Veuillez prendre place.
À cause d'une erreur logistique, nous n'avons pas certains objets, dont les maillets, alors ma tasse de café va faire l'affaire.
[Français]
En ce jeudi 27 octobre 2011, nous procédons à la quatrième séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne, du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
[Traduction]
Nous avons deux témoins aujourd'hui. J'aimerais qu'ils se présentent, puis nous passerons directement à leurs exposés.
Un autre problème est survenu: leurs présentations devaient être diffusées sur les écrans, mais il y a eu une autre erreur, alors ils devront lire leurs déclarations pour le compte rendu. J'aimerais m'excuser auprès de nos témoins. Nous prenons cette question très au sérieux tout comme nous vous prenons, en tant que témoins, très au sérieux.
Voulez-vous d'abord vous présenter avant de commencer?
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Nous allons essayer de donner un bref aperçu du pays.
La République démocratique du Congo se situe en Afrique centrale. Il s'agit du deuxième plus grand pays en Afrique. Auparavant, c'était le troisième plus vaste, mais depuis la création du nouveau pays au Soudan, nous sommes devenus le deuxième plus grand. Notre population compte environ 80 millions de personnes.
Nous allons parler du conflit au Congo. Certains décrivent ce conflit et cette guerre comme étant la Première Guerre mondiale de l'Afrique.
Certains facteurs complexes ont mené à ce conflit, l'un d'entre eux étant une crise de base, comme l'eau, le territoire, l'accès aux richesses minérales et leur contrôle. Depuis avril 1994, nous connaissons le problème du génocide du Rwanda.
Depuis le début du conflit en 1994, huit millions de Congolais sont morts. Il s'agit du conflit le plus meurtrier au monde depuis la Deuxième Guerre mondiale. Certains disent que 45 000 personnes vont continuer de mourir chaque mois, et le groupe le plus ciblé est celui formé des femmes et des enfants. C'est une des conséquences de la guerre.
Le Boston Globe a signalé que 1 152 femmes sont violées chaque jour dans ce conflit; 13 p. 100 des victimes ont moins de 14 ans; 3 p. 100 meurent des suites d'un viol; et 10 à 12 p. 100 des victimes contractent le VIH.
Selon le UNHCR, deux millions de personnes sont déplacées au pays.
Depuis 2006, 350 000 cas de viol ont été signalés, et un nombre encore plus important sont passés sous silence.
Le Guardian a écrit que, chaque heure, 48 femmes sont violées dans la région de Kivu. Aussi, la région de Kivu est le pire endroit où vivre pour les femmes.
Selon le Enough Project, le viol est une arme de guerre au Congo.
La Représentante spéciale des Nations Unies pour la violence sexuelle dans les conflits a déclaré que la RDC est la « capitale mondiale du viol ».
Les enfants représentent 19 p. 100 de notre population et sont touchés par ce conflit. Ils représentent 47 p. 100 des morts. ONUSIDA a estimé que de 400 000 à 500 000 personnes vivaient avec le VIH-sida à la fin de 2007. Pourquoi? Vous vous souvenez peut-être que la majeure partie du conflit au Congo vient du Rwanda et de l'Ouganda, et que ces pays avaient des taux élevés de VIH dans les années 1980. Et depuis le début du conflit, nous observons un taux plus élevé de VIH dans la population de la région de Kivu, et ce, à cause des viols.
Le VIH a fait 770 000 orphelins et a tué 2,7 millions d'enfants. Aussi, deux enfants sur cinq vont mourir avant d'avoir atteint l'âge de cinq ans.
Présentement, 67 p. 100 des enfants en âge d'aller à l'école primaire n'y vont pas. Selon l'UNICEF, 50 p. 100 des enfants âgés de 6 à 11 ans ne vont pas à l'école.
Des militants des droits de la personne et des journalistes sont ciblés et tués, et certains disparaissent.
Ce sont là les conséquences du conflit au Congo.
La question que nous avons pour vous aujourd'hui comme parlementaires est: le sujet mérite-t-il vraiment notre attention? Selon l'ONU, 48 femmes sont violées toutes les heures. Demeurerons-nous indifférents jusqu'à ce que le nombre atteigne 200 viols à l'heure?
La question est de savoir ce qu'on attend pour intervenir dans ce conflit au Congo? Attendez-vous qu'on atteigne 200 viols à l'heure? Où se situe le seuil de la compassion? Que faut-il pour que les Canadiens fassent preuve de compassion par rapport à ce conflit au Congo? Combien de femmes doivent être violées pour qu'on se soucie assez d'elles?
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Je vais continuer et terminer mon exposé pour vous faire comprendre que la situation est difficile pour moi. Je suis une victime. J'ai perdu certains membres de ma famille.
Je vais vous dire pourquoi on a besoin du Canada au Congo.
Nous avons dit que le Canada maintient sa présence de longue date au Congo, particulièrement dans la région du Kivu. Comme pays coprésident, le Canada est un ami et un membre de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs. Il a un important programme bilatéral d'aide au développement avec la RDC. Le Canada contribue également à de nombreuses initiatives multilatérales dans le domaine de la paix, de la bonne gouvernance, de la réduction de la pauvreté et de l'aide humanitaire.
Nous recommandons aujourd'hui au Canada de réagir à la crise humanitaire urgente et de renforcer l'engagement du Canada pour favoriser la paix et la sécurité dans l'Est de la RDC en collaboration avec le gouvernement de la RDC et les partenaires des ONG locaux.
Nous aimerions également que le Canada prenne des mesures concrètes pour composer avec les défis, le manque de sécurité, la mauvaise gouvernance et le manque d'infrastructures dans l'Est de la RDC.
Nous aimerions que le Canada élabore des projets tangibles par rapport à ces défis, en tenant compte de toute la gamme de besoins à satisfaire au Congo.
Comme organisme, nous tentons de faire avancer le statut des femmes et des enfants au Congo et de soutenir les femmes et les enfants qui sont victimes de violence sexuelle.
Je vais m'arrêter là pour céder la parole à ma collègue Nicole, qui va parler de certaines des questions dont nous avons discuté.
Je vous remercie.
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Je vous remercie de me donner la parole, Desire.
Chers amis, permettez-moi d'abord de vous saluer et de vous remercier de nous recevoir aujourd'hui. Non seulement est-ce pour nous un signe de solidarité et de compassion face à notre humiliation, mais c'est également un signe de votre engagement à respecter les valeurs universelles des droits de la personne codifiés dans la Charte internationale des droits de l'homme, qui est le fondement de la Charte canadienne des droits et libertés.
Chers amis, un droit n'est effectif que si, une fois violé, les victimes disposent de réelles possibilités de recours. Or, en pratique, dans des pays comme le nôtre où les droits de la personne sont méconnus par les pouvoirs en place, les victimes n'ont, dans la plupart des cas, aucun véritable recours. Je vous parle en tant que victime de la torture. Ça fait moins d'une année que je suis au Canada. Je suis Canadienne. Je suis rentrée au pays pour travailler dans le cadre des droits de la personne. J'ai été victime de la torture, arrêtée, détenue en République démocratique du Congo en septembre 2010 et, pour des raisons sécuritaires, je me retrouve ici dans mon deuxième pays, le Canada. Voilà ce qui justifie ma présence ici aujourd'hui. Je viens témoigner de ce qui se passe effectivement sur le terrain.
Les conflits en RDC, comme l'a souligné mon ami, dépassent aujourd'hui le cap national, régional, et deviennent un problème international. Comme on vous l'a dit déjà, ils ont fait d'innombrables victimes: des villages incendiés, des enfants recrutés dans les rangs des forces rebelles pour combattre, des femmes éventrées, violées, et j'en passe. Le viol est aujourd'hui utilisé comme arme de guerre en République démocratique du Congo pour humilier toute une population, humilier les femmes, intimider, déstabiliser, détruire toute une communauté, car, comme vous le savez, quand on touche à votre femme, on vous touche personnellement. C'est la femme qui donne la vie, et c'est elle qui est aujourd'hui détruite en République démocratique du Congo. Ces catégories de crimes entrent dans le cadre des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre, voire des génocides.
Face à cette situation, le Canada, qui est mon deuxième pays, a réaffirmé et continue d'affirmer fermement sa foi à l'égard des valeurs universelles des droits de la personne, de la justice, de l'égalité des droits entre l'homme et la femme. Nous comparaissons aujourd'hui devant vous, dans le cadre du Sous-comité des droits internationaux de la personne, afin de faire appel au Canada pour que, en se fondant sur les principes et les valeurs qu'il réaffirme ainsi que sur ceux de la coopération internationale, il nous aide, nous les victimes, à obtenir le droit à la justice, à la réparation et à la vérité. Nous voulons savoir pourquoi ces agressions sont perpétrées, pourquoi les femmes sont violées de manière aussi agressive. Il y a une raison, un but que nous connaissons: détruire toute une communauté.
En tant que victimes, nous avons trois choses à vous demander. Comme je l'ai dit plus tôt, le droit à la vérité est très important parce que nous devons savoir ce qui s'est passé, pour quelles raisons le Congo est agressé et qui sont les agresseurs. Il y a aussi le droit à la justice. Nous voulons pouvoir demander que tous ces agresseurs présumés — j'utilise ce terme parce que rien n'a encore été fait; ils n'ont pas encore été accusés devant les tribunaux — répondent devant la justice des actes et des crimes qu'ils ont commis en RDC. Comme vous le savez, lorsque ces auteurs vont répondre de leurs crimes devant les tribunaux, ce sera déjà pour nous, les victimes, un début de guérison. Lorsque votre tortionnaire est au pouvoir et que c'est à lui que vous devez demander justice, c'est encore plus dur.
Aujourd'hui, la justice congolaise connaît un dysfonctionnement important. Comme la plupart des procès qui ont été intentés pour des crimes contre l'humanité sont de l'apanage de la justice militaire — et comme on le sait, celle-ci obéit aux commandements —, les victimes peuvent difficilement obtenir justice à l'intérieur de la République démocratique du Congo
C'est pourquoi nous demandons à la communauté internationale, et aujourd'hui au Parlement canadien, de peser de tout son poids afin que notre gouvernement puisse traîner devant la cour des tribunaux internationaux les présumés auteurs des crimes contre l'humanité. Le viol des femmes a dépassé le cadre national.
Notre dernière demande est le droit à la réparation. En tant que victimes, nous devons en principe être réparées des préjudices que nous avons subis. Comme on vous l'a dit, des familles sont dispersées. Des enfants sont dans la rue et ne savent pas où sont leurs parents. Des femmes ont simplement perdu le goût de vivre et leur dignité d'être une femme. Elles sont rejetées par leur propre mari et par la communauté. C'est difficile. Ces femmes se trouvent dans la rue et ne savent pas quoi faire. Ces femmes ont besoin d'une réparation.
Plusieurs types de réparations peuvent être faites. Comme vous le savez, je n'aimerais pas revenir sur l'histoire du conflit de la RDC, mais les différents rapports fournis par des experts des Nations Unies et des organismes internationaux, comme Amnistie internationale et Human Rights Watch, sont clairs en ce qui concerne les causes réelles des conflits en RDC.
Donc, nous demandons que les compagnies minières canadiennes qui font de l'exploitation en RDC puissent s'engager dans la voie des réparations. C'est très important pour les Canadiens et Canadiennes. Pour la paix, nous voulons absolument que les réparations soient faites — les réparations tant psychologiques que sociologiques, médicales et juridiques dont j'ai parlé.
Je vous remercie de votre attention.
Nous comptons vraiment sur votre comité. Nous comptons également sur le Parlement canadien pour interpeller notre gouvernement afin qu'il pèse de tout son poids en ce qui concerne la crise en République démocratique du Congo et dans les Grands Lacs en général.
