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PACC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON PUBLIC ACCOUNTS

COMITÉ PERMANENT DES COMPTES PUBLICS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 25 octobre 2001

• 1530

[Traduction]

Le président (M. John Williams (St. Albert, Alliance canadienne)): Bon après-midi.

[Français]

Bon après-midi, mesdames et messieurs.

[Traduction]

Bon après-midi, mesdames et messieurs.

Aujourd'hui, conformément à l'alinéa 108(3)e) du Règlement, nous étudions le rapport final du Comité consultatif sur les relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale, Travailler ensemble dans l'intérêt public.

Notre témoin d'aujourd'hui est M. John Fryer, ancien président du Comité consultatif sur les relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale. Monsieur Fryer, je crois que vous voulez inviter quelqu'un d'autre à s'avancer.

M. John L. Fryer (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, j'ai pensé qu'il serait utile que la directrice exécutive de notre groupe de travail se joigne à moi. Penny Driscoll est ici.

Le président: Demandez-lui de s'avancer à la table, s'il vous plaît.

Madame Driscoll, pouvez-vous nous dire, encore une fois, quel est votre poste?

M. John Fryer: Penny était la directrice exécutive de notre groupe de travail.

Le président: Très bien.

M. John Fryer: Voulez-vous savoir son poste actuel?

• 1535

Le président: Non.

Merci beaucoup. Soyez les bienvenus.

Normalement, nous faisons comparaître les adversaires, monsieur Fryer. Nous recevons généralement le vérificateur général et les représentants du ministère. Nous organisons un petit tête-à-tête entre les deux et c'est à qui l'emportera. Vous êtes ici tout seul. Nous avons hâte de pouvoir discuter avec vous cet après-midi.

Avant de commencer, nous allons vous donner la parole pour votre déclaration liminaire.

M. John Fryer: Merci, monsieur le président et membres du comité. Je vous remercie de nous avoir invités.

Je crois que vous avez reçu copie de notre rapport. Nous n'allons pas vous demander si vous l'avez tous lu ou non. Je précise toutefois que mon comité de neuf membres a refusé de préparer un résumé de ce rapport. Dans notre premier rapport, nous avions un résumé. Pour ce qui est du deuxième, les membres du comité ont jugé sa teneur suffisamment importante pour que les hauts fonctionnaires ne se contentent pas d'en lire deux ou trois pages.

Nous avons plutôt rédigé une entrée en matière que nous avons suivie de nos recommandations. Je vais faire la même chose, si vous le permettez, en me contentant d'une brève entrée en matière. Au lieu de vous ennuyer en lisant intégralement nos recommandations, je vais simplement les mentionner.

En mai 2000, notre comité a publié son premier rapport. Ce n'est pas celui-ci, mais un rapport antérieur intitulé L'identification des enjeux, où nous avons tenté de faire le point sur l'état des relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale et, du même coup, de déceler les problèmes et les lacunes qu'elles comportent.

La raison d'être de cette stratégie était que je voulais voir si nous pouvions amener les syndicats et l'employeur à s'entendre sur la nature des problèmes. Peu m'importait qu'ils soient d'accord quant à savoir qui avait causé les difficultés. S'il était possible au moins de mettre en lumière certaines d'entre elles peut-être serait-il alors possible de chercher ensemble des solutions.

Notre deuxième rapport a été publié en juin 2001. Nous y recommandons des changements aux relations patronales-syndicales qui, à notre avis, en assureront la pérennité au cours du XXIe siècle.

En passant en revue l'historique des relations patronales-syndicales, nous avons constaté que même si un régime de négociation collective avait été greffé à la fonction publique lors de l'adoption de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique en 1967, cette démarche ne s'était pas accompagnée de l'adoption d'un régime complet de gestion des relations de travail. En réalité, la gestion des ressources humaines s'est alors trouvée scindée entre les relations de travail et les ressources humaines fédérales. Les recommandations contenues dans le présent rapport exhortent le gouvernement et les syndicats à mener à bien la tâche de créer un régime de relations patronales-syndicales fondé sur la confiance et le respect dans l'ensemble de la fonction publique fédérale.

En 1967, quand le gouvernement fédéral de l'heure a décidé que la négociation collective était l'instrument qui convenait pour déterminer les salaires et les conditions de travail dans la fonction publique fédérale et qu'il a adopté la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, il n'a pas fait son travail jusqu'au bout, oubliant de faire de la fonction publique fédérale un lieu de travail syndiqué plutôt qu'un lieu de travail non syndiqué auquel on s'était contenté de greffer un régime de négociation collective.

Pour atteindre ce but, nous proposons un nouveau modèle, axé sur la collaboration, pour le règlement des problèmes qui surgissent en milieu de travail. Ce modèle part du principe fondamental que des efforts conjoints de la part des employés, de leurs syndicats et de l'employeur amélioreront la qualité des services gouvernementaux. La consultation, la codétermination et la négociation collective sont autant de mécanismes appropriés pour concevoir des solutions «gagnant-gagnant» sur tous les plans aux préoccupations qui se posent en milieu de travail.

Nous croyons que cela exige un virage fondamental et qu'il faut passer d'une approche axée sur la confrontation à une démarche plus coopérative pour résoudre les problèmes. Pour y parvenir, il faut rétablir la confiance et faire preuve, de part et d'autre, d'une volonté d'explorer différentes solutions et de travailler ensemble. C'est ce qu'on désigne souvent comme un changement de culture. Je déteste les expressions à la mode comme le mot «paradigme», mais il faut modifier l'attitude des gens.

Nous avons la conviction qu'un tel changement, bien qu'audacieux, est néanmoins possible. Nous croyons aussi que ce changement peut être facilité par une révision et une modernisation de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique qui n'a pas été révisée en profondeur depuis 1967 et qui est maintenant une loi très désuète. Par exemple, elle ne comporte pas de préambule alors que toutes les lois sur le travail que je connais, comme le Code canadien du travail, ont des préambules qui expliquent leur utilité. Mais ce n'est pas le cas pour la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

• 1540

Des avocats qui s'y connaissent ont dit que c'était une loi très complexe. Compte tenu de ce que je sais moi-même des relations patronales-syndicales, je dirais que si les employés ne peuvent pas comprendre la loi qui régit leurs relations avec leur employeur, ni la convention collective qui détermine leur salaire et leurs conditions de travail, les relations ne sont pas bonnes, pas plus que l'environnement.

Comme je l'ai dit, il nous semble possible, même si c'est difficile, d'apporter des changements et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique devrait être modifiée de façon à offrir un seul et même système de recours.

J'enseigne les relations de travail à l'Université de Victoria. En Relations de travail 101 on apprend qu'il y a deux types de différends dans les relations de travail. Il y a d'une part ce que nous appelons les différends concernant les droits et qu'on appelle communément des griefs. Un employé va se plaindre parce qu'il n'a pas été payé pour ses heures supplémentaires le week-end dernier ou parce que quelqu'un d'autre a eu l'emploi qu'il aurait dû obtenir.

Il y a actuellement, au sein de fonction publique fédérale, 22 mécanismes différents pour résoudre les griefs portant sur les droits des employés. Si vous n'avez pas obtenu l'emploi que vous vouliez et si c'est quelqu'un d'autre qui l'a eu, il y a une procédure prévue pour cela. Si le patron vous a fait une mauvaise évaluation de rendement et si vous avez peur de ne pas obtenir d'avancement, il y a une autre procédure qui est prévue. Si on vous a demandé de faire du travail supplémentaire le week-end dernier sans vous rémunérer en supplément, c'est une autre procédure qui intervient.

Il y a actuellement 22 procédures bien distinctes pour le règlement de ces griefs. Nous recommandons de n'en conserver qu'une seule pour ce qui est des griefs concernant les droits.

L'autre type de conflit qui peut survenir en milieu de travail est ce que nous appelons un conflit d'intérêts, lorsque les intérêts de tout le groupe sont en cause. Ce sont les conflits qui mènent à des grèves. Tous les employés veulent 10 p. 100 d'augmentation, mais on leur offre seulement 2 p. 100. Nous avons également des recommandations à formuler à l'égard de ces différends. Ce sont ceux dont on parle le plus et qui retiennent l'attention du public. Nous suggérons d'établir un nouveau mécanisme pour ce type de conflits.

Enfin, un régime de relations de travail adéquat, stable et productif devrait être la pierre angulaire d'une bonne gestion des ressources humaines dans un milieu de travail syndiqué. J'insiste sur ce point, car au cours de nos enquêtes, certaines personnes nous ont dit que la fonction publique fédérale travaillerait sans doute beaucoup mieux en l'absence de syndicats. C'est peut-être vrai, mais cela ne m'a pas semblé très pertinent étant donné que des hauts fonctionnaires m'ont clairement laissé entendre que ce n'était pas une question de politique publique. Ils étaient même prêts à envisager la possibilité d'une fonction publique non syndiquée.

J'ai rédigé mon rapport dans le contexte d'une fonction publique qui est syndiquée et qui le restera sans doute.

Nous disons que les employés de la fonction publique du Canada et du secteur public en général sont presque tous représentés par des agents négociateurs accrédités et que cette situation ne devrait pas changer dans un avenir prévisible. Trouver une façon d'établir des relations de travail fructueuses entre les syndicats et l'employeur devient donc une importante question de politique publique.

Notre comité estime qu'il a élaboré, dans ce rapport, un nouveau cadre dont la mise en oeuvre faciliterait l'établissement de relations patronales-syndicales saines dans le secteur public fédéral. Nous présentons ces recommandations parce que, au terme de notre réflexion, nous en sommes venus à la conclusion que le modèle industriel de la confrontation dans les relations patronales- syndicales s'est avéré, durant presque quatre décennies, mal adapté et même non approprié à la fonction publique fédérale.

Voilà pour mon entrée en matière et j'ai dressé la liste de nos 33 recommandations. Je ne vais pas vous les lire intégralement, mais je vous dirai simplement qu'il faudrait mettre en place un nouveau cadre institutionnel, ce qui représente d'importants changements à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Et nous avons formulé quelques recommandations à cet égard.

Nous croyons qu'il faudrait modifier la façon dont nous réglons les différends dans la fonction publique fédérale. J'ai déjà mentionné les conflits de droits. Nous pensons que, pour y remédier, il faudrait avoir un seul et même système qui permettrait d'avoir recours, en dernier ressort, au jugement d'un tiers.

Nous suggérons que l'examen des différends portant sur les intérêts soit confié à une commission de règlement des différends d'intérêt public. C'est parce que les syndicats—ainsi que l'employeur dans une moindre mesure vu qu'il commence à s'y habituer—sont scandalisés quand la classe politique les oblige à respecter la volonté de l'employeur. Cela les rend fous de rage, car ils estiment que c'est tout à fait injuste.

• 1545

C'est seulement sur la scène fédérale et provinciale que l'assemblée législative ou le Parlement peuvent adopter une loi qui favorise l'une des parties aux dépens de l'autre. Cela enrage les syndicats.

Certains représentants de l'employeur m'ont dit que cela avait presque un effet narcotique. Chaque fois qu'un conflit de travail survient, au lieu de rechercher une solution on dépoussière la loi ordonnant le retour au travail. Je crois qu'à ce moment-là un sous-comité du Cabinet se réunit et qu'il est présidé par le premier ministre. On décide alors, par consentement unanime, de renvoyer les réfractaires au travail.

À notre avis, ce n'est pas la meilleure façon de résoudre les conflits de travail, car cela ne fait qu'entretenir l'amertume et un mauvais climat. Nous voulons donc épargner cela aux syndicats et aux parlementaires en ayant une... Nous pensons qu'il vaudrait mieux mettre sur pied une commission de règlement des différends d'intérêt public qui obligerait les parties à conclure un accord.

Bien entendu, le Parlement ne renoncerait jamais à son droit d'intervenir si c'était nécessaire. Mais les parties ont besoin d'un peu plus de persuasion amicale en cours de route, car il leur est trop facile de ne pas s'entendre. Elles savent que vous allez vous réunir pour leur imposer de toute façon un règlement, ce qui évitera aux syndicats d'avoir à dire à leurs membres: «Désolés, nous n'avons pas pu obtenir tout ce que nous demandions». Ils leur diront plutôt: «Ces méchants politiciens ont pris le parti de l'employeur et voilà ce qu'on nous impose». Ce n'est pas pour susciter de bonnes relations patronales-syndicales qui forcent les gens à assumer la responsabilité de parvenir à une entente.

Nous croyons donc que cette commission de règlement des différends d'intérêt public pourrait jouer un rôle utile. L'idée n'est pas nouvelle. Elle a été suggérée pour la première fois en 1967, l'année du centenaire. Il y a eu un groupe de travail sur les relations syndicales-patronales formé d'un dénommé Buzz Woods, qui était alors professeur à l'Université du Manitoba, à Winnipeg; de l'abbé Dion, de Laval et de Crispo, de Toronto, des gens qui jouissaient d'une bonne réputation. Ils ont proposé de former ce genre de commission, mais leur recommandation n'a jamais eu de suite. Nous l'avons donc dépoussiérée, parce que nous pensons que c'est toujours une bonne idée.

Nous voyons également un nouveau rôle pour le Conseil national mixte qui réunit 16 agents négociateurs différents qui négocient avec le gouvernement sur diverses questions. Ce conseil a un rôle à jouer. C'est un des aspects les plus positifs des relations syndicales-patronales au sein de la fonction publique fédérale.

Nous parlons également du besoin de cohérence entre les employeurs distincts que nous avons créés, soit l'Agence des douanes et du revenu, Nav Can, l'Agence d'inspection des aliments et les Parcs. Le nouveau régime devrait s'appliquer de la même façon aux nouveaux employeurs. C'est ce que ces derniers ont demandé. Un bon nombre de nouveaux employeurs ne sont pas entièrement satisfaits du statut hybride qui est le leur. Il leur donne une certaine indépendance, mais elle n'est pas complète.

Si j'ai bien compris, ils se sont plaints de disposer de l'indépendance voulue pour s'entendre avec leur propre syndicat, mais de n'avoir aucun contrôle sur leur budget. Par conséquent, s'ils dépensent un sou de plus que ce que le Conseil du Trésor les a autorisés à donner à leurs employés, ils ne pourront pas respecter leur parole. Ces employeurs nous ont donc paru assez insatisfaits.

Il est temps d'apporter des changements. Nous croyons que le moment est bien choisi. Le système actuel ne fonctionne pas aussi bien qu'il le pourrait ou qu'il le devrait. Nous sommes tous au courant des changements démographiques qui se produisent dans la fonction publique. Nous savons tous que nous voulons rajeunir et reconstruire ce qui constitue une excellente fonction publique.

Enfin, les employés que nous voudrons avoir à notre service au XXIe siècle préféreront un environnement dans lequel ils iront travailler avec joie le matin.

Le président: Merci beaucoup, Fryer. C'était une excellente entrée en matière.

[Français]

Monsieur Perron, s'il vous plaît.

M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Docteur, merci de votre présence. Je vais vous poser une question pour commencer la conversation.

Votre rapport a sûrement été présenté au patronat, c'est-à-dire à l'employeur, au gouvernement, ainsi qu'au syndicat, et les deux en ont pris connaissance, officiellement ou officieusement.

• 1550

Quelles ont été la réaction du gouvernement et celle du syndicat à ce document?

[Traduction]

M. John Fryer: Merci.

Vous avez absolument raison de dire que les deux parties ont reçu le rapport en même temps étant donné que mon comité consultatif était composé de neuf personnes dont trois représentants des syndicats, trois représentants de l'employeur et trois universitaires de l'extérieur. J'ai insisté pour que ce soit un examen tripartite.

Je ne sais pas quelle est la réaction du gouvernement. Je ne veux pas dire qu'il refuse de me mettre dans la confidence. Mais je crois qu'il prépare une réponse à notre rapport et à ses recommandations. Comme je ne l'ai pas encore vue, je ne sais pas ce qu'elle contient.

Les réactions varient d'un syndicat à l'autre. Je commencerai par celui qui s'est montré le plus positif, l'Institut professionnel de la fonction publique. Il a présenté un mémoire officiel au Groupe de travail sur les ressources humaines que Mme Robillard a constitué et qui poursuit son travail. Le syndicat appuie notre rapport et ses recommandations. Un grand nombre des petits syndicats de la fonction publique fédérale appuient la plupart des recommandations.

Pour ce qui est de l'Alliance de la fonction publique... je ne veux pas porter de jugement sur sa réaction, mais elle veut que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique soit abolie. Elle veut que les fonctionnaires fédéraux soient couverts par le Code canadien du travail. Nous ne sommes pas d'accord, car nous croyons que la fonction publique présente des caractéristiques particulières qui la rendent quelque peu différentes de l'industrie privée. Sa réaction n'est donc pas entièrement favorable.

D'après mes entretiens avec Mme Turmel et d'autres dirigeants de l'Alliance de la fonction publique, je peux dire que ce syndicat appuie un bon nombre des changements que nous recommandons. Comme cela forme un tout, l'Alliance appuie davantage les changements qui servent ses intérêts et moins les autres. Mais cela forme un tout étant donné qu'il s'agissait d'un comité tripartite. Comme je représente à la fois les syndicats et l'employeur, je dois assurer un certain équilibre.

[Français]

M. Gilles Perron: Faisons une supposition. Supposons que les deux parties en arrivent à un accord et à mettre en vigueur votre rapport du côté monétaire. Combien une évaluation pour mettre en place ce rapport coûterait-elle?

[Traduction]

M. John Fryer: En fait, je n'ai pas fait le calcul. J'ai toutefois dit aux membres de mon comité que s'ils pensaient que certaines recommandations allaient coûter très cher—et l'employeur était représenté par des sous-ministres adjoints—ils devaient nous le signaler, car je ne voulais pas faire une recommandation très coûteuse qui pourrait être embarrassante.

À ma connaissance, il n'y a là aucune recommandation vraiment coûteuse. Bien entendu, les modifications à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique exigeront des avocats et des audiences, mais nous suggérons de supprimer une partie de la Commission des relations de travail dans la fonction publique et de confier ces responsabilités au Conseil canadien des relations industrielles. Je n'ai pas pris la peine de faire ce calcul.

Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit... et pour ce qui est de la commission de règlement des différends d'intérêt public, nous devons bien préciser qu'il ne doit pas s'agir d'une institution à plein temps. Elle devrait être plus petite et ne compter que trois à sept personnes. Elle se réunirait uniquement en cas de conflit. Nous ne voulons pas que des gens restent à attendre dans un bureau d'Ottawa que des difficultés surgissent, n'est-ce pas? Cela ne devrait pas coûter beaucoup plus cher que le prix d'un billet d'avion pour venir à Ottawa et le temps nécessaire pour formuler des recommandations en cas de conflit.

Je pense qu'aucune de nos recommandations ne coûtera bien cher. Néanmoins, si j'étais l'employeur, je dirais peut-être que même s'il n'y a là rien de bien coûteux, si nous accordons davantage de droits aux employés, par exemple si nous acceptons de codéterminer la dotation en personnel, cela pourrait entraîner des dépenses. Mais aucun des changements institutionnels que nous avons recommandés ne représente des dépenses importantes.

• 1555

[Français]

M. Gilles Perron: Monsieur le président, si vous me le permettez, je vais céder la parole à ma savante collègue de la circonscription de Laurentides, Mme Guay. Je lui donne mes huit minutes.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Perron.

Madame Guay, s'il vous plaît.

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Bonjour. Ça me fait plaisir de vous recevoir aujourd'hui. Puisque je suis porte-parole en matière de travail, je travaille à des dossiers syndicaux. Tous les dossiers ayant trait aux grèves et à tout ce qui se produit à ce niveau-là me sont confiés par mon parti.

Bien sûr, le travail que vous avez fait est très intéressant pour nous. Vous dites qu'il y a 22 procédures. Je trouve ça absolument aberrant. C'est une perte de temps et d'énergie. Il faut qu'il y ait un seul endroit. Il me semble que ça se passerait beaucoup plus rapidement s'il ne fallait pas essayer de retrouver des gens un peu partout.

Il faut aussi que vous sachiez qu'au Bloc québécois, on a toujours été contre les lois de retour au travail. On favorise toujours la négociation. D'ailleurs, au Québec, on a plusieurs syndicats qui se sont beaucoup modernisés et qui favorisent la négociation entre les travailleurs et l'employeur. On sait que le travail se fait beaucoup mieux quand on réussit à conclure des ententes. Il y a même des travailleurs qui ont conclu des ententes de réduction salariale pour pouvoir conserver l'entreprise. De telles ententes existent beaucoup au Québec.

J'aimerais savoir si vous avez fait une comparaison entre ce qui passe au fédéral et ce qui se passe ailleurs. Avez-vous étudié cela, peut-être pas dans ce rapport-là, mais ailleurs? Comme vous êtes un spécialiste, vous pouvez peut-être nous faire des commentaires.

[Traduction]

M. John Fryer: Je commencerai par le trop grand nombre de procédures dont j'ai déjà parlé en réponse à votre collègue. Il serait sans doute beaucoup moins cher de n'avoir qu'une seule procédure au lieu de 22. Je n'ai pas non plus fait ce calcul, mais j'ai l'impression que si 22 bureaucraties sont fusionnées en une seule, cela devrait permettre d'économiser beaucoup d'argent.

Le problème entre le gouvernement fédéral et ses employés vient surtout du fait qu'ils ne se sentent plus capables de résoudre les problèmes et il faut dire qu'il s'agit de questions difficiles à résoudre. Les syndicats ont donc eu tendance à dire: «Comme nous avons très peu de pouvoirs, nous ne voulons pas négocier. Voilà ce que nos membres veulent et si vous nous imposez quelque chose ce sera de votre faute». Vous connaissez l'argument du grand méchant gouvernement.

Personnellement, je crois que de bonnes relations syndicales- patronales devraient permettre de prendre des décisions difficiles. Personne n'a envie d'accepter une réduction des salaires ou des avantages sociaux pour garder une usine ouverte, mais c'est parfois la décision à prendre dans l'intérêt des membres. Vous ne pouvez pas prendre de telles décisions sans demander aux membres s'ils sont d'accord ou non.

Le plus dur, dans les relations syndicales-patronales, est de faire des concessions et de retourner annoncer aux membres que l'on n'a pas pu obtenir tout ce qu'on voulait, mais qu'on s'en est quand bien assez bien tiré. Les membres peuvent alors exprimer le désir de vous remplacer et nous en parlons dans notre rapport. À notre avis, ce genre de décisions difficiles à prendre, qui représente un élément clé des bonnes relations syndicales-patronales, a disparu de la fonction publique fédérale. On ne s'en donne plus vraiment la peine étant donné que les deux parties savent que si le problème devient trop grave, le Parlement le réglera à leur place.

Le président: Merci, madame Guay.

Monsieur Shepherd, s'il vous plaît, vous avez huit minutes.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Tout d'abord, peut-être pourriez-vous préciser une chose. Quand vous avez publié ce rapport, vous avez dit aux médias—et c'est peut-être une stupidité que vous pouvez démentir—que les membres devraient pouvoir assister aux réunions syndicales au frais de l'employeur pendant...

M. John Fryer: Absolument.

M. Alex Shepherd: Pourquoi?

M. John Fryer: Absolument et je vais vous dire pourquoi. Merci beaucoup d'avoir soulevé la question.

Au sein de la fonction publique fédérale, il y a deux groupes de personnes. Les gens de la direction vous parleront de «nos employés». Les dirigeants syndicaux vous parleront de «nos membres». Ce sont les mêmes personnes, mais elles sont traitées comme deux solitudes. De nombreux cadres de la fonction publique fédérale ne croient pas que les syndicats parlent au nom des employés. Ils croient savoir ce que pensent leurs employés parce qu'ils sont en contact avec eux. Ils ont décidé de ne pas écouter ce que racontent les syndicats.

• 1600

Le système est donc à l'envers étant donné que la loi dit bien que les employés sont représentés par un syndicat. Peu importe que vous soyez d'accord ou non avec ce que vous dit le syndicat, vous avez l'obligation de traiter avec lui.

Nous avons constaté de profondes dissensions au sein de la fonction publique fédérale quant à savoir si les syndicats parlent ou non au nom de leurs membres. Il faut donc trouver une solution à ce problème. Encore une fois, cette solution n'est pas nouvelle. Je la préconise depuis 25 ans à tous les employeurs et employés du pays, et même à quiconque veut m'entendre. Les travailleurs n'assistent pas aux réunions syndicales après le travail, dans un hôtel du centre-ville. Les choses ne se passent plus ainsi. Il est donc très facile pour un petit groupe de gens déterminés, six personnes, de dire qu'elles représentent... Par exemple, j'ai une fille qui pendant cinq ans a été la présidente du syndicat des employés de bureau de la compagnie de téléphone de Colombie- Britannique. Mille cinq cents employés travaillaient au siège social de la compagnie. Le quorum pour les réunions syndicales était de 35 membres. En cinq ans, elle n'a jamais vu 35 personnes venir à une réunion après le travail.

M. Alex Shepherd: Quelle conclusion en tirez-vous?

M. John Fryer: J'en conclus que les employés ne sont pas tellement intéressés par l'administration quotidienne du syndicat. Je ne sais pas à combien de réunions syndicales vous avez assisté, mais sans vouloir insulter personne, ce sont les réunions les plus ennuyeuses auxquelles il m'ait été donné d'aller et j'y suis allé souvent.

Il faut que les syndicats deviennent plus démocratiques et plus représentatifs de leurs membres. La seule solution est d'amener tout le monde à aller à la réunion. Pour que tout le monde aille à la réunion, il faut qu'elle prenne place sur les lieux de travail pendant les heures de travail.

Les dirigeants syndicaux ne vont pas organiser des réunions à tout bout de champ. Des gens raisonnables vont décider qu'ils auront peut-être besoin d'une heure ou deux chaque mois, si nécessaire, pour tenir une réunion syndicale.

Je suis allé dans des lieux de travail où les choses se passent ainsi. On organise une réunion syndicale à l'extérieur. Aussitôt après la réunion, un traître appelle le patron pour lui dire ce qui s'est passé. Il y a toujours quelqu'un pour vendre la mèche, vous pouvez en être certain. Le dirigeant syndical va rencontrer le patron pour lui dire qu'une réunion a eu lieu la veille et qu'on a décidé ceci ou cela. Pour commencer, l'employeur a déjà entendu une version quelque peu différente et ensuite il ne croit pas que les six personnes qui se sont réunies reflètent vraiment les opinions des milliers d'employés qui travaillent sous sa direction.

Nous avons donc un système dans lequel la direction ne croit pas vraiment que le syndicat défend les intérêts et représente les opinions des travailleurs. Notre comité estime nécessaire de remédier à cette situation. Nos devons veiller à ce que ces syndicats soient démocratiques et représentent vraiment les opinions des employés.

M. Alex Shepherd: Pour me faire l'avocat du diable, vous avez soulevé la question de savoir si l'existence de syndicats est un bon modèle de relations de travail. Bien entendu, si nous examinons la situation dans le secteur privé—peut-être ne souhaitez-vous pas le faire...

M. John Fryer: Non.

M. Alex Shepherd: ...je sais que mes propres enfants travaillent tous dans des secteurs assez bien rémunérés, qui ne sont pas syndiqués et qu'ils sont très satisfaits. Nous faussons peut-être notre réflexion si nous ne tenons pas compte de ces autres modèles de gestion.

M. John Fryer: Oui et non. Personnellement, j'estime que c'est là une question très complexe. À tort ou à raison, le secteur public est entièrement syndiqué au Canada. Cela vaut autant pour le gouvernement provincial que pour les hôpitaux ou les écoles. Peu importe, tout ce secteur est syndiqué. Et il est syndiqué pratiquement à 100 p. 100 par opposition à un pays où il n'y a pratiquement aucun syndicat, je veux parler des États-Unis. Les États-Unis sont une société non syndiquée. Le taux de pénétration des syndicats est de moins de 10 p. 100. Quiconque a étudié la question vous dira que c'est une société non syndiquée.

Nous avons donc un secteur public syndiqué pratiquement à 100 p. 100 dans un environnement économique assez inhabituel. Le taux de pénétration des syndicats du secteur privé est en baisse. Il y a moins de syndiqués dans le secteur privé, mais dans le secteur public, le taux de syndicalisation est, comme je l'ai dit, de 100 p. 100.

• 1605

Quant à savoir si vous voulez changer cela ou non, c'est une question de politique publique. J'ai consulté des gens du gouvernement pour voir s'ils voulaient que la question soit soulevée dans ce rapport, mais ils m'ont répondu que non, que le gouvernement actuel ne suggérerait jamais de se débarrasser des syndicats.

M. Alex Shepherd: Cela ne faisait pas partie de votre étude.

M. John Fryer: Cela ne faisait pas partie de mon étude. Mais le sujet a été abordé parce qu'il est question de faire venir des spécialistes de la technologie de pointe, des informaticiens, des gens qui viennent d'entreprises non syndiquées. J'ai moi-même six enfants. Croyez-moi, tous ne sont pas des syndicalistes convaincus. Une question à laquelle mes anciens collègues syndicalistes vont devoir s'attaquer est celle de la rémunération au rendement, car les jeunes d'aujourd'hui n'accepteront pas que nous touchions tous le même salaire, quels que soient nos efforts. Ils n'accepteront tout simplement pas cela.

Cela veut dire que pour être représentatif, un syndicat va devoir faire preuve d'imagination et réfléchir à la façon de récompenser les gens différemment afin de vraiment refléter les opinions des membres. J'aimerais que le système soit plus ouvert afin que nous puissions commencer à le faire au sein du gouvernement.

M. Alex Shepherd: J'ai une dernière question qui me préoccupe. Vous avez parlé du fait que les employeurs distincts pouvaient négocier séparément. Comment peut-on accorder ce genre de pouvoir discrétionnaire dans le cadre du financement et des budgets du gouvernement?

M. John Fryer: Je me réjouis d'être ici, car ce sont des questions de politique publique auxquelles je me suis intéressé pendant la majeure partie de ma vie adulte.

Je ne pense pas qu'on ait réfléchi aux répercussions qu'un modèle de privatisation de la prestation des services aurait sur les ressources humaines. On a décidé de réduire le noyau de la fonction publique et de disperser les services. C'est plus tard que les répercussions sur les ressources humaines sont apparues. Je suis d'accord avec vous. Comment peut-on permettre à ces grosses agences de surpasser les avantages sociaux, les conditions de travail et les salaires en vigueur dans le noyau de la fonction publique? Si j'étais un dirigeant syndical, j'en profiterais pour faire de la surenchère.

Je suppose donc que le pauvre vieux Conseil du Trésor a pour rôle d'essayer de maintenir les choses aussi uniformes que possible. Je le sais, parce que j'ai négocié la première convention des contrôleurs de la circulation aérienne lorsqu'ils sont passés à Nav Canada. On avait fait des promesses outrancières aux employés en leur disant que s'ils appuyaient leur départ de la fonction publique pour cette nouvelle agence ils pourraient obtenir toutes sortes de choses une fois qu'ils seraient à l'abri des terribles règlements du Conseil du Trésor. Une fois devenus indépendants, ils s'attendaient à ce que ces promesses soient tenues. J'ai participé à des négociations où ils m'ont dit qu'ils voulaient 50 p. 100 d'augmentation et qu'ils n'accepteraient rien de moins. Tout cela résultait de la promesse qu'une fois soustraits au ministère des Transports, ils obtiendraient la même rémunération que leurs homologues de Suisse, d'Allemagne et d'ailleurs. Ils avaient donc fait un sondage auprès des membres et demandé une augmentation de 50 p. 100. J'allais à des réunions où ils brandissaient des panneaux demandant «Où est l'argent?»

Je ne pense pas qu'on a réfléchi aussi soigneusement qu'il aurait fallu le faire aux répercussions que la création d'agences séparées aurait sur les relations de travail.

Le président: Merci, monsieur Shepherd.

Monsieur Martin, vous avez huit minutes, s'il vous plaît.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci beaucoup, monsieur Fryer et bonjour, madame Driscoll.

Je voudrais commencer par vous féliciter tous les deux et le reste de votre équipe pour cette étude très approfondie et très détaillée d'une question extrêmement complexe. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de gens au Canada qui auraient pu s'y retrouver dans le dédale des relations de travail dans la fonction publique aussi bien que vous l'avez fait. Je sais que les syndicats du secteur public ont eu des réactions variées, mais je crois que tout le monde a apprécié le ton—sinon le contenu—et le préambule de ce document où vous dites qu'il faut rechercher des relations axées moins sur la confrontation et davantage sur la coopération.

Cela dit, ayant moi-même représenté un syndicat du secteur privé, je peux comprendre pourquoi certains syndicats du secteur public se méfient. Le signal d'alarme se déclenche dès qu'on entend exprimer ce genre de sentiment, car cela revient à leur demander de baisser les armes ou de renoncer aux moyens que nous avons toujours utilisés pour relever les salaires et les conditions de travail des gens que nous représentions. On leur demande de brandir un rameau d'olivier. Nous sommes nombreux à être passés par la gestion de qualité totale, les cercles de travail, la qualité de la vie au travail et tout ce blabla. Nous en avons fait une indigestion et cela suffit à...

• 1610

Nous avons constaté que dès que nous relâchions notre vigilance nous nous faisions marcher dessus. Nous devions reprendre les armes plus énergiquement encore qu'avant, simplement pour conserver nos acquis.

Ma question est la suivante. Le secteur public est complètement démoralisé, 60 000 emplois ont été supprimés, le dernier ministre responsable du Conseil du Trésor a détourné les 30 milliards de dollars de l'excédent du fonds de pension, il y a eu la privatisation, le recouvrement des coûts et la diversification des modes de prestation des services. Comment mettre ces nouvelles mesures en place sans que les employés ne se sentent menacés?

Je vais vous laisser nous en dire un peu plus après quoi j'aurai également une question à vous poser au sujet des lois de retour au travail.

M. John Fryer: Je tiens à être tout à fait sincère avec vous. Nous avons dit aux syndicats qu'ils devaient changer leur façon de faire, parce qu'ils ne pouvaient pas gagner. Le système actuel ne leur permet pas de gagner contre le gouvernement qui possède tous les pouvoirs. Il lui suffit de vous convoquer et de vous dire: «Voilà notre décision, vous n'avez pas le choix». Vous ne pouvez pas gagner.

Le président: Il y a des limites, monsieur Fryer.

M. John Fryer: Je suis allé trop loin?

Le président: Il doit quand même y avoir un vote à la Chambre des communes et ce n'est pas tout le monde qui vote pour ce genre de loi. Cela suscite parfois de l'opposition.

M. John Fryer: Je sais. Très bien.

Je n'essaie pas de déformer la réalité. Je sais combien certains partis ont de la difficulté à appuyer une loi ordonnant le retour au travail quand ils savent qu'ils devraient s'y opposer. Je comprends cela.

Le problème c'est qu'à l'heure actuelle, dans la fonction publique fédérale, je ne crois pas que les syndicats puissent remporter la moindre victoire. Le moral des troupes n'est pas bien fameux et les gens ne se bousculent pas pour venir y travailler alors que c'est ce que nous souhaitons, n'est-ce pas? Nous voulons recruter les gens les plus brillants et les plus compétents. Peut- on les recruter si le patron gagne toujours tandis que les employés perdent à tous les coups? Je ne peux pas comprendre cela.

Je peux comprendre l'hésitation qu'éprouvent certains syndicats du secteur public ou n'importe quel autre syndicat. J'ai fait le tour du monde syndical et j'ai négocié avec les gouvernements, mais à l'époque où il était possible de perdre ou de gagner. Dans le contexte législatif actuel, il est impossible de gagner. Alors pourquoi ne pas essayer une autre solution?

M. Pat Martin: Cela dit, me reste-t-il une minute ou deux?

Le président: Vous avez quatre minutes.

M. Pat Martin: Quel luxe!

Cela dit, je conviens avec vous que les lois de retour au travail abâtardissent complètement le processus de négociation collective et suppriment toute incitation à vouloir sortir de l'impasse.

Vous proposez une commission de règlement des différends d'intérêt public.

M. John Fryer: Oui.

M. Pat Martin: Comment va-t-elle fonctionner?

M. John Fryer: Je vais vous dire ce que nous envisageons. À notre avis, les négociations se déroulent trop souvent ainsi: Vous êtes assis d'un côté de la table et de l'autre, le Conseil du Trésor vous dit: «Voici notre offre, c'est à prendre ou à laisser». Vous la prenez ou vous la laissez. Si vous décidez de la laisser, vous tenez un vote de grève, vous vous promenez en brandissant des pancartes et dès que vous avez un effet sur la prestation des services, une loi spéciale est adoptée. Je ne trouve pas que ce soit très logique. Nous avons donc essayé d'établir à quoi le problème était dû.

