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Bienvenue à la 21
e séance du Comité spécial sur la réforme électorale. Nous en sommes à notre séance de l'après-midi.
Nous accueillons M. Richard Johnston, du département des sciences politiques de l'Université de la Colombie-Britannique; M. Darrell Bricker, d'IPSOS Affaires publiques; et M. Gordon Gibson, que vous êtes nombreux à connaître, bien sûr, pour ses écrits et ses commentaires.
[Français]
Permettez-moi d'abord de vous présenter une brève biographie de chacun des témoins qui vont comparaître devant nous aujourd'hui.
[Traduction]
Richard Johnston est professeur de sciences politiques à l'Université de la Colombie-Britannique et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en opinion publique, en élections et en représentation. M. Johnston est également boursier de recherche Marie-Curie à l'Institut universitaire européen de Florence, où il est le chercheur invité d'une entreprise visant à former de jeunes étudiants en matière d'élections et de démocratie. En outre, il est actuellement directeur du Centre for the Study of Democratic Institutions. M. Johnston a été chercheur principal dans le cadre des études électorales canadiennes de 1988 et de 1992-1993, et il a été consultant dans le cadre de l'étude électorale menée en Nouvelle-Zélande, en 1996. Il a siégé au conseil consultatif pour les études électorales britanniques de 2001, de 2005 et de 2009, et il a été membre du comité de planification dans le cadre du projet pilote d'étude électorale nationale des États-Unis, en 1998. M. Johnston est l'auteur d'un grand nombre de publications, et il a remporté quatre prix de l'American Political Science Association et quatre prix du livre.
Bienvenue, M. Johnston. Nous sommes très heureux de votre présence aujourd'hui.
[Français]
Darrell Bricker est chef de la direction à IPSOS Affaires publiques. Il a travaillé en 1989 au Cabinet du premier ministre Mulroney en tant que directeur de la recherche sur l'opinion publique. M. Bricker est titulaire d'un doctorat de l'Université Carleton et d'un doctorat de droit honorifique de l'Université Wilfrid-Laurier.
M. Bricker a publié une longue liste d'articles et d'ouvrages universitaires. Il rédige régulièrement des chroniques pour le National Post et The Globe and Mail. En 2010, M. Bricker a été nommé colonel honoraire par le ministre de la Défense nationale pour ses contributions au Canada. Il est actuellement membre du conseil d'administration de l'Institut Laurier pour l'étude de l'opinion publique et de la politique. Il est également membre de l'Association américaine de recherche sur l'opinion publique.
[Traduction]
Bienvenue, monsieur Bricker.
Gordon Gibson est politicien, chroniqueur politique et auteur. Il est titulaire d'un baccalauréat ès arts de l'Université de la Colombie-Britannique et d'une maîtrise en administration des affaires de l'Université Harvard. M. Gibson a été adjoint au ministre fédéral des Affaires du Nord de 1963 à 1968 et adjoint spécial au premier ministre Pierre Trudeau, de 1968 à 1972, en plus d'avoir siégé à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique, dans les années 1970 et 1980. Depuis 1993, il est agrégé supérieur en études canadiennes à l'Institut Fraser, et il a rédigé de nombreux livres sur le fédéralisme canadien et sur la gouvernance. En 2001, le gouvernement de la Colombie-Britannique lui a demandé de formuler des recommandations concernant la structure et le mandat d'une assemblée citoyenne sur la réforme électorale, dont nous avons souvent discuté, jusqu'ici, au sein du Comité. Plus tard, ces recommandations ont été adoptées. En 2008, M. Gibson s'est vu décerner l'Ordre de la Colombie-Britannique.
Je crois que chaque témoin présentera sa déclaration pendant 10 minutes. Ensuite, nous tiendrons deux séries de questions, dans le cadre desquelles chaque membre du Comité aura l'occasion de poser des questions et de recevoir des réponses pendant cinq minutes chacun. Nous reprendrons simplement le processus pour la deuxième série d'interventions.
Sans plus attendre, je demanderai à M. Johnston de nous faire part de ses réflexions sur la réforme électorale.
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Merci, monsieur le président. Je commencerai par dire que certains des renseignements que vous avez fournis sont aussi désuets que la photographie qui figure sur ma page Web.
Des voix: Oh, oh!
M. Richard Johnston: Je regrette davantage la dernière information que la première.
Je veux simplement soulever quatre grandes questions, tirées de la déclaration de cinq pages que j'ai envoyée la semaine dernière. La première, c'est que je trouve inquiétant qu'une si grande part des commentaires sur la réforme électorale présentent à tort la Chambre comme s'il s'agissait d'une espèce de Congrès américain ou d'une certaine entité qui fait partie d'un cadre relatif au Congrès, pas la chambre constituante du gouvernement, ce qu'elle est inévitablement dans un système parlementaire. Les électeurs s'y intéressent. Ils s'y intéressent autant sous le régime d'une RP que dans un système majoritaire, car la RP accompagne presque toujours — du moins, les exemples pertinents — les systèmes parlementaires. Même sous une RP, les considérations au sujet de la formation du gouvernement induisent le vote stratégique. Vous avez probablement entendu parler du vote stratégique découlant des seuils et de ce genre de choses.
Même si on ne tient pas compte des seuils, de nombreux électeurs s'intéressent à la composition probable du gouvernement une fois que les résultats sont compilés. Certaines données probantes donnent à penser, par exemple, que les électeurs qui sont de gauche ou de droite, ou bien de gauche ou de droite modérée, votent pour des partis plus extrémistes qu'eux afin de faire pencher le gouvernement de leur côté, pour ainsi dire. Ce que je veux dire, en gros, c'est qu'on ne peut pas isoler le moment du vote de celui de la formation du gouvernement. Je dirais qu'il y a eu un genre de séparation intellectuellement paresseuse de ces deux éléments dans une grande partie des propos qui ont été tenus ici.
La deuxième question — et peut-être celle qui me tient le plus à cœur en ce moment —, c'est que je suis étonné qu'on présente si souvent des formules en gros, puis qu'on leur attribue des vertus ou des vices. Je pense qu'il est tout à fait important de se rappeler que tout système électoral est en fait au moins — il y a aussi d'autres éléments, mais à tout le moins — un mélange de trois choses. L'interaction entre les trois est absolument nécessaire pour que l'on puisse se faire une idée du produit probable d'un changement dans la direction en question.
Premièrement, il doit y avoir un scrutin. La distinction la plus importante à faire — même s'il ne s'agit pas de la seule — consiste à déterminer s'il s'agit d'un scrutin catégorique ou préférentiel.
Deuxièmement, toute la question de la magnitude des circonscriptions, du nombre de sièges par circonscription, est un élément tout à fait crucial. Il est évident qu'on ne peut pas avoir de représentation proportionnelle si on a des circonscriptions à un seul député. Si on a des circonscriptions à plusieurs députés selon la formule uninominale majoritaire à un tour, on obtient des résultats exagérément disproportionnés. Néanmoins, la magnitude de la circonscription est importante à bien des égards, notamment pour la proportionnalité d'un cadre proportionnel.
La troisième question concerne la formule en soi, c'est-à-dire que la formule est claire comme de l'eau de roche dans le cas du système uninominal majoritaire à un tour, qu'elle l'est à moitié dans le cas de la majorité, qui peut prendre, en quelque sorte, deux formes exploitables... puis il y a la famille, au sein de laquelle les distinctions portent beaucoup à conséquence dans le cas de la représentation proportionnelle. Dans bien des cas, les effets qui sont attribués — disons — à la formule sont en fait le produit d'une autre caractéristique du système. Il se pourrait qu'il s'agisse d'une caractéristique du système qui n'est pertinente que sous une formule proportionnelle, mais ça n'est pas tellement la formule qui est cruciale.
Laissez-moi vous donner un exemple. Comme vous l'avez entendu dire, il est généralement vrai que le taux de représentation descriptive des femmes est plus élevé en moyenne dans les systèmes de RP, mais nous observons également des écarts majeurs au sein de la famille de la RP. Il y en a aussi dans les familles plus majoritaires, mais les écarts sont particulièrement importants au sein de la famille de la RP. Une partie de ces écarts reflète en fait le scrutin. Si on veut maximiser la représentation descriptive de tout groupe — femmes ou autres — et y attribuer une certaine forme de garantie, il est utile d'avoir des circonscriptions les plus grandes possible. Plus le nombre de sièges par circonscription est grand, plus il sera facile de mélanger les caractéristiques démographiques dans le menu que présente un parti donné.
Qui plus est, on veut avoir un bulletin de vote qui contient une liste fermée, un vote catégorique, un seul par électeur. De plus, en dehors de la formule électorale en soi, on veut que les noms figurant sur le bulletin de vote soient placés au centre. Si vous cédez à la tentation de déroger à l'une ou l'autre de ces règles, vous ne disposerez pas d'un mécanisme aussi puissant pour créer la perspective de représentation garantie de groupes catégoriques. Par contre, si ce que vous voulez, c'est faciliter la représentation par les femmes ou par d'autres groupes ou forces qui, dans un certain sens, ne sont pas intégrés dans le conflit central qui oppose les partis, vous voulez en fait le contraire de toutes ces choses. Ce que je veux dire, en gros, c'est que le scrutin est souvent aussi important que la formule générale pour ce qui est de l'atteinte de certains buts politiques ou sociaux.
Mon troisième argument concerne le fait que la plupart des systèmes électoraux changent, quoique la Nouvelle-Zélande est une exception, et peut-être l'Allemagne, car elle a en quelque sorte fait table rase à l'époque, et le pays a déjà eu des objectifs partisans, pour promouvoir les intérêts d'un parti ou pour nuire aux intérêts d'un autre. Je pense que nous devons être clairs à ce sujet. Selon moi, le fait de garder le silence à cet égard, c'est... Eh bien, c'est franchement malhonnête. Il est clair, d'une part, que les formules proportionnelles en général renforcent la gauche par rapport à la droite et que le contraire est vrai des formules majoritaires. C'est tout simplement ainsi que cela fonctionne. Si on fait la moyenne de tous les gouvernements d'après-guerre regroupés, la différence est vraiment très marquée.
Ensuite, la question de savoir quel type de formule — majoritaire ou uninominal majoritaire à un tour — politise le plus les questions ethniques en est une qui sera toujours en jeu dans un endroit comme le Canada. En fait, la réponse n'est pas simple. Il est vrai que, sous le régime d'une RP, on facilite la naissance de micropartis, qui peuvent être ethniques ou autres, mais qui peuvent certainement être ethniques. Voilà pour ça. Par ailleurs, on n'augmente pas le pouvoir de groupes qui sont attirés par ces partis. Il est plus facile pour des partis présentant un attrait plus national de pénétrer ces collectivités et, dans un certain sens, de dissoudre la prétention singulière d'un parti particulier qui parlerait en leur nom.