Je vous remercie.
:
Comme vous le savez, lorsqu'on commet un acte, ce qui compte d'abord, c'est l'intention derrière cet acte. Habituellement, celui qui viole une femme s'en va après avoir commis son acte. Dans les cas d'espèce présentés ici, c'est différent. Ici, des bâtons et des lames sont introduits dans le vagin des femmes, pour les détruire. Ce ne sont pas des viols commis pour assouvir un besoin; c'est autre chose. C'est la technique qui est utilisée.
Habituellement, les violeurs de femmes commettent leur acte, puis ils partent. Dans le cas présent, les violeurs ne partent pas: ils détruisent le vagin et le corps de la femme dans son entièreté. Parfois, ils leur coupent les seins, les enlèvent.
Je m'excuse, c'est trop dur d'en parler. Les techniques utilisées démontrent véritablement que l'intention derrière les viols perpétrés régulièrement au Congo n'est pas celle qu'on retrouve habituellement. L'intention est de détruire, saccager, humilier. Ils veulent faire passer leur mot d'ordre, leurs décisions, démontrer qu'ils sont plus forts. Ils envoient le message selon lequel ces autres hommes ne valent rien puisqu'eux-mêmes touchent à leurs femmes. Pour les atteindre, ils touchent à leurs femmes. Ils se fichent bien de ce qu'ils peuvent faire. C'est ce qui se passe.
Je pense que mon ami peut compléter ma réponse.
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Les auteurs de ces crimes appartiennent à plusieurs catégories. Il y a les forces rebelles. Il y a aussi les forces au pouvoir, et je parle ici des forces de sécurité, donc de la police ou de l'armée. Ces viols sont aussi perpétrés par d'autres personnes: des passants que l'on ne peut pas retrouver par la suite et face auxquels on ne peut pas demander justice, parce qu'on ne peut pas les identifier. Je parle ici d'autres régions que l'est du pays, où il y a des conflits.
Quand je traite de la difficulté de demander justice, je parle davantage des forces armés, des magistrats militaires. En RDC, en vertu du Statut de Rome, la justice militaire a pour le moment le pouvoir de juger les auteurs des crimes contre l'humanité, notamment le viol. Cet acte est en effet considéré comme un crime contre l'humanité. Toutefois, lorsque vous vous adressez à la justice militaire, qui obéit, comme nous le savons, au commandement militaire dont les règles sont très strictes, le magistrat n'est pas indépendant. Il est lié par la hiérarchie. Il ne peut donc pas évoluer de façon indépendante. C'est pourquoi nous nous demandons comment il est possible de demander justice auprès de ces policiers et militaires qui, en réalité, sont au pouvoir.
Aujourd'hui, on le sait. On parle des forces rebelles qui viennent violer les femmes, mais on sait aussi que tout juste après les négociations de Sun City, des forces associées aux rebelles se sont alliées à celles au pouvoir et ont mis sur pied un gouvernement. Or ces forces rebelles avaient commis des crimes dans la partie est de la RDC avant de se présenter à la table de négociations pour la paix. Ils doivent répondre de ces crimes, mais ils sont au pouvoir. Comment peut-on demander justice face à des gens qui sont au pouvoir? On a créé une commission vérité et réconciliation en RDC, mais ça n'a jamais fonctionné parce que les forces rebelles se sont retrouvées au sein de la commission. Celle-ci n'était pas indépendante et ne pouvait pas fonctionner. Voilà en résumé la difficulté à laquelle on fait face.
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Permettez-moi d'ajouter ceci à ce que ma collègue vient de dire. Particulièrement à l'est, il y a au moins 22 groupes armés, juste dans le Nord-Kivu et dans le Sud-Kivu. Les leaders de ces groupes sont majoritairement d'origine rwandaise. Ils prétendent être sur place parce qu'ils constituent une cause lointaine de ce conflit. Quoi qu'il en soit, il y a des faits qui ne sont pas encore rendus publics. C'est là l'avantage que nous avons. En fait, nous sommes là avec cette population. Nous sommes les victimes de ces crimes.
