Monsieur le président, honorables membres du comité, bonjour. Merci de m'avoir invité à venir discuter avec vous du projet de loi C-11.
Permettez-moi tout d'abord de vous présenter notre association. L'Association du transport aérien du Canada a été créée à Ottawa en 1934 pour être la voie nationale de la nouvelle industrie aérospatiale et aéronautique du Canada. Aujourd'hui, l'ATAC regroupe plus de 200 entreprises de toutes tailles qui ensemble représentent plus de 95 p. 100 des revenus de l'aviation commerciale au Canada. Cependant, c'est du point de vue du passager que nous nous adressons à vous aujourd'hui, car c'est l'intérêt des passagers qui doit être au coeur de tout ce que nous faisons.
L'objectif ostensible du projet de loi est de traiter diverses préoccupations des passagers: plaintes relatives au transport aérien, examen des fusions et des prises de contrôle, publication des tarifs et utilisation des données des lignes aériennes et de l'information sur les passagers. Or, le triste fait est qu'aucune de ces mesures ne réglera les vraies préoccupations de nos passagers. Vous savez très bien ce qu'elles sont. Vous voyagez plus souvent par avion que la plupart des Canadiens. Vous savez que ce que les passagers souhaitent par-dessus tout, ce sont des voyages aériens sûrs, efficaces et présentant un juste équilibre entre le prix et les services. C'est donc dans cette perspective qu'il faut examiner ces mesures.
En fait, cette perspective jette un éclairage peu flatteur sur ce projet de loi, non pas à cause de ce qu'il contient, mais de ce qui en est absent. Il est censé mettre en place des mesures favorables aux consommateurs, mais en fait il ne contribue pas à réduire les coûts, ni à améliorer l'efficacité, ni à rehausser la valeur.
Depuis plusieurs années, l'ATAC et ses membres plaident auprès des gouvernements successifs au nom de leurs passagers pour qu'ils allègent le fardeau écrasant des loyers qu'ils imposent aux aéroports. Ces loyers, établis vers le milieu des années 90 lors de l'amélioration des aéroports, ont procuré au gouvernement environ 300 millions de dollars par année, soit 2 milliards de dollars depuis leur entrée en vigueur. La contribution totale a déjà dépassé la valeur nette de ces installations au moment de leur transfert, qui s'élevait à environ 1,5 milliard de dollars, chiffre, en passant, qui ne tient aucunement compte des améliorations importantes apportées à ces installations, puisque la plupart d'entre elles étaient dans un état de délabrement avancé.
La cession des aéroports a permis au gouvernement de transférer ce coût aux autorités locales, qui ont récupéré leur investissement auprès des usagers, soit les lignes aériennes et les passagers. En un mot, il est faux de qualifier ces paiements de loyer. Il s'agit en fait tout simplement d'une taxe abusive sur les voyages aériens qui rend le système plus coûteux qu'il ne devrait l'être de l'ordre de 300 millions de dollars par année. Sauf votre respect, si le Parlement avait vraiment à coeur l'intérêt des passagers, il s'occuperait en priorité de cette question urgente.
Quoi qu'il en soit, il y a dans ce projet de loi un ensemble de mesures que nous devons examiner. Il est probablement juste de dire que la mesure la plus frappante est la proposition d'intégrer les activités du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien au mandat de l'Office des transports du Canada. De notre point de vue, il s'agit d'une décision raisonnable, dans la mesure où l'existence de ce bureau avait très peu de valeur pour les contribuables. Par son objectif et son rôle, cet organisme se distingue de ce qui se fait dans d'autres secteurs. Il n'y a aucun commissaire aux plaintes pour les autres modes de transport, ni pour pratiquement aucun autre secteur de l'économie. La raison en est manifeste. Il est évident qu'il ne peut y avoir de meilleur arbitre de l'intérêt des consommateurs qu'un secteur de l'aviation sain et très concurrentiel.
Rappelons-nous que lors de la création de ce bureau, on s'inquiétait beaucoup de la compétitivité de cette industrie. Air Canada venait de prendre le contrôle des Lignes aériennes Canadien en 2000 et de nombreux observateurs, y compris de nombreux parlementaires de l'époque, ont exprimé de vives préoccupations à l'égard de la domination éventuelle du marché par Air Canada.
