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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 013 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 1er avril 2009

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    C'est la 13e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes aujourd'hui le mercredi 1er avril 2009.
    Vous avez devant vous l'ordre du jour. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel (crime organisé et protection des personnes associées au système judiciaire).
    Veuillez noter que nous allons siéger à huis clos pendant une dizaine de minutes à la fin de la séance pour aborder un certain nombre de questions reliées au voyage que nous voulons faire à Vancouver pour notre étude sur le crime organisé.
    Pour nous assister dans notre examen du projet de loi C-14, nous allons entendre un certain nombre de témoins qui représentent divers groupes d'intéressés faisant partie du système judiciaire.
    Tout d'abord, nous allons entendre le sergent d'état-major Christopher Renwick, membre de l'unité des armes à feu et des bandes, du Service des enquêtes criminelles ainsi que le sergent d'état-major Bernie Ladouceur, de l'unité des renseignements criminels du Service des enquêtes criminelles, tous les deux du Service de police d'Ottawa. Nous allons également entendre le surintendant principal Todd Shean de la GRC, qui est directeur général des Drogues et du crime organisé, ainsi que le surintendant Michel Aubin, directeur, Immigration et passeports.
    Nous allons également entendre d'Halifax, par téléconférence, le chef de police d'Halifax, M. Frank Beazley. Bienvenue.
    Nous allons également entendre plus tard M. William Trudell, le président du Conseil canadien des avocats de la défense.
    Messieurs, vous connaissez la formule, chacun de vos organismes dispose de 10 minutes pour présenter un exposé et ensuite, lorsque vous aurez terminé, les membres du comité vont vous poser des questions.
    Nous pouvons commencer par M. Ladouceur ou par M. Renwick.
    Monsieur Renwick, allez-y.
    Merci à tous de nous donner la possibilité de comparaître devant votre comité pour vous parler aujourd'hui au nom de l'unité des armes à feu et des bandes du Service de police d'Ottawa.
    Je suis accompagné aujourd'hui par le sergent d'état-major Bernie Ladouceur, sergent d'état-major de notre unité des renseignements criminels ainsi que par le sergent Dave Lockhart, également des renseignements criminels, et par Mme Tammy Quinn, notre excellente analyste des crimes. Le sergent d'état-major Ladouceur répondra aux questions qui touchent précisément le crime organisé.
    L'unité des armes à feu et des bandes du Service de police d'Ottawa a été mise sur pied en 2006 à partir de la section d'intervention auprès des jeunes pour lutter contre un fait nouveau, la formation de gangs de rue dans notre ville qui exerçaient leurs activités dans le domaine du commerce illégal ou illicite du crack et de la prostitution de jeunes femmes vulnérables. Le personnel actuel de la section des armes à feu et des bandes comprend 11 enquêteurs, qui travaillent principalement dans deux secteurs: les enquêtes criminelles concernant les membres de gangs de rue connus et leurs associés et les enquêtes criminelles sur la possession, l'utilisation et le trafic des armes à feu.
    Une équipe d'intervention directe (direct action response team ou DART en anglais) en uniforme a été constituée en octobre 2007 pour compléter l'unité des armes à feu et des bandes, et chargée spécialement de surveiller les activités des gangs, tout en assurant une présence policière active et très visible dans les collectivités touchées.
    J'ai assisté au quartier général du Service de police d'Ottawa, avec le chef Vern White et le solliciteur général et procureur général de la Colombie-Britannique, à l'annonce par le ministre de la Justice fédéral, M. Nicholson, de la présentation du projet de loi C-14. Dans ses remarques qui ont suivi l'annonce, le chef White a déclaré que ce projet de loi était utile parce qu'il renforçait la répression des crimes commis dans nos rues.
    Il comporte un aspect qui intéresse particulièrement nos enquêtes sur les gangs de rue, à savoir l'introduction d'une peine minimale de cinq ans d'emprisonnement pour les fusillades concernant des armes à feu à autorisation restreinte ou prohibées reliées à une organisation criminelle. Cette mesure, accompagnée du renforcement des peines associées aux armes à feu introduites il y a quelques années, constitue un changement efficace et satisfaisant.
    En 2008, l'unité des armes à feu et des gangs et notre équipe d'intervention directe ont saisi 66 armes à feu qui étaient en circulation. Nous constatons une augmentation du nombre des criminels qui portent des armes à feu à Ottawa à des fins d'intimidation ainsi que pour défendre leur territoire et protéger leur marché du crack.
    Les fusillades dans les lieux publics sont de plus en plus fréquentes. Nous avons eu deux fusillades dans la rue ces dernières semaines, au cours desquelles des personnes ont été blessées par balles et qui étaient toutes deux reliées à des gangs de rue et au commerce du crack. Ce matin encore, nous avons récupéré un pistolet de calibre .45 qui a été utilisé, pensons-nous, dans une de ces fusillades et nous avons arrêté un membre de gang connu. Le projet de loi C-14 s'applique directement aux enquêtes de ce genre.
    La qualification automatique des homicides en meurtre au premier degré et les dispositions relatives à la peine minimale de cinq ans en cas de fusillade exigent toutes deux que l'infraction ait été commise au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle ou en association avec elle. Cet élément impose un fardeau supplémentaire aux enquêteurs de la police qui doivent établir que l'accusé était membre d'une organisation criminelle et j'ai très hâte de voir comment les tribunaux interpréteront ces dispositions. J'espère que nous allons réussir à utiliser cette procédure, étant donné que récemment un de nos enquêteurs a obtenu le statut de témoin expert au cours d'une audience de détermination de la peine concernant un vol qualifié. Nous avons également obtenu le statut de témoin expert récemment dans une audience de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié concernant une mesure d'expulsion.
    Nous appliquons les six critères du Service de renseignements criminels du Canada pour qualifier une personne de membre d'un gang. Ces critères ont été élaborés en 1991 de façon à uniformiser les décisions dans ce domaine sur le plan national. L'expression « organisation criminelle » est définie à l'article 467.1(1). Par contre, les critères que nous utilisons actuellement ne le sont pas.
    Nous avons appris dès le début qu'une stratégie antigang efficace devait être principalement fondée sur les renseignements criminels si l'on voulait optimiser l'utilisation des ressources que le Service de police d'Ottawa consacrait à l'unité des armes à feu et des gangs. Les enquêtes sont fondées sur des renseignements criminels, la plupart de ces renseignements provenant de quatre sources: les renseignements fournis par la collectivité grâce à Crime Stoppers, les vérifications d'identité dans la rue et les rapports d'incident préparés par nos agents de première ligne, le recrutement d'informateurs codés par les enquêteurs de l'unité des armes à feu et des gangs et bien sûr, la communication d'information et de renseignements criminels provenant de partenaires externes. C'est la raison pour laquelle nous accordons autant d'importance à l'analyse des crimes et nous estimons que nous serons en mesure d'établir le lien entre les infractions et le crime organisé que les tribunaux vont exiger pour imposer des peines minimales obligatoires.
(1535)
    La création de deux nouvelles infractions concernant l'agression armée contre les policiers et les agents de la paix est une mesure encourageante; nous estimons toutefois que ces dispositions ne vont pas jusqu'à réprimer l'intimidation des agents des tribunaux et des représentants de la justice.
    Nous connaissons régulièrement des problèmes avec les gangs qui intimident les témoins, ce qui nous empêche de déposer des accusations ou nous oblige à retirer des accusations portées contre des membres de gang. Nous avons vu des membres de gang assister aux audiences concernant d'autres membres de leur gang et il faut reconnaître que cela a un effet sur nos témoins. À Ottawa, il n'y a pas encore eu de cas d'intimidation d'un fonctionnaire judiciaire mais il y a toujours le risque que cela se produise.
    Pour ce qui est de la dernière modification proposée qui touche l'article 810, les engagements de ne pas troubler l'ordre public, cette mesure vise à rassurer les membres de la collectivité en donnant au juge de la cour provinciale la possibilité d'imposer d'autres conditions lorsqu'il fait signer un engagement à l'accusé. La plupart des personnes liées aux gangs de rue qui comparaissent devant le juge de la cour provinciale le font non pas en qualité de défendeur dans une audience relative à un engagement mais plutôt en qualité d'accusé d'infractions pénales.
    Si le tribunal estime approprié de les libérer en attendant leur procès, il peut leur imposer des conditions en leur faisant signer un engagement ou une promesse. Les conditions imposées sont très faciles à faire respecter et c'est là qu'entre en jeu notre équipe d'intervention directe qui vérifie périodiquement si les engagements et les conditions dont ils sont assortis sont respectés. Si ce n'est pas le cas, les accusés sont arrêtés et ramenés devant les tribunaux où nous présentons des arguments visant à les garder en détention en attendant leur procès. Il serait très utile pour un enquêteur et il y aurait moins d'intimidation de témoins si l'on renforçait les conditions d'octroi de la libération sous cautionnement.
    À la suite de la présentation du projet de loi C-14 le 26 février par le ministre de la Justice Nicholson, le chef White a également fait remarquer que c'était un bon début, mais seulement un début, et qu'il fallait faire davantage pour nettoyer les rues. La clé est la réforme de la notion d'accès légal, accès légal étant le terme utilisé pour décrire le processus légal qui autorise la police à intercepter des communications privées. Il faut remplacer ces dispositions législatives désuètes qui remontent à 1974, et nous donner la capacité d'intercepter des messages envoyés grâce aux nouveaux systèmes de communication qu'offrent au public les fournisseurs de service. Nous aimerions également renforcer les règles et règlements concernant notre capacité d'obtenir des renseignements au sujet des abonnés. Au niveau des enquêtes, le sergent d'état-major Ladouceur et moi connaissons trop bien les restrictions qui sont placées sur les enquêtes et les projets en cours, sans parler des coûts prohibitifs.
    J'ai beaucoup parlé d'application de la loi et peu de prévention et de déjudiciarisation. Le Service de police d'Ottawa s'est engagé à mettre en oeuvre une stratégie de lutte contre les gangs fondée sur les quatre piliers que sont l'éducation de la collectivité, l'intervention, la déjudiciarisation, l'application de la loi et la réduction des cibles. Cependant, lorsque l'on a affaire à des organisations criminelles qui participent au commerce illégal des drogues et dont les membres sont de plus en plus disposés à porter et à utiliser des armes à feu, il faut être très ferme.
    À mon avis, le projet de loi C-14 répond aux objectifs de dénonciation et de dissuasion à l'égard des crimes violents reliés au crime organisé et aux gangs de rue.
    Merci.
(1540)
    Merci.
    Nous allons maintenant passer au surintendant principal Shean.
    Allez-y, vous avez la parole.
    Je m'appelle Todd Shean et je suis le surintendant principal chargé de la sous-direction des drogues et du crime organisé de la GRC. Je suis accompagné aujourd'hui par le surintendant Michel Aubin. Cet après-midi, nous aimerions vous fournir de plus amples informations sur la situation du crime organisé au Canada ainsi que sur les tendances nouvelles dans ce secteur, et vous présenter brièvement les mesures que nous prenons pour cibler les activités criminelles, tant au Canada qu'à l'étranger.
    En 2009, la tâche des services de police est de plus en plus complexe et en constante évolution. La mondialisation a permis au crime organisé de prospérer et d'étendre ses ramifications au-delà des frontières et des océans. Des groupes criminels agissent sans être entravés par les frontières des pays où ils se trouvent, faisant parfois des victimes sans même mettre le pied dans les pays où vivent ces dernières. Le trafic de la drogue demeure une activité de premier plan parmi les groupes criminels organisés, mais un grand nombre d'entre eux ont étendu leur champ d'action et sont aujourd'hui impliqués dans plus d'un type d'activité criminelle. Ils se spécialisent, et diversifient leurs activités dans des secteurs où il y a moins de risques et plus de profits, et ils recourent à des tactiques telles que l'intimidation, la conspiration interne et la corruption de fonctionnaires et d'autres personnes dans des secteurs clés, comme les transports et les finances.
     Nous savons tous que la plupart des groupes criminels organisés sont impliqués dans des activités liées à la drogue et que le trafic de drogue mine le tissu social de la société canadienne. Mais les activités du crime organisé sont nombreuses et préoccupantes. Comme nous l'avons déclaré la semaine dernière devant le comité, les autorités policières canadiennes ont relevé plus de 900 groupes criminels organisés qui opèrent au Canada ou dont les agissements touchent notre pays. Et ce nombre augmente chaque année.
    Grâce à vos déplacements dans tout le pays et aux entretiens que vous allez avoir avec des partenaires clés et des citoyens ordinaires, votre comité, je le crois, comprendra encore plus clairement l'impact sérieux qu'a le crime organisé sur les Canadiens et sur nos collectivités.
    Monsieur le surintendant principal, excusez-moi mais je vais vous demander de ralentir. Nos interprètes ont un peu de mal à vous suivre.
    Merci.
    Très bien.
    Permettez-moi de parler tout d'abord de l'impact financier.
     Le résultat des crimes de nature financière sur les Canadiens, même s'il n'est pas toujours visible, est dévastateur et peut contribuer à miner l'intégrité économique du pays. La monnaie contrefaite en est un exemple. Nous avons tous vu dans les magasins des messages indiquant à la clientèle qu'ils n'acceptent plus de billets de 100 $. La valeur et la stabilité de la monnaie canadienne sont indispensables à la vitalité de l'économie, et la monnaie contrefaite amoindrit la confiance qu'ont les Canadiens en leurs billets de banque.
    Les fraudes en marketing de masse sont considérées comme un acte criminel à faible risque et à profits élevés. En 2008, les pertes imputées à ce type de fraude se sont élevées à 66,4 millions de dollars. Il est important de signaler que 95 p. 100 des victimes de cette forme de fraude ne la signalent pas. De nombreux groupes criminels ciblent les citoyens les plus vulnérables, comme nos aînés.
(1545)

[Français]

    Les marchandises contrefaites sont également considérées comme une activité à faibles risques.
    Les groupes criminels organisés s'intéressent de plus en plus aux profits élevés que peuvent rapporter les marchandises contrefaites: des vêtements ou des accessoires, même des pièces d'automobile, des produits électriques, des produits pharmaceutiques, des piles, du dentifrice et des disjoncteurs, et ce ne sont là que quelques exemples. En fin de compte, la contrefaçon occasionne des pertes aux entreprises légitimes ainsi qu'à l'économie, mais présente également des risques considérables sur le plan de la santé et de la sécurité.