Par contre — ou il s'agit en fait d'une variation sur le même thème —, notre système a créé certaines possibilités privilégiées et géographiquement interreliées. La plus ancienne et la plus importante au Canada, c'est le fait que, jusqu'en 1993, au moins, elle faisait du Québec le pivot du gouvernement. En augmentant le pouvoir de la majorité qui dominait la province à cette époque, et toute une autre série de considérations au sujet du fait de déterminer... mais, elle faisait du Québec le pivot du gouvernement. Depuis, cette province n'a pas été le pivot du gouvernement de la même manière, mais, dans un certain sens, la tâche déterminante a été transférée aux banlieues de Vancouver et de Toronto.
Ce sont toutes des histoires de bonnes nouvelles, mauvaises nouvelles, mais nous devrions reconnaître que des groupes géographiquement distincts — et cela comprend souvent des groupes ethnolinguistiques — peuvent en fait voir leur pouvoir augmenter avec la formule que nous appliquons maintenant. Il pourrait s'agir du prix de l'unité canadienne ou de celui de l'intégration réussie de certains groupes, mais il produit une situation dans laquelle certains votes comptent plus que d'autres. Ces situations peuvent aider des minorités ethniques.
Mes dernières réflexions concernent la transition, s'il doit y en avoir une. Je ne suis pas favorable à la tenue d'un référendum, mais je ne m'y oppose pas. Selon moi, les référendums doivent ni être condamnés absolument ni être requis. Honnêtement, la question qui me préoccupe, c'est la stabilité institutionnelle du cadre que vous allez mettre en place. Si vous devez modifier le système électoral, ne le faites pas d'une manière qui invite simplement un retour à l'ancien système ou l'adoption d'un autre système à court terme. Je pense tout simplement que c'est corrosif pour la légitimité du gouvernement ainsi que pour le fonctionnement des partis politiques. Les pays qui le font — et il y en a quelques-uns; l'Italie et la France sont les principaux exemples — en ont payé le prix, selon moi.
Je pense que la stabilité est la clé. À cette fin, le référendum devrait contribuer à la stabilité dans le sens qu'il présente un genre de force moralement contraignante émanant de la population en général. Je vous inviterais à vous demander si certains des buts de la tenue d'un référendum pourraient être atteints par d'autres moyens. Une partie de la raison pour laquelle les référendums sont attrayants pour les gens, c'est que, dans un certain sens, il vous retire le choix final, puis, dans un certain sens, il augmente les coûts que vous devez engager et limite votre marge de manœuvre au moment de faire le choix ultime. Ce but pourrait être atteint par d'autres moyens que par la tenue d'un référendum: une assemblée citoyenne, un groupe d'experts ou quoi que ce soit.
J'ai deux ou trois choses à l'esprit. Par exemple, pour accomplir la tâche politiquement très lourde consistant à fermer des bases militaires aux États-Unis ou à adopter des accords commerciaux hautement controversés, le Congrès américain applique un processus dans le cadre duquel, essentiellement, il invite des parties de l'extérieur à présenter la proposition, et le Congrès prend une décision favorable ou défavorable. D'une certaine manière, c'est un peu comme si on effectuait le redécoupage des circonscriptions électorales au pays.
Ce que je veux dire, en gros, c'est que, dans la mesure où tous les politiciens sont perçus — à tort ou à raison — comme des personnes qui commettent des délits d'initié et qui prennent des mesures intéressées, vous pourriez peut-être songer — si vous voulez vraiment changer le système — à apporter le changement d'une manière qui suppose l'intervention d'une voix indépendante, laquelle devra tout de même vous rendre des comptes et discuter avec vous.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner la possibilité de comparaître aujourd'hui.
Il s'agit d'un sujet important qui aura manifestement des conséquences majeures sur la démocratie du Canada, et je suis honoré que vous me demandiez de vous faire part de certains commentaires aujourd'hui.
Je ne prétends pas être un expert des systèmes électoraux. Comme vous l'avez entendu à la lecture de mon CV, mes antécédents professionnels sont dans le domaine de la recherche sur l'opinion publique. À IPSOS, mes collègues et moi menons régulièrement des études scientifiques auprès des Canadiens concernant une grande diversité de sujets, y compris les élections à tous les échelons du gouvernement. Par ailleurs, en tant que PDG d'IPSOS, Affaires publiques dans le monde entier, je mène des études électorales partout dans le monde, dans un grand nombre des pays auxquels vous vous intéressez probablement ou que vous avez peut-être même étudiés. Nous avons effectué beaucoup de recherche sur tous ces endroits, et je serais heureux de répondre à toute question que vous me poserez au sujet de la façon dont les élections fonctionnent là-bas.
Je devrais ajouter qu'IPSOS est un organisme de recherche non partisan. Le travail que nous faisons est à l'intention des médias. Nous ne travaillons pas au nom de partis ni au nom de candidats.
Ainsi, vous ne devriez pas être surpris d'apprendre que, dans le but de me préparer à ma comparution d'aujourd'hui, j'ai mené une étude que je vous soumets afin que vous en teniez compte. Je voudrais utiliser le temps qui m'est alloué pour vous faire part des résultats de l'étude. Je l'ai mené la semaine dernière — c'est IPSOS Affaires publiques qui l'a fait — en ligne auprès de 1 000 Canadiens, de la façon dont nous menons habituellement une étude politique au Canada. Nous avons sondé les sujets suivants: la sensibilisation et l'intérêt à l'égard du processus de consultation sur la réforme électorale; la façon dont les grands changements apportés à notre système électoral devraient être approuvés, selon les Canadiens; et si la mobilisation publique et l'examen parlementaire sont suffisants, ou bien si un référendum national doit être tenu pour régler la question.
Afin de mettre les gens dans le bon état d'esprit dès le départ et de leur donner une certaine idée du genre de questions que nous allions leur poser, nous leur lisions le préambule suivant.
L'un des engagements pris par le premier ministre Trudeau et par les libéraux durant les élections fédérales d'octobre dernier était que, s'ils étaient élus, ils allaient apporter des changements fondamentaux au système électoral du Canada. Ces changements pourraient comprendre tout, du remplacement du système uninominal majoritaire à un tour au vote en ligne, en passant par le vote obligatoire. Nous voudrions vous poser quelques questions sur ces enjeux.
Autrement dit, nous rappelions aux gens qu'il ne s'agissait pas que d'une chose qui était sortie de nulle part. Il s'agissait d'un engagement pris par le parti au pouvoir durant la campagne électorale, et un comité était en train de se pencher sur ces sujets particuliers. J'ai pris une partie de la question du mandat que vous réalisez actuellement... du moins, ce que j'ai reçu concernant ce qui était à l'étude.
La première question était la suivante: « Le gouvernement fédéral a-t-il amorcé un processus de consultation publique et parlementaire sur les changements qu'il propose d'apporter à notre système électoral? » Autrement dit, qui nous regarde aujourd'hui.
Près de 19 % des Canadiens ont répondu par l'affirmative; 21 % ont répondu par la négative; 60 % ont dit qu'ils ne savaient pas. Autrement dit, une proportion combinée de 81 % pensaient que les consultations n'avaient pas encore commencé ou n'étaient pas certains. Seule environ une personne sur cinq a déclaré qu'elle croyait que ces consultations avaient eu lieu, qu'il se passait quelque chose.
Ensuite, ce que nous avons fait, c'est un suivi auprès des 19 % qui avaient dit: « Hé! Je sais ce qui se passe », et nous leur avons posé une question que vous leur auriez posée, c'est-à-dire: « Dans quelle mesure suivez-vous les consultations de près? »
Parmi les personnes qui étaient au courant de leur tenue, 16 % — ou 30 personnes sur 1000 — ont affirmé qu'elles suivaient les consultations de très près. Une autre tranche de 68 % — ou 129 personnes — ont dit les suivre un peu, ici et là, et 16 % — ou 31 des personnes que nous avons interrogées — ont déclaré qu'elles ne les suivaient pas du tout. Celles qui étaient les plus susceptibles de suivre le processus étaient des hommes âgés, scolarisés et bien nantis.
Par conséquent, le public qui suit de près ce processus aujourd'hui compte pour environ 3 % des Canadiens, et il s'agit d'un groupe faisant partie de l'élite. D'après mon expérience, cette situation ne devrait surprendre personne. Même si les réformes électorales majeures touchent tout le monde, les gens sont occupés et vivent leur vie quotidienne — regardez quelle est la période de l'année, en ce moment —, et il est très difficile d'attirer leur attention sur ces types d'enjeux publics. Quand ils prêtent attention à quoi que ce soit qui se passe à Ottawa, c'est à des enjeux qui sont bien plus prioritaires pour eux personnellement, comme la santé, l'emploi et l'économie. Il s'agit d'une conclusion constante de tout sondage au sujet du programme national du Canada, quelles que soient les personnes qui y répondent.
Ensuite, nous avons posé des questions au sujet des consultations par rapport à la tenue d'un référendum national. J'ai utilisé une question qu'une autre firme avait posée, car elle avait montré une certaine dissidence à cet égard, et j'ai pensé qu'il s'agissait d'une bonne question. Alors, je l'ai posée: « Certaines personnes disent que tout changement apporté au système électoral serait fondamental au point qu'il exigerait la tenue d'un référendum national. D'autres affirment qu'un programme rigoureux de mobilisation publique et d'examen parlementaire devrait être suffisant. Lequel des énoncés se rapproche le plus de votre point de vue? »
Près de 49 % ont déclaré qu'un référendum était nécessaire; 51 % ont dit que les consultations devraient être suffisantes.
Ensuite, je posais une question semblable, mais je rappelais aux gens que les consultations étaient en train d'avoir lieu: « À votre avis, le processus de mobilisation publique et d'examen parlementaire que suit actuellement le gouvernement fédéral est-il suffisant pour lui donner le consentement public nécessaire pour apporter un changement fondamental à notre système électoral fédéral sans la tenue d'un référendum national, ou bien voulez-vous que le gouvernement obtienne le consentement du public concernant les changements qu'il proposera en tenant un référendum national? »
À cette question, la réponse « les consultations sont suffisantes » a chuté de six points de pourcentage pour s'établir à 45 %, et « référendum national » a augmenté de six points de pourcentage, pour s'établir à 55 %. Ce résultat m'amène à penser que, plus les gens en savent à propos de ce processus, plus ils veulent avoir leur mot à dire en y contribuant directement.
