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Je déclare la séance ouverte.
Ceci est la 17e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le jeudi 30 avril 2009. Bienvenue aux membres du public et aux journalistes présents aujourd'hui.
Comme la plupart d'entre vous le savent, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a convenu il y a quelque temps de réaliser une étude exhaustive de la criminalité organisée. Initialement, nous avions envisagé d'y consacrer quatre séances, mais nous avons évidemment vite réalisé qu'il en faudra bien plus. Nous sommes prêts à y consacrer le temps voulu pour faire un bon travail.
Nous avons invité des témoins de tout le Canada à comparaître devant nous pour nous aider à proposer au gouvernement quelques orientations sur le plan de la lutte contre la criminalité organisée et peut-être aussi déterminer quelques facteurs sous-jacents qui amènent certains à s'engager dans la criminalité organisée.
Nous recevons aujourd'hui un assez grand nombre de témoins, qui représentent certainement un large éventail de points de vue sur ces questions.
Je veux tout d'abord saluer M. Neil Boyd, criminologue, et M. Robert Gordon, également criminologue. Nous avons aussi Wai Young. Nous avons Evelyn Humphreys, représentant S.U.C.C.E.S.S. Nous avons Michelle Miller, représentant Resist Exploitation, Embrace Dignity. Nous avons aussi deux personnes représentant la Unincorporated Deuteronomical Society, soit M. Robin Wroe et le juge en chef Bud the Oracle.
Vu nos contraintes de temps et vu la pléthore de demandes de comparution — dont le nombre dépasse nos possibilités, en quelque sorte —, nous devons limiter les exposés aujourd'hui à cinq minutes par organisation. Je ferai une exception, pour M. Boyd, car nous allons également lui demander de traiter du projet de loi .
Monsieur Boyd, si vous êtes en mesure de le faire, vous pouvez aborder également les enjeux entourant le projet de loi , afin d'avoir vos vues au dossier et pouvoir nous en servir lors de nos délibérations sur le projet de loi.
Chacun de vous dispose de cinq minutes pour sa déclaration, et j'entends par-là chaque organisation. Vous aurez amplement de temps pour apporter des compléments d'information dans vos réponses aux questions des membres du comité.
Merci encore une fois de comparaître.
Nous allons commencer avec M. Boyd. Vous disposez de 10 minutes.
Permettez-moi de commencer par dire que les gangs et la criminalité organisée existent chez nous depuis au moins 150 ans — des jeunes gens aliénés et désenchantés unis par le mépris des lois, utilisant le crime comme levier de création de richesse matérielle. Souvenez-vous de Daniel Day-Lewis dans Les gangs de New York, une description raisonnablement fidèle de la violence perpétrée par les gangs à New York à la fin des années 1860, puis projetez-vous 140 années plus tard dans les rues de Vancouver où presque une personne par jour était abattue jusqu'il y a trois semaines environ.
La fin des années 1960 et le début des années 1970 ont ouvert de nouvelles possibilités à ces bandes et organisations criminelles. Les drogues du tiers monde sont arrivées aux portes du premier monde. La facilité nouvelle des voyages à travers le monde a mis les Nord-américains en contact avec le cannabis et le haschich dans des pays comme l'Inde, le Liban et la Thaïlande, avec la cocaïne en Colombie et en Bolivie, et avec l'opium et l'héroïne en Asie du Sud-Est. Certains voyageurs et entrepreneurs intrépides ont introduit ces drogues du tiers monde en Amérique du Nord et en Europe occidentale. Bien que la marijuana, la cocaïne et l'héroïne aient été illégales depuis le début du XXe siècle, il y avait peu de trafic au Canada ou aux États-Unis jusqu'à la fin des années 1960 et au début des années 1970 — de fait, seulement un millier de condamnations par an environ des années 1920 jusqu'en 1967, toutes drogues illégales confondues. En 1976, nous enregistrions 40 000 condamnations pénales annuellement, et ce rien que pour la possession simple de cannabis. C'était là un changement spectaculaire.
Au cours des 40 dernières années, nous avons continué à utiliser la prohibition criminelle comme principale réponse à la distribution et la possession de ces drogues. Malheureusement, la prohibition confie la responsabilité pour la qualité et le prix du produit aux bandes criminelles, et leur garantit des profits juteux. Il est tout à fait légitime de dire, sur cette toile de fond, que nos politiques ont servi à remplir les poches de trafiquants de drogues souvent violents. Cependant, il faut dire aussi que chaque drogue légale ou illégale est différente, comportant ses propres risques et méfaits potentiels. Le grand paradoxe de notre réalité actuelle est que souvent des individus vont être abattus dans le cadre du commerce du cannabis alors qu'il est presque impossible de mourir en consommant la drogue elle-même.
Paradoxalement, nous condamnons moralement la consommation et la distribution de cannabis, mais non pas le tabac, une drogue ayant un plus gros potentiel d'accoutumance, plus nocive pour la santé et responsable d'une mortalité sans précédent. On peut ainsi légitimement considérer que nous traversons nos vies avec des oeillères culturelles, incapables de voir la construction sociale bizarre, peut-on dire, que les générations précédentes ont créée pour nous. Une réponse plus efficace à la criminalité organisée consisterait, pour une large part, à retirer du contrôle des gangs les formes de commerce rémunératrices, et le cannabis serait un bon endroit pour commencer pour peu que nous en ayons la volonté politique. Je reconnais également que c'est là un problème planétaire qui ne peut être réellement résolu que dans un contexte planétaire.
J'ajouterais que la bataille contre le crime organisé ne peut simplement être gagnée en modifiant notre approche des drogues actuellement illégales. Il en existe certaines — le crack et le crystal meth — que l'on peut difficilement considérer comme des marchandises se prêtant à une réglementation rationnelle. Et il subsiste pour les gangs et la criminalité organisée d'autres moyens potentiellement viables de trafiquer. Le vol d'identité, la fraude, la traite de personnes et la cybercriminalité figurent parmi les principales possibilités plus contemporaines. Nous devons donc certainement reconnaître que si la régulation de certaines drogues actuellement illégales pourrait porter un rude coup aux affaires des criminels organisés, cette action seule ne peut régler les problèmes qui nous confrontent.
Cela nous amène donc au temps présent et à la réponse du gouvernement fédéral à la violence des criminels organisés, particulièrement la récente cascade de meurtres à Vancouver, réponse prenant principalement la forme d'une nouvelle catégorie de meurtre au premier degré appliquée à tout assassinat commis par un membre de gang. Mais mettez-vous à la place d'un membre de gang dans les rues de Vancouver. Il porte déjà un pistolet et est prêt à l'utiliser contre ses adversaires. Il est déjà prêt à tuer et à risquer d'être tué. Il ne réfléchit nullement aux dures peines sanctionnant son crime déjà imposées par le Code criminel.
Le projet de loi C-14 va également apporter beaucoup d'eau au moulin des avocats et de la profession juridique. À partir de quel moment peut-on classer en droit un individu comme commettant un meurtre dans le cadre d'une association criminelle? Quelle sorte d'anticipation est requise pour être condamné sur une telle accusation de meurtre au premier degré? Ces questions vont certainement occuper le temps des avocats de la Couronne, des avocats de la défense et des magistrats et rien ne prouve que cette amputation du rôle de l'intention criminelle nous apportera une meilleure sécurité sociale. Après tout, ce devrait être là l'objectif de toute mesure que nous prenons.
À cet égard, je plaide non pas pour le renforcement des peines mais plutôt pour des efforts de prévention à long terme, des ressources ciblées mises à la disposition des policiers chargés d'enquêter sur le crime organisé et de démanteler les gangs, et comme mon collègue Robert Gordon va probablement le suggérer, pour un service de police intégré du Lower Mainland.
Comme le président l'a indiqué, j'aimerais me concentrer réellement ce matin non pas sur le projet de loi , mais le projet de loi .
J'aimerais commencer par faire remarquer que la plupart des personnes arrêtées et condamnées pour trafic ne contrôlent pas l'offre de ces drogues. En réalité, il s'agit pour l'essentiel de petits consommateurs-trafiquants qui vendent juste assez pour financer leur consommation personnelle.
Comme vous le savez sans aucun doute, deux études de votre propre ministère de la Justice contestent le recours aux peines minimales obligatoires à l'égard des crimes de drogue. Le commentaire rédigé pour ce projet de loi cite ce passage d'une étude de 2005: « Il semblerait qu'elles [les peines minimales obligatoires] ne soient pas un outil efficace en matière de détermination de la peine, c'est-à-dire qu'elles gênent le pouvoir judiciaire discrétionnaire sans offrir de meilleurs résultats quant à la prévention du crime ».
L'autre étude, celle de 2002, fait valoir que l'absence de dissuasion résulte de l'absence de discrétion judiciaire. En effet, les procureurs et la police sont alors souvent obligés d'user eux-mêmes de cette discrétion, choisissant souvent de ne pas porter d'accusations qui conduiraient automatiquement à une peine d'incarcération. En outre, des jurys peuvent choisir d'acquitter les prévenus qui seraient automatiquement condamnés à la prison lorsque cette peine leur paraît excessive et injuste.
Quels arguments peut-on donc faire valoir en faveur d'une peine minimale obligatoire? Comme l'indique le résumé législatif du projet de loi , il s'agirait de dénoncer certaines conduites insignes et d'en tenir les auteurs responsables, sans égard à l'efficacité d'une telle loi. Nous le faisons pour les homicides, et cela représente une sanction entièrement appropriée. Mais qu'en est-il d'un individu qui cultive seulement un ou deux plants de marijuana et qui partage les fruits de son jardinage avec ses amis et voisins adultes? Faut-il dénoncer sa conduite en l'enfermant en prison pour une durée minimale de six mois? C'est ce qu'impose le projet de loi par son article 3 et ses modifications du paragraphe 7(2) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Pour dire les choses simplement, le projet de loi ne fait pas de distinction entre la culture de marijuana et certaines des conduites condamnables auxquelles se livrent certains cultivateurs de marijuana. Le projet de loi énumère un certain nombre de ces actes graves: la création d'un risque d'atteinte à la sécurité publique, le vol d'électricité, l'exposition d'enfants à des résidus toxiques, la présence d'armes à feu dans une installation de culture et la pose de pièges potentiellement mortels dans une installation de culture et autour. S'il est logique de dénoncer ces types de conduite, il est grossièrement disproportionné de dénoncer toutes les formes de culture de marijuana au moyen de peines de prison minimales. Les mêmes arguments valent évidemment aussi pour la distribution de cannabis.
J'aimerais également commenter la déclaration récente du ministre de la Justice Nicholson au sujet du cannabis: « La marijuana est la monnaie qui sert à introduire d'autres drogues plus néfastes dans le pays ». Certes, nous avons lieu d'être inquiétés par ces Canadiens qui exportent de la marijuana aux États-Unis en échange de cocaïne, d'héroïne ou d'armes à feu, mais qu'en est-il des dizaines de milliers de Canadiens qui cultivent la drogue pour eux-mêmes ou d'autres Canadiens? Méritent-ils une peine de prison obligatoire de six mois, particulièrement lorsqu'on sait que leur choix de drogue a des conséquences sur la santé relativement insignifiantes comparé à des drogues légales plus dangereuses et activement promues comme l'alcool et le tabac?
Enfin, considérons le coût des peines de prison minimales obligatoires prévues par le projet de loi . Je vais me limiter à la culture de la marijuana, ne calculant ainsi qu'une petite portion des montants que le contribuable devra verser pour financer l'exécution de cette nouvelle loi, mais c'est le domaine pour lequel nous avons de très bonnes données.
Une étude de la GRC de 2005 a recensé tous les cas avérés de culture de la marijuana en Colombie-Britannique de 1997 à 2003, soit un total de 14 483 cas dans la province au cours de cette période septennale, avec un peu plus de 500 individus incarcérés pendant une durée moyenne de cinq mois. La nouvelle loi imposerait au moins six mois de prison à quelque 14 000 Britanno-Colombiens de plus ou, en d'autres termes, 2 000 Britanno-Colombiens de plus par an. Le coût de cette incarcération serait d'environ 57 000 $ par an pour chaque détenu provincial, soit un total de 114 millions de dollars par an pour les cultivateurs de marijuana rien qu'en Colombie-britannique.
En résumé, le projet de loi est une mesure mal conçue qui va probablement coûter à une province comme la Colombie-Britannique des centaines de millions de dollars par an en nouvelles cellules de prison. Je ne calcule même pas le coût de construction de ces prisons, mais il en faudra en construire rien que pour loger les cultivateurs de marijuana, parmi beaucoup d'autres.
Je ne peux qu'espérer que les libéraux, le NPD et le Bloc Québécois vont se dresser et, s'ils ne sont pas prêts à rejeter purement et simplement le projet de loi, au moins y apporter des amendements qui résistent à l'épreuve du bon sens.
Merci.
Bonjour à tous et à toutes. Merci de l'invitation. Je viens juste de réduire mon texte des deux tiers, et je demande votre patience.
Je vais me concentrer sur cinq points.
Premièrement, au cours de l'été 2006, j'ai rédigé un rapport pour le BC Progress Board sur la criminalité et la justice pénale en Colombie-Britannique. Il s'agit là, bien entendu, du cercle de réflexion du premier ministre sur divers sujets, principalement d'ordre économique.
Entre autres choses, mon coauteur et moi-même étions chargés de déterminer les causes premières du crime et de la criminalité dans la province et de proposer des solutions, le tout en 40 pages. L'avis de la plupart de ceux que nous avons consultés pour ce projet, principalement des hauts fonctionnaires, des policiers, des universitaires et des représentants de l'industrie, est que les drogues et l'alcool sont les plus importantes causes des délits et de la criminalité en Colombie-Britannique.
Rien n'indique que la situation ait changé depuis 2006. En particulier, les problèmes liés aux drogues ne semblent pas avoir changé. De fait, étant donné les éruptions de violence à Vancouver et dans des localités de la vallée du Fraser à l'automne 2007 et encore il y a tout juste quelques mois, tout pointe vers un problème croissant. Tant le côté offre que le côté consommation de l'industrie étaient perçus en 2006, et continuent d'être perçus aujourd'hui, comme responsables d'un grand nombre de délits, et le côté offre est très clairement dominé par des bandes organisées.
Il fait peu de doute que la province est l'hôte d'un trafic de drogues illégales extrêmement bien implanté et hautement profitable. Il se développe régulièrement depuis maintes années et sans interruption notable. Il semble bien que la C.-B. soit un gros exportateur d'une forme de marijuana particulièrement puissante, commercialisée sous le nom de B.C. Bud, et que la principale direction du trafic soit nord-sud, vers les États-Unis. En direction nord, bien entendu, il y a le trafic de cocaïne, d'armes et de dollars américains.
Nous avons isolé trois approches de ce problème, trois façons possibles de s'y attaquer.
La première consiste à décriminaliser la marijuana en particulier, mais en réglementant et taxant l'industrie, avec à la clé des économies évidentes — en fait, des gains — pour le gouvernement dans un certain nombre de domaines, ce qui serait couplé à une approche de la drogue et de la toxicomanie axée sur la santé plutôt que sur la répression.
La deuxième possibilité est de lancer une guerre totale, planifiée et dotée de toutes les ressources nécessaires, contre les groupes criminels organisés impliqués dans le trafic de drogues illégales dans la province, de préférence en lançant des campagnes régionales, et en particulier à l'échelle de la région du Pacifique Nord-Ouest dans son entier car ce trafic transcende les frontières politiques.
La troisième démarche était une combinaison des deux précédentes, commençant par un assaut contre le crime organisé. C'est, bien entendu, ce que nous proposons, soit une guerre contre le crime organisé, et non une guerre contre les drogues. Elle serait couplée avec une approche de la consommation et de l'abus de drogue axée sur la santé et une décriminalisation graduelle et une réglementation, en particulier de l'industrie de la marijuana.
Il y avait donc trois possibilités. La troisième était une combinaison de décriminalisation et de la réglementation de l'industrie de la marijuana en particulier, jointe à un assaut contre le crime organisé.
Dans notre rapport, ces trois options étaient simplement énoncées, sans recommandation. Mais il est clair que si une approche a été retenue par le gouvernement, c'est celle de l'option B, une guerre totale contre les bandes organisées. Et c'était prévisible pour différentes raisons.
Le point suivant est que la mesure dans laquelle une guerre contre la criminalité organisée peut réussir dépendra très largement de la mesure dans laquelle elle est bien financée, adéquatement organisée et pleinement et stratégiquement planifiée. Malheureusement, tout indique que ces éléments n'ont pas encore été mis en place, la conséquence étant que rien n'a changé. C'est fondamentalement la même stratégie que celle que l'on a cherché à employer ces 10 dernières années.
Des incursions périodiques ciblant des groupes particuliers — résultant souvent en une perturbation réussie mais temporaire du trafic — représentent de bons événements médiatiques. Elles causent des majorations temporaires du prix de détail des drogues dans les rues, augmentant les profits des fournisseurs, et, comble d'ironie, elles conduisent aussi à un accroissement des crimes contre les biens, puisque les toxicomanes s'efforcent d'acquérir plus de ressources pour satisfaire leurs besoins. Cela ouvre aussi de nouvelles possibilités à des organisations criminelles nouvelles et existantes de s'emparer d'une part de marché. Et je pense que nous avons vu ce phénomène à l'oeuvre au cours des derniers mois. Mais le problème est que l'industrie sous-jacente continue de prospérer, notamment du fait de l'importante demande des consommateurs de ce produit.
La solution est donc de passer à une lutte mieux organisée contre la criminalité organisée. Dans cette province, c'est un problème chronique et crucial. L'une des difficultés est que nous n'avons pas en place une organisation unique pouvant opérer à l'échelle régionale pour combattre la criminalité organisée.
Nous avions une telle organisation. Elle était connue sous le sigle CLEU, mais elle a été démantelée suite à un rapport de 1998 d'un comité présidé par Stephen Owen, un très éminent Britanno-Colombien. Ce rapport recommandait la mise en place d'un nouveau mécanisme de lutte contre la criminalité organisée dans la province. C'est ce qui a donné naissance à l'Organized Crime Agency of British Columbia, qui a connu un départ flamboyant — disposant apparemment de bonnes ressources prévisibles et d'une bonne organisation et dotée d'une stratégie claire, dirigée par Bev Busson, qui est ultérieurement devenue commissaire de la GRC. Donc, à première vue, c'était une organisation très utile.
Cette organisation a disparu en 2004, pour des raisons que je n'ai pu encore déterminer. Les raisons de sa dissolution sont très mystérieuses. Elle a été remplacée par la Combined Forces Special Enforcement Unit et toute une série d'autres organisations et services policiers, qui à mon avis représentent un exemple classique de structure en silo. Je ne vois pas le type d'organisation policière qu'il faudrait réellement pour combattre la criminalité organisée, particulièrement en Colombie-Britannique.
Et là-dessus, je vais m'arrêter.
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Bonjour. Merci infiniment de m'écouter aujourd'hui.
Je suis ici aujourd'hui comme coordonnatrice de Vancouver Citizens Against Crime. C'est une nouvelle organisation communautaire sans but lucratif et non partisane, fondée parce que les habitants de Vancouver sont très préoccupés par les tueries quotidiennes, déjà évoquées, et qu'ils veulent avoir une voix à Ottawa.
L'une des missions premières du groupe est d'être cette voix et d'en faciliter l'expression. Nous travaillons actuellement à un mémoire et recueillons des avis et suggestions auprès du public, que nous soumettrons à votre comité d'ici la fin de mai. Je suis actuellement ici comme remplaçante d'une personne qui n'a pu venir, si bien que mon exposé ne sera pas aussi complet que je l'aurais voulu si j'avais eu un peu plus de préavis. Je vous prie de m'en excuser.
Je veux simplement dire que, personnellement et professionnellement, j'ai grandi à Vancouver, travaillé dans le quartier « east side » du centre-ville et j'y ai fait du bénévolat pendant plus de 25 ans. Au cours de cette période, j'ai perdu beaucoup de jeunes, ainsi que des amis adultes et des parents, victimes du crime organisé. C'est ma passion et mon inquiétude qui m'amènent ici aujourd'hui. Sachez que j'ai fait mes premières armes dans ce quartier et y ai travaillé successivement pour Neighbourhood Houses Services, le Chinese Cultural Centre, la Strathcona Community Centre Association, S.U.C.C.E.S.S., et comme travailleuse des services à l'enfance au ministère des Affaires sociales, arpentant les rues du quartier east side.
Au cours de cette période, j'ai aussi accueilli dans mon foyer sept enfants, dont l'un est mort à l'âge de 21 ans d'une surdose de drogue dans east side. Être présente à ses funérailles a été l'une des pires choses que j'ai personnellement vécues.
Je veux également vous faire part du fait qu'il y a 26 ans, comme présidente de la Strathcona Community Centre Association, j'ai fondé le groupe de travail sur les gangs et les jeunes à risque de Vancouver. À ce titre, nous faisions pression sur les autorités locales, provinciales et fédérales pour obtenir des crédits pour les jeunes à risque. Je suis heureuse de dire que ces efforts ont porté beaucoup de fruits et que nous avons reçu des crédits. Cela a été le point de départ de maints programmes que vous voyez aujourd'hui, tant à l'échelle provinciale que fédérale.
Cependant, je suis aussi préoccupée de voir que, 26 ans plus tard, nombre de ces programmes semblent rester improvisés et, comme le dit M. Gordon, isolés dans des silos. C'est principalement de cela que je voulais vous parler aujourd'hui. Je considère que l'on obtiendrait de meilleurs résultats en faisant participer plus efficacement et appuyant la collectivité, notamment en créant un groupe de travail d'intégration communautaire. M. Boyd a parlé plus tôt d'une équipe de police communautaire à l'échelle régionale. Je pense que la communauté a un rôle à jouer dans le maintien de la sécurité dans nos quartiers.
Si nous avions ce genre d'initiatives dans les collectivités à travers le Canada — en collaboration avec les services de police, bien entendu — je pense que nous pourrions renforcer et mieux intégrer nos collectivités et nos quartiers et y améliorer la sécurité. La police ne peut pas être partout. Je pense que nous avons eu tendance au cours des 10 à 15 dernières années à professionnaliser le crime, en ce sens que le problème est devenu de la seule responsabilité de la police. Le citoyen ordinaire ne sait pas où s'adresser pour déclarer des délits ni, s'il le fait, s'il va être en sûreté. Ce sont là des préoccupations valides.
Deuxièmement, je voulais vous faire part d'une réflexion concernant les besoins actuels et futurs en matière de justice. Je pense qu'il faudrait peut-être revoir les priorités à cet égard, car comme nous le savons, la composition démographique du Canada change. Il nous arrive de nouveaux immigrants qui ne savent pas quels sont leurs droits et responsabilