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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Tom Garlock. Je suis le directeur général de la Commission du pont de Niagara Falls ainsi que le président de l'Association des administrateurs des ponts et des tunnels.
Je suis accompagné aujourd'hui par M. Ron Rienas, le directeur général de la Buffalo and Fort Erie Public Bridge Authority, et un de mes associés à la Commission du pont de Niagara Falls, M. Ted Gibson.
[Français]
Pardonnez-moi, mais je ne parle pas français.
[Traduction]
Je tiens à vous remercier, mesdames et messieurs les membres du comité permanent, de m'offrir l'occasion de m'adresser à vous au nom de l'Association des administrateurs des ponts et des tunnels au sujet du projet de loi C-3, une mesure législative qui est importante pour le Canada.
L'Association des administrateurs des ponts et des tunnels, qui regroupe les 10 organismes responsables des 11 voies de passage entre la province de l'Ontario et les États du Michigan et de New-York, travaille activement à faciliter la circulation fluide des personnes et des produits qui traversent la frontière entre le Canada et les États-Unis. Notre association est très consciente de l'importante d'une frontière efficace pour que le Canada soit concurrentiel sur le plan économique dans le monde.
Nous avons suivi de près l'évolution du projet de loi dont vous êtes saisis, qui était le projet de loi C-44 au cours de la précédente législature. Je représente aujourd'hui les membres de l'Association des administrateurs des ponts et des tunnels, mais je vous signale que des administrateurs peuvent faire en leur nom personnel des déclarations ou des observations qui correspondent à leur situation particulière. Cependant, les sujets dont je vais parler aujourd'hui préoccupent tous les membres de notre association. Ils m'ont demandé de vous les exposer ainsi que de recommander des amendements au projet de loi afin de corriger les conséquences inattendues que le libellé actuel pourrait avoir.
Les fonctionnaires canadiens ont communiqué avec nous au moins trois fois depuis 18 mois pour nous informer des dispositions législatives prévues ainsi que de leur raison d'être et des résultats escomptés. Nous l'apprécions, mais nous leur avons expliqué qu'il y a deux aspects du projet de loi qui, de façon inattendue, devraient avoir des conséquences néfastes pour les administrateurs des ponts et des tunnels.
Le principal problème a trait à l'intention d'approuver l'établissement des droits de péage. La majorité des membres de notre association sont indépendants financièrement, et ils financent leurs activités et les travaux d'amélioration des immobilisations à l'aide des recettes provenant des droits de péage. Ces recettes servent de garantie aux détenteurs d'obligations pour réunir les capitaux nécessaires à l'exécution de projets d'envergure.
Comme vous pouvez sûrement le comprendre, les détenteurs d'obligations tiennent à ce que les émetteurs aient la capacité, les moyens et la souplesse de gérer leurs sources de revenu de façon à ce que les titres de créance soient remboursés selon les conditions convenues. Si les marchés financiers ont l'impression qu'un émetteur peut être limité dans la gestion de ses sources de financement, il y aura un impact négatif direct sur sa cote, ce qui fera augmenter considérablement ses coûts d'emprunt. Je peux vous assurer que le projet de loi peut inquiéter tout autant les détenteurs d'obligations actuels.
Nous avons fait part de nos préoccupations aux responsables de la rédaction des projets de loi C-44 et C-3. L'an dernier, nous avons aussi organisé à leur intention une séance d'information par téléconférence avec des spécialistes des obligations. En réponse au projet de loi C-3, nous avons produit les avis de deux spécialistes des obligations, d'un conseiller financier et d'une agence de cotation qui sont intervenus au nom de quatre de nos membres.
Pour l'instant, tous ces documents sont disponibles dans leur langue originale seulement, mais nous serons heureux d'en fournir la traduction le plus tôt possible.
Permettez-moi de vous en expliquer la teneur. Voici ce que l'agence de cotation Standard and Poor's a conseillé à l'Administration du pont Blue Water:
La capacité de l'Administration d'établir ses droits de péage de façon autonome est un des ses principaux atouts sur le plan du crédit. Le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne limiterait pas la capacité de l'Administration d'établir ces droits, mais il préciserait simplement que le gouvernement a le pouvoir de la limiter. Des changements de cote seraient peu probables, à moins que le gouvernement informe officiellement l'Administration de son intention de rejeter ou de limiter l'augmentation qu'elle proposerait aux droits de péage, ou encore de la forcer à réduire les droits de péage actuels sans mesure d'atténuation, et que nous jugions que cette décision risque de façon raisonnable d'avoir une incidence sur la capacité de l'Administration de rembourser ses dettes. Étant donné que l'Administration est une société d'État fédérale sans garantie, nous ne pensons pas que le gouvernement prenne des mesures qui limiteraient les droits des créanciers de l'Administration sans prévoir des mesures de compensation.