Beaucoup d'accusations sont lancées, mais derrière les accusations se trouve la réalité, et cette réalité, c'est qu'il y a une frontière. Le Nord-Kivu et le Sud-Kivu partagent des frontières avec le Rwanda. Ces gens ont toujours utilisé des militaires. Ils savent que le groupe des FDLR traverse la frontière pendant la nuit pour venir violer nos femmes. Ils prennent des prisonniers, des Hutus génocidaires qui sont en prison, et les envoient dans des villages au Nord-Kivu et même au Sud-Kivu pour commettre ces viols. En mars dernier, quatre personnes ont été arrêtées et ont dit tout cela.
C'est tout cela qui complique la situation. On ne sait pas contrôler ce qui se passe au Rwanda. Le leadership de notre régime n'est pas fort. Il ne sait pas contrôler les frontières. À mon avis, c'est le problème que nous sommes en train de vivre.
Le régime en place n'en parle pas. Il ne veut pas en parler. S'il n'y a pas de justice, c'est parce que le gouvernement est en train de colorer la situation. Il ne veut pas juger les promoteurs de ces viols. Voilà la situation.
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Parlons de l'action du Parlement de la RDC. En mars 2010, j'étais encore en République démocratique du Congo. Le 8 mars, nous fêtons la Journée internationale de la femme. En 2010, nous devions recevoir plusieurs femmes dans le cadre de la Marche mondiale des femmes. Nous devions nous réunir en RDC, au Sud-Kivu, dans le cadre de solidarité des mouvements féminins pour dénoncer ces actes de violence et amener les gouvernements à agir et à adopter des mesures concrètes. En guise de lancement de la Marche mondiale des femmes, dont j'étais la représentante en RDC à Kinshasa, nous avons organisé une marche le 27 mars 2010. Comme point de chute, nous sommes descendues d'abord auprès de notre ministère du Genre, de la Famille et de l'Enfant, puis au parlement, où nous avons déposé un mémo demandant que des mesures concrètes soient prises pour qu'on mette fin aux violences faites à la femme, et également à tout ce qui s'est passé à l'est, parce que les victimes sont plus des femmes et des hommes. Nous sommes allées jusqu'au parlement où nous avons déposé un mémo. C'était en mars 2010, alors cela fait maintenant plus d'un an et huit mois, et nous n'avons toujours pas de résultat ou de réponse.
En ce qui concerne la Loi sur la mise en oeuvre de la parité homme-femme, qui avait été recommandée par la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, on avait recommandé que chaque pays puisse adopter une loi pour mettre en oeuvre la parité entre les hommes et les femmes, mais cela n'a jamais été fait.
En gros, il n'y a pas de gouvernement responsable en République démocratique du Congo pour le moment. Personnellement, je suis déçue, car les femmes sont en train d'être violées, mais on ne peut pas dire qu'il y ait un gouvernement en place pour prendre en main la question des femmes. Les organisations de femmes et les organisations des droits de la personne, comme Amnistie internationale, à l'échelle internationale et régionale, se mobilisent. On lutte pour plaider sur le plan international, parce qu'on a compris que, malgré les recommandations des différents organismes, des Nations Unies et des ONG, il n'y a pas vraiment de changements sur le plan interne. Voilà pourquoi nous nous adressons à la communauté internationale. Nous espérons être aidés par tous ces pays membres des Nations Unies qui s'estiment solidaires et veulent défendre les valeurs universelles des droits de la personne. Ils pourront peut-être nous aider à mettre fin à ces formes de violence.
Les violences comme armes de guerre pourront peut-être cesser si les conflits en RDC se terminent. Car c'est la guerre qui perpétue ce genre de violences. C'est l'affaire des forces rebelles, qui sont installées là grâce aux forces au pouvoir. Ces dernières sont là pour contrer l'avance des rebelles, mais tous s'offrent la femme comme butin. Alors, la fin de la guerre mettra peut-être fin aux violences faites à la femme en RDC. C'est pourquoi nous demandons de l'aide pour mettre fin à cette guerre qui se répand dans l'est de la RDC.
Je vais y aller rapidement pour donner la parole à mon collègue. J'ai donné l'exemple des violences sexuelles utilisées comme armes de guerre. C'est vraiment trop dur de vivre ces réalités, surtout lorsque vous êtes sur le terrain.
Comme je l'ai dit plus tôt, on a violé des femmes et, au lieu de les abandonner et de les laisser, on a cherché à les détruire, c'est-à-dire détruire leur corps. D'autres ne sont même pas tuées. On les laisse vivre, mais elles n'ont plus la capacité de marcher, de sentir qu'elles sont des femmes, de procréer. On détruit le corps féminin. C'est cela, le problème.
Nous avons assez d'exemples. Nous avons même des photos, des images que nous pourrions mettre à la disposition de votre comité. Nous allons entrer en contact avec la section qui s'occupe des informations et mettre à votre disposition des cas de violences qui ont constitué des armes de guerre, avec images à l'appui.
Merci.
Je pense que vous désirez peut-être prendre la relève.
:
Merci, monsieur le président
Monsieur Kilolwa, vous avez parlé d'une communauté en péril. Vous, madame Mwaka, vous avez parlé des crimes contre l'humanité dans un pays où le gouvernement ne protège pas les citoyens. Au contraire, on peut dire que le gouvernement et des éléments du gouvernement sont responsables de cette situation.
[Traduction]
Comme vous l'avez dit, monsieur Kilolwa, vous vous sentez comme un orphelin sans parents.
[Français]
Premièrement, croyez-vous qu'il s'agit d'une occasion d'utiliser la doctrine de la responsabilité de protéger pour avoir une action collective internationale, comme nous l'avons fait pour la Libye, pour protéger et sauver la population?
Deuxièmement, quelles recommandations spécifiques souhaiteriez-vous faire au Parlement et au gouvernement du Canada dans le cadre de cette situation de péril?
:
Merci beaucoup de cette question.
Je pense que si nous y revenons aujourd'hui, c'est parce qu'on se dit que lorsque l'on est un État membre des Nations Unies et que l'on a ratifié certaines ententes ou souscrit à certains engagements, on devient de facto responsable.
Aujourd'hui, le problème de la RDC dépasse le cadre d'une responsabilité nationale. Ça devient une question de responsabilité internationale. En vertu du droit international humanitaire, nous pensons qu'il est aujourd'hui plus que temps que le Canada puisse prendre le leadership afin de protéger les populations civiles qui sont en train d'être massacrées à l'est de la RDC.
C'est une responsabilité internationale. Les droits de la personne sont universels. C'est une question qui concerne tous les pays. Il n'y aucun droit d'ingérence dans tout ça. On est en train de protéger les populations civiles en période de guerre, en période de conflit armé. Et il y a des textes sur lesquels le Canada peut s'asseoir pour fonder son action.
Voilà pourquoi nous demandons au Parlement canadien d'utiliser tous ses moyens et tout son pouvoir afin d'interpeller notre gouvernement, pour que des mesures concrètes soient prises pour protéger les populations qui sont décimées à l'est de la République démocratique du Congo.
Nous vous l'avons démontré ici, nous vivons dans un État sans droit, dans un État où n'importe qui peut venir piller les ressources minières et s'en aller et où n'importe qui peut prendre ses bagages et s'y installer sans qu'on sache qu'il y est.
Bientôt, la République démocratique du Congo tiendra des élections. Dans moins d'un mois, le 28 novembre, il y aura des élections. C'est la voix démocratique qui est autorisée pour que le peuple puisse élire ses dirigeants. Mais pour le moment, nous pensons que ces élections, peu importe le résultat qui en ressortira, risquent encore d'empirer la situation du peuple congolais.
Aujourd'hui, il y a une crise sur le terrain. Ceux qui suivent les actualités en Afrique voient combien c'est terrible. Donc, nous pensons qu'il est temps de protéger les populations congolaises, et que le gouvernement canadien, qui joue déjà un rôle très important en ce qui concerne l'aide au développement octroyé à la République démocratique du Congo, aille plus loin.
En ce qui concerne le viol, il y a même, du côté de l'ambassade ou de l'ACDI, des dispensaires, des hôpitaux qui s'occupent des femmes violées. Toutefois, nous voulons qu'on aille un peu plus loin parce que, qu'on le veuille ou pas, les populations sont déplacées et, en fin de compte, elles nous reviennent ici comme personnes réfugiées, alors qu'elles peuvent rester dans leur territoire et vivre paisiblement si nous adoptons une politique de prévention. C'est ce que nous demandons.
Donc, voilà un peu comment je peux répondre à votre question.
:
Je vais essayer de répondre à la question en disant que le Canada est depuis longtemps au Congo, surtout dans l'Est. Le Canada copréside actuellement la conférence internationale sur la région des Grands Lacs. Par l'intermédiaire de l'ACDI, le Canada envoie encore beaucoup d'argent dans l'Est. Ce sont des mesures concrètes prises par le Canada au Congo, mais nous aimerions en voir encore davantage.
Voilà pourquoi je dis que nous sommes comme des orphelins: vous avez envoyé de l'argent, mais nous ne le voyons pas. Nous ne pouvons pas le voir, parce que la paix et la sécurité sont compromises. Ce ne sont pas les ONG qui apporteront la paix et la sécurité; il faut que le gouvernement prenne les choses en main. Et je pense que vous, du Canada, devez mettre fin à ce gouvernement. Si vous voulez traiter avec lui ou entretenir des relations bilatérales, il doit respecter les droits de la personne. Il doit les respecter. Avant de lui offrir quoi que ce soit ou de coopérer avec le gouvernement actuel, il faut mettre des conditions relatives au respect des droits de la personne au Congo. Voilà, pour commencer.
Ensuite, je sais que vous traitez avec de nombreux Congolais ici: ils étudient ici, vous travaillez avec eux et il y a donc encore une autre possibilité. Accueillez-les, préparez-les de manière qu'un jour, peut-être, ils puissent aider le gouvernement en place, peut-être plus tard, on pourra voir comment le pays sera mené. Là-bas — j'ai bien du mal à le décrire. Le gouvernement ne répond pas aux besoins de la population comme il devrait le faire. Il se moque bien du peuple. Ces femmes dont nous parlons dorment dans les rues. Personne ne s'occupe d'elles. On nous a récemment envoyé un rapport selon lequel 800 enfants ont été conçus lors d'un viol. La communauté ne veut pas s'occuper d'eux. Le gouvernement ne fait rien. Qu'allons-nous faire de ces enfants?
Je crois donc que vous devez fixer des conditions pour toute coopération bilatérale avec le gouvernement congolais. Il doit respecter les droits de la personne.
Le dédommagement dont nous parlons... Comme disait mon collègue, il y a des entreprises canadiennes au Congo et dans la région. Notre organisation s'efforce de... Nous ne voulons pas les pointer du doigt, nous ne voulons pas les accuser, mais nous savons qu'en droit canadien, ces entreprises sont tenues de verser des fonds en dédommagement pour ce qui a été fait à la collectivité congolaise. Cet argent appartient à la collectivité, mais se retrouve plutôt dans la poche des dirigeants, dans la situation actuelle. Le gouvernement du Canada devrait... Ces sociétés minières peuvent traiter avec des ONG locales de manière à offrir un dédommagement en nature, par exemple en construisant un hôpital rural pour ces femmes, ou des écoles rurales pour ces femmes. C'est peut-être le genre de choses qu'attend la communauté des sociétés minières.
Merci.