La majorité des gens de toutes les catégories démographiques que nous avons étudiées — par sexe, âge, degré de scolarité, revenu et ayant ou non des enfants dans leur domicile — appuyaient la tenue d'un référendum. La majorité des gens qui avaient des enfants dans leur domicile ou qui n'en avaient pas — appuyaient également la tenue d'un référendum. La seule exception à cette règle a été le Québec, où seulement 47 % des répondants appuyaient le tenue d'un référendum national. Je suppose qu'ils ont un peu plus d'expérience quant au processus référendaire que les autres Canadiens.
En résumé, malgré l'importance de cet enjeu, un public d'élites comptant pour environ 3 % des Canadiens pourrait être décrit comme étant mobilisé relativement à ce processus, en ce moment. En conséquence, il ne faudrait pas s'étonner que la majorité des Canadiens de tous les segments de la population veulent être consultés directement au sujet des changements majeurs qui seront apportés au système électoral au moyen d'un certain type de référendum national.
Merci.
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Merci de cette occasion, monsieur le président.
À l'exception de deux brefs commentaires préliminaires, mes réflexions porteront sur le processus plutôt que sur les systèmes électoraux, dont vous avez déjà beaucoup entendu parler. Le principal ajout que je ferais aux conseils partagés des experts, c'est formuler l'argument évident selon lequel les divers systèmes électoraux ne peuvent pas être envisagés dans l'abstrait, quelle que puisse être leur élégance.
Nous sommes une fédération très étendue et hautement urbanisée possédant sa propre composition, sa propre histoire et sa propre culture politique.
En outre — et il s'agit d'une mise en garde —, les changements apportés à tout système politique présentant de grandes complexités et d'importantes boucles de rétroaction entraînent tôt ou tard des conséquences imprévues. Par exemple, dans le volet « tôt », en 1952, dans ma province, la coalition des libéraux et des conservateurs qui était en train de se dissoudre a instauré une forme de scrutin préférentiel, un régime qui, selon les médias, est la solution de rechange privilégiée par les libéraux. Le but était de tenir le NPD — qu'on appelait la CCF, à cette époque — à l'écart du pouvoir en se fondant sur la théorie selon laquelle les électeurs favorables à la libre entreprise feraient de l'un ou l'autre des deux vieux partis leur premier et leur second choix. Le résultat? Du jour au lendemain, un gouvernement du Crédit social s'est mis à régner sur la Colombie-Britannique pour 20 ans. Il est impossible de savoir quelles répercussions auront les changements, même s'ils sont petits.
En guise de deuxième exemple bref, qui aurait pu imaginer que ce qui semblait être de petits changements apportés au système des primaires américain il y a des années entraînerait la nomination de Donald Trump aujourd'hui?
Des conséquences imprévues se cachent dans le changement constitutionnel, et il s'agit selon moi du type de changement dont il est question.
Je passe maintenant à mes deux principaux arguments. Le premier, c'est que le système électoral appartient uniquement au peuple, pas aux politiciens, et que les citoyens doivent participer directement à tout changement.
Vous allez probablement exiger un argument à l'appui de ma proposition selon laquelle le Parlement ne peut agir seul, puisque, dans la tradition britannique, le Parlement a toujours été l'entité suprême.
Au Canada, dès le départ, le Parlement et les assemblées législatives ont fait face à des contraintes. Certaines d'entre elles étaient explicites dans la Loi sur l'Amérique du Nord britannique, et certaines étaient implicites dans le libellé du préambule: « semblable dans son principe » à celle du Royaume-Uni, qui importait certaines conventions, et ainsi de suite. Le pouvoir qu'a le Parlement d'agir a par la suite été limité considérablement, et ceux de la Cour suprême ont été étendus considérablement par les amendements constitutionnels de 1982, y compris par la Charte. En 2007, le même tribunal a élaboré une doctrine limitant davantage le pouvoir du Parlement en enchâssant dans notre droit des documents internationaux ratifiés portant sur les droits de la personne. En 2014, une décision encore plus pertinente a été rendue concernant le Sénat.
Dans les circonstances d'aujourd'hui, et compte tenu du droit d'aujourd'hui, je souhaite poser trois questions. Premièrement, le Parlement du Canada peut-il modifier unilatéralement le système électoral de la Chambre des communes en droit? Deuxièmement, si un tel changement était légal, serait-il moralement approprié? Troisièmement, si la réponse à la première et à la deuxième question est « oui », serait-ce avisé, d'un point de vue politique?
Un tel changement serait-il légal? Personne ne peut répondre à cette question, ni même les avocats du gouvernement, à l'exception de la Cour suprême, à qui on la posera certainement si le changement est proposé. Nous avons un peu de jurisprudence sur laquelle nous fonder, provenant du Renvoi concernant la compétence du parlement relativement à la Chambre haute de 2014. Dans cette décision, la cour a élargi de façon importante ses pouvoirs d'examen de ces questions, et je cite:
La Constitution ne doit pas être considérée comme un simple ensemble de dispositions écrites isolées. Elle a une architecture, une structure fondamentale. Par extension, les modifications constitutionnelles ne se limitent pas aux modifications apportées au texte de la Constitution. Elles comprennent aussi les modifications à son architecture qui altèrent le sens de son texte.