Nous pensons qu'il est relié aux relations de pouvoir, mais nous pensons également qu'il est dû à l'existence de cette solution de facilité. Comme les représentants du gouvernement l'ont dit, les choses deviennent de plus en plus faciles; cela commence à devenir automatique. La première fois qu'on invoque ce genre de loi, les gens s'inquiètent, mais la dixième et la onzième fois...

Je me souviens combien j'étais mécontent moi-même lorsque le projet de loi ordonnant le retour au travail des postiers a été adopté et contenait des dispositions à inclure dans la convention collective. Une telle mesure était sans précédent au Canada. Mais quand vous l'avez fait une fois, vous êtes prêt à recommencer.

Nous avons dit que les relations de pouvoir et de négociation sont mauvaises. Ces gens-là ont besoin d'aide pour conclure des ententes où chacun gagnera quelque chose. À notre avis, cette commission devrait les y aider.

La commission aurait le pouvoir de présenter un rapport public sur les négociations. C'est important parce que les syndicats parfois dépassent la mesure—les patrons aussi d'ailleurs—et font des revendications déraisonnables. En publiant un rapport, une commission de règlement des différends d'intérêt public pourrait dire, par exemple, à la population: «Nous avons examiné les deux positions. Nous croyons que, dans les circonstances, celle du syndicat ou celle de l'employeur est la plus raisonnable». S'il devient ensuite nécessaire de légiférer, on disposera d'un modèle qui aura été conçu en partie par les experts, ceux dont c'est la spécialité. Cela devrait améliorer un peu les choses. Nous nous sommes dit également que si cette formule donnait de bons résultats, moins de différends iraient jusqu'à l'étape ultime et il y aurait davantage de règlements que ce n'est actuellement le cas.

• 1615

Personnellement—et j'ai eu de nombreux contacts avec les gens vu que j'ai passé beaucoup de temps à Ottawa—je crois qu'on fait preuve de beaucoup de bonne volonté de part et d'autre. Je ne pense pas que les négociateurs du Conseil du Trésor aiment la situation dans laquelle ils se trouvent. Ils préféreraient sans doute négocier plus sérieusement. C'est en tout cas ce que pensent les syndicats, pratiquement sans exception.

Nous estimons donc qu'il faudrait ouvrir un peu le processus et chercher à innover. Par exemple, nous parlons de la codétermination. Très bien. L'employeur était très inquiet à l'idée qu'on modifie la loi pour accorder aux syndicats le droit de négocier—avec le droit de grève—au sujet de la classification ou de la dotation en personnel. Mais ces deux questions constituent la pierre angulaire de la fonction publique. Votre salaire est déterminé dans une large mesure par la classification de votre poste et non pas par une nouvelle augmentation de 2 p. 100. Néanmoins, dans le système actuel, vous n'avez pas un mot à dire au sujet de votre classification, pas plus que votre représentant élu. Tout est décidé unilatéralement par le patron. Nous avons donc suggéré d'apporter quelques changements de ce côté-là.

L'employeur hésitait beaucoup—je veux parler des représentants de l'employeur qui faisaient partie de mon comité—à aller jusqu'à la négociation parce qu'ils ne voulaient pas que cela puisse faire l'objet d'une grève. Mais nous étions d'accord sur le principe de ce que nous appelons la codétermination à savoir qu'à l'avenir les deux parties pourraient décider conjointement de questions comme la classification et la dotation au lieu que la décision soit unilatérale.

Si ces recommandations sont acceptées et si ces changements sont apportés, cela élargira les questions qui seront mises sur le tapis, le champ de la codétermination ou les sujets de discussion. À notre avis, cela améliorera les relations entre les parties. Ces dernières devront s'habituer davantage à se faire des concessions mutuelles. Dans la fonction publique fédérale les sujets de négociation sont limités. Sur quel plan peut-on donc faire des concessions? Vous devez vous contenter de négocier une augmentation de salaire. Disposez-vous d'une marge de manoeuvre? Vous n'en avez aucune parce que les questions sur lesquelles vous pouvez négocier aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique sont extrêmement limitées.

Il faut donc traiter les gens en adultes, élargir le nombre de questions qui sont négociables ou dont les parties peuvent décider ensemble et mettre en place un organisme pour les aider à sortir d'une impasse éventuelle. Tout cela, pour créer un climat différent à moyen terme ou à long terme.

Et la question que M. Shepherd a soulevée est en effet très importante. Nous sommes convaincus que les syndicats doivent s'ouvrir. Ils doivent être plus représentatifs et il faut trouver de nouveaux dirigeants avec des idées nouvelles. L'employeur doit être convaincu que le syndicat s'exprime vraiment au nom de ses membres. Tout cela doit changer simultanément. Nous croyons avoir proposé là un ensemble de mesures qui, si elles sont appliquées, pourraient donner de bons résultats—peut-être que non, mais le système actuel tombe en morceaux.

Le président: Merci, monsieur Fryer. Merci, monsieur Martin.

Monsieur Jaffer, s'il vous plaît, huit minutes.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Alliance canadienne): J'ai seulement une brève question qui me vient à l'esprit en examinant ce rapport d'un peu plus près.

Venant moi-même du secteur privé, les incitatifs me semblent d'une importance évidente. Vous pouvez, bien sûr, proposer des incitatifs pour motiver les fonctionnaires. La rémunération est celui qui vient naturellement à l'esprit. Mais à part cela, je sais que l'on a modifié récemment les règles concernant les primes de voyage et qui empêchait les employés de la fonction publique d'en profiter. Y a-t-il d'autres mesures de ce genre que vous avez jugées nécessaires de prendre, dans votre rapport ou votre étude?

M. John Fryer: Excellente question, et je ne cherche nullement à l'éluder si je vous dis que je n'ai pas de réponse toute prête à vous donner. Je suis intimement convaincu, pour avoir passé 42 ans dans le secteur des relations syndicales-patronales, que les meilleures solutions sont celles que les parties trouvent ensemble.

J'ai dit ce que je pensais de la rémunération au rendement. Les syndicats vont devoir l'envisager. Vous ne pouvez pas adopter la politique de l'autruche en disant: «Désolé, mais il ne peut y avoir qu'un même tarif pour le même poste». Cette formule ne pourra pas survivre. Et tous les autres programmes... Certains syndicats que j'ai rencontrés détestent les programmes de récompenses où le patron décerne des certificats et des récompenses de ce genre pour services exceptionnels. Certains syndicats aiment ça, d'autres n'aiment pas ça. J'aimerais savoir ce qu'en pensent les employés et, si ces derniers sont d'accord, c'est la bonne chose à faire.

• 1620

C'est ce que je pense également pour n'importe quelle autre forme d'incitatifs. Ces décisions devraient être prises conjointement. Pour avoir un bon programme, il est essentiel d'obtenir la participation des employés et c'est le problème qui se pose à l'heure actuelle au sein de la fonction publique fédérale.

Il y a actuellement un vote et c'est un sujet de plaintes. Il y a des dissensions et j'aimerais qu'elles prennent fin. Mais pour ce qui est des incitatifs, le principal problème que doivent résoudre les syndicats et l'employeur est tout le concept de la rémunération au rendement parce qu'il est maintenant bien enchâssé dans le secteur privé. Je crois que cela a commencé au niveau des cadres.

Tous les comités dont je fais partie ont de longs titres, mais il y en a un qui porte sur la rémunération et le maintien de l'effectif de cadres supérieurs ou quelque chose de ce genre. Nous avons complètement révisé le système de rémunération au rendement qui existait pour les cadres de la fonction publique fédérale, parce que nous avons constaté qu'à peu près tout le monde y avait droit, ce qui n'était pas le but de la rémunération au rendement. Les choses ont toutes été modifiées.

Il y a donc des incitatifs qui existent pour les cadres et il y a aussi d'autres avantages. Par exemple, j'ai suggéré à cette réunion sur les cadres ce que nous appelons un régime «à la carte». Selon votre situation personnelle, vous pouvez choisir différents avantages. Si vous êtes jeune et si les vacances vous intéressent plus que l'assurance-vie ou l'assurance-santé ou si vous êtes plus âgé et vous préférez... vous voyez ce que je veux dire.

Les avantages sociaux ont une certaine valeur et vous pouvez les adapter aux besoins des gens sans augmenter cette valeur. Toutes ces questions devraient faire l'objet de discussions au sein de la fonction publique. Je ne dis pas qu'il faille les mettre en place, mais il faudrait pouvoir en discuter.

Je crois que la fonction publique fédérale devrait être un bon employeur et être considérée comme tel. Il y a un tas de choses que je pourrais critiquer. Quand je me promène un peu partout au Canada, je ne vois pas beaucoup de services de garderie offerts au sein de la fonction publique fédérale, chez un employeur qui devrait donner l'exemple.

J'ai été absolument horrifié en lisant un article du Citizen, l'année dernière, selon lequel nous ne pouvions pas subventionner les cartes d'autobus faute de pouvoir programmer un ordinateur. Cela m'a paru ridicule. C'est une bien mauvaise excuse quand nous devrions promouvoir le transport en commun. Il y a toutes sortes de choses qu'un bon employeur pourrait faire.

Nous disons seulement que le gouvernement doit faire tout cela de concert avec les représentants élus de ces employés. Il ne faut pas agir unilatéralement et s'étonner ensuite si tout le monde n'applaudit pas.

M. Rahim Jaffer: Je voulais seulement savoir si ce genre d'innovation existe déjà.

M. John Fryer: Quelqu'un a parlé tout à l'heure de la négociation collective. Je crois que la négociation collective est la façon la plus intelligente, la plus souple de s'entendre entre employeur et employés dans un environnement syndiqué. C'est comme la démocratie. Personne n'a encore trouvé de meilleur système.

Si nous acceptons le principe de la syndicalisation de la fonction publique, nous devons faire en sorte que la négociation collective fonctionne bien. S'il s'agit d'un milieu non syndiqué, la situation est complètement différente et il y aura alors toutes sortes d'autres questions à aborder. Mais s'il s'agit d'un milieu syndiqué, il faut traiter les gens comme des adultes et leur permettre de participer le plus possible à la détermination de leur salaire et de leurs conditions de travail.

Le président: Merci, monsieur Fryer.

Nous allons passer au deuxième tour. C'est un tour de quatre minutes.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Est-il possible d'avoir la négociation collective sans le droit de grève?

M. John Fryer: Oui, c'est possible.

M. John Bryden: N'est-ce pas dans cette voie que nous devrions aller?

M. John Fryer: Non, en grande partie à cause de la résistance de l'employeur.

À une certaine époque, les employeurs étaient pour la négociation collective, sans grève et avec arbitrage. Je remonte à 30 ou 40 ans. Quand la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique a été adoptée, en 1967, les premières ébauches de cette loi et le rapport de Jacob Finkleman suite auquel elle avait été adoptée, ne prévoyaient pas le droit de grève. Jake Finkleman était totalement opposé au droit de grève, mais il y a eu une élection, les postiers ont perturbé le service dans la région de Toronto et tout à coup le droit de grève a été accroché au projet de loi.

Maintenant, l'employeur ne veut pas entendre parler de l'arbitrage. Dans le climat actuel, l'employeur refuse de laisser un tiers lui dire ce qu'il doit faire et combien il peut se permettre de dépenser.

• 1625

Par conséquent, avec le temps, les employeurs ont renoncé au modèle sans droit de grève et je sais que les syndicats sont divisés sur la question. Un grand nombre des syndicats qui ont comparu devant moi m'ont dit qu'ils aimeraient revenir à l'arbitrage afin qu'un tiers puisse imposer sa décision au gouvernement. D'autres n'étaient pas d'accord et j'avoue que le plus gros syndicat de la fonction publique, l'Alliance de la fonction publique du Canada, estime que les travailleurs devraient avoir le droit de grève.

M. John Bryden: J'ai été frappé de voir que votre proposition est centrée sur le principe d'une coopération entre le syndicat et l'employeur...

M. John Fryer: Oui.

M. John Bryden: ...à la condition que le syndicat soit démocratique.

Vous dites également que le droit de grève ne veut plus rien dire étant donné que les législateurs imposent le retour au travail. Cela paraît fondamentalement juste étant donné que le Parlement représente plus de gens que le syndicat.

