Je vais d'abord vous faire lecture de mon mémoire écrit. Cela donne un peu plus de sept minutes, mais je vais en sauter certains passages.
Je veux remercier le sous-comité directeur qui m'a permis de comparaître devant vous aujourd'hui pour exprimer mon point de vue. Je tiens à préciser que je comparais de mon propre chef en qualité de citoyen et non d'inspecteur, de capitaine, de détenteur d'un doctorat ou de tout autre titre que nous présentons parfois pour faciliter les relations.
J'aimerais aussi faire savoir que selon moi, la sécurité doit primer sur tout le reste, incluant le profit. Je peux affirmer sans équivoque que je suis en faveur de concepts comme celui des SGS.
Mon bagage est le suivant: plus de 40 ans d'expérience de travail, dont 30 dans l'aviation; quatre diplômes universitaires, dont un en génie aéronautique et un doctorat en mathématiques appliquées; quelque 10 000 heures de vol, toutes effectuées à des fins civiles; y compris le transport de deux premiers ministres et de nombreux premiers dirigeants de quelques-unes des plus grandes sociétés canadiennes. Au cours de ma carrière dans l'aviation, j'ai exercé des fonctions très diverses dont notamment celles d'officier de la sécurité des vols et d'agent de santé et de sécurité au travail pour différentes compagnies. J'ai suivi, il y a plusieurs années, une formation sur la sécurité des systèmes à l'Université Southern California à San Diego et, tout récemment, celle sur les SGS donnée par ACTC.
Le concept de SGS n'est pas nouveau; il a évolué sous diverses formes au fil des années. Le programme de à bien des égards. Il est assurément préférable au sein d'une organisation de voir à ce que la sécurité soit l'affaire de tous, plutôt que d'en confier la responsabilité à une seule personne comme moi, par exemple, dotée d'un personnel minimum, comme l'ont fait bon nombre d'exploitants aériens par le passé.
Il vaut certes mieux d'obliger une organisation à adopter une culture fondée sur la sécurité de préférence à tout autre mode de fonctionnement. Le concept de sécurité peut toutefois avoir des significations différentes, comme une croyance religieuse à laquelle on peut adhérer ou non. J'entends pas là qu'on peut juger possible d'exploiter une entreprise en toute sécurité en suivant les règles et en faisant le travail de façon efficiente, ou penser que les règles prescrites sont de simples recommandations et que la seule chose qui importe est le bénéfice. Bien sûr, la sécurité coûte cher, mais beaucoup trop de compagnies d'aviation croient que les règles sont de simples lignes directrices et qu'il n'y a rien de mal à les contourner au maximum et même à les enfreindre, en autant qu'aucun problème ne survienne ou qu'on ne se fasse pas prendre.
J'en viens à l'objet de mon exposé d'aujourd'hui qui vise à faire ressortir les lacunes qu'il convient de corriger, à mon sens, pour que les SGS donnent de bons résultats. Et j'aimerais vraiment que ces systèmes fonctionnent.
Les pilotes ont besoin d'une association professionnelle nationale, autonome et autoréglementée à laquelle tous les pilotes professionnels — c'est-à-dire ceux qui volent contre paiement ou rémunération — devront adhérer. En raison des changements que connaît actuellement le secteur de l'aviation, à la suite de l'implantation des SGS, une forme d'autonomie administrative et d'autoréglementation pour les exploitants aériens est nécessaire afin de permettre aux pilotes de faire contrepoids aux dirigeants des compagnies, aux organismes gouvernementaux de réglementation et aux clients dans le processus de négociation dynamique qui détermine l'environnement de l'industrie. Ils en ont besoin pour véritablement assurer la protection des dénonciateurs puisqu'ils seront les seuls usagers des systèmes à être au courant des évolutions à venir. Ils en ont besoin pour établir les normes en matière de formation technique pour les divers types d'emplois dans l'aviation, depuis pilote professionnel de premier échelon jusqu'à commandant de bord d'aéronefs à haute performance destinés au transport de passagers. Ils en ont besoin pour s'assurer de recevoir une formation continue adéquate et travailler en toute confiance, avec les compétences requises, tout au long de leur cheminement de carrière. Ils recevront une formation en éthique qui comportera un examen.
Lorsque j'ai rédigé la première version de ce document, je n'ai traité que de la situation des pilotes, mais j'aimerais aborder celle des ingénieurs d'entretien qualifiés et des répartiteurs brevetés. Pour mémoire, je signale que j'ai envoyé à deux reprises au système de signalement des questions de l'ACTC un document exposant mes vues, et transmis par la suite un document de discussion à mon directeur actuel ainsi qu'à l'association dont je fais partie. J'ai donc essayé d'établir le communication avec différentes instances.
Ce qui manque aux SGS, c'est un système de freins et de contrepoids. On peut accorder l'autonomie et le droit d'autoréglementation à un exploitant aérien ainsi qu'à la direction et aux propriétaires d'une société, mais c'est une erreur de ne pas les accorder également aux pilotes brevetés, aux ingénieurs d'entretien et aux répartiteurs qui font le travail. Ainsi, une compagnie ne peut pas mener ses activités sans employer des pilotes brevetés. Ces pilotes ont besoin d'une association professionnelle autonome et autoréglementée qui les protégera d'un employeur peu scrupuleux dans les occasions où, à leur avis, il convient de dénoncer les violations à la sécurité commises par l'entreprise. Nous avons connu des cas semblables dans le passé, dont un récemment à Toronto. Cette association doit être celle qui leur délivre les licences et non celle qui régit les activités.
D'autres professions ont des associations d'autoréglementation qui influencent l'environnement de travail de leurs membres, établissent les normes régissant l'admission des nouveaux venus dans la profession et continuent par la suite de juger de leurs compétences professionnelles. Ces associations professionnelles interviennent également dans l'intérêt de leurs membres, ou du grand public, en cas de problèmes relatifs à la sécurité ou à la protection. Les ingénieurs, les médecins et les avocats ont de telles associations d'autoréglementation, tout comme certaines autres professions.
Quiconque souhaite pratiquer l'une de ces professions doit satisfaire aux normes fixées par l'association et être membre en règle. Ces associations prennent également des mesures disciplinaires à l'égard des membres qui n'ont pas respecté les obligations et responsabilités rattachées à leur profession. Personne ne jouit de traitements de faveur.
Pour ce qui est des intérêts communs, la plupart des pilotes professionnels, c'est-à-dire ceux qui utilisent leur licence de vol contre paiement ou rémunération, ne peuvent faire partie d'aucune association. Je ne connais que trois grandes associations de pilotes au Canada: l'Association des pilotes fédéraux du Canada qui compte dans ses rangs les pilotes employés par le ministère fédéral des Transports, dont je fais partie; l'Association des pilotes de ligne, Canada (ALPA, Canada) dont font partie les pilotes des diverses compagnies aériennes régionales; et l'Association des pilotes d'Air Canada (APAC) pour un grand total d'environ 4 000 pilotes.
Selon les derniers chiffres dont j'ai pris connaissance, plus de 19 000 licences d'aviation, pour pilotes de l'aviation commerciale et pilotes de ligne, sont en vigueur au Canada, ce qui permet à leurs détenteurs d'offrir leurs services à titre de pilotes professionnels. La grande majorité des pilotes professionnels canadiens qui travaillent comme instructeurs de vol, pilotes de brousse, pilotes de vols nolisés, pilotes de société, pilotes d'avions agricoles, pilotes d'ambulances aériennes ou tout autre type d'emploi relié à l'aviation, ne font partie d'aucune association professionnelle.
Je pourrais vous en parler pendant encore longtemps; je dispose toutefois de très peu de temps.
Pour les pilotes qui sont membres d'une association professionnelle, en ce qui concerne la loi... Si vous lisez cette section qui porte sur la formation, vous comprendrez beaucoup mieux les bases de mon intervention étant donné qu'il s'agit là d'un élément clé. Je vais passer directement à la section intitulée « Autres fonctions », quelques pages plus loin. En prenant connaissance de cette section, vous saisirez mieux le sens de mon prochain commentaire.
Je me suis attardé longuement à l'importance de confier la responsabilité des connaissances et de l'octroi des licences à l'Association des pilotes professionnels proposée, car je crois que ces éléments forment la base sur laquelle doit se fonder toute prétention au professionnalisme. C'est absolument essentiel. Outre les exigences en matière de compétences et de licences, l'Association des pilotes professionnels serait aussi responsable de représenter les pilotes et de leur fournir l'aide d'un spécialiste — lors des enquêtes sur les accidents, par exemple. Elle devrait encourager, voire parrainer les recherches sur la conception des cellules, des moteurs et des systèmes, et sur les aspects de la gestion des ressources humaines et des relations interpersonnelles, ce que nous appelons aujourd'hui les facteurs humains, qui se rapportent à l'aviation.
De plus, elle aura l'importante fonction de présenter le point de vue collectif des pilotes sur les modifications législatives proposées dans le cadre du processus de consultation auprès des propriétaires et des exploitants de l'industrie. La gestion d'une entreprise est évaluée en fonction des profits réalisés au cours de l'année. Bien que les pilotes ne soient aucunement indifférents aux questions d'argent, ils sont quand même conscients qu'un salaire élevé n'a plus aucune importance lorsqu'on est le premier à arriver sur la scène d'un accident.
L'adhésion à l'Association des pilotes professionnels doit être obligatoire pour tous les pilotes qui volent contre paiement ou rémunération, tout comme les ingénieurs professionnels doivent appartenir à leur association professionnelle provinciale s'ils sont payés pour les services qu'ils rendent à titre d'ingénieur. Une telle adhésion professionnelle doit être une exigence réglementaire légale sans exemptions ni exceptions possibles. L'adhésion à une association professionnelle sur une base volontaire ne serait pas suffisante.
En conclusion, pour réaliser les changements que j'ai proposés, il faudra de l'organisation, de l'expérience auprès du gouvernement et une connaissance approfondie de l'industrie de l'aviation. Les associations de pilotes existantes pourraient servir de noyau autour duquel une association professionnelle telle que je viens de la décrire pourrait se former.
Une association professionnelle doit également jouir d'un statut juridique. Il convient d'adopter une loi fédérale pour les pilotes professionnels, ou de prendre toute mesure équivalente permettant de donner une existence légale à l'association et de lui conférer tous les pouvoirs nécessaires.
En outre, une telle habilitation par le gouvernement fédéral permettrait de satisfaire à nos obligations découlant de la Convention relative à l'aviation civile internationale. Il nous faudra travailler sans relâche et faire preuve d'une volonté indéfectible pour satisfaire aux autres exigences à remplir.
Je vous remercie de m'avoir écouté.
Je suis maintenant prêt à répondre à toutes vos questions.
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Je tiens à remercier le comité de m'avoir fourni cette occasion de pouvoir enfin parler d'un sujet que je connais bien.
Permettez-moi d'abord de vous faire part de mon expérience de l'aviation. J'ai fait carrière pendant 30 ans dans le domaine de la navigation aérienne. Je compte 9 000 heures de vol, la plupart à bord d'appareils Twin Otter équipés soit de roues, de flotteurs ou de skis. J'ai volé pour des petites compagnies aériennes et des sociétés dans l'Arctique, dans l'Antarctique, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. J'étais basé aux Maldives lorsque la Division de l'application des règlements de Transports Canada (TC), à Ottawa, m'a embauché en mai 1998.
Les premiers temps que j'étais à TC, je présentais l'introduction du cours élémentaire d'application de la loi en aviation que tous les inspecteurs sont tenus de suivre avant de se voir déléguer des pouvoirs par le ministre. J'abordais alors, entre autres sujets, le rapport de la Commission d'enquête sur la sécurité aérienne, le rapport Dubin; le rapport de la Commission d'enquête sur l'écrasement aérien survenu à Dryden, en Ontario, le rapport Moshansky; et l'affaire Swanson c. Canada, Arctic Wings and Rotors. Les gestionnaires n'étaient pas obligés de suivre cette formation, même s'ils détenaient des pouvoirs délégués.
J'ai vite constaté que l'information que je communiquais aux participants ne correspondait pas à la réalité ou aux attentes des inspecteurs dans l'exercice de leurs pouvoirs délégués. J'avais l'impression que la direction voulait surtout se décharger des tâches d'exécution des règlements et des obligations associées à cette responsabilité. Nous ne mettions pas nos paroles en pratique.
Je me suis fait muter à la Division de la sécurité des systèmes, où une de mes tâches consistait à vendre le système de gestion de la sécurité (SGS) aux régions, qui s'y sont opposées. Je devais aussi faire une étude et présenter un rapport sur les écrasements d'avion. Je me suis joint à un groupe de travail appelé TRINAT. Il s'agissait d'un projet de la Direction de l'aviation internationale de TC. Le groupe était composé de représentants du Canada, des États-Unis et du Mexique. On nous a chargés d'analyser 276 écrasements pour en établir les causes profondes.
Tous ces écrasements mettaient en cause des appareils de 10 à 200 places. Les écrasements se répartissaient comme suit: 20 pour le Canada, sept pour le Mexique et le reste pour les États-Unis.
Le manque de surveillance réglementaire aurait été à l'origine de 25 p. 100 des 20 écrasements canadiens. Cette information ne venait toutefois pas de nous; elle était tirée des rapports du Bureau de la sécurité des transports (BST). Je ne sais pas ce qu'il est advenu de l'étude du TRINAT après mon départ de TC.
L'écrasement survenu à Davis Inlet le 19 mars 1999 (dossier no A99A0036 du BST) était au nombre des accidents examinés par le groupe. L'écrasement en soi, l'insuffisance de l'enquête et le camouflage auquel elle a donné lieu sont révélateurs du malaise qui s'était répandu à Transports Canada.
En creusant un peu plus ce dossier, je me suis aperçu que le pilote comptait déjà quatre écrasements à son actif et qu'il avait fait l'objet de nombreuses amendes, suspensions et mises en garde. Voici quelques observations apparaissant dans son dossier disciplinaire:
Mars 1991:
Le pilote a suffisamment de manquements aux règlements en attente d'une décision. Aucune autre mesure nécessaire. Il n'est pas dans l'intérêt public de consacrer plus de temps à ce manquement présumé.
Mai 1991:
Monsieur XX a la mauvaise habitude de faire fi des procédures de vol aux instruments et je m'attends à ce que les amendes qui lui ont été imposées lui fassent entendre raison.
On parlais ici d'une amende de 250 $, soit dit en passant.
Juin 1991:
Monsieur XX va probablement récidiver.
Août 1991:
Un mépris flagrant des règles et procédures établis a causé un accident qui aurait pu faire des morts.
Avril 1993:
Les sanctions qui lui ont été imposées dans le passé n'ont pas changé la façon de fonctionner de cette personne, et je ne crois pas qu'elles le fassent un jour. Nous allons réentendre parler de ce monsieur.
Après le dernier écrasement impliquant ce pilote, le 19 mars 1999, l'écrasement au cours duquel son copilote a perdu la vie, il n'y a pas eu d'enquête concernant l'application des règlements, tel que l'exigent TC et l'OACI. Le rapport préliminaire confidentiel du BST faisait mention du dossier de vol du pilote, mais pas le rapport final. Le pilote ne s'est fait suspendre son permis que trois ans plus tard.
À la suite de cet écrasement, le BST a émis la recommandation A-01-01 voulant que:
Le ministère des Transports entreprenne une révision de sa méthodologie, de ses ressources et de ses pratiques relatives à la surveillance de la sécurité, surtout quand il s'agit de petites compagnies aériennes ou de compagnies aériennes qui exploitent des appareils dans des régions éloignées afin de s'assurer que les exploitants et les membres d'équipage respectent en tout temps les règlements de sécurité.
Il s'agissait de la recommandation la plus importante depuis la Commission Moshansky.
Le 13 juillet 2001, le ministre des Transports de l'époque, David Collenette, déclarait, dans un communiqué de presse:
Avant la recommandation du BST, Transports Canada avait entrepris une étude devant se dérouler en plusieurs étapes et portant sur les méthodes, les ressources et les pratiques de supervision de la sécurité, dans le but de s'assurer que les exploitants aériens et leurs équipages respectent en tout temps les règlements de sécurité.
Il poursuivait comme suit:
Par souci d'amélioration constante de la sécurité dans le secteur des avions-taxis, Transports Canada réagira aux conclusions de cette étude.
Cette étude est connue sous le nom de « rapport DMR ». La version originale du rapport était parfaitement incompréhensible; il a fallu la retravailler et publier une autre version (DMR 2). Le coût total de l'exercice s'est élevé à 750 000 $. La version finale du rapport, datée du 10 septembre 2001, devait être présentée le lendemain à Victoria — soit le 11 septembre. Pour des raisons évidentes, elle s'est retrouvée sur les tablettes.
Quand j'ai voulu obtenir une copie du rapport qui avait déjà été livré au Conseil privé pour satisfaire aux exigences, je me suis heurté à toutes sortes d'obstacles. Un gestionnaire de l'administration centrale m'a écrit pour me dire que le document ne valait rien et qu'on ne voulait pas qu'on s'y reporte.
Après avoir finalement mis la main sur une partie du rapport, je n'y ai trouvé aucune mention des régions éloignées. Plus je poussais mes recherches pour trouver la partie manquante du rapport, plus je me sentais isolé, au point où on a commencé à douter de ma santé mentale. On m'a envoyé passé une évaluation psychiatrique à Santé Canada. Après neuf mois de congé non rémunéré, j'ai remis ma démission à Transports Canada.
L'étude sur l'accident survenu à Davis Inlet démontre bien ce qui afflige le programme de réglementation. Comme je l'ai déjà indiqué, l'écrasement en soi, l'insuffisance de l'enquête et le camouflage auquel elle a donné lieu sont révélateurs du malaise qui s'était répandu à Transports Canada. On ne laisse pas les inspecteurs faire leur travail. TC savait que le pilote allait récidiver. On a rien fait et quelqu'un a perdu la vie.
À mon avis, et je cite ici la décision Swanson:
Les fonctionnaires de Transports Canada ont agi avec négligence dans l'exercice de leurs tâches; ils n'ont pas respecté les normes raisonnables d'inspection de la sécurité et d'application des règles en la matière que des personnes dans leur situation sont tenues de respecter.
Voir Swanson c. Canada.
Je pense que le SGS peut être utile, mais pour fonctionner il a besoin de moyens d'exécution solides. Les rapports obligatoires que l'on tient confidentiels me mettent hors de moi.
Je peux appuyer à l'aide de documents tout ce que j'avance ici.
Monsieur Danford et Monsieur Carson, je vous remercie d'avoir accepté de comparaître devant nous, même si nous en sommes à la fin de nos audiences sur le sujet.
J'ai trouvé vos exposés intéressants à différents égards. Comme j'en avais fait la lecture avant la réunion, vous avez peut-être eu la fausse impression que je ne portais pas vraiment attention à vos déclarations. Ne craignez pas de rectifier le tir si j'ai mal compris ou mal interprété vos propos.
Je crois que vous avez traité tous les deux de la question du niveau supérieur de sécurité établi par le ministre, ou du niveau acceptable de sécurité pour le ministre. Je me demande si vous pourriez prendre un moment pour établir la distinction entre les deux.
Selon ce que j'ai pu comprendre de vos deux mémoires, vous parliez en fait d'une question de responsabilité. Par le truchement du SGS proposé, sans modification, le ministre ou Transports Canada transférerait à l'industrie la tâche d'établir les niveaux de sécurité requis et d'assumer les responsabilités inhérentes. Dans l'un des cas, on indique que le ministre demeure responsable de tous les niveaux de sécurité, avec l'obligation — il s'agit d'une obligation présumée — d'apporter des améliorations constantes.
Ce qui est acceptable aujourd'hui correspondrait donc à la norme la plus élevée actuellement applicable, mais pas nécessairement pour l'avenir. Il faut absolument que les normes acceptables pour le futur soient supérieures.
Auriez-vous l'obligeance d'établir cette distinction à mon intention?
Comme je l'ai mentionné, quand j'en ai eu assez de piloter de par le monde et de voir des endroits que je ne tenais plus à revoir, je suis allé travailler pour une compagnie qui n'effectuait des vols qu'au Canada.
Je suis tout à fait d'accord avec le représentant de l'OACI. Nous devons apporter des améliorations au système. Nous ne pouvons pas baisser la garde. Si c'est l'approche que nous choisissons d'adopter, alors je suis contre. Nous devons maintenir un certain niveau d'inspection.
J'ai un ami avec qui je pilotais, chez Bell. Il est devenu directeur des opérations aériennes pour une autre entreprise, à Toronto. Il m'a dit, un jour, en riant, que... eh bien, quand nous pilotions, nous avions l'habitude de travailler d'une certaine façon. Il a dit, « Eh bien, les choses que nous faisions à l'époque, Paul, nous n'aurons plus à les faire. » J'ai répondu, « Je l'espère bien. J'ose croire que ce que tu proposes ne passera pas. » C'était une personne que je respectais beaucoup.
Nous ne pouvons pas nous permettre de baisser la garde, car notre espace aérien est sécuritaire. Il l'est. Nous devons travailler fort pour qu'il le reste, et le SGS va nous aider à atteindre cet objectif. Toutefois, il faut prendre garde à la façon dont il va être mis en oeuvre.
J'espère avoir répondu à votre question sans...
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Pour répondre à votre question, oui. Je pense qu'après toutes ces années — et nous pilotons des avions depuis l'essai de Kitty Hawk, il y a plus de 100 ans de cela —, le fait d'être un pilote professionnel... Nous utilisons l'expression « pilote professionnel ». C'est comme cela que nous nous définissons, mais sommes-nous des professionnels au même titre que le sont ceux qui exercent d'autres professions? La réponse est non.
Vous êtes vous-même un ingénieur. Vous savez que le document reçu à la fin de vos études n'était qu'un diplôme, que pour pratiquer votre métier, vous deviez d'abord être reconnu comme ingénieur professionnel. Or, la profession d'ingénieur est autoréglementée et autonome. Elle est régie par les lois provinciales. Des vérifications sont effectuées par le Conseil canadien des ingénieurs. Les écoles d'ingénieurs au Canada sont évaluées tous les trois ans.
Cette façon de faire permet aux personnes qui exercent la profession d'évaluer leurs collègues. Si vous êtes ingénieur depuis 20 ou 30 ans, vous allez, à un moment donné, évaluer ceux qui suivent dans vos traces.
À mon avis, il est temps que le secteur de l'aviation, dans une certaine mesure, se modernise.
Je me suis retrouvé, un jour, devant un répartiteur. J'étais accompagné d'un directeur des opérations aériennes. L'industrie existait depuis environ 80 ans. Je me suis tourné vers le directeur et je lui ai dit, « Ne pensez-vous pas qu'après tout ce temps, nos techniques devraient être un peu plus avancées?» Nous étions en train de discuter des opérations aériennes pendant la période hivernale.
Si nous avions une association autoréglementée et autonome pour les pilotes brevetés, la situation dans 10 ans, si nous agissions dès maintenant, serait bien différente de ce qu'elle est aujourd'hui. Vous n'auriez pas à consulter des gens comme moi. Ce ne serait pas nécessaire. C'est ce que je souhaite.
Je tiens à préciser que les professions autoréglementées et autonomes ne constituent pas la solution à tous les problèmes. Toutefois, quand je jette un coup d'oeil à la façon dont nous faisons les choses dans un pays démocratique comme le Canada, je me dis que cette approche est la meilleure. C'est alors que le mot « professionnel » dans l'expression « pilote professionnel » prendra tout son sens.
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Je suis du même avis, sauf que j'ai été obligé d'avoir le même genre de discussion avec les membres de ma propre association, car je voulais obtenir leur appui. Après m'avoir écouté, ils m'ont dit, « Oui, mais pas maintenant. » Si ce n'est pas maintenant, alors quand?
Ce que vous dites est vrai: il n'existe pas d'association professionnelle. Il y a, par contre, plusieurs associations commerciales. Si nous comptons utiliser un système comme le SGS, il sera peut-être nécessaire, un jour, de mettre sur pied le genre d'association que je préconise pour les pilotes brevetés qui font le travail. Or, il faut s'y mettre dès maintenant, sinon, rien ne sera fait.
Il y a des gens au ministère des Transports qui comprennent très bien ce à quoi je fais allusion. Je sais qu'il y a un groupe aux États-Unis qui partage les mêmes idées pour ce qui est de l'association professionnelle. C'est une solution parmi d'autres.
Je crois que le collège Seneca offre un programme pour les pilotes et les techniciens d'entretien d'aéronefs. Il mène à l'obtention d'un brevet de base, offre une formation de base en maintenance. Le collège, si je m'abuse, vient tout juste d'obtenir le pouvoir de décerner des diplômes.
C'est un début. Il faut toutefois faire plus. Il faut que quelqu'un dise, « Nous devons aller de l'avant. Le processus risque d'être long. Oui, nous avons des problèmes à régler aujourd'hui, mais qu'en est-il de demain? » C'est l'avenir qui est au coeur du débat. J'espère laisser quelque chose à ceux qui vont me suivre.
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Monsieur le président, je n'ai pas l'habitude de faire les choses lentement, mais j'ai été frappé par les témoignages percutants de nos deux invités. Je dois dire — je ne sais pas si les autres ont la même réaction — que cela change ma vision des choses. Leurs propos jettent un éclairage nouveau sur la question.
Accordez-moi 30 secondes, s'il vous plaît.
Les derniers échanges ont surtout porté sur le professionnalisme des pilotes et la mise sur pied d'une association professionnelle autoréglementée. J'ai une certaine expérience dans ce domaine, et je ne suis pas sûr que c'était-là le but de nos discussions, car, à mon avis, le SGS ne se limite pas à la question de savoir si les pilotes sont compétents ou non. Toutefois, pour revenir au point qui a été soulevé par les deux témoins, si je dis que leur témoignage était percutant, c'est parce que le fait d'avoir deux personnes qui accusent le ministère de « mentir » au sujet de ce projet de loi doit constituer une source de préoccupation pour les gens, non pas parce que quelqu'un fait un commentaire de ce genre à tout hasard, mais parce que quelqu'un ose se présenter devant le comité et utiliser un tel mot, sans se cacher derrière des « oui-dire » ou une source anonyme.
Nous avons reçu aujourd'hui deux autres mémoires que nous n'avons pas encore eu l'occasion d'examiner — un des pilotes d'Air Canada, et un autre de l'Association des pilotes professionnels.
Je me demande s'il est sage d'entreprendre l'étude article par article du projet de loi alors que nous n'avons pas eu l'occasion de réfléchir aux propos des deux derniers témoins et d'entendre ce que les deux autres groupes ont à dire.
Je propose — et je n'ai pas l'intention de présenter une motion; je vais m'en tenir au calendrier de travail du comité, si besoin est — que nous profitions du fait que les spécialistes du ministère sont présents, étant donné qu'ils ont déjà cerné les dispositions qui vont faire l'objet d'amendements, que nous entendions tout simplement ce qu'ils ont à dire à ce sujet, et que nous poursuivions ensuite notre travail au lieu de voir s'ils ont des commentaires à faire au fur et à mesure que nous progressons.
Je préférerais entendre ce qu'ils ont à dire aujourd'hui.
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Ce que nous proposons, monsieur Volpe, ce sont des améliorations à la sécurité aérienne en général. Vous avez entendu parler aujourd'hui de situations précises qui, parfois, sont prises hors contexte. Je suis heureux d'avoir l'occasion d'exposer mes vues là-dessus.
M. Danford a fait allusion à un accident qui est survenu il y a environ 10 ans. Il y a eu un accident, c'est vrai. Par après, le pilote a commis quelques violations. Il a piloté pendant cinq ou six ans sans qu'aucune mention n'apparaisse dans son dossier. Les choses se passaient bien. Malheureusement, il a eu un autre accident.
À l'époque, en raison des exigences internationales concernant les enquêtes sur les accidents, nous avions convenu, avec le Bureau de la sécurité des transports du Canada, de ne pas entreprendre une enquête parallèle, et ce, tant que le BST, qui détient les pouvoirs d'enquête au Canada, n'aurait pas terminé la sienne. Une fois celle-ci terminée, nous commencerions la nôtre. C'est ce que nous avons fait dans ce cas-là. Voilà pourquoi nous ne sommes pas intervenus plus tôt.
La politique a par après été modifiée, et nous avons décidé de lancer immédiatement une enquête parallèle chaque fois qu'un accident se produirait. C'est ce que nous faisons depuis. Ces incidents sont survenus il y a 10 ans. Des améliorations ont, depuis, été apportées.
M. Danford a parlé d'Air Transat. Il a dit que le SGS ne fonctionnait pas. Fait intéressant, Air Transat a été pour nous l'élément déclencheur pour ce qui est du SGS. Quand l'accident, ou l'incident, d'Air Transat s'est produit, le SGS n'existait pas. Nous avons mené une enquête et nous avons imposé une amende de 250 000 $ au transporteur. Je m'en souviens parce que j'étais là. Une enquête a été menée, et une autre amende a été imposée. Ensuite, nous avons plus ou moins dit à Air Transat, avant même que les règlements ne soient élaborés, que si elle voulait poursuivre ses activités, elle devait participer à un projet pilote SGS. C'est à cette seule condition qu'elle pouvait poursuivre ses opérations. Elle a accepté, et les choses se sont bien déroulées. Nous avons ensuite exigé la mise en place du SGS via nos règlements.
Il n'y avait pas de SGS à l'époque de l'accident d'Air Transat. Les renseignements qu'on nous a transmis n'étaient donc pas tout à fait précis.
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Nous sommes tout à fait d'accord avec vous: le SGS est un bon système — tout le monde s'entend là-dessus —, mais il nous faut également assurer la supervision de la sécurité. Nous assurons déjà cette supervision, et bon nombre des personnes qui ont témoigné devant le comité ne sont peut-être pas au courant de ce que nous avons fait depuis la mise en place du SGS. De nouvelles politiques ont été élaborées et il existe d'autres façons d'inspecter, de vérifier, d'évaluer et de valider les transporteurs et leurs systèmes. Nous sommes conscients du fait qu'il s'agit là d'une préoccupation légitime.
Le ministre Cannon, lorsqu'il a comparu devant le comité, il y a deux semaines, a dit qu'au moins trois amendements précis allaient être proposés. Le premier aurait pour objet de rassurer les Canadiens: la supervision de la sécurité va continuer d'être assurée par des inspecteurs sur le terrain. Cette mesure va être mise en oeuvre.
Si j'ai bien compris tous les témoignages et les questions posées par les membres du comité, la désignation de tiers constitue une source d'inquiétude. Nous en sommes conscients. Nous avons déjà dit que nous n'avons jamais eu l'intention de demander à l'Association du transport aérien d'agréer Air Canada ou WestJet. Nous avons joint l'acte à la parole. Nous allons le mettre par écrit, et le ministre Cannon a annoncé qu'il allait proposer un amendement exigeant la tenue d'une étude sur la sécurité. Il estime que cela devrait s'appliquer aux activités à faible risque - y compris le transport de passagers non payants. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction.
La préoccupation suivante portait sur les dispositions touchant les mesures de protection concernant le système de déclaration interne visant le SGS, ainsi que le régime de déclaration universel et volontaire qui n'entraîne pas de mesures disciplinaires. Le syndicat des pilotes nous a demandé de resserrer les mesures de protection. D'autres syndicats, ceux qui s'intéressent davantage aux questions relatives au travail, ont demandé qu'aucune protection ne soit accordée aux dénonciateurs. Nous estimons avoir établi un juste équilibre. Nous avons proposé à ce sujet deux ou trois nouveaux amendements.
Nous voulons que les employés, dans un milieu dominé par le SGS, collaborent avec les employeurs. Mes collègues et moi estimons qu'un programme de protection des dénonciateurs, où les gens pourraient raconter n'importe quoi au sujet de leur employeur, sans preuves concrètes, serait négatif. Voilà le danger qui existe. Nous voulons que les gens collaborent ensemble. À moins d'avoir un programme qui prévoit des mesures punitives rigoureuses contre les gens qui font de fausses déclarations, par exemple, je crois qu'il serait difficile de mettre en oeuvre un tel programme. Nous ne favorisons pas cette approche.
Grâce aux mesures de protection que nous offrons, les gens vont être enclins à fournir le plus de renseignements possible sur la sécurité du système. Nous ne pensons pas qu'un programme de protection des dénonciateurs serait utile. Au contraire. Moins de renseignements seraient échangés entre l'employeur et l'employé. Nous ne sommes pas contre ce genre de programme. Nous voulons tout simplement avoir le meilleur système possible.
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J'aimerais revenir sur les propos de M. Volpe. À la lumière des témoignages que nous avons recueillis, la plupart des témoins qui ont comparu devant le comité ont soulevé de vives inquiétudes. Le juge Moshansky figurait parmi eux. Il a affirmé, comme beaucoup d'autres qui ont offert des témoignages détaillés, que le contrôle réglementaire ne serait pas simplement réduit, mais complètement éliminé si on adoptait le projet de loi .
La plupart des témoins nous ont exposé les grandes lignes du SGS et croient en son efficacité. Toutefois, ceux qui en connaissaient les détails soulevaient d'importantes préoccupations.
Quant à savoir si c'est logique ou pas d'aller de l'avant avec cette mesure, comme se le demandait M. Volpe, je crains, pour ma part, qu'il y ait d'autres intérêts en jeu dans ce cas.
Durant la législature précédente, on avait émis des réserves quant à la réduction du nombre d'agents de bord, mesure que beaucoup de membres du comité des transports réprouvaient. Nous avons tenté de dissuader le ministre de l'époque d'agir. Nous sommes maintenant dans une nouvelle législature et la question a été remise sur le tapis avec un nouveau ministre, et nous avons dû, une fois de plus, convaincre ce ministre qu'il était malavisé de réduire le nombre d'agents de bord sur les vols canadiens.
L'idée de restreindre le contrôle réglementaire a été lancée au cours de la dernière campagne électorale. Ce qui m'inquiète là-dedans, c'est qu'on semble vouloir appliquer cette mesure, même si on a entendu des témoins très crédibles exprimer des inquiétudes réelles concernant l'orientation de Transports Canada. D'après ce que vous, hauts fonctionnaires de ce ministère, avez dit, je n'ai pas l'impression qu'on a vraiment réfléchi à ce que cette mesure pourrait représenter ni au fait qu'il pourrait s'agir d'une erreur.
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C'est ce que nous aurions pu faire. Nous voulions d'abord avoir les représentants, et ensuite tous les autres témoins. À mon avis, le problème avec les autres témoins, c'est qu'ils ne vous ont pas exposé les faits dans le contexte, parce qu'il y a beaucoup plus à dire à ce sujet.
Pour répondre à votre question, oui, le Programme national de vérification a été aboli, mais il a été remplacé par quelque chose d'autre. Il ne faut donc pas s'alarmer. Les gens pensent qu'il n'y a pas d'inspections, mais c'est totalement faux. Il y a une validation du processus, une validation du programme et une évaluation, qui est beaucoup plus approfondie que celle qui était menée dans le cadre du Programme national de vérification qui, soit dit en passant, était seulement une contrainte administrative pour prendre certaines personnes des régions et de l'administration centrale.
Vous auriez pu poser la question à M. Carson qui, si je ne m'abuse, a suivi un cours sur le SGS il y a deux semaines... pour savoir ce qui a remplacé le PNV. C'est certain qu'on vous répondra oui si vous demandez si le programme a été aboli. Vous devez mettre les choses en contexte.
Maintenant, vous nous reprochez nos intentions. Nous n'avons pas le choix. Vous voulez que le Canada respecte les ententes internationales. L'OACI vient tout juste d'imposer le SGS dans tous les champs d'activité de l'aviation internationale, et nous devons nous conformer à cette exigence. Il n'en demeure pas moins que, comme l'ont dit les représentants de l'OACI, nous sommes à l'avant-garde. Nous sommes probablement considérés comme le premier pays... à avoir adopté une telle approche concernant le SGS. Nous sommes donc des innovateurs, et c'est ce qu'exige l'OACI. Nous n'avons pas le choix.
Je ne pense pas que nous devrions être pressés de faire avancer le dossier. Si nous avions la chance de vous l'expliquer... et nous pouvons, si c'est ce que vous voulez. Nous pourrions prendre une journée pour vous donner tous les exposés que nous avons préparés pour le cours sur le SGS et vous expliquer vraiment de quoi il retourne, et je vous assure que vous seriez très impressionnés et surpris. C'est loin d'être aussi négatif que vous l'avez entendu.