[Traduction]

    La contrebande de tabac est un autre marché illicite, qui contribue à une économie clandestine représentant des centaines de millions de dollars. Habituellement perçu comme un crime sans victime, le trafic de tabac est aujourd'hui considéré comme une importante source de revenus pour tous les niveaux du crime organisé, qui réinvestissent les profits considérables réalisés dans d'autres activités criminelles. Il en résulte une perte de recettes fédérales et provinciales, qu'il aurait été possible d'affecter aux soins de santé ainsi qu'à d'autres programmes sociaux.
    L'an dernier, la GRC a saisi en tout plus d'un million de cartouches de tabac illicites. La disponibilité de produits de contrebande a atteint un sommet historique. Le niveau de nos saisies surpasse de 137 p. 100 le niveau de référence de 1994, une époque où l'on considérait que le marché noir échappait à tout contrôle.
    L'impact social n'est pas moins préoccupant. Les tactiques qu'emploie le crime organisé, comme la corruption, les conspirations internes et l'intimidation, minent la confiance des Canadiens dans notre système de transport, dans notre système judiciaire ainsi que dans la sécurité de nos points d'entrée. Quand des secteurs clés de l'économie et des institutions du Canada sont ciblés, quand des fonctionnaires et des employés sont corrompus par le crime organisé, les Canadiens ne se sentent pas en sécurité.
     Les groupes criminels organisés tenteront d'exploiter des employés travaillant dans des aéroports, par exemple, en corrompant des employés déjà en place ou en intégrant des complices au personnel d'un aéroport.

[Français]

    Le Projet Colisée, une enquête menée par l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé, a mis au jour une série de conspirations visant à importer de la cocaïne au Canada à partir de divers pays par l'intermédiaire de l'Aéroport international de Montréal.
    Plus de 90 personnes ont été arrêtées. L'organisation criminelle qui avait planifié l'opération avait réussi à corrompre deux responsables à l'aéroport, et l'un avait été soudoyé en vue d'aider à faciliter l'importation de drogue dans des conteneurs.

[Traduction]

