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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 028 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 février 2007

[Enregistrement électronique]

(0915)

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs.
    Depuis que je préside ce comité, je crois que c'est la première fois que nous nous trouvons dans la salle que le Comité mixte de la défense nationale et des anciens combattants, le CPDNAC, utilisait et qui contient toutes ces peintures et autres souvenirs de guerre. C'est agréable d'être ici.
    Je remercie notre témoin, Mme Pascale Brillon.
    Nous aimerions vous donner l'occasion de lancer nos discussions sur la question de la santé des anciens combattants, en abordant celle du syndrome de stress post-traumatique. En général, nous permettons des exposés de 10 à 20 minutes. Vous avez certainement le droit de faire un exposé de 20 minutes, si vous le voulez. Par la suite, les membres du comité auront l'occasion de vous poser des questions.
    Nous vous laissons maintenant la parole pour faire votre exposé.

[Français]

    Pour commencer, j'aimerais me présenter. J'ai obtenu un doctorat en psychologie spécialisée en stress post-traumatique de l'Université de Montréal. Il s'agissait de la première étude sur le stress post-traumatique vécu par les femmes qui avaient été violées. Par la suite, j'ai été engagée à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal pour former des psychologues et des psychiatres en stress post-traumatique. Je me spécialise donc dans l'étude du stress post-traumatique, sur le plan de la recherche et sur celui de l'intervention. Dans cet ordre d'idées, j'offre beaucoup de formation en intervention post-traumatique.
    Il faut comprendre qu'au Canada, on commence à peine l'étude du stress post-traumatique, tandis qu'aux États-Unis, on a dû faire face à la guerre du Vietnam, d'où sont revenus des milliers de vétérans très traumatisés. Cela a beaucoup conscientisé la population américaine à ce fléau, à ce syndrome. Au Canada, il a fallu plus de temps avant qu'on reconnaisse le syndrome de stress post-traumatique et qu'on commence à se spécialiser dans ce domaine.
    Je travaille donc à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, où je ne vois que des victimes. J'offre de la formation à la base militaire de Valcartier aux psychologues et aux psychiatres qui traiteront nos vétérans et nos soldats qui reviendront de mission. Je continue aussi à faire de la supervision à la base militaire de Valcartier.
    À cet égard, M. Perron m'a invitée aujourd'hui afin qu'on puisse discuter ensemble du syndrome de stress post-traumatique. Je commencerai par parler de ce qu'est le syndrome de stress post-traumatique en général, parce qu'on en entend parler de plus en plus, mais on le connaît très peu de façon spécifique.
    Tout d'abord, il faut comprendre qu'il s'agit d'un ensemble de symptômes qui sont présents chez les victimes qui ont vécu un événement traumatique. On définit un événement traumatique comme un événement où on a vécu une menace à son intégrité physique et des sentiments de peur, d'impuissance ou d'horreur. Il ne s'agit pas seulement d'avoir eu peur lors de l'événement, mais il s'agit aussi de sentiments d'horreur et d'impuissance.
    Nos soldats, par exemple, ont souvent de tels sentiments. Ils vont me dire, par exemple, qu'ils n'ont pas eu peur pour leur vie, mais qu'ils ne pouvaient pas supporter la vision des cadavres ni celle d'un enfant de 14 ans qui tuait une femme enceinte. Il s'agit donc souvent de sentiments d'impuissance ou d'horreur que vivent nos soldats.
    On vit un événement traumatique et, par la suite, différents symptômes se manifesteront si on souffre du syndrome de stress post-traumatique. On pense en général à trois types de symptômes. Le premier type est le symptôme d'évitement. Pour la majorité des gens, ils ont vécu là le pire événement de leur vie. Par la suite, ils voudront éviter tout ce qui est relié à cet événement. Pour nos militaires, ceci implique souvent qu'ils ne veulent plus porter d'arme, ne veulent plus porter l'uniforme, qu'ils ne sont plus capables de voir la base militaire et ils ont même de la difficulté à regarder le drapeau parce qu'il est trop associé à cette expérience horrible. Il s'agit donc d'évitement des situations associées à l'événement traumatique.
    Il s'agit aussi beaucoup d'éviter des pensées. Ils ne veulent plus y penser, ne veulent plus s'en souvenir et ne veulent pas en parler. D'ailleurs, la plus grande difficulté en psychothérapie est que la majorité des gens ne voudront pas discuter de ce qu'ils ont vécu. Il s'agit donc du premier type de symptôme, l'évitement.
    Le deuxième type de symptôme est le flashback, c'est-à-dire que ce qui s'est produit revient à l'esprit, alors qu'on n'en a pas nécessairement envie, alors qu'on ne le désire pas. Ce peut être sous forme de flashbacks, de cauchemars ou de pensées intrusives. Même si on ne le désire pas, on est submergé au quotidien par ces pensées intrusives. Le souvenir de l'événement traumatique revient.
    Dans le quotidien, ce symptôme peut prendre la forme suivante: les gens me disent qu'alors qu'ils sont en train de parler, soudainement, ils revoient le visage écrasé d'une femme; pendant qu'ils regardent la télévision, ils entendent le mot « viol » et ils revoient les scènes qu'ils ont vécues au Rwanda; ils se promènent dans la rue, ils voient un enfant et ils revoient cet enfant crucifié sur une porte de grange en Bosnie. Ils seront donc submergés par ces images, qui reviendront de façon récurrente pendant plusieurs mois quand elles sont associées au syndrome de stress post-traumatique. Il s'agit donc du deuxième type de symptôme, qu'on appelle les reviviscences, ou les flashbacks.
    Le troisième type de symptôme est l'hyperactivation, c'est-à-dire que le corps est en état d'alerte. Il a failli mourir, il a été dans une situation qui était hors de l'ordinaire et, par la suite, le vétéran ou la victime restera dans cet état de vigilance avancée.
     Par exemple, dans la pièce où nous sommes, il serait très difficile pour une victime de ne pas être tout le temps en état d'alerte, parce qu'il y a des fenêtres, il y a des gens autour, en arrière.
    Si la personne a vécu des bombardements en Bosnie, si elle a vécu les événements du World Trade Center, si elle a vécu des horreurs au Rwanda, elle va rester très vigilante par rapport à qui est derrière elle, à qui peut entrer par cette porte, à ce qui peut passer du côté des fenêtres. La personne reste dans un état de constante vigilance. Cela veut donc dire qu'elle peut manquer de concentration parce que son esprit est surtout concentré sur ce qui se passe autour d'elle. Cela veut dire qu'elle va avoir beaucoup de difficulté à dormir parce que dormir, c'est l'abandon, c'est se laisser aller, et cela peut la placer dans un état de vulnérabilité. Cela peut vouloir dire aussi qu'elle est très irritable parce que si elle est constamment dans cet état de vigilance, son niveau de stress est à 9  sur 10 et il lui faut presque rien pour exploser.
    Donc, les victimes sont des gens avec qui il est très difficile de vivre dans le quotidien, pour leur conjointe ou conjoint, parce qu'ils sont constamment dans cet état de vigilance et d'irritabilité.
    Ce syndrome, on le voit apparaître dans les semaines et les mois qui suivent un événement traumatique. En général, on peut le diagnostiquer quand ça fait au moins un mois que ça dure.
    On peut imaginer que lors de l'événement traumatique, on a des symptômes qui sont beaucoup plus à court terme. Par exemple, en état de crise, il y aura des symptômes comme l'état de choc. La personne se dit qu'elle ne peut pas croire ce qui se passe. Il y aura des moments dissociatifs. Des victimes me disent que pendant que cela se passait, elles entendaient leur commandant leur dire de faire ceci, de faire cela, et qu'elles obéissaient comme un robot, mais qu'elles étaient déconnectées. Elles avaient réussi à remplir leurs tâches, mais dans l'insensibilité. Elles étaient vraiment déconnectées.
    Il y a aussi un grand sentiment de solitude dans les jours suivant l'événement. Les victimes ont l'impression d'être les seules à vivre cela. Elles ont l'impression que c'est inacceptable, particulièrement dans le métier de soldat; elles se disent que c'est honteux de vivre de tels symptômes. Ça l'est encore de nos jours. Si la personne a peur, si elle a des cauchemars, des flashbacks, elle n'en parle surtout pas, parce que cela est un signe de faiblesse, ce n'est pas digne de l'armée canadienne. Ce sont des émotions qu'on voit apparaître dans les jours qui suivent et si elles perdurent, on voit ensuite apparaître le syndrome de stress post-traumatique.
    Quand on parle de syndrome de stress post-traumatique, on parle d'un syndrome qui se produit mais qu'on pensait rare, autrefois. On imagine actuellement... On commence à accumuler des données qui nous indiquent que cela n'est pas si exceptionnel et que des événements horribles peuvent induire un syndrome de stress post-traumatique.
    On a vu différentes études. Qu'est-ce qui peut mener aux troubles de stress post-traumatique. Quels sont les facteurs qui peuvent faire en sorte que la condition soit encore plus grave? On remarque que cela se produit lorsqu'il s'agit d'événements particulièrement horribles, des événements intrusifs, donc des événements qui ont touché la victime. Non seulement, la personne a vu son collègue recevoir une balle, juste à côté, mais elle reçu du sang sur elle. Elle a vu sa cervelle par terre. Ce sont des événements qui sont intrusifs, imprévisibles et violents.
    Les gens parleront souvent d'événements qui touchent des enfants; ceux-là engendrent d'autant plus l'apparition du trouble de stress post-traumatique. Ils vont me dire, par exemple, être allés au Rwanda et ne pas avoir pu supporter que des enfants portent des armes. Dans leur esprit, une guerre ne peut être civilisée que lorsqu'elle se passe entre deux hommes entraînés et adultes. Ils me disent qu'après être arrivés à cet endroit et avoir vu des enfants qui tuaient, ça leur apparaissait comme de la barbarie.  Alors, pour plusieurs, c'est insupportable de constater ce non-sens, même dans le contexte de la guerre. Cela aussi peut être un facteur qui favorise le trouble de stress post-traumatique.
    On pense à des événements sexuels qui sont aussi très liés à des syndromes de stress post-traumatique. Ils sont souvent associés à davantage de symptômes parce qu'ils sont très intrusifs et traumatisants.
    Il y a aussi, évidemment, des événements qui se traduisent par des séquelles physiques. Si la personne vit un événement traumatique et qu'elle en est témoin ou qu'elle est blessée, elle risque peut-être davantage de développer le syndrome de stress post-traumatique que si elle n'a pas été blessée.
    On remarque aussi — et je vais terminer là-dessus — certaines différences selon le sexe des victimes. On sait, par exemple, que les femmes et les hommes ne vivent pas le même genre d'événements traumatiques. Les femmes ont neuf fois plus de risques de vivre un événement traumatique à caractère sexuel que les hommes. On sait aussi que la réaction, à la suite de l'événement traumatique est très différente selon le sexe. On sait que les femmes ont davantage tendance à consulter un professionnel à la suite d'un événement traumatique. Elles vont davantage chercher de l'aide, ce qui peut améliorer leur pronostic, alors que pour les hommes, c'est beaucoup plus associé à de la honte encore, à un stigmate, surtout au sein des forces.
(0920)
     Les hommes auront tendance à le cacher, à consommer. On remarque dans certaines études, un pourcentage assez éloquent de comorbidité entre le stress post-traumatique et la consommation d'alcool. Cinquante pour cent des hommes traumatisés auront un diagnostic de consommation d'alcool. Ce n'est pas seulement prendre une petite bière de temps en temps, c'est vraiment un diagnostic d'abus et de dépendance à l'alcool. C'est une chose qui peut être inquiétante parce que, évidemment, si vous buvez quatre bouteilles de gin le soir, c'est sûr que vous ne serez plus anxieux. À court terme, cela fonctionne. Le problème, c'est qu'à long terme, cette consommation d'alcool va renforcer le syndrome post-traumatique et vraiment renforcer les symptômes de façon chronique. C'est une chose dont il faut être très conscient. Le syndrome post-traumatique qui n'est pas traité peut vraiment s'aggraver avec le temps. Il restera chronique et, souvent, une comorbidité va s'y ajouter, surtout chez les hommes, sur le plan de la consommation d'alcool.
    Une autre comorbidité qui peut nous inquiéter est de se rendre compte qu'un stress post-traumatique qui n'est pas traité est souvent associé à une dépression majeure. Quand on parle de symptômes de dépression, on parle de tristesse, de difficultés du sommeil, de pleurs constants, d'une perte d'intérêt et d'idées suicidaires. Ce n'est pas anodin, c'est vraiment une chose assez importante et qui est associée de façon très marquée au syndrome. On remarque dans les études que 52 p. 100 des femmes et 52 p. 100 des hommes ayant un stress post-traumatique auront en plus un diagnostic de dépression majeure si le stress post-traumatique n'est pas traité. Compte tenu de la croyance populaire, on s'imagine quelquefois qu'à long terme, le temps va arranger les choses, que tranquillement les symptômes vont diminuer. Ce n'est pas ce qu'on constate dans les ouvrages scientifiques. Ce qu'on constate, c'est que si on laisse traîner les choses, des diagnostics peuvent s'ajouter parce que la victime va tenter de diminuer cette anxiété avec ce qu'elle connaît, par exemple l'alcool, ou bien elle va développer des symptômes de dépression importants par la suite.
    Je vais prendre quelques minutes pour clore ma présentation, et on pourra en discuter ensemble par la suite.
    Évidemment, on a développé au fur et à mesure des années une meilleure connaissance du stress post-traumatique, des facteurs qui peuvent l'aggraver, mais aussi de ce qu'on peut faire pour nous aider à le diminuer. On pense particulièrement aux stratégies thérapeutiques, aux stratégies de psychologie. Pour bien se situer, il existe trois niveaux d'intervention. Le premier niveau d'intervention est le moins connu, c'est le niveau avant le trauma.
    Comment peut-on faire pour aider des gens qu'on sait à risque — les militaires, mais aussi les policiers, les ambulanciers, les coopérants internationaux —, sachant qu'il y a un risque de trauma, à augmenter leur résilience, à augmenter leur capacité à se connaître, pour diminuer peut-être la prévalence de stress post-traumatique? C'est le premier niveau d'intervention. On pourra en reparler plus tard. C'est le moins connu et le moins développé.
    Le deuxième niveau d'intervention se situe immédiatement après le trauma, dans les heures et les jours qui suivent. On sait que quelqu'un a été traumatisé; que peut-on faire dans l'immédiat? Vous avez déjà entendu parler de debriefing post-traumatique; c'est le deuxième niveau d'intervention. Comment peut-on les aider à court terme? L'objectif de cette intervention immédiate est de tenter de prévenir l'apparition du trouble de stress post-traumatique, de prendre les moyens pour que ce trouble de stress post-traumatique soit moins grand.
    Le troisième niveau d'intervention, c'est le niveau à plus long terme, c'est-à-dire après un mois, quand on a un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, des symptômes qui durent, d'évitement, d'hyperactivité, de flashbacks, depuis un mois, deux mois, trois mois. Comment peut-on faire pour aider ces victimes?
(0925)
    Pour les aider à se remettre de leur traumatisme, il s'agit d'appliquer un niveau d'intervention où les stratégies thérapeutiques sont à plus long terme.
    Voilà.
(0930)