M. John Fryer: Oui, certainement.

M. John Bryden: Je crois donc que notre comité devrait certainement se pencher sur toute cette question, voir si l'élimination du droit de grève permettrait d'appliquer vos propositions.

M. John Fryer: D'accord, mais voici ce qui m'inquiète.

M. John Bryden: Allez-y.

M. John Fryer: Nous parlons du droit de faire grève légalement. Personne ne peut enlever à un travailleur le droit d'arrêter le travail s'il est très mécontent. Cela fait partie du problème que posent les relations de travail dans la fonction publique fédérale. La prochaine fois que vous adopterez une loi ordonnant le retour au travail, vous pouvez vous attendre à de la désobéissance.

M. John Bryden: Voilà pourquoi nous devons éliminer le droit de grève.

M. John Fryer: Non, voilà pourquoi nous devons modifier le système de façon à ce que le droit de grève existe toujours, mais ne soit pas utilisé.

M. John Bryden: Mais je ne...

M. John Fryer: C'est le but de tout ce rapport. Il ne faut pas enlever ce droit, mais plutôt créer un climat dans lequel il n'aura pratiquement jamais besoin d'être utilisé.

M. John Bryden: J'aimerais beaucoup, mais je ne vois pas comment nous y parviendrons en pratique.

Essayons donc une autre piste. Vous avez parlé de la rémunération au rendement et je suis d'accord pour dire que c'est un aspect absolument essentiel. Vous ne pourrez pas inciter des jeunes gens brillants à entrer dans la fonction publique s'ils ne peuvent pas être récompensés en fonction de leurs mérites. Vous dites que les dirigeants des syndicats devraient être consultés à ce sujet, mais que faire s'ils s'y opposent énergiquement? N'est-ce pas une chose sur laquelle je vais devoir légiférer, en tant que législateur, parce que je sais que je n'ai pas le choix?

M. John Fryer: C'est logique et je reconnais que vous pourriez légiférer. La seule différence entre vous et moi est que je fais certainement confiance aux dirigeants syndicaux. Sans vouloir être impoli, ils sont élus. J'ai été candidat aux deux types d'élections et je peux vous affirmer que les élections syndicales sont un peu plus faciles à gagner que les élections parlementaires. J'ai remporté les unes, mais pas les autres et les premières sont donc meilleures que les secondes.

Mais sérieusement, les dirigeants syndicaux sont élus et je crois que ce sont des gens raisonnables. Ils seront prêts à en discuter au lieu d'opposer un refus catégorique. Mais comme nous l'avons dit, il faut ouvrir les syndicats.

Personnellement, je crois que l'autorisation de tenir des réunions syndicales pendant les heures de travail est sans doute la recommandation la plus importante de notre rapport en raison de la méfiance qui règne actuellement dans le système et du découragement qui est causé en grande partie par la division entre deux solitudes: d'un côté mes employés, de l'autre mes membres. Si les gens ont l'impression que le processus est équitable je crois qu'ils s'en serviront pour résoudre leurs différends, même sur une question qui leur répugne autant que la rémunération au rendement. S'ils ne le font pas, vous conservez de toute façon le droit de légiférer.

Des gens m'ont demandé d'écrire dans le rapport que le Parlement ne devrait plus jamais pouvoir leur ordonner de retourner au travail. Je leur ai répondu que si j'écrivais cela, ce serait inutile étant donné que cela ne voudrait rien dire en plus de paraître stupide. Mais il y a des gens à des postes d'autorité assez importants qui s'imaginent qu'on peut simplement dire au Parlement qu'il ne peut plus faire ce genre de chose.

• 1630

Le président: C'est une bonne chose que vous les ayez détrompés.

M. John Fryer: Je l'ai fait.

[Français]

Le président: Madame Guay, quatre minutes, s'il vous plaît.

Mme Monique Guay: Vous avez raison de dire qu'un gouvernement doit être un bon employeur. J'irais plus loin et je dirais qu'il doit donner l'exemple. On voit que d'autres syndicats et des entreprises du secteur privé négocient avec leurs employés des conditions de travail beaucoup plus intéressantes, alors que nous ne faisons pas nos devoirs ici. On n'a qu'à regarder le dossier de l'équité salariale. Combien d'années a-t-il fallu pour réussir à gagner là-dessus? Il y a toutes sortes de niveaux où on essaie de négocier présentement et où ça ne fonctionne pas. C'est donc sûr qu'il y a de l'amélioration à apporter.

Vous parliez aussi des garderies. Vous savez qu'au Québec, on a un extraordinaire système de garderies à 5 $. Un rapport du Conseil national du bien-être social est sorti dernièrement, qui disait que le service de garderies à 5 $ du Québec était l'un des meilleurs moyens qu'on ait mis en place pour sortir les gens de la pauvreté. C'est quelque chose qu'on doit regarder, même au niveau gouvernemental. On a évolué là-dedans. Vous parlez de primes pour le bon travail et tout ça. Ce sont des choses qu'il faut regarder attentivement. Je pense qu'il faut ouvrir les yeux là-dessus.

Je n'ai pas encore eu le temps de lire tout votre rapport, mais j'en apporte un exemplaire à mon bureau et on va passer à travers. Quelle sera la prochaine étape pour vous? Vous savez combien de temps il faut pour faire adopter des choses ici. J'ai révisé la partie II du Code canadien du travail. Ça faisait 10 ans que c'était censé être fait et ce ne l'était pas. On vient de finir ce travail et ça vient d'être mis en place. Quelle est la prochaine étape et que pouvons-nous faire pour vous aider à avancer dans ce dossier?

[Traduction]

M. John Fryer: Je vous remercie de cette question. Je dis toujours à mes étudiants que certaines des choses les plus progressistes qui se font au Canada se passent au Québec. Mais comme cela se fait en français, nous ne sommes malheureusement pas au courant à Victoria.

C'est particulièrement vrai dans le domaine des relations syndicales-patronales étant donné que le Québec est parvenu à un excellent niveau de maturité à cet égard. Les syndicats sont acceptés, dans la société civile du Québec, comme ils ne sont certainement pas acceptés en Ontario et ne parlons même pas de l'Alberta. Il y a au Canada trois provinces dans lesquelles les syndicats font vraiment partie de la société civile. Il s'agit de Terre-Neuve, du Québec et de la Colombie-Britannique. Peut-être aussi le Manitoba, mais ce sont en tout cas ces trois provinces.

Quelle est la prochaine étape? Nous avons préparé ce rapport à l'intention du Conseil du Trésor. Je l'ai fait à la demande du secrétaire du Conseil du Trésor. Avant que nous n'ayons terminé notre travail, Mme Robillard, la présidente du Conseil du Trésor qui vient également du Québec, a annoncé une initiative concernant les ressources humaines de la fonction publique fédérale qui va bien au-delà des simples relations syndicales-patronales. Je crois que notre rapport, ainsi que les réponses des syndicats et de l'employeur, vont être examinées par ce groupe de travail dont le rapport portera, quand Mme Robillard le présentera, sur les relations syndicales-patronales y compris nos recommandations.

Mme Monique Guay: Combien de temps cela prendra-t-il?

[Français]

Combien de temps est-ce que cela va prendre?

[Traduction]

Mme Penny Driscoll (témoignage à titre personnel): Mme Robillard a promis, je crois, de déposer le rapport en juin 2002.

[Français]

Mme Monique Guay: Qu'est-ce qu'on peut faire pour vous aider?

[Traduction]

M. John Fryer: Je ne sais pas. C'est une question insidieuse. Que pouvez-vous faire? Sans vouloir critiquer personne, je ne sais pas ce que vous pouvez faire. Je crois, lorsqu'ils entendent sonner leur réveille-matin, les gens devraient pouvoir se réjouir d'aller travailler. Je trouve inquiétant que nous vivions dans une société où il y a beaucoup trop de gens qui n'aiment pas entendre leur réveil sonner le matin.

Pour ce qui est d'être un bon employeur, nous pourrions discuter quant à savoir si le gouvernement devrait offrir ou non de meilleurs salaires que le secteur privé. Nous pourrions discuter de toutes ces questions. Mais je crois que si les syndicats et l'employeur coopèrent ensemble, ils peuvent faire de la fonction publique fédérale un lieu de travail agréable et où les gens voudront aller travailler, y compris les gens de l'extérieur et les jeunes. Plus nous saurons faire entendre ce message, plus nous pourrons nous éloigner de l'ancienne façon rigide de gérer les ressources humaines dans la fonction publique fédérale, mieux ce sera.

• 1635

Dans notre rapport, nous avons pris le taureau par les cornes et j'espère que M. Quail et son groupe de travail sur les ressources humaines sauront y donner suite.

J'ai été très heureux de recevoir votre invitation. Je sais que vous allez préparer un rapport et tout ce que vous pourrez faire sera apprécié.

En tout cas, voilà ma réponse.

Je ne peux pas vous préciser ce qu'il faudrait faire, mais je sais que 10 personnes ont consacré deux années de leur vie à ce projet pour essayer d'améliorer la situation et je crois que nous avons obtenu d'assez bons résultats. Ces recommandations me paraissent tout à fait défendables. Elles ne sont pas à l'abri de toute critique, mais si quelqu'un peut trouver une meilleure solution, tant mieux. Je serais le premier à applaudir. Je sais toutefois qu'il faut modifier les relations syndicales-patronales entre le gouvernement fédéral et ses employés.

Le président: Merci beaucoup, madame Guay. Madame Phinney, quatre minutes, s'il vous plaît.

Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci d'être venu. C'était très intéressant.

Vous avez suggéré de donner aux employeurs distincts le pouvoir de mener eux-mêmes des négociations collectives. Je voudrais d'abord savoir qui sont ces employeurs distincts? Voulez-vous parler des PDG des sociétés d'État ou des sous-ministres? Je ne comprends pas. Pourriez-vous expliquer cela?

Ensuite expliquez-moi ceci. Disons que la personne qui négocie au nom du ministère des Pêches estime qu'une description de poste lui plaît particulièrement et qu'elle vaut 75 000 $ par an. Mais au ministère de l'Agriculture, on décide que la même description de poste ne vaut que 50 000 $ par an. Va-t-il y avoir concurrence entre les ministères?

M. John Fryer: Nous avons ce que nous appelons le noyau de la fonction publique. Il s'agit des ministères. Leur nombre a diminué. Je veux parler du nombre total d'employés qui travaillent pour ces ministères qui forment le noyau de la fonction publique. Si vous aviez un diagramme, vous verriez que leur nombre est en baisse. Ces personnes n'ont pas été rayées de la carte. Elles fournissent toujours des services aux Canadiens, mais dans le cadre d'un organisme différent. Par exemple, au lieu que ce soit le ministère du Revenu national qui nous envoie nos formules de déclaration d'impôt c'est l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

Mme Beth Phinney: Ce sont toujours les mêmes employés.

M. John Fryer: Ce sont les mêmes 50 000 employés, mais ils travaillent pour un employeur distinct. Le patron a, je crois, le rang de sous-ministre. Mais aux termes de la loi qui crée cette organisation, il n'est pas couvert par la partie 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Il n'est pas obligé de recourir à la Commission de la fonction publique lorsqu'il veut embaucher du personnel. Il dispose donc d'une certaine autonomie. C'est le cas de l'Agence Parcs Canada, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et de Nav Canada, par exemple.

Mme Beth Phinney: Je comprends cela.

Qui est le patron du ministère?

M. John Fryer: Le patron du ministère est en principe...

Mme Beth Phinney: Ou l'employeur.

M. John Fryer: ...le sous-ministre. C'est comme si l'Agence des douanes ou des parcs disait: «Nous voulons le droit de négocier avec nos employés pour conclure une entente avec eux sans devoir nous aligner sur ce qui se passe dans le noyau de la fonction publique».

Mme Beth Phinney: Les sous-ministres vont donc se retrouver dans la même catégorie.