    Les groupes criminels organisés ont également intensifié leur recours à la violence dans la lutte qu'ils se livrent pour s'emparer de territoires et de parts dans ce qui sont devenus des marchés illicites fort lucratifs. C'est ainsi qu'un certain nombre de membres de bande ont commencé à porter des cuirasses souples et des gilets pare-balles et qu'ils ont modifié leurs véhicules en les blindant. Il est alarmant de constater qu'ils commettent des actes aussi violents et que les membres de bandes s'y préparent. Quand ces bandes se font la guerre dans les rues du Canada, ce sont des innocents qui en sont victimes, et un grand nombre d'entre eux ont perdu la vie.
    Le crime organisé réussit également à exploiter et à victimiser les gens, en détournant des entreprises légitimes et en corrompant des éléments de nos systèmes politiques et judiciaire. Les groupes qui se fient aujourd'hui à la corruption de fonctionnaires usent aussi de violence et de tactiques d'intimidation contre tous ceux qui entravent leur route, et cela inclut les témoins potentiels, les juges, et même les services de police.
    Que ce soit par crainte de représailles ou adhésion au code non écrit des criminels, les témoins refusent souvent de témoigner quand ils entrent dans la boîte des témoins, comme cela a été le cas récemment en Colombie-Britannique au cours du procès de deux membres de la direction du gang des Independent Soldiers. Les témoins ont été réticents à fournir des détails sur l'incident, l'un d'eux indiquant au procureur de la Couronne qu'il ne fournirait pas de détails parce qu'il voulait se protéger.
    Ce sont là certaines réalités actuelles du crime organisé. Nous sommes d'avis que la connaissance et la prévoyance résident au coeur de n'importe quelle stratégie efficace destinée à combattre le crime organisé. Il est nécessaire d'obtenir des renseignements criminels pour évaluer avec exactitude les menaces et faire enquête en priorité sur les groupes clés.
    Consciente de cette nécessité, la GRC a adopté, il y a plusieurs années de cela, une approche axée sur l'obtention de renseignements. Grâce à son travail d'obtention de renseignements criminels stratégiques et tactiques, la GRC, de pair avec d'autres services de police du Canada, évalue les menaces croissantes que pose le crime organisé. Des priorités ont été fixées sur le plan de l'application de la loi en vue de s'attaquer aux problèmes les plus pressants, et des enquêtes ont été menées. Il est toutefois évident que les menaces que pose aujourd'hui le crime organisé sont complexes, généralisées et, maintenant, dans de nombreuses collectivités du pays tout entier, solidement ancrées.
    Pour s'attaquer à l'évolution rapide des menaces que pose le crime organisé, un certain nombre d'initiatives précises concernant l'obtention de renseignements criminels ont été mises en place au cours des trois dernières années. Ces initiatives, entreprises à l'échelon local, provincial, national et international, visent expressément à lutter contre le crime organisé.
    En bref, des équipes de recherche de renseignements criminels, qui mettent au point des renseignements tactiques pour appuyer les opérations policières menées contre les groupes criminels organisés, y compris les gangs de rue, ont été mises sur pied dans plusieurs provinces. La GRC s'est en outre associée à d'importants organismes de police étrangers afin de faciliter la circulation des renseignements sur le crime organisé et mieux comprendre les menaces criminelles communes.
     Par ailleurs, un certain nombre de comités nationaux et internationaux d'application de la loi favorisent la collaboration inter-organismes au Canada; ces comités contribuent tous à suivre une orientation et un but stratégiques communs: perturber le crime organisé. Ces groupes comprennent les suivants: le Comité national de coordination sur le crime organisé, le Comité sur le crime organisé de l'Association canadienne des chefs de police, le Comité sur les modifications législatives de l'Association canadienne des chefs de police et l'Association internationale des chefs de police.
    Une initiative relativement nouvelle, la Réponse intégrée au crime organisé, ou RICO, représente l'ensemble des services de police du Canada tout entier, tant sur le plan opérationnel que sur celui du renseignement. La RICO s'efforce d'établir des stratégies opérationnelles qui prendront appui sur nos efforts collectifs.
    La GRC continue de former des partenariats importants avec des organismes nationaux et internationaux en vue de créer des équipes d'intervention mixtes, qui font partie des mesures les plus efficaces qui soient pour perturber les groupes criminels. Par exemple, les unités mixtes d'enquête sur le crime organisé et les unités de la RICO sont des équipes intégrées d'agents de police et d'organismes gouvernementaux dont le mandat consiste à mettre au jour, analyser, poursuivre, démanteler et perturber les entreprises du secteur criminel organisé.
    Nous disposons en outre d'équipes mixtes qui ciblent la criminalité transfrontalière, comme les équipes intégrées de la police des frontières. Ces dernières sont des groupes binationaux, axés sur le renseignement, qui échangent des informations et collaborent quotidiennement avec les organismes étatiques et provinciaux locaux au sujet de diverses questions, telles que la sécurité nationale, le crime organisé et les autres crimes transfrontaliers.
    Sur le plan international, nos agents de liaison en poste à l'étranger sont situés à des endroits stratégiques, aux quatre coins du globe, en vue de soutenir nos enquêtes sur le crime organisé et de répondre non seulement aux besoins de la GRC, mais aussi à ceux de l'ensemble de la collectivité policière du Canada. Une saisie qui a été effectuée en 2006 est une excellente illustration de la mondialisation du crime organisé et des partenariats que nous avons développés nationalement et internationalement.
(1550)
    Conjointement avec le ministère de la Défense nationale, la GRC a saisi 22,5 tonnes de haschich sur la côte d'Afrique qui était destiné au Canada. Notre succès est dû en grande partie à la capacité des officiers de liaison de la GRC, postés dans huit pays différents, de fournir un soutien à l'enquête concernant ce projet.
    Pour terminer, monsieur le président, la GRC déploie beaucoup d’efforts pour s'attaquer aux activités du crime organisé au XXIe siècle. Peut-on faire davantage? Oui. Pouvons-nous supprimer le crime au Canada? Non. Mais nous pouvons déranger ses activités, cibler ses revenus et dissuader les groupes criminels d'exploiter et de menacer l'intégrité financière et la sécurité frontalière du Canada.
    Grâce à la notion de service de police axé sur les renseignements criminels et en travaillant en étroite collaboration avec les partenaires clés, au Canada et dans le monde entier, qui font face à des problèmes et à des difficultés semblables, nous contribuons à assurer la sécurité de nos foyers et de nos collectivités, tant au Canada qu'à l'étranger.
    J'aimerais vous remercier de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre aux questions une fois présentés les différents exposés.
    Je vous remercie.
    M. William Trudell est maintenant ici.
    Avant de passer au chef Beazley, je vais vous accorder 10 minutes, monsieur Trudell, pour votre exposé. Les membres du comité poseront ensuite des questions, comme cela se fait d'habitude.
    Je remercie monsieur le président et les membres du comité.
    Excusez-moi d'être en retard. Les autorités de l'aéroport de Toronto ont dû décider si l'avion allait décoller. Il était en retard. Je me suis adressé à un représentant et je lui ai dit: « Si je ne pars pas, est-ce que je vais avoir deux pour un pour mon billet? » Il m'a répondu « Non ». Je suis venu quand même.
    Le Conseil canadien des avocats de la défense est très heureux d'avoir la possibilité de comparaître et de vous aider. Cela fait maintenant près de 17 ans que nous comparaissons. Nous considérons que notre rôle ne consiste pas à choisir un côté ou un autre mais à examiner le projet de loi et à offrir notre aide sur la question de savoir si ce projet de loi comble des lacunes, si nous pouvons offrir des conseils sur les changements possibles et même dans certains cas, indiquer que nous ne pensons pas que le projet de loi est nécessaire.
    Dans ce cas précis, notre position est la suivante. Nous reconnaissons que le crime organisé au Canada constitue un problème, comme il l'est dans le monde entier, mais nous voulons être très prudents lorsqu'il s'agit d'étiquetter les organisations criminelles. La définition qui a été adoptée il y a quelques années en est encore presque au stade de l'enfance. Il n'y a eu qu'une affaire vraiment importante — je crois que c'est l'affaire Bonner de l'Ontario — dans laquelle le tribunal a défini ce qu'est une organisation criminelle. Nous nous trouvons donc dans une étape de mise en place, d'après nous, et c'est pourquoi nous vous invitons simplement à être prudent lorsqu'il s'agit d'ajouter au Code criminel des articles qui font appel à cette notion d'organisation criminelle. D'après nous, ce projet a pour effet de rendre plus complexes les poursuites et l'infraction.
    Permettez-moi de dire ceci. Malgré le respect que j'éprouve pour vous et pour mes collègues assis à ma droite, ainsi que pour ceux qui travaillent sur le terrain, il ne sert à rien de qualifier de meurtre au premier degré tout meurtre commis en association avec une organisation criminelle. Un meurtre est un meurtre. Un meurtre au premier degré est un meurtre au premier degré. Cette mesure contribue par contre à embouteiller le système de justice pénale alors qu'on souhaiterait qu'il fonctionne plus rapidement. Existe-t-il une lacune dans les textes législatifs? Ce projet ajoute-t-il quelque chose? Nous vous invitons respectueusement à examiner si c'est bien le cas.
    Il est bien sûr possible de commenter ce projet à des fins politiques. C'est votre travail. Vous présentez un projet de loi et c'est la raison pour laquelle vous avez été élus au Parlement. Mais est-il nécessaire? Ce projet vient-il combler une lacune? D'après nous, ce n'est pas ce que fait la qualification de meurtre au premier degré attribuée au meurtre commis au profit d'une organisation criminelle ou en association avec elle. Le meurtre d'un agent de police est, par exemple, réputé constituer un meurtre au premier degré. Vous n'avez pas à vous inquiéter de la définition de ce meurtre. Nous l'acceptons. Cela figure dans le Code criminel. Mais lorsque vous présentez ce genre de mesures, vous ouvrez la porte à toutes sortes de contestations et cela complique les règles; cela n'apporte rien au système de justice pénale si ce projet ne comble pas de lacunes. C'est ce que nous dirions pour commencer.
    Deuxièmement, il y a un autre article qui impose des peines minimales obligatoires pour certaines nouvelles infractions. Existe-t-il vraiment une lacune qu'il conviendrait de combler par la création de nouvelles infractions comme le propose le projet de loi C-14? Nous pensons respectueusement que ce n'est pas le cas. Nous continuons d'ajouter des dispositions au Code criminel alors que nous sommes encore en train de nous demander ce que veulent dire certains articles. Par ailleurs, la police dispose d'outils pour inculper les gens d'infractions reliées aux armes à feu. Si l'on veut adopter une position au sujet des peines minimales obligatoires et que l'on crée de nouvelles infractions, il faut se demander si cela va combler une lacune à long terme ou s'il s'agit simplement de faire passer un message? Nous vous invitons à examiner cet aspect.
(1555)
    Nous, les avocats de la défense du Canada, vous demandons de limiter le plus possible l'imposition de peines minimales obligatoires. Je peux vous dire que ce genre de mesure n'envoie pas le bon message aux juges. Les juges prennent très au sérieux ces infractions. L'objectif de dénonciation joue un rôle très important dans nos collectivités lorsqu'il s'agit d'armes à feu et de violence et les juges ont besoin, à mon avis, de disposer d'un pouvoir discrétionnaire de façon à pouvoir adapter la peine au crime et au contrevenant.
    Il y a un autre article du projet de loi C-14 qui étend le recours à l'article 810, les dispositions relatives à l'engagement de ne pas troubler l'ordre public ainsi que le recours aux engagements. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les commentaires que le ministre a formulés lorsqu'il a présenté ce projet de loi. Il a parlé de donner aux juges la possibilité d'adapter les conditions d'un engagement pour que le processus ne soit pas automatique. Ce sont les mots qu'il a utilisés. À mon avis, cela va tout à fait à l'encontre des peines minimales obligatoires.
    Nous pensons, et nous le constatons tous les jours, que les tribunaux sont sévères pour les infractions graves et qu'ils sont sévères pour les crimes de violence. Je pense que le législateur a fait son travail, que les services de police font leur travail, parce qu'ensemble ils font savoir que les actes criminels graves donneront lieu à des poursuites et seront traités avec beaucoup de sévérité et que c'est ce qui se passe.
    Si vous le permettez, j'aimerais faire une comparaison pendant un instant.
    Nos soldats sont en guerre en Afghanistan. Nous ne sommes pas seulement en guerre; nous n'avons pas seulement des troupes de combat dans ce pays. L'idée qui est répandue dans le monde entier et l'idée que veut concrétiser l'armée canadienne est que nous devons construire et renforcer les institutions démocratiques de ce pays pour donner à la population le sentiment que la façon de faire d'al-Qaeda, si je peux utiliser cette expression, n'est pas la bonne. Si l'on transpose cela à la lutte contre les activités criminelles, il faut alors non seulement déployer des efforts pour créer de nouvelles infractions mais déployer beaucoup d'efforts pour renforcer les services de police, les enquêtes, la participation communautaire, parce que les gens qui s'associent aux gangs, qu'il s'agisse d'organisations criminelles au sens de cette définition ou de simples organisations, ne sont pas socialisées. Ce sont des anormaux. Ils ne sont pas adaptés. Ils ont une culture différente.
    Et pourquoi? C'est parce qu'ils estiment que cette culture convient mieux à leur style de vie. Nous n'allons pas faire disparaître les gangs. Ce qu'il faut faire, c'est déployer beaucoup d'efforts pour essayer de montrer certaines choses, intégrer ces personnes et essayer de les éduquer.
    Je ne dis pas qu'il faut les dorloter. Ce n'est pas ce que je dis.
    J'habite à Toronto et pas très loin de l'endroit où j'habite il y a un quartier de Toronto où le taux de criminalité est élevé. L'autre soir, je rentrais chez moi avec mes enfants et ma femme et nous avons vu trois policiers qui marchaient dans la rue dans ce quartier. Mon fils m'a dit: « C'est vraiment bien. » Je suis sûr que cela coûte très cher de faire patrouiller ce secteur par trois policiers mais cette présence envoie un message clair.
    Si je voulais être membre d'un gang, je ne m'inquièterais pas des peines minimales. Je ne me demanderais pas si cette peine est obligatoire. Je ne me demanderais pas non plus si ces actes vont me faire commettre un meurtre au premier degré... Je ne pense pas du tout de cette façon. Je cherche uniquement une satisfaction immédiate.
    Il y a des gens qui deviennent membres de ces gangs parce qu'ils s'en trouvent valorisés. Je ne dis pas qu'il ne faut pas punir ces gangs mais si nous les punissons et nous leur attribuons une certaine crédibilité en les ciblant, alors je ne pense pas que nous ayons résolu quoi que ce soit.
    Ce projet de loi constitue un ensemble hétéroclite. Nous pensons que la présentation d'un ensemble hétéroclite de projets de loi de nature pénale va détruire le Code criminel.
(1600)
    Il faut tenir compte de l'ensemble du Code criminel mais nous ajoutons constamment de nouvelles dispositions. Si vous constatez, après avoir étudié ces projets de loi, qu'il y a un besoin, qu'il y a une lacune, qu'il y a un manque et non pas un simple sentiment répandu dans la collectivité, alors il faut les adopter. Mais vous devez d'abord décider s'il y a une lacune. Vous devez d'abord décider s'il y a un besoin. Et vous devez donc décider quel sera l'effet de ce projet.
    Dans notre pays tout entier — du ministère de la Justice à Ottawa jusque dans les provinces, y compris les services de police, les avocats de la défense, les sous-procureurs de la Couronne et les juges — tout le monde aimerait avoir un système de justice pénale plus efficace.
