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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 042 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 15 mai 2007

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    Juste avant d'entendre nos témoins ce matin, je veux indiquer à tout le monde que j'espère vous distribuer ce matin des exemplaires de la lettre que nous avons envoyée au ministre au sujet de la motion étudiée précédemment en comité. Voilà qui est fait. Voilà qui est réglé. Ce ne sont pas encore des renseignements essentiels, mais nous allons tenter de vous les remettre aussitôt que possible.
    Nous recevons ce matin le sénateur Roméo Dallaire. M. Dallaire avait déjà manifesté son désir de participer à une séance du comité. Étant donné que nous étudions le syndrome de stress post-traumatique dans le cadre de l'étude du Programme pour l'autonomie des anciens combattants et la révision des soins de santé, nous lui avons offert cette possibilité. Je suis heureux de voir qu'il est ici aujourd'hui.
    Je crois que M. Dallaire a deux assistants, un secrétaire particulier et une adjointe exécutive: M. David Hyman et Hélène Ladouceur.
    Monsieur Dallaire, nous donnons habituellement 20 minutes au témoin, puis nous donnons la chance aux membres du comité de poser des questions. Souhaitez-vous que vos adjoints fassent également des observations, ou sont-ils là pour vous appuyer?
    Non. Merci beaucoup, monsieur le président.
    David est ici pour me donner des notes pertinentes de temps à autre et pour s'assurer que je demeure sur la bonne voie, si vous le permettez.
    C'est très bien.
    Mme Ladouceur se présente devant un comité pour la première fois. Elle s'est jointe à moi il n'y a pas très longtemps. Il s'agit donc d'une expérience de formation sur le tas, si on peut dire.
    Je vous propose de parler pendant moins de 20 minutes, je l'espère, mais je vais vous donner quelques renseignements de façon efficace, puis je serai très heureux de répondre à vos questions.
    Fort bien. Vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, mesdames et messieurs, de l'invitation à venir témoigner devant le comité, qui se penche justement sur la question de la santé et des soins que reçoivent les vétérans, particulièrement à ce moment-ci, compte tenu de la nouvelle charte et de ses répercussions sur les soins qui sont donnés aux nouveaux vétérans.
    J'utilise le terme « nouveaux vétérans » ou « nouvelle génération de vétérans », c'est-à-dire essentiellement ceux de l'ère moderne ou post-moderne, soit après la fin de la guerre froide, qui sont différents de ceux qui ont fait la Deuxième Guerre, la Première Guerre et la guerre de Corée. On inclut aussi nécessairement dans ce groupe ceux qui ont servi entre la guerre de Corée et la fin de la guerre froide.
    L'ampleur de cette nouvelle génération de vétérans est croissante et continuera de l'être pour des années à venir. Il est donc tout à fait pertinent d'examiner ce que nous faisons pour eux et de voir comment nous pouvons agir de façon proactive afin de répondre à leurs besoins.

[Traduction]

    J'ai témoigné devant le comité sénatorial en 2003 sur le même sujet; lorsque j'étais sous-ministre délégué des ressources humaines ou, à ce moment-là, du personnel, j'ai témoigné devant le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, qui a maintenant été scindé en deux comités. Je suis très heureux d'être de retour ici aujourd'hui.
    Très rapidement et succinctement, si vous me le permettez, le premier aspect dont je souhaite vous parler porte sur l'époque où nous vivons; c'est-à-dire, ce qui se passe maintenant et ce qui est arrivé ces 15 ou 16 dernières années, depuis la guerre du Golfe, essentiellement, quand nous avons vu toute une série de pays imploser et que les Nations Unies ont entrepris toute une série de missions différentes, et également que des pays, en coalition, ont participé à un certain nombre de ces missions sans être sous l'égide des Nations Unies. Dans cette nouvelle ère, les missions sont très complexes et souvent ambiguës, et cette situation prévaudra sans doute encore pendant plusieurs années. Nous vivons donc essentiellement dans une nouvelle ère, au début d'une nouvelle ère, par opposition à la précédente qui a réellement pris fin lorsque la guerre froide s'est terminée.
    À l'ère précédente, nous étions témoins de guerres classiques, de guerres d'usure, de guerres qui opposaient, essentiellement, des armées à des armées. À l'exception de nos collègues américains, qui ont vécu l'expérience de façon approfondie au Vietnam, on voyait des armées professionnelles qui faisaient face à des armées professionnelles, qui combattaient avec des équipements modernes, dans un contexte général d'eurocentrisme.
    Ce n'est plus ce qu'on voit depuis, et ce ne seront pas non plus les conflits de l'avenir. Nous verrons toute une série de ces missions très complexes, très ambiguës et très difficiles à mesure que des pays continueront d'imploser partout dans le monde, que des pays tenteront de se conformer davantage à la démocratie, aux droits de la personne, à la bonne gouvernance et à la primauté du droit, alors que nous continuerons de voir les extrémistes de différents pays continuer de violer les droits de la personne. Nous serons également témoins de la vulnérabilité du monde développé par rapport à des éléments tels que le terrorisme et même, peut-être, les risques liés aux armes nucléaires.
    Essentiellement, l'ère où nous vivons est une ère où les hommes et les femmes en uniforme — tout comme ceux qui travaillent pour les Affaires étrangères, l'aide humanitaire et la GRC, de même que les policiers civils — continueront de participer à des missions qui ne sont pas très bien définies. Ce n'est plus simplement les bons contre les méchants. Il y aura des dilemmes intrinsèquement complexes sur la façon de régler un conflit, d'y participer et d'user de force.
    Les hommes et les femmes sur le terrain continueront de faire face à des dilemmes éthiques, moraux et juridiques complexes lorsqu'ils décideront de faire usage ou non de la force, lorsqu'ils tenteront d'intégrer l'usage de la force dans les deux autres D, c'est-à-dire la diplomatie et le développement, et de trouver des solutions complètes et globales à ces conflits.
    Ainsi, mesdames et messieurs, l'époque du béret bleu portant les pantalons courts et une batte de base-ball, du maintien de la paix conforme au chapitre 6, est révolue. Il n'y aura pas non plus de troisième guerre mondiale en Europe centrale, avec une utilisation massive de blindés et de techniques de guerre classiques. En fait, cela ne s'est produit que deux fois ces 15 dernières années: pendant la première guerre du Golfe et lorsque la coalition dirigée par les Américains est entrée en Irak pour la deuxième fois en 2003. Sinon, tous les scénarios ont été extrêmement compliqués et on ne fait pas face à des ennemis classiques; en fait, ce sont des contextes sans précédent.
    Cela m'amène à mon premier argument. Ceux qui servent sur le terrain ont toujours un sentiment d'insécurité parce qu'ils ne disposent pas de tous les outils, de toutes les doctrines, de toute la formation, de toutes les tactiques, de tout l'équipement et de toute l'organisation dont nous disposions auparavant lors des guerres classiques, qui étaient bien définies et bien structurées. Nous faisons encore de la formation sur le tas. Il faut réagir ponctuellement, continuer d'apprendre de nouvelles leçons et continuer de passer en mode de gestion de crise.
(0910)
    Par exemple, l'EPR en Afghanistan n'est pas la solution à tous les problèmes; c'est un essai. C'est une nouvelle façon de résoudre des conflits. Il ne s'agit ni d'une guerre ni de maintien de la paix; il s'agit de résolution de conflit. Cela présente les conditions idéales pour que ceux qui servent là-bas souffrent de stress ou de traumatismes. Ils n'ont plus le même vague sentiment de bien-être que pendant la guerre froide, quand nous étions tous deux en Allemagne et que nous savions exactement où nous allions, qui était l'ennemi et quoi utiliser pour régler le problème. Voilà donc une base de référence.
    Premièrement, cette époque ne tire pas à sa fin. Elle prévaudra pendant encore plusieurs décennies, et deviendra de plus en plus complexe et exigeante. Deuxièmement, nous ne disposons pas des doctrines et des concepts fondamentaux que nous avions auparavant pour dire que nous envoyons tous les soldats sur le terrain avec les outils appropriés pour faire le bon travail, parce que nous continuons d'apprendre. Souvenez-vous que dans le cas de la guerre classique, il a fallu des siècles pour établir le droit humanitaire, le droit du combat armé, sans parler des différentes conventions du XXe siècle. Nous sommes donc en terrain inconnu et complexe.
    Ensuite, il faut dire que le SSPT n'est ni une maladie ni un trouble de santé mentale. C'est une blessure au cerveau, qui est physiquement touché. Cela bousille certaines de nos cellules grises. Une partie des circuits se détraque de façon irréversible. Il ne s'agit pas d'un état psychologique qui mène à un trouble de santé mentale. Il s'agit d'une fracture psychologique. C'est un traumatisme qui a mené à quelque chose de plus grave.
(0915)

[Français]

    Nous faisons donc face à une blessure opérationnelle et non à un problème de santé mentale. Dans ce contexte, l'urgence de répondre aux besoins d'une personne qui a subi ce genre de blessure est la même que pour une personne qui a perdu un membre ou qui a été blessée par une balle, un obus ou une mine, et dont le résultat est visible. Il n'y a aucune différence entre l'urgence de prendre soin d'une blessure de stress post-traumatique — plus on agit rapidement, meilleur est le résultat — et l'urgence de répondre au besoin physiologique visible de quelqu'un dont un membre est cassé.

[Traduction]

    C'est pourquoi lorsque nous avons entrepris tout cet exercice en 1997, Anciens combattants et moi, il comportait deux aspects. Un aspect était lié à la Défense, à la création du programme Qualité de vie; David était mon secrétaire particulier et principal officier d'état-major à ce moment-là, lorsque j'étais SMA(Mat) et nous avons créé le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants. Je suis allé voir un homme appelé Richardson, je crois, qui était député et vice-président; je lui ai dit : « Nous mourons là-bas. Nos soldats se suicident. Des familles s'entre-détruisent. Des individus deviennent complètement opérationnellement inefficaces. Il faut tenir compte de la qualité de vie. » Vous vous souvenez peut-être qu'il s'agissait de l'époque de toutes les compressions budgétaires et de leurs effets. Le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants a donc entrepris une étude sur la qualité de vie et apporté des changements massifs au MDN; des fonds ont été affectés pour respecter cette exigence.
    Le deuxième aspect était lié aux communications avec un homme appelé Dennis Wallace, qui était à l'époque un SMA des opérations à ACC, et nous avons détaché un général à Anciens combattants Canada, ce que nous aurions dû continuer à faire. Ce général à une étoile a été intégré dans tout le processus de modernisation d'Anciens combattants Canada pour répondre aux besoins d'une nouvelle génération d'anciens combattants et a participé à la création des comités consultatifs des Forces canadiennes, dont le Dr Neary a fini par être président, et qui a produit le rapport qui, au bout du compte, a aidé ACC à élaborer la nouvelle Charte des anciens combattants. Aujourd'hui, nous avons même une Déclaration des droits des anciens combattants, ce que nous appelions à l'époque un contrat social entre l'armée et le peuple canadien.
    Cela n'a pris que neuf ans — seulement neuf ans, jusqu'en 2006. Toutefois, nous n'avons pas cessé nos activités pendant ces neuf ans. Nous n'avons pas pu fermer boutique, garder les troupes à la maison, raffiner les processus, puis les renvoyer en action. Au contraire, le gouvernement canadien a conservé un tempo incroyable d'utilisation des forces, alors que nous tentions de créer un système qui n'existait presque plus en raison de presque 45 ans de temps de paix.
    Nous avons maintenant un système, mais nous avons également de nombreuses victimes auxquelles on n'a pas répondu, d'une façon ou d'une autre. Nous n'avons pas rejoint les anciens combattants de la guerre du Golfe. Nous n'avons pas rejoint les anciens combattants victimes de l'agent Orange. Des gens sont toujours en attente, et leurs dossiers sont entre les mains des avocats. Ces dossiers devraient plutôt être entre les mains des politiciens afin que des décisions soient prises, que des indemnités leur soient versées et que les dossiers soient fermés.
    L'une des raisons principales... au sujet de ceux qui sont passés entre les mailles du filet lors de la modernisation c'est qu'ils minent le moral de ceux qui servent. Ce qui n'est pas nécessaire, et qui aura certainement un effet terrible, c'est si les anciens combattants, lorsqu'ils reviennent au pays après avoir combattu ou servi à l'étranger, doivent continuer de se battre pour vivre décemment chez eux. Cela mine leur moral, parce qu'ils regardent sans cesse par-dessus leur épaule en se demandant comment leur famille sera traitée et comment ils seront traités.
    En 1998, un jeune caporal de 22 ans est revenu de Bosnie. Il avait marché sur une mine. Il avait perdu une jambe et son dos était en pièces. Il était à l'hôpital. Je suis allé le rencontrer — j'étais alors un général à trois étoiles — à notre hôpital, ici, à Ottawa. Son épouse était là; ils avaient un jeune enfant. Cet homme avait été blessé moins d'une semaine auparavant. La première question qu'il m'a posée était la suivante: « Comment ma famille survivra-t-elle? » C'est une question qu'ils ne devraient jamais avoir à poser, parce que nous devrions leur communiquer ces renseignements.
    Ainsi, mesdames et messieurs, mon deuxième argument est qu'en raison de cette blessure, de nombreuses personnes sont passées entre les mailles du filet pendant le processus de renforcement des capacités, qui est maintenant complété. Elles saperont le moral de ceux qui servent, parce que si on ne leur répond pas, elles auront toujours le sentiment qu'une fois qu'on est blessé, il faut revenir et fournir sans cesse des preuves et lutter contre tout un processus pour être traité de façon décente.
(0920)
    Il s'agit d'un effet négatif sur l'efficacité opérationnelle des Forces canadiennes, ce qui a un impact énorme sur leur endurance, parce que les familles ont tendance à dire: « Pourquoi continuer de servir dans un tel uniforme? Ils t'ont détruit. Nous devons recoller les pots cassés et nous sommes laissés à nous-mêmes. »
    Il est également important pour la durabilité des Forces canadiennes que les hommes et les femmes d'expérience qui reviennent, blessés ou non, aient l'impression d'être appuyés, et que leur famille aussi ait l'impression d'être appuyée. Il faut nettoyer le gâchis laissé par ceux qui sont passés entre les mailles du filet, pour continuer de construire cette capacité extraordinaire dont nous disposons maintenant grâce à la nouvelle charte.

