:
Merci, monsieur le président, de nous donner l'occasion de parler des efforts continus de l'Agence du revenu du Canada pour lutter contre la planification fiscale internationale abusive et l'évasion fiscale.
L'ARC est résolue à protéger l'intégrité du régime fiscal canadien en luttant contre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal sur tous les plans. Permettez-moi brièvement de clarifier ce que nous entendons par évitement fiscal et évasion fiscale.
L'évitement fiscal consiste à réduire l'impôt minimum en contrevenant à l'objet et à l'esprit des lois fiscales canadiennes, mais non à la lettre de la loi. Il peut entraîner d'importantes pénalités financières ainsi que des intérêts. L'évasion fiscale signifie réduire de façon intentionnelle des impôts exigibles, par exemple en dissimulant des revenus ou des biens et en effectuant de fausses déclarations. L'évasion fiscale est un crime. En plus de recevoir une nouvelle cotisation fiscale et de devoir payer des intérêts et des pénalités, les contribuables qui sont reconnus coupables d'évasion fiscale pourraient recevoir une peine d'emprisonnement et payer des amendes imposées par les tribunaux. De telles amendes peuvent représenter jusqu'à 200 p. 100 des impôts qu'ils ont tenté d'éviter de payer.
[Français]
La clé de la stratégie nationale et internationale de l'agence en matière de prévention de la planification fiscale abusive et de l'évasion fiscale est de permettre aux contribuables d'observer leur obligation fiscale plus facilement. Cette stratégie repose sur une exécution soutenue de la loi et le rappel constant que les conséquences de l'évasion fiscale ou de l'évitement fiscal sont graves.
Le fait de dissimuler des revenus et des biens dans des administrations étrangères représente un grave problème dans de nombreux pays à l'échelle planétaire, y compris au Canada.
Lorsque les Canadiens ne paient pas leurs impôts, ils privent les citoyens de ressources qui auraient pu être affectées aux soins de santé, aux soins pour enfants, à l'assurance-emploi, aux pensions et à d'autres programmes. Les entreprises qui ne paient pas leurs impôts en tirent un avantage injuste par rapport aux autres entreprises.
Nous nous attendons à ce que les contribuables agissent de bonne foi. S'ils concluent des opérations financières dont le but ultime est l'évasion fiscale ou l'évitement fiscal, nous agissons et les conséquences sont graves.
[Traduction]
Le Canada n'est pas le seul pays qui lutte contre l'évasion fiscale et la planification fiscale internationale abusive. Le problème est mondial.
De concert avec ses partenaires de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Canada fait figure de chef de file dans l'établissement et la mise en application de normes fiscales qui ont reçu l'assentiment sur le plan international. Les leaders du G20, y compris le Canada, ont annoncé la fin de l'époque du secret bancaire lors de leur Sommet de Londres, en avril 2009. Ils se sont publiquement engagés à prendre des mesures à l'encontre des administrations peu coopératives, y compris les paradis fiscaux.
La relation étroite du Canada et ses partenaires internationaux illustre bien que les pays peuvent s'échanger de l'information afin de révéler des renseignements permettant de lutter contre l'évasion fiscale ainsi que des renseignements liés à des stratagèmes d'évitement fiscal international abusif. Cette relation étroite s'appuie sur le réseau canadien de 87 conventions fiscales, l'un des plus importants dans le monde, grâce auquel nous pouvons échanger de l'information avec d'autres pays.
Nous travaillons d'arrache-pied à accélérer la circulation des renseignements en négociant de nouveaux accords d'échange de renseignements à des fins fiscales, en mettant à jour les conventions actuelles et en améliorant les ententes administratives avec les autres pays. L'ARC a augmenté les ressources affectées aux questions fiscales internationales. Depuis 2006, le nombre d'employés à temps plein qui travaillent pour le programme de planification fiscale abusive de l'ARC a doublé, et le nombre d'employés à temps plein travaillant dans le domaine des vérifications internationales a augmenté de 44 p. 100.
Dans les centres d'expertise partout au Canada, nous avons engagé des professionnels chevronnés dans le domaine de la vérification et des spécialistes des questions fiscales internationales et de l'évitement fiscal. Depuis 2006, l'ARC a vérifié plus de 6 700 dossiers, découvrant environ 3,5 milliards de dollars en impôts impayés grâce à ses efforts de lutte contre la planification fiscale internationale abusive. En 2009 seulement, l'ARC a découvert un milliard de dollars en impôts impayés liés à des activités internationales.
