiciens touchés, qui fournissent des explications aux autres Canadiens et qui sollicitent leur rétroaction?
(1615)
    Cela est absolument essentiel. En fait, vous venez tout juste de résumer la dernière ligne du livre, When Citizens Decide, qui dit que « même lorsque les assemblées citoyennes sont un exemple de démocratie participative, délibératrice et épistémique très animée, le milieu dans lequel se trouvent les assemblées peut saboter tout le bon travail qu'elles ont accompli. » En d'autres mots, le travail de promotion effectué au sujet de la production est absolument essentiel, et, en retour, il dépend du contexte et du soutien politique.
    En Ontario, les membres d'une assemblée citoyenne ont proposé certains changements, mais nombre des partis politiques et des acteurs politiques, y compris le comité de rédaction du Toronto Star, cherchaient des lacunes et les ont descendus en flammes. On a pu constater leur influence par rapport à...
    Oui? Êtes-vous d'accord avec cela? Je ne veux pas parler à votre place.
    Absolument, cela les a absolument éliminés en Ontario.
    Merci.
    Nous allons maintenant poursuivre avec M. Rayes. Vous avez la parole.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Mon collègue a soulevé un argument en faveur du mode de scrutin proportionnel mixte en vertu duquel chaque vote doit compter. Il a mentionné que le vote de neuf millions de personnes n'a pas compté aux dernières élections.
    Lorsque j'aborde cette question avec les gens dans ma circonscription, ils se demandent tous quelles options se présenteraient à eux s'il y avait un changement à ce sujet. Je leur explique les différents modes de scrutin, je leur parle du vote proportionnel mixte et je leur explique qu'on devrait réduire environ de moitié le nombre de circonscriptions. Je prends mon exemple personnel et je leur dis que leur député devrait avoir une plus grande circonscription. Dans mon cas, je représente une circonscription qui est dans un milieu rural et qui couvre 40 municipalités. Si j'étais nouvellement élu dans une plus grande circonscription, on pourrait facilement multiplier par deux ce nombre de municipalités.
    Or les citoyens et les citoyennes disent que leur priorité est d'avoir accès à leur député afin  de lui faire part de leurs préoccupations pour qu'il puisse bien les représenter à Ottawa et bien traduire leurs préoccupations par rapport à la société.
    Cela me rend donc un peu méfiant par rapport à ce modèle. Quand les citoyens me disent vouloir avoir accès à leur député et que je pense au temps que les députés passent à Ottawa, soit près de huit mois par année, j'essaie d'imaginer ce que je ferais dans un autre contexte.
    J'aimerais poser des questions aux trois témoins et j'aimerais qu'ils me répondent par un oui ou par un non. Considérez-vous, oui ou non, que la procédure mise en place par le gouvernement actuel est la bonne?
    Monsieur Gibson, je vous cède la parole.

[Traduction]

    Cela dépend de la qualité de votre travail.

[Français]

    Monsieur Bricker, la parole est à vous.

[Traduction]

    Je crois que cela dépend du résultat. Je suis tout à fait d'accord.
    Je crois que le fait d'insister pour obtenir une certaine forme de réponse avant la fin de la présente législature est la meilleure façon de n'obtenir aucun résultat.

[Français]

    Considérez-vous, oui ou non, que la période de temps que le gouvernement a alloué pour réaliser ce mandat qu'il a annoncé à l'avance à la population, soit une réforme du mode de scrutin, est raisonnable?
    Monsieur Gibson, j'aimerais vous entendre à ce sujet.

[Traduction]

    Si le Comité n'est pas satisfait de la période prévue, vous devriez demander une prorogation.
    Ce ne sera pas facile. C'est une très courte période pour un enjeu aussi important.
    Je vous ai en quelque sorte donné ma réponse.

[Français]

     Merci.
    Monsieur Gibson, seriez-vous favorable, oui ou non, à ce que le Comité recommande ultimement un référendum pour légitimer toute cette façon de faire?

[Traduction]

    Selon moi, oui, tout changement considérable apporté au système électoral devrait faire l'objet d'une validation auprès du public dans le cadre d'un référendum.
    Mes préférences personnelles importent peu. Je vais simplement vous signaler que, selon ce qui s'est dégagé du sondage, c'est ce que veut le public.
    Ma réponse est beaucoup plus complexe.
    Je crois que la légitimité du résultat requiert une certaine forme de dialogue, pour ainsi dire, entre le présent Comité et autre chose. Il n'est pas nécessaire que tous les électeurs prennent part au référendum.
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, je ne crois pas que la population souhaite réellement être consultée, malgré ce qui ressort du sondage. Ce qui est préoccupant est le fait que la proposition, quelle qu'elle soit, peut en quelque sorte faire abstraction de façon crédible des intérêts de tout parti représenté ici, ou éventuellement même des partis qui composent actuellement la Chambre des communes. Une certaine entité souveraine, pas une assemblée citoyenne ni un organe d'experts ou autres, doit choisir. En fait, je crois que ce pourrait être le Parlement du Canada;si on lui demande de faire un choix, cela l'obligerait dans un certain sens à choisir entre le statu quo et une solution de rechange défendable.
(1620)

[Français]

    Faites-vous, oui ou non, partie des 50 % de gens qui sont satisfaits du mode de scrutin actuel?
    Je commencerais par vous, monsieur Johnston.

[Traduction]

    Il présente des inconvénients étant donné l'appui qui est si faible, mais il n'est pas foncièrement mauvais.
    Vous demandez donc si 50 % plus un suffiraient?

[Français]

    Monsieur Bricker, êtes-vous satisfait du mode de scrutin actuel? Faites-vous partie des 50 % de gens qui sont satisfaits de ce mode de scrutin? Pouvez-vous répondre brièvement par un oui ou par un non?

[Traduction]

    Aimez-vous le système tel qu'il est actuellement?
    Je ne crois pas que mon opinion à l'égard du système électoral ait la moindre importance. Ce n'est pas ce dont je suis venu parler ici.

[Français]

    M. Gibson, voulez-vous ajouter quelque chose à cet égard?

[Traduction]

    Vu les circonstances, il est acceptable, mais nous pourrions faire mieux.

[Français]

    Merci, monsieur Rayes.
    Nous allons terminer la séance de cet après-midi avec Mme Romanado.

[Traduction]

    Au cours des dernières semaines, nous avons entendu divers témoins dire que notre système électoral et notre réforme démocratique ne concernaient pas seulement notre système de votation à proprement parler. Dans un sens, ces éléments forment un écosystème qui englobe la façon dont nous éduquons nos citoyens au sujet des connaissances civiques, peu importe si nous tirons parti des percées technologiques ou non, la façon dont nous rejoignons, dont nous mobilisons les jeunes — la participation des jeunes a été massive à la dernière élection, ce qui, nous espérons, se poursuivra — la façon dont nous encourageons les femmes et les minorités visibles à se porter candidats, et toutes ces choses.
    Comme l'a mentionné mon collègue M. Cullen, lors de la dernière élection, des millions de Canadiens ont eu le sentiment que leur vote ne comptait pas. Nous essayons d'accroître le taux de participation au processus politique, et c'est pour cette raison que nous sommes réunis autour de cette table.
    Monsieur Gibson, je comprends que vous nous recommandez de prendre notre temps et de bien faire les choses, et je suis d'accord avec vous. Nous devons faire les choses en bonne et due forme. Nous ne voulons pas adopter une approche réactive, faisant en sorte que lorsque se présente une situation, nous paniquons et nous pensons que nous devons la régler immédiatement. Nous devons faire preuve de diligence raisonnable et nous assurer que notre solution est la meilleure pour le Canada et que les Canadiens sont d'accord avec nous.
    J'ai bon espoir que le présent Comité propose un excellent modèle canadien pour régler certains des problèmes qu'on nous a chargés d'aborder.
    Compte tenu de votre expérience avec l'assemblée citoyenne en Colombie-Britannique, quels conseils nous donneriez-vous pour aller de l'avant, étant donné notre mandat au sein du présent Comité et en n'oubliant pas l'échéancier électoral prévu qui, selon le directeur général des élections, pourrait être respecté?
    Pour être clair, vous supposez que vous formez un comité unanime?
    D'accord.
    Si vous avez cela, bien je crois que vous pouvez gagner un référendum...
    D'accord.
    ... à l'occasion de la prochaine élection.
    D'accord.
    Monsieur Johnston, avez-vous une suggestion à nous faire, notamment concernant notre mandat consistant à faire avancer la réforme électorale?
    Selon moi, si vous êtes vraiment sérieux, vous tenterez de changer les règles en fonction de la situation. Je ne vois pas comment vous pourriez échapper à la situation actuelle sans rupture importante du processus de représentation à l'occasion de la prochaine élection.
    Je dirais que le mandat du présent Comité, tel que je le perçois, ne concerne pas simplement le fait de garder ou non le système majoritaire uninominal à un tour.
    De nombreux autres irritants qui font obstacle au bon fonctionnement de notre système électoral représentent des domaines où s'offrent des possibilités évidentes d'établir réellement un consensus avec le public canadien. Il y a des choses qui supposent le recours à la technologie. D'autres qui, comme quelqu'un l'a mentionné, font appel aux dates auxquelles nous votons. Si vous construisez à partir de ces choses avec lesquelles les gens sont d'accord, il pourrait y avoir une évolution, comme un programme qui ne vous oblige pas à vous concentrer sur cette grande question pour commencer. Je dirais qu''il est possible de produire une certaine forme de proposition de réforme qui ne mènerait pas nécessairement à un référendum, puisque cela supposerait de mettre de l'ordre dans une multitude de choses que les gens croiraient raisonnable de faire, compte tenu du temps et de notre époque, et cela aurait dû être changé il y a longtemps. Vous pouvez donc vous concentrer sur l'autre question, ce qui, selon moi, sera une chose très très difficile à faire même avec le présent Comité, en faisant une proposition et en allant de l'avant avec l'adoption d'une loi à la Chambre des communes et au Sénat.
(1625)
    Me reste-t-il du temps?
    Vous avez environ 40 secondes.
    D'accord, j'ai terminé.
    Merci à tous nos témoins d'avoir, entre autres, fait ressortir le défi auquel nous faisons face. Il s'agit là en effet d'un grand casse-tête. Nous travaillons très dur afin de comprendre la complexité de l'enjeu, et votre contribution et vos opinions vont certainement nous aider à en arriver à produire un rapport couronné de succès, nous l'espérons, et à trouver la voie à emprunter.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Membres du Comité, nous allons suspendre la séance pour 15 minutes. Par la suite, nous reviendrons à huis clos pour discuter des travaux futurs du Comité.
    Monsieur Cullen, avez-vous quelque chose souligner à ce sujet?
    Est-il nécessaire de suspendre la séance durant 15 minutes?
    Préférez-vous 10 minutes?
    D'accord.
    Que voulez-vous que nous fassions?
    Je pense qu'il n'y a qu'une seule motion à considérer.
    Non, il y a autre chose à examiner.
    D'accord.
    Cela ne sera pas très long.
    Encore une fois, je remercie beaucoup les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
    Nous suspendons la séance pour une période de 10 à 15 minutes. Nous nous revoyons dans quelques instants.
    Je vous remercie.
     [La séance se poursuit à huis clos.]
(1625)

(1740)
    [La séance publique reprend.]

[Traduction]

    Très bien.
    Monsieur Cullen, voulez-vous présenter votre motion?
    Oui, je crois que vous l'avez entendue. C'est cela.
    Je ne sais pas si vous l'avez déjà lue.
    Je crois que je l'ai lue il y a un moment, ou peut-être ne l'ai-je pas lue. Je vais la relire.

[Français]

    La motion demande ce qui suit:
Que le Comité confirme, publie et annonce son voyage à Iqaluit le plus tôt possible; et que des services complets de traduction en inuktitut soient offerts au public lors de ses séances.
    Monsieur Cullen, voulez-vous dire quelques mots au sujet de votre motion?

[Traduction]

    C'est très bien dit, monsieur le président. Il s'agit d'une région particulière de notre pays que peu de gens connaissent. Avoir des services de traduction au Nunavut sera à la fois respectueux et essentiel pour nous permettre d'avoir une bonne discussion ici.
    À titre informatif, j'en ai parlé aux greffières hier, et elles vont étudier la question.
    Les greffières ont-elles reçu quoi que ce soit?

[Français]

     Nous tentons de vérifier s'il serait possible d'obtenir ces services gratuitement, mais ce n'est pas encore confirmé. Nous sommes en train d'évaluer combien ces services coûteraient autrement et nous inclurons ces coûts dans les frais de voyage du Comité.
    C'est parfait.
    Si nous n'obtenons pas ces services gratuitement, nous allons payer pour les obtenir. Ai-je bien compris ce que vous avez dit?
    Oui.
    D'accord.

[Traduction]

    Quelqu'un s'oppose-t-il à cette motion?
    Non?
    J'ai quelque chose à dire à ce sujet, qui pourrait donner lieu à une modification. Laissez-moi d'abord en parler, puis nous verrons s'il est approprié d'apporter une modification ou si cela peut être traité sans autre formalité.
    Simplement, nous savons tous que la question a été soulevée parce que le ministre a tenu une séance de discussion ouverte au Nunavut, et qu'il n'y avait pas de service de traduction en inuktitut. Des préoccupations ont été soulevées à ce sujet. N'étant pas un expert de l'inuktitut, par simple curiosité, j'ai fait des recherches et j'ai découvert que le Nunavut avait deux langues officielles en plus de l'anglais et du français: l'inuktitut et une autre langue maternelle appelée — et pardonnez-moi, il se peut que je ne le prononce pas correctement — inuinnaqtun, qui est la langue parlée dans la région de Kitikmeot. La région de Kitikmeot, si vous avez une image mentale du Nunavut, constitue la partie ouest du Nunavut. C'est une zone qui se sent parfois délaissée par les politiques du Nunavut. Si vous lisez l'article de Wikipédia à ce sujet, vous apprendrez pourquoi. La région est physiquement divisée. Elle se trouve dans un fuseau horaire différent, et on y parle une langue différente. Pour se rendre à Iqaluit à partir de Kitikmeot, vous devez quitter le territoire et voler vers le sud. L'aller seulement coûte environ 2 000 $ selon Wikipédia. Je n'ai pas vérifié par moi-même.
    Vous comprenez que, si nous essayons d'être inclusifs, il est important de le faire. Certaines personnes décrivent cela comme un dialecte. D'autres disent que c'est une autre langue. C'est un débat pour linguistes, mais je voulais le mentionner.
    Nous serions probablement d'accord.
    La deuxième chose que je veux mentionner est la suivante : il faut savoir que l'inuktitut est de loin la langue autochtone la plus parlée au Canada par les gens qui ne parlent qu'une seule langue et qui n'est ni l'anglais ni le français. Cela englobe les gens du Nunavut. Il y a également une grande population qui parle l'inuktitut au Nunavik, région au nord du Québec. D'un point de vue réaliste, la majorité des modèles de réforme électorale que nous étudions n'auront aucun effet sur le Nunavut. Par exemple, il n'y aura pas de VUT ni de SMP au Nunavut, quelle que soit notre volonté de l'introduire à l'échelon fédéral, puisqu'il n'y a qu'un seul siège pour le territoire. Même s'il vaut la peine d'entendre ce que les gens qui vivent au Nunavut ont à dire à cet égard, il convient de se rappeler que cela les touchera beaucoup moins que ceux qui vivent au Nunavik, dont la population n'est pas petite. Le nombre d'Inuits là-bas, selon les lectures que j'ai faites à ce sujet, est d'environ le tiers de la population du Nunavut. Ces gens qui seront touchés par les changements, et qui pourraient être concernés par les changements qui pourraient se traduire par des circonscriptions plurinominales ou des augmentations... leur circonscription est déjà énorme. De possibles augmentations plus importantes les toucheraient grandement.
    Je propose d'essayer de trouver de nouvelles façons d'inviter les gens qui parlent l'inuktitut, qui ne résident pas au Nunavut proprement dit, à participer à cette rencontre particulière. Je crois que cela s'avérera avantageux pour eux. Certainement...
(1745)
    Vous dites que nous devrions publier la nouvelle, faire connaître la nouvelle au Nunavik que nous nous rendons à Iqaluit?
    Effectivement, c'est ce que je dis. J'allais ajouter qu'il y a ici même à Ottawa une collectivité inuite puisque Iqaluit et Ottawa sont reliées par un corridor aérien. Ottawa est devenu un centre de population inuite. Le centre communautaire de Larga Baffin se trouve en fait dans le quartier où j'habite.
    Êtes-vous en train de dire que nous devrions les informer afin qu'ils puissent s'y rendre, ou êtes-vous en train de suggérer —
    Oui, afin qu'ils participent. Je présume que, pour être inclusifs, nous allons utiliser certains moyens de communication électroniques dans le cadre de cette rencontre. Autrement, les gens qui vivent dans des régions comme celles de Kitikmeot seront uniquement en mesure d'y participer s'ils disposent des 2 000 $ nécessaires pour se rendre par avion jusqu'à Iqaluit. Je dis que nous devrions rendre public le fait que nous tenons une audience en inuktitut, et possiblement également en inuinnaqtun — oui, absolument.
    Donc, la première chose à faire serait de trouver des services d'interprétation pour la deuxième langue.
    Est-ce que tout le monde est d'accord avec cela, que nous devrions voir s'il est possible de trouver des services d'interprétation?
    Une idée générale, monsieur le président, serait de simplement compter sur les connaissances locales en ce qui concerne la pertinence... Je crois que M. Scott a raison, qu'il y a quatre langues officielles. Si les gens de l'endroit avec qui nous travaillons croient que cela est important, eh bien tout à fait.
    Nous allons essayer de trouver des interprètes pour les deux langues. D'accord, bon. Nous semblons être d'accord sur ce point.
    Par ailleurs, nous devrions lier le nord du Québec à la consultation de quelque manière que ce soit.
    Et le reste du Nunavut. L'un des problèmes que pose la consultation du ministre — on m'a dit qu'il y avait 16 personnes là-bas — c'est qu'Iqaluit n'est pas l'ensemble du territoire. Il est physiquement difficile de s'y rendre. Nous voulons réussir à rejoindre plus de gens sur le territoire et de locuteurs de langues non officielles.
    D'accord.
    Pouvons-nous avoir un quelconque libellé? Je présume qu'il s'agit d'une modification.
    La première partie concernant la langue devrait être modifiée. Pour ce qui est du reste, j'ai soulevé cette préoccupation et tant et aussi longtemps qu'il existe un consensus au sein du Comité, je suis convaincu...
    Le président: D'accord, nous allons étudier la question.
    M. Scott Reid: ... qu'un effort visant à accroître l'inclusivité le plus possible, monsieur le président, serait normal.
    D'accord, c'est bien.
    Pourquoi n'avons-nous pas de modification pour la motion? Nous allons voter sur la modification, puis nous allons voter sur la motion, et nous allons ensuite laisser les greffières et le secrétariat examiner de quelle façon nous pouvons rejoindre le plus de gens possible, la communauté d'intérêt — je présume que c'est une bonne façon de dire les choses — lorsque nous y serons.
    Pourriez-vous nous donner le libellé de modification?
    Oui. Si nous prenons la proposition de M. Cullen, je ne mentionnerais que la section au sujet des langues ici. À propos, c'était pour cette raison que nous voulions que ce soit public, donc ces éléments seront versés au compte rendu...
    Oui. Bien sûr.
    ... et nous pourrions établir un consensus, au lieu des formalités qu'occasionne une modification.
    Donc, simplement, que le Comité confirme, publie et annonce son voyage à Iqaluit le plus tôt possible; et que des services complets de traduction en inuktitut soient offerts au public lors de ses audiences.
    Donc, des services de traduction.
    Est-ce que tout le monde est d'accord avec la modification?
    (L'amendement est adopté.)
    Le président: Est-ce que tout le monde est d'accord avec la motion modifiée?
    (La motion modifiée est adoptée.)
    Je suis d'accord avec cette modification.
    Donc nous nous rencontrerons de nouveau demain matin à 8 h 30. Nous discuterons d'autres questions comme prévu. C'est une rencontre de sous-comité, et non une rencontre du Comité.
    Quelqu'un peut-il proposer que nous suspendions les travaux jusqu'à...
(1750)

[Français]

     Dans quelle pièce se tiendra la réunion?
    Nous allons vous informer à ce sujet.
    Je pense que nous n'avons pas besoin de motion à cet égard.

[Traduction]

    La séance est levée.
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