Il est inutile de dire à quiconque ici présent que, depuis 1982, la Cour suprême peut faire ce qu'elle veut, surtout dans les cas comme celui-ci, où la disposition de dérogation ne s'applique même pas, en théorie. Ce libellé doit être pris au sérieux. Que pourrait-il signifier dans ce contexte?
L'exemple le plus simple est de nature fédérative. Le Québec — et M. Johnston l'a mentionné — pourrait bien affirmer que, tout au long de notre histoire, le système uninominal majoritaire à un tour a contribué massivement à l'élection en bloc de députés de cette province, ce qui a accru son pouvoir au sein de la fédération. Tout changement aurait une incidence sur l'architecture de la confédération; cela ne fait aucun doute. Je ne voudrais pas avoir à plaider l'autre côté de cette cause.
Un argument plus vaste, c'est que le système uninominal majoritaire à un tour rend les gouvernements majoritaires beaucoup plus probables, ce qui est un fait incontestable. Le vote préférentiel est peut-être une exception. Cela pourrait aussi faire partie de l'architecture constitutionnelle essentielle du pays. La question a certes eu de l'importance tout au long de notre histoire.
La Cour étudierait tous ces éléments, mais il me semble qu'elle pourrait faire fi d'un tel raisonnement, si un soutien assez persuasif de la part de tiers était offert, comme le consentement d'un certain nombre de provinces ou dans le cadre d'un référendum populaire.
Ainsi, je dis aux membres du Comité que, s'ils veulent éviter un litige prolongé sur cette question — une possibilité déplaisante —, ils seraient avisés de rendre tout changement proposé à l'épreuve de jugements en faisant la preuve de ce soutien extraparlementaire.
Pour passer à ma deuxième question — le caractère approprié du changement unilatéral — l'État canadien n'appartient pas au Parlement; les propriétaires bénéficiaires sont les Canadiens. Les représentants sont des fiduciaires... ils sont respectés et sont investis de pouvoirs vastes, mais limités.
Dans notre système, presque toutes nos décisions sont prises par vous, en tant que représentants, et notre culture politique ne rend pas le recours fréquent à des référendums pratique, souhaitable ou populaire. La plupart des gens n'ont ni le temps ni l'envie de mener les études que vous menez et de faire les compromis que vous faites en notre nom.
Toutefois, cette déférence a des limites. Lorsqu'il s'agit des règles du jeu, des lois de base qui déterminent comment les décisions sont prises, les gens veulent avoir leur mot à dire et méritent de l'avoir. J'ai éprouvé un très grand respect pour les paroles de M. Bricker à ce sujet, quand il a dit que, plus les gens en savent, plus ils veulent avoir leur mot à dire.
Vous pouvez être absolument certains que, si la réforme électorale devient une affaire probable, les gens en sauront beaucoup à ce sujet. Le référendum sur l'accord de Charlottetown tient lieu de précédent très puissant, où une solide majorité de Canadiens a rejeté pratiquement tout l'establishment canadien. Ma province applique depuis 25 ans une loi exigeant que toute proposition constitutionnelle soit soumise à un référendum.
Je sais que certains témoins vous ont dit que les référendums constitutionnels se soldent toujours par un échec. Je suis là pour vous dire que ce n'est pas vrai. La Nouvelle-Zélande a été mentionnée, mais, si nous limitons notre attention au Canada, il y a un peu plus de dix ans, une proposition de nouveau système électoral en Colombie-Britannique a reçu le soutien affirmatif de près de 58 % de l'électorat. Le taux de participation a été de 61,5 %. La mesure a obtenu une majorité absolue dans 77 des 79 circonscriptions. Ce référendum s'est soldé par une réussite selon tout critère raisonnable, mais le gouvernement provincial avait établi un taux de rendement minimal de 60 %, alors une merveilleuse occasion d'expérimentation naturelle d'une réforme électorale réfléchie a été perdue.
Le fait est que, si la proposition est bonne et que les consultations sont adéquates, un référendum constitutionnel peut non seulement être remporté, mais aussi, ce faisant — et on en revient à l'argument de Richard —, conférer une énorme légitimité qui serait autrement inatteignable. Cette légitimité devrait être la norme de référence pour toute proposition de changement touchant les lois de base.
Le mécanisme d'élaboration et de consultation relatif à la nouvelle proposition électorale était au coeur de la réussite de la Colombie-Britannique. De concert avec les gouvernements de l'Ontario et de l'Île-du-Prince-Édouard et dans des circonstances semblables, le gouvernement de la Colombie-Britannique a accepté le fait que le système électoral appartenait au peuple et que les changements devraient être élaborés et affirmés par le peuple. Par conséquent, le gouvernement a mandaté une assemblée citoyenne et m'a fait l'honneur de me laisser concevoir le mécanisme. Grâce aux efforts déployés par le président, par le personnel et par les membres de l'assemblée citoyenne, il a extrêmement bien fonctionné.
Là où je veux en venir, c'est qu'au bout du compte, les gens y ont cru parce qu'il était crédible et habilité. Je suis convaincu qu'avec les modifications appropriées, un processus semblable pourrait fonctionner à l'échelon national, et je serais ravi de donner des détails si on me le demande.