Malgré le fait que l'industrie affirmait que le marché produirait les niveaux de service et de concurrence adéquats exigés par les consommateurs, ce bureau a été créé, en même temps que tout un train de mesures, en vue d'établir un cadre législatif et réglementaire qui protégerait les intérêts des consommateurs en l'absence apparente de concurrence. Mais, comme nous l'avions prévu, le marché s'est effectivement rétabli pour fournir un niveau de service concurrentiel qui répondait aux exigences des consommateurs. Pour ceux qui auraient des doutes, il suffit de voir que la part de marché de WestJet est d'environ 40 p. 100, niveau jamais atteint par Canadien.
Il est vrai qu'il y aura toujours des perturbations dans les niveaux de service de temps en temps; nous pensons, sauf votre respect, qu'une analyse attentive du rôle et de la valeur du commissaire aux plaintes depuis la création de ce poste, montre clairement qu'un marché fort et concurrentiel, et non pas un autre niveau de bureaucratie, est le meilleur moyen de répondre aux besoins des consommateurs.
Parallèlement, le pouvoir qu'on propose d'accorder au ministre d'examiner les fusions et les prises de contrôle dans tous les secteurs des transports est un autre exemple d'un outil législatif adopté pendant l'hystérie de 1999-2000 qui n'a guère de valeur pratique pour les passagers. Cependant, contrairement à la mesure précédente, celle-ci nuira sérieusement aux intérêts des passagers.
Pratiquement tous ceux qui ont un intérêt dans l'aviation commerciale, depuis les groupes de consommateurs jusqu'à ceux qui fournissent des services d'infrastructure aux lignes aériennes, voudraient qu'on élimine les obstacles à l'investissement dans ce secteur.
Nous reconnaissons tous que notre secteur exige de gros investissements et que les coûts de démarrage et opérationnels sont très élevés alors que les rendements sont faibles. Si l'objectif est d'avoir un secteur de l'aviation fort et concurrentiel, pourquoi mettre en place une réglementation qui jette le doute sur les possibilités d'investissement dans ce secteur?
De plus, ce pouvoir confié au ministre va à l'encontre des principes énoncés de la LTC, y compris ceux qui affirment que « la concurrence et les forces du marché soient, chaque fois que la chose est possible, les principaux facteurs en jeu dans la prestation de services de transport viables et efficaces ».
Comme pour ce qui est de la mesure antérieure dont il a été question, comme il s'agissait d'un outil créé pour un problème perçu qui ne s'est jamais matérialisé, les parlementaires doivent à bon droit se demander: « À quoi cela sert-il et quelle est son utilité pour le consommateur »?
Pour ce qui est de la question de conférer au ministre le pouvoir de réguler les tarifs aériens, nous encourageons les parlementaires à se souvenir d'où cela vient et à se demander ce que cela apporte aux voyageurs. Certains de nos membres eux-mêmes vous diront qu'ils y voient une certaine utilité. Les transporteurs qui distribuent surtout leurs billets via les voyagistes et les agences de voyages sous réglementation provinciale, par exemple, voient peut-être quelque utilité dans une norme fédérale qui s'appliquerait à l'ensemble du territoire canadien tandis que ceux qui offrent leurs services directement au consommateur contestent la nécessité de cette mesure.
Tous, nous sommes unis dans l'intérêt commun de veiller à ce que le consommateur soit pleinement et directement informé de la composition du coût de son billet. Ce qui inquiète l'ATAC dans cette proposition de réglementer la publicité des tarifs aériens, c'est tout simplement le risque d'abus. Vous n'ignorez pas que le coût moyen final d'un billet d'avion à rabais au Canada est constitué à 25 à 40 p. 100 de taxes, droits et charges imposés par les divers monopoles gouvernementaux et de création gouvernementale. Il ne serait donc pas juste pour le consommateur de lui cacher qui empoche l'argent de son voyage. Il a le droit de le savoir.
Même si nous n'avons pas de position particulière au sujet de la justesse de cette mesure, nous contestons l'accent qui est mis sur la divulgation du prix intégral alors que l'important devrait être d'aider à le faire baisser. Après tout, ne devrait-on pas chercher davantage à assurer la pérennité du tarif de 99 $ vers Toronto plutôt que de se demander désespérément si ce tarif de 99 $ comprend bien tous les divers droits et charges imposés par le gouvernement?