[Français]

    J'aborderai rapidement quelques sujets spécifiques, si vous le permettez. Je commencerai par les réservistes.
     Je suis colonel honoraire d'un régiment. Samedi dernier, j'ai rencontré les familles de 17 soldats de mon régiment de Lévis qui partiront pour l'Afghanistan au mois d'août. J'ai discuté avec les familles; mon épouse était avec nous. Je suis président de la fondation Centre de la famille Valcartier, et ma femme siège au conseil d'administration. Les réservistes ne reçoivent pas un soutien convenable. Le problème est qu'en cas de blessure, particulièrement une blessure causée par le stress post-traumatique, ils sont éparpillés partout dans les régions et il est très difficile de les regrouper et d'assurer un suivi. Ça prend des ressources spécifiques pour les traiter et s'assurer que les réservistes, qui sont absolument essentiels aux Forces armées canadiennes de nos jours, reçoivent les soins adéquats.
    On a tellement réduit l'effectif des forces qu'il faut absolument pouvoir compter sur les réservistes. Sans eux, les Forces armées canadiennes n'ont plus aucune capacité opérationnelle. Mais c'est encore un situation de deux poids, deux mesures. Il est plus complexe de prendre soin des réservistes, car ils ne se trouvent pas dans les grandes bases, ils sont éparpillés partout. Parce que c'est un problème plus complexe, il faut trouver une solution plus complexe et une solution pour faire en sorte que ces jeunes, qui consacrent un an de leur vie au service militaire et qui reviennent ensuite au pays — ils le font parfois deux fois —, et leurs familles reçoivent exactement le même traitement que les membres de l'armée régulière. Le sang qui coule dans les veines des réservistes blessés outre-mer est exactement le même que celui des soldats réguliers. On ne leur demande pas, lorsque les balles fusent, s'ils sont des réservistes ou des réguliers. On leur demande de servir. Le système devrait refléter la même équivalence.
    Si ça prend plus de ressources pour solutionner le problème des réservistes, alors il faut s'organiser en conséquence. Les soins offerts aux réservistes souffrent d'une grave lacune dans tout le pays.
(0925)

[Traduction]

    Il y a ensuite la question de l'hôpital Sainte-Anne. Au cours des années, certaines rumeurs ont circulé, indiquant que l'hôpital était cédé au gouvernement du Québec, qu'il était en voie d'être fermé ou modifié, et ainsi de suite.
    Selon l'expérience de nos collègues aux États-Unis et au Royaume-Uni, en particulier — et nous l'avons vu en France, en Belgique et en Hollande — il faut au moins un établissement qui ait une connaissance et une expérience approfondies de tout ce qui touche l'armée. Bien entendu, nous avons besoin de spécialistes qui savent comment traiter toute une variété de maladies, que ce soit la vieillesse ou Dieu sait quoi. Nous avons bien entendu besoin de cet aspect clinique. Mais il faut aussi un établissement qui comprend la culture et toutes les dimensions du monde militaire. C'est un monde différent. Il évolue dans un milieu tout autre que la société. Il respecte bien sûr les valeurs et l'éthique de la société canadienne, mais il évolue dans un autre contexte. Même son jargon est différent de celui de la population normale. Il faut donc absolument veiller à ce que Sainte-Anne continue à relever d'ACC.
    Aussi, étant donné la prévalence des blessures n'ayant pas été causées par des balles, des bombes, des mines et ainsi de suite — les blessures dominantes et prévalentes sont le stress opérationnel et le syndrome de stress post-traumatique — Sainte-Anne doit commencer à affecter une partie considérable de ses ressources afin de devenir un institut militaire du SSPT, à l'échelle nationale et internationale. On ne peut pas simplement traiter. Il faut également faire des recherches pour prévenir des blessures de cette envergure chez ceux qui s'enrôlent. Il faut apprendre, faire des essais, administrer des tests, faire de la recherche, du développement. Et il faut enseigner à ceux qui travaillent dans les dix cliniques dont ACC s'est doté, dans les cinq cliniques de la Défense nationale, et à ceux qui nous apportent leur aide par contrat. Il faut avoir les capacités de base pour ne pas simplement traiter le problème d'aujourd'hui; il faut trouver les façons de réduire les effets de cette blessure à l'avenir.
    Nous le faisons du point de vue physique. Je veux dire que le traitement que nous fournissons maintenant et le traitement fourni aux hommes dans les tranchées à la bataille de la crête de Vimy, pendant la Première Guerre mondiale, n'ont rien à voir. Ceux qui connaissent la série M*A*S*H et qui ont regardé MASH 4077 savent qu'il s'agit d'une invention introduite pendant la guerre de Corée et que celle-ci a beaucoup réduit le nombre de victimes. Elle a été utilisée considérablement pendant la guerre du Vietnam. Il s'agit d'un processus qui nous permet de ne plus perdre autant d'hommes qu'auparavant, parce que nous avons analysé les problèmes physiques et que nous avons demandé comment nous pouvions les résoudre.
    Eh bien, mesdames et messieurs, il faut faire la même chose avec les blessures entre les deux oreilles, et il faut un établissement pour ce faire. Il faut que Sainte-Anne apporte des changements à une aile, un service, des étages — et Dieu sait quoi encore — pour s'engager à réduire les effets de cette blessure sur les anciens combattants futurs, les futurs membres des Forces qui continueront de s'engager. Voilà le mandat.
    De plus, le Programme de soutien social aux victimes de stress opérationnel est composé de 400 anciens combattants qui aident d'autres anciens combattants partout au pays. Dois-je vous rappeler qu'ils doivent être intégrés dans le processus? Ils doivent se trouver dans ces dix cliniques d'ACC. Ils doivent se trouver dans ces cinq cliniques de la Défense. Ils doivent aller dans les différents bureaux d'ACC, dans les bases, etc., parce qu'ils ont une connaissance approfondie du jargon que ces gens utilisent, premièrement, ce qui n'est pas automatiquement le cas des cliniciens. Et deuxièmement, ils sont un outil essentiel au rétablissement et à la stabilisation des anciens combattants qui souffrent du SSPT.
    On a besoin d'une thérapie professionnelle. Le plus souvent, on a besoin de médicaments. Je prends neuf comprimés par jour. J'ai suivi une thérapie pendant huit ans. Et entre ces sessions, on a besoin d'un ami. On a besoin de quelqu'un qui est prêt à s'asseoir pendant quatre heures pour nous écouter parler. Les familles ne peuvent pas le faire. Les conséquences sont trop importantes. Ma famille n'a toujours pas lu mon livre. Les familles ne peuvent pas faire face à de telles situations. Les oncles et les tantes, peut-être; un ami, c'est possible. On a besoin d'un autre ancien combattant pour s'asseoir avec nous, écouter et être là entre les sessions officielles pour continuer le processus.
    Et vous savez quoi? J'ai appris cela de la Légion. Premièrement, le fait que je sois encore en vie aujourd'hui est très étroitement lié au fait que j'ai un ami, mais je l'ai appris de la Légion. Je l'ai appris lorsque j'étais un enfant, que j'avais 7, 8, 9 ou 10 ans, et que j'y allais, les samedis, avec mon père. J'ai vu mon père s'asseoir à ces tables, ces petites tables d'arborite, recouvertes de bière. Ils étaient cinq, six ou sept, et ils riaient à gorge déployée ou, de temps à autre, l'un d'entre eux pleurait à chaudes larmes. Mais le soir, après ses discussions avec ses copains, la famille pouvait vivre décemment, sans stress.
(0930)
    Il faut absolument prendre cette capacité créée par un lieutenant-colonel avec qui j'ai servi, Stéphane Grenier, au MDN et la transférer aux établissements parmi les services normalement offerts.

[Français]