J'arrive maintenant à mon argument final. J'ai fait valoir qu'un changement unilatéral apporté à notre système électoral par le Parlement pourrait bien ne pas être légal, et j'ai suggéré des façons de le rendre légal. J'ai affirmé que le changement ne serait pas légitime s'il était unilatéral, et j'ai proposé un mécanisme permettant de répondre à ce besoin.
Maintenant, laissez-moi vous dire que vous pouvez faire fi des deux premiers arguments, mais alors, vous tomberez dans le piège d'un troisième facteur: un changement unilatéral ne serait pas avisé, d'un point de vue politique. Vous êtes actuellement des praticiens; je n'en suis pas un. Toutefois, j'ai consacré un tiers de ma vie professionnelle à la politique et un autre tiers à commenter les faits et gestes des politiciens, alors je ne me sens pas mal à l'aise de vous donner quelques conseils en matière de politique.
Si le Parlement — et plus particulièrement le parti au pouvoir — procède à l'adoption d'un changement électoral sans l'avoir fait valider par la Cour ou par les citoyens, il fera face à une tempête de critiques. Les attaques se rédigent pratiquement d'elles-mêmes: « le système électoral appartient au peuple, pas aux politiciens », « nos employés ne devraient pas s'embaucher par eux-mêmes », et ainsi de suite. Si je faisais encore de la politique, ce débat serait extrêmement amusant, mais je vous conseille très sincèrement d'éviter une telle bataille par crainte de réduire la confiance déjà trop fragile à l'égard de notre système.
Certaines des personnes occupant les banquettes ministérielles vous diront: « mais, nous avons promis que les dernières élections seraient les dernières à se tenir sous le régime du système uninominal majoritaire à un tour ». Oui, vous avez fait cette promesse. Tous les partis font des promesses mal avisées. Tous les citoyens le comprennent. La question devient alors la suivante: après les élections, lesquelles sont cruciales d'un point de vue électoral et lesquelles ne le sont pas? Selon moi, celle-ci ne l'est pas.
Le conseil que je vous donne, c'est de déclarer à la Chambre qu'après une étude minutieuse du Comité, vous vous êtes tous entendus sur le fait qu'il est plus important de prendre le temps de bien faire les choses plutôt que de mal les faire à la hâte. Faites confiance à la population à ce sujet. Vous ne le regretterez pas.
Merci de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
Nous discutons de divers modes de scrutin ainsi que des avantages et des inconvénients de chacun d'entre eux. Or aucun n'est absolument parfait.
Lors des deux élections les plus récentes, soit en 2011 et en 2015, le même scénario s'est pour ainsi dire répété, à savoir qu'un parti a obtenu 39 % des votes et 55 % des sièges. Pendant quatre ans, ces gens disposent de la majorité au sein des comités et de la Chambre et peuvent donc y imposer leurs points de vue. Ce système comporte certains avantages.
Au NPD, nous pensons qu'un système proportionnel mixte a aussi comme avantage de permettre, la plupart du temps, l'établissement de gouvernements stables, d'avoir un lien avec les élus locaux et la capacité de produire des politiques publiques qui font consensus ou qui suscitent l'adhésion de la majorité.
En fait, lorsque le système uninominal majoritaire à un tour trahit complètement la volonté des électeurs, cela cause des problèmes à certains. Cela n'est pas arrivé souvent au niveau fédéral. En 1979, le Parti conservateur a été élu en tant que gouvernement minoritaire alors que les libéraux avaient obtenu plus de votes.
Au Québec, par contre, cela s'est produit à trois reprises dans le cadre du même système. Ce fut le cas en 1944, en 1966 et en 1998. Dans ces cas, la majorité des électeurs avait choisi un parti, mais à cause de la distorsion inhérente au système, c'est un autre parti qui a formé le gouvernement. Pour ma part, j'avais dit que c'était inacceptable. De son côté, le professeur Massicotte nous a dit récemment que c'était horrible qu'une telle chose se produise.
Monsieur Johnston, ne croyez-vous pas que ces exemples historiques devraient nous inciter à opter pour un système dans le cadre duquel la volonté ou la majorité populaire ne serait pas contredite par le mode de scrutin?
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Merci, monsieur le président.
Depuis le début des travaux de ce comité, nous nous disons ouverts à un changement, mais pas n'importe à lequel et pas n'importe comment. Il ne suffit pas que nous soyons favorables au changement pour que, tout à coup, une aura de vertu apparaisse au-dessus de nos têtes.
Monsieur Johnston, vous avez expliqué avec justesse que tout ce débat était surdéterminé par la partisanerie. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il faut aller au-delà des partis. Ce n'est pas un débat de politiciens, d'experts ou d'initiés. Nous devons suivre un processus qui, je le souhaite, nous permettra d'atteindre un consensus d'ici le 1er décembre prochain et de redonner à la population la possibilité de se réapproprier ce débat. Pour ce faire, nous pensons que, dès maintenant, il faut se positionner quant à la tenue d'un référendum. Aucun système n'est parfait. S'il n'y a pas de système parfait, c'est donc qu'il y a un arbitrage à faire quant aux inconvénients et aux avantages des différents systèmes. Or si cet arbitrage est laissé entre les mains des politiciens, nous ne nous entendrons pas.