Dans la même veine, cette proposition prétend accorder plus de pouvoir au consommateur en donnant à l'OTC le pouvoir de réglementer l'affichage des modalités des services internationaux sur le site Web des transporteurs. Nous approuvons tout à fait l'idée de veiller à ce que le consommateur soit pleinement informé des modalités du transport, et c'est pourquoi nous déclarons clairement les restrictions applicables sur tout billet avant la conclusion d'une vente. Nous invitons toutefois le comité à obtenir des éclaircissements sur le sens de cette mesure.
Comme le savent peut-être certains membres du comité, le tarif est en fait un contrat juridique de plusieurs milliers de lignes de texte détaillé qui énoncent toutes les éventualités et dispositions de voyage connues. Le texte complet d'un règlement tarifaire peut faire plus de 100 pages. Nous estimons respectueusement que pour s'accorder à l'esprit de la loi, il y a lieu de clarifier cette disposition pour donner au consommateur des renseignements pratiques et clairs sur les modalités du transport au lieu de publier l'intégralité du tarif.
En ce qui concerne la communication des données d'aviation aux organismes gouvernementaux, l'association n'a pas de position précise sur le bien-fondé de ces dispositions. Il s'agit d'une question sociale plus vaste qui ne se limite pas aux intérêts commerciaux des fournisseurs de services aériens. Nos membres se préoccupent uniquement de l'intégrité de ces données qui appartiennent en fait à nos passagers. Nous exhortons le gouvernement à user de prudence lorsqu'il communique des données et à ne le faire que lorsque cela est nécessaire et à garantir l'intégrité de nos bases de données en limitant les opérations de pêche aux données.
Enfin, pour être juste, le texte propose un petit nombre de mesures administratives que le secteur appuie. Les dispositions exigent que l'acheteur d'un service aérien appartenant à un autre détenteur de licence soit lui-même détenteur d'une licence non suspendue. Le texte lève l'obligation pour l'exploitant de services saisonniers de donner un préavis de suspension du service, pour des raisons évidentes. Plusieurs autres dispositions sont modifiées pour donner à l'OTC une plus grande latitude dans les décisions qu'il rend sur un certain nombre de questions réglementaires. Dans l'ensemble, l'industrie appuie ces mesures en principe.
C'est donc dire que même si cette loi n'est pas entièrement dénuée de mérite, comme je le disais au début de mon intervention, il faut évaluer le texte du point de vue du voyageur. Si nous pouvons convenir que le voyageur veut plus que toute autre chose voyager en sécurité, avec efficacité et obtenir un bon rapport qualité-prix, il faut se demander si le texte y concourt. La réponse est hélas, bien peu.
Au bout du compte, ce n'est pas une série de lapalissades au sujet des règles de publicité des tarifs aériens, des plaintes, des fusions et des acquisitions qui feront baisser les coûts dans les aéroports et qui amélioreront la qualité du voyage.
Comme certains parlementaires s'en souviendront, il s'agit de la troisième mouture de cette loi. Pour une raison étrange, Transports Canada ne cesse de s'attarder aux mesures qui privilégient la parole aux actes de restructuration des coûts pour l'industrie et de défense des intérêts du voyageur.
Je ne peux conclure qu'en disant que l'aviation canadienne est déçue de cette loi et souhaite ardemment discuter d'une réforme véritable, notamment sur les questions abordées dans la Loi sur les aéroports du Canada. Nous espérons également voir enfin une réduction sérieuse du loyer des aéroports pour notre secteur et pour les voyageurs.
Merci. J'attends vos questions avec plaisir.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Gaspar, j'ai écouté votre présentation. Je pense avoir compris votre point de vue sur le projet de loi, mais je ne le partage pas tout à fait. Je me considère comme un client, et dans cette optique, j'ai des réserves concernant l'idée d'établir une liaison entre Québec et Sept-Îles. S'il n'y a qu'un transporteur aérien, les tarifs vont être très élevés. On entendra alors un commentaire qui est émis fréquemment, à savoir que le parcours Québec—Sept-Îles coûtera plus cher que celui entre Québec et Miami. Vous me direz sans doute que dans le cas présent, il y a plus de gens, mais il reste qu'en tant que législateurs, il est important que nous donnions aux organismes des outils de contrôle leur permettant de s'assurer qu'il y a de la concurrence. En ce sens, je dirais que vos arguments ne m'ont pas convaincu.