M. John Fryer: Nous passons maintenant au noyau de la fonction publique. Ce que nous recommandons pour ce noyau, c'est ce que nous appelons la négociation collective à deux niveaux. Nous voulons dire par là que le Conseil du trésor et les syndicats peuvent établir les paramètres à une grande table centrale, mais pour ce qui est de leur application pratique, cela peut être décidé au niveau local entre le syndicat et le ministère. Vous avez cité l'exemple des Pêches et de l'Agriculture.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple. Il y a 25 ans, en Colombie-Britannique, j'ai négocié une convention collective pour réduire la semaine de travail. Nous avions deux catégories de travailleurs: les cols bleus qui travaillaient 40 heures par semaine et les cols blancs qui en faisaient 36. Nous avons réduit la semaine de travail à 37 heures et demie. J'étais très content de moi, mais les cols blancs étaient furieux. Ils m'ont dit: «Vous n'avez rien obtenu pour nous. Vous avez réduit la semaine des cols bleus de deux heures et demie». Je leur ai répondu: «J'aurais pu faire augmenter votre semaine de travail à 37 heures et demie». Par conséquent, lors de la deuxième série de négociations, nous avons réduit la semaine de travail à 35 heures pour tout le monde. Le gouvernement ne voulait pas. Il croyait que 35 heures par semaine seraient l'équivalent de 1 827 heures normales. Autrement dit, encore maintenant, toute personne qui travaille pour le gouvernement de la Colombie-Britannique doit faire 1 827 heures normales pour pouvoir gagner son chèque de paie annuel.

• 1640

On a laissé les ministères et autres employeurs décider de la façon d'appliquer cette mesure et de répartir le temps en postes de huit heures, 12 heures ou 10 heures. Il y a toutes sortes de modalités différentes d'un bout à l'autre du gouvernement de la Colombie-Britannique.

Mme Beth Phinney: Pas pour les salaires.

M. John Fryer: Pas pour les salaires. Personnellement, je pense que la question salariale est la plus difficile. Nous pensons que beaucoup de choses pourraient être adaptées au niveau des ministères, dans le cadre des paramètres fixés par le Conseil du Trésor. C'est pour le noyau de la fonction publique. Les employeurs distincts pourraient faire ce qu'ils veulent.

Mme Beth Phinney: Il ne répond pas à ma question.

M. John Fryer: Vous pensez que je n'ai pas répondu?

Mme Beth Phinney: Non.

M. John Fryer: Désolé.

Mme Beth Phinney: Allez-y.

Le président: Répétez votre question, Beth.

Mme Beth Phinney: Je ne comprends pas. Vous dites que vous voudriez donner aux PDG le pouvoir de décider du salaire qu'ils verseront.

M. John Fryer: Oui.

Mme Beth Phinney: Mais pas dans le cas des ministères.

M. John Fryer: Non, c'est exact.

Mme Beth Phinney: Vous dites qu'il revient toujours au Conseil du Trésor de décider à combien s'élèveront les salaires, en tenant compte des paramètres y compris du montant d'argent que le gouvernement a à dépenser.

M. John Fryer: Oui, précisément.

La question que vous soulevez est fondamentale. Si vous autorisez des ministères à établir des échelles salariales différentes pour des emplois à peu près semblables, c'est contraire au concept d'une fonction publique fondée sur le mérite ou vous pouvez vous faire recruter par un ministère puis passer à un autre pour obtenir de l'avancement.

Mme Beth Phinney: Oui.

M. John Fryer: Nous n'étions pas prêts à aborder cette question.

Mme Beth Phinney: Très bien, merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Phinney.

Monsieur Martin, vous avez quatre minutes s'il vous plaît.

M. Pat Martin: Merci, monsieur le président. Cela est un vrai plaisir pour moi. En tant que député, je n'ai pas souvent l'occasion de parler d'un sujet que je connais vraiment. C'est un vrai plaisir.

Ai-je dis cela? Ne citez pas mes paroles.

Une voix: Je crois que c'est consigné au compte rendu.

M. Pat Martin: Oui, malheureusement.

Il y a plusieurs questions que je voulais soulever. Je commence à comprendre le truc. Si je consacre la totalité de mes quatre minutes à poser des questions, vous pourrez y répondre pendant un certain temps sans que le président ne vous coupe la parole. Je devrais peut-être poser plusieurs questions.

Une voix: Attention.

M. Pat Martin: Je vais vous demander une ou deux choses.

Lorsqu'on a créé l'Agence des douanes et du revenu, Nav Canada, etc., les employés de ces ministères ont été couverts par le Code canadien du travail et non plus par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. C'est au moins une chose qu'ils n'ont pas regrettée en ce qui concerne ce changement.

Pourquoi n'accordez-vous pas, dans votre rapport, le reste de ce que le secteur public souhaite vraiment obtenir? Les fonctionnaires voudraient échapper à l'autorité de la LRTFP.

Vous avez parlé de la maturité des relations de négociation. Je suis d'accord. Dans le secteur d'où je viens, nous avons négocié pendant 120 ans avec les mêmes employeurs, dans certains cas. Chaque clause de l'entente a été testée à plusieurs reprises dans le cadre de l'arbitrage. J'ai négocié 30 ou 40 conventions collectives lorsque je dirigeais le syndicat des charpentiers. Nous n'avons jamais fait grève. Les relations peuvent mûrir. Nous n'avons jamais perdu de terrain. Vous avez raison.

Existe-t-il un moyen de contourner le douloureux processus de maturation et de simplifier la négociation collective afin qu'elle pose moins de problèmes? Il n'est pas nécessaire que ce soit aussi épais que l'annuaire téléphonique de Manhattan.

Avez-vous envisagé ou vous a-t-on recommandé une forme quelconque d'arbitrage des propositions finales, comme ce que nous avons eu au Manitoba pendant un certain nombre d'années?

Le président: Vous pouvez répondre à toutes ces questions en même temps, monsieur Fryer.

M. John Fryer: Je peux répondre très rapidement à certaines d'entre elles.

Nous n'avons pas examiné l'arbitrage des propositions finales beaucoup plus longuement que la question de la non-syndicalisation de la fonction publique. L'arbitrage des propositions finales est la roulette russe de l'arbitrage où le syndicat soumet sa position finale et l'employeur sa dernière offre. L'arbitre choisit ensuite l'une ou l'autre. C'est une méthode dont on se sert régulièrement aux États-Unis pour les négociations avec la police, les pompiers et les secteurs dans lesquels on ne veut généralement pas avoir de grève.

Je vous épargnerai la conférence que j'ai donnée sur l'arbitrage des propositions finales. C'est une formule que la plupart des professionnels des relations de travail n'aiment pas beaucoup. La seule fois où on l'a expérimentée, c'était au Manitoba et même là cela a créé des dissensions si je me souviens bien.

• 1645

Pour ce qui est des employeurs distincts, c'est bien compliqué. Quand Nav Canada s'est séparé de Transports Canada—ou quel que soit son nom étant donné qu'on en a fait cette agence distincte et qu'on l'a financée—elle a été assujettie au Code canadien du travail.

Mais ce n'est pas le cas de l'Agence des douanes et du revenu. En ce qui concerne l'Agence des douanes, l'Agence des Parcs et l'Agence d'inspection des aliments, on s'est contenté de les libérer des obligations de la partie 2 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique qui oblige à recourir à la Commission de la fonction publique pour embaucher. La partie 1 continue de s'y appliquer si bien que les droits des employés de ces agences sont les mêmes que ceux des employés du gouvernement fédéral. Ils sont couverts obligatoirement non pas par le Code canadien du travail, mais par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Puis il y a les employés qui sont couverts par le Code.

Par conséquent, ce ne sont pas tous les employeurs distincts—en fait, la majorité des employeurs distincts n'ont pas été soustraits à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Ils ont été soustrait à la partie 2 qui concerne l'embauche.

Une voix: Vous voulez parler de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

M. John Fryer: Oui, je voulais parler de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, désolé.

À propos de la maturité des relations, dans le domaine des relations de travail, on a l'habitude de dire que les employeurs ont les syndicats qu'ils méritent. Je crois qu'il y a là une certaine vérité. L'inverse est peut-être également vrai, mais il y a là une certaine vérité. Et dans la mesure où c'est vrai, on constate une certaine fragilité au sein de la fonction publique fédérale.

Vous savez sans doute que la Confédération des syndicats nationaux a réussi à marauder Corrections Canada. À ma connaissance, c'est la première fois de l'histoire de la CSN qu'elle a réussi à obtenir l'accréditation pour des négociations à l'échelle de tout le pays. La seule exception que je connaisse portait sur une mine de Terre-Neuve, à part cela, la CSN a toujours été une fédération du travail basée au Québec.

Il y a d'autres syndicats qui cherchent à recruter des membres dans la fonction publique fédérale. L'Institut professionnel de la fonction publique a dû obtenir une nouvelle accréditation lorsque l'Agence des inspections des aliments a été constituée.

Les vétérinaires de l'Agence d'inspection des aliments ont voté pour changer de syndicat. Ils voulaient passer de l'Institut professionnel de la fonction publique à la Fraternité internationale des teamsters. À l'issue de ce vote par bulletin secret, l'Institut professionnel est resté le syndicat accrédité par quatre voix. TCA-Canada a hâte de syndiquer les vérificateurs de Revenu Canada.

Je ne sais pas s'il vaut mieux ouvrir la fonction publique fédérale à tous ces syndicats du secteur privé ou non. On en est encore bien loin. Si nous ne modifions pas les relations de pouvoir, si les syndicats du secteur public ne peuvent pas dire à leurs membres qu'ils ont obtenu quelque chose pour eux, contrairement à ce qui s'est passé depuis 10 ans, pourquoi les gens voudraient-ils continuer à payer des cotisations syndicales? Pourquoi devrais-je accepter qu'on prélève des cotisations sur mon chèque de paie si je n'obtiens rien en échange?

Nous avons créé une situation difficile et instable. Dans ce rapport, nous ne voulions pas exprimer toutes nos inquiétudes au sujet de ce qui ne va pas ici et là, mais nous avons vu des signes très inquiétants.

Le président: Merci beaucoup.

Vous avez bien fait de poser toutes vos questions tout de suite, monsieur Martin. Vous aviez parfaitement raison; vous avez bien compris ma façon de faire.

Monsieur Bryden, vous avez des questions.

M. John Bryden: Juste une ou deux.

Je sais que vous ne deviez pas envisager la possibilité de ne pas avoir de syndicat, mais a-t-on effectué des sondages pour savoir si les fonctionnaires estiment qu'ils devraient ou non rester syndiqués?

M. John Fryer: Oui... Non. Me permettez-vous de vous raconter une brève anecdote?

Quand M. Trudeau, l'ancien premier ministre est mort, j'ai fait la queue, avec ma famille, pour me recueillir sur son cercueil. Une femme a reconnu un de mes fils et son groupe s'est joint à la queue. C'était trois femmes qui travaillaient au Musée des beaux-arts—nous étions en octobre. Je leur ai parlé parce qu'on parle, comme vous le savez, à la serveuse du restaurant ou au chauffeur de taxi. Ces femmes n'étaient pas militantes, elles n'allaient pas aux réunions syndicales et leur syndicat ne les intéressait pas beaucoup. Je leur ai demandé si elle voterait pour ou contre au cas où il y aurait un vote. Elles ont répondu qu'elle voterait pour parce qu'il faut quand même obtenir quelque chose.

• 1650

Moins de six mois plus tard, les employés du Musée des beaux- arts ont fait grève. Je passe par là tous les jours sur le chemin de mon travail et j'ai vu que deux de ces personnes qui, au départ, n'avaient aucun intérêt pour les questions syndicales et n'allaient jamais aux réunions étaient devenues très militantes, portaient des pancartes, criaient et appuyaient la grève.

Personnellement, je préférerais qu'une telle proposition ne soit jamais mise aux voix.

M. John Bryden: Que voulez-vous dire?

M. John Fryer: Je veux dire que tant que le processus ne sera pas amélioré et modifié, les travailleurs ressentiront une profonde aliénation.

M. John Bryden: En ce qui concerne les syndicats?

M. John Fryer: Je veux parler de la façon dont le système fonctionne actuellement, le fait que les gens paient des cotisations sans rien obtenir en retour.

M. John Bryden: Je peux vous dire qu'à l'approche d'une grève, des syndiqués sont venus me voir à mon bureau de circonscription. Même s'ils approuvaient la grève en ce sens qu'ils jugeaient leur salaire insuffisant, ils ne voulaient pas appartenir au syndicat parce qu'ils estimaient qu'on les forçait à s'aligner sur le plus bas commun dénominateur sans leur permettre de faire preuve de professionnalisme. Cela m'amène à une autre question que mon collègue d'en face a abordée lorsqu'il a dit que les syndicats amélioraient les conditions de travail.