[Traduction]

    J'ai trouvé votre exposé très intéressant. Je pense déjà à quelques questions que je pourrais vous poser, mais je vais d'abord laisser la parole à mes collègues du comité.
    Monsieur Valley, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup de votre exposé et merci de nous avoir fait part de vos connaissances sur beaucoup de ces questions.
    Au début, vous avez mentionné que les Américains sont bien meilleurs que nous sur certains points, probablement parce qu'ils ont beaucoup plus d'expérience dans le domaine. Combien d'années d'expérience possèdent-ils? Effectuent-ils le dépistage du SSPT depuis la Seconde Guerre mondiale?

[Français]

    On peut envisager la possibilité que des êtres humains aient souffert du trouble de stress post-traumatique depuis la nuit des temps. Malheureusement, les traumas ont toujours existé. Toutefois, les premiers écrits scientifiques datent de la fin des années 1800, période où le chemin de fer a fait son apparition. Il y a eu des accidents, et on a remarqué alors des symptômes étranges chez les victimes, soit un refus de reprendre le train, un flashback de l'accident.
    La première hypothèse était que des éclats de métal avaient pénétré le cerveau et induit les symptômes. Les choses en sont resté là jusqu'aux deux premières guerres mondiales. Pour la première fois, des maux nouveaux sont apparus: névrose des tranchées, névrose des camps de concentration, syndrome de guerre.
    Au cours de ces années, on a remarqué chez les militaires les mêmes symptômes que ceux observés auparavant chez les victimes d'accidents du chemin de fer: refus de retourner au combat, flashback et cauchemars sur le combat. Il y avait alors un traitement très efficace pour les soldats souffrant du trouble de stress post-traumatique. On les considérait comme des lâches, des déserteurs, et on les fusillait. Vous allez convenir avec moi que de cette façon, le TSPT était bel et bien éliminé. Mais les soldats l'étaient aussi.
    Je présente la chose en riant un peu, mais c'est pour montrer à quel point on part de loin quand on parle de ce syndrome. Il a très longtemps été vu comme une faiblesse chez les militaires. On considérait qu'ils ne faisaient pas leur devoir envers leur patrie, qu'ils étaient des déserteurs. On les a punis pour crimes de guerre. En Amérique du Nord, il a vraiment fallu attendre la guerre du Vietnam pour voir un changement d'attitude face au syndrome de stress post-traumatique.
    Les Américains, qui ont vu revenir sur leur sol des milliers de vétérans traumatisés, ne pouvaient pas considérer ces gens comme des faibles et des déserteurs. En effet, plusieurs d'entre eux étaient décorés, certains avaient accompli des actes héroïques au combat et d'autres sortaient des écoles militaires d'élite les plus reconnues. On peut penser à l'académie West Point, par exemple. Ce fut un choc pour les Américains. Ils se demandaient comment de tels soldats, issus des meilleures écoles et ayant accompli des gestes aussi héroïques, pouvaient présenter des symptômes aussi incapacitants.
    C'est également au cours des années 1970 qu'on a pu lire pour la première fois des articles scientifiques sur ce qu'on appelle en anglais le rape trauma syndrome. Burgess et Holmstrom en ont traité en 1979. À ce moment-là, le très puissant mouvement féministe américain a remarqué des symptômes étonnamment semblables chez des populations de victimes complètement différentes. Chez les femmes qui avaient été violées, on a noté la peur des relations sexuelles, la peur des hommes, des cauchemars sur l'agression sexuelle, un état d'alerte constant. Ce sont d'abord et avant tout les mouvements pacifiste et féministe américains qui ont travaillé à faire reconnaître le stress post-traumatique auprès du Sénat en 1980.
    Depuis ce temps, les universités et certains hôpitaux de vétérans américains se sont concentrés sur ce qu'ils appellent le post-traumatic stress disorder. Ils ont vraiment une longueur d'avance sur nous. Quand j'ai fait mon doctorat — et ce n'était pas en 1920, mais bien en 1993 — , il s'agissait du deuxième doctorat au Québec portant sur le trouble de stress post-traumatique. En 1997, quand j'ai commencé à dispenser de la formation à l'Hôpital Sainte-Anne, un hôpital pour les vétérans situé à Montréal, c'était la première fois que les participants recevaient une formation précisément sur ce sujet. Au Québec, on a exercé des pressions pour qu'il y ait davantage de psychologues.
     À l'heure actuelle, il n'y a toujours pas de psychologues québécois ou canadiens qui accompagnent les troupes. Pendant de nombreuses années, nos soldats sont allés consulter des psychologues américains. Pour nous, c'est un début. On a eu la chance de ne pas connaître la guerre du Vietnam. Le général Dallaire a été une des figures marquantes en ce qui concerne le stress post-traumatique au sein de l'armée canadienne. Il a été parmi les premiers à nommer le trouble. Il a osé dire qu'il en souffrait. Pourtant, il était général. Son geste a fait tomber bien des tabous et a aidé à faire reconnaître le trouble.
(0935)

[Traduction]

    Merci. Je suis content d'apprendre que, au Canada, nous n'avons plus recours au traitement qui consiste à les fusiller. Ce ne serait pas une solution très appropriée.
    J'aimerais d'abord vous poser deux questions. Premièrement, comment s'ajuste-t-on aux nouvelles dimensions de la guerre? Le recours aux kamikazes est un phénomène assez récent, surtout lorsqu'ils utilisent un vélo ou toutes sortes d'autres moyens. Maintenant, nous devons nous méfier des vélos. Comment, à titre de professionnelle, ajustez-vous vos stratégies à cette évolution?
    Deuxièmement, vous avez parlé des différents niveaux d'intervention pour aider les sujets à risque, ceux qui viennent de subir un trauma et ceux qui l'ont subi il y a plus longtemps.

[Français]

    Avant l'événement traumatique, donc avant même qu'ils partent pour la guerre, immédiatement après, puis à long terme.

[Traduction]

    Le traitement des sujets qui viennent de subir un trauma m'intéresse particulièrement. Pourriez-vous nous donner un aperçu des premières 24 heures, de la première semaine et du premier mois?
    Donc voici mes deux questions: comment s'adapter aux nouvelles réalités de la guerre et comment traiter les soldats dans les 24 heures, la semaine et le mois qui suivent l'événement traumatique?

[Français]

    Votre première question est une très bonne question. On a remarqué que nos soldats, comme nos policiers, sont des gens qui veulent souvent aider, qui ont une vision de la guerre. Le fait qu'ils soient arrivés sur le terrain et qu'ils aient constaté que leur vision de la guerre ne correspondait pas du tout à ce qui se passait concrètement a été un facteur ébranlant. Certains soldats nous disent qu'ils ne peuvent pas concevoir que des êtres humains fassent cela à d'autres, qu'ils ont eu de la difficulté à voir des enfants se faire sauter et tuer d'autres personnes. Cela devra être intégré au moment de la première intervention, de la préparation des soldats avant leur départ.
    Plusieurs soldats nous ont dit que s'ils avaient su, avant de partir, ce qu'un cadavre sentait et connu la barbarie qui régnait là-bas, cela aurait peut-être été plus facile pour eux. Notre défi sera de savoir comment bien les préparer avant qu'ils partent, et ensuite, de tester nos interventions. C'est bien beau de mettre en place des interventions, mais il faut aussi en vérifier l'efficacité.
     Notre problème est que plusieurs soldats veulent défendre leur patrie. Ils ont cet idéal. Il faut envisager qu'ils ont des traits de personnalité assez forts. Or, c'est considéré comme une signe de faiblesse que de parler de gestion de stress avant le trauma, de parler de syndrome de stress post-traumatique potentiel.
     Au cours de la formation que j'ai donnée à Valcartier, des cliniciens m'ont dit qu'ils voulaient avoir une formation plus poussée, mais qu'il ne fallait pas oublier que lorsque les soldats les consultaient, ils devaient monter l'escalier de la honte. Toute la base emploie cette expression pour désigner le fait de se rendre au centre de la santé mentale.
    J'invite votre comité à convoquer le Dre Christiane Routhier, spécialiste à Valcartier du programme avant le départ. Elle ne fait que cela. Elle prépare les militaires avant leur départ, du point de vue de la santé mentale. Si vous voulez plus d'information sur son travail de préparation et sur l'efficacité de celui-ci, je vous encourage à l'inviter.
    Seriez-vous assez gentil pour répéter votre deuxième question, s'il vous plaît?
    Son temps est écoulé, madame. Chaque intervenant dispose de sept minutes pour parler avec vous, madame Brillon. Il faut donc faire vite.
    Pouvez-vous déterminer, au moyen de tests, si mon collègue Jean-Yves ou moi-même avons plus de chances de subir un stress post-traumatique aujourd'hui?
    C'est très difficile à déterminer. La recherche en est à ses débuts. On essaie d'identifier les facteurs prédisposant au syndrome de stress post-traumatique. On a bien quelques pistes, mais c'est difficile parce qu'une telle recherche requiert un énorme bassin de population, qui ne sera pas nécessairement traumatisé par la suite. Il faut évaluer l'impact du trauma sur le coup et à la fin. Sur le plan logistique, c'est vraiment difficile. Avec les Forces canadiennes, on dispose d'un bon bassin pour faire d'excellentes recherches, mais elles exigeront beaucoup de fonds. Or, c'est ce qui nous manque actuellement.
    On en sait peu sur ce qui peut prédisposer quelqu'un au syndrome de stress post-traumatique. On sait que plus l'événement est violent, grave, intrusif, imprévisible et contraire aux valeurs de la personne qui le subit, plus il y a un risque de SSPT. On sait que les ressources adaptatives seront amoindries au moment d'un événement traumatique si la victime avait déjà des symptômes de stress ou de dépression, mais c'est difficile à tester.
(0940)
    Docteur Brillon, savez-vous si l'armée fait passer des tests psychologiques à ses futurs soldats lors de l'enrôlement?
    Je ne suis pas assez au courant de ce qui se passe pour savoir quels sont les tests que l'on fait passer aux soldats à l'heure actuelle.
    J'arrive à ma deuxième question. On va mettre les cartes sur la table. Je suis bien au fait de ceux qui souffrent du SSPT, ou syndrome de stress post-traumatique, mais je m'intéresse surtout aux futurs soldats. Peut-on les protéger, même si on les envoie dans des situations de crise, afin qu'ils ne reviennent pas affligés du SSPT? Ce serait une économie substantielle pour le gouvernement, parce que traiter quelqu'un pour le SSPT représente des centaines de milliers de dollars.
    D'autres sous-questions me viennent à l'esprit. Devrions-nous avoir plus de psychologues sur les champs de bataille? Devrions-nous les suivre davantage lors de l'entraînement? En plus de l'entraînement physique, peut-on faire un entraînement entre les deux oreilles? Peut-on dire aux Forces armées canadiennes de faire telle ou telle chose pour sauver mes enfants, mes fils?
    Je suis tout à fait d'accord avec vous. On ne peut pas être contre la vertu. L'objectif est de déterminer comment on peut mieux les préparer à ce qui les attend et mieux les préparer à gérer leur stress ainsi qu'à reconnaître les symptômes de stress post-traumatique. Il faut faire en sorte qu'ils sachent que s'ils reviennent et qu'ils sont tentés par l'alcool, c'est un danger. Ils doivent savoir quels sont les symptômes de dépression, comment mieux les reconnaître, pour pouvoir la prévenir. C'est le défi. Comment mettre en place un programme qui peut protéger le mieux possible les hommes qui partent?
    Il ne faut pas oublier qu'ils vont trouver l'horreur là-bas. Il y a des événements qui sont universellement traumatisants. Quand vous découvrez un enfant crucifié sur une porte de grange, même si vous avez subi un entraînement, cela va vous affecter. Il faut quand même relativiser ce que l'on peut faire avant, considérant ce qui les attend là-bas.
    Madame Brillon, j'ai été tellement engagé auprès de mes jeunes anciens combattants — que j'appelle affectueusement mes « tout-croches » — que je pourrais vous conter des histoires à faire pleurer pendant des jours. Cela me fait pleurer, à mon âge, et j'ai 66 ans. Je suis conscient de ce qui se passe.
    En terminant, il faut bien faire un petit peu de politique; j'en fais rarement à ce comité. Vous avez dit une chose qui me prend aux tripes: on manque de moyens financiers. Pourrait-on acheter un avion de moins d'une grosse compagnie et investir plus en psychologie, investir peut-être un petit peu plus, au prorata, entre les deux oreilles? Ce n'est pas de la politique vicieuse, c'est de la politique réaliste.
    Si vous me demandez si on pourrait investir davantage en soins de santé mentale pour nos militaires, à titre de psychologue, je suis tout à fait d'accord avec vous. Toutefois, c'est à nos dirigeants et c'est à vous de prendre cette décision financière. En auraient-ils besoin psychologiquement? C'est évident.
    Vous évaluez cela à combien de dollars, environ? Vous ne voulez pas vous prononcer. Avez-vous une idée?
(0945)
    Je sais seulement qu'on pourrait faire beaucoup plus.
    Pourriez-vous me donner un ordre de grandeur? Quel devrait être le ratio combattants-psychologue?
    Je ne peux même pas répondre à cette question. Je peux simplement dire que nous en sommes seulement à nous demander comment on peut mieux les former. Il va falloir mieux les former, augmenter leur nombre et faire en sorte qu'ils soient plus disponibles plus tôt. C'est quand même très intéressant, à l'heure actuelle, car des psychologues sont à Chypre. Par exemple, après leur service en Afghanistan, les militaires passent une semaine à Chypre, et des psychologues sont présents à ce moment-là. Comme je le disais tout à l'heure au sujet du deuxième niveau, ce qu'on peut faire dans l'immédiat se situe après que l'événement se soit produit. On n'en est pas encore rendu à être sur le terrain, mais au moins, on est à Chypre après leur service et avant qu'ils reviennent au Canada. On pourrait faire beaucoup plus. On manque de fonds aussi pour pouvoir évaluer l'efficacité de nos stratégies thérapeutiques. Si vous invitez la docteure Routhier, elle pourra vous parler de l'efficacité et de ce qu'elle est en train de mettre sur pied. Ce serait vraiment intéressant. Il est clair que l'on peut tenter de faire mieux et plus pour nos soldats sur le plan psychologique.
    Monsieur le président, après la réunion, il serait peut-être bon de faire un tour de table pour voir si on pourrait inviter la docteure Christiane Routhier à venir témoigner devant nous.
    Il y a aussi le docteur Stéphane Guay, qui est chercheur, depuis quelques années, aux Forces armées canadiennes. Il ne fait que cela: tester, faire des recherches sur nos combattants. Ce serait fascinant d'entendre ce qu'il pourrait vous raconter sur les recherches qu'il fait à l'interne.
    Monsieur le président, est-ce que j'ai compris de votre réponse qu'il serait intéressant d'avoir des psychologues sur le terrain, sur les lieux mêmes?
    Je pense que plus l'aide psychologique arrive tôt, plus cela peut être avantageux pour les militaires. Cela ne signifie pas qu'ils seront capables d'y aller tout de suite, qu'ils n'ont pas de tabous à défaire parce que cela pourrait être mal vu, mais ils en auraient la possibilité sur le terrain, s'ils en ont besoin. Actuellement, il y a beaucoup d'aumôniers qui les accompagnent parce qu'ils sont des militaires eux-mêmes, mais on n'a pas encore de psychologues militaires.

[Traduction]

    Monsieur Stoffer, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président. Et merci madame.
    Il y a quelques années, M. St. Denis et moi avons eu l'occasion d'aller en Bosnie. Nous avons rencontré une des interprètes pour les Forces canadiennes, une très jolie femme de 24 ans. Je ne pouvais qu'imaginer ce qui avait dû se passer dans son esprit lorsqu'elle avait 14 ans et qu'elle était aide-infirmière. Je ne pouvais qu'imaginer ce qu'elle avait vécu. Je lui ai demandé comment c'était à cette époque-là. Elle m'a répondu que les gens n'en parlaient pas, que ça faisait partie de leur vie. Elle et les milliers de jeunes en Bosnie n'ont bénéficié d'aucune aide. Aucun psychologue ou intervenant ne les a aidés. Je peux imaginer ce que nos soldats ont vécu comme expérience à cette époque. J'imagine quelles doivent être leurs préoccupations.
    Savez-vous si le gouvernement précédent ou le gouvernement actuel a établi un programme pour aider les habitants des pays où nous allons? Je sais que l'aide que nous offrons à nos propres concitoyens est insuffisante, mais si nous n'offrons pas de soutien psychologique aux jeunes gens en Afghanistan ou en Bosnie, ils pourraient devenir les terroristes de demain. Connaissez-vous des programmes visant à aider ces jeunes à surmonter ces épreuves? Si un soldat qui passe six mois à l'étranger peut revenir avec le syndrome de stress post-traumatique, pouvez-vous vous imaginer ce que ce doit être pour les gens qui vivent ces épreuves tous les jours ou presque? Ce doit être très tragique.
    J'ai deux autres questions brèves. Êtes-vous en mesure de distinguer une personne réellement atteinte du SSPT d'une personne qui ferait semblant? Il y a quelque temps, un homme ayant servi à Chypre m'a téléphoné. J'ai vérifié: il n'avait pas assisté à des combats. Il l'a admis lui-même. Il a entendu tellement d'histoires racontées par d'autres que c'est comme s'il les avait vécues lui-même. Il voulait obtenir la prestation d'invalidité liée au SSPT, si vous voyez ce que je veux dire. Comment faites-vous pour distinguer une personne réellement atteinte du syndrome de quelqu'un qui ferait semblant?
    Par ailleurs, une personne à Halifax m'a dit qu'il était possible de transférer le SSPT à un membre de la famille. Est-ce vrai? Un soldat revient chez lui après avoir été témoin de terribles événements, il les raconte à son épouse d'une manière qui n'est peut-être pas appropriée, puis l'épouse acquiert un certain stress.
(0950)

[Français]

    Je commencerai par répondre à votre première question, à savoir ce qui se passe du côté des civils qui sont sur place et qui vivent l'horreur tous les jours. Si nos soldats vivent un trouble de stress post-traumatique, on peut imaginer que les civils sur place le vive aussi. Vous avez parfaitement raison: on a plusieurs données scientifiques qui indiquent à quel point les civils souffrent du trouble de stress post-traumatique durant de nombreuses années par la suite.
    On peut imaginer toutes ces femmes victimes du fait que le viol est une arme de guerre dans plusieurs pays et qui souffrent par la suite, durant de nombreuses années, du trouble de stress post-traumatique. En ce qui concerne les traitements qui sont offerts — parce que c'était votre question —, durant plusieurs années, un organisme qui s'appelait Psychologues Sans Frontières s'était donné pour mandat de former des gens sur place pour aider la population. On peut comprendre qu'il ait été difficile pour cet organisme de survivre. Actuellement, des psychologues se joignent aux organismes bien engagés, tel Médecins Sans Frontières, et tentent, non pas de traiter la population avec l'aide d'un interprète, mais davantage de former des psychologues, des travailleurs sociaux et des médecins sur place qui connaissent les valeurs, la culture et qui pourront aider ces populations par la suite durant de nombreuses années, même si nos organismes n'y sont plus.
    Alors, oui, sur le plan international, de plus en plus d'interrogations surgissent au sujet du trouble de stress post-traumatique au sein même des organismes comme Médecins Sans Frontières.
    Je passerai tout de suite à votre dernière question —  je reviendrai à votre deuxième —, qui était de savoir si le trouble de stress post-traumatique peut être transférable.
    Oui. On l'a su, d'ailleurs, dans les années 1950, 1960 et 1970, quand on a fait des études sur la transmission transgénérationnelle du trouble de stress post-traumatique chez les victimes des camps de concentration. Chez les Juifs qui avaient vécu dans les camps de concentration durant des années, on a même remarqué une présence de trouble de stress post-traumatique chez les deuxième et troisième générations. Il y avait des craintes, de la terreur vis-à-vis des Allemands, vis-à-vis des armes, et des symptômes de dépression beaucoup plus importants chez ces gens que chez une autre population, alors qu'ils n'avaient pas subi le traumatisme eux-mêmes. Ils en avaient entendu parler ou ils l'avaient pressenti, car plusieurs victimes n'en parlent pas.
    On a beaucoup parlé, particulièrement aux États-Unis, de la compassion fatigue, la fatigue de compassion, qui est un syndrome présent chez les intervenants qui ne voient que des victimes, qui finissent par ne plus pouvoir écouter des histoires d'horreur et qui développeront des flashbacks qui ne leur appartiennent pas. Par exemple, j'ai entendu mon ministère raconter de façon répétitive quelle était la situation au Rwanda, entre autres la présence de femmes déchiquetées, et moi-même, je commence à les voir quand je vois les nouvelles, parce que je l'ai entendu de façon répétitive.
    On peut donc envisager que des conjoints peuvent aussi développer certains symptômes post-traumatiques. Je vous encourage de nouveau à inviter le docteur Guay, chercheur auprès de l'Armée canadienne, qui pourra vous transmettre les vraies données. D'un point de vue clinique, je peux néanmoins vous dire qu'on remarque chez certains conjoints de militaires une peur des Arabes, par exemple, des gens d'origine arabe. Même s'ils ne sont pas allés en Afghanistan et même s'ils n'y ont pas vu les horreurs, ils ne peuvent plus supporter cette population. Malheureusement, ils vont porter un blâme général sur la population en entier parce que, pour ces personnes, c'est cette population qui est responsable du fait, par exemple, que le mari est allé là-bas, qu'il a failli mourir et que les enfants ont failli ne pas revoir son père.
    On va donc remarquer un évitement de certains stimuli. On va constater certaines craintes qui sont présentes et on va observer certains symptômes dépressifs chez la famille d'un militaire.
    Revenons à votre deuxième question, qui est peut-être la plus difficile. Comment peut-on distinguer quelqu'un qui a un vrai trouble de stress post-traumatique de quelqu'un qui feint un trouble de stress post-traumatique? Actuellement, on a certaines données et on a de l'expérience puisqu'on voit de façon régulière des gens qui ont le trouble de stress post-traumatique. Il faut tout de même dire que seule une minorité va imaginer et faire semblant d'avoir un trouble de stress post-traumatique. Ce n'est que la minorité parce le trouble de stress post-traumatique est stigmatisé. Même si on a des compensations financières à vie, ce n'est pas le « Klondike », ce n'est pas une fortune. Ce trouble est aussi très mal vu par les collègues et au sein des forces.
(0955)
    On s'entend aussi sur le fait que le psychiatre militaire qui fait le diagnostic a vu beaucoup de militaires. Il est donc capable de poser certaines questions afin de pouvoir distinguer entre un vrai TSPP et un faux, particulièrement en ce qui a trait à certains types de cauchemars, à la chronicité du trouble de stress post-traumatique et en comparant ce que le client lui raconte par rapport à ce qu'il avait déjà dit deux ou cinq mois plus tôt. On commence à développer une certaine expertise afin de pouvoir distinguer cela.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Hinton, vous avez sept minutes.
    Je vous remercie pour cet exposé très intéressant. J'ai pris des notes. Je suis contente que vous ayez mentionné la Bosnie et le Rwanda, car les événements là-bas ressemblent à ce qui se passe aujourd'hui.
    Par ailleurs — vous en avez parlé un peu — les pompiers et les policiers ici, au pays, doivent faire face au même genre d'horreurs que vous décriviez: des enfants brûlés et d'autres choses qu'on penserait ne jamais voir. C'est une situation très difficile pour ceux qui sont concernés.
    Il existe cinq centres de traitement des troubles liés au stress au Canada: l'hôpital Sainte-Anne à Montréal, la Maison Paul-Triquet à Québec, l'hôpital Parkwood à London, le centre Deer Lodge à Winnipeg et le centre Carewest à Calgary. J'aimerais vous demander plus tard si vous estimez que c'est suffisant ou si vous croyez qu'il devrait y en avoir plus, mais, avant, j'aimerais aborder d'autres points.
    Je ne sais pas comment on traite une personne qui était habituée de voir un enfant comme un enfant et qui, soudainement, s'est retrouvée face à face avec un enfant couvert d'explosifs qui est prêt à se faire sauter. La même chose peut survenir avec des femmes. Cette situation arrive à bon nombre de nos soldats. Ce sont des scénarios complètement différents de ce à quoi ils sont habitués. Ce doit être très difficile.
    Il n'y a pas que les dommages psychologiques. Quiconque se trouve dans une situation où son corps est soumis à des décharges constantes d'adrénaline peut vider ses glandes surrénales, ce qui a un effet négatif sur la gestion émotive des événements. Une fois qu'on a vidé ses glandes surrénales et qu'on ne peut plus s'appuyer sur rien parce qu'on a eu la réaction de lutte ou de fuite trop souvent, cela a aussi un effet.
    Ce ne sont que des observations que je désirais formuler. L'organisme Médecins Sans Frontières semble fantastique. J'ai une belle-soeur qui fait partie du groupe Infirmières et Infirmiers Sans Frontières. Elle s'est rendue dans toutes les régions du monde dont vous avez parlé. C'est une femme beaucoup plus brave que moi.
    Que croyez-vous que le ministère des Anciens Combattants puisse faire pour modifier le stéréotype négatif auquel se heurtent les anciens combattants qui souffrent en silence du SSPT? Nous ne pouvons pas les aider s'ils ne viennent pas nous voir. Que croyez-vous qu'Anciens Combattants Canada puisse faire pour soigner ce stigmate?

[Français]

    Si vous le voulez bien, je vais revenir sur un de vos commentaires qui m'a semblé très intéressant. Je vais en profiter pour répondre à votre question.
    Une des choses très importantes que vous avez mentionnées est qu'il y a une grande différence entre deux types de trauma — et je ne l'ai pas mentionné dans ma présentation — le type 1 et le type 2. Le type 1 est un événement ponctuel: une femme se promène dans la rue et elle est victime d'un viol; une personne se rend dans une banque et elle assiste à un vol à main armée.
    Nos militaires ne subissent pas ce type de trauma régulièrement, ils subissent en fait le type 2. Le type 2, ce sont les événements répétitifs: la violence conjugale, l'inceste. Les médecins de Médecins Sans Frontières sont tous les jours en contact avec des horreurs. Cela signifie des choses différentes pour nos militaires. Cela veut dire que s'ils veulent tenir le coup durant neuf mois — c'est à peu près cela la durée du service: entre six et neuf mois —, il faut aussi qu'ils se protègent émotivement. Cela exigera de plusieurs militaires qu'ils utilisent des symptômes de dissociation. Cela veut dire qu'ils se coupent émotivement de ce qui se passe et qu'ils font ce qu'ils ont à faire. Quand ils vont revenir, plusieurs d'entre eux auront des souvenirs troués. C'est également difficile au point de vue de la thérapie parce qu'il faut leur demander, à leur retour, de ressentir des émotions, de se « connecter », alors que lors du service, le moyen qu'ils ont utilisé pour pouvoir tolérer l'horreur était de se « déconnecter ». On a ce type de trauma, et cela fait en sorte que si la personne se « déconnecte », elle a l'air d'être forte.
    Cela m'amène donc à votre question finale: comment peut-on, en tant que Canadiens, améliorer leur condition et amoindrir le stigmate? Ce sera difficile, parce que se « déconnecter », faire ce qu'il y a à faire en toute insensibilité, ne pas avoir peur, ce sont comportements considérés comme une force dans les Forces armées canadiennes. En thérapie, on leur dit que le courage n'est pas de ne pas avoir peur, c'est d'avoir peur et de faire quand même ce qu'on doit faire. Ressentir ses émotions peut être une force. Alors, pour favoriser la guérison, on doit aller à l'encontre de ce qu'ils ont utilisé pour pouvoir tolérer l'horreur et, quelquefois, à l'inverse de la pensée militaire même.
    Nos militaires sont extrêmement utiles. Ils ont des choses horribles à faire, mais on adopte une politique, on décide qu'on veut les envoyer au combat parce que c'est important pour notre pays. Ils sont très fiers de cela. Quand ils reviennent traumatisés, pour eux, c'est vraiment une faiblesse. Ils auraient voulu faire ce qu'ils ont à faire pour leur pays, sans ressentir de faiblesse. Il faut alors leur montrer que d'avoir des symptômes post-traumatiques n'est pas nécessairement un signe de faiblesse.
    Le général Dallaire a beaucoup contribué à le faire. Il faudrait peut-être se rendre compte davantage qu'on est en guerre, décorer davantage de soldats et considérer qu'ils ont fait leur devoir envers leur patrie, même s'ils ont des symptômes post-traumatiques, et non pas seulement décorer et reconnaître des soldats qui ne ressentent rien. Je ne sais pas si « ça sort bien ».
(1000)
    Ça « sort très bien », madame.

[Traduction]

    Cela arrive. On décore régulièrement ceux qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique, car ils sont allés dans des pays déchirés par la guerre. La reconnaissance est là.
    Revenons en arrière un peu. Il y a eu la Seconde Guerre mondiale, la Corée, la Bosnie, le Rwanda et probablement d'autres endroits auxquels je ne pense pas en ce moment. À l'heure actuelle, il y a l'Afghanistan. Que peut faire Anciens Combattants Canada pour changer ce stéréotype négatif? À votre avis, que peut faire le ministère pour que les soldats qui souffrent de ce genre de stress horrible soient plus à l'aise de dire « Je souffre de ce trouble et j'ai besoin d'aide »?
    Je suis consciente que cela n'arrive pas seulement aux soldats. Je siège à un comité rempli d'hommes, alors vous allez être mon alliée. Les femmes qui ont des problèmes émotifs...

[Français]

    Si je peux me le permettre, j'aimerais parler d'une différence qui existe entre la situation de nos militaires et celle des policiers et des ambulanciers. Les ambulanciers et les pompiers qui subissent un trouble de stress post-traumatique ont l'appui de la population. Des policiers ont beaucoup de difficulté à me confier qu'ils ont été impliqués dans une fusillade et que malgré cela, on les traite encore de boeufs ou de chiens dans la rue. De la même façon, il est très difficile pour nos militaires de se dire qu'ils sont allés au combat, qu'ils ont risqué leur vie, mais qu'ils ne sont pas sûrs d'avoir le soutien de la population.
     S'ils vont combattre et risquer leur vie, ils doivent sentir une cohésion. Il leur faut peut-être même revenir en héros. Plusieurs parents nous ont demandé s'ils pouvaient au moins être assurés, dans le cas où leur fils mourrait au combat, que toute la population le voie revenir sous le drapeau, sur vidéo. Ils voulaient être certains que le pays appuierait leur fils.
    C'est votre mandat, au point de vue politique. Si vous me demandez, sur le plan psychologique, s'il serait bon que nos militaires sentent plus de soutien de la part de la population, je vais vous répondre oui. Si vous me demandez, sur le plan psychologique, si on pourrait faire davantage pour qu'ils soient reconnus et décorés, qu'ils soient morts, vivants ou malades, je vais encore vous répondre oui.

[Traduction]

    J'aimerais bien continuer, mais on vient de me dire que mon temps est écoulé.
    Ainsi fonctionne le comité.
    Monsieur St. Denis, vous avez cinq minutes.
(1005)
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je félicite mes collègues pour leurs excellentes questions. Madame Brillon, vos réponses sont très utiles.
    Pour parler en termes simples, car la plupart d'entre nous sont des novices à cet égard, on peut dire que ce qui se passe dans la tête se compare à une blessure physique -- par exemple, une blessure par balle ou une foulure. Quelque chose se brise. D'après votre expérience, êtes-vous en mesure de dire si, dans la moitié ou les trois quarts des cas, nous pouvons guérir les gens à l'aide d'interventions? Y a-t-il suffisamment de points communs entre les cas? Est-ce que chaque cas est unique ou bien y a-t-il suffisamment de points communs entre les différents cas de SSPT pour que vous puissiez dire que, la plupart du temps, les traitements arrivent à guérir les victimes type?
    J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.

[Français]

    Il existe beaucoup d'études scientifiques sur l'efficacité de nos interventions, mais pas sur le plan militaire. Au Canada, on commence à peine à faire des recherches sur l'efficacité des interventions psychologiques sur le plan militaire, et elles sont souvent frappées du sceau de la confidentialité. Elles ne paraissent donc pas dans des revues scientifiques. Si on consulte les revues scientifiques internationales, on peut constater que les interventions, qui ont lieu un mois après l'exposition à la source du traumatisme, sont efficaces pour le troisième niveau, le niveau à long terme. À plusieurs reprises, on a étudié des interventions de 14, 20, 30 séances avec des victimes de viol, des victimes de vol à main armée, des policiers ou des ambulanciers. On sait que ces stratégies fonctionnent. Après 30 ans de recherche scientifique en psychologie sur les traumatismes, on est en mesure de le documenter.
    Toutefois, nous avons un défi. Les populations qui sont testées au cours de ces recherches sont « pures ». On se penche sur une victime, ou un militaire qui a vécu un événement ponctuel, qui ne présente ni dépression morbide ni dépendance à l'alcool, qui manifeste peu de troubles de personnalité ou de facteurs de stress. On doit faire cela dans le cadre d'une recherche. Si on veut tester l'efficacité d'une intervention, on doit étudier la population la plus « pure » possible. Le problème est que ce n'est pas le type de population qui fréquente nos cliniques. Les recherches scientifiques sur des populations que l'on dit à risque, ou qui sont dans un état de stress post-traumatique complexe, c'est-à-dire avec facteur de stress, commencent à peine. Dans une population « pure », on sait que les interventions thérapeutiques fonctionnent.
    Qu'est-ce qui fait qu'elles fonctionnent moins? Il y a beaucoup de facteurs de stress ajoutés. Le premier facteur est le soutien social, l'appui du conjoint, de la société et du pays. Le docteur Guay est spécialiste de ce domaine et va pouvoir vous en parler, si vous êtes intéressés. Est-ce que je sens que mon pays m'a appuyé? Est-ce que je sens qu'il m'appuie encore? Le fait d'avoir moins d'appui social, la comorbidité, la dépression ou l'alcool, tout cela aggrave la symptomatologie. On sait également que la façon de penser à la suite du traumatisme est un facteur de maintien. Le fait d'avoir honte de ce qu'on a fait au combat est un facteur.
    Une étude très intéressante a été réalisée par des hôpitaux de vétérans très spécialisés aux États-Unis. Trente ans après la guerre du Vietnam, quels sont les facteurs prédominants pour les vétérans qui sont chez eux et qui fonctionnement bien, et quels sont ceux qui prédominent pour les vétérans qui sont hospitalisés et qui souffrent encore du syndrome de stress post-traumatique? Le premier facteur est l'appui de la nation. Le deuxième est la honte et la culpabilité qu'ils ressentent relativement aux actes qu'ils ont commis. C'est fascinant et cela nous aidera beaucoup à cibler nos interventions auprès des militaires.
    Un militaire revient en disant qu'il a honte de ce qu'il a fait. Au Vietnam, c'était surtout cela. La nation n'appuyait pas les militaires. Ils sont revenus et ils ont été considérés comme des meurtriers, des tueurs d'enfants et de civils. Des manifestations monstres se déroulaient à New York, à Washington et à Boston. Non seulement, les militaires pensaient-ils se faire tuer, mais quand ils sont revenus, ils n'étaient même pas des héros, ils étaient des meurtriers. Cela a été un facteur aggravant du syndrome de stress post-traumatique. On connaît donc mieux quels sont les facteurs qui peuvent aggraver les choses et on peut maintenant les intégrer à nos thérapies. Je vous parlais des facteurs qui font en sorte que les thérapies peuvent moins fonctionner: la honte, la culpabilité, la comorbidité et le soutien reçu.
(1010)

[Traduction]

    Je suis désolé, mais le temps est écoulé.
    Monsieur Roy, c'est à vous.

[Français]

    Excusez-moi, je n'ai pas de voix ce matin.
    Madame Brillon, je vous entends parler du soutien social, du soutien de la société et du soutien que le pays doit donner à ses militaires. Je vous transmettrai une réflexion que j'entends de la part des citoyens et des citoyennes, et qui vous surprendra peut-être.
    Je fais une énorme différence entre ce qui se passe maintenant et ce qui s'est passé entre 1914 et 1917 et entre 1939 et 1945, parce qu'il y avait la conscription. Une grande partie des gens qui ont participé à ces deux guerres n'avaient pas d'autre choix que de le faire et n'avaient pas nécessairement la volonté ni le désir de faire la guerre: on les y a forcés.
    À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas de nos militaires. Ce sont des gens qui prennent une décision rationnelle de s'enrôler dans l'armée. Au point de départ, ils ont pris la décision sachant très bien qu'un jour ils devraient peut-être combattre au cours d'une guerre ou qu'ils devraient aller en mission de paix. Je fais une distinction entre les gens dont j'ai parlé plus tôt et quelqu'un qui prend une décision d'adulte de faire la guerre et qui, par la suite, demande le soutien de la société et de son pays. Au fond, quand la personne prend la décision, elle sait très bien qu'il peut arriver un jour qu'on lui tire dessus ou qu'elle doive tirer sur quelqu'un. Tandis qu'entre 1939 et 1945, ce n'était pas le cas. Entre 1914 et 1917, ce n'était pas le cas non plus, parce qu'on a forcé les gens à faire la guerre.
    Je ne veux pas dire qu'on ne doit pas soutenir nos militaires, mais je veux savoir si les gens sont suffisamment conscients, au moment où ils prennent la décision de s'enrôler dans l'armée, de ce qui peut se produire par la suite. Si je prends la décision de conduire à 160 km/h, je me dis que j'ai des chances de tuer quelqu'un et de me tuer. Il est évident que c'est la même chose si je m'enrôle dans l'armée.
    Ma question est de savoir si ces gens — et cela revient à la question de Gilles — ont une conscience suffisante de ce qui risque de leur arriver au moment où ils décident de signer un contrat avec l'armée, que ce soit l'armée canadienne, américaine, française ou n'importe quelle armée dans le monde. Voilà ma question. Au fond, les rend-on suffisamment conscients? Ne les fait-on pas rêver? Je me souviens du slogan: « Engagez-vous, vous verrez du pays ». Vous verrez du pays, mais vous trouverez que le pays est extrêmement dur lorsque vous irez en Bosnie ou ailleurs. Les rend-on suffisamment conscients de ce qu'ils auront à vivre?
    Vous savez, lorsqu'une personne s'engage à l'âge de 18 ans... Quand on a 18 ans, qu'on soit militaire ou pas, on est invulnérable. Derrière un volant ou derrière un fusil, on est invulnérable. Donc, vous avez des militaires qui s'engagent à 18 ans, qui ont de grandes valeurs nationales et qui ont aussi des traits de personnalité de sauveur. On remarque le même trait de personnalité chez les policiers, par exemple: ils veulent sauver les citoyens. Ce trait est très ancré chez eux. Maintenant, quand on s'engage à 18 ans et qu'on se sent invulnérable, que c'est l'aventure, qu'on se dit que de toute façon on ne mourra pas et que si on meurt, ce sera dans la dignité et dans la gloire, on reste dans l'armée. Et quand on atteint l'âge de 41 ans et qu'on a deux enfants de 3 et 5 ans, ce n'est plus la même chose. C'est sûr que cela change la perception de la guerre, pour nos militaires.
    Moi, en tant que psychologue, je suis contre toute guerre. Politiquement, c'est une autre affaire, mais comme psychologue, je suis contre toute guerre. Par contre, si mon pays décide qu'on va en guerre, eh bien, soutenons les militaires jusqu'au bout. Ou bien on les envoie dans des pays en guerre et on les soutient jusqu'au bout, ou bien on ne les envoie pas. Ce que je peux vous dire, comme psychologue, c'est que si on les envoie à la suite d'une décision politique, psychologiquement, on se doit de les soutenir jusqu'au bout.
    Cela répond-il à votre question?
    Vous me parlez de conscience. Je vous dirais qu'ils sont conscients de ce qu'ils font, qu'ils acceptent les risques. Et ce ne sont pas des gens qui vont revendiquer à outrance, qui veulent du soutien. Ce n'est pas ce genre de population. Quand ils s'engagent, ils peuvent vivre, par exemple, durant telle année au Rwanda, puis en Haïti, puis en Bosnie, et ils vont très bien fonctionner. Or, quand ils arrivent en Afghanistan, par exemple, quelque chose qui se produit. Par exemple, la personne voit son compagnon sauter sur une mine ou son collègue exploser. Ces gens viennent me voir et me disent que c'est trop, qu'ils ne sont plus capables d'en prendre. Ils ne peuvent plus supporter le souvenir d'avoir reçu de la cervelle sur leurs mains. Cela ne leur rentre pas dans la tête. Ils sont incapables de le digérer. Il y a de ces gens qui ont déjà servi et pour qui ça s'est bien passé, mais par la suite, un événement a provoqué la fracture.
(1015)
     Il me reste un peu de temps.

[Traduction]

    En fait, vous avez dépassé votre temps de parole.

[Français]

    J'aimerais poser une dernière question.
     Je comprends que vous n'êtes pas militaire, mais d'après vous, est-ce que la formation qu'on donne à nos soldats à l'heure actuelle, qui consiste en un entraînement très axé sur la forme physique et sur la force, etc...
    Comment?
    Rien entre les deux oreilles.
    Rien entre les deux oreilles, comme il le dit.
     Je n'irais pas jusqu'à dire cela, mais cette formation est-elle adaptée, sur le plan psychologique, au travail qu'on va leur demander de faire sur le terrain par la suite? Donne-t-on trop de formation physique et pas assez de formation mentale?
    On pourrait faire beaucoup plus sur le plan de la formation mentale.
     Il y a une expression chez les militaires à l'effet qu'ils veulent être fit. Être fit, cela veut dire s'entraîner tous les jours. On en entend qui disent être extrêmement fit.
    Nous avons commencé à leur dire qu'ils pourraient être mentally fit aussi, et mentally fit, cela ne veut pas dire ne pas avoir peur et ne rien ressentir. Et ça, c'est nouveau. Cela veut dire se « connecter » et s'ouvrir, parce qu'on sait que c'est beaucoup moins risqué que de se couper complètement de ses émotions.
     Alors, on pense, initialement, que si on se coupe de ses émotions et qu'on fonce, cela va nous protéger. Or, on sait que ce n'est pas le cas. Donc, on pourrait faire beaucoup plus de travail sur le plan des programmes pour développer the mental fitness, oui.
    D'accord. Merci.

[Traduction]

    Monsieur Shipley, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, madame. C'est une matinée très intéressante.
    Vous avez parlé des montants d'argent requis pour les travaux de recherche. Pouvez-vous me dire quel genre de collaboration il y a entre le Canada, les États-Unis et les autres pays qui doivent faire face aux mêmes problèmes? Comment s'assurer de ne pas faire cavalier seul, finançant recherche après recherche?
    Par ailleurs, le financement des traitements est distinct du financement des travaux de recherche. Je ne suis pas certain d'avoir compris la distinction lorsque vous avez formulé vos observations, alors j'aimerais avoir des précisions.
    Vous mettez beaucoup l'accent sur la signification du soutien pour un membre des Forces canadiennes. Quelqu'un a parlé d'acheter un avion de moins et d'utiliser l'argent épargné. Je pense qu'il s'agit de deux questions différentes. Je pense qu'il faut donner les bons outils aux soldats, ce qui réglerait la question d'être bien préparés ou non, mais je crois que cela diffère du financement des prétraitements, des post-traitements et des traitements à long terme.
    Ce ne sont que quelques questions. Peut-être que vous pourriez y répondre tout de suite.

[Français]

    Ce sera vraiment difficile pour moi parce que je ne fais pas du tout partie de l'armée. Je suis vraiment indépendante de tout ce système. Je donne vraiment de la formation à l'extérieur de cela, et ce serait très difficile pour moi d'évaluer combien de dollars pourraient être alloués au traitement psychologique ou à la recherche dans ce domaine.
    Par contre, connaissant les gens sur place, voyant leurs qualités... Je pense au docteur Brunet ou au docteur Guay, qui sont des docteurs spécialisés en trauma au sein des Forces canadiennes. Ce sont des gens d'une qualité extrême. Je suis sûre qu'ils pourraient faire beaucoup plus de recherche et en faire beaucoup plus au sujet des symptômes de nos militaires, des stratégies qu'on peut tenter et de l'efficacité de ces stratégies.
    Donc, comme vous le disiez si bien, quelles sommes d'argent investira-t-on afin d'avoir plus de psychologues sur place après, durant, etc.? De plus, quels efforts peut-on déployer pour pouvoir équiper nos chercheurs? C'est bien de donner un traitement psychologique, mais c'est encore mieux de savoir que ce traitement fonctionne. Pendant des années, on a cru que le debriefing était efficace, mais ce n'est que récemment, quand on l'a vraiment testé, qu'on a trouvé de grosses lacunes. Ce sera donc très important de tester le traitement psychologique.
    Cela dit, il n'est pas toujours facile de faire de la recherche auprès de cette population, parce que ce ne sont pas des données très agréables à entendre sur le plan politique: tel pourcentage de nos militaires souffrent d'un trouble de stress post-traumatique et tel autre pourcentage d'entre eux en souffrent encore après deux, cinq ou quinze ans. Par contre, ce serait tellement intéressant d'avoir ces données pour pouvoir mieux les équiper.
    Votre première question visait à savoir s'il y a collaboration entre le Canada et les autres pays pour la recherche? Ai-je bien compris? Était-ce par rapport à la recherche, ou au traitement?
(1020)

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Les deux?

[Traduction]

    Non, la recherche en premier.

[Français]

    Quand on parle de recherche scientifique, c'est toujours sur le plan international. Quand je publie des articles en anglais, ils circulent partout dans le monde. Quand le docteur Guay ou le docteur Brunet publie des articles, c'est la même chose. Ce sont des gens qui vont offrir des formations à l'extérieur, qui en reçoivent et qui participent à des congrès et à des présentations scientifiques à travers le monde.
    Un des principaux congrès auquel on participe est l'International Society for Traumatic Stress Studies, qui se déroule une fois par année aux États-Unis et où tous les chercheurs scientifiques du monde, des chercheurs qui s'intéressent uniquement au trouble de stress post-traumatique, viennent échanger leurs résultats.
     Oui, il y a beaucoup d'échanges sur le plan scientifique. On essaie de plus en plus de découvrir ce que les autres font. Je sais qu'il y a beaucoup de psychiatres militaires qui ont suivi une formation dans les hôpitaux de vétérans aux États-Unis afin de voir ce que les autres font au point de vue clinique. La recherche est déjà très internationale, mais au point de vue clinique, que pouvons-nous faire? Comment peut-on être plus exposés à ce que les autres font? Ce n'est pas nécessaire de réinventer la roue chaque fois; on peut profiter de l'expertise des autres, et on le fait de plus en plus.
    Mais il faut avoir des fonds pour envoyer des psychologues ou des psychiatres aux États-Unis suivre une semaine de formation et revenir. Cela coûte de l'argent. Il y a beaucoup de gens qui ont même de la difficulté à assister aux congrès internationaux pour recevoir une formation en stress post-traumatique au sein de l'armée. Il faut débloquer des fonds pour cela, pour que nos psychologues, nos psychiatres, puissent avoir de l'argent afin d'aller chercher une formation à l'extérieur et revenir.

[Traduction]

    Est-ce que nous faisons des progrès en ce qui concerne le dépistage et le traitement du SSPT?

[Français]

    Oui, absolument. On fait beaucoup de progrès, surtout au Canada parce qu'on en a fait beaucoup en très peu de temps, alors qu'aux États-Unis, la tradition est établie. Je vous dirais que depuis que j'ai terminé mon doctorat, il y a 10 ans, on a fait beaucoup de progrès. Il faut continuer.

[Traduction]

    Je vous remercie. Je comprends.
    Ils voudraient tous continuer, mais leur temps de parole est limité.
    Nous passons maintenant à M. Cuzner. Vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup.
    Madame, votre exposé était excellent et les gens vous ont posé de bonnes questions.
    Lorsque tout le monde autour de la table allait à l'école, il existait ce que nous appelons aujourd'hui le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention, mais cela ne désignait que les petits chenapans qui ne pouvaient rester tranquilles durant les cours. Nous en savons plus de nos jours sur le SSPT et nous arrivons mieux à reconnaître les cas. Depuis que nous recueillons des statistiques, compte tenu des divers conflits auxquels ont participé nos soldats et les soldats des pays alliés, est-ce que le nombre de personnes atteintes augmente à mesure que les conditions de guerre changent?
    Il y a des différences manifestes entre ce que les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale ont vécu et ce que les soldats d'aujourd'hui vivent. Le nombre de cas augmente-t-il ou diminue-t-il? Pourriez-vous commenter et justifier les chiffres et nous expliquer leur évolution?
(1025)

[Français]

    C'est difficile d'évaluer cela, parce qu'on a eu les moyens d'évaluer le trouble de stress post-traumatique dans les années 1980, entre 1980 et 1985, mais on n'a pas de données sur le nombre de cas de trouble de stress post-traumatique durant la Deuxième Guerre mondiale. On a peu de données sur les vétérans du Vietnam parce que la recherche venait seulement de commencer. À compter de maintenant, on va pouvoir documenter cela. Si on peut faire des recherches pour déterminer quel est le nombre de vétérans canadiens actuels qui ont un trouble de stress post-traumatique, on va pouvoir le comparer, dans 10 ans, à celui des guerres qui vont suivre. On va pouvoir savoir si les nouvelles guerres sont plus néfastes et dévastatrices qu'autrefois, et quels sont les facteurs qu'on peut considérer et intégrer dans notre pratique, dans notre vision des militaires ou dans notre préparation des militaires, pour que ce chiffre diminue. Donc, c'est très difficile de pouvoir dire si le nombre de cas de trouble de stress post-traumatique augmente, parce qu'on n'avait pas de moyens de le diagnostiquer auparavant.

[Traduction]

    J'imagine qu'on essaie d'établir un étalon à partir duquel mesurer cela. J'imagine que vous voudriez mesurer l'efficacité de ce que vous faites, c'est-à-dire préparer les soldats avant qu'ils aillent au combat ou peu importe.
    Je voulais aussi vous poser une question au sujet de la participation des familles. J'imagine que c'est du cas par cas, mais que faites-vous pour que la famille prenne part au traitement d'un ancien combattant aux prises avec le syndrome?

[Français]

    On essaie d'intégrer de plus en plus les membres de la famille. Encore une fois, je vous encourage à inviter le docteur Stéphane Guay, qui se spécialise dans le rôle de la famille et du conjoint en ce qui concerne le trouble de stress post-traumatique. Il travaille à l'Hôpital Louis-H. Lafontaine à Montréal et à l'Hôpital Sainte-Anne pour anciens combattants. Il pourra vraiment beaucoup vous aider à ce sujet.
    Je sais que de plus en plus, on essaie de former des groupes auxquels on intègre les conjoints, où on les met en contact avec les militaires pour qu'ils puissent discuter ensemble, mais on crée aussi des groupes composés uniquement de conjoints. De plus en plus, on essaie d'intégrer la famille parce que l'on constate qu'un événement traumatique, c'est comme une pierre dans l'eau. Ce n'est pas seulement là où la pierre tombe qu'il y a un impact, mais c'est dans tout le réseau social de la famille que cela crée des vagues. On sait en effet que l'intégration des conjoints est un facteur aidant dans la thérapie. On sait que les conjoints ont aussi besoin d'aide et qu'ils ont souvent des symptômes de détresse. Donc, on forme des groupes pour pouvoir les aider.
    Encore une fois, je vous encourage à inviter quelqu'un qui est au sein des Forces canadiennes et qui pourrait vous donner les dernières données à ce sujet.

[Traduction]

    J'utiliserai les 30 secondes.
    D'accord.
    Vous n'avez pas eu l'occasion de répondre à ma deuxième question. Qu'arrive-t-il au cours des 24 premières heures, de la première semaine ou du premier mois suivant le retour au pays d'un soldat? Dans les forces armées, on applique probablement une méthode différente de celle employée par quelqu'un comme vous, qui doit traiter. Pouvez-vous nous dire ce qui, selon vous, devrait être la première mesure de décompression, de débreffage ou peu importe comment vous appelez cela? Peut-être que, par la suite, le soldat ne consultera pas, mais au moins il fait encore partie des forces armées. Faisons-nous ce qu'il faut à l'heure actuelle?

[Français]

    C'est intéressant. En effet, le défi consiste à savoir comment on peut les aider pendant qu'ils sont membres des Forces canadiennes.
    Actuellement, si un militaire est employable, on exige qu'il soit déployable, ce qui signifie que si on l'embauche, on veut pouvoir l'envoyer n'importe où. Voilà ce qu'on exige actuellement de nos militaires. C'est difficile de mettre un militaire en arrêt de travail alors qu'il est dans l'armée. En effet, puisqu'il est dans l'armée, on exige qu'il soit déployable en tout temps.
    Il faudra peut-être revoir comment renforcer les liens entre les anciens combattants et l'armée à ce sujet, pour éviter que l'état des militaires ne se dégrade alors qu'ils sont toujours dans l'armée. Car c'est dès qu'ils joignent les rangs des anciens combattants qu'on les traite psychologiquement, mais il est trop tard. Il faudrait les traiter avant.
    Il commence à y avoir un peu plus de conscientisation à ce sujet, mais, à mon avis, davantage de travail doit être fait pour qu'ils soient vus plus tôt, soit alors même qu'ils portent l'uniforme et qu'ils sont encore dans l'armée. C'est justement pour éviter que le trouble de stress post-traumatique ne se cristallise et qu'on ne les voie que lorsqu'ils font partie des anciens combattants.
(1030)

[Traduction]

    Merci.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Sweet. Vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup, madame, pour votre présentation très édifiante et pour les réponses que vous avez fournies jusqu'à présent.
    Je vais poursuivre sur le sujet de la sensibilisation des membres des forces armées. Il y a quelque temps est paru un ouvrage intitulé Psychology: The Purchase of a Friend. Il ne visait pas à dévaloriser la profession de psychologue; il visait davantage à illustrer l'importance de l'écoute en amitié.
    Y a-t-il des choses que nous puissions faire? Dans le cadre des travaux de recherche, a-t-on évalué l'efficacité d'agir à la base, d'apprendre aux membres de la force régulière à reconnaître le SSPT et de leur montrer l'importance de nouer le dialogue avec leurs collègues?

[Français]

    Oui, beaucoup de choses pourraient être faites en ce sens. Encore une fois, je vous invite à convier des collègues qui sont au sein des forces.
    Comme je suis de l'extérieur, je peux affirmer qu'il serait intéressant aussi de profiter des militaires qui vivent un trouble de stress post-traumatique ou des militaires qui reviennent de mission. De fait, par leurs témoignages, ils pourraient éclairer les autres militaires, ils pourraient donner du feedback sur ce qu'ils ont vécu, ils pourraient dire ce qu'ils sont en train de vivre. Voilà ce qu'on pourrait intégrer pour que cette conscientisation soit plus présente.
     La connaissance du trouble de stress post-traumatique est très récente. Ce n'est pas pour rien que j'ai dû écrire deux livres: c'est pour que le trouble de stress post-traumatique soit reconnu, pour qu'on l'identifie davantage. L'École polytechnique de Montréal, le Collège Dawson, nos forces, qui sont maintenant beaucoup moins des forces de maintien de la paix que des forces offensives au point de vue militaire, ont tous contribué à la reconnaissance du trouble de stress post-traumatique.
    Néanmoins, c'est une culture très dure, très sévère envers elle-même, qui privilégie la force, l'endurance et qui dénigre beaucoup les émotions. Si l'on reconnaît davantage les militaires même s'ils sont malades par la suite, si l'on considère le trouble de stress post-traumatique comme quelque chose qui peut s'améliorer, se soigner, qui n'est pas un signe de faiblesse, cela peut aider beaucoup.

[Traduction]

    Vous avez parlé de mesures préventives, mais vous avez mis l'accent sur la prévention après le traumatisme, avant que les symptômes deviennent trop graves. Toutefois, nous pourrions appliquer des mesures préventives avant que les soldats se rendent sur les lieux de conflits. Ces mesures viseraient à sensibiliser les soldats ou à leur donner cette force psychologique que vous avez mentionnée.
    Oui.
    D'accord. Je vais vous poser une dernière question, parce que j'ai l'impression que le président va bientôt m'interrompre.
    Vous dites que, à l'heure actuelle, vous n'êtes pas en mesure de déterminer quelles personnalités sont prédisposées au syndrome de stress post-traumatique. Mène-t-on des travaux de recherche en ce moment pour déterminer qui est plus, ou moins, susceptible d'être touché? Évidemment, les résultats de ces travaux permettraient d'affecter les personnes aux postes auxquels elles correspondent le mieux.

[Français]

    Oui. Il y a de plus en plus d'études internationales pour connaître les facteurs prédisposants, dans le sens de « fragilisant ». On en a identifié quelques-uns. On sait qu'une symptomatologie déjà dépressive et anxieuse ainsi qu'une façon très rigide de voir le monde peuvent être des facteurs indiquant qu'il peut y avoir une fragilisation.
    Une fois de plus, c'est difficile de dépister ces cas avant. Des gens peuvent se trouver dans ces états sans jamais présenter de TSPT, parce qu'ils n'auront jamais été en contact avec un événement traumatique assez important. Par contre, il y a des gens qui n'ont pas ces prédispositions, mais pour lesquels l'événement traumatique est tellement important qu'ils vont souffrir d'un TSPT.
    Je vous donne un exemple. On a fait une étude à l'Université de Montréal sur le trouble de stress post-traumatique chez des femmes violées. Un mois après le viol, 85 p. 100 des femmes rencontrées présentaient un trouble de stress post-traumatique. C'est dire comment les facteurs prétraumatiques jouent peu.
    On considère que trois types de facteurs peuvent prédire le TSPT à long terme: les facteurs avant le trauma, le trauma comme tel et les facteurs de maintien qui viennent après coup. Le TSPT est la conjonction des trois types de facteurs. Si le trauma est intense, il est universellement traumatisant, et peu importe si j'ai des facteurs prédisposants ou pas, il est en effet tellement important que j'aurai un TSPT. Plus le trauma est faible, plus je risque d'avoir un TSPT si mes facteurs prédisposants et mes facteurs de maintien sont importants.
    Vous saisissez? Vous voyez un peu?
    Par conséquent, on peut prédire le TSPT selon le nombre de facteurs dans chacune des sphères. Ai-je beaucoup de facteurs prétraumatiques? L'événement traumatique était-il majeur, important? Ai-je beaucoup de facteurs de maintien par la suite? On les a quelque peu mentionnés plus tôt: le support social, la façon dont je conçois le trauma, ce que je reçois des autres, la comorbidité. Dans chacune des sphères, plus j'ai de facteurs, plus je suis à risque, évidemment.
(1035)

[Traduction]

    Vous dites qu'il existe des horreurs tellement grandes que, peu importe leur personnalité, les gens souffriront du SSPT. Alors, seules les capacités physiques déterminent si le trouble sera chronique, à long terme ou à court terme.

[Français]

    Exactement. Certains traumas sont universellement traumatisants, c'est-à-dire dans plus de 85 p. 100 des cas. On parle ici entre autres de torture, de viol collectif et de certaines expériences de combat, surtout celles associées à de la barbarie. Même quand la personne présente très peu de facteurs prétraumatiques et de facteurs de maintien, le trauma est important, le trauma est immense.
    Évidemment, plus il y en a dans chacune des sphères, plus la convalescence et la sévérité seront longues, plus la personne sera réfractaire à la thérapie, etc.

[Traduction]

    Monsieur Sweet, vous aviez raison. Je dois vous interrompre.
    Monsieur Stoffer, vous disposez de cinq minutes si vous le désirez. 
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Il y a quelques années jouait à la télévision une émission appelée M*A*S*H. Un des personnages était psychologue. Il portait l'uniforme et était sur la ligne de front, alors il voyait la même chose que les soldats. D'après ce que vous savez, y a-t-il des psychologues en Afghanistan, au front?

[Français]

     À ma connaissance, il n'y en a pas. Encore une fois, je vous réfère à des gens de l'armée. Je ne pense pas qu'il y ait de psychologues militaires. Il y a des travailleurs sociaux, des psychiatres, des médecins et des padres militaires, mais à ma connaissance, il n'y a pas de psychologues militaires sur le terrain.

[Traduction]

    Votre témoignage laisse entendre que, au pays, il n'y a pas assez de personnes comme vous, qui ont votre formation, pour aider les anciens combattants et leurs familles. Évidemment, les gens tels que vous doivent subir énormément de stress. Il doit être difficile d'entendre ces histoires jour après jour.
    Je veux vous poser une question personnelle. Si elle est inappropriée, vous pouvez choisir de ne pas répondre. Que font les gens qui ont votre formation et votre niveau d'éducation pour relâcher la pression, à part se tourner vers la consommation de substances...? Ce doit être très exigeant pour vous d'entendre ces histoires tous les jours et d'essayer d'aider d'autres personnes. Qui s'occupe de vous?
    Moi.
    Que font les psychologues pour évacuer la pression afin de ne pas subir ce transfert eux-mêmes?

[Français]

    C'est une bonne question. En effet, si on veut qu'il y ait de plus en plus de psychologues, on veut également qu'ils soient capables de traiter longtemps les militaires et les victimes sans être eux-mêmes affectés. Bien sûr, quand je rentre à la maison le soir, je ne m'empresse pas de regarder le film Full Metal Jacket. J'ai assez baigné là-dedans pendant la journée. Évidemment, nous voulons faire attention à nos ressources humaines, c'est-à-dire ceux qui traitent les soldats et les victimes.
    Dans le cadre de leur formation, les psychologues et les intervenants apprennent à être vigilants face à l'épuisement professionnel et à la fatigue de compassion, qu'on appelle en anglais la compassion fatigue. J'en ai parlé plus tôt. On doit vraiment se demander comment on peut se ressourcer pendant la fin de semaine, parler d'autre chose ou, comme dans mon cas, venir au Parlement plutôt que d'écouter les récits d'horreur de mes clients. En diversifiant ses activités, on peut exercer longtemps sa profession.
    Comme je le dis aux gens que je forme, c'est un marathon et non un sprint. Il faut ménager sa monture pour exercer longtemps cette profession. Pour continuer à être empathique envers les victimes sans rester bloqué devant leur détresse, on doit être disponible, mais il faut d'abord prendre soin de soi-même. D'habitude, c'est assez efficace.
(1040)

[Traduction]

    À votre avis, de combien d'autres personnes l'armée aurait-elle besoin en ce moment pour traiter les blessures anticipées? Je veux dire les blessures entre les deux oreilles. Je trouve toujours intéressant, lorsqu'on parle d'accidents de voiture par exemple, qu'on dise que personne n'a été blessé. On parle des blessures physiques, mais jamais des blessures mentales.
    On s'attend à ce qu'un grand nombre de soldats reviennent d'Afghanistan avec des blessures mentales, des blessures entre les deux oreilles. De combien de personnes de plus avons-nous besoin pour assumer la charge de travail additionnelle qui s'abattra sur les personnes comme vous?

[Français]

    C'est très difficile à évaluer. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle j'ai dispensé beaucoup de formation à Valcartier et à l'Hôpital Sainte-Anne. On sait que nos militaires vont bientôt revenir et qu'on va devoir être très efficaces, de façon à pouvoir les traiter rapidement.
    Or, un problème se fait déjà sentir. On prévoit qu'à l'arrivée des gens qui sont présentement en Afghanistan, il faudra laisser de côté ceux de la Bosnie et du Rwanda. On ne peut pas voir 25 clients par jour: on peut en voir six. Déjà, on sait qu'on devra mettre de côté nos cas plus anciens pour essayer, à tout le moins, de traiter le plus vite possible les nouveaux cas. En effet, plus on les traite tôt, meilleur est le pronostic. Il faut absolument qu'on puisse au moins les recevoir lorsqu'ils reviendront.
    Pour le moment, je pense qu'on va être en mesure de les recevoir. Pour ma part, je fais de la supervision auprès des psychologues et des psychiatres des Forces armées canadiennes. Ce sont donc eux qui pourront vous en dire davantage. Quoi qu'il en soit, ces gens me demandent de leur donner de la formation au plus vite, avant que les militaires arrivent. Ils prévoient, malheureusement, à cause de leur charge de travail, devoir mettre des gens de côté.

[Traduction]

    J'ai une dernière question. Pour un homme, est-ce plus facile de s'adresser à une psychologue ou à un psychologue?

[Français]

    Ça dépend des gens. Pour plusieurs hommes, rencontrer un homme psychologue signifie être en compétition, surtout si le psychologue est un militaire. Certains craignent d'être perçus comme des faibles ou, dans bien des cas, comme des gais. Ils se demandent si le psychologue peut les voir comme des déserteurs ou, comme on le dit dans l'armée, des « faufileux ».
     En effet, des militaires disent de certains de leurs collègues qu'ils veulent uniquement la compensation financière. On perçoit ces derniers comme des gens qui ne vont pas au bout de leurs convictions militaires, qui ne sont pas des «  vrais ». Souvent, pour un militaire, il est plus facile de rencontrer une femme.

[Traduction]

    Et pour une femme soldat?

[Français]

    J'ai l'impression qu'il est plus facile pour elles de rencontrer une femme, qu'elle soit militaire ou civile. L'important, c'est qu'elle soit psychologue ou psychiatre.

[Traduction]

    Merci.
    La présidence va exercer sa prérogative. La parole est maintenant aux conservateurs, alors j'aimerais poser quelques questions.
    Je comprends le bien-fondé des mesures de prévention que vous avez décrites et des choses à faire lorsque les gens reviennent au pays. Bien entendu, beaucoup de nos soldats n'ont bénéficié de ni des premières ni des secondes. Il y a donc des gens qui s'attaquent au problème beaucoup plus tard.
    J'aimerais dire que je me sens interpellé par les scénarios de viol et les scénarios semblables parce que des résidants de ma circonscription m'ont parlé de ce genre de choses. Je ne suis jamais allé au combat, mais certaines personnes m'ont parlé de leurs expériences.
    Comment inciter un cheval à boire dans l'auge? Vous pouvez amener le cheval à l'eau, mais vous ne pouvez pas le forcer à boire. Que faites-vous avec les gens qui sont réticents à demander de l'aide, par exemple les soldats ou les victimes de viol, mais qui présentent néanmoins toutes les caractéristiques d'un malaise: l'alcoolisme, la dépression, le manque de sommeil et tout le reste? Comment les amener à demander de l'aide? Que faites-vous pour que cela soit acceptable à leurs yeux? Comment apprennent-ils à surmonter l'élément déclencheur ou à minimiser leurs traumatismes?
(1045)

[Français]

    J'espère avoir bien compris votre question. Vous me direz ce qu'il en est, selon ce que je vous répondrai.
    Quand on remarque des symptômes post-traumatiques chez certains militaires, comment peut-on faire en sorte qu'ils s'en rendent compte par eux-mêmes et viennent nous consulter?
    En fait, on espère que les gradés pourront reconnaître les signes chez leurs hommes. Ces gradés ont souvent une attitude très paternelle envers eux. Les bons gradés ont beaucoup d'empathie et font preuve de vigilance en ce qui a trait à la santé de leurs hommes. On espère qu'ils feront les premiers pas quand il s'agira de dire à certains qu'ils souffrent d'un trauma. On souhaite aussi que le phénomène soit de plus en plus connu au sein de l'armée, de façon à ce que les militaires puissent eux-mêmes reconnaître leurs symptômes. On parle donc jusqu'à maintenant de deux sources de référence: le gradé ou le militaire lui-même.
    La troisième source de référence est la conjointe. Il peut arriver qu'elle dise à son conjoint qu'il est insupportable à la maison et que ça remonte à son retour d'Afghanistan. Dans certains cas, elle lui offre le choix entre le traitement ou le divorce.  Beaucoup de gens viennent pour cette raison. Ils sont très résistants, mais viennent néanmoins parce que autrement, leur conjointe va décider de partir.
     Dans certains cas, la conjointe se réveille la nuit parce que son conjoint crie dans son sommeil. Certains militaires croient pendant quelques minutes qu'ils sont encore en Afghanistan; ils attrapent leur conjointe et courent avec elle au sous-sol pour la protéger. C'est comme s'ils étaient encore en service, et ils s'en rendent compte. De plus, c'est souvent la conjointe qui peut évaluer précisément la consommation d'alcool de son conjoint. Pour lui, c'est juste un peu de bière et ce n'est pas vraiment sérieux.
    Bref, on a en règle générale trois sources de référence: le gradé, le militaire lui-même ou sa famille. Quand c'est la famille qui l'envoie se faire traiter, c'est une exigence.

[Traduction]

    Compris. Votre commentaire sur le transfert intergénérationnel m'a intrigué. Je pense aux situations des « fanatiques de l'armée ». C'est un terme familial, d'une certaine façon: génération après génération, les gens servent dans les forces armées. Sans doute que l'une des meilleurs manières d'aborder cette question serait de demander à Stéphane Guay de venir nous parler des conjoints et de la famille. Je pense que ce serait intéressant. C'est une chose de traiter les soldats, mais, évidemment, il faut s'occuper des conjoints, qui subissent les contrecoups. Même les enfants des militaires peuvent être touchés.
    Avez-vous des observations à ce sujet?

[Français]

    Je vais revenir à ce que je disais plus tôt.
    On a remarqué, dans les cas de transmission transgénérationnelle, que les enfants et les petits-enfants des victimes des camps de concentration présentaient eux aussi des symptômes de détresse. Des symptômes post-traumatiques se manifestaient chez les descendants de la deuxième ou troisième génération. Les symptômes post-traumatiques peuvent contaminer non seulement la famille mais aussi les enfants et les petits-enfants. C'est ce qu'on a observé dans le cadre du seul cas longitudinal dont on dispose, c'est-à-dire les camps de concentration.
    Je partage tout à fait votre avis, à savoir qu'il faut être conscient des symptômes que présente la famille, afin de lui offrir un appui. On sait que ça aide le militaire à reprendre son service. On sait aussi que si la conjointe est impliquée, qu'elle va bien et qu'elle reçoit du soutien, ça aide grandement le militaire à suivre sa thérapie.

[Traduction]

    Mon temps est écoulé.
    Monsieur Perron.

[Français]

    Monsieur le président, je vais vous demander de m'accorder sept minutes, étant donné que je vais utiliser les deux premières pour vous transmettre de l'information.
    Madame Brillon, je vais vous faire part de données concernant les personnes souffrant du syndrome de stress post-traumatique dans les forces armées. J'ai eu l'occasion d'interroger des commandants militaires anglophones. On nous a dit d'abord que le pourcentage de soldats atteints du SSPT se situait entre 4 et 6 p.100 . Du côté francophone, on m'a parlé d'environ 10 p. 100. À la Défense nationale, on m'a dit qu'il s'agissait de 0 p. 100. Ces gens ne connaissaient ou ne voulaient pas reconnaître l'existence du stress post-traumatique.
    Lors d'une rencontre avec un commandant de la Défense nationale, celui-ci m'a dit que les militaires souffraient de dépressions nerveuses sévères. Quand je lui ai demandé quels en étaient les symptômes, il m'a répondu que les militaires étaient moins attentifs, qu'ils avaient tendance à s'isoler, à prendre un coup, à se droguer et à avoir des problèmes familiaux. Il m'a dit aussi que dans certains cas, ils se suicidaient. Je lui ai fait remarquer qu'il s'agissait des symptômes du stress post-traumatique.
    Je ne suis pas psychologue, mais je m'intéresse depuis 1998 aux jeunes anciens combattants qui souffrent du SSPT, parce que ce sont comme des enfants pour moi: ils ont l'âge de mon fils. J'en ai rencontré des centaines. Certains faisaient encore partie des forces armées à Valcartier. Au cours de ces rencontres, un rideau nous séparait, de façon à ce que je ne les reconnaisse pas. Ils avaient peur de perdre leur emploi. Je ne sais pas quelle est la situation ailleurs au pays, mais au Québec, d'après ce que j'ai constaté, un bon nombre de militaires s'enrôlent à 18 ans pour gagner de l'argent ou faire carrière plutôt que de devenir prestataires de l'assurance-emploi ou d'un autre programme du genre. Il faut en tenir compte.
    En règle générale, ces jeunes anciens combattants disaient ne pas recevoir d'appui du ministère des Anciens Combattants. Ils disaient avoir servi leur pays et risqué leur vie, mais ne pas réussir à obtenir de l'aide, sauf dans certains cas où cette aide était très longue à venir. Je les comprends.
    Par exemple, sur tous les lits qu'on retrouve à l'Hôpital Sainte-Anne, seulement cinq sont réservés aux personnes souffrant de SSPT. Si on les traite comme des clients de deuxième classe, je me demande ce qu'il faudrait faire pour leur donner un statut de première classe.
    J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Je m'excuse de m'être vidé le coeur, comme je le fais chaque fois. C'est peut-être la raison pour laquelle je ne souffre pas de stress post-traumatique.
(1050)
    Ça vous protège sûrement.
    Les pourcentages dont vous m'avez parlé sont ceux qu'on observe dans une population générale. Les pourcentages de prévalence de stress post-traumatique dans une population générale se situent entre 8 p. 100 et 14 p. 100. Les femmes présentent habituellement un plus haut taux de TSPT parce qu'elles sont davantage exposées aux traumas sexuels. On sait que les traumas sexuels sont en général associés à des symptômes plus graves.
    Si on faisait un recensement à Ottawa, on constaterait que les victimes d'un vol à main armée ou d'un accident de la route, entre autres, représentent environ 10 p. 100 de la population. Je trouve donc étonnant qu'au sein d'une population aussi à risque, en l'occurrence celle des militaires, le pourcentage soit comparable.
    Ce sont les chiffres que les militaires m'ont donnés. Reste à savoir s'ils sont exacts.
    Ces pourcentages me semblent bas, en effet. Par contre, je n'ai pas de données de recherche portant sur l'armée canadienne. Il est possible cependant que le docteur Guay puisse vous renseigner davantage.
    Il faut aussi mentionner qu'il y a beaucoup de honte et de stigmatisation chez les militaires. Les recherches peuvent être réalisées si les gens répondent. Certaines femmes militaires m'avouent avoir vécu des horreurs, avoir été violées. Elles me disent par contre n'avoir aucunement l'intention d'en parler, étant donné qu'elles doivent déjà redoubler d'efforts pour pouvoir rester dans l'armée et ne pas avoir l'impression qu'on les considère comme des sous-soldats.
    Il faut comprendre que pour les chercheurs, la difficulté d'obtenir un pourcentage exact est liée à la honte des soldats, au fait qu'il n'est pas facile de les évaluer et au fait que ce n'est pas nécessairement un pourcentage désirable sur le plan politique.
(1055)

[Traduction]

    Monsieur St. Denis, vous avez cinq minutes.
    Je tiens à aviser le comité qu'il s'agit de la dernière série de questions, car nous avons d'autres travaux.
    Merci.
    Pour revenir à un sujet abordé par M. Sweet, je me demande dans quelle mesure le besoin des gens de parler a influé sur la création de la Légion. Je pense que le fait d'avoir quelqu'un à qui parler, que ce soit un professionnel, un ami ou un collègue, peut réduire quelque peu l'apparition du syndrome de stress post-traumatique.
    Devrait-il y avoir un genre de système de mentorat? Lorsque quelqu'un quitte l'armée, désigne-t-on une personne pour lui parler et l'écouter, pour une période prolongée, afin qu'il n'y ait pas de problèmes cachés, qu'on ne voit pas, contrairement à une blessure physique? Devrait-il y avoir un programme de mentorat institutionnalisé, par opposition à un système de bénévoles, afin qu'on détecte les cas de SSPT?

[Français]

    Ce que vous mentionnez est très intéressant. On parlait tout à l'heure, avec M. Stoffer, de la possibilité qu'il y ait des gens qui simulent un trouble de stress post-traumatique, mais on sait qu'il y a aussi des gens qui retiennent un TSPT. Il est possible, dans deux cas extrêmes, qu'il y ait des gens qui exagèrent pour avoir des compensations et qu'il y ait des gens qui se retiennent d'en parler. Habituellement, on a l'impression qu'il y a beaucoup plus de gens qui retiennent le fait qu'ils souffrent de TSPT, pour une raison importante.
    D'abord, on l'a mentionné souvent, c'est honteux, c'est très mal vu dans les Forces armées canadiennes. Mais il y a autre chose: si la personne a un trouble de stress post-traumatique et qu'elle est considérée comme un ancien combattant, cela veut dire qu'elle n'est plus dans l'armée. Pour plusieurs, c'est la fin de toute leur vie. Pour plusieurs militaires, ne plus porter d'uniforme, de fusil, ne plus faire partie de cette grande famille... Beaucoup de gens s'enrôlent dans l'armée parce que c'est un corps, qu'il y a un esprit d'équipe: on peut mourir à côté d'une autre personne, et elle peut mourir pour nous. Pour plusieurs, il s'agit de pallier certains manques qu'ils ont connus dans leur enfance. Ils n'ont pas eu cette famille, cette discipline, cette confiance dans les autres, cette motivation qui provient du sentiment qu'ils font du bien.
    Ce qu'on voit, quand on les suit en thérapie, lorsqu'on dit à quelqu'un qu'il souffre du trouble de stress post-traumatique, cela veut dire qu'il va devoir quitter l'armée. Or, l'armée, c'est toute sa vie. Il ne veut plus se considérer comme un civil parce qu'un civil, c'est une « patate », c'est un imbécile. Être militaire, c'est être associé à toute la fierté envers son pays et envers soi-même.
    Ce que vous mentionnez est très important: comment peut-on faire en sorte qu'ils puissent continuer à être dans l'armée, à conserver cette identité, continuer à servir leur pays et se sentir bien?
    Présentement, à ce que je sache, il n'y a pas de place dans l'armée pour quelqu'un qui est malade. Par contre, s'il s'agit d'un policier, je vais lui dire qu'il n'est pas apte, pour le moment, à retourner faire des patrouilles en voiture, mais qu'il peut se trouver un travail administratif, un travail à temps partiel. Dans l'armée, ce n'est pas possible. On ne peut pas dire à un militaire qu'il va effectuer un travail administratif à temps partiel. En tant qu'employé, son régiment peut être déployé. Cela veut dire qu'il peut aller en mission. Pour plusieurs, avoir un TSPT, c'est quitter ce qui a été toute leur vie, c'est se refaire une autre identité. Ils étaient militaires, avec tous les grades, la hiérarchie, l'esprit de corps et l'uniforme que cela comporte, et ils sont devenus des civils. Ce n'est pas grand-chose, dans l'armée, être un civil.

[Traduction]

    Je voudrais vous remercier de votre présence. Je crois que M. Perron veut renchérir.

[Français]

    Madame Brillon, vous avez livré une prestation extraordinaire. Je pense, en observant les gens réunis autour de la table, que je n'ai jamais vu ce comité aussi attentif et boire ainsi les paroles de quelqu'un. Merci beaucoup et continuez votre travail. Mon voeu le plus cher aurait été que les 308 députés puissent être autour de cette table avec les gens de l'armée et les anciens combattants, parce que vous nous avez instruits énormément.
(1100)
    Cela me fait plaisir.

[Traduction]

    J'aimerais rappeler à tous que nous avons une affaire à régler.
    Je remercie beaucoup le témoin. J'espère que nous donnerons suite à vos recommandations concernant d'autres témoins et invités que nous pourrions entendre à ce sujet.
    Je demanderais aux membres du comité de bien vouloir rester.
    Monsieur Stoffer, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs du comité, je voudrais parler du voyage pour commémorer le 90e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy. Je crois qu'il débute autour du 5 avril. On m'a fait remarquer qu'il pouvait être légèrement mal perçu qu'un ministre emmène des députés au lieu d'emmener d'autres anciens combattants ou leurs représentants. Pour contourner le problème, il faudrait permettre au ministre d'emmener d'autres anciens combattants -- ou des anciens combattants tout court -- avec lui au sein de la délégation officielle.
    Le comité pourrait présenter une motion, avalisée par tous ses membres, affirmant que le comité aimerait se rendre au monument commémoratif de Vimy pour représenter tous les partis politiques ainsi que le Canada conjointement au voyage du ministre. J'aimerais demander le consentement unanime pour présenter la motion et renoncer au préavis de 48 heures. Nous pourrions au moins donner à notre président et à notre recherchiste la possibilité de confirmer les détails logistiques du déplacement du comité, étant donné que nous ne sommes pas encore allés à l'étranger. Ils pourraient confirmer si le comité peut se rendre à la crête de Vimy à l'occasion du 90e anniversaire de la bataille.
    Le voyage dure du 5 au 9 avril.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Stoffer.
    M. Valley est le prochain intervenant, suivi de M. St. Denis.
    J'appuie M. Stoffer. Pour des raisons professionnelles et personnelles, j'estime qu'il est important que nous soyons là-bas. Je crois que c'est important, mais j'aimerais que quelqu'un me dise si nous pouvons imputer ces dépenses sur le budget de cette année. Pouvons-nous réserver les billets d'avion et l'hébergement tout de suite?
    Je pense que c'est important. Une partie de notre mandat consiste à servir les anciens combattants. Comme vous l'avez dit, nous n'avons pas dépensé d'argent pour cela cette année. Le budget le permet amplement. Réglons cette question dans le cadre du budget avant la fin du mois de mars. Je pense que c'est une bonne idée.
    Le greffier me dit qu'on devra s'adresser au Comité de liaison, mais il affirme que c'est possible.
    Allez-y, monsieur St. Denis.
    Je pense que c'est une bonne idée. Personnellement, je vais appuyer la motion.
    Par contre, je vais vérifier ce qui s'est passé lors du 80e anniversaire. Malgré tout le respect que nous devons à nos anciens combattants, je crois que les parlementaires ont aussi un rôle à jouer. Je ne voudrais pas créer un précédent; je ne voudrais pas que le ministre, qu'il soit conservateur, libéral, bloquiste ou peu importe, ignore à l'avenir les parlementaires. Je tiens juste à préciser que je crains qu'on crée un précédent.
    Je vais vérifier ce qui s'est passé à l'occasion du 80e anniversaire. Si la pratique a toujours été que seuls le ministre et quelques membres du personnel de soutien participent à ces événements, eh bien d'accord. Je ne crois pas que ce soit le cas toutefois. Si notre comité appuie le ministre tout le temps...
    Les anciens combattants ont un rôle tout à fait important à jouer là-dedans, mais c'est aussi le cas des parlementaires. Nous ne savons pas toujours si le comité des budgets de la Chambre va approuver ce genre de choses. Le ministre devrait être conscient que cette position soulève des questions.
(1105)
    Pour parler clairement, nous voulons nous assurer que les membres du comité soient présents. Nous ne voulons pas que le ministre prétende qu'il n'y a pas de place pour nous, mais se fasse accompagner de plein d'autres députés.
    Non, non. Je vais expliquer au comité ce que je comprends. D'après ce qu'on m'a expliqué, tout dépend des circonstances, du ministre des Anciens Combattants et de l'occasion. Parfois, on amène des députés; d'autres fois, on amène presque exclusivement des anciens combattants. Cette décision dépend des situations. Il est arrivé que le ministre se fasse accompagner de députés et que des groupes d'anciens combattants protestent ouvertement, ce qui a mis le gouvernement dans l'embarras aux yeux du grand public. En l'occurence, pour éviter cela, le ministre a choisi d'inclure des anciens combattants dans sa délégation de 15 personnes. Je ne sais pas si cela explique la situation de 1980, mais cela vous fournit un certain contexte.
    Allez-y, monsieur Stoffer.
    Je pense que M. Brent St. Denis a fait valoir un point valable sur lequel il faudrait se pencher. En toute justice pour le gouvernement et le ministre, il faut reconnaître que les anciens combattants ont plus de 80 ans. Pour bon nombre d'entre eux, le voyage en Hollande était le dernier tour de piste. Le voyage à Vimy sera certainement le dernier tour de piste de certains.
    S'il est possible de faire cela de cette façon, je pense que j'y serais favorable, mais je crois que M. St. Denis fait valoir un bon point. Nous avons un rôle à jouer.
    Il ne faut pas oublier que le gouvernement paie le voyage de 5 000 étudiants également. On amène donc beaucoup de personnes.
    Ce n'est pas ce que l'on nous a dit.
    C'est ce que j'ai compris.
    On nous a dit que les étudiants amassaient leur propre argent.
    Oh, je suis désolé. Pardonnez mon ignorance. Vous avez absolument raison. Je suis désolé; 5 000 étudiants iront. Vous avez raison.
    Vous m'avez fait peur, monsieur le président.
    Pardonnez ma confusion.
    C'est la motion dont nous sommes saisis.
    Monsieur Sweet, vous avez la parole.
    En fait, je dirais que mon coeur appuie la motion, mais que je m'inquiète de la question de la perception des gens. Et, en fait, si 5 000 élèves ont réuni eux-mêmes l'argent pour payer leur voyage, cela m'inquiète encore un peu plus.
    Mais je pense qu'il y a probablement une solution. L'essentiel serait de nous assurer que nous servons effectivement les anciens vétérans en nous rendant là-bas.
    Et si c'est le cas, y en a-t-il qui s'opposerait à ce que nous envoyions une lettre à la Légion royale canadienne et peut-être à une ou à deux autres organisations pour leur dire que nous aimerions nous rendre là-bas et que nous aimerions servir les anciens combattants? Nous leur dirions - évidemment, en choisissant bien nos mots - que nous aimerions nous assurer que, ce faisant, nous servirions les anciens combattants et que nous aimerions connaître leur opinion à ce sujet.
    D'accord. C'est un point intéressant.
    M. Shipley et ensuite, M. Stoffer.
    David a exprimé... pas nécessairement ma préoccupation, mais nous avons tous certainement une perspective personnelle des commentaires qui ont été faits et des préoccupations qui ont été exprimées à ce sujet.
    Il est question de nos anciens combattants ici. Si notre but consiste à les appuyer et que le ministre le voit ainsi, il va de soi que ce sont les membres de ce comité - et non d'autres simples députés - qui devraient représenter les anciens combattants.
    Je pense qu'il nous suffit de parler à nos gens. Il est certain que nous devons réfléchir à la question. De toute évidence, s'il y a des gens qui doivent faire ce voyage, ce sont bien les anciens combattants. Ceux qui veulent être présents là-bas, devraient avoir l'occasion de s'y rendre. C'est donc à eux qu'on devrait accorder la priorité.
    Je pense que, pour le moment, c'est une question de perception; il s'agit de savoir si notre présence servirait les anciens combattants d'une manière quelconque. Cela fait donc partie de notre entretien avec le ministre au sujet de ce comité.
    Entendu.
    M. Stoffer.
    En ce qui concerne le point soulevé par M. Sweet, ce sera la quatrième fois que je fais ce genre de chose, représentant non seulement le gouvernement, mais aussi le comité. Quand un comité composé de représentants de tous les partis s'est rendu au salon des poissons et fruits de mer de Boston, les pêcheurs et les producteurs de produits de la pêche ont beaucoup aimé ce fait.
    L'année dernière, quand notre comité a été en Hollande, les anciens combattants et leurs familles ont vraiment aimé le fait que tous les partis étaient représentés.
    Quand Brent St. Denis, Monte Solberg et moi-même nous sommes rendus en Bosnie ensemble, nous n'étions pas des politiciens. Nous étions des gens qui représentaient le gouvernement et le pays et tout a très bien été.
    Il y aura toujours quelqu'un pour dire que vous faites seulement un voyage pour le plaisir et que vous ne vous souciez pas vraiment des anciens combattants. Il est impossible d'éviter ce genre de propos. Mais je peux vous assurer que pour les anciens combattants et leurs familles ainsi que pour les enfants qui s'y seront rendus, le fait d'être témoins de l'appui unanime des parlementaires de tous les partis pour cet événement contribuera beaucoup à leur laisser une impression durable de ce dernier.
(1110)
    D'accord.
    Monsieur le président, on m'attend ailleurs à 11 heures.
    Je comprends. Nous voulons que vous soyez ici pour le vote. À moins qu'il n'y ait d'autres commentaires...
    Très rapidement, monsieur St. Denis.
    J'ai bien aimé les propos de Peter.
    David, malgré tout le respect que je vous dois, je ne pense pas que nous devrions solliciter une autorisation. Soit nous sommes convaincus de ce que nous faisons en tant que comité et à titre de parlementaires, et nous le faisons parce que c'est ce que notre coeur nous dicte de faire... Je ne veux pas que nous nous mettions dans la position où nous devons obtenir une autorisation parce que quelqu'un agit pour des raisons politiques qui lui sont propres. Il y aura toujours des gens qui se plaindront d'une chose ou d'une autre. Malheureusement, cela fait partie de notre travail. Mais nous devons choisir si nous voulons exprimer notre appui aux anciens combattants ou non.
    Il m'importe peu que certains d'entre nous voyagent comme membres de la délégation du ministre ou que nous nous y rendions tous à titre de comité. Cela, c'est davantage une question de budget, et le ministre ne devrait pas s'inquiéter de la perception des gens à ce sujet. Après tout, nous ne sommes pas n'importe qui. Les gens nous ont élus, nous sommes ici pour faire le travail et nous devrions y aller.
    Quand j'ai utilisé le terme « perception », je me préoccupais de l'institution du Parlement et aussi de la diminution de l'importance du voyage aux yeux des anciens combattants. Je veux dire, je n'aurais aucun problème à justifier notre position, si nous adoptons cette motion à l'unanimité. Mais le fait de diminuer l'importance de l'événement aux yeux des anciens combattants - voilà qui me préoccuperait.
    S'il vous plaît, par égards pour M. Shipley, pour qu'il puisse prendre part au vote, la motion a été présentée par M. Stoffer.
    (La motion est adoptée.) [Voir le procès-verbal]
    Maintenant, avant de faire une pause - monsieur Shipley, vous pouvez partir - M. Perron aimerait parler d'autre chose.

[Français]

    J'ai une autre motion à déposer qui ne requiert un délai de 48 heures. À la suite de la comparution de Mme Brillon, il faudrait peut-être demander à M. Guay et à Mme Routhier de se présenter devant le comité.
    On fera cela, oui.
    Et les discours qu'on a entendus... J'aimerais laisser au greffier la tâche de dresser une liste des futures comparutions qui vont dans le sens de celle de Mme Pascale Brillon.
    Oui.

[Traduction]

    Je crois que le comité est d'accord. Je vois des gens qui font signe que oui tout autour de cette table. Oui.
    La séance est levée.