    Rapidement, si vous me le permettez, le dernier sujet, et non le moindre, concerne les familles.
    Je vais vous raconter une petite histoire. Quand je suis revenu du Rwanda, après avoir passé un an là-bas dont presque quatre mois de guerre, ma belle-mère m'a dit qu'elle n'aurait jamais survécu à la Deuxième Guerre mondiale si elle avait dû subir ce que ma famille a vécu. Pourquoi? Parce que pendant la Deuxième Guerre, quand mon beau-père commandait son régiment en Italie, et plus tard en Hollande et en Belgique, la famille recevait très peu d'information. De plus, l'information était censurée. Le pays en entier était engagé dans la guerre.
    Aujourd'hui, le pays est en paix. Cependant, les Forces armées sont engagées dans des conflits depuis la guerre du Golfe. Cela fait quinze ans qu'on est en guerre. Le plombier qui demeure d'un côté de la rue et le fonctionnaire qui demeure de l'autre côté sont en paix. Par contre, les familles des soldats sont soumises à des conditions de guerre. Nos familles vivent nos missions avec nous à cause des médias. Ils sont toujours là et veulent être les premiers à rapporter qui a été blessé, tué ou enlevé. Les familles sont stressées et sont touchées profondément.
    Un système qui ne prend soin que de l'individu et qui n'intègre pas les soins aux époux ou épouses ainsi qu'aux enfants — j'en ai deux moi-même qui ont été affectés — est un système qui est loin d'être parfait. L'individu peut recevoir toute l'aide nécessaire, mais une fois de retour à la maison, il se retrouve devant un scénario extrêmement complexe.
    Il faut donc trouver des solutions en collaboration avec les provinces pour apporter des soins aux enfants et aux époux et épouses qui restent au pays. On l'a constaté à Petawawa; c'est seulement un petit exemple de ce que les familles vivent au retour des soldats.
    On peut investir une fortune pour aider l'individu, mais si on n'aide pas sa famille, on n'atteindra pas l'objectif souhaité. Je termine en rappelant que la charte nous amène dans l'ère moderne, car elle mentionne l'individu et la famille. Il faut l'appliquer, et c'est là où on se heurte encore à des lacunes.
    Mesdames et messieurs, vous avez été bien patients envers moi. Je vous remercie énormément de votre invitation.
    Je suis prêt à répondre aux questions.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Dallaire.
    À titre d'information, votre intervention a duré 26 minutes 39 secondes, ce qui est rare. Vous aviez dit que vous seriez bref, toutefois vous êtes le témoin qui a parlé le plus longtemps. Je vous félicite.
    Passons maintenant à Mme Guarnieri, du Parti libéral, pour sept minutes.
(0935)
    Je crois, monsieur le président, que ce que le sénateur Dallaire nous a dit durant ces minutes valait la peine d'être écouté. Comme toujours, j 'ai été bouleversée par sa franchise, sa compassion, son humanité et la perspective qu'il nous a donnée.
    D'abord, je tiens à vous remercier, sénateur Dallaire, pour le rôle que vous jouez à titre de sénateur qui représente réellement les 700 000 anciens combattants et soldats canadiens en service actif. Il ne fait aucun doute qu'aucun autre groupe de Canadiens ne mérite davantage le souci et le dévouement que vous avez offerts en leur nom.
    Sénateur, nous avons vu au cours de la dernière année une augmentation du nombre de blessés et de morts; du jamais vu depuis la guerre de Corée. Il est évident que nous devons agir maintenant pour relever les nouveaux défis et l'ampleur des nouveaux défis que présente l'Afghanistan, de même que les défis, que vous avez si bien décrits, de la nouvelle ère. Selon vous, quels changements doivent être apportés immédiatement aux programmes offerts aux soldats et aux réservistes blessés? Vous avez indiqué à quel point il était nécessaire de s'occuper d'eux; on ne peut vraiment pas attendre que l'examen entrepris par le comité soit terminé, l'année prochaine. Vous avez indiqué qu'il est urgent de faire davantage — une aile de recherche sur le SSPT à Sainte-Anne et une garantie que son rôle important soit maintenu — mais quelles mesures doivent être prises aujourd'hui, sans faute?
    Au ministère de la Défense, bien que ça ne soit pas le cas, nous avons fait valoir à l'interne — j'ai fait valoir — et les choses changent lentement — qu'il fallait changer la culture, considérer le SSPT comme une blessure. Il faut mettre fin à la dimension macho, et c'est ce qu'on tente de faire actuellement. Il faut continuer à consacrer des efforts à cette initiative.
    Deuxièmement, votre comité et Anciens combattants Canada commencent à comprendre l'étendue du problème. J'ai entendu des rumeurs selon lesquelles les exigences seraient réduites au ministère de la Défense alors qu'il faudrait plutôt les augmenter. Les cinq nouvelles cliniques pour anciens combattants sont absolument essentielles et doivent répondre à la demande rapidement, mais je ne suis pas certain qu'elles soient structurées pour répondre à la demande, et c'est la difficulté jusqu'à maintenant. Le volume est souvent supérieur à ce que les gens veulent accepter.
    Avant l'intervention en Afghanistan, lorsque j'étais sous-ministre adjoint à la fin des années 1990, et par la suite, nous avons établi des estimations de l'ordre d'au moins 3 000 morts et blessés. Fait intéressant, au sein de ce même régiment de la milice, je suis allé à un souper pour préparer... pour dire au revoir aux familles, et là se trouvaient trois réservistes. Deux étaient d'anciens membres de la Force régulière devenus réservistes et l'un était réserviste. Ils étaient donc trois anciens combattants sur environ 40 qui avaient servi. L'un était à Sainte-Anne à temps partiel, le deuxième obtenait des traitements à Sainte-Anne et le troisième était traité à Triquet, mais n'était pas...
    L'étendue du problème n'est tout simplement pas reconnue. Nous avons des listes d'attente et des efforts considérables doivent être déployés, pas simplement

[Français]

pour les 26 individus qui se trouvent à Montréal et à Québec

[Traduction]

    et ainsi de suite. Il y a tout un arriéré de victimes qui ne se sont pas manifestées, des victimes de la guerre du Golfe et même de l'agent Orange. Ces gens ont besoin d'un groupe de travail dévoué déterminé à régler le problème.
    Pour réussir à répondre aux besoins, il faut reconnaître l'étendue du problème. Bien que l'Afghanistan aura son lot de victimes du SSPT, je crois que si nous étions au Darfour, nous nous retrouverions avec un problème de plus grande envergure, parce que le côté humain de cette tragédie peut beaucoup déranger.
    Il faut comprendre que les 10 cliniques doivent pouvoir répondre aux besoins. Ces dix cliniques ont besoin de lits à leur intention dans divers hôpitaux partout au pays. On ne peut simplement pas continuer à renvoyer les gens chez eux parce qu'il n'y a pas de places. Il y a eu un autre cas de suicide à Sainte-Anne la semaine dernière. Le gars a fini par se tuer.
    Il faut améliorer l'accessibilité aux ressources spécialisées partout au pays. On n'a pas besoin d'une autre étude. On a besoin d'argent. Les solutions existent. Il semble toutefois difficile d'obtenir les fonds nécessaires.
    Je crois que ce qu'il faut d'abord faire, c'est de comprendre l'ampleur du problème, mettre sur pied un groupe de travail séparé et se lancer. Les gens qui sont toujours en service et qui auront besoin de soins devraient pouvoir s'attendre à ce que ces cliniques soient dignes de ce nom. Il faut donner aux cliniques la capacité nécessaire. Les gens sont là. Je suis allé leur parler des cinq premières cliniques il y a deux ans. Il y avait déjà beaucoup de gens. Ils avaient simplement besoin d'argent pour ouvrir des lits et établir une certaine capacité à Winnipeg et ailleurs.
    C'était une version courte de ma réponse à votre question.
(0940)
    Vous avez raison, sénateur Dallaire; il faut de l'argent.
    Pour terminer, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la mise en oeuvre de la nouvelle Charte des anciens combattants dans le contexte de la mission en Afghanistan, que vous avez décrite comme étant complexe et ambiguë dans une certaine mesure.
    Nous qualifions la nouvelle Charte des anciens combattants de charte vivante. Vous avez certainement joué un rôle important dans le lancement de la charte. J'aimerais que, avec la franchise qu'on vous connaît, vous mettiez en évidence certaines des omissions que nous devons réparer.
    La charte est un document vivant, et ce qu'elle fait d'extraordinaire, c'est qu'elle donne au ministre beaucoup plus de pouvoir. La charte ne relève pas des technocrates du ministère; elle relève de l'interprétation et de la philosophie du ministre. J'imagine que ce sera pour lui une façon de mettre son grain de sel. Le ministre peut faire avancer les processus, les modifier rapidement et passer à autre chose. Au cours de la dernière année, j'ai vu les employés du ministère travailler à la mise en oeuvre de la charte. Ces employés aident désormais les gens à trouver du travail, à faire du recyclage professionnel. Ils travaillent avec une toute nouvelle génération d'anciens combattants.
    Il y a une certaine crise de croissance si on peut dire. Je dirais d'abord, encore une fois, que l'étendue du problème n'est pas reconnue. Les gens qui tentent de mettre en oeuvre la charte sont inondés. Ils sont submergés. Vous voyez ce dont les Américains parlent concernant les répercussions de la guerre en Irak? Eh bien, divisez l'ampleur de ce problème par dix et c'est ce que nous avons ici. Il s'agit toujours de statistiques cachées. Il suffit de parler aux employés — et j'en ai eu l'occasion la semaine dernière lors d'une conférence importante à Montréal — on constate qu'ils sont débordés par le volume. Il faut faire quelque chose immédiatement pour augmenter la capacité.
    La seconde dimension est celle des familles. Les familles sont prises dans une lutte entre le fédéral et le provincial. Je crois qu'il y a lieu — du moins lorsque j'étais sous-ministre adjoint nous tentions de faire quelque chose à cet égard — de conclure une entente avec les provinces. À titre d'exemple, le personnel provincial au Québec dit qu'il peut à peine répondre à 25 à 30 p. 100 des besoins de la population générale en matière de soutien psychiatrique et psychologique, et c'est sans compter l'augmentation que nous proposons. Toutefois, comme nous mettons délibérément les gens et leurs familles dans des situations de trauma, nous avons également la responsabilité délibérée de répondre aux besoins, et ce critère est différent de celui de la population générale.
    Il faut donc surmonter les obstacles: en ce qui concerne le volume et relativement aux familles.
    Merci, sénateur.
    Mon temps est écoulé. Si j'avais mon mot à dire, je prolongerais la séance d'une heure.
    Merci.
    Eh bien, le sénateur Dallaire n'est avec nous que jusqu'à 10 h 30.
    Au tour de M. Perron, pour sept minutes.

[Français]

    Madame Guarnieri, vous allez avoir la chance de poursuivre la discussion, car c'est moi qui succéderai au sénateur.
    Sénateur, j'ai été élu le 2 juin 1997.
    Dans quel comté?
    Je suis député de Rivière-des-Mille-Îles, dans la région de Montréal, sur la rive nord de Montréal.
     J'ai eu connaissance d'un premier cas dans mon comté vers la fin juin 1997. On n'avait pas encore fini de peindre l'intérieur de mon bureau pour qu'il soit décent. Un de mes fils, ou de l'âge de mes fils — je les considère comme mes enfants —, s'est présenté. Vous connaissez sûrement son nom, c'est François Gignac. Il souffrait du syndrome de stress post-traumatique. L'histoire d'horreur qu'il m'a racontée m'a démoli. C'était si horrible que je ne le croyais pas. J'ai pris rendez-vous à son insu avec son épouse, et elle m'a confirmé que ce jeune vivait bien ce qu'il m'avait raconté. C'est à ce moment que je me suis fait le serment de tout faire pour ces jeunes.
    Je peux vous dire que ce que j'ai vu et vécu en 1997, 1998, 1999, c'est l'horreur. Vous n'étiez même pas reconnu à l'époque. Comme vous l'avez mentionné, en 2006, on a finalement ouvert la porte et reconnu les blessures mentales, comme vous dites si bien.
    Depuis 2006, je dois admettre qu'on a fait des pas en avant, mais on vient simplement d'ouvrir la porte, il nous reste des milles et des milles à parcourir. J'en suis même à une autre étape, celle de commencer à essayer de prendre soin des futurs jeunes anciens combattants, ceux qui sont dans l'armée en Afghanistan aujourd'hui. Il faut voir comment on va les traiter en revenant et comment on les traite présentement dans le cadre de la mission actuelle.
    J'ai subi un choc quand vous avez dit que c'était une blessure mentale équivalente au fait de perdre un bras. Croyez-vous que l'armée devrait compter plus de psychologues et de psychiatres lors des missions, tout comme il y a des médecins qui prennent soin des blessures à l'épaule? Est-on ouvert à amener plus de personnes pour soigner les blessures mentales?
(0945)
    Quand je commandais la brigade à Valcartier en 1992, il y avait des gars en Yougoslavie. On voulait donc envoyer des gens, des spécialistes, pour constater quelle était la nature du conflit, voir quelles étaient les opérations et le travail qu'on avait à faire. À ce moment, on limitait le nombre de personnes qu'on pouvait envoyer. Si on avait droit à 1 200 personnes, ce n'était pas 1 201 ou 1 202. Ces limites venaient des autorités politiques, nécessairement. On voulait des baïonnettes et non pas des spécialistes. C'est le même scénario aujourd'hui. Il y a 2 500 hommes en Afghanistan. Si on essaie d'en ajouter une autre dizaine pour répondre à des besoins psychologiques, on va au-delà de ce que les politiciens ont dit. On n'a autorisé que le nombre de 2 500. Pour ajouter ces 10 gars, il faut enlever 10 baïonnettes. Si on continue d'enlever des baïonnettes, ça ne donnera plus rien qu'il y ait quelqu'un là, parce qu'il n'y aura plus personne en avant.
    Au cours des années, on a évolué, avec un peu plus d'optimisme que vous. Comme je l'ai indiqué, plusieurs gars sont tombés entre les fentes, beaucoup d'entre eux communiquent directement avec moi. Quand j'étais sous-ministre, en 1997, j'ai commencé à faire des recherches là-dessus parce qu'un rapport prétendait que les suicides n'étaient pas reliés au stress. Je me suis dit qu'on avait fini de mentir. Il y avait une petite clinique à Ottawa, à peine utilisée. Personne ne voulait y aller, pour ne pas être stigmatisé. Vous savez qu'on a peur d'être étiqueté malade mental, même dans le monde civil. Comparez le nombre de psychiatres et de psychologues civils au nombre de chirurgiens, vous verrez qu'il y a une énorme lacune. C'est le même scénario chez nous. On a bâti cinq cliniques au sein des forces armées. Elles ont été débordées et, finalement, le ministère des Anciens Combattants a construit des cliniques. Il y en a maintenant 15.
    On a commencé à prendre soin des gens et à les reconnaître, mais il n'y a aucun doute qu'il faut être en mesure de préparer les gens à ce type de stress du mieux qu'on peut le faire avant qu'ils ne partent, au moyen de l'entraînement et de l'information, et avoir des spécialistes sur le terrain. On a un psychiatre, un psychologue et un travailleur social à Kandahar. Il y a cinq ans, si vous aviez parlé de ça, on vous aurait expulsé de l'armée. Ils sont là maintenant. En a-t-on besoin davantage?
(0950)
    Je le sais, je l'ai mentionné il y a cinq ans au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.
    On disait que c'était ridicule, qu'on avait besoin de gars avec des baïonnettes, un point c'est tout. Cependant, on s'est rendu compte que ces gens ont des capacités élevées sur le plan opérationnel parce que les gars peuvent recevoir des soins. Je vais vous donner un exemple.
    Au Rwanda, au coeur de la guerre, certains gars, tout à coup, « pétaient au frette » comme on dit. Ils se levaient le matin et ils ne fonctionnaient plus. Pendant 24 heures, on les couchait, les isolait, on leur donnait de la nourriture et on les protégeait. Quand on pouvait sortir, on envoyait d'autres gars à Nairobi pendant trois jours. Ils y étaient suivis, ils pouvaient se laver, parler à quelqu'un et revenir par la suite. En général, les gars revenaient et pouvaient continuer à servir, mais historiquement, on ne faisait pas cela, on ne connaissait pas cela. Maintenant, on le fait, mais en plus, des professionnels nous aident à le faire.
    Général, j'aimerais que vous nous donniez un exemple. Vous le savez, à Valcartier, on prépare des jeunes qui iront prendre la relève au mois d'août. On dépense des millions — et je n'ai rien contre cela — pour les envoyer aux États-Unis, en Arizona, car le terrain ressemble à ce qu'on trouve en Afghanistan. Lorsque le médecin responsable, le major Chantal Descôteaux, nous dit que pour les préparer mentalement, on dépense trois heures et demie...

[Traduction]

    Monsieur Perron...

[Français]

    Est-ce normal?
    Je vais répondre rapidement à cela. Il ne faut pas oublier, monsieur Perron, que l'entraînement qu'ils suivent constitue un des outils principaux pour s'assurer qu'ils ne souffrent pas du syndrome de stress post-traumatique. Un soldat bien entraîné, bien équipé, bien motivé et bénéficiant d'un bon leadership risque beaucoup moins de souffrir du syndrome de stress post-traumatique, parce qu'il se sent confiant. Cela peut arriver, mais c'est beaucoup mieux. C'est tout un ensemble. A-t-on atteint cet équilibre? Je ne pense pas. C'est pourquoi je dis que l'Hôpital Sainte-Anne doit être un centre de recherche, afin d'aller au devant des coups, et non pas ramasser les corps morts.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons passer au NPD et à M. Stoffer, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Sénateur Dallaire, c'est pour moi un honneur d'être en présence d'un compatriote néerlandais. Merci beaucoup.
    Vous avez parlé de la Légion. La Légion à Richmond, en Colombie-Britannique, a une table ronde. Certaines personnes l'appellent la table des menteurs. Pour pouvoir s'asseoir à cette table ronde, il faut avoir non seulement combattu à la Première Guerre mondiale, à la Seconde Guerre mondiale ou à la guerre de Corée, mais il faut aussi être d'un certain genre. Il n'est pas donné à tout le monde d'être invité à s'asseoir à cette table, parce que pour s'asseoir à la table, il faut être invité. Il n'y avait que huit chaises. Je me souviens du jour où j'y ai amené mon père; il avait été invité parce qu'il a été libéré par les Canadiens. Je n'oublierai jamais ce jour.
    Vous avez raison lorsque vous parlez des rires et de la joie. Les gens se plaignaient de la politique, des sports et de tout, mais le jour du Souvenir, c'était différent. Il y avait des larmes.
    Je crois que c'est ce que la Légion a réussi à faire. En l'absence d'aide du gouvernement, provincial ou fédéral, les gens s'en remettaient à leurs camarades. Ils comptaient sur leurs amis. Lorsqu'ils retournaient chez eux le soir, ils savaient qu'ils auraient l'esprit en paix le dimanche. Je vous remercie d'avoir soulevé cette question, parce qu'il est important pour les anciens combattants et leurs familles d'avoir quelqu'un qui les comprend.
    Ma question porte sur les réservistes. Nous avons déjà parlé des réservistes et du fait que, à leur retour à leur lieu de travail normal, leurs collègues ne comprennent pas ou ne peuvent pas comprendre ce qu'ils ont traversé. Qu'est-ce que le gouvernement ou quiconque pourrait faire pour veiller à ce que cet employeur comprenne ce qu'a vécu le réserviste et sache comment il peut aider l'employé en reconnaissant les changements d'humeur ou de tempérament afin que l'employé puisse obtenir l'aide nécessaire?
    C'est incroyable. Je vais vous citer Valcartier en exemple, qui est considéré l'un des endroits les plus progressistes où l'on travaille pour aider à la fois Anciens combattants Canada et le ministère de la Défense nationale, entre autres. Il y a là un type qui s'occupe des réservistes au centre de soutien aux familles — il est gentil, il travaille fort, mais il est totalement débordé.
    Personne ne va à son université pour parler au professeur. Personne non plus ne va parler à son patron, où qu'il puisse être. En fait, même les régiments de la milice ont pris des mesures pour aider eux-mêmes ces jeunes. Ils arrivent grâce à leurs propres ressources de formation très limitées. Ils prennent donc des jours de formation, et au lieu d'offrir de la formation pour préparer les autres, ils consacrent une partie de ce temps à aider les jeunes. Les régiments de la milice locale, sans oublier la force régulière qui effectue le suivi, n'obtiennent pas de soutien précis à cette fin.
    C'est là que la situation fait défaut. Lorsqu'ils sont en mission, ils sont sur un pied d'égalité, mais lorsqu'ils reviennent, nous avons deux systèmes.
    Il faut donc qu'Anciens combattants Canada et le MDN établissent un processus par lequel tous les soldats comptent et non par lequel les forces régulières ont plus d'importance que les réservistes, ou par lequel la force régulière obtient plus de services que les réservistes au retour. Il faudrait qu'ils soient tous sur un pied d'égalité après avoir servi leur pays.
    Il s'agit d'une question complexe, mais il y a des solutions. Les unités de la milice dont ces jeunes relèvent pourraient obtenir des ressources supplémentaires pour engager un sous-officier ou un officier; elles ont toutes des anciens combattants qui pourraient suivre chacun de ces jeunes. Le trajet de Valcartier à Matane est long, tout comme celui entre Saskatoon et North Battleford. Il s'agit d'un trajet considérable pour un régiment de la milice. Toutefois, on peut y arriver et ils ont des ressources pour y arriver. En ce moment, toutefois, rien n'est fait à cet égard.
    Ce qui est incroyable, c'est que les membres de la force régulière savent que les Forces canadiennes ne pourraient pas fonctionner sans ces réservistes, du moins jusqu'à ce que les 23 000 recrues promises arrivent sur le terrain. Jusque-là donc, à tout le moins, le système de réservistes doit avoir une nouvelle capacité. Nous avons été réticents, et c'est surtout une question de ressources — encore une fois, il faut de l'argent pour répondre au besoin.
(0955)
    Je veux revenir aux ressources. Comme vous le savez, il y a eu un reportage de Petawawa dans le Globe and Mail l'autre jour. On pouvait voir un enfant sur la photo avec un soldat en arrière-plan. Le titre? « Si tu meurs, je ne te pardonnerai jamais ». Et ce, avant même que le soldat parte en mission. Je ne peux imaginer ce que ce peut être, pour un soldat qui se prépare à aller en mission, d'entendre cela de la bouche de son enfant. La tension et la souffrance mentale, avant de partir, doivent être absolument épouvantables.
    Évidemment, la discussion était de savoir qui devrait être responsable de la santé mentale de ces enfants. Est-ce le gouvernement provincial, qui est chargé de la prestation des services de santé mentale ou, comme il s'agit d'une base militaire, le gouvernement fédéral. Je suis heureux de voir qu'une entente a été conclue.
    À votre avis, qui devrait être entièrement responsable au lieu...?
    Ma deuxième question concerne les médias. Comme nous sommes maintenant engagés en Afghanistan, nous obtenons différents reportages des médias relativement à ce qui se passe là-bas. Il est donc difficile, non seulement pour les politiciens, mais aussi pour les familles et les amis de savoir ce qui se passe vraiment.
    Quel rôle le gouvernement peut-il jouer pour... Je ne veux pas dire influencer les médias, mais les encourager à comprendre que ce qu'ils écrivent et disent a une influence directe sur les familles et peut avoir une influence directe sur les militaires?
    Je vais d'abord répondre à votre première question rapidement. Auparavant, on nous appelait personnes à charge. Mon épouse était qualifiée d'épouse à charge lorsque nous étions en Allemagne. C'était le terme consacré.
    Lorsque nous étions en Allemagne, la Défense nationale s'occupait de tout — soins médicaux, affaires juridiques, lorsque nous comparaissions devant un juge-avocat, en raison des conventions sur le statut des forces que nous avions signées avec l'Allemagne, entre autres. Lorsque nous étions engagés dans ce théâtre d'opération, tous les civils relevaient de la structure de la Défense nationale.
    Nous sommes maintenant engagés dans de vraies opérations dans un pays étranger, mais parce que nous sommes ici, tout à coup, la situation n'est plus la même. À mon avis, ce n'est pas comme cela que tout devrait fonctionner, et c'est ce que nous avons tenté... Si vous êtes des personnes à charge de la Défense nationale... et j'imagine que c'est la même chose pour la GRC. J'ai même comparu devant Mme Boucher à Québec, qui se demandait si oui ou non elle devait toujours envoyer des policiers à Haïti. Je lui ai dit « Dès qu'ils vont en mission, nous devrions nous occuper d'eux — pas la ville, pas la GRC ». Ils appartiennent donc — si je peux m'exprimer ainsi — à la Défense nationale ou à Anciens combattants Canada, et nous devons acquérir ces capacités à cette fin.
    Les gens diront que c'est un système à deux niveaux. C'est faux. C'est une diversion. Le système n'est pas à deux niveaux. Il faut que le gouvernement soit responsable envers ses citoyens qui participent à des missions auxquelles le gouvernement veut bien participer, et le prix de ces sacrifices et de ces blessures, lorsque vous êtes responsable, vous revient. La nouvelle charte, en fait, dit cela essentiellement.
    La réponse est donc non. Le gouvernement provincial a ses capacités, mais ceux qui sont liés à l'engagement militaire devraient relever d'un processus semblable à celui qui était en place lorsque j'étais en Allemagne. Nous nous occupions de tout et en avions la capacité. C'est le coût de faire des affaires.
    Pour ce qui est des médias, il ne faut jamais leur mentir, ni être évasif avec eux, mais bien plutôt leur ouvrir nos portes. Je crois que ce sont les trois choses que les commandants sur le terrain font en ce moment. L'interprétation que font les médias des commentaires de pseudo-experts et d'ONG n'est pas particulièrement crédible.
    Toutefois, la seule façon pour vous, mesdames et messieurs, de savoir ce qui se passe vraiment, est de vous y rendre  et souvent. Voilà ce qu'il faut faire. Vous devez sentir, goûter et toucher ce qui se passe. Regardez dans les yeux des soldats, des Afghans et des talibans; voilà comment vous obtiendrez vos réponses. Les médias sont omniprésents et nous devons les prendre au sérieux, de même que suivre les trois principes que j'ai énoncés tout à l'heure.
    Mais, mesdames et messieurs, nous sommes des apprentis comparativement — et je vais le dire — aux Américains en ce qui concerne les politiciens qui vont sur le terrain. Vous devez aller sur le terrain. Vous mettez en jeu la réputation de ce pays; vous sacrifiez du sang canadien en ces terres étrangères. Rien ne devrait vous empêcher de vous rendre là-bas.
    Et les généraux sont essentiellement prêts à vous accueillir. Ce sont souvent les intermédiaires qui placent des obstacles, et non les officiers généraux. Nous voulons connaître nos politiciens. Nous voulons que les politiciens apprennent de la bouche des généraux et des caporaux ce qui se passe. Et ces gens sont éloquents. Ils connaissent bien leur domaine. Ils vont vous dire les vraies choses et ne vous raconteront pas de conneries. Vous pouvez compter là-dessus. Je crois que c'est une bonne façon de procéder. Allez là-bas vous salir les bottes et rapportez les faits à vos collègues du caucus.
(1000)
    Très bien. Merci beaucoup.
    Poursuivons avec Mme Hinton, du Parti conservateur, pour sept minutes.
    Un des problèmes, lorsqu'on pose des questions si tard, c'est qu'on a entendu tellement de commentaires qu'on voudrait poser des questions au sujet de tous ces commentaires, mais c'est impossible.
    Pour ce qui est de l'idée, pour nous, d'aller là-bas, je crois que notre point de vue diffère quelque peu, parce que je crois que lorsque des civils se retrouvent dans une zone de conflit, tout ce que nous faisons, c'est causer des problèmes à nos troupes. Mais c'est seulement mon opinion.
    J'ai quelques questions. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il y a un arriéré de noms ayant été oubliés, sous-estimés et mal compris depuis de trop nombreuses années. Nous tentons à l'heure actuelle de rétablir la situation.
    Comme vous l'avez mentionné plus tôt, nous avons créé la charte. C'était en mai dernier. Nous avons créé un poste d'ombudsman. Ce n'est pas tout à fait prêt, mais ça s'en vient. Il y a la déclaration des droits. Nous tentons maintenant d'améliorer les soins de santé. Nous avons amélioré l'équipement et les renseignements. Les améliorations ont été radicales. Nous avons ouvert des cliniques, dont vous avez aussi parlé, ce qui constitue un pas dans la bonne direction. Mais je suppose que ce n'est jamais assez vite, même si on ne veut pas voir de problèmes survenir.
    J'ai été surprise de vous entendre dire aujourd'hui que la charte comporte des lacunes. Je pense que c'est la première fois que j'entends quelqu'un dire que la charte comporte des lacunes. Mes excuses, je parle de façon politique, mais je suis d'accord avec vous. Je crois qu'il est important de corriger certains défauts et, puisqu'il s'agit d'un document évolutif, on peut le faire.
    Je veux revenir à ce que vous avez indiqué, et je crois que vous avez été extrêmement franc. Vous avez dit que, selon vous, le SSPT est une blessure, pas une maladie, et je suis plutôt d'accord avec vous. Vous avez également été assez franc pour dire que vous prenez neuf comprimés par jour. Cela fait partie de ce que vous avez dit.