N'est-il pas vrai que le problème actuel n'a rien à voir avec les conditions de travail? C'est plutôt une question de professionnalisme. Le professionnalisme n'a rien à voir avec les diplômes; vous n'êtes pas obligé d'avoir étudié dans certaines écoles pour faire preuve de professionnalisme. C'est une question de fierté.

Tout ce que je vous ai entendu dire se ramenait à cette question de fierté. Je comprends ce que vous tentez de faire dans ce rapport, mais je ne suis pas certain que nous réussirons à faire comprendre qu'au lieu que les syndicats soient là pour améliorer les conditions de travail, ils existent plutôt pour développer le professionnalisme de leurs membres, ce qui nous ramène à la question des primes au rendement et de toutes ces mesures.

M. John Fryer: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous là-dessus.

Personnellement, je crois que la direction doit reconnaître davantage les mérites des employés. Le syndicat est l'un des moyens d'apporter ce genre d'améliorations. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous pour dire que les syndicats ne s'occupent pas de développer le professionnalisme. Je ne suis pas au courant de tous les détails et je me trompe peut-être, mais de nombreux syndicats de la fonction publique fédérale à qui j'ai eu affaire ont un programme très complet pour améliorer les compétences professionnelles de leurs membres. Vous savez ce que je veux dire. Je ne suis pas d'accord quant au fait que cela ne les intéresse pas.

Je crois que nous devons nous préparer pour un monde du travail différent. Voilà pourquoi je n'aime pas le système de pouvoir hiérarchique qui existait par le passé. C'était peut-être nécessaire. Je ne le contesterai même pas. Mais je sais—comme je vous l'ai dit, j'ai six enfants—que les jeunes d'aujourd'hui ne veulent pas de ce système. Ils veulent une certaine autonomie. Ils veulent qu'on reconnaisse leurs mérites. Ils doivent également accepter une certaine désapprobation lorsqu'ils ne font pas du bon travail. Mais nous avons besoin d'un environnement de travail différent. Je crois que l'employeur et le syndicat peuvent travailler ensemble pour le créer.

M. John Bryden: Puis-je poser une question pratique?

Le président: Seulement si elle est très courte.

M. John Bryden: Oui, elle est très courte.

Vous avez parlé de codétermination dans le cadre du Conseil national mixte. Mais s'il n'y a pas d'accord?

M. John Fryer: Quand il n'y avait pas d'accord—et j'ai dit que ce serait... Je crois que le Conseil national mixte existe depuis 60 ou 70 ans et que pendant toutes ces années, quand il n'y avait pas d'accord, la volonté du patron était imposée.

Il y a deux ans, une importante initiative a été prise sous la direction d'un nouveau dirigeant principal des ressources humaines au Conseil du Trésor. Le Conseil national mixte a adopté un nouveau mécanisme de règlement des différends. Il prévoit la médiation, mais en cas de sérieux désaccord, un arbitre indépendant peut être appelé à intervenir. Je crois que c'est une amélioration. Je n'ai pas précisé cela dans notre rapport. J'ai seulement dit que nous aurions recours au mécanisme de règlement des différends qui existe au sein du Conseil national mixte.

C'est nouveau, mais je crois que cela a modifié la nature du Conseil national mixte sur le plan qualitatif.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bryden.

Monsieur Finlay, vous aviez des questions?

• 1655

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Je n'en suis pas sûr, monsieur le président. C'était très intéressant et je remercie M. Fryer.

J'ai travaillé pendant trois ans pour une organisation professionnelle. C'est du moins ainsi que je la considérais. C'était l'OSSTF qui a sans doute été, pendant des années, l'organisation professionnelle la plus efficace du pays pour ce qui est d'obtenir des avantages sociaux pour ses membres. J'y ai travaillé juste au début de la nouvelle vague. Nous avons eu un président, Norm Orman, qui venait du mouvement syndical. Il citait l'exemple d'Al Shanker, de New York—vous vous souvenez de ces grèves à grande échelle, ce que je n'ai pas beaucoup apprécié.

Quoi qu'il en soit, j'ai quitté mon poste au syndicat pour retourner enseigner chez moi, là où j'avais commencé. Je pense que l'attitude des syndicats ou des organisations professionnelles s'est graduellement détériorée. Nous avons eu la première grève des enseignants et aujourd'hui en Ontario, malheureusement, en partie à cause du gouvernement actuel, j'ai bien peur que les syndicats soient devenus plus militants à bien des égards. Ils ont fait grève. Mais le gouvernement a la situation bien en main.

Je pense que les enseignants y ont quelque peu renoncé, car ils veulent continuer à enseigner aux enfants et comme ils n'ont pas d'autre endroit où aller, ils doivent accepter le statu quo et se débrouiller comme ils peuvent. Même si vous n'avez pas nécessairement étudié ce phénomène, il y a sans doute au sein de la fonction publique, des groupes qui manifestent le même genre d'attitude. Est-ce exact?

M. John Fryer: Oui, absolument. En Colombie-Britannique, la province d'où je viens, le gouvernement vient de faire de l'éducation publique un «service essentiel». Le syndicat vient de tenir un vote dans lequel 91 p. 100 des membres se sont prononcés pour la grève et il faut donc s'attendre à un affrontement de taille.

En tant que professeur de relations de travail—et non pas en tant que président de ce groupe de travail—je crois que le réseau de santé publique est sérieusement compromis à cause des conflits qui opposent les infirmières et les médecins aux administrateurs des hôpitaux et au gouvernement. L'éducation publique est menacée par le conflit entre les enseignants et le gouvernement. Je n'hésiterais pas à recommander au secteur de l'éducation et au secteur de la santé la solution que nous préconisons et qui consiste à remplacer des rapports d'opposition par la recherche de solutions fondées davantage sur la collaboration, car si on laisse les gens se battre entre eux pour se partager un gâteau d'une grosseur bien précise, ces deux institutions sont en danger.

Je n'aime pas l'idée d'arriver au but visé en enlevant des droits aux gens. Il faut plutôt considérer que les travailleurs sont des adultes qui ont la maturité voulue pour résoudre eux-mêmes ces questions et qu'ils sont parfaitement capables de le faire. Je propose donc d'attribuer davantage de responsabilités aux employés et à leurs représentants et de s'attendre à ce qu'ils les exercent comme il faut.

Le président: Merci, monsieur Finlay.

Monsieur Martin, aviez-vous d'autres questions?

Monsieur Fryer, vous parlez d'une nouvelle attitude et d'un nouveau modèle de relations de travail fondés sur la collaboration plutôt que l'opposition. Comment envisagez-vous la transition entre les relations actuelles et celles que vous souhaitez?

M. John Fryer: Permettez-moi de prendre un exemple. Nous avons parlé du Musée des beaux-arts. La situation était très tendue. Je crois que le conflit s'est poursuivi pendant six ou sept semaines. Il a été réglé en partie grâce à un changement d'attitude. L'employeur et le syndicat...

Le président: Vous ne pouvez pas légiférer pour imposer une nouvelle attitude.

M. John Fryer: Non, mais l'employeur et le syndicat ont convenu tous les deux que ce changement s'imposait dans le cadre du règlement. Ce n'était pas seulement une question de salaire; il fallait un changement d'attitude.

Le ministère du Travail a organisé des ateliers auxquels les dirigeants syndicaux et la partie patronale se sont rencontrés. Des gens qui travaillent là-bas m'ont dit que l'ambiance de travail avait changé et que maintenant, ils aimaient leurs conditions de travail alors que l'ambiance qui régnait précédemment les avait conduit à s'insurger.

• 1700

Nous disons qu'il faut rééquilibrer les relations de pouvoir. Faisons savoir aux syndicats que nous allons leur accorder davantage de droits ou de responsabilités sur un plus vaste éventail de questions et que nous sommes prêts à les écouter. Soyons prêts à laisser un tiers arbitrer si les choses ne marchent pas, car pour la plupart des 22 mécanismes de règlement des différents dont j'ai parlé, c'est le sous-ministre qui prend la décision. Aucun tiers n'intervient; le patron se contente de dire: «Ce sera comme ça et pas autrement».

Rééquilibrons les pouvoirs, élargissons les responsabilités et le reste viendra tout seul. Augmentons la participation des membres. Il faut que les syndiqués puissent dire: «Vous prélevez 40 $ par mois sur mon chèque de paie; qu'est-ce que j'obtiens en retour?» Grâce à ce genre de chose, nous croyons que, prises ensemble, nos propositions pourraient rééquilibrer la situation ou commencer à la modifier.

Le président: Vous êtes donc prêt à recommander que nous leur accordions des responsabilités de même que des pouvoirs parce qu'étant des adultes, ils agiront de façon mûre et raisonnable...

M. John Fryer: Exactement.

Le président: ...et pour le bien collectif au lieu de se montrer égoïstes et immatures du fait qu'ils n'ont pas ce pouvoir.

M. John Fryer: Je ne suis pas né de la dernière pluie, mais c'est ce que je crois. Nous avons une excellente fonction publique. La plupart des gens qui travaillent pour la fonction publique n'y sont pas entrés pour s'enrichir. Ils ont le sentiment de travailler pour la collectivité. Eh oui, ils veulent être rémunérés équitablement. Qui ne le voudrait pas? Nous ne serons pas nécessairement d'accord quant à ce qui constitue une rémunération équitable, mais je crois que nous avons une bonne fonction publique.

Lors de la récente tragédie, la fonction publique était en première ligne aux États-Unis, un pays qui n'est pas connu pour soutenir énormément le secteur public. Ce dernier a joué un rôle important. J'ai énormément confiance dans la nature humaine, car je crois que la plupart des gens veulent pouvoir se rendre avec plaisir au travail chaque matin. La plupart d'entre nous n'ont pas envie d'aller se battre contre le patron ou vice versa.

Le président: Avez-vous une question à poser à ce sujet, monsieur Bryden?

M. John Bryden: Quand vous aurez terminé, monsieur le président, je voudrais seulement faire une petite observation.

Le président: À propos de la rémunération au rendement, vous avez mentionné qu'au XXIe siècle les gens veulent avoir une influence sur leur environnement.

M. John Fryer: Oui.

Le président: Nous voulons, bien entendu, reconnaître les mérites de ceux qui font un bon travail ou un meilleur travail. Cela veut dire qu'au lieu de donner à tous le même salaire, il faut l'ajuster en fonction des compétences, de la motivation, etc. Comment ce système pourrait-il être appliqué? Ai-je raison de croire que ce serait là une innovation dans le contexte habituel?

M. John Fryer: J'ai une idée à laquelle je ne tiens pas mordicus, car d'autres ont certainement de meilleures idées que moi, mais j'y ai réfléchi et je pense que les gens ne voient pas d'inconvénient à travailler en équipe. On pourrait faire travailler des gens en équipe et l'équipe aurait droit à un incitatif. Les membres de l'équipe décideraient eux-mêmes de la répartition de cette somme. Je préférerais que ce soit le groupe qui décide qui est le plus méritant plutôt qu'un cadre qui n'était pas là quand la décision a été prise. Je ne pense pas que ce serait aussi équitable.

Une solution serait donc le travail d'équipe récompensé par un incitatif financier. Mais il y en a sans doute d'autres.

C'est une question difficile. Il n'y a pas de réponse toute faite, mais ce dont je suis certain c'est que nous ne trouverons pas de solution si nous n'en discutons pas sérieusement et si les deux parties ne sont pas sur un pied d'égalité. Si l'une des parties a l'impression que l'autre possède tous les pouvoirs, vous ne trouverez jamais les bonnes réponses. Je crois toutefois possible de les trouver si nous rendons les choses un peu plus équitables.

Le président: Dans le secteur privé, les employeurs diront toujours: «Si nous accordons trop, nous ne réaliserons plus de profits et ce sera, enfin de compte, au détriment de tout le monde». Ce raisonnement ne s'applique pas au gouvernement fédéral ou au secteur public parce qu'ils ne sont pas là pour réaliser des profits, mais ils trouvent évidemment leur soutien au Parlement ou à l'assemblée législative qui, comme vous l'avez souligné, ont joué le rôle de «narcotique» plutôt que de mécanisme de reddition de comptes.

M. John Fryer: Oui.

Le président: Si nous essayons d'appliquer ce nouveau paradigme—vous avez dit que vous n'aimiez pas ce mot...

M. John Fryer: Ça va.

• 1705

Le président: ...ou ce nouveau concept et si le gouvernement, l'employeur, ne veut pas invoquer l'absence de profits comme le ferait le secteur privé, comment peut-il faire valoir qu'il ne peut pas aller plus loin sans avoir à recourir à l'assemblée législative, ce qui correspond au modèle de reddition de comptes de la fonction publique?

M. John Fryer: Il y a quelques années, nous avions le Bureau de recherches sur les traitements. Le gouvernement conservateur s'en est débarrassé lorsqu'il a sabré dans les programmes. Le Bureau de recherches sur les traitements fournissait des données aux deux parties avant les négociations pour essayer de minimiser la portée des arguments qu'elles échangeaient.

Nous recommandons de rétablir ce que nous appelons un Bureau de recherche sur la rémunération. Nous proposons qu'il soit géré par un conseil d'administration conjoint. Le syndicat ne participerait pas à la gestion courante. Les deux parties décideraient ensemble des questions qu'il y aurait lieu d'étudier, de la façon de les étudier et des priorités. Ce Bureau de recherche sur la rémunération fournirait les données requises pour faciliter des négociations amiables.

Cela dit, s'il ressort des données que tout le monde a obtenu une augmentation de 10 p. 100 et que le gouvernent fédéral n'est pas prêt à accorder plus de 2 p. 100, rien ne peut l'obliger à donner 10 p. 100. Je comprends cela. Mais si les chiffres se fondent sur des données assez fiables sur lesquelles les deux parties sont d'accord, cela devrait guider les considérations budgétaires du gouvernement. S'il rejette les résultats du Bureau de recherche sur la rémunération, il ne s'étonnera pas si cela a des conséquences et si sa décision sera peut-être rejetée.

Le président: La question des avantages sociaux est bien entendu assez délicate ou litigieuse. Au cours des 30 dernières années, les familles à un seul revenu ont cédé la place aux familles à deux revenus. En fait, je crois que la famille à deux revenus est devenue la norme. La question des avantages sociaux pour les personnes à charge devient donc problématique. Pourquoi faudrait-il payer deux fois lorsque deux employés sont couverts par les mêmes avantages sociaux?

En tant que professeur de relations de travail, auriez-vous des recommandations à nous faire au sujet des avantages sociaux dans le contexte moderne actuel?

M. John Fryer: Pas vraiment. C'est une question très complexe. Vous avez raison de décrire ainsi la cellule familiale, mais il y a aussi le fait qu'un grand nombre de familles à deux revenus ont tendance à se séparer. Si vous trouvez une solution qui consiste à faire payer seulement un des conjoints pour les avantages sociaux, il y aura un problème à résoudre quand le couple se séparera.

Je crois que notre société et le groupe syndical-patronal pourraient faire preuve de beaucoup plus d'imagination sur le plan des avantages sociaux. Nous y consacrons beaucoup d'argent. Dans la fonction publique, les avantages sociaux ne sont pas mauvais. Les employés ne sont pas terriblement désavantagés à cet égard. Mais j'en ai assez de voir le gouvernement fédéral se faire constamment tirer l'oreille.

Par exemple, je faisais partie d'une commission de conciliation dans les années 80 et le gouvernement fédéral a été le dernier grand employeur à offrir un régime d'assurance dentaire. Je ne comprends pas pourquoi il a été le dernier grand employeur du pays à le faire. Je le souligne, car cela m'avait beaucoup ennuyé à l'époque.

Il y aurait donc toutes sortes d'améliorations à apporter dans la façon dont nous concevons les avantages sociaux. En ce qui concerne l'éducation, par exemple, un des problèmes actuels est son coût. Je ne connais pas beaucoup d'exemples de négociations collectives où on s'est attaqué à cette question.

Quoi qu'il en soit, cela suffit.

Le président: Monsieur Bryden, vous avez une brève question.

M. John Bryden: C'est davantage une observation qu'une question.

J'étais tout à fait d'accord avec l'optimisme du témoin quant à la possibilité, pour des gens de bonne volonté, de travailler ensemble. Comme lui, et comme nous tous, je crois que nous avons une excellente fonction publique et qu'il serait souhaitable que cette bonne volonté l'emporte. Je dois toutefois dire au témoin que je ne vois pas comment nous pourrons avoir un système sans antagonisme tant que le droit de grève existera.

• 1710

C'est la seule chose sur laquelle je ne peux pas être d'accord avec le témoin.

M. John Fryer: Je respecte tout à fait ce que vous avez dit, car n'est jamais tout noir ou tout blanc. Je crois néanmoins que le droit de cesser de travailler dans certaines circonstances est un droit fondamental des travailleurs et je ne voudrais pas d'un système qui le leur enlèverait.

Je porte sans doute là un jugement moral, mais je comprends ce que vous voulez dire. Même ce que nous recommandons entraînera un certain antagonisme. Il y aura certains désaccords au sujet des chiffres, sans aucun doute, mais j'espère qu'avec l'aide de gens raisonnables et compétents, nous pourrons minimiser cette opposition. C'est ce que je souhaite, que nous minimisions les conflits.

Le président: Merci, monsieur Bryden.

Monsieur Martin.

M. Pat Martin: J'ajouterai seulement que j'ai toujours pensé qu'une grève légale était la façon la moins violente et la plus civilisée de sortir de l'impasse. C'est certainement préférable aux grèves sauvages du passé, où les choses se déroulaient de façon horrible. Les gardiens de Pinkerton venaient taper et fendre des crânes. Cela semble être une forme de violence économique, mais les choses se déroulent de façon pacifique dans 99 p. 100 des cas.

Pour ce qui est des avantages sociaux, vous avez fait valoir qu'une façon de résoudre le problème des deux conjoints qui travaillent et qui cotisent aux régimes d'avantages sociaux est le menu à la carte dont vous avez parlé. Cela m'a semblé tout à fait logique. Si un régime d'assurance dentaire coûte 40 $ par mois, au moins, n'allons-pas en acheter deux. Achetons un régime d'assurance dentaire plus une semaine de vacances supplémentaires ou quelque chose de ce genre. Cela me plaît.

M. John Fryer: En effet.

M. Pat Martin: Une question que je voulais toutefois soulever est celle de la rémunération au rendement. Je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point. Cela me semble être une voie dangereuse. Les gens de métiers se sont battus pendant des années pour que la rémunération soit normalisée afin de ne pas avoir à se lancer dans une course à qui porterait la charge la plus lourde et qui travaillerait le plus vite pour produire davantage.

Pour ce qui est de votre recommandation voulant que l'équipe décide qui touchera la prime, j'attire votre attention sur un des résultats prévisibles des études sur la question. Si une équipe de six personnes devait se partager un gâteau, elle commencerait par évincer l'un de ses membres afin que les cinq personnes restantes obtiennent un petit peu plus. C'est un sérieux problème du point de vue du travailleur et je vous mets en garde contre ce système.

M. John Fryer: Il n'y a pas de solution toute faite. C'est M. Bryden qui a parlé, je crois, du professionnalisme. Il est vrai que l'attitude des gens que nous employons de nos jours est quelque peu différente.

Par exemple, disons que j'ai mon certificat de compagnon. J'ai fait mon apprentissage et je suis devenu un charpentier qualifié. Si les charpentiers sont rémunérés à 20 $ de l'heure, vous avez intérêt à me donner mes 20 $ ou vous allez m'entendre. Je comprends cela. Je pense que l'attitude des travailleurs évolue et que le genre de responsabilités que doivent assumer les fonctionnaires deviennent plus complexes. Je ne peux tout simplement pas oublier que le reste du monde se dirige vers la rémunération au rendement et je ne vois pas comment la fonction publique fédérale pourrait y échapper. Je suis sceptique. Ce sera difficile, mais c'est un problème auquel nous serons confrontés.

Une solution consiste à dire non. Je le reconnais. Et si vous dites non, cela vous conduit à la grève. Mais le problème en ce qui concerne les grèves dans la fonction publique fédérale ou n'importe quelle autre fonction publique, monsieur Martin, c'est qu'on ne vous laisse pas fermer l'entreprise. Quand il y a une grève dans le secteur privé, personne ne travaille, l'usine est fermée. Dans certaines provinces, vous ne pouvez même pas faire venir des travailleurs de remplacement.

• 1715

Ce n'est pas la même chose dans la fonction publique parce que nous disons qu'en cas de grève, il faut continuer à offrir tous les services au public. Nous avons un processus de «désignation des postes essentiels» qui oblige tous ces gens à se rendre au travail. Ils demandent: «Pourquoi dois-je aller travailler alors que je suis en grève?» Vous voyez des files d'attente avec des gens montrant un papier disant qu'ils doivent retourner au travail...

À partir du moment où la grève a des conséquences réelles sur le service, le Parlement se réunit pour mettre fin à une grève qui n'en est pas une. Dans la fonction publique fédérale, la grève légale ne ressemble en rien à ce qui se passe dans le secteur privé où tout le monde fait grève. Dans la fonction publique fédérale, quelqu'un ne va pas descendre la rue Wellington en annonçant que le gouvernement ferme ses portes jusqu'à nouvel avis.

La solution que je propose consiste à créer un système qui accordera davantage de droits aux employés et à leurs représentants et qui apportera une aide professionnelle pour que les risques de conflit soient minimisés. C'est la meilleure solution que je puisse voir sans supprimer le droit de grève, ce qui serait, selon moi, une mesure draconienne.

Ce n'est peut-être pas parfait, mais c'est le modèle que nous essayons de suivre. Pour ce qui est des avantages sociaux, votre solution est bien meilleure que la mienne. Je fais allusion au principe du menu à la carte. Si vous avez un couple, il peut choisir un moyen de se rendre au restaurant et peut en prendre un autre en cas de séparation. Cela me semble être une meilleure solution.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Martin.

Monsieur Fryer, nous devons vous remercier d'être venu ici cet après-midi.

Nous savons que vous êtes venu de loin et vous avez dit, je crois, que votre voyage n'a pas été des plus agréables étant donné la situation actuelle dans le transport aérien...

M. John Fryer: En effet.

Le président: ...mais nous vous remercions infiniment pour votre franchise. Nous vous remercions d'avoir discuté de votre rapport avec autant de franchise et de nous avoir informés grâce à vos vastes connaissances du sujet.

Comme un certain nombre de parlementaires l'ont dit, nous avons une merveilleuse fonction publique. Nous voulons que les fonctionnaires aillent travailler le matin et restent même le soir si c'est nécessaire, pour que le travail soit accompli.

Normalement, lorsque le vérificateur général comparaît devant le comité, nous lui laissons le dernier mot. Avez-vous un dernier mot à nous dire?

M. John Fryer: Pas vraiment, si ce n'est pour vous remercier de m'avoir invité ici et pour l'intérêt que vous avez manifesté.

Je me souviens d'avoir demandé à un sous-ministre, que je ne nommerai pas, mais c'est une attitude très répandue, si les choses n'iraient pas mieux sans syndicat. Je connais cet homme depuis des années et nous sommes de bons amis. À un moment, il m'a dit: «Notre produit est le service au public canadien; le gouvernement est là pour ça, pour servir la population». Puis il a ajouté que les ressources du gouvernement c'étaient ses employés. Je n'en dirai pas plus. C'est tout ce que nous avons. Tout ce que nous avons ce sont les gens qui assurent des services aux citoyens du pays, qui appliquent les directives que vous leur donnez en tant que représentants élus de la population.

Je crois que notre pays a l'obligation morale de rendre ce milieu de travail le plus agréable possible dans les limites du raisonnable. C'est ce que notre comité voulait faire. Voilà pourquoi nous avons abordé paisiblement le sujet dans le but de voir quels étaient les problèmes. Je ne vois pas l'intérêt d'attribuer à qui que ce soit la responsabilité de la situation actuelle. Une fois que nous avons mis les problèmes en lumière, nous avons essayé de façon systématique à chercher une nouvelle façon de faire.

Nous ne prétendons pas que c'est la seule solution, mais nous sommes convaincus qu'il est temps de changer les choses. Nous croyons qu'il faudrait faire confiance aux employés.

Le président: Merci encore, monsieur Fryer. Nous vous remercions infiniment d'être venu nous voir cet après-midi.

La séance est levée jusqu'au mardi 31 octobre. Nous étudierons alors le chapitre 24 du Rapport du vérificateur général du Canada pour 2000 sur les programmes fédéraux de réglementation relatifs à la santé et à la sécurité.

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