Par ailleurs, comme le disait plus tôt mon collègue, l'essence est de compétence fédérale. On la paye aujourd'hui 87 ¢ le litre, et ça inclut tout. On peut nous rappeler gentiment que les trois quarts de ce prix sont dûs à des taxes. De plus, il serait bon que les gens sachent que le billet va coûter 172,50 $, et non 99 $. Je crois qu'il faut donner l'heure juste au client. C'est ce à quoi ils s'attendent de la part du législateur.
En outre, dans le cas où deux transporteurs d'une même ligne aérienne procèdent à une fusion, je pense que le législateur doit voir aux intérêts des citoyens et s'assurer qu'un contrôle est exercé sur les tarifs. Dans le cas d'une fusion, il est possible qu'ils augmentent. Il faut donc s'assurer qu'ils vont rester concurrentiels ou, du moins, que les profits demeurent raisonnables.
Je pourrais vous amener sur le terrain. Vous aimerez probablement l'expérience. Pour le moment, je pense que le projet de loi est bien fondé et j'espère qu'on sera en mesure de le mener à terme assez rapidement.
Vous avez parlé de tarifs relatifs aux aéroports. Certains éléments, qui vous concernent, ne sont peut-être pas dans le projet de loi. Je vous inviterais à nous en faire part, si ça convient au comité.
:
En fait, vous serez peut-être surpris de m'entendre dire que nous nous rejoignons plus que vous ne le pensez. Je suis en fait d'accord avec vous pour ce qui est des liaisons où le service n'est assuré que par un transporteur. Pour revenir à l'exemple de la liaison Québec Sept-Îles, vous avez fait remarquer que, tant qu'il n'y a qu'un transporteur qui assure le service, les gens s'inquiètent beaucoup de savoir si le niveau de service est bien celui qui convient et si les tarifs ne sont pas trop élevés par rapport aux tarifs sur d'autres liaisons. Je suppose que la question qu'il convient de poser est de savoir quel serait finalement le meilleur moyen d'éviter que les tarifs ne soient trop élevés et de s'assurer que les niveaux de service correspondent réellement à la demande.
À mon avis, l'historique de l'industrie au Canada montre que la meilleure façon de s'y prendre est de laisser faire le marché. Si vous faites en sorte qu'il en coûte moins cher pour lancer une entreprise de transport aérien, il y a quelqu'un qui va en lancer une. Warren Buffett, dans une phrase célèbre, avait dit qu'il aurait fallu abattre l'avion des frères Wright, puisque l'industrie a toujours été déficitaire.
On continue à lancer de nouvelles entreprises de transport aérien même quand il y a très peu de chances de réaliser un bénéfice. Je dirais donc que si l'on veut améliorer le choix et le service sur la liaison Québec Sept-Îles, indépendamment du fait que la situation est sans doute assez bonne comparativement à ce qu'elle est dans d'autres marchés comparables, le mieux serait d'abaisser de beaucoup les coûts de fonctionnement dans l'industrie.
Je ne cherche pas à éviter la question du bien-fondé de la mesure législative, mais je veux simplement faire comprendre que, si nous voulons nous attaquer à ces problèmes, il nous faut faire preuve de courage et nous en prendre en fait à ce qui contribue aux dépenses de fonctionnement de l'industrie, aux coûts liés aux aéroports et à la taxe d'accise sur le carburant. Si l'on fait en sorte qu'il en coûte très peu cher pour lancer une ligne aérienne, quelqu'un va en lancer une, et les problèmes seront alors réglés.
Pour ce qui est de l'inquiétude que vous avez quant à la possibilité d'examiner les fusions, les gens ont le droit — et c'est tout à fait légitime et raisonnable — de savoir quelles seront les répercussions de la fusion proposée sur les droits qui sont exigés et sur les tarifs. C'est clair, mais là encore, je dois vous poser la question de l'efficience. Ce mécanisme d'examen n'existe-t-il pas déjà? Nous avons au Canada un bureau de la concurrence. Si une fusion en particulier avait des conséquences délétères graves sur le niveau ce concurrence dans le secteur, c'est sûr que le bureau le ferait remarquer.
Je reviens tout simplement à la question de l'efficience de la mesure. Apporte-t-elle quelque chose de nouveau et d'utile? Est-ce une mesure qui va donner aux consommateurs un pouvoir qu'ils n'ont pas déjà?
À mon avis, ce n'est que de la poudre aux yeux. Ce sont des éléments qui paraissent bien, et c'est ce qui explique leur grande popularité. Mais il suffit d'enlever les pelures extérieures pour se rendre compte qu'il n'y a pas vraiment beaucoup de substance.
:
Bonjour. Je vous remercie de donner la possibilité à la Coalition pour la protection des voyageurs de témoigner devant vous aujourd'hui
Je m'appelle Michael Pepper. Je suis président et chef de la direction pour Travel Industry Council of Ontario, aussi connu sous l'acronyme TICO. Notre organisme est chargé de la réglementation des agents de voyage et des grossistes en voyage en Ontario. Plus de 2 500 agences de voyages y sont inscrites. Ces entreprises ont un chiffre d'affaires brut de plus de 7 milliards de dollars par année.
La Coalition pour la protection des voyageurs est une alliance qui regroupe plusieurs organisations. Notre objectif est de persuader le ministre des Transports d'apporter les modifications nécessaires au projet de loi . Outre TICO, nous comptons parmi nos membres le Centre pour la défense de l'intérêt public, qui est représenté aujourd'hui par Michael Janigan, Option consommateurs, qui est représenté par Marie-Hélène Beaulieu, ainsi que l'Association canadienne des agents de voyage, qui est représentée par Christiane Théberge. Christiane s'adressera à vous lorsque j'aurai terminé mon tour d'horizon.
De concert avec la Canadian Association of Airline Passengers, ces quatre organisations représentent les intérêts des consommateurs, des travailleurs du secteur et de toutes les entreprises de tout le Canada. Vous trouverez en annexe de notre mémoire une liste complète de nos membres. Je crois d'ailleurs que ce mémoire vous a été distribué. Le travail de la Coalition pour la protection des voyageurs consiste principalement à protéger les consommateurs. Dans notre mémoire, nous traitons non seulement de ce que l'on trouve dans le projet de loi, mais aussi de ce qu'on n'y trouve pas.
Nous souhaitons discuter de certaines dispositions que le projet de loi contient, mais nous voulons aussi demander au comité d'envisager certains amendements afin d'y ajouter d'autres mesures. Grâce à ce projet de loi, le gouvernement du Canada pourrait jouer un rôle de chef de file mondial pour ce qui est d'améliorer la protection des consommateurs à l'intention de ceux de ses citoyens qui voyagent par avion. Nous aimerions que le gouvernement corrige quelques problèmes fondamentaux.
Pour commencer, nous souhaitons qu'on applique aux transporteurs aériens des critères financiers plus rigoureux, en plus d'exiger qu'ils publient de l'information sur leurs services de transport aérien et leur rendement financier. On a déjà mentionné la question de la publicité par les lignes aériennes. Dans les trois principales provinces, les prix des services sont déjà publiés. Nous préconisons la publication des coûts totaux, y compris de tous les frais supplémentaires, à l'exception des taxes de vente provinciale et de la TPS. Le dernier problème est celui du maintien du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien.
Je vais passer en revue ce qui nous dérange le plus du côté des transporteurs aériens, c'est-à-dire les critères financiers. Ma collègue Christiane Théberge vous expliquera nos préoccupations en ce qui a trait à la transparence dans la publicité et au maintien du commissaire.
Nous nous soucions premièrement des difficultés financières de tout le secteur du transport aérien. Il y a de nos jours dans le monde de nombreuses sociétés de transport aérien qui manquent de capitaux et n'arrivent pas à réaliser des bénéfices. Cette situation est due à un certain nombre de facteurs, dont la mauvaise gestion, une capacité excédentaire, le coût du carburant et les frais généraux toujours croissants que les sociétés aériennes doivent payer et qu'elles refilent à leurs clients.
Au Canada, cependant, le secteur du transport aérien est actuellement stable. Les fournisseurs de vols réguliers et de vols nolisés canadiens sont des entreprises bien gérées et rentables. Mais la situation était différente il y a quelques années. Deux grands transporteurs ont fait faillite au Canada, Canada 3000 et Jetsgo. Ces deux sociétés offraient un mélange de vols réguliers et de vols nolisés.
En ce qui avait trait à leurs vols réguliers, ni l'une ni l'autre de ces sociétés aériennes n'était assujettie à une surveillance du gouvernement quant à ses finances. Nous savons que le gouvernement canadien ne fait pas affaire dans le domaine du transport aérien et qu'il est un grand défenseur de la libre entreprise, ce avec quoi nous sommes d'accord, mais il a néanmoins la tâche de décider ce que les transporteurs aériens sont autorisés à faire. Au Canada, le secteur des vols réguliers n'est pas assujetti à des exigences financières permanentes. On n'exige pas d'eux qu'ils conservent un certain fonds de roulement ni qu'ils placent en fiducie les paiements faits à l'avance par leurs clients.
Prenons l'exemple de Canada 3000, qui a fait faillite en novembre 2001, et de Jetsgo, qui en a fait autant en mars l'an dernier. Ces deux transporteurs étaient autorisés à vendre des sièges à l'avance afin d'obtenir l'argent dont ils avaient besoin pour payer leurs dépenses de fonctionnement. Cela se faisait au détriment des consommateurs. Lorsque ces sociétés aériennes se sont finalement retrouvées sans le sou, ce sont les consommateurs innocents qui en ont fait les frais. Des milliers de consommateurs se sont ainsi retrouvés soit coincés à l'étranger, soit privés des services de transport qu'ils avaient déjà payés.
Qui est venu à la rescousse? Ce n'est pas le gouvernement fédéral et ce ne sont certes pas ces sociétés aériennes en faillite. Les voyageurs les plus chanceux ont été indemnisés par des fonds d'indemnisation provinciaux, par des sociétés d'assurances ou par un remboursement par leur société de carte de crédit. La plupart n'ont toutefois rien reçu du tout.
Contrairement à la protection des consommateurs offerte par les provinces contre les faillites d'agences de voyage, il n'existe pas de fonds fédéral d'indemnisation pour rembourser les consommateurs. Et nous comprenons tous pourquoi les sociétés aériennes plus prospères comme Air Canada et WestJet s'opposeraient à la création d'un tel fonds d'indemnisation. Il existe toutefois un autre recours, qu'il faudrait sérieusement envisager, car il pourrait contribuer grandement à alléger les difficultés financières des sociétés aériennes.
Il est maintenant temps d'augmenter les exigences d'entrée, d'imposer des exigences continues, entre autres la preuve d'un fonds de roulement minimum et le placement en fidéicommis de l'argent que les consommateurs ont payé à l'avance jusqu'à ce que les services aient été fournis. Ces exigences contribueraient grandement à améliorer la santé financière de notre secteur. Pourquoi maintenant? Parce que le secteur du transport aérien canadien se porte bien financièrement et qu'il ne lui serait pas difficile de satisfaire à des exigences financières minimales. Ces mesures bénéficieraient également aux transporteurs existants, car les nouvelles entreprises ne seraient plus en mesure d'agir comme par le passé, de diluer le marché, de mettre les consommateurs en péril, en plus de rabaisser le niveau de tout le secteur.
À notre avis, ces dispositions financières et la capacité du ministre de prendre des règlements pour que soit créé un fonds national d'indemnisation devraient être bien inscrites dans la loi. Si je parle de la capacité de prendre des règlements à l'égard d'un fonds d'indemnisation, c'est que l'avenir pourrait nous réserver des surprises.
Voilà pour les principales questions d'ordre financier. Je vais maintenant demander à ma collègue, Christiane Théberge, de conclure en nous parlant de la publicité et du commissaire aux plaintes.
:
La deuxième préoccupation dont nous aimerions vous faire part concerne la transparence dans la publicité sur les tarifs aériens. Nous étions ici plus tôt et nous en avons beaucoup entendu parler. Nous considérons que les présentes modifications au projet de loi ne font qu'accorder au ministre le pouvoir de proposer une réglementation à l'avenir. La coalition ne croit pas que les compagnies aériennes vont d'elles-mêmes changer leurs pratiques de publicité. Au contraire, tout nous indique qu'elles tendent de plus en plus à morceler les tarifs et à annoncer des tarifs d'aller simple, alors que ceux-ci ne sont pas disponibles. Nous avons connu des cas où le prix payé par le consommateur une fois la transaction terminée était de 25 p. 100, 50 p. 100 ou même 90 p. 100 supérieur à celui annoncé au départ par la compagnie aérienne.
Par le passé, l'industrie aérienne s'est engagée à agir, mais n'a jamais livré la marchandise. C'est pourquoi nous sommes fort sceptiques face aux arguments avancés par les compagnies aériennes, à savoir que cette industrie peut se réglementer elle-même lorsqu'il s'agit des intérêts des consommateurs. Malgré une série de faux départs et de nombreuses années de discussion avec cette industrie, cette dernière n'a jamais bougé volontairement face à ces enjeux.
Nous croyons que l'obligation de divulgation complète, avec détails, devrait être fermement ancrée dans la loi et s'appliquer à toutes les compagnies aériennes qui annoncent au Canada. Après tout, les transporteurs aériens qui dispensent leurs services aux États-Unis sont déjà soumis à de telles exigences. Il y a en effet une loi américaine qui oblige les compagnies aériennes à annoncer les pleins tarifs. Elle stipule que toute annonce ou sollicitation par un transporteur ou par l'un de ses intermédiaires ou agents sera considérée comme une pratique injuste ou trompeuse, à moins que le prix indiqué soit le prix entier que devra payer le client au transporteur aérien ou à l'agent. Dans des interprétations ultérieures de cette exigence, le U.S. Department of Transportation a émis des avis en vue de clarifier que l'intention de cette règle était de s'assurer que les gens étaient adéquatement informés sur le tarif, de sorte qu'ils puissent prendre une décision éclairée concernant l'achat de leur billet d'avion.
Il est intéressant de noter que tout récemment, le U.S. Department of Transportation a refusé de modifier cette loi, qui est en vigueur depuis 21 ans. Il a allégué que la pratique en cours protégeait les consommateurs en les aidant à comparer les prix. Il a ajouté qu'à son avis, cette loi permettait une saine concurrence au sein de l'industrie tout en laissant aux compagnies aériennes la liberté d'innover.
Comme les compagnies aériennes du Canada ne sont soumises à aucune réglementation provinciale, elles ne font que perpétuer une situation où le consommateur est sujet au « choc de l'étiquette » lorsqu'il voit la facture finale. Vous en avez parlé précédemment. Comme l'a mentionné plus tôt Michael Pepper, plusieurs juridictions provinciales, dont le Québec et l'Ontario, obligent déjà les agences de voyages et les grossistes à appliquer une totale transparence à leurs publicités, transparence à laquelle les compagnies aériennes ne sont pas soumises, je le répète. L'Ontario demande en effet que le prix annoncé indique clairement et de façon évidente au consommateur tous les frais supplémentaires, à l'exception des taxes de vente provinciales et de la taxe sur les produits et services du Canada. Il en va de même au Québec.
Il est important, quand on parle de saine concurrence au sein de l'industrie, de se rappeler que la situation présente donne un avantage indu aux compagnies aériennes et que cela se fait au détriment des agences de voyages et des grossistes, qui sont, dans bien des cas, de petites et moyennes entreprises. En effet, on crée un environnement de concurrence injuste aux dépens de ces agences de voyages, de ces grossistes et, en fin de compte, des consommateurs.
Pour toutes ces raisons, notre coalition croit que la transparence dans la publicité sur les tarifs aériens doit être ancrée dans la loi. Elle ne doit pas être laissée au bon vouloir ainsi qu'à l'éventuelle discrétion du ministre et de l'Office des transports.
Un autre enjeu concerne le commissaire aux plaintes. Les membres de notre coalition ont unanimement appuyé le rôle du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien lorsqu'on a créé ce poste. Même si nous croyons que le commissaire aux plaintes était handicapé par un manque de pouvoir réel d’agir, le fait que le consommateur avait un répondant bien identifié et visible à qui il pouvait adresser ses plaintes et que le commissaire avait l’obligation de publier un rapport annuel public apportait un élément de transparence au système, élément que l’on ne retrouve plus avec l’Office des transports du Canada. Bien que nous soyons confiants que l'office puisse remplir adéquatement cette fonction, nous sommes préoccupés par la disparition de l'aspect visibilité publique, soit par ce qu'on a appelé tout à l'heure « l'embarrassement » qu'un tel rapport annuel pouvait créer. Toutefois, nous croyons que cet équilibre est important pour le consommateur: cela revient à lui donner un certain pouvoir, finalement.
Pour toutes ces raisons, nous sommes prêts à donner la chance au coureur et à cette nouvelle approche pour le traitement des plaintes. Toutefois, nous nous attendons à ce que l'Office des transports du Canada agisse de façon proactive et s'assure que les plaintes des consommateurs soient traitées correctement et rapidement, et que son rôle soit bien connu par les consommateurs, afin que ceux-ci puissent savoir à qui faire part de leurs plaintes.
En conclusion, nous reconnaissons que le projet de loi aborde plusieurs enjeux importants liés au transport. Nous croyons qu'il est dans l'intérêt du public que ces préoccupations qui touchent le consommateur de produits aériens — les préoccupations dont nous avons parlé — soient entendues et discutées. Conformément aux recommandations et aux modifications que nous proposons au projet de loi , nous croyons que le gouvernement fédéral devrait rehausser la confiance du consommateur par des exigences transparentes, mesurables et semblables partout au pays, tout en assurant une saine concurrence au sein d'un marché aérien stable, une industrie aérienne stable. Nous avons tous vu que les statistiques de nos principaux transporteurs aériens sont en hausse mois après mois. Il s'agit donc d'une industrie stable, à l'heure actuelle.
Nous vous remercions de nous avoir entendus.
:
Monsieur Blaney, j'aimerais revenir sur la question des fonds d'indemnisation pour vous apporter quelques éclaircissements.
En Ontario, en tout cas, les fonds d'indemnisation ont été instaurés pour protéger les consommateurs dans l'éventualité de la faillite d'une agence de voyages. C'est la raison d'être de ces fonds.
En Ontario, tout comme au Québec et en Colombie-Britannique, les agents de voyages doivent contribuer une partie de l'argent des consommateurs à ces fonds. Cet argent ne peut être utilisé que pour financer les services de voyage qui devaient ainsi être financés.
En Ontario, il a fallu que ces fonds couvrent la faillite des compagnies aériennes parce qu'il n'existe aucun fonds d'indemnisation en cas de faillite de compagnies aériennes au niveau fédéral. À l'époque de la faillite de Canada 3000, nous avons fait face à des difficultés, parce qu'en vertu de la loi ontarienne, les récipiendaires de l'argent sont tenus, ensemble et individuellement, de rembourser le consommateur en cas de faillite du fournisseur final. C'est ainsi que nous avons décidé d'indemniser les consommateurs dans le cas de faillites de compagnies aériennes. Ce que nous avons fait dans le cas de Canada 3000.
Ainsi, ni Canada 3000 ni Jetsgo n'ont contribué au fonds d'indemnisation provincial, ce qui est injuste. Pourquoi les agences de voyages devraient-elles assumer la faillite des compagnies aériennes? C'est à ce niveau-là que le bât blesse.
Dans notre mémoire, nous prenons des critères beaucoup plus stricts au niveau fédéral pour gérer le lancement de nouvelles compagnies aériennes, surtout en ce qui concerne les fonds de roulement et les utilisations acceptables des paiements anticipés des consommateurs. Ainsi, on ne verrait plus de faillites comme celles de Canada 3000 et de Jetsgo. Ces compagnies n'étaient pas tenues de contribuer à quelque fonds que ce soit et pourtant elles ont pu se servir pour assumer leurs frais d'exploitation.
Je voulais que ce que nous demandons soit clair: des critères financiers resserrés et, éventuellement, des règlements gérant le fonds d'indemnisation.