    Si ce n'est pas trop indiscret, pouvez-vous nous dire ce que font ces comprimés pour vous quotidiennement? Est-il essentiel que vous preniez ces comprimés pour conserver votre équilibre? Si vous pouviez simplement nous le dire, ce serait très utile, mais je ne veux pas m'ingérer dans votre vie privée.
(1005)
    Non, j'ai appris cette leçon en 1997, lorsque j'ai dénoncé des situations en public pour changer les choses.
    Premièrement, si vous me le permettez, je préciserai que ce n'est pas la charte qui comporte des faiblesses; c'est sa mise en application. C'est donc le processus de sa mise en application qui comporte des faiblesses, c'est le fait de savoir si l'argent est affecté aux bons endroits, le fait de savoir si le personnel est adéquat et s'il dispose de l'expérience nécessaire. Nous entrons dans une toute nouvelle dimension, et ça fait partie du processus.
    J'ai parlé au sous-ministre la semaine dernière et j'ai recommandé qu'un organisme consultatif comme celui dont nous faisions partie auparavant, lorsque nous avons apporté des changements à ACC ayant au bout du compte mené à la charte, soit recréé et qu'une vaste gamme de gens examinent le progrès de la mise en application et fournissent des conseils jusqu'au sous-ministre.
    À cette époque, le ministre écoutait, mais nous conseillions directement le sous-ministre. Je crois que ça pourrait être très efficace. Lorsque je l'ai fait approuver par l'intermédiaire du Sénat en comité sénatorial, j'ai convaincu le ministre d'accepter qu'un organisme de consultation soit créé. Nous n'avons pas fait trop de pressions ces 18 derniers mois parce qu'ils étaient très occupés à tenter de s'organiser... mais le temps est venu d'agir. Il est temps de se doter d'un organisme indépendant pour formuler des conseils et flairer les problèmes.
    Pour ce qui est de la mise en application, bien sûr, ça ne va jamais assez vite. J'aimerais vous parler un instant en ma qualité de général; un général ne vous dira jamais qu'il en a assez. L'objectif d'un général est de réussir la mission avec le moins de victimes possible, alors s'il peut faire plus pour réduire le nombre de victimes, il le fera. Ça fait partie de son mandat. Il doit explorer toutes les options possibles pour réduire le nombre de victimes et accomplir la mission. Il y aura toujours une liste. Ce n'est pas parce que les généraux sont insatisfaits; c'est parce que « je suis celui qui comparaît devant la cour martiale lorsque ces jeunes meurent sans raison ».
    Je comprends.
    Excusez-moi, monsieur le sénateur, mais il va vous interrompre bientôt.
    Très bien. J'allais vous en dire un peu plus sur Perrin Beatty et le Livre blanc de 1987 des conservateurs ainsi que sur la façon dont cela a pris fin, mais je ne le ferai pas.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. Roméo Dallaire: J'ai personnellement participé à l'aspect équipement militaire, mais je pourrai vous en parler une autre fois.
    Je prends des stimulants et des tranquillisants le jour, ainsi que des médicaments pour dormir le soir. Si je ne les prends pas, je ne suis littéralement pas humain. Je deviens complètement impossible, parce que je suis soit dans une forme extraordinaire, soit extrêmement déprimé, et je deviens suicidaire. C'est pourquoi je prends des médicaments, tout comme quelqu'un qui souffre du diabète doit le faire. J'ai mis des années à l'accepter. Les médicaments me gardent raisonnable. Et le SSPT ne disparaît jamais.
    C'est pour la vie.
    Ces traumas ne disparaissent pas; il faut simplement les gérer afin qu'ils n'envahissent pas votre vie de temps à autre. C'est un peu comme une prothèse.
    Plus tôt vous avez parlé d'un système de jumelage. Je crois que c'est un outil ou un soutien précieux.
    Puis-je ajouter quelque chose? Des statistiques non officielles indiquent que le PSSVSO — ce programme volontaire et informel — aurait prévenu un suicide par jour par année.
    Je n'en doute pas un instant. Je n'en doute pas.
    Ça fait beaucoup de monde.
    C'est peut-être plus difficile pour les civils de comprendre. Le système de jumelage est une excellente idée, mais la plupart des gens qui n'ont aucune expérience militaire diraient que les amis sont là pour ça. Est-ce que la situation est différente? Y a-t-il une certaine honte associée, parce qu'au bout du compte, vos amis sont aussi des militaires? Selon vous, la situation s'améliore-t-elle? Je crois que vous y avez fait allusion plus tôt, mais est-ce plus facile pour une personne qui a traversé ces épreuves de parler à un militaire qui ne vit pas le même problème et de ne pas se sentir inférieure?
(1010)
    J'aimerais bien vous dire que la question de la culture a été résolue, mais ce n'est pas le cas, comme je l'ai dit plus tôt. Le gens à qui on est jumelé sont des ex-militaires, donc il y a un lien. Ceux qui sont toujours en service travaillent tellement d'arrache-pied qu'ils n'ont pas quatre heures à consacrer pour s'asseoir avec un jumeau. Ils ont à peine suffisamment de temps avec leur famille, etc., donc c'est très difficile.
    Le PSSVSO devrait être davantage obligatoire, et non seulement volontaire. Il devrait faire partie intégrante de la structure de soutien plutôt que d'en être un prolongement, comme c'est le cas actuellement. Ce programme devrait être offert dans les cliniques et être officiellement reconnu; je crois que c'est ce qui est le plus important.
    Pour ce qui est de la culture, les commandants suivent maintenant une formation. Les officiers et les sous-officiers suivent des programmes pour les aider à reconnaître et à comprendre le SSPT.
    Nous sommes en train de vivre quelque chose que nous avons vécu dans les années 1950. Dans les années 1950, nous avions deux groupes: les anciens combattants et ceux qui n'étaient pas allés au combat, et il y avait des conflits entre les deux groupes. Ceux qui n'étaient pas allés au combat admiraient les anciens combattants parce qu'ils étaient allés au front. On leur avait tiré dessus, ils avaient été blessés, donc on les admirait, et il y avait un certain respect. Toutefois, ceux qui souffraient du SSPT à cette époque étaient laissés de côté. On les voyait prendre un coup dans le coin. Ils finissaient par devenir alcooliques, etc.; les sans-abri des années 1950 étaient des anciens combattants. Nous les avons tous abandonnés.
    Aujourd'hui, ils ne sont pas traités de la même façon, mais il y a encore de la friction entre les anciens combattants et les autres, qui disent qu'ils ne seraient pas dérangés par les événements, qu'ils sont plus forts, etc. Parmi les anciens combattants, certains sont véhéments. Ils sont la cause d'affrontements et se font expulsés en raison du problème. Il y a ceux qui peuvent composer avec la situation et qui sont renvoyés, comme c'est le cas pour deux d'entre eux actuellement en Afghanistan, pour les aider à récupérer, parce que si le cas est léger, les renvoyer aide souvent — mais ils n'occupent pas nécessairement le même poste.
    Puis il y a ceux qui sont vraiment dangereux. Je parle du type qui s'assoit dans le coin et qui tente de se cacher derrière les rideaux et qui littéralement est en train de se tuer, soit par le travail, par l'alcool, par la drogue ou autrement. Nous n'avons toujours pas la solution en matière de culture pour composer avec ces cas.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Valley.
    Merci, sénateur. Vous vous êtes servi du terme « bouleversé » à de nombreuses reprises. Eh bien, je crois que vous nous avez bouleversés ce matin avec l'information que vous nous avez donnée.
    Je vais vous parler du dernier point que j'ai noté à la suite des commentaires de Mme Hinton. Les anciens combattants ont besoin d'un jumeau et ils ont besoin d'un autre ancien combattant. Cela me ramène à d'autres commentaires faits plus tôt concernant les légions. J'ai passé neuf ans dans l'administration municipale à tenter d'assurer la survie de la légion de ma ville. Après être devenu député... Actuellement, je connais huit de mes commettants qui ont besoin d'aide et de soutien. Comme vous l'avez dit, les anciens combattants ont besoin des anciens combattants, mais lorsque vous vous retrouvez dans une région comme la mienne, il n'y a personne. Notre population est très dispersée. Ma circonscription s'étend sur une superficie de 60 000 milles carrés, donc il faut beaucoup de temps pour se rendre où que ce soit, et si nous ne pouvons appuyer les organismes locaux qui aident vraiment les anciens combattants et les réservistes, nous allons avoir de vrais problèmes.
    Nous nous retrouvons donc avec la situation où il n'y a pas de soutien dans les régions éloignées. Comment alors atteindre les gens? Vous nous avez donné quelques idées à cet égard.
    Vous avez parlé d'une autre personne avec qui j'ai eu la chance de travailler, Dennis Wallace. J'ai été très surpris lorsque je l'ai rencontré, parce qu'il avait la capacité de rassembler tout le monde dans la salle, et j'en ai été impressionné. Même dans la controverse, il pouvait rassembler tout le monde, et c'est le genre de conseil dont nous avons besoin.
    Je veux parler d'un point que vous avez soulevé et que notre comité vit déjà, soit le cloisonnement. Vous avez dit que nous devrions aller sur le terrain pour parler aux gens parce qu'ils seront nos clients à l'avenir. Mais à chacune de nos tentatives, les obstacles se dressent immédiatement. À titre de comité des anciens combattants, nous traitons de questions qui touchent les anciens combattants et lorsque nous voyons une question qui va toucher nos gens sur le terrain, nous voulons l'aborder, parce que tous ceux qui sont sur le terrain en ce moment finiront par être nos clients; toutefois, on ne nous permet pas d'examiner ces questions ni d'en parler.
    Voilà donc le défi auquel nous devons faire face. Il y a cloisonnement. Nous ne pouvons que concevoir des politiques et tout ce qui traite des anciens combattants, pourtant, combien de milliers ou de centaines de milliers de militaires auront affaire à nous à l'avenir? Nous devons parler de la façon dont nous les protégeons aujourd'hui afin que, lorsqu'ils deviendront nos clients à l'avenir, nous puissions leur assurer une certaine protection.
(1015)
    Vous soulevez un point intéressant. Peut-être devez-vous revoir la définition d'ancien combattant. Nous l'avons modifiée lorsque nous avons inclus tous ceux qui avaient terminé leur formation et étaient qualifiés pour un an. Donc, même s'ils portent l'uniforme, ils sont des anciens combattants, et même lorsqu'ils servent leur pays, s'ils ont une blessure et un dossier à Anciens combattants Canada, évidemment, ils peuvent toucher une pension d'Anciens combattants Canada tout en continuant de servir le pays.
    Vous avez de nombreux clients sur le terrain, donc il n'est pas logique de dire qu'on ne peut aller sur le terrain si on relève d'Anciens combattants Canada. Ça n'a aucun sens.
    Deuxièmement, pour revenir à ce que Madame disait, même si elle n'est plus là, si j'avais reçu plus de visiteurs civils au Rwanda, j'aurais peut-être eu plus de ressources sur le terrain. Donc oui, c'est emmerdant de recevoir des visiteurs, mais je puis vous dire que les bons généraux savent comment veiller à ce que vous obteniez toute l'information dont vous avez besoin pour améliorer la mission.
    Les généraux n'ont rien à cacher sur le terrain. Le réel danger apparaît lorsque les politiciens ici prennent des décisions fondées sur les conseils de pseudo-stratèges et de grands intellectuels qui, vraiment, disent souvent beaucoup de conneries et ont des idées préconçues. Lorsque les généraux, les humanitaristes et les diplomates sur le terrain me diront que nous ne pouvons pas gagner en Afghanistan, alors là je considérerai l'Afghanistan comme un problème. Jusque-là, personne n'a de chance de m'influencer.
    Pour ce qui est de l'aide aux troupes, et cela touche peut-être les anciens combattants, la Légion traite de 15 à 20 p. 100 des dossiers. Lorsque j'ai été blessé, j'ai confié mon dossier à la Légion. Je voulais voir comment la Légion fonctionnait. Je crois qu'Anciens combattants Canada et la Légion pourraient peut-être faire quelque chose pour amener la Légion à l'ère moderne. La Légion n'attire pas la nouvelle génération d'anciens combattants suffisamment, et elle est importante. La Légion n'est pas seulement un endroit où prendre un coup. Il s'agit de l'institution thérapeutique qui réconforte les gens. Il est bon de savoir qu'au retour, il y a un endroit où on peut aller parler, et pas seulement les bars. Prenez par exemple le type qui est allé dans un bar à London et qui s'est fait agresser, pour l'amour du ciel. Il n'aurait pas été agressé à la Légion. Les gens l'auraient plutôt pris sous leur aile et lui auraient payé la bière pour le reste de ses jours.
    Il faut peut-être faire quelque chose pour moderniser la Légion et attirer les nouveaux anciens combattants; ceux-ci pourraient vous aider à cet égard.
    Nous devons trouver une façon de nous assurer que les Légions continuent de faire partie de la société canadienne. C'est le dernier point que je voulais soulever.