Roosevelt & Cross Incorporated, qui conseille financièrement la Commission du pont de Niagara Falls, a formulé des commentaires sur l'incidence de l'article 15 du projet de loi. D'après cette société, pour pouvoir émettre des obligations, la Commission doit pouvoir exiger des droits suffisants pour générer des revenus nets correspondant au moins à 130 p. 100 du service de sa dette annuelle ou actuelle maximum et à 100 p. 100 du déficit de son compte de réserve. Le projet de loi C-3 confère de vastes pouvoirs au gouvernement concernant les droits de péage et ne donne pas du tout à la Commission l'assurance qu'une future décision du gouvernement ne l'empêchera pas d'exiger les droits voulus. Les analystes des agences de cotation et des acheteurs des futures obligations que la Commission pourra mettre en circulation pour financer ses mises de fond vont sûrement voir d'un mauvais oeil l'effet du projet de loi C-3 sur le crédit de la Commission. C'est ce qui va entraîner la hausse du coût des immobilisations de la Commission et peut-être limiter son accès aux marchés financiers. L'incertitude causée par le projet de loi pourrait ébranler le marché des obligations de la Commission qui sont en circulation et ainsi pénaliser les détenteurs.
Je sais que le comité a reçu un mémoire de la Buffalo and Fort Erie Public Bridge Authority expliquant l'impact sur le marché des obligations. Nous avons des exemplaires de ce document pour votre information.
Vous constaterez les points communs qui existent dans les avis écrits que nous avons reçus, et j'ajouterais que d'autres membres de notre association ont exprimé des inquiétudes semblables. Vous remarquerez également que nous avons discuté avec nos experts financiers.
L'alinéa 15b) du projet de loi C-3 prévoit que le gouverneur en conseil peut, sur recommandation du ministre, régir les droits que peuvent exiger les propriétaires ou exploitants de ponts ou tunnels internationaux pour leur usage, en vue d'assurer une bonne fluidité de la circulation. Nous comprenons que le gouvernement a intérêt à interdire les activités qui pourraient nuire à la bonne fluidité de la circulation sur ces installations, mais nous craignons énormément que les détenteurs d'obligations et les agences de cotation considèrent cette disposition avec inquiétude. Voilà pourquoi notre association vous propose d'ajouter une disposition au projet de loi.
L'article 15 du projet de loi serait amendé de sorte que l'actuel article 15 deviendrait l'article 15.1 et qu'une nouvelle disposition serait ajoutée immédiatement après l'alinéa 15.1e), qui serait l'article 15.2. Il se lirait comme suit:
Nonobstant toutes les autres dispositions du présent article, le gouverneur en conseil ne prend aucune mesure, sur la recommandation du ministre, en vertu de la présente loi ou par voie de règlement qui puisse nuire à la viabilité commerciale ou financière des propriétaires et exploitants de ponts ou tunnels internationaux qui sont responsables du fonctionnement et des droits de péage de ces installations. Les mesures prises visent uniquement à corriger les problèmes de fluidité de la circulation à la frontière.
Nous croyons que cette nouvelle disposition va toujours permettre au gouvernement de s'occuper des questions qui le préoccupent tout en veillant à ce que les propriétaires et les exploitants puissent continuer de gérer leur entreprise de la façon la plus efficace possible conformément à leurs obligations juridiques.
Le deuxième aspect du projet de loi qui, d'après nous, peut être amélioré sans compromettre l'intérêt du gouvernement est l'article 4, qui assure la primauté de la présente loi. Notre association comprend que le gouvernement s'intéresse à l'entretien et à la sécurité des ponts et tunnels internationaux et, d'ailleurs, nos membres sont eux aussi très soucieux d'offrir le meilleur rendement possible dans ces domaines.
Nos membres ont toujours suivi les normes de sécurité de la province ou de l'État qu'ils relient, en adoptant les plus sévères des deux. C'est la même chose pour la sécurité, particulièrement depuis les attentats de 2001, et nous nous conformons volontiers aux exigences d'un grand nombre d'organismes dont Transports Canada, la GRC, la Police provinciale de l'Ontario, la Garde côtière des États-Unis, l'Agence des services frontaliers du Canada et le Département de la Sécurité intérieure des États-Unis.
Nous croyons que, dans la plupart des cas, les intérêts du projet de loi C-3 sont déjà servis par un certain nombre d'organismes, et nous vous demandons respectueusement que des dispositions de la loi reconnaissent les règles en vigueur.