L'ARC lutte aussi contre l'évitement fiscal devant les tribunaux. La demande péremptoire à l'égard de personnes non désignées nommément est une autorisation judiciaire qui permet à l'ARC d'obtenir des renseignements. Nous l'utilisons aussi pour obtenir des informations sur des stratagèmes d'évitement fiscal qui s'appuient sur les lois sur le secret bancaire d'administrations étrangères afin de dissimuler des revenus ou la propriété et le contrôle des biens. En invoquant la demande péremptoire à l'égard de personnes non désignées nommément, le ministre est en mesure d'exiger d'une personne ou d'une entreprise qu'elle fournisse des renseignements sur un tiers non désigné. L'ARC a invoqué la demande péremptoire à l'égard de personnes non désignées nommément dans de nombreux cas nationaux et internationaux.
L'éducation constitue un autre élément important de stratégie de l'ARC. Grâce entre autres à des visites dans les collectivités, des allocutions, des séminaires, son site Web et ses publications, l'ARC s'assure que les Canadiens sont au courant des conséquences de l'évasion fiscale.
[Français]
L'agence a communiqué avec succès son message concernant ces conséquences. Il s'agit d'un facteur important qui explique l'augmentation marquée du nombre de contribuables qui, dans le cadre du Programme de divulgations volontaires, déclarent des biens qu'ils avaient auparavant dissimulés.
Lorsqu'ils font appel au Programme de divulgations volontaires, si leur divulgation répond aux critères, ils sont quand même tenus de payer tous les impôts, plus les intérêts.
Le nombre de divulgations reçues a augmenté régulièrement au cours des dernières années. L'an dernier, nous avons reçu près de 3 000 divulgations, représentant 138 millions de dollars en recettes fiscales impayées. Le nombre continue à augmenter.
Détecter l'évasion fiscale et la planification fiscale internationale et prendre des mesures est une tâche assez importante pour l'agence. Cela nécessite de s'engager à long terme, de recueillir des renseignements, d'établir des relations internationales et de sensibiliser les Canadiens.
Chaque année, à mesure que nous accomplissons notre travail, nous comprenons de mieux en mieux les stratagèmes d'évasion, les organisations qui y participent et la meilleure façon d'y mettre fin.
Alors, à mesure que les contribuables deviennent de plus en plus conscients, nous approchons de notre but, qui est d'obliger tout le monde à observer volontairement les lois fiscales canadiennes.
Merci encore une fois, monsieur le président, de nous donner l'occasion de discuter de nos efforts continus pour lutter contre la planification fiscale. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
:
Je m'appelle Brian Ernewein. Je suis directeur général de la Direction de la politique de l'impôt au ministère des Finances. Mon collègue, Alain Castonguay, m'accompagne aujourd'hui. Il est le chef principal des conventions fiscales et de l'entente sur l'échange de renseignements fiscaux au ministère des Finances.
Merci beaucoup de nous donner l'occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui afin de parler des comptes bancaires à l'étranger détenus par les Canadiens, des mesures prises par le Canada pour lutter contre l'évasion fiscale internationale et du rôle du Canada en ce qui concerne le Forum mondial sur la transparence et l'échange d'information pour des raisons fiscales.
Depuis 1996, le projet de l'OCDE sur les pratiques fiscales nuisibles, projet auquel participe le Canada, a permis de cibler un manque de transparence et d'échange de renseignements fiscaux qui minait la capacité des administrateurs fiscaux de faire appliquer les lois fiscales et de lutter contre l'évasion fiscale internationale.
J'aimerais mettre cela en contexte: bon nombre de juridictions ont gardé les lois sur le secret bancaire interdisant aux banques, sous peine de commettre une infraction, de divulguer à quiconque, y compris les gouvernements étrangers, des renseignements sur leurs clients. De telles lois peuvent encourager les Canadiens à avoir recours aux banques dans ces pays afin de dissimuler de l'argent ou de gagner un revenu d'investissement qui ne déclareront pas au Canada. Cela est, bien entendu, profondément injuste pour la plupart des Canadiens qui déclarent tous leurs revenus et paient leurs impôts.
En 2000, les pays de l'OCDE et ceux qui ne font pas partie de l'OCDE, y compris le Canada, ont créé un Forum mondial sur la transparence et l'échange d'information afin de promouvoir les normes de transparence et d'échange de renseignements fiscaux efficaces de l'OCDE — c'est ce que nous appellerons la norme de l'OCDE.
[Français]
Essentiellement, les standards de l'OCDE dans le contexte d'ententes bilatérales mettent de l'avant trois idées simples. Premièrement, un pays devrait fournir des renseignements de nature fiscale à un autre pays lorsque ces renseignements sont pertinents pour l'administration des lois fiscales de l'autre pays.
Deuxièmement, l'échange de renseignements fiscaux ne devrait pas être assujetti à quelques législations internes garantissant le secret de ceux-ci.
Troisièmement — et ceci est particulièrement pertinent à l'égard des juridictions qui n'imposent aucun impôt —, un pays devrait fournir des renseignements de nature fiscale nonobstant le fait que ce pays pourrait ne pas avoir un intérêt domestique dans les renseignements fiscaux demandés.
[Traduction]
Des normes de l'OCDE ont été mises en oeuvre grâce à des traités fiscaux et à des accords d'échange de renseignements à des fins fiscales — les AERF — et ont permis aux autorités fiscales d'avoir accès à des renseignements pertinents à leurs enjeux fiscaux afin de mieux appliquer et administrer leurs lois fiscales et lutter contre l'évasion fiscale internationale. Le Forum mondial a rédigé le texte de l'AERF qui a depuis été utilisé par la plupart des pays, y compris le Canada, à titre de modèle pour négocier des accords d'échange d'information fiscale bilatéraux.
Le point tournant dans la mise en oeuvre de la norme de l'OCDE a été le Sommet du G20 de 2009, à Londres. En avril 2009, les leaders du G20 ont indiqué qu'ils étaient prêts à prendre les mesures et à imposer des sanctions afin de protéger les finances publiques et les systèmes financiers de leur pays contre les autres pays et les abris fiscaux qui ne s'étaient pas engagés à respecter la norme de l'OCDE ou n'avaient pas réussi à la mettre en oeuvre.
Dès lors, le rythme des négociations des AERF et des protocoles pour incorporer la norme de l'OCDE dans les traités fiscaux s'est considérablement accéléré. Nous avons vérifié ces faits et avons vu qu'en avril 2009, 65 AERF et protocoles avaient été négociés à l'échelle internationale. Depuis octobre de cette année, il y en a plus de 560.
Que faisons-nous pour lutter contre l'évasion fiscale internationale au Canada? Dans le budget de 2007, le gouvernement du Canada a annoncé une politique qui prévoyait des mesures incitatives pour que les pays non signataires fassent des AERF avec le Canada pour inclure la norme de l'OCDE sur les échanges d'information fiscale. Le budget de 2007 a également indiqué que la politique gouvernementale dictait que tous les nouveaux traités et examens des traités existants devraient inclure la nouvelle norme d'échange de renseignements fiscaux.
Jusqu'à présent, nous avons signé 11 AERF et espérons qu'ils entreront en vigueur l'année prochaine afin que l'ARC puisse compter dessus pour obtenir des renseignements de la part des pays couverts par ces accords. Nous avons également pris part aux négociations d'AERF avec 14 autres pays. Nous espérons pouvoir conclure ces négociations et voir approuver ces AERF afin de les signer le plus rapidement possible.
Tous les 87 traités fiscaux en vigueur au Canada à l'heure actuelle, à l'exception de sept, répondent à la norme actuelle de l'OCDE sur l'échange de renseignements à des fins fiscales. Sur les sept qui ne s'y conforment pas, nous venons tout juste de signer un protocole avec l'un d'entre eux, soit la Suisse, afin de faire entrer en vigueur cette nouvelle norme. Nous avons commencé à négocier ou à renégocier avec les six autres pays la mise à jour des dispositions d'échange de renseignements dans leurs traités pour qu'ils respectent la norme de l'OCDE. Nous espérons conclure ces négociations et obtenir l'approbation de ces traités révisés aussitôt qu'ils seront signés, en espérant que ce soit le plus rapidement possible aussi.
Enfin, il y a d'autres dispositions dans nos lois sur les revenus fiscaux, qui sont soit en vigueur ou ont été proposées, et qui peuvent être des outils importants pour empêcher l'évitement fiscal international. Cela inclut notamment nos règles sur les déclarations étrangères, l'imposition des investissements dans des entités d'investissements étrangères, les propositions de resserrer notre régime fiduciaire pour les non-résidents et des nouvelles obligations de déclaration du dernier budget pour ceux qui participent à des transactions fiscales agressives.
Je n'entrerai pas dans les détails de ces règles dans ma déclaration préliminaire, mais j'aurais peut-être l'occasion de répondre à des questions là-dessus si vous le souhaitez.
Merci.
:
Si vous le permettez, je vais continuer là-dessus. Il y a des choses dans la déclaration d'ouverture de l'Agence du revenu du Canada qui sont pour le moins étonnantes.
Je commencerai à la page 6. On y lit que depuis 2006, l'agence a vérifié 6 700 dossiers pour recouvrer 3,5 milliards de dollars.
Si mes calculs sont bons, en prenant 3,5 milliards et en divisant par 6 700 dossiers, ça donne une moyenne d'environ 525 000 dollars que vous êtes allés chercher par dossier.
Ensuite, M. Montroy est venu nous dire que votre Programme de divulgations volontaires va très bien, que c'est un succès boeuf. Pour 3 000 divulgations, vous avez amassé 138 millions de dollars. Cela représente 46 000 $; c'est 11,5 fois moins.
Personne ne demande au contribuable de faire une déclaration volontaire d'impôts; il y est obligé. Alors que là, vous vous félicitez, vous vous vantez en disant que c'est incroyable d'avoir ramassé 46 000 $ en moyenne par la déclaration volontaire. Cependant dans le même texte, vous écrivez que quand on les poursuit et qu'on les analyse, qu'on y va à fond de train, ce sont 525 000 $, soit 11,5 fois plus.
Jean Drapeau a déjà essayé la taxe volontaire pour payer les Jeux Olympiques, ou l'Expo 67, je ne me souviens plus lequel c'était.
Il me semble qu'en matière fiscale, on ne doit pas parler d'acte volontaire, on doit poursuivre de plus en plus.
J'aimerais entendre vos remarques là-dessus.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être venus.
Selon moi, nous sommes ici pour deux choses: d'abord, nous tentons de cerner l'ampleur de ce phénomène, qu'on appelle évasion fiscale ou compte bancaire extraterritorial — essentiellement, cela reste de l'évasion fiscale. Pour ma part, j'estime qu'il y a deux types d'évasion fiscales, nationale et internationale.
Je ne peux pas croire que vous n'ayez aucune estimation. Notre priorité devrait donc être de déterminer à combien s'élève la somme qui n'a pas été imposée, puis quel genre d'outils nous pouvons vous donner pour que vous puissiez mettre la main sur cet argent. Voilà de façon bien simple ce que nous tentons de faire ici.
Nous avons vu différentes estimations, qu'elles viennent d'experts indépendants de l'OCDE ou d'ailleurs. Ma première question est donc la suivante: comment ces calculs sont-ils faits à l'interne? Vous faites sûrement un calcul quelconque. Je suis certain que le ministère des Finances fait ces calculs pour l'ARC.
Comment chiffrez-vous l'évasion fiscale, que ce soit à l'échelle nationale ou internationale? Je comprends que ce ne peut être qu'un chiffre approximatif, parce que si vous connaissiez précisément ce chiffre, cet argent vous aurait déjà été versé, n'est-ce pas?
:
Pourrais-je intervenir?
M. Massimo Pacetti: Oui, allez-y.
M. Brian Ernewein:Premièrement, nous avons en effet une excellente procédure pour l'échange de renseignements avec les États-Unis. Dans bien des cas, cet échange de renseignements se fait automatiquement. Mes collègues pourront vous en dire plus, si vous le souhaitez, mais le système fonctionne très bien.
Deuxièmement, en ce qui concerne la conclusion d'ententes d'échange de renseignements avec de nouveaux pays, il y a, je vous l'accorde, des doutes quant à la fermeté de leur engagement et à leur capacité de nous fournir les informations que nous leur demandons.
Dans le cadre de ses travaux, le Forum mondial a justement entrepris une analyse en deux étapes. On examinera d'abord l'architecture juridique de tous les pays, y compris le Canada, pour déterminer si les lois et les ententes nécessaires à l'échange de renseignements sont en place.
Pendant la deuxième étape, qui a été amorcée pour certains pays et commencera d'ici un an ou deux pour les autres, on analysera et évaluera le rendement sur le terrain pour s'assurer que tous ceux qui se sont engagés à échanger des renseignements le font véritablement.
Bonjour, messieurs, mesdames.
Les chiffres que vous nous présentez, madame Ricard, me semblent effarants. À la page 6, justement — je reviens là-dessus — vous dites : « En 2009 seulement, l'ARC a découvert 1 milliard de dollars en impôts impayés liés à des activités internationales ». C'est extraordinaire d'apprendre ça.
Si on se met à la place des contribuables qui nous écoutent actuellement, je pense que ce n'est pas à notre honneur, en tant que gouvernement. C'est sûr qu'on attrape ces gens-là, mais si on a découvert un milliard de dollars, cela veut dire qu'il y a beaucoup plus d'argent qui n'est pas encore découvert. Je me demande où se trouve la lacune.
Est-ce que vous faites des démarches auprès du gouvernement pour essayer de remédier à la situation? À mes yeux, c'est tout à fait anormal qu'après avoir vérifié des dossiers, on découvre tout à coup pour un milliard de dollars en impôts impayés au cours d'une année. Quand on pense à toutes les tracasseries que de simples contribuables peuvent subir de la part de l'Agence du revenu, je pense qu'il y a beaucoup d'argent à aller chercher ailleurs. Est-ce que vous exprimez une recommandation?
Dans les deux premières pages de votre présentation, tout est beau, tout va bien, on semble vivre le parfait bonheur, mais en voyant les chiffres que vous nous mentionnez, la situation, selon moi, devient dramatique. J'aimerais avoir une idée des recommandations que vous faites au gouvernement pour améliorer la situation.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos invités d'être venus témoigner aujourd'hui.
Dans ce domaine, comme tant d'autres, on peut lancer bien des chiffres mais parlons franchement, le public ne comprend pas très bien ce qui se passe; moi non plus d'ailleurs, avant de commencer à m'intéresser à la question. Je pense en toute justice qu'il faut le souligner.
Par exemple, on n'a parlé des sommes récupérées. On n'aurait pu parler des impôts perçus et non des vérifications des activités internationales. J'ignore ce qui se passait voilà 15 ou 20 ans, quand cette personne était ministre, mais j'imagine qu'on s'affairait à percevoir des impôts.
Permettez-moi de donner quelques exemples. D'après ce que vous avez répondu à d'autres députés, votre organisme ne perd pas beaucoup de temps à deviner le montant des impôts impayés. Vous sévissez contre ceux qui se livrent à l'évitement fiscal — ce qui n'est pas un acte criminel, mais entraîne quand même certaines pénalités, etc., et nous devons récupérer cet argent — ou ceux qui ne paient pas leurs impôts délibérément, ce qui est un acte criminel. D'après les réponses que vous avez données jusqu'ici, vous travaillez activement dans ce sens.
D'après les statistiques que vous m'avez données, il y avait environ 278 cas en 2005 et 2006, et quelque 175 millions de dollars ont été recouvrés — c'est-à-dire découverts, récupérés et remboursés. L'année dernière, à cette date, on avait découvert environ 1 250 cas qui représentaient environ un milliard de dollars.
Est-ce parce que vous avez plus de ressources à présent? Affectons-nous plus de gens et d'argent à cette activité? Est-ce cela qui explique cette augmentation faramineuse des sommes récupérées?
:
C'est une bonne question et il est vrai que nous tenons à ce que le système en place renforce la capacité de l'ARC de faire respecter les lois du Canada.
D'abord, je rappellerai que le Canada a un système d'autocotisation. Dans la majorité des cas, les Canadiens sont honnêtes qui déclarent leurs revenus et paient leurs impôts. Quant à mettre en place, pour ceux qui ne le font pas, davantage de règles ne réduit pas nécessairement les cas de fraude fiscale. Rédiger une autre loi pour dire aux contribuables qu'ils doivent absolument payer leurs impôts ne vas pas nécessairement faire avancer les choses. Il faut, pour ceux qui cherchent à éviter de payer leurs impôts, mettre en place d'autres sortes de règles ou communiquer à Revenu Canada davantage de renseignements qui lui permettront de retracer ces contribuables.
Dans le contexte de l'impôt international, sur lequel porte la séance d'aujourd'hui, je crois, j'ai mentionné quelques nouveaux éléments dans ma déclaration préliminaire. Nous avons en place depuis un certain nombre d'années des règles sur la déclaration d'actifs à l'étranger. Ces règles n'exigent pas de déclaration des revenus mais bien l'existence d'actifs étrangers; c'est une autre façon de trouver des solutions à ce problème.
Nous avons mis en place il y a quelque temps des règles qui traitent de l'imposition des investissements dans de prétendues entités de placement étranger...
:
C'est une idée. Si le pays est un bon partenaire commercial et que ce partenariat vaut la peine d'être créé, il me semble que nous devrions travailler dans l'intérêt des deux pays.
Enfin, j'aimerais parler de ces entreprises sur Internet qui transmettent à tout le monde au Canada des millions et des millions de messages disant qu'il y a un problème avec le compte à la Banque TD, que le compte a été fermé, qu'il faut que le récipiendaire réponde immédiatement pour corriger le problème. Il y a un logo sur ces courriels. On fait la même chose pour la Banque Scotia, la Banque Royale et chacune de nos banques nationales.
Les expéditeurs échappent à la loi canadienne mais il ne fait aucun doute qu'ils fraudent énormément de Canadiens. C'est tout aussi inacceptable que l'évasion fiscale et l'évitement illégal.
En quoi ces pratiques influencent-elles les relations internationales quand bon nombre de ces pays, dont l'Inde, la Chine, etc., hébergent des entreprises téléphoniques et des banques en ligne qui bombardent les Canadiens de tentatives de fraudes?
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Ernewein, dans un premier temps, je vais spontanément vous offrir de revenir avec Léo-Paul Lauzon et l'équipe de l'Université du Québec à Montréal, étant donné que vos collègues de l'autre endroit n'avaient pas eu le temps de prendre connaissance de leur étude. Vous avez répondu en évoquant de façon assez péremptoire et globale la non-validité de leur approche. J'ai hâte de vous entendre étayer votre position d'arguments substantiels, parce que l'étude de l'UQAM me paraissait assez valable.
Je vous lance l'invitation officieusement, mais soyez assuré qu'elle sera suivie d'une invitation plus officielle.
[Traduction]
Je vais très rapidement piger dans la liste des affaires devant les tribunaux pour tenter d'obtenir des réponses des fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada sur l'état d'avancement du dossier.
[Français]
Dans le cadre d'une enquête menée par la France au sujet d'une filiale suisse de la banque HSBC, on a découvert plus d'un milliard de dollars d'avoirs cachés en Suisse par des Canadiens. Vous enquêtez sur ce sujet. Où en êtes-vous, précisément? S'agit-il toujours du dossier que vous dites vouloir étudier depuis le printemps dernier et à propos duquel vous n'avez pas de suivi à nous offrir aujourd'hui? C'est bien ça? D'accord.
Il y a aussi le cas de RBC Dominion Securities. J'ai ici un affidavit provenant d'un de vos vérificateurs. Je m'excuse, mais c'est en anglais. On peut y lire ce qui suit:
[Traduction]
... des résidents canadiens utilisent des montages comportant des entités titulaires de comptes au Liechtenstein et des comptes à l'étranger, ce qui leur permet de se faire passer pour des non-résidents et de cacher leurs investissements et leurs autres revenus de l'ARC et qui se soustraient à leur obligation de payer l'impôt au Canada...
[Français]
Cela se retrouve dans le Globe and Mail et à la CBC. Où en est-on pour ce qui est du Liechtenstein?
:
Je veux revenir sur la déclaration que M. Ernewein a faite plus tôt au sujet des renseignements qu'on n'a pas, apparemment, notamment sur les institutions bancaires. Ça m'étonne beaucoup parce qu'en vertu de la Loi sur les banques, qui est du ressort du , les institutions bancaires ont l'obligation de faire un rapport chaque année. Quelques-unes d'entre elles ont déjà publié celui du 31 octobre 2010 et je présume qu'au ministère des Finances, ainsi qu'à l'Agence du revenu, on a ces rapports. Chose certaine, on a tous ceux du 31 octobre 2009. Je trouve curieux qu'on dise ne pas connaître ces chiffres.
Par exemple, à la page 133 du rapport annuel de la Banque Scotia, on dit qu'il y avait 10 paradis fiscaux et que ça faisait économiser 325 millions de dollars en impôts au Canada. À la page 128 du rapport annuel de la RBC, on dit que cette banque a 28 filiales dans des paradis fiscaux et qu'elle épargne 360 millions de dollars en impôts aux Canadiens. On ne parle pas ici de sommes imposées sur leurs revenus, mais d'impôts qu'ils doivent. Pour ce qui est de la TD, on parle à la page 129 de quatre filiales et on dit que la somme totalise 450 millions de dollars. Du côté de la CIBC, on dit à la page 150 qu'il y a 12 paradis fiscaux et que le montant se chiffre à 118 millions de dollars. Ces gens ne sont pas très efficaces. Quant à la Banque de Montréal, on parle à la page 152 de trois paradis fiscaux et d'une somme de 212 millions de dollars. Enfin, à la page 144 du rapport de la Banque Nationale, on note qu'avec deux pays seulement, cette banque épargne 45 millions de dollars. Au total, on parle de 59 pays, dont neuf sont sur la liste grise; 11 d'entre eux ont signé avec le Canada des accords qui ne sont cependant pas en vigueur, et 14 n'ont pas signé d'accord mais participent présentement à des négociations. Pour 2009, on parle de 1,5 milliard de dollars. Je suis étonné d'entendre dire qu'on n'a pas de renseignements.
Comment se fait-il que la main gauche du ne soit pas en mesure de dire à sa main droite qu'un milliard et demi de dollars sont disponibles? On le dit chaque année, et je vous gage ma chemise — quoique vous ne la voulez peut-être pas — que pour le 31 octobre 2010, ça va être pire encore. Selon moi, conclure une amnistie, c'est l'équivalent de devenir amnésique. C'est comme si on disait que tout va bien et qu'on oublie ça.
Comment se fait-il que vous n'alliez pas chercher cette information, qui est disponible, ou que vous fassiez semblant de ne pas être au courant?
:
Je vous remercie de la question. Je suis heureux d'avoir la possibilité d'y revenir parce qu'elle m'apparaît importante.
D'abord, si j'ai donné l'impression que nous ne possédons pas l'information concernant nos banques, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Je ne crois pas que cela soit vrai. Le député a montré que nous possédons de l'information sur les banques canadiennes.
Ce que j'essayais de dire plus tôt, c'est que nous n'avons pas d'information sur l'évasion fiscale, ce qui peut signifier que nous n'avons pas d'information au sujet des investissements canadiens que détiennent les banques étrangères. Mais je ne crois pas que cela soit vrai au sujet des banques canadiennes. Comme le montrent les rapports, nous possédons cette information.
Deuxièmement, je ne crois pas que ce soit une affaire d'évasion fiscale. Nos banques canadiennes ont des activités au Canada et à l'étranger et pour ce qui est de leurs investissements et de leurs opérations à l'extérieur du Canada, ils ne paient pas d'impôt courant canadien quand ces opérations sont le fait de filiales. Je ne crois pas que la même règle s'applique dans tous les pays du monde. Pour autant que je sache, un seul pays a déjà cherché à imposer le revenu d'entreprise de filiales étrangères et il a abandonné l'idée. Personne d'autre ne le fait. Notre système est très semblable.
Je ne crois donc pas que l'on puisse parler d'évitement ou même d'évasion fiscale. Il s'agit en réalité de revenu gagné dans un pays étranger et assujetti aux lois fiscales qui s'appliquent dans le pays.
:
Merci. Je vais prendre quelques instants pour décrire les règles qui s'appliquent dans le contexte international. Il y a aussi d'autres règles qui s'appliquent au Canada.
Il y a depuis plusieurs années des règles de déclaration des actifs à l'étranger et il ne s'agit pas, comme je l'ai dit plus tôt, de déclarations de revenus mais plutôt de simples déclarations de l'existence d'actifs étrangers que l'Agence du revenu du Canada peut utiliser comme indicateur afin de procéder à une enquête un peu plus poussée pour déterminer si tous les revenus associés à ces actifs sont effectivement déclarés.
Nous avons aussi des règles relatives aux investissements dans ce qu'on appelle les entités de placement étrangères — fonds communs de placement étrangers et autres placements semblables — selon lesquels l'impôt est payable si l'investissement a été fait pour des raisons liées à l'impôt. D'autres règles viendront. Les règles ont été modifiées dans le budget de 2010 afin de resserrer le régime applicable aux fiducies non résidentes pour faire en sorte que les gens ne puissent plus... je ne dirai pas commettre d'évasion, parce que ce sont des gens qui veulent se conformer à la loi — mais pour faire en sorte qu'un bon montant d'impôt soit payé même par ceux qui investissent à l'extérieur du Canada par le biais d'une fiducie non résidente.
Enfin, dans le budget de 2010, il y a une proposition concernant l'instauration de nouvelles obligations de déclaration pour ceux qui participent à des transactions fiscales abusives. Si ces transactions comportent une entente de confidentialité avec le conseiller ou le promoteur, ou s'il y a des frais associés à la réussite ou non de la planification fiscale ou s'il y a une assurance ou une couverture quelconque en cas d'échec, ces critères, compte tenu de la transaction d'évitement fiscal initiale, obligeront le contribuable, et dans certains cas son conseiller ou promoteur, a déclaré la transaction à l'ARC ce qui donnera à cette dernière l'information dont elle a besoin pour pousser son enquête plus loin.
:
J'aimerais revenir aux stratégies pour l'avenir, parce que je pense qu'il est très important d'en parler avant la fin de la réunion.
Les amendes en cas d'évasion fiscale varient entre 50 p. 100 et 200 p. 100 des intérêts. C'est vraiment impressionnant. Lorsque je travaillais comme comptable agréé, j'ai passé de nombreuses années à préparer des déclarations d'impôt. Je dois avouer, j'ai eu à m'occuper de cas où les gens me disaient: « J'ai eu des difficultés. Je n'ai pas pu payer mes impôts. Le temps que je me rétablisse, ma dette fiscale était si élevée que je n'avais absolument pas les moyens de la rembourser. Donc je n'avais aucun choix, et je jouais à la roulette russe lorsque j'avais à décider si je pouvais continuer sans risquer de recevoir un appel téléphonique. Une fois qu'on reçoit cet appel, la prochaine chose à faire c'est probablement de se trouver un bout de corde pour se pendre. » Il y a des exemples très clairs de ce genre. Je sais que le ministère des Finances et l'ARC savent très bien de quelle manière les gens se mettent dans le pétrin.
Le Programme des divulgations volontaires est un genre d'amnistie n'est-ce pas? Les gens peuvent se manifester et négocier quelque chose pour éviter à avoir à payer 200 p. 100 d'intérêt. Ils peuvent dire: « Voyons ce que je peux faire; je veux rembourser tout ce que je peux, mais je dois également survivre. » Il s'agit à toutes fins pratiques d'un programme d'amnistie.
Mais ne parlons pas d'amnistie. Nous avons déjà un programme qui permet aux gens, en toute bonne foi, de se manifester et de rectifier la situation de leur mieux à long terme. J'aimerais mieux avoir 80 p. 100 de quelque chose que 100 p. 100 de rien. Il faut que cela fasse partie de notre stratégie, du moins je l'espère.
Alors, si nous nous embarquons maintenant dans de nouvelles initiatives de traités internationaux et d'échange de renseignements, et que nous adoptons une position vraiment ferme à l'égard de ceux qui utilisent des instruments étrangers, ne serait-il pas temps de lancer un programme de sensibilisation du public plutôt que de nous contenter de brandir un gros bâton?
:
Si vous pouviez me fournir cette information, je l'apprécierais.
Je voulais revenir à la question des banques dans d'autres pays, monsieur Ernewein, et il me reste environ deux minutes et demie.
Prenons l'exemple de BMO, qui est propriétaire de Harris Bank aux États-Unis. Elle paie bien sûr des impôts aux États-Unis, mais sans éviter d'en payer au Canada. C'est une banque canadienne qui est propriétaire d'une banque aux États-Unis et qui par conséquent se conforme aux lois américaines en matière de fiscalité et d'autres choses. À mon avis, c'est une bonne chose pour le Canada et c'est une bonne chose pour les Canadiens, c'est-à-dire le fait que nos sociétés soient propriétaires de sociétés à l'étranger, c'est une bonne chose. Bien sûr, nous souhaitons voir autant d'investissements au Canada que possible, mais nous souhaitons également que nos entreprises soient des championnes mondiales.
Mais je pense que certains y voient un moyen d'éviter de payer de l'impôt alors que ce n'est pas le cas. Dans les quelques minutes qui me restent, j'aimerais vous donner l'occasion d'éclaircir la question des activités de nos banques et de nos compagnies d'assurances et des autres entreprises qui sont présentes à l'étranger et la question de l'évitement fiscal, car je crois réellement qu'il faut éclaircir cela.
:
Merci, monsieur le président.
Je suis heureux d'avoir l'occasion de revenir à cette question. En effet, je pense que l'exemple que vous donnez d'une banque canadienne propriétaire d'une institution financière américaine est excellent. Les taux d'imposition américains sont semblables ou, de plus en plus, supérieurs aux taux canadiens et cela peut vouloir dire que la banque paie davantage d'impôt américain sur le revenu de la banque américaine que les impôts qu'elle paie au Canada. Nous accordons un crédit pour l'impôt étranger c'est-à-dire que nous permettons aux entreprises canadiennes de déduire leur impôt étranger du calcul de leur impôt payé au Canada.
Dans de tels cas, les bénéfices d'une institution financière américaine appartenant à une société mère canadienne ne produisent pas plus d'impôt canadien, et cela semble raisonnable car il faut accorder le crédit pour impôt étranger pour éviter la double imposition. Ça c'est un cas.
Il y a aussi le cas de l'institution financière filiale d'une banque canadienne installée dans un pays où le taux d'imposition est inférieur au taux canadien. Dans ce cas-là, nous n'imposons pas les bénéfices commerciaux de la filiale étrangère, à l'instar de pratiquement tous les autres pays.
Cela m'amène à mon troisième point, c'est-à-dire la suggestion de traiter ces institutions financières étrangères appartenant à des banques ou à d'autres institutions financières canadiennes est de leur appliquer le taux d'imposition canadien. Je pense que c'est trompeur, car cela donne l'impression que si nous imposions ces bénéfices selon un taux de 25 p. 100, ces banques canadiennes conserveraient le même niveau d'activité. Toutes les autres banques du monde présentes dans le même pays bénéficieraient des mêmes règles de non-imposition et c'est pour des raisons de compétitivité que nous ne leur faisons pas payer d'impôt. Ainsi, l'idée d'appliquer un taux d'imposition fictif ou d'appliquer un taux d'imposition à ce revenu fictif serait je pense une mauvaise façon de mesurer les pertes de revenus des entreprises canadiennes.