[Traduction]

    Les décès des anciens combattants de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée ne devraient pas signifier la fin de la Légion. Au contraire, la Légion a un nouveau mandat. Anciens combattants Canada s'est doté d'une nouvelle charte. La Légion devrait se doter d'une nouvelle charte pour répondre aux besoins de la nouvelle génération d'anciens combattants.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Gaudet, du Bloc, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Pour ma part, monsieur le sénateur, je suis quasiment sceptique. Je vous écoute et je ne comprends pas qu'on dépense des milliards de dollars. Je ne veux pas attaquer un gouvernement en particulier. Il reste que tous les gouvernements précédents ont dépensé des milliards de dollars pour de l'équipement, mais qu'on n'enseigne rien à nos soldats. On n'arrive pas à leur montrer comment faire la guerre. Pourtant, 23 000 réservistes peuvent être appelés à la faire. Expliquez-moi ça.
    Au début de votre allocution, vous avez dit quelque chose qui m'a frappé. Pour ma part, j'ai été maire d'une municipalité, et il n'était pas question, à l'époque, que j'achète un instrument dont on ne savait pas se servir. Par contre, je constate ici qu'on achète des instruments sans savoir si les soldats vont être capables de s'en servir. Ça me pose un problème. Vous avez été dans l'armée et vous pouvez me donner une réponse à ce sujet. Vous parlez du monde politique, mais je suis sûr que ce n'est pas l'unique responsable de tout ça.
    D'où venez-vous, monsieur ?
    Je viens du comté de Montcalm, au nord de Montréal.
    Mais oui, Saint-Émile-de-Montcalm est dans votre coin.
    Ce n'est pas loin; ça faisait partie de mon comté auparavant.
    Mon père a un chalet à cet endroit.
    Pour en revenir à votre commentaire, ce n'est pas que les gars ne sont pas entraînés. Ceux que j'ai envoyés en Yougoslavie, entre autres, étaient entraînés. Ils savaient se servir de leur équipement. Il reste que d'habitude, on n'avait pas assez d'équipement pour faire le travail. De plus, cet équipement n'était pas assez moderne pour nous permettre de faire le travail comme il faut. De toute façon, les solutions de broche à foin ont toujours eu cours dans l'armée canadienne. Par contre, il y a eu beaucoup d'amélioration en matière d'équipement.
    En ce qui a trait à l'entraînement au combat, la façon de mener les opérations dans des conditions difficiles, le maintien de la paix, la résolution de conflits, et ainsi de suite, l'entraînement des gars a été massivement modernisé, que ce soit à l'aide de simulateurs ou d'équipement réel. Le facteur temps compte également. On prend trois mois pour préparer les gars. Ils sont allés au Texas et sont présentement à Wainwright. Avant qu'ils partent pour le combat, on leur fait la vie dure, et c'est beaucoup plus sérieux que tout ce qu'on a pu faire auparavant. Il faut se rappeler que pendant la Deuxième Guerre mondiale, les gars ont passé trois ans en Angleterre avant de voir le premier Allemand, en Italie. Après ces trois ans, ce n'était donc plus des amateurs. On ne dispose pas de trois ans; cependant, on prend maintenant le temps de les préparer, alors qu'on ne le faisait pas auparavant.
    Là où il y a encore des faiblesses, c'est en matière d'expérience de guerre. Je parle ici de la façon dont on prend soin des anciens combattants, pour commencer, puis, une fois que l'expérience de guerre ou de conflit a eu lieu, la façon dont on compose avec elle. Nous ne sommes pas des centaines de milliers et nous ne vivons pas dans un pays qui, à la suite des guerres, a créé la première chartre et des programmes d'éducation impliquant l'achat de terrains ou de fermes. Nous ne sommes qu'un petit nombre. Notre monde est beaucoup plus indépendant à cet égard. Je ne suis pas autorisé à fouiller dans les dossiers des gars: la charte m'interdit d'examiner des renseignements confidentiels. C'est donc plus compliqué. On acquiert cependant cette expérience de campagne, de guerre, et c'est ce qui change les gars. Entre-temps, un bon nombre de gars se font avoir.
(1020)
    Je suis d'accord avec vous, mais une chose me tracasse un peu. Vous avez dit que dans le domaine politique, on aimait mieux acheter des baïonnettes que de fournir des soins psychiatriques ou psychologiques.
    Oui, dans le temps...
     Mais est-ce que c'est mieux aujourd'hui? Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas de médecins, mais il ne semble pas y en avoir beaucoup. Il y en a deux ou trois qui sont venus témoigner devant ce comité. Il reste que la liste n'est pas longue. On dépense d'énormes sommes pour l'achat de matériel, mais si on est incapables de prendre soin de son monde, il y a un sérieux problème.
    Monsieur Gaudet, il n'y en a pas assez du côté civil. Au Québec, à peine 30 p. 100 des besoins sont satisfaits. Même si nous demandions à un psychiatre de venir travailler à contrat chez nous et que nous pouvions le payer beaucoup plus, ça ne changerait rien, vu qu'il est déjà débordé. Dans notre société, il y a un besoin criant dans ce domaine, et c'est d'emblée le cas du côté militaire.
    Il y a eu des contrats et des méthodologies et il y a présentement du recrutement. Nous finançons même des étudiants d'université pour qu'ils viennent travailler pour nous après leurs études. Ce que nous avons aujourd'hui est 50 fois supérieur à ce que nous avions en 1997. Nous avons des cliniques et des gens sur le terrain, mais je dois vous dire qu'il n'y en a pas assez.
    En effet, parce que 50 fois plus de rien, ça donne 50 fois rien.
    Vous n'allez pas me dire que vous êtes mathématicien en plus. Je dis 50 fois plus parce qu'il n'y avait pratiquement rien.
    Comme je vous le dis, je suis d'accord vous, mais il faut prendre les moyens nécessaires. Il faudrait peut-être que le gouvernement investisse dans l'éducation en octroyant des fonds aux provinces. Quoi qu'il en soit, il faut des psychiatres. C'est simple.
    Monsieur Gaudet.
    Merci, monsieur le président. Je m'excuse: ça m'arrive rarement.
    Je vous en félicite.

[Traduction]

    Y a-t-il quelqu'un du côté du gouvernement qui aimerait avoir cinq minutes?
    Monsieur Shipley.
    Sénateur Dallaire, comme je l'ai dit, je crois que nous nous sommes rencontrés brièvement il y a deux ou trois ans, lorsque vous avez participé à une activité à London et avez raconté votre histoire. Je peux vous dire que tout le monde était ému. On se demande comment une personne peut composer avec le genre de traumatisme que vous avez vécu.
    Nous parlons de l'ouverture et de la mise en place des cliniques qui, selon vous, sont essentielles et que le gouvernement veut maintenant mettre à niveau. Nous en avons aussi parlé avec d'autres personnes.
    Je pense à la capacité nécessaire pour trouver des professionnels pour faire fonctionner les cliniques et offrir les traitements nécessaires. Ce personnel ne servirait que pour nos clients qui sont sur la liste d'attente, alors que notre système de soins de santé public est au maximum de ses capacités. Certaines de nos villes ne peuvent trouver de médecins. C'est un problème dans presque tout le pays.
    Je sais que vous avez dit que les forces armées ont besoin de ces professionnels, parce que le gouvernement leur ordonne d'aller servir leur pays. Mais nous allons toujours avoir de la difficulté à trouver le nombre de professionnels nécessaire pour ouvrir davantage de cliniques. Avez-vous des idées ou des recommandations qui nous aideraient à obtenir la capacité nécessaire?
(1025)
    Ce serait vraiment quelque chose si nous ne pouvions envoyer de troupes à l'étranger pour manque de capacités médicales. Ce serait très irresponsable.
    Nous avons beaucoup de difficultés à assurer et à maintenir cette capacité. Pendant ce temps, la dimension du traumatisme dû au stress prend de l'ampleur. Comme pour les civils, les militaires vivent dans la honte, et ainsi de suite.
    Si vous me le permettez, j'ai une solution à vous proposer pour répondre au besoin. Il faut informer la profession de l'ampleur du problème et lui offrir la possibilité de faire de la recherche et de l'enseignement dans le domaine, et de former des thérapeutes pour répondre au besoin.
    Traditionnellement, nous n'avions que quelques professionnels à l'interne. Ils traitaient de problèmes de santé mentale, de dépression, etc. En Allemagne, nous avions même un thérapeute qui aidait nos familles, nos épouses, etc., lorsque nous étions à l'étranger, loin de nos familles.
    Mais nous sommes entrés dans une nouvelle ère, et compte tenu de l'ampleur du problème, les services doivent être mis à niveau. À titre d'exemple, des organismes comme la Société canadienne de psychologie et l'Association des psychiatres du Canada pourraient participer au processus, être informés de l'ampleur des besoins et conclure une entente avec nous. Nous n'avons pas exploré cette piste.
    Nous avons conclu des contrats, toutes sortes de contrats, mais je parle des professionnels. Les professionnels doivent être mis au courant de l'étendue des besoins spécialisés à cet égard, ce qui n'a pas été fait auparavant.
    Vous avez dit plus tôt, et Mme Hinton en a reparlé, que nous devons aller sur le terrain pour constater les effets. Aidez-moi à comprendre ce que cela implique. Pourquoi Anciens Combattants Canada irait sur le terrain pour constater les effets? Que pourrions-nous accomplir, si nous nous rendions sur le terrain?
    Je crois qu'il est important d'aller sur le terrain et de voir comment ils sont installés, comment ils vivent, le rythme de travail et la nature des dilemmes et des décisions qu'ils doivent prendre quotidiennement... vous n'avez pas nécessairement à aller patrouiller avec eux, bien que pour certaines missions ce soit possible. Lorsque j'étais au Darfour récemment pour le premier ministre Martin, je suis allé patrouiller avec les soldats. Le scénario est différent, mais tout de même.
    Toutefois, j'aurais quelque chose d'autre à vous proposer. Pourquoi ne pas aller à Wainwright, ou au Texas, où les soldats s'entraînent? Pourquoi ne pas aller à Valcartier, où les soldats s'entraînent, et les voir se préparer et être formés. Vous pourriez passer deux ou trois jours sur le terrain avec un peloton et vivre vraiment l'expérience.
    La Défense nationale a créé un programme par lequel... Vous, à titre de comité, pourriez examiner les conséquences. Lorsque j'étais sous-ministre adjoint, nous avons fait venir des membres du jury d'Anciens Combattants Canada — des gens de toutes les couches de la société — sur le terrain. Nom de Dieu, je peux vous dire que lorsqu'ils ont commencé à se rendre compte de ce qu'il y avait à faire dans une journée... Il n'est pas question de travailler huit heures et d'aller dormir; les soldats sont en devoir 24 heures sur 24, sept jours par semaine.
    Je crois que d'aller vivre l'expérience vous donnerait un meilleur aperçu.
(1030)
    Notre temps est écoulé.
    Merci.
    Merci, monsieur.
    Monsieur St. Denis, pour le temps qu'il reste, le cas échéant.
    Sénateur Dallaire, à vous de décider.
    Je vais répondre rapidement.
    Je vais vous poser une question rapidement.
    Merci.
    Il me semble que l'on traite les soldats morts au combat différemment de ceux qui sont blessés au combat. Dans ce groupe, on a deux sous-groupes: ceux qui souffrent « entre les deux oreilles », pour reprendre votre expression, et ceux qui perdent un membre, par exemple.
    Lorsqu'un jeune homme ou une jeune femme est recruté, lui dit-on à l'avance quelles sont les chances qu'il ou elle aille au combat, voici ce qui pourrait arriver, et voici ce que nous ferons pour toi?
    C'est fascinant. N'oubliez pas que nous formons une armée qui vient de mettre fin à 40 ans d'engagement militaire en temps de paix. Nous étions en Allemagne, mais bon...
    Au cours des 15 dernières années, il y a eu une courbe d'apprentissage incroyable. En fait, aujourd'hui, nous disons aux jeunes, au centre de recrutement: « Vous savez quoi? Vous pourriez aller au combat. C'est possible. Vous pourriez recevoir une formation en armes de combat ». Nous ne disions jamais cela auparavant. Nous disions plutôt: « Vous voulez un emploi pour la vie? Vous voulez avoir un métier? » La situation a donc changé très rapidement.
    J'étais commandant du collège militaire durant la crise d'Oka, dans le cadre de laquelle nous avons déployé cinq brigades composées de 3 000 soldats à Oka. Nous étions certains que de faire voir nos troupes sur le terrain contribuerait à régler l'insurrection, et de la façon dont nous l'avons fait, que cela allait augmenter le recrutement. À l'époque, les gens ont plutôt retiré leurs jeunes de 17 ans du collège militaire en disant « Mon Dieu, ils pourraient se retrouver en théâtre d'opérations et être blessés ».
    Toutefois, aujourd'hui, la nature du pays a changé. Les gens de moins de 30 ans sentent une responsabilité au-delà de nos frontières et de nos conflits régionaux. Ils ont donc l'impression de faire des sacrifices pour quelque chose de plus gros. La culture est en train de changer.
    Aujourd'hui, on recrute les gens en leur disant que oui, ils vont être déployés. Je ne sais cependant vraiment pas quels détails on leur donne.
    Merci, sénateur.
    Merci beaucoup, sénateur Dallaire.
    Je suis très heureux que vous ayez accepté notre invitation. Je comprends que vous n'ayez pu venir avant, mais votre comparution est très à propos puisque nous étudions les soins de santé.
    J'ai fermement l'intention de lire votre livre.
    Le film sera à l'affiche à la fin du mois de septembre.
    Des voix: Oh, oh!
    J'aimerais vous remercier, vous et vos assistants, d'avoir pris le temps de venir nous voir aujourd'hui.
    Vous faites tous un excellent travail.
    Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre la séance brièvement, puis nous allons reprendre avec M. Perron.
(1030)

(1035)
    Nous reprenons la séance.
    Monsieur Perron, comme nous l'avons dit à l'une des séances précédentes du comité, vous avez eu la chance de participer à une conférence sur le SSPT. Je crois même avoir entendu le sénateur Dallaire dire qu'il y avait participé lui-même. Nous avons hâte de savoir ce que vous avez à dire sur le SSPT.

[Français]

    Monsieur le président, je ne vais pas donner de notes biographiques. Vous me connaissez tous.
    Cela me fait bizarre d'être face à face avec vous, mais ça soigne beaucoup mon ego. Quand mes pairs reconnaissent tous les efforts que j'ai faits en matière de stress post-traumatique depuis que j'ai été élu, ils me rendent hommage et j'en suis vraiment gratifié.
    Parlons du colloque auquel j'ai assisté la semaine dernière. Mon seul problème, c'est que je ne pouvais me diviser en trois ou quatre. Il y avait trop de séances simultanément, et il aurait fallu que j'assiste à toutes. Malheureusement, cela ne m'a pas été possible, mais j'ai essayé de choisir mes séances afin de pouvoir mieux m'informer et vous informer.
    Le général Dallaire m'a ouvert les yeux ce matin lorsqu'il a dit que c'était une blessure de guerre, une blessure intellectuelle ou mentale, au même titre qu'une blessure physique. Cela a beaucoup de sens. Par contre, je me suis aperçu que le général Dallaire avait encore une culture militaire. Je vous dis cela parce que là-bas, la semaine dernière, on nous a dit que pour soigner efficacement le stress post-traumatique, il fallait certaines choses de base. Premièrement, il faut que la personne, comme un alcoolique, reconnaisse qu'elle a un problème. Deuxièmement, il faut que la personne ait des lieux de consultation. Troisièmement, il faut avoir des moyens de traitement.
    Je crois que nous devrions recommander à l'armée une meilleure formation. Lorsque les jeunes sont en formation, commencent à apprendre à tirer du AK-47 et à conduire un char d'assaut, on devrait leur donner une formation entre les deux oreilles: il faudrait leur dire comment reconnaître les symptômes d'un stress post-traumatique et leur recommander de consulter s'ils se sentent malades, parce que le stress post-traumatique a un effet direct sur la santé physique.
    Le général Dallaire a dit ce matin que ces gens avaient besoin de soins et que c'était urgent. Tous ceux qui sont venus témoigner devant le comité, incluant les experts, nous ont dit que le plus tôt on diagnostiquait cet état et commençait à traiter les gens, plus les chances de réussite étaient grandes. Et il y a plus. Je vais taire les noms des deux ou trois personnes qui m'en ont parlé parce que c'est dur, mais j'ose le dire quand même: on dépense de l'argent inutilement en essayant de soigner les blessures mentales des militaires, des anciens combattants normaux qu'on connaît, des personnes de 80 ans et plus qui ont fait la guerre de Corée et la Deuxième Guerre mondiale, et qui souffrent de stress post-traumatique; on devrait plutôt investir de l'argent pour améliorer leur confort, afin qu'ils puissent jouir d'une fin de vie plus agréable. Ces personnes ont subi leurs blessures mentales il y a 45 ou 50 ans et plus, et elles n'en guériront pas.
    Les thérapeutes disent ne pas pouvoir les guérir. Ces personnes sont marquées à vie. C'est difficile d'entendre ça et c'est difficile de le dire aussi. Dépensons donc de l'argent pour les rendre le plus confortables possible dans des milieux familiaux, etc., au lieu de dépenser de l'argent à essayer de guérir un mal dont elles ne pourront jamais guérir.
(1040)
    Il faut donc changer la mentalité de l'armée afin que certains jeunes machos puissent reconnaître un jour, au cours d'une mission, qu'il est possible qu'ils aient des problèmes psychologiques et soient blessés. C'est difficile à reconnaître, mais dès que la personne en est consciente, il faut quasiment la prendre et la soigner immédiatement.
     J'ai eu un cas, dont j'ai fourni le nom à Alexandre Roger. Il s'agit d'une petite fille, Danielle, que j'ai rencontrée à Montréal. C'est une jeune femme d'une trentaine d'années qui a souffert du stress post-traumatique en Bosnie. Elle croyait faire une crise cardiaque, et c'est ainsi qu'on a décelé un stress post-traumatique. Heureusement, un médecin lui a dit que ce n'était pas une crise cardiaque mais une blessure mentale. On l'a amenée ici, au Canada, et on a commencé tout de suite à la soigner. Elle travaille maintenant au ministère des Anciens Combattants à Kingston. Elle est complètement guérie. C'est intéressant.
    Il y a une autre chose qui est un peu malheureuse. À ce jour, seulement 67 p. 100 des jeunes atteints de blessures mentales peuvent guérir, selon les statistiques fournies. Il faut donc commencer à les soigner rapidement.
    Quels problèmes avons-nous? Je crois que le premier est un manque de professionnels, de psychiatres, de psychologues. Lorsque M. Dallaire dit que les psychologues québécois peuvent soigner seulement 30 p. 100 des cas, il a raison. J'ai appelé la Fédération des psychologues du Québec. Il faudra faire de la promotion, etc., et je ne sais pas du tout comment on va faire. Il faudrait peut-être que les universités s'emploient à en former davantage et leur apprennent à soigner le stress post-traumatique grave. Il existe seulement 12 sortes de stress demandant des soins qui peuvent marquer à vie, notamment le décès accidentel de son meilleur ami, le viol, dans le cas d'une jeune femme, l'inceste, un incendie. Un traumatisme grave est, dans la plupart des cas, relié à un décès ou à la vie. Il faut faire un effort, en tant que groupe, afin que la société forme le plus possible de psychiatres et de psychologues.
    Deuxièmement, il faut diminuer le temps qui s'écoule entre le moment où le jeune en mission reconnaît qu'il peut avoir un stress post-traumatique et le moment où il se fait évaluer par des spécialistes sur le terrain et où on le ramène au pays afin qu'il soit soigné le plus vite possible.
    Quand le général Dallaire nous parle de recherche à l'Hôpital Sainte-Anne, je suis d'accord. Par contre, il y a une chose qu'on ne doit pas oublier: il ne faudrait pas qu'on essaie de réinventer la roue, puisque nos amis américains font de la recherche sur le stress post-traumatique depuis déjà 25 ans. J'ai le poil presque hérissé sur les bras quand je vois à quel point nous sommes en retard. D'ailleurs, j'ai été agréablement surpris lorsque j'ai appris que des centres de recherche comme ceux de l'Université McGill, à Montréal, et de l'Université de l'Alberta ou du Manitoba faisaient déjà de la recherche et avaient trouvé certaines solutions qu'ils ont transmises aux Américains et que ceux-ci incluent dans des recherches faites au Canada. Il faut continuer à faire cette recherche, mais de là à faire de l'Hôpital Sainte-Anne un lieu de recherche spécialisé... Il pourrait y avoir un département de recherche, mais c'est surtout un lieu de réparation des blessures mentales. J'emploie le terme « blessures », parce que je l'ai bien aimé lorsque mon ami l'a mentionné.
(1045)
    Un des problèmes est qu'à l'heure actuelle, il n'y a aucun moyen de déterminer la gravité d'une blessure mentale. On ne peut pas dire si, en termes de taux, elle représente 50 p. 100, 75 p. 100 ou 80 p. 100. C'est pratiquement laissé à la technologie ou au pif du soignant. Ce n'est pas comme dans d'autres cas où on se fonde sur un tableau, on analyse le sang, et, si on détecte la présence de certains microbes, on donne un diagnostic de cancer. Il s'agit ici d'une maladie très peu connue. Vingt-cinq ans, c'est très peu en termes de recherche médicale. C'est donc du ressort du soignant de dire dans quel pourcentage le cerveau a été endommagé, et seul son pif lui permet de le faire.
    Le problème est que si le ministère des Anciens Combattants décide d'offrir à un ou une jeune souffrant d'une blessure mentale une compensation de 20 p. 100 parce que c'est à ce taux qu'on a évalué sa blessure. C'est inéquitable. Cette façon de penser est injuste parce qu'on ne sait vraiment pas dans quel pourcentage le cerveau est endommagé. On ne peut pas dire si le taux est de 10 p. 100, 15 p. 100, 50 p. 100 ou 92 p. 100.
    Un autre problème majeur est le financement, tant du côté de l'armée, qui ne consacre pas suffisamment d'argent à la formation mentale de ses recrues, que du côté civil, où les anciens combattants ne reçoivent pas suffisamment de soins. Par exemple, à Valcartier, à Québec, seulement 3,8 p. 100 du budget alloué à la santé est consacré à la santé mentale. Il faudrait peut-être aussi changer la mentalité de macho des jeunes qui entrent dans l'armée. On leur dit qu'ils sont des durs, mais il faudrait aussi leur conseiller de rester aux aguets, au cas où le stress entraînerait des problèmes mentaux.
    C'est essentiellement ce que je voulais dire. Je serais heureux d'échanger avec vous. Je préférerais qu'on ne s'impose pas de limite de temps, mais qu'on fonctionne selon le principe du premier arrivé, premier servi. C'est une discussion entre amis. Je ne vais pas jouer le rôle de celui qui sait tout et qui a tout vu; je vais simplement vous faire part de ce qu'il m'a été donné d'apprendre.
     Merci.