(1605)
    Monsieur Trudell, je regrette, votre temps de parole est écoulé.
    Merci.
    Vous aurez davantage de temps pour fournir des explications lorsque les membres vous poseront des questions.
    Nous allons maintenant passer au chef Beazley à Halifax.
    Chef, merci de vous joindre à nous. Vous avez 10 minutes.
    Bonjour, monsieur le président, et je vous remercie d'avoir tenu compte de mon horaire pour aujourd'hui. C'est un plaisir de vous parler du projet de loi C-14.
    Comme vous le savez, ces dernières années le problème de la violence et de la criminalité juvénile n'a fait que s'aggraver dans la plupart des villes canadiennes. Halifax ne fait pas exception. Halifax a depuis longtemps une sous-culture de drogue, qui a amené avec elle d'autres comportements criminels et d'autres violences. Ce problème a été aggravé ces dernières années par l'apparition d'une culture de gang et de la violence qui l'accompagne. Halifax est depuis dix ans une des villes les plus violentes du Canada.
    En 2005, nous avons mis en oeuvre une stratégie de réduction de la criminalité qui ciblait les zones à forte criminalité et les récidivistes. Ces mesures ont entraîné une diminution progressive des crimes violents. Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour réduire ces crimes.
    La criminalité a diminué pendant quatre années consécutives mais ce sont les incidents violents qui inquiètent nos citoyens, en particulier les incidents reliés aux armes à feu. Mes officiers supérieurs et moi recevons presque tous les jours des commentaires de citoyens qui déclarent avoir peur de venir à Halifax à cause de la violence qui y règne. C'est quelque chose qu'aucun d'entre nous ne veut voir dans sa collectivité.
    Même si la plupart des crimes de violence sont commis par et contre des personnes exerçant des activités criminelles, les infractions violentes, en particulier celles qui sont reliées aux armes à feu, donnent l'image d'une ville peu sûre.
    Mais ce n'est pas une simple question de perception. Il y a eu en 2008 une augmentation de plus de 10 p. 100 par rapport à 2007 du nombre des armes à feu saisies par la HRP. L'année dernière, nous avons saisi 135 armes à feu dans la ville d'Halifax. Au cours des deux premiers mois de 2009, il y a eu 18 cas de crimes violents reliés à une arme à feu et 23 autres concernant des couteaux. Au moment où je vous parle, mes unités se trouvent dans un quartier de la ville où vient d'avoir lieu une fusillade à partir d'une voiture et il y a également des policiers sur les lieux d'un autre meurtre.
    En août 2008, une fusillade a rendue plus visible la violence associée à des groupes criminels qui se faisaient la guerre. La violence a continué de façon sporadique jusqu'au début du mois de novembre, au moment où un criminel important a été libéré. Il semble qu'il y avait des incidents violents tous les jours. Malgré une réponse policière sans précédent, malgré le fait d'avoir ciblé ces deux groupes criminels, la violence a continué, et a débouché sur deux fusillades dans des lieux très publics. La première a eu lieu dans le stationnement d'une pizzeria locale et la seconde dans le stationnement de l'hôpital pour enfants IWK d'Halifax. Ces fusillades ont ébranlé la population et ont amené les services de police à intensifier leurs efforts. Un déploiement de ressources important et des efforts très ciblés ont entraîné l'arrestation de 14 personnes, la saisie de drogues et d'armes illégales, des accusations reliées aux drogues, des accusations graves reliées au Code criminel, y compris un complot en vue de commettre un meurtre et une tentative de meurtre.
    En août 2008 également, s'est produite une série de vols qualifiés violents dans des commerces, ce qui a gravement inquiété la population. Plusieurs personnes avaient été soupçonnées d'avoir commis ces vols auparavant, des accusations ont été portées, mais les vols qualifiés ont continué. Les vols étaient bien préparés, avec des itinéraires de dégagement pour éviter d'être intercepté. Ce groupe criminel a obligé le service de police à lui consacrer des ressources importantes et à faire à des compétences et à un équipement spécialisés pour effectuer les enquêtes.
    Ce ne sont là que quelques exemples des fusillades qui ont eu lieu dans des endroits très publics et sont devenues beaucoup trop fréquentes ces dernières années. Au cours de mes 39 années de service dans la police, rien ne m'a dérangé autant que le mépris total pour la sécurité des spectateurs innocents dont font preuve les auteurs de ces fusillades.
    Je suis heureux que les modifications proposées au Code criminel visent le danger de plus en plus grave que posent les fusillades en pleine ville. Le projet de loi C-14 fait clairement comprendre que notre société n'accepte pas que les criminels se livrent à des fusillades à partir d'une voiture, le fait de décharger dangereusement des armes à feu dans des endroits publics et l'utilisation des armes à feu pour intimider. Cela fait longtemps que cela aurait dû être fait.
    Le recours à la violence et à l'intimidation par le crime organisé pour atteindre ses objectifs criminels n'est pas un phénomène nouveau mais mon expérience m'indique que ce niveau de violence gratuite et extrême est quelque chose de nouveau. À mon avis, la plupart des citoyens ne se demandent pas si les homicides découlant des activités de ces organisations criminelles devraient être passibles de peines très sévères mais pourquoi ces peines ne s'appliquent pas à l'heure actuelle.
    Nous avons clairement indiqué à tous que la violence reliée aux gangs ne sera pas tolérée. Indiquer qu'un meurtre est automatiquement un meurtre au premier degré lorsqu'il est commis en rapport avec une organisation criminelle est un pas important dans la bonne direction.
(1610)
    Je suis également heureux de constater que ce projet de loi crée deux nouvelles infractions qui ont pour but de protéger les agents de la paix et les autres fonctionnaires judiciaires. De nos jours, les policiers sont confrontés de plus en plus souvent aux armes et à la violence. Nous devons veiller à ce que nos lois répriment cette violence et ces dispositions reflètent le niveau de violence et d'intimidation auquel la police fait face de nos jours. Le nombre des agressions qu'ont subi les policiers d'Halifax cette année a augmenté de plus de 40 p. 100 par rapport à l'année dernière.
    On risquerait de me reprocher de ne pas ajouter ma voix à ceux qui demandent que l'on modifie la partie VI du Code criminel, le régime applicable à l'interception des communications privées par des policiers.
    J'ai passé une bonne partie de ma carrière à faire des enquêtes sur le crime organisé et à faire de l'écoute électronique et je peux vous dire que, sans la capacité d'intercepter légalement les communications privées, il y a beaucoup d'enquêtes réussies qui auraient échoué. Cette capacité a été compromise par l'évolution de la technologie et par le fait que le droit n'a pas suivi cette évolution. En dix ans, la complexité des enquêtes criminelles et de l'information nécessaire à ces enquêtes a été décuplée. Il faut que les outils utilisés pour lutter contre le crime se modernisent également. Je sais que d'autres témoins vous ont parlé de la notion d'accès légal, je ne vais donc pas m'appesantir sur ce sujet, si ce n'est pour dire que nous aurions déjà dû agir pour moderniser la partie VI du Code criminel. Nous avons besoin de ces moyens, nous en avons besoin maintenant, si nous voulons pouvoir lutter contre le problème de plus en plus complexe que constitue la lutte contre le crime organisé et la violence.
    Pour terminer, je ne peux pas vous affirmer aujourd'hui que ce projet de loi, ou n'importe quel autre projet de loi, réglera toutes les questions liées au crime et à la violence. En fait, ces problèmes ne peuvent être réglés que par une approche sociale très large qui s'attaque aux causes sous-jacentes de la criminalité, comme la pauvreté, le racisme et toutes les autres questions de développement social. Cela ne veut pas dire que le droit pénal n'a pas un rôle à jouer. Le projet de loi constitue un pas dans la bonne direction pour ce qui est de lutter contre les gangs criminels et la violence. C'est un projet ciblé qui vise certains problèmes auxquels font face les collectivités et je vous invite tous à appuyer ce projet de loi.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, chef.
    Nous allons maintenant passer aux questions.
    Nous allons commencer par M. Murphy. Vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président et merci aux témoins.
    Le Parti libéral est favorable à ce projet de loi. Néanmoins, il est très utile pour nous d'entendre les agents d'application de la loi et dans ce cas-ci, également ce qu'a à dire M. Trudell.
    Nous avons parlé aujourd'hui d'un certain nombre de thèmes communs. Le premier est que nous voulons tous renforcer la sécurité dans notre société. Nous reconnaissons tous que le crime organisé est vraiment organisé et qu'il l'est de plus en plus. Nous admettons tous que le Code criminel est un mélange d'ajouts, d'améliorations, de lacunes et d'irrégularités, et que nous ne faisons qu'ajouter à cet ensemble hétéroclite. Nous le reconnaissons tous. Par contre, nous voulons tous, en faisant rapidement adopter ce projet de loi, donner aux agents d'application de la loi quelques outils supplémentaires — mais nous le faisons sans changer, je le précise, avec tout le respect que je dois à M. Trudell, aucune de nos règles fondamentales en matière de droits et de libertés.
    J'aimerais poser quelques questions précises qui découlent des commentaires qui ont été faits. Les premières touchent le témoignage que vous avez donné, surintendant principal Shean, au nom de la GRC, au sujet de la corruption, de l'infiltration et de l'intimidation. C'est ma première série de questions.
    La série suivante concerne l'utilisation de l'écoute électronique, ou l'interception de renseignements, dont ont parlé le sergent d'état-major Renwick et le chef Beazley.
    Premièrement, au sujet de la corruption, je dirais que vous, surintendant chef Shean, avez fait une affirmation assez troublante lorsque vous avez déclaré que le crime organisé « devient également efficace pour ce qui est d'exploiter et victimiser les gens » — ce que je crois que les gens comprennent — et « en détournant les entreprises légitimes et en corrompant des éléments de notre système politique et de notre système judiciaire ». Vous a ensuite parlé d'intimidation. Je pense que nous lisons tous les jours des choses au sujet de l'intimidation et je crois que nous comprenons cet aspect.
    Ma question est en réalité double. Quels sont les cas de corruption de fonctionnaires dont nous parlons, et à quel niveau cela se passe-t-il? Dans l'ensemble, que pouvons-nous faire de plus pour lutter contre la corruption, l'intimidation et l'infiltration?
(1615)
    Monsieur Murphy, je vais d'abord parler de la question de la corruption des fonctionnaires. Dans le poste que j'occupais auparavant, j'étais responsable du CFSU de Montréal, le Projet Colisée, que certains d'entre vous connaissent peut-être. Cette enquête, comme d'autres enquêtes effectuées dans d'autres régions du Canada, a démontré que les organisations criminelles les plus anciennes ont recours à la corruption de fonctionnaires pour exercer leurs activités.
    Cette affaire a illustré le fait que certaines agences étaient utilisées par le crime organisé parce que les employés avaient accès à des renseignements précis qui facilitaient les déplacements des cargaisons et des personnes dans nos aéroports et nos ports. Cette enquête a également montré que des employés de l'aéroport de Montréal étaient aussi utilisés, et qu'en outre, des membres de l'organisation criminelle avaient été placés, comme employés, dans divers postes en vue de faciliter les objectifs recherchés par cette organisation.
    Je ne peux pas vous donner des détails précis parce que ces affaires sont encore devant les tribunaux, mais il y a des renseignements à ce sujet qui ont été rendus publics.
    Le genre d'activités que l'on a vues à Montréal sont également exercées dans d'autres collectivités canadiennes par les organisations criminelles les plus anciennes et ces organisations tentent en général de corrompre des employés. Là encore, elles veulent simplement faciliter leurs activités. Ce n'est donc pas un événement unique. Cela devient simplement de plus en plus apparent. Nous l'avons constaté dans l'ensemble du pays.
    La deuxième partie de la question portait sur ce que nous pouvons faire pour lutter contre ces pratiques.
    Voulez-vous que nous parlions d'abord d'intimidation?
    J'aimerais revenir sur ce qu'a déclaré le surintendant Aubin au sujet de l'intimidation exercée par le crime organisé. Je viens d'arriver à Ottawa. C'était moi qui étais responsable des services de police dans la région de Codiak au Nouveau-Brunswick, comme vous le savez bien, monsieur Murphy.
    Michel vient de mentionner au comité aujourd'hui des cas qui se sont produits dans la ville de Montréal. Je vais vous amener dans la région de Moncton-Dieppe-Riverview. Nous avons constaté à quelques reprises que le crime organisé faisait sentir sa présence dans différents secteurs de notre collectivité et il y a eu des cas où l'intimidation a peut-être pris une forme indirecte, peut-être celle de contact. Mais le crime organisé se rapprochait de nos fonctionnaires, il leur faisait savoir qu'il existait et il essayait d'influencer les décisions qui permettraient peut-être à ses activités commerciales de se développer dans notre collectivité.
    Et comment peut-on lutter contre cela?
    La première façon est de sensibiliser tous les intéressés. Je crois que nous en avons déjà parlé et ce principe s'applique à toutes nos activités. Bien souvent, le crime organisé ne peut se développer dans ce genre de situation car il a besoin de soutien. Il doit s'implanter et s'introduire — comme je l'ai dit, le crime organisé est bien implanté — il nous faut donc veiller à ce que la population soit sensibilisée à cet aspect et nous devons faire en sorte de bien savoir ce que font ses membres et ce qui se passe dans notre secteur. Nous devons connaître très bien notre secteur. Je crois qu'un des principaux aspects est l'aspect sensibilisation.
    Monsieur, pour ce qui est de l'intimidation, je pense que les problèmes que connaît le Québec en sont un bon exemple. M. Ménard est peut-être au courant. Il est fréquent que des fonctionnaires, des policiers, des juges, des jurés et des poursuivants fassent l'objet d'intimidation. Je mentionnerais à titre d'exemple que dans la province de Québec, les autorités ont dû mettre sur pied un organisme regroupant tous les services d'application de la loi qui étaient chargés de surveiller, suivre et adopter des mesures pour protéger nos poursuivants et nos juges. À notre avis, si nous voulons agir en ce domaine, il faut que nous puissions disposer de textes législatifs qui le permettent. Ce genre d'activité ne peut être toléré; il doit donner lieu à des poursuites et il faut que les textes législatifs permettent également ces poursuites.
    Je vais rapidement passer à l'écoute électronique, l'interception de renseignements. Sergent d'état-major, vous en avez parlé. Chef, vous en avez également parlé. Que pouvons-nous faire pour améliorer les outils dont nous disposons pour ce qui est de l'interception de renseignements?
    À mon niveau, je ne travaille pas dans ce domaine de façon quotidienne. J'ai eu des discussions à ce sujet avec le sergent d'état-major Ladouceur et le sergent Lockhart, qui connaissent mieux ce domaine. D'après ce que j'ai compris — et le sergent d'état-major Ladouceur pourra certainement compléter ma réponse — les fournisseurs de services, et il y a de nombreuses nouvelles technologies à l'heure actuelle, ne nous présentent pas les renseignements sous une forme standardisée qui nous permettrait d'en tirer profit. Ce n'est plus une question de fil. Il n'est plus possible de faire de l'écoute en branchant des fils. Il y a des cas où les fournisseurs de service sont à l'étranger et avec la technologie actuelle, nous n'avons aucun moyen technique de les rejoindre.
(1620)
    Le temps de parole est écoulé.
    Nous allons passer à notre prochain intervenant. Vous pourrez revenir sur ce sujet, monsieur Murphy, au cours du prochain tour.
    Nous allons maintenant passer à M. Ménard, pour sept minutes.

[Français]

    J'ai trois questions à vous poser.
    Premièrement, on m'a beaucoup parlé d'une des facettes du crime organisé qui n'est peut-être pas nouvelle, mais dont on prend de plus en plus conscience. Il s'agit de toute la question des compagnies à numéro. Au cours des derniers jours, on a diffusé deux reportages sur l'industrie de la construction au Québec. Certains médias écrits ont même nommé certains secteurs précis de cette industrie, par exemple les grues.
    Quelles informations supplémentaires pourriez-vous nous donner sur l'interface entre le crime organisé et les compagnies à numéro? Pourriez-vous même déposer des documents devant ce comité?
    Dans un deuxième temps, à ma première lecture du projet de loi — que nous allons appuyer, cela ne fait aucun doute —, j'ai eu un peu la même réaction que Me Trudel. Je me suis dit qu'une personne qui commettait un homicide pour le compte d'une organisation criminelle risquait d'être emprisonnée à vie. J'essayais de voir ce que le projet de loi ajoutait de nouveau. J'ai déduit des indications fournies par le ministre que, finalement, il y a peut-être certaines situations où des gens qui commettent des crimes ou des homicides pour le crime organisé plaident l'homicide involontaire, c'est-à-dire le meurtre sans préméditation.
    Êtes-vous d'accord pour dire que la question du meurtre au premier degré constitue véritablement la nouveauté qu'apporte ce projet de loi? Quel genre d'accusations cela vous permettra-t-il de porter? J'aimerais comprendre en quoi cela vous fournit un outil nouveau.
    Je commence par vous poser ces deux questions, et si le président m'est indulgent, je poserai ma troisième question par la suite.
    Monsieur Ménard, je vais tenter de répondre à votre première question, à propos de l'interaction entre le crime organisé et les industries, notamment dans le secteur de la construction.
    Il va de soi que le crime organisé doit blanchir son argent. Au cours des 20 dernières années, la loi nous a permis de nous attaquer à ce volet. La loi a évolué, mais le crime organisé aussi.
    Le blanchiment d'argent comporte trois étapes: placer l'argent, le blanchir et le ramener en vue de l'utiliser aux fins voulues. Lorsque le crime organisé place de l'argent à l'extérieur du pays, dans des pays qui le permettent, l'argent n'est pas disponible aux criminels. Au cours des dernières années, on a relevé cette tentative de blanchir de l'argent dans des compagnies ou des industries, ce qui donne un accès plus immédiat à l'argent. Pour qualifier cette façon de faire, on utilise, en anglais, le verbe to commingle. Autrement dit, on entremêle l'argent à blanchir et l'argent légitime, ce qui rend beaucoup plus difficile la détection de l'argent illégitime.
    Pourriez-vous cibler des secteurs d'intervention au Canada où ce mécanisme de recyclage d'argent existe? L'industrie de la construction, par exemple, est-elle plus propice à cela?
    Vous parlez du crime organisé en général. Tout le monde sait que les criminels blanchissent de l'argent et vendent de la drogue. J'aimerais en connaître davantage sur le phénomène des compagnies à numéro et savoir dans quels secteurs de l'économie légale cela existe. Avez-vous des informations à ce sujet?
(1625)
    Je ne peux pas vous répondre aujourd'hui. Malheureusement, je n'étais pas préparé à cette question, monsieur Ménard. Cependant, je peux vérifier si ces informations sont disponibles. Le cas échéant, on pourra les transmettre au comité. Je crois que vous allez faire des visites partout au pays.
    C'est notre voeu, mais le chemin à parcourir est semé d'embûches. Cependant, on ne désespère pas de voyager.
    Michel et moi avons un peu la même expérience professionnelle. J'ai oeuvré, moi aussi, dans le domaine des produits de la criminalité. Selon mon expérience, le phénomène des compagnies à numéro ne touche pas des industries précises. J'ai pu constater que des gens s'embarquaient dans des compagnies à numéro dans plusieurs domaines. Cela se passait surtout à l'intérieur du pays, mais certaines personnes achetaient aussi des compagnies à numéro à l'étranger.
    D'accord. Répondez à la deuxième question, car j'aimerais en poser une troisième, si la vie est douce pour moi.
    Je peux répondre, mais je ne veux pas prendre...
    Si vous répondez à la deuxième question, c'est parfait.
    On appuie le projet de loi, mais il n'est qu'un outil parmi d'autres qui sont mis à la disposition des corps policiers et des personnes qui combattent le crime organisé. Je pense qu'on a parlé au comité des outils dont on avait besoin pour mener des enquêtes et avoir accès aux communications, de même que de la divulgation, du processus judiciaire et du processus pénitentiaire.
    Dans les derniers jours du gouvernement Martin, chaque parti politique avait fait adopter une loi. À l'époque, M. Marceau était le critique de la justice pour le Bloc québécois. Nous avions fait adopter rapidement une loi sur le renversement du fardeau de la preuve pour les biens acquis criminellement par les organisations criminelles. J'ai été informé que ce projet de loi, malgré qu'il ait reçu la sanction royale il y a deux ans, n'est malheureusement pas utilisé.
    Confirmez-vous cette information et êtes-vous en mesure de nous dire pourquoi?
    J'aimerais pouvoir répondre, monsieur Ménard. Mon travail dans le domaine des produits de la criminalité remonte à quelques années. Il serait plus approprié de poser cette question à quelqu'un en mesure de fournir une réponse plus actualisée.
    D'accord.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Comartin pour sept minutes.
    Puis-je répondre à cela?
    Je vous dirais très franchement...
    Monsieur Trudell, vous pourrez répondre pendant le deuxième tour, si cela vous convient.
    Monsieur Comartin, vous avez sept minutes.

[Français]

    Arrêtez de lui couper la parole, il va penser que vous ne l'aimez pas.

[Traduction]

    Non, non, ce n'est pas que je ne l'aime pas. C'est simplement qu'il faut respecter les temps de parole pour que tout le monde puisse poser des questions.
    Monsieur Comartin.
    J'espère que les 30 dernières secondes de M. Ménard ne sont pas être retirées de mon temps de parole, monsieur le président.
    Ce ne sera pas le cas.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, je vous remercie d'être venus.
    Chef Beazley — si vous m'entendez bien — nous avons entendu le surintendant adjoint Cabana de la GRC la semaine dernière. Il a parlé de la question de l'accès légal.
    Je lui ai posé cette question et je vous la pose aussi. Nous avons beaucoup entendu parler de cette notion et les solliciteurs généraux et les procureurs généraux, des représentants des agences d'application de la loi de toutes sortes nous ont dit qu'il fallait faire quelque chose.
    Lorsque je lui ai demandé s'il savait s'il existait une technologie qui nous permettait d'intercepter ce qui passait par les téléphones cellulaires et autres appareils, il m'a déclaré qu'il ne le savait pas. C'est pourquoi je vous demande si vous savez s'il existe au Canada une technologie qui nous permet d'intercepter ces messages?
    Je vous remercie.
    La réponse est oui. À l'heure actuelle, la Police régionale d'Halifax est en train de mettre à jour son système, ce qui nous permettra de nous occuper des courriels et des messages-texte, ce genre de choses. Je crois savoir, par exemple, qu'il existe de nouvelles technologies qui nous permettront de comprendre les « NIP » qu'utilisent couramment les gens qui possèdent un BlackBerry.
    La réponse est donc oui, pour la plupart. Mais les choses continuent à évoluer et je suis sûr qu'il y a peut-être certaines choses que nous n'arriverons pas à faire. Une partie de l'argument en faveur de l'accès légal veut que la loi devrait obliger les sociétés qui continuent à inventer de nouveaux appareils à prévoir ce que l'on appelle couramment une « porte d'entrée » de sorte que, lorsque la police a l'autorisation d'intercepter des communications, elle soit en mesure de le faire.
(1630)
    Je crois, chef et les autres, que c'était ce point précis que je souhaitais que vous abordiez — est-ce que cette porte d'entrée existe ou est-ce que cette technologie existe? C'est en fait ce que je voulais savoir.
    À mon avis, dans certains cas, non. Mais j'ai assisté à une réunion à Vancouver il y a environ un mois et on nous a dit qu'on était en train de mettre au point une nouvelle technologie qui allait nous permettre de faire certaines choses que nous ne pouvions pas faire auparavant.
    Je vais vous inviter à intervenir, surintendant principal.
    Je voulais compléter ce que venait de dire M. Beazley. Il y a des choses dont nous pourrions peut-être parler au comité mais plutôt à huis clos. Nous avons des gens qui travaillent sur ce genre de technologie qui pourraient vous fournir d'autres détails sur les façons d'avoir accès à ces appareils.
    Nous pourrons peut-être poursuivre sur ce sujet dans le cadre de l'étude que nous faisons sur le crime organisé.
    Surintendant principal Shean, je me suis un peu inquiété. À deux reprises au moins en cours de votre exposé, vous avez fait référence à la corruption de fonctionnaires. Je sais que, bien sûr, on a essayé de le faire, principalement je crois au Québec, où des fonctionnaires ont été menacés, agressés et tués à quelques reprises. Vos commentaires semblaient aller plus loin et parler de corruption de fonctionnaires. Je pense que vous voulez parler de pots-de-vin ou de participation directe à une activité criminelle. Je connais moins bien ce genre de situations. C'était une affirmation générale.
    J'aimerais en fait que vous me disiez dans quelle mesure les fonctionnaires sont corrompus parce qu'ils sont impliqués dans le crime organisé. Y a-t-il des affaires publiques dont vous pouvez nous parler qui ont entraîné des condamnations?
    Pour répondre en partie à votre question, je vous dirais que nous avons mentionné — et je crois que c'est ce qu'a fait le surintendant Aubin lorsqu'il a répondu à la question de M. Murphy — certains dossiers où les membres du crime organisé ont tenté de corrompre des fonctionnaires. Nous voulons souligner au comité que c'est un aspect important qu'il ne faut pas oublier et que nous devons être sensibilisés à cette possibilité parce que le crime organisé prospère lorsqu'il y a de la corruption.
    Excusez-moi. J'ai eu l'impression en écoutant deux de vos déclarations qu'il ne s'agissait pas simplement de tentatives mais d'opérations réussies à la suite desquelles des fonctionnaires avaient été corrompus. C'est sur cet aspect que j'aimerais avoir vos commentaires.
    C'est exact, monsieur. À titre d'exemple, il y a eu à Montréal des affaires précises, des enquêtes qui ont montré que des personnes travaillant pour un organisme public et qui avaient accès à des renseignements confidentiels avaient été corrompues et transmettaient à d'autres ces renseignements. Ces personnes ont fait l'objet de sanctions, qu'elles soient de nature pénale ou administrative.
    Cette corruption découlait-elle d'incitatifs financiers ou de menaces de violence?
    À ma connaissance, il s'agissait principalement dans ces affaires d'incitatifs financiers. Je vous mentionne cela en me fondant sur mon expérience des enquêtes sur le crime organisé. Le crime organisé a parfois le tour, si je peux m'exprimer ainsi, ou la capacité de reconnaître les individus qui pourraient être sensibles à ce genre d'offre et il réussit parfois à les faire changer de camp. Nous l'avons vu. Les organisations criminelles ont déployé des efforts concertés pour y parvenir.
    Monsieur Ladouceur.
    Je vous demande de m'excuser parce que je n'ai pas tous les détails mais je me souviens d'une enquête qui a amené le congédiement d'un agent d'audience dans le secteur de l'immigration. Cela se passait dans la province de Québec et je crois à Montréal. Je n'ai pas le nom du projet mais ce fonctionnaire a été congédié parce qu'il avait permis à des membres du crime organisé d'entrer au Canada. Cela remonte probablement à deux ou deux ans et demi.
    Je crois que je connais cette affaire mais je ne pense pas qu'il s'agissait de crime organisé. Il y avait eu corruption à cause d'une seule personne, c'est du moins ce dont je me souviens.
    Monsieur Trudell, je ne pense pas avoir bien compris ce que vous avez dit. Vous parliez à l'époque des modifications qui se trouvent dans le projet de loi C-14 et qui visaient le meurtre au premier degré; vous avez dit que ce genre de modification ponctuelle au code avait pour effet de ralentir le système. Pourriez-vous nous en dire davantage? Je n'ai pas bien compris.
(1635)
    Une réponse brève.
    Une réponse brève? Très bien.
    Lorsqu'on ajoute un élément à une infraction qui existe déjà dans le Code criminel, il faut établir cet élément. Cela ne favorise pas l'efficacité, si cet élément n'est pas nécessaire. Prenons l'exemple du meurtre au premier degré. Si l'on veut alléguer qu'un meurtre est devenu un meurtre au premier degré parce que le meurtre a été commis au profit d'une organisation criminelle ou en association avec elle, il faut alors établir qu'il y avait une organisation criminelle, établir le profit qui a été retiré, établir la participation, au lieu de simplement avoir à prouver le caractère prémédité et délibéré ou l'existence d'un complot ou d'un groupe.
    L'autre aspect bien sûr est que la personne qui est déclarée coupable de meurtre au second degré est passible d'une peine d'emprisonnement à perpétuité. La présence de circonstances aggravantes peut déboucher sur une peine incompressible de 25 ans, sans demande de libération conditionnelle.
    J'invite le comité à examiner l'affaire Bonner pour voir ce que madame la juge Fuerst a dû faire pour démontrer l'existence d'une organisation criminelle. Je pense que dans ce cas-là il s'agissait des Hells Angels. Lorsqu'on essaie de bien faire fonctionner un système, on constate que, lorsqu'on ajoute un élément inutile, alors je pense que cela ajoute des complications sur le plan du temps, du coût, des dépenses, des retards dans le système alors que ce n'est pas nécessaire. C'est ce que je voulais dire.
    Merci.
    Surintendant principal Shean, vous avez mentionné que vous seriez peut-être prêt à nous communiquer certaines choses si nous siégions à huis clos. Si tous les membres du comité qui sont ici le souhaitent, nous pourrions prévoir un peu de temps à la fin de notre séance pour vous entendre à huis clos. Vous préféreriez peut-être revenir?
    Nous préférerions demander à un spécialiste de ce domaine de revenir. Nous avons des gens qui possèdent cette expertise et qui pourraient vous fournir des explications qui seraient plus utiles au comité.
    Nous allons en prendre note. Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Moore pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    Nous avons eu une discussion très intéressante qui a touché un grand nombre de sujets. Je vous remercie pour les commentaires que vous avez faits sur ces sujets jusqu'ici.
    Pour ce qui est de l'approche qu'a adoptée actuellement le gouvernement, il a été dit que c'était un pas dans la bonne direction mais pas une panacée. Ce n'est certainement pas ce que nous prétendons. Notre méthode consiste à faire progresser les choses avec chacun de nos projets de loi. Au cours de la dernière législature, cela a voulu dire adopter des peines minimales obligatoires pour les crimes liés aux armes à feu, renverser le fardeau de la preuve pour la libération sous cautionnement pour les crimes reliés aux armes à feu, modifier les conditions de la détention à domicile, relever l'âge du consentement et présenter un projet de loi sur la conduite avec les facultés affaiblies. Au cours de cette session, nous avons présenté ce projet de loi ainsi que d'autres traitant des drogues illicites, du crédit accumulé en fonction de la durée de la détention préalable au procès et plus récemment, du vol d'identité.
    Nous avons donc adopté une approche qui consiste à examiner chaque problème particulier et à essayer de faire évoluer notre système judiciaire dans la bonne direction, en tenant compte des préoccupations des policiers de première ligne, des victimes du crime et des autres acteurs du système de justice.
    Nous avons ici des représentants d'Halifax, de la GRC, ainsi que d'Ottawa. Halifax et Ottawa sont des villes très étendues qui comportent des secteurs ruraux et urbains. Nous étudions aujourd'hui le crime organisé. Ce phénomène est souvent perçu — comme nous pouvons le voir aux nouvelles — comme un problème de centre-ville. Mais ce problème se pose également dans les régions rurales.
    Est-ce un problème qui sévit uniquement dans les secteurs urbains ou devrions-nous tous nous y intéresser, que nous vivions dans les zones urbaines ou rurales, à titre de députés ou de Canadiens?
    Je laisse à tous ceux que j'ai mentionné la possibilité de répondre à cette question.
    Je peux parler de l'expérience que j'ai acquise ici, à Ottawa, avec une population d'un peu plus de 800 000 habitants. Les gangs de rue sont pour nous un problème urbain. Nous n'avons pas observé ce genre d'activité dans les zones urbaines. D'après notre expérience, tous ceux qui sont impliqués dans le commerce du crack, dans la violence, les armes à feu, et tout ce qui va avec, exercent leurs activités près du centre-ville. Toutes les fusillades et les cas sur lesquels nous avons fait enquête ces derniers mois concernent les zones urbaines. Nous avons exécuté quelques mandats dans les zones rurales mais cela concernait plus précisément des infractions reliées aux armes à feu plutôt que des infractions reliées aux gangs.
(1640)
    Je viens de faire un séjour dans certaines provinces de l'Ouest. Les villes connaissent des problèmes de gangs mais il y en a également dans les zones rurales. Ce phénomène ne se limite donc pas aux zones urbaines, d'après mon expérience avec les différentes agences de la GRC avec qui j'ai parlé.
    Puis-je parler pour Halifax?
    Bien sûr.
    La majorité des choses que je vois concerne le centre-ville. Mais ces dernières années, nous avons constaté, en particulier avec les fusillades à partir d'une voiture et avec les criminels qui font la guerre à d'autres criminels en différents lieux, que l'endroit où ils se trouvent n'importe pas vraiment. Nous avons eu des fusillades dans des banlieues. Le crime organisé utilise nos côtes et nos zones rurales pour introduire des drogues et faire la contrebande de cigarettes. Mais il est triste de dire que l'usage des armes à feu et les fusillades, en particulier contre des gangs rivaux pour des questions de drogue, se produisent là où ces gangs se rencontrent. Ce pourrait être fort bien le centre-ville d'Halifax ou Fall River en Nouvelle-Écosse. Il y a des maisons dans les banlieues qui sont marquées par les balles, tout comme dans les zones urbaines.
    J'espère que cela vous sera utile.
    Oui, merci.
    Chef Beazley, bien sûr nous savons qu'il y a toujours eu des gangs en fait et il y a toujours eu de la violence mais vous avez mentionné dans vos commentaires que le niveau ou l'intensité de cette violence a quelque chose de nouveau. Vous avez dit quelque chose de ce genre. Je me demande si vous pourriez en dire davantage, parce qu'évidemment, il arrive que des cas soient très médiatisés et que les gens réagissent vivement.
    L'approche que nous avons adoptée consiste à agir de façon constante. Il ne suffit pas de réagir à un ou deux cas particuliers. Il faut avoir un plan général, faire des progrès, en tenant compte du fait qu'il y aura parfois des creux et quelquefois des sommets.
    Vous avez mentionné que d'après vous les choses avaient changé. Pourriez-vous nous donner un exemple? En quoi les choses sont-elles différentes aujourd'hui?
    Je dis que j'ai constaté un changement dans l'intensité des crimes violents. Si l'on regarde les statistiques, pour les jeunes contrevenants par exemple, elles disent peut-être que la criminalité des jeunes baisse depuis 10 ans. Mais la violence elle-même, les crimes violents ont en fait augmenté. Qu'il s'agisse d'agressions ou de vols qualifiés.
    En 2005, nous avons eu huit tentatives d'homicides à Halifax. Trois d'entre elles étaient des fusillades à partir d'un véhicule. En 2006, il y en a eu trois, dont deux étaient des fusillades à partir d'un véhicule. En 2007, il y en a eu quatre et deux étaient des fusillades à partir d'un véhicule. En 2008, il y en a eu douze, dont cinq étaient des fusillades à partir d'une voiture. Jusqu'ici, depuis le 1er janvier, il y a eu cinq tentatives de meurtre et une de ces tentatives, en fait deux d'entre elles, jusqu'ici, étaient des fusillades à partir d'une voiture.
    Nous constatons que les membres de gangs qui portaient au départ une arme à feu comme un symbole de leur statut sont passés à autre chose. Lorsqu'ils commencent à tirer, ils tirent, peu importe où ils se trouvent. J'ai parlé de l'hôpital IWK. C'est la principale maternité d'Halifax et des criminels ont commencé à tirer des coups de feu juste devant l'entrée de l'hôpital. Ils tirent là où ils rencontrent des gangs rivaux.
    Nous avons donc constaté une augmentation. Les crimes violents deviennent de plus en plus violents et bien sûr je parle uniquement de l'utilisation d'armes à feu. Nous avons eu 18 affaires d'attaque au couteau depuis janvier. La violence s'aggrave donc. Je crois que c'est la meilleure façon de le dire.
    Merci, chef.
    Nous allons maintenant passer à M. Dhaliwal pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins et vous dire aussi que vos suggestions sont bienvenues.
    Ma question s'adresse à M. Renwick. J'ai entendu dire qu'il était difficile de prouver qu'une personne est membre d'un gang, de sorte que les poursuivants ont du mal à utiliser les lois qui ont été conçues expressément pour s'appliquer aux membres des gangs. Pouvez-vous nous dire si nous, en tant que législateurs, pourrions améliorer la situation?
(1645)
    Notre section existe depuis quelques années maintenant et nous venons tout juste d'obtenir récemment le statut de témoin expert sur la question des gangs. Un de nos détectives, le détective O'Brien, a témoigné en janvier au cours d'une audience sur la détermination de la peine.
    C'est un processus qui est assez nouveau pour nous. Il y a d'abord la définition de gang de rue. Deuxièmement, nous utilisons le critère en six points qui a été élaboré par le Service canadien de renseignements criminels. Il comprend six questions qui portent sur la participation: ces personnes ont-elles déclaré être membre d'un gang; ont-elles participé à des crimes? En fait, j'ai les six critères ici, si vous voulez que je vous les lise.
    Bien sûr.
    Le premier critère consiste à disposer d'une source de renseignements fiable qui affirme que la personne en question est membre d'un gang. Deuxièmement, un policier a observé cette personne en train de fréquenter un ou plusieurs membres d'un gang connus. Troisièmement, la personne reconnaît appartenir à un gang. Quatrièmement, la personne participe directement ou indirectement à des crimes reliés aux gangs. Cinquièmement, un tribunal a déclaré que la personne en question était membre d'un gang. Et sixièmement, la personne en question montre des signes symboliques d'identification aux gangs comme des couleurs, des tatous et ce genre de choses.
    Pour qu'une personne soit membre d'un gang, elle doit répondre à trois de ces six critères, dont un doit être le critère numéro quatre, à savoir une personne qui participe directement ou indirectement à un crime relié à un gang.
    Ce sont les critères que nous appliquons et, avec la définition de membre d'un gang, ce sont les critères qu'utilisent les tribunaux pour qualifier une personne de membre d'un gang. Je sais que le Code criminel contient une définition du crime organisé qui est différente mais le Service canadien de renseignements criminels a élaboré ces critères en 1991 pour uniformiser ces notions dans l'ensemble du Canada.
    Ces critères peuvent-ils donc faire partie de lois qui s'appliquent à l'ensemble du pays?
    J'ai eu cette discussion avec des enquêteurs criminels de notre unité des armes à feu et des gangs ce matin et je sais que le Code criminel contient une définition du « crime organisé » parce que je l'ai lue également ce matin. Notre discussion portait sur la question de savoir si cette preuve serait plus facile si ces critères figuraient dans le Code criminel. Nous parlons de gangs de rue ici; le crime organisé est quelque chose de complètement différent. Mais oui, cela introduirait une certaine uniformisation et une méthode d'application commune dans l'ensemble du pays.
    Merci.
    Nous avons rencontré le procureur général Oppal de la C.-B. le mois dernier lorsqu'il est venu ici, et il nous a fourni quelques statistiques. Environ 10 p. 100 de toutes les infractions criminelles donnent lieu à un procès et la réalité est que dans les affaires de violence de gang ou lorsqu'une personne que l'on soupçonne d'être membre d'un gang est arrêtée, ces dossiers sont traités en dernier de sorte que le membre du gang retrouve sa liberté.
    De votre point de vue, pensez-vous qu'il s'agisse là d'une question fondamentale lorsqu'on arrête une personne soupçonnée d'être membre d'un gang?
    Excusez-moi, je n'ai pas compris après « 10 p. 100 ». Que font les membres du gang?
    On dit qu'il y a seulement 10 p. 100 des affaires qui donnent lieu à un procès et même lorsqu'elles donnent lieu à un procès, elles sont traitées en dernier parce qu'il y a un manque d'expertise chez les procureurs de la Couronne et les juges. Pensez-vous la même chose?
    Nous avons un procureur de la Couronne ici à Ottawa qui est spécialisé dans les poursuites contre les membres des gangs. Je me trouvais récemment à Toronto où il y a plus de 50 procureurs de la Couronne spécialisés dans ce genre d'affaires. C'est donc effectivement une orientation que nous prenons.
    Quant à expliquer pourquoi ces affaires ne donnent pas lieu à un procès, je pense que cela ne vient pas du fait que les procureurs sont réticents à intenter ce genre de poursuite. Un bon nombre de ces dossiers donnent lieu à un plaidoyer de culpabilité ou sont réglés d'une autre façon avant le procès. Je n'ai pas constaté, ici à Ottawa, qu'on hésite à poursuivre les membres de gang. C'est en fait le contraire. Il y a une volonté réelle d'agir dans ce domaine à cause des problèmes que nous connaissons. Il y a un membre de gang qui est très actif et qui cause beaucoup de tort à la collectivité et c'est nous qui sommes chargés d'appliquer ces dispositions. Nous n'avons pas constaté que les procureurs de la Couronne cherchaient à éviter ces poursuites. Il leur arrive d'accepter des plaidoyers de culpabilité à l'égard d'infractions reliées, ce qui est un peu décevant pour nous, mais je n'ai senti aucune hésitation à intenter ce genre de poursuite.
    Merci.
    Si vous me permettez d'ajouter, monsieur, que mon expérience...
(1650)
    Nous allons passer à l'intervenant suivant. Nous avons déjà accordé une minute de plus à M. Dhaliwal.
    Monsieur Ménard, vous pouvez poursuivre pour cinq minutes.

[Français]

    Merci.
    Plus tôt, j'ai posé une question au sujet du renversement du fardeau de la preuve pour les biens acquis criminellement par les organisations criminelles. Le Bloc avait fait adopter ce projet de loi avec le concours de toute la Chambre. Mon ancien collègue, un homme très honorable, M. Richard Marceau, ancien député de Charlesbourg, a laissé un souvenir impérissable à la Chambre.
    Pourquoi le projet de loi n'a-t-il pas été adopté? M. Trudell semblait avoir des éléments de réponse. Je propose qu'on l'écoute, puisqu'il est venu de Toronto et qu'il a failli ne pas être ici. Devant son courage, on va l'écouter.

[Traduction]

    Je pense que dans le cas d'une infraction grave pour laquelle il y a renversement du fardeau de la preuve, je dirais que ce renversement de la preuve n'est pas nécessaire. Les trois motifs habituels demeurent: motifs primaire, secondaire et le troisième motif, qui est la protection de l'intérêt public. Je peux vous dire très franchement que dans la plupart des cas il n'est pas nécessaire d'avoir recours à la disposition relative au renversement du fardeau de la preuve, d'après ce que j'ai constaté. Si l'infraction est vraiment grave, si elle est reliée à des armes à feu, il est très peu probable que la personne qui en est soupçonnée soit libérée sur cautionnement. Nous en sommes encore au tout début de l'application des dispositions sur le renversement du fardeau de la preuve à ce genre d'infraction. L'outil existe donc mais il n'est peut-être pas nécessaire.
    Voilà ce que me dit mon expérience.

[Français]

    Je remarque que vous avez utilisé un petit subterfuge qui vous réconcilie avec le droit en ne répondant pas directement au projet de loi, mais en faisant une déclaration éditoriale sur un principe. Je comprends ça.
    Il y a autre chose que je souhaite comprendre, et votre point de vue peut être intéressant. Vous ne semblez pas convaincu que le projet de loi sur les homicides et les meurtres au premier degré est un nouvel outil pour les policiers. Qu'est-ce qui vous fait douter que cet outil permettra de porter des accusations?
     Est-ce que l'homicide involontaire coupable ou lorsqu'on allègue qu'il n'y a pas eu préméditation... Dans tous les cas où les organisations criminelles feront face à des accusations, elles ne pourront pas dire que c'était de la négligence et que ce n'était pas prémédité. Vous semblez penser que ce n'est pas véritablement du droit nouveau. J'aimerais comprendre pourquoi.

[Traduction]

    Je pense que vous avez entendu mes collègues dire que les procureurs n'hésitent pas à intenter des poursuites. Je crois qu'il y a en ce moment de grandes poursuites concernant le crime organisé, des armes à feu et des gangs dans toutes les régions du pays.
    Lorsque la police dispose de moyens d'enquête, qu'il y a une infrastructure, pour ce qui est des procureurs de la Couronne qui travaillent avec la police, des procureurs de la Couronne provinciaux qui travaillent avec les poursuivants fédéraux pour intenter des poursuites relatives aux drogues aussi, des poursuites sont intentées. Il n'y a pas de lacune, si je peux me permettre de le dire.
    Nous parlons du projet de loi C-14. Nous parlons d'une présomption de meurtre au premier degré. Je pense qu'il n'y aura pas une avalanche de nouvelles accusations à cause de ce projet.
    Très franchement, les policiers veulent que les tribunaux entendent les affaires de façon rapide et efficace. Cet élément supplémentaire ne va pas les aider. C'est, je crois, ce que j'essaie de dire ici. Il n'y a pas de réticence au Canada lorsqu'il s'agit d'intenter des poursuites.
(1655)

[Français]

    Vous avez suggéré qu'on lise un jugement de la Cour suprême. De quel jugement s'agit-il? Pouvez-vous le transmettre à la greffière, afin qu'on puisse le lire?

[Traduction]

    C'est une affaire appelée Bonner et Lindsay.

[Français]

    D'accord. On connaît l'arrêt Lindsay. C'était en Colombie-Britannique.

[Traduction]

    Merci, monsieur Ménard.
    Monsieur Trudell.
    L'affaire à laquelle je fais référence est Bonner et Lindsay. C'est une poursuite contre le crime organisé. La décision de madame la juge Fuerst est une décision détaillée qui porte sur le crime organisé et la définition qu'en donne le Code criminel. Elle a fait l'objet d'un appel mais c'est une lecture utile.
    Merci.
    Monsieur Petit, êtes-vous prêt à poser une question? Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup. Je dispose de cinq minutes? Ça va être très court. Je vais peut-être partager le temps qui m'est alloué avec un de mes collègues, si jamais je n'ai pas besoin de cinq minutes.
    La question s'adressera à M. Todd ou peut-être à M. Michel Aubin. Je vais répéter à peu près les termes que M. Ménard a utilisés plus tôt en donnant un exemple. Dernièrement, il est question de l'industrie de la construction, qui semble être infiltrée par le crime organisé. Si des membres du crime organisé infiltrent l'industrie de la construction, c'est qu'ils veulent blanchir de l'argent qui vient de la prostitution, du vol, de la drogue, des cigarettes, etc. Donc, ils ont besoin d'un véhicule pour pouvoir entrer dans un groupe et blanchir leur argent.
    On a aussi appris qu'ils infiltrent non seulement de gros groupes, mais que ces groupes sont parfois constitués de patrons, de responsables syndicaux, parfois même de gens qui contribuent à la démocratie au Canada sous différentes formes. On voit le crime organisé qui entre tout doucement par la porte arrière et se glisse vers le haut. Cela peut même parfois engendrer des problèmes beaucoup plus graves. Comme quelqu'un l'a dit plus tôt — je ne sais pas si c'était le représentant de la police d'Ottawa —, il y a des problèmes d'intimidation. Quelqu'un peut avoir peur; même un politicien peut avoir peur. Nous avons vu ce qui s'est passé en Italie. Tout a commencé dans le secteur de la construction et à la suite de l'opération Mains propres, l'affaire est remontée jusqu'au juge de la Cour suprême d'Italie, qui était impliqué dans toutes sortes d'événements. Il n'était pas le seul, certains juges étaient impliqués.
    Il y a dans le projet de loi C-14 une protection pour les politiciens, les policiers ou les gens qui devront agir pour lutter contre le crime organisé, etc. Cette protection vous semble-t-elle suffisante aujourd'hui? J'ai un doute, même si on propose la loi. En 1975, on a fait une enquête sur la construction. On avait dit que cela ne se reproduirait plus jamais. Maintenant, nous sommes en 2009, 33 ans plus tard, une génération plus tard, et le crime organisé est encore présent dans la construction. C'est pourquoi je vous demande si le projet de loi qu'on essaie de vous présenter vous satisfait ou si c'est juste une petite partie de ce qu'on peut faire.
    Je vais répondre d'abord, et M. Aubin pourra poursuivre. Vous soulignez quelque chose d'intéressant. Le crime organisé qui s'introduit dans une industrie cherche à se légitimer. Alors, il s'infiltre dans l'industrie de la construction et dans d'autres. Une fois que c'est fait, souvent, il essaie de prendre le contrôle de l'industrie. Il va peut-être pouvoir se procurer des contrats à des prix moindres qu'une entreprise légitime, parce que l'organisation essaie de blanchir de l'argent, alors elle peut se permettre de perdre un peu d'argent pour obtenir le contrat. Chaque projet de loi, chaque démarche qu'on entreprend n'est qu'une démarche. Le projet de loi va-t-il nous aider? Absolument, oui. Cela va nous aider, mais ce n'est qu'un élément.
    Comme on l'a expliqué plus tôt, il faut aussi parler de sensibilisation. Il faut qu'on sache aussi que le crime organisé cherche à s'infiltrer. Il faut qu'on soit au courant de ça.
    M. Aubin aurait peut-être quelque chose à ajouter?
(1700)
    Non. M. Shean a entièrement raison. Je ne crois pas qu'il s'agisse uniquement de l'industrie de la construction. C'est une technique du crime organisé qui est bien connue que de s'immiscer, de s'insérer dans une industrie par la porte avant et ensuite d'élargir son champ d'action à l'aide de ses propres techniques. Cette méthode est connue mondialement, en ce qui concerne le crime organisé.
    À mon avis, et comme l'a dit M. Shean, ce projet de loi doit être lié à d'autres aspects que M. Cabana a mentionnés la semaine dernière devant ce comité. Lorsqu'on parle de lawful access, de divulgation, de partage de l'information, ce sont tous des éléments qui sont nécessaires au système d'application de la loi, au système judiciaire, afin qu'on ait les outils nécessaires pour s'attaquer au crime organisé tout en maintenant le respect des droits de la personne, de la Charte des droits et libertés. Cependant, il faut reconnaître que le crime organisé, surtout dans le cas des groupes bien organisés, a cette capacité d'intimidation, de corruption. Si on n'a pas les outils, on ne sera pas munis pour s'y attaquer de façon globale.
    En ce qui a trait à la divulgation — cela a été mentionné plus tôt —, il faut reconnaître aujourd'hui que la demande exigée par la cour en termes de divulgation, la demande de preuves nécessaires contre une organisation criminelle, est tellement volumineuse que c'est très difficile pour les corps policiers et les procureurs de gérer cette preuve afin de mener à une poursuite complète et, en fin de compte, à une accusation contre une organisation criminelle. Ce qui est malheureux, c'est que lorsqu'une organisation criminelle est reconnue comme telle à un certain endroit, dans une certaine province — comme cela a été le cas de Lindsay et Bonner en Ontario, où les Hell's Angels ont été reconnus comme une organisation criminelle —, il serait d'autant plus nécessaire que cette organisation soit reconnue de la même manière ailleurs au Canada, sans qu'on doive refaire la preuve.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Murphy pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je n'ai pas vraiment le temps de me lancer dans un débat avec vous, monsieur Trudell, mais nous avons obtenu l'autre jour des statistiques au sujet des meurtres: 104 en 2006, dont 74 étaient des meurtres au premier degré. Vous soutenez je crois qu'il faudra utiliser beaucoup de ressources supplémentaires pour porter des accusations de meurtre au premier degré lorsque les faits justifient apparemment une déclaration de culpabilité pour meurtre au second degré. Mais d'après ce que je sais — et les policiers vont probablement confirmer ce que je dis — les poursuivants et les policiers prendront cette décision en se fondant sur la difficulté de l'affaire et c'est simplement une possibilité supplémentaire, si vous voulez, qui est offerte aux poursuivants et aux policiers et qui leur permet de prendre une décision au cas par cas.
    J'aimerais que mon collègue des Maritimes qui est assis là-bas puisse intervenir. Il a tout à fait raison de dire que Halifax a changé. J'ai étudié à l'université dans cette ville et mes camarades de classe — pas moi, bien sûr — se promenaient dans les rues tard le soir sans s'inquiéter de quoi que ce soit, mais cela a changé. L'atmosphère a changé. Il y a des membres de gangs de North Preston qui écument les Maritimes.
    J'aimerais en fait savoir chef, si du point de vue des organismes d'application de la loi, vous pensez que vous disposez de suffisamment d'outils. Je vais être précis. À l'heure actuelle, vous pouvez obtenir l'autorisation de faire de l'écoute électronique pour une période d'un an à la fois. D'après mes renseignements, il ne semble pas que cette demande soit faite très souvent. Les poursuivants hésitent à demander l'autorisation d'intercepter des communications pour une année entière.
    La deuxième question touche le témoignage donné par le sergent d'état-major Renwick au sujet de la reconnaissance du statut de témoin expert. Certains policiers ont réussi dans certains tribunaux, je le suppose, à obtenir cette reconnaissance. Est-ce que des membres de votre service de police — un membre de la GRC, JFO ou autre — ont été reconnus comme des experts sur les organisations criminelles par les tribunaux en Nouvelle-Écosse? Est-il facile d'obtenir cette reconnaissance? Est-ce là que viennent certaines de vos difficultés?
    Je pense que dans la région de l'Atlantique, nous hésitons un peu à porter des accusations de crime organisé et lorsque nous l'avons fait — je pense à un cas en particulier qui remonte à quelques années — les inculpations reliées au crime organisé ont donné lieu à des plaidoyers de culpabilité et à d'autres accusations.
    Je pense que dans la région de l'Atlantique, ou du moins ici dans cette municipalité régionale, nous ne sommes pas encore habitués à porter ce genre d'accusations. Les poursuivants sont un peu hésitants. Je ne pense pas qu'ils possèdent les connaissances spécialisées pour le faire et dans certains cas, lorsque nous parlons de ce genre d'enquêtes, nous nous en remettons principalement à ce qui se fait à Toronto ou à Montréal, où les services de police ont l'expérience de ce genre de chose et où la Couronne est active. Je dirais donc que pour ce qui est des enquêtes les plus récentes, nous sommes prêts à aller de l'avant. Les procureurs de la Couronne commencent à se sentir plus à l'aise dans ce genre de situation. Mais encore une fois, il arrive très souvent que, lorsque nous portons ces accusations, elles ne donnent pas lieu à un procès parce que les accusés enregistrent divers plaidoyers. Je crois que c'est la façon la plus exacte de décrire la situation.
    Pour ce qui est des témoins experts, en particulier dans le domaine des gangs illégaux de motards, nous avons des gens qui ont été reconnus comme témoins experts. J'ai été pendant 12 ans un témoin expert en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve. J'ai témoigné à Montréal contre des gangs illégaux de motards. Ce qui a changé, c'est qu'il y a maintenant des règles dans ce domaine. Le Collège canadien de police et la GRC donnent des cours de formation dans ce domaine, de sorte que nous avons réalisé des progrès. Les règles nous ont permis de témoigner à peu près de la même façon à Halifax et à Vancouver, et de livrer un témoignage utile dans ce genre d'enquête.
(1705)
    Mais pour ce qui est de la question de l'écoute électronique, brièvement — vous avez droit d'intercepter des communications pendant un an — est-ce que vous utilisez ce genre d'autorisation pour l'année entière si vous le demandez?
    D'après mon expérience récente, je dirais que non ce n'est pas ce qui se fait et je crois que la Couronne est encore une fois un peu prudente dans ce genre de situation. Nous obtenons une autorisation assortie des conditions habituelles et nous demandons ensuite un renouvellement de l'autorisation.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Trente secondes.
    Très brièvement, nous avons envisagé de nous rendre dans divers endroits chauds, et là, je parle du comité. D'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, je crois que, si nous voulons vraiment obtenir des renseignements utiles au sujet de l'activité des gangs et des façons de lutter contre elles, nous devrions tenir une bonne partie de nos séances à huis clos, c'est-à-dire, sans que le public y assiste. Êtes-vous d'accord avec cette stratégie? Je demande à chacun de répondre par oui ou par non à l'exception de M. Trudell qui préfère sans doute la transparence.
    Chef Beazley, aimeriez-vous que nous procédions de cette façon?
    Nous pourrions probablement vous donner des renseignements plus récents qu'il serait difficile de vous fournir maintenant.
    Merci.
    Qu'en pensent les autres policiers?
    La police d'Ottawa pense la même chose.
    Je dirais que nous serions davantage disposés à vous transmettre certains renseignements qui pourraient vous être utiles.
    Merci. Nous allons en prendre note.
    Monsieur Storseth, vous avez également cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais prendre le temps de remercier les témoins d'être venus aujourd'hui. Nous avons entendu des témoignages fort intéressants. J'ai été heureux de vous entendre dire que ce projet de loi représentait un pas dans la bonne direction mais qu'il n'était que cela, un petit pas dans la bonne direction. Il nous reste encore beaucoup à faire. C'est exactement la position qu'a adoptée notre gouvernement. C'est la position qu'a fait connaître le ministre. J'ai été heureux d'entendre que vous pensez également qu'il faudrait adopter ce projet de loi rapidement si nous voulons mettre à votre disposition d'autres outils législatifs.
    J'aimerais poser quelques questions qui découlent des témoignages présentés aujourd'hui. Je vais parler au surintendant principal Shean, étant donné que la division K est le détachement de police dans notre région.
    Quelle est l'importance du trafic de drogue pour le crime organisé? Est-ce encore une des principales sources financières du crime organisé?
    Oui, tous les renseignements dont nous disposons montrent que le trafic de drogue est encore une des principales activités du crime organisé. Je ne vais pas vous redire ce dont j'ai parlé dans mon exposé. Nous avons également constaté que ces groupes ont diversifié leurs activités dans de nombreux autres secteurs.
    J'ai une question à poser à ce sujet.
    Si c'est un aspect très important, quelle est l'importance de l'utilisation des téléphones cellulaires pour le trafic de drogue et pour les vendeurs de drogue?
    Lorsque vous exercez ce type d'activité, il faut nécessairement disposer de moyens de communication. C'est donc absolument... Je ne me souviens pas d'une seule affaire de drogue sur laquelle j'ai travaillé où les suspects n'avaient pas au moins un... Habituellement ces groupes utilisent plusieurs téléphones cellulaires ou appareils pour communiquer.
    Des BlackBerrys. Bien souvent ils changent d'appareils et de numéros plusieurs fois par mois. Un vendeur de drogue qui n'aurait pas accès à un téléphone cellulaire ou à un BlackBerry serait un peu comme un vendeur de drogue de l'âge des cavernes.
    Cela compliquerait énormément les choses.
    La question qui me vient naturellement à l'esprit est de vous dire que je comprends ce dont vous parlez lorsque vous mentionnez l'écoute électronique et l'importance d'avoir accès aux renseignements dont ils se servent. S'il existait un moyen d'interdire l'accès à un téléphone cellulaire aux vendeurs de drogue qui ont été déclarés coupables et qui travaillent pour le crime organisé , ne serait-ce pas une mesure utile pour la GRC? Laissons de côté pour le moment les aspects constitutionnels.
(1710)
    Il me semble que cela a déjà été fait. Cela se fait déjà. Il y a des tribunaux qui ont interdit ce genre de chose.
    Voilà qui m'amène à ma question suivante. Je me demande toutefois si ces ordonnances sont toujours respectées. Il me semble que cela a déjà été fait, c'est une décision qui a déjà été prise mais je n'ai jamais entendu dire que ces décisions étaient respectées.
    Monsieur, je suis peut-être mieux placé pour vous répondre parce que je fais partie du service de police d'Ottawa. Les téléphones cellulaires représentent un élément clé. Lorsque nous arrêtons quelqu'un, nous sommes vraiment étonnés par le nombre de fois que le téléphone cellulaire sonne pendant le peu de temps que nous l'avons. Pour ce qui est des conditions de la libération sur cautionnement, des engagements et des promesses, nous obtenons presque toujours l'interdiction des téléphones cellulaires. Pour ce qui est de la mise en application de ces interdictions, nous avons une unité du crime de rue. Son unique tâche consiste à faire appliquer ces conditions et à signaler les violations. C'est un outil très utile pour nous.
    Vous obtenez donc de bons résultats dans ce domaine?
    Tout à fait.
    Excellent.
    Vous avez parlé des nombreuses entreprises à peu près légitimes que met sur pied le crime organisé. Vous est-il facile de vérifier les activités d'un membre connu et condamné d'un groupe criminel? Est-il facile pour vous de vérifier ces livres comptables?
    Michel et moi avons tous les deux travaillé sur les produits de la criminalité de sorte que nous avons souvent effectué des vérifications pour ce genre d'entreprises. C'est parfois très complexe parce que ces entreprises, en particulier si elles existent depuis un moment, retiennent les services de comptables et d'avocats. Ce sont des entreprises légitimes qui fonctionnent dans le monde des affaires et il faut mettre de côté les aspects légitimes pour voir comment l'entreprise a démarré, comment elle a été financée au départ, et d'où venait l'argent. Il s'agit en fait d'effectuer une vérification comptable et criminalistique de ces entreprises et c'est une opération très complexe.
    Cela m'amène à ma dernière question qui est brève. Nous avons parlé des outils législatifs qu'il faudrait mettre en place. Mais il me semble que lorsque nous parlons de choses comme des vérifications, c'est une question de ressources. J'aimerais que chacun d'entre vous me dise si le problème le plus grave que vous rencontrez dans vos activités quotidiennes est un problème de ressources financières ou de ressources législatives?
    Je pense que c'est un peu les deux. Je ne pense pas qu'il existe une réponse simple.
    Je pense qu'aucun des policiers qui se trouvent devant vous aujourd'hui ne va vous dire qu'il n'a pas besoin de davantage de ressources. Habituellement, lorsqu'il y a un besoin, nous nous adressons à l'assemblée législative et demandons des ressources. Il arrive parfois que le financement soit un problème.
    Nous avons également besoin de certains outils, et je sais que M. Cabana en a parlé lorsqu'il était ici la semaine dernière et nous l'avons mentionné aujourd'hui. Nous avons besoin de certains outils législatifs.
    Si nous voulons lutter contre le crime organisé dans nos collectivités, nous, les agences d'application de la loi, avons besoin de toute une gamme d'outils.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Rathgeber pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je vais uniquement adresser mes questions à M. Trudell. Je me pose des questions au sujet de vos commentaires, en particulier au sujet de la modification du Code criminel qui va qualifier de meurtre au premier degré tout homicide commis dans le cadre des activités du crime organisé ou d'un gang.
    J'ai soigneusement pris note de vos commentaires préliminaires et vous avez parlé d'étiquetage et dit que le fait de qualifier ces homicides de meurtre au premier degré ne donnerait aucun résultat. Je ne comprends pas très bien.
    J'ai exercé ma profession d'avocat jusqu'à ce que je sois élu. Je ne suis pas un pénaliste mais j'ai des amis qui le sont et je parle aux poursuivants. Ils me disent que dans le cas d'une inculpation de meurtre au premier degré, en particulier lorsqu'elle est jugée par un juge et un jury, l'élément constitutif de l'infraction qui est le plus difficile à prouver est le caractère délibéré ou prémédité de l'acte. Souscrivez-vous à cette description, en particulier pour le juré qui a du mal à comprendre ce qui se passe vraiment dans l'esprit de l'accusé?
    Je pense que l'on peut dire qu'il faut établir au-delà de tout doute raisonnable que le meurtre était prémédité et délibéré. Je ne pense pas que les jurés canadiens éprouvent beaucoup de difficultés à comprendre cette notion.
    En fait, je crois que dans ce genre d'affaire, les juges donnent maintenant au jury des directives qui sont uniformisées pour l'ensemble du pays. Je ne pense pas qu'il y ait des éléments ou des statistiques indiquant que les jurés ont du mal à comprendre le sens des adjectifs « prémédité » et « délibéré » ainsi que la différence entre le meurtre au premier et au second degrés. Je pense que grâce aux instituts judiciaires, les juges ont fait beaucoup d'efforts pour uniformiser ces directives.
    Cependant, pour répondre à votre question, je pense qu'il faut admettre qu'il est plus difficile de prouver le caractère prémédité et délibéré de l'homicide à cause de la peine maximale.
(1715)
    Nous avons vraiment économisé du temps ici. Je vous en remercie.
    Vous admettrez avec moi que les adjectifs « prémédité » ou « délibéré » et l'expression « a participé à des activités de gang » ne sont pas mutuellement exclusifs. Cela donne à la Couronne un ou deux choix pour établir un meurtre au premier degré. Si le projet de loi C-14 est adopté, la Couronne peut démontrer la préméditation et le caractère délibéré du meurtre, ce qu'elle a toujours pu faire, ou elle peut suivre un chemin tout à fait différent et tenter d'établir que le meurtre est relié à une activité de gang.
    Je pense qu'avec le temps, si ce projet de loi est adopté, nous allons constater certaines choses ici. Je peux vous dire très franchement qu'il y a toujours une certaine planification dans la plupart des scénarios où un meurtre a été commis par des personnes participant à des activités criminelles par l'intermédiaire d'organisations.
    Je pense que les jurés auront plus de mal à comprendre ce que veut dire un meurtre prémédité et délibéré. Les procureurs de la Couronne vont avoir le fardeau supplémentaire d'établir ce qu'est une organisation criminelle, convoquer un témoin expert et ensuite essayer d'établir le lien.
    J'estime, monsieur, que cela n'ajoute aucun fardeau supplémentaire. Ce projet de loi donne uniquement à la Couronne une autre possibilité.
    Non, je ne suis pas d'accord avec vous. Il faut qu'il y ait planification et propos délibérés pour qu'il y ait meurtre au premier degré. J'ai beaucoup de mal à imaginer une situation où des personnes participant à des activités de gang ou d'organisations criminelles et qui commettraient un meurtre ne seraient pas inculpées de meurtre au premier degré, à moins que le meurtre soit accidentel.
    Le droit actuel ne prévoit-il pas que si l'homicide est commis au cours d'une agression sexuelle et que la victime décède, la Couronne n'est pas tenue d'établir le caractère prémédité de l'homicide? Celui-ci est réputé constituer un meurtre au premier degré. N'est-ce pas ce que dit actuellement le droit au Canada?
    Tout à fait.
    Lorsque vous avez répondu aux questions de M. Comartin, vous avez déclaré que vous n'étiez pas convaincu que ces modifications donneraient naissance à une avalanche d'inculpations. Si cela est vrai, pourquoi vous y opposez-vous?
    C'est à vous de décider si ce projet de loi est nécessaire. J'affirme simplement que, si ce projet de loi était nécessaire, nous verrions probablement un grand nombre d'accusations portées dans ce domaine. J'estime que ce n'est pas ce qui va se passer parce que je pense que le Code criminel couvre déjà les situations dont nous parlons.
    Lorsque la peine capitale a été supprimée, nous avons décidé que certaines infractions seraient réputées être des meurtres au premier degré. Par la suite, l'infraction à laquelle vous avez fait référence a également été incluse. C'est parce que l'assemblée législative, après avoir procédé à des études, des consultations et entendu de nombreux témoignages, a décidé qu'il y avait une lacune et que cette mesure était nécessaire. Si c'est la conclusion à laquelle vous en arrivez, alors le projet de loi doit être adopté.
    Merci, et merci à tous les témoins.
    Monsieur Norlock.
    Je suis membre d'un autre comité appelé le comité de la sécurité publique. Nous étions en train d'étudier la sécurité nationale, je crois, avec M. Comartin, au cours de la dernière session du Parlement, et plus particulièrement les marchandises contrefaites. Je veux en arriver à la question des sources de revenu du crime organisé. Nous importons des marchandises de l'étranger. Tous les témoins peuvent répondre à cette question — les policiers et peut-être, le chef d'Halifax.
    Nous examinions deux types de marchandises contrefaites à cette époque. Certaines d'entre elles étaient des articles de mode, comme la montre Rolex qui n'en est pas vraiment une ou votre sac à main Louis Vuitton. J'ai eu l'erreur de déclarer qu'aucun sac à main ne valait 3 500 $ mais il y a eu beaucoup de femmes qui n'étaient pas d'accord avec moi. J'aimerais que vous disiez aux Canadiens ce qu'ils font vraiment lorsqu'ils achètent ce genre de copies pour impressionner leurs amis qui pensent qu'ils possèdent l'article original.
    Nous avons examiné des marchandises contrefaites qui étaient en réalité des articles que nous utilisons tous les jours. On nous a montré des rallonges électriques qui contenaient très peu de métal, de simples fils, lorsqu'on en retirait le plastique. Lorsque les gens achètent ce genre de produits ils donnent non seulement leur argent à des fabricants criminels mais ils se mettent également eux-mêmes en danger ainsi que leurs concitoyens.
    J'invite le surintendant ou le chef à répondre à cette question et peut-être que le chef pourrait ensuite répondre.
(1720)
    Dans mon exposé, j'ai parlé de marchandises contrefaites. Nous parlons beaucoup de sensibilisation. Nous devons veiller à ce que la population canadienne sache où va son argent lorsqu'elle achète des biens contrefaits. Le crime organisé a infiltré ces domaines parce que les risques y sont faibles. Lorsque vous achetez un sac à main de marque, à qui va l'argent que vous avez payé pour acheter cet article? C'est une question. L'aspect sensibilisation est très important pour nous.
    Il y a ensuite le volet sécurité. Un sac à main de marque n'est peut-être pas un article dangereux mais certains de ces articles sont utilisés dans les automobiles, dans les foyers et même dans des jouets. Ces articles peuvent nuire à nos citoyens.
    Ce sont là les deux points sur lesquels il faudrait attirer l'attention de la population et je crois que l'une des grandes questions est la sensibilisation.
    Chef Beazley.
    Je ne pense pas que je pourrais ajouter grand-chose. Je ne suis pas un spécialiste de ce domaine. Le peu que je sais est que nous devons nous préoccuper de la sécurité — les rallonges électriques, les accumulateurs. Les jouets dont a parlé le surintendant sont parfois fabriqués avec du plomb qui pourrait nuire à la santé de nos enfants. Il faut que la population sache qu'en utilisant ce genre de marchandises, elle augmente les risques d'incendie.
    L'autre aspect est que tout cela n'est qu'une question d'argent. Le crime organisé est mu par l'appât du gain. Les gens cherchent toujours à faire une bonne affaire. Nous ne mentionnons pas assez souvent que lorsque nous achetons des choses sur le marché légal, nous appuyons des entreprises légales et l'argent dépensé revient dans la collectivité. Avec ces choses qui entrent souvent en contrebande, l'argent va directement aux criminels qui l'utilisent pour d'autres types d'entreprises criminelles et nos collectivités en souffrent d'une façon ou d'une autre.
    Merci, chef.
    Aurais-je raison de dire, surintendant, que la personne qui achète ce sac à main d'un membre du crime organisé...? Je vais revenir au projet de loi C-14. Les membres du crime organisé sont ceux qui retirent des avantages de ce commerce, cela les aide à acheter des drogues et les drogues à leur tour sont à l'origine de guerres de territoire. Par conséquent, en achetant ce sac à main, la personne qui s'inquiète beaucoup des balles qui volent dans son quartier ou près de son hôpital ou dans le centre-ville où elle effectue ses achats, a en fait facilité toutes ces choses. Les citoyens devraient réfléchir à ce qu'ils achètent et être sûrs de ne pas faire des choses qui à long terme compromettent notre sécurité.
    Est-ce aller un peu trop loin ou est-ce assez exact?
    Veuillez être très bref.
    Je ne pense pas que vous alliez trop loin. Je pense qu'il faut faire ressortir ce volet sensibilisation: à qui va cet argent? Il va servir à financer le crime organisé et le crime organisé exploite toute une gamme d'entreprises illégitimes, comme le trafic de drogue, comme les armes. Vous avez donc raison de dire que l'argent revient au crime organisé qui s'en sert pour développer ces entreprises.
(1725)
    Merci.
    Nous sommes arrivés à la fin de notre séance. Je regrette de dire qu'il ne nous reste plus de temps.
    Je vous remercie tous les six d'être venus ici. Nous avons probablement encore beaucoup de chemin à faire pour examiner ce que nous pouvons faire pour aider le gouvernement à répondre aux défis que pose le crime organisé. Encore une fois, merci à tous.
    Nous allons suspendre la séance et ensuite siéger à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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