Il serait dommage que le 1er décembre prochain, trois tendances se soient exprimées, que nous ne soyons arrivés à rien et que nous mettions tout cela sur la tablette. Si nous voulons un changement réel, ne nous laissons pas encarcaner par les délais d'un premier ministre qui a peut-être été trop enthousiaste pendant la campagne électorale. Faisons les choses correctement.
Je ne pense pas contredire ce que vous soutenez, messieurs Gibson, Johnston et, je présume, monsieur Bricker. Étant donné que seulement 3 % des gens savent ce que nous sommes en train de faire, si ce débat est laissé strictement entre les mains des parlementaires, il sera difficile d'atteindre la légitimité escomptée.
Monsieur Gibson, vous avez dit que ce débat ne pouvait pas se faire de manière abstraite. En effet, ce sont les détails qui posent problème. Il ne suffit pas de dire que nous voulons un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire pour assurer que le modèle ne comporte pas de biais partisan. On l'a d'ailleurs vécu au Québec. Le modèle choisi par le gouvernement Charest créait 26 régions. Plutôt que de favoriser la pluralité idéologique, cela favorisait strictement les trois partis déjà représentés à l'Assemblée nationale.
Étant donné que ce sont les détails qui posent problème, que nous suggérez-vous de faire à cet égard? Pour ma part, je suggère qu'en 2019, on tienne un référendum en même temps que l'élection. De toute façon, nous n'avons pas le temps de le faire avant cela. Par contre, si nous procédons comme je le suggère, nous aurons le temps de passer à une deuxième phase. Celle-ci pourrait être un avant-projet de loi portant sur un modèle précis. Nous pourrions alors consulter les gens sur quelque chose de tangible.
Nous allons maintenant consulter les gens sur leur volonté de changement, mais nous n'avons rien de précis à leur proposer. Si ce sont les détails qui posent problème, je me demande comment ils pourront se faire une idée sur tous les systèmes au sujet desquels nous allons les consulter. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
Je sais que c'est long, monsieur le président, mais notre façon de fonctionner...
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J'ai quelque chose à dire à ce sujet, qui pourrait donner lieu à une modification. Laissez-moi d'abord en parler, puis nous verrons s'il est approprié d'apporter une modification ou si cela peut être traité sans autre formalité.
Simplement, nous savons tous que la question a été soulevée parce que le ministre a tenu une séance de discussion ouverte au Nunavut, et qu'il n'y avait pas de service de traduction en inuktitut. Des préoccupations ont été soulevées à ce sujet. N'étant pas un expert de l'inuktitut, par simple curiosité, j'ai fait des recherches et j'ai découvert que le Nunavut avait deux langues officielles en plus de l'anglais et du français: l'inuktitut et une autre langue maternelle appelée — et pardonnez-moi, il se peut que je ne le prononce pas correctement — inuinnaqtun, qui est la langue parlée dans la région de Kitikmeot. La région de Kitikmeot, si vous avez une image mentale du Nunavut, constitue la partie ouest du Nunavut. C'est une zone qui se sent parfois délaissée par les politiques du Nunavut. Si vous lisez l'article de Wikipédia à ce sujet, vous apprendrez pourquoi. La région est physiquement divisée. Elle se trouve dans un fuseau horaire différent, et on y parle une langue différente. Pour se rendre à Iqaluit à partir de Kitikmeot, vous devez quitter le territoire et voler vers le sud. L'aller seulement coûte environ 2 000 $ selon Wikipédia. Je n'ai pas vérifié par moi-même.
Vous comprenez que, si nous essayons d'être inclusifs, il est important de le faire. Certaines personnes décrivent cela comme un dialecte. D'autres disent que c'est une autre langue. C'est un débat pour linguistes, mais je voulais le mentionner.
Nous serions probablement d'accord.
La deuxième chose que je veux mentionner est la suivante : il faut savoir que l'inuktitut est de loin la langue autochtone la plus parlée au Canada par les gens qui ne parlent qu'une seule langue et qui n'est ni l'anglais ni le français. Cela englobe les gens du Nunavut. Il y a également une grande population qui parle l'inuktitut au Nunavik, région au nord du Québec. D'un point de vue réaliste, la majorité des modèles de réforme électorale que nous étudions n'auront aucun effet sur le Nunavut. Par exemple, il n'y aura pas de VUT ni de SMP au Nunavut, quelle que soit notre volonté de l'introduire à l'échelon fédéral, puisqu'il n'y a qu'un seul siège pour le territoire. Même s'il vaut la peine d'entendre ce que les gens qui vivent au Nunavut ont à dire à cet égard, il convient de se rappeler que cela les touchera beaucoup moins que ceux qui vivent au Nunavik, dont la population n'est pas petite. Le nombre d'Inuits là-bas, selon les lectures que j'ai faites à ce sujet, est d'environ le tiers de la population du Nunavut. Ces gens qui seront touchés par les changements, et qui pourraient être concernés par les changements qui pourraient se traduire par des circonscriptions plurinominales ou des augmentations... leur circonscription est déjà énorme. De possibles augmentations plus importantes les toucheraient grandement.
Je propose d'essayer de trouver de nouvelles façons d'inviter les gens qui parlent l'inuktitut, qui ne résident pas au Nunavut proprement dit, à participer à cette rencontre particulière. Je crois que cela s'avérera avantageux pour eux. Certainement...