[Traduction]

    Nous allons vous poser des questions relativement à votre participation au symposium, auquel nous n'avons pas participé. Est-ce que ça vous va? Vous êtes donc l'expert ici, relativement parlant.
    Madame Hinton.
    Merci, Gilles.
    Je comprends ce que vous dites. J'ai appris ici il y a quelques minutes que les deux symposiums auraient été enregistrés. Vous nous avez dit vous-même qu'il y avait trop d'ateliers et que vous avez eu de la difficulté à faire des choix. S'il est vrai que ces ateliers ont été enregistrés, nous pourrions peut-être, à titre de comité, examiner la possibilité de les écouter.
(1050)

[Français]

    Madame, j'ai déjà demandé aux gens de l'Hôpital Sainte-Anne de m'envoyer les enregistrements bilingues portant sur toutes les conférences. Il me fera plaisir, aussitôt que je les recevrai, d'en déposer une copie au comité.

[Traduction]

    Nous ne voulons pas violer les droits d'auteur de quiconque. Peut-être que nous devrions simplement en commander un jeu pour le comité.

[Français]

    Non, ça va être presque entièrement en anglais. En effet, 98 p. 100 de la conférence se déroulait en anglais, et il n'y avait pas de service de traduction.

[Traduction]

    Ce n'est pas ce qui m'inquiète; je ne veux pas violer les droits d'auteur.

[Français]

    Non, non, c'est à des fins de publication. L'Hôpital Sainte-Anne m'a donné son autorisation.

[Traduction]

    Il semblerait que les enregistrements sont d'environ une heure chacun.
    Il y a eu 26 réunions.

[Français]

    Ça équivaut à au moins 26 heures d'écoute.

[Traduction]

    Il y a eu un atelier sur le SSPT; nous devrions donc certainement l'écouter. Il faudrait probablement s'adonner à cette activité en soirée, parce que le temps presse et nous devons aller de l'avant pour ce qui est de l'étude sur les soins de santé. Mais je crois que c'est une question importante pour tous les gens à la table; nous pourrions donc peut-être nous entendre, une fois que nous aurons ces enregistrements, sur un visionnement en soirée à un moment donné. Ou peut-être que nous pourrions procéder sur deux ou trois soirs, compte tenu de nos horaires respectifs. Il serait sûrement très difficile de réunir tout le monde un même soir.
    Vous avez dit très clairement que cette conférence était très instructive pour vous. Selon vous, quel était le fait saillant de votre expérience? Qu'est-ce que vous savez maintenant que vous ne saviez pas auparavant?

[Français]

    Il faut s'employer à aider ces jeunes et faire en sorte que du personnel soit affecté aux régions éloignées. Ça va être très difficile parce qu'il manque de personnel, mais il faut au moins déterminer quels jeunes ont des problèmes et leur suggérer un endroit où ils peuvent obtenir un diagnostic et savoir si des soins sont nécessaires. Il faut faire cela dans les plus brefs délais. On ne peut pas attendre deux, trois ou cinq ans pour s'occuper de ces jeunes, parce que plus on attendra, plus il sera difficile de les soigner.

[Traduction]

    D'accord. Donc vous croyez que ce qui est le plus important, c'est d'informer les jeunes soldats qui sont en service actuellement.

[Français]

    Et ça s'applique même à ceux qui n'ont pas décidé d'avancer. J'ai appris, et les spécialistes qui sont venus ici l'ont répété, que dans le cas de jeunes qui essaient de simuler un problème pour obtenir une compensation financière, les spécialistes sont en mesure de leur dire, après avoir conversé pendant environ une demi-heure avec eux, qu'ils ne souffrent pas de stress post-traumatique mais essaient simplement d'obtenir de l'argent. Le monde étant ce qu'il est, ces choses peuvent arriver.

[Traduction]

    Merci, Gilles.
    Au tour de M. St. Denis.
    Je tenterai d'être bref puisque le temps presse.
    Je vous remercie, Gilles, de vous prêter à cet exercice, non seulement pour votre intérêt, mais pour le bénéfice de tous.
    Le sénateur Dallaire a parlé aujourd'hui de l'importance des Légions et de la nécessité de les aider à se moderniser. Il a parlé du système de jumelage et du soutien dans la collectivité. Lors de cette conférence, a-t-on parlé du réseau de soutien externe, qu'il s'agisse des Légions ou des familles, pour aider les anciens combattants?

[Français]

     Je n'étais pas là; par contre, j'ai assisté à une autre conférence — et je l'ai fait pour Peter — sur la relation entre l'armée et la famille. La famille a besoin d'être entourée, mais elle peut aussi apprendre à entourer le jeune qui souffre. Le côté familial est très important. La Légion royale canadienne a-t-elle les moyens de voir à cela? Je n'ai rien contre elle: c'est un bon club socio-médical et de services. C'est un moyen d'entourer les jeunes, mais le fait que ceux-ci ne s'identifient pas à la légion conventionnelle est un problème majeur. Y a-t-il moyen de faire en sorte qu'ils s'intègrent? La légion aura à faire ses devoirs, à apprendre.
    J'ai apprécié que Pierre, qui est ici présentement, soit aussi présent à ce colloque. Il est allé là pour s'instruire, comme je l'ai fait et comme nous le faisons tous, de façon à pouvoir mieux encadrer ces jeunes. Il est nécessaire, dans le cadre de la thérapie, que le jeune soit accompagné. En parlant de la famille, je dois avouer avoir été vraiment surpris quand j'ai découvert que celle-ci pouvait aussi bien être un handicap qu'une aide pour le jeune. En effet, parce qu'elle ne connaît pas le stress post-traumatique, la famille devient un problème quand elle blâme le jeune de se droguer ou d'être saoul continuellement. Les membres de la famille ne peuvent pas l'aider correctement parce qu'ils ne connaissent pas le problème. Ce n'est pas faute de vouloir.
     Il peut arriver qu'en revenant d'une mission, l'individu semble être comme il était à son départ, mais qu'en fait il prenne un coup, se drogue, soit malade, ait des nausées, vomisse quand il est à jeun et souffre de toutes sortes de problèmes médicaux. Le problème n'est pas seulement entre les deux oreilles: il a aussi des répercussions sur le corps. Excusez-moi d'utiliser une expression populaire au Bloc québécois, mais dans de tels cas, les membres de la famille lui bottent le derrière et lui disent de se prendre en main. Ils ne savent pas qu'il est blessé entre les deux oreilles. Il est bon, avant le départ en mission, d'informer le milieu familial, surtout l'épouse, des problèmes qui peuvent se manifester au retour. Dans le cas de la conjointe, on peut l'avertir de la possibilité que son conjoint souffre d'une blessure mentale à son retour. Il s'agit de commencer à la préparer à cette éventualité. Si ça se produit et que la conjointe reconnaît les symptômes qui se manifestent, elle va tout de suite être alertée et va essayer de convaincre son conjoint d'aller consulter un spécialiste.
(1055)

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Stoffer.
    Merci, monsieur Perron.
    Y avait-il des victimes du SSPT?
    Oui.

[Français]

    Oui. Certains ont réussi. J'en ai vu quatre ou cinq. Nous en avons une preuve concrète en la personne de Jeannine, qui se trouve derrière nous, et de Louise Richard. Elles ont sûrement encore des problèmes, mais elles peuvent vivre leur vie parce qu'elles ont eu la chance d'être traitées. En fait, ça ne devrait pas être une chance qui est offerte, mais une obligation qui est remplie.
    Merci.

[Traduction]

    Je vous signale simplement que des participants à la prochaine séance de comité commencent à arriver.
    Je veux simplement voir à ce que nous indiquions au compte rendu que M. Valley a un avis de motion pour jeudi qui se lit comme suit:
Que le Comité des anciens combattants travaille avec le ministère de la Défense et Anciens Combattants Canada en vue d'organiser un voyage d'étude concernant les opérations en Afghanistan, dans le cadre de l'examen des soins de santé qui est en cours, lequel porte notamment sur le syndrome de stress post-traumatique (SSPT).
    Merci beaucoup. La séance est levée.