Notre association recommande que l'article 4 du projet de loi soit modifié par l'ajout du nouveau paragraphe (5), qui serait le suivant:
Avant de prendre un règlement en vertu de la présente loi pour établir des normes sur l'entretien, la réparation et la sécurité des ponts et tunnels internationaux, le ministre examine les obligations des provinces et des autres organismes dans le but d'accepter celles qui suffisent à répondre à l'intention de la loi.
Ce libellé ne limite en rien le pouvoir du ministre, mais prévoit un examen pour éviter qu'on réinvente la roue, pour ainsi dire.
Enfin, il est primordial pour moi de vous rassurer, vous et tous vos collègues parlementaires, en vous disant que les membres de notre association comprennent clairement l'obligation bien particulière qu'ils ont de veiller à ce que la frontière entre nos deux grands pays soit efficace autant pour les Canadiens que pour les Américains. Comme vous le savez, dans bien des cas, nos membres administrent des installations qui sont situées près les unes des autres, et ils essaient d'offrir les meilleurs services possibles aux voyageurs dans un esprit de collaboration et non d'antagonisme et d'intérêt personnel.
Nous pouvons vous affirmer que nous allons continuer de travailler avec le gouvernement du Canada pour offrir une frontière ouverte, efficace et sécuritaire.
Merci, monsieur le président. Je serai heureux de répondre aux questions que les membres voudront bien me poser ou encore d'entendre leurs commentaires à propos de mon témoignage.
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Oui, sur le plan de la réglementation.
Pour revenir au libellé sur les droits de péage et autres, nous pensons qu'il est très important pour les marchés financiers que le Parlement énonce la politique dans la loi au lieu de laisser le règlement clarifier la situation. Je n'ai pas besoin de vous expliquer que les marchés financiers peuvent être très sensibles aux nuances et, s'ils estiment que les décisions du gouvernement peuvent compromettre nos sources de financement, cela aura un impact sur notre cote.
Par exemple, la Commission du pont de Niagara Falls travaille très fort pour améliorer sa situation financière. Nous finançons toutes nos activités par les droits de péage. La seule exception en plus de 68 ans a été le partenariat entre le gouvernement du Canada et la province de l'Ontario dans le Fonds sur l'infrastructure frontalière. Cette initiative a permis d'effectuer des travaux importants sur les ponts Lewiston-Queenston et Peace. Mais nous finançons nous-mêmes nos activités courantes. C'est le marché des obligations qui nous aide à financer nos projets d'immobilisations et, si les marchés financiers croient que notre capacité à ce sujet sera limitée, il y aura des problèmes.
J'ai dit que nous nous employons activement à améliorer notre bilan financier. En 1993, lors de notre dernière émission importante d'obligations de 130 millions de dollars US, nous avions la cote triple B, et le coût de notre emprunt était élevé. Grâce à une gestion minutieuse dans les années qui ont suivi, quand nous avons refinancé nos activités en 2003, Standard & Poor's nous a accordé la cote A. Vous pouvez vous rendre compte jusqu'à quel point notre coût d'emprunt a baissé.
Évidemment, ces coûts sont assumés, en bout de ligne, par ceux qui empruntent notre pont — les Canadiens, les Américains et les autres visiteurs. En tant que société sans but lucratif, nous sommes fortement motivés à ce que nos coûts restent peu élevés parce que nous ne voulons pas avoir à les refiler à nos usagers.
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Non, monsieur, je ne dirais pas qu'il n'y a pas de problème, mais c'est peut-être une mauvaise interprétation des faits.
Je ne crois pas qu'il y ait un lien nulle part entre la congestion à la frontière et les droits de péage. À propos du projet de loi, l'Agence craint, selon moi, dans le cas de nos deux installations... J'exploite trois ponts sur la partie nord de la rivière Niagara, et Ron en exploite un dans la partie sud. Je pense que le ministère des Transports craint que, si je réduisais le droit de péage des camions à 1 $, par exemple, il n'y aurait plus de camions qui emprunteraient le pont Peace. Il ne pourrait plus recueillir les recettes nécessaires pour respecter ses obligations; ce serait une pratique abusive.
À l'inverse, s'il y avait une distance beaucoup plus grande entre nos deux points de passage, un exploitant pourrait abuser de la situation et exiger un droit de péage très élevé, ce qui serait injuste pour les usagers.
Je crois que ce sont ces deux situations extrêmes que le ministre veut prévenir. Les amendements que nous avons proposés ce matin n'empêchent en rien le ministre d'intervenir dans des cas pareils.
Je ne vois vraiment pas où la congestion est liée aux droits de péage pour l'instant. En fait, sur les ponts internationaux, la congestion est habituellement causée par les activités à l'un ou l'autre complexe douanier, soit celui des douanes américaines et de la protection à la frontière, soit celui de l'Agence des services frontaliers du Canada, sans vouloir vous offenser. L'argent est vite déposé et vous pouvez continuer.
C'est cette pratique abusive qui préoccupe l'Agence, et le ministre serait en mesure d'intervenir.
J'espère avoir répondu à votre question.
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Je pense que c'est un peu des deux, bien franchement. Je vous dirai qu'actuellement, avec la valeur que le dollar canadien prend par rapport au dollar américain, certains de nos usagers commencent à se faire entendre. D'après ce que mes collègues m'ont dit, je sais que tout le monde est prêt à examiner la situation.
Il n'y a pas si longtemps, il y avait un grand écart entre nos deux devises qui sont aujourd'hui presque à égalité. Nous ne sommes pas insensibles à la question, particulièrement ceux d'entre nous qui gèrent des sociétés dédiées à la poursuite du bien public. Nous devons réagir.
Je vais vous expliquer comment la Commission du pont de Niagara Falls est née. Je ne serais pas ici aujourd'hui si ce n'était d'un terrible accident. Il n'y a pas eu de perte de vie mais, quand le pont Falls View — le pont des nouveaux mariés — s'est effondré en janvier 1938, il était la propriété d'un exploitant privé. À l'époque, les localités des deux côtés de la rivière avaient des problèmes avec l'exploitant, et il était dans leur intérêt qu'un organisme quasi public exploite le pont pour tenir compte des besoins du milieu. C'est la raison pour laquelle la Commission du pont de Niagara Falls a été créée. C'est aussi la raison pour laquelle il y a quatre commissaires canadiens et quatre commissaires américains, qui sont sensibles aux intérêts des localités que nous servons.
Enfin, nous répondons à beaucoup d'objectifs publics. Au Canada, en vertu de l'article 6 de la Loi sur les douanes, nous fournissons des centaines de millions de dollars d'infrastructures, sans que cela ne coûte rien au gouvernement. Comme je l'ai dit, le Fonds sur l'infrastructure frontalière a aidé de façon incroyable à améliorer les activités à la frontière mais, en général, nous payons pour construire les installations utilisées par l'ASFC et, ce qui est encore plus important, nous en payons l'entretien. Dans le cas de la Commission du pont de Niagara Falls, j'évaluerais que nous déboursons environ 4,5 millions de dollars par année.
C'est donc évidemment coûteux d'exploiter un passage international et veiller à ce qu'il soit sécuritaire et efficace de façon à répondre aux intérêts de la population du Canada et de celle des États-Unis. Nous vous demandons, à vous et à vos collègues du Parlement, de préciser le libellé sur les droits de péage pour que nous puissions faire notre travail efficacement au coût le plus bas pour les usagers.
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Je crois que la réponse à votre question est oui. Je suis d'accord avec M. Blaney, mais ce que vous avez dit tout à l'heure est également vrai. En Ontario, dans les États de New York et du Michigan les normes relatives à la sécurité des infrastructures sont très rigoureuses.
Comme je l'ai fait remarquer tout à l'heure, nous faisons un peu plus. Je crois que Transports Canada nous a déjà demandé de fournir des rapports d'inspection des infrastructures tous les deux ans. Nous en envoyons chaque année car la plupart -- en fait, presque tous -- des administrateurs des ponts et des tunnels ont une inspection annuelle. Cela montre une fois de plus l'importance que nous accordons aux points de passage entre les deux pays.
En outre, notre situation est unique, et une partie des profits de toutes les corporations dédiées à la poursuite du bien public et qui administrent les points de passage... Prenons, par exemple, le ministère des Transports de la province de l'Ontario. Cette province compte des milliers d'infrastructures. La Commission du pont de Niagara Falls a la chance de n'en administrer que trois.
Si je puis me permettre, je crois que le ministère des Transports de la province a un certain respect pour nous, car le programme du Fonds sur l'infrastructure frontalière a accordé une subvention à la province pour l'autoroute 405. Pour seulement la deuxième fois dans l'histoire de la province, le ministère des Transports a désigné un agent pour l'accompagner dans la réalisation du projet de l'autoroute 405. C'était un projet de 14,4 millions de dollars et c'est la Commission du pont Niagara Falls, qui n'a aucun intérêt matériel dans une autoroute provinciale, qui a été désignée.
Nous avons pris en charge le projet de la conception à l'ingénierie jusqu'à l'achèvement des travaux en 13 mois, car nous avons pu nous concentrer sur le projet. Nous avons pu nous concentrer sur nos infrastructures. Je pense que vous constaterez que l'état de la majorité de nos infrastructures est bien meilleur que celui des infrastructures non frontalières situées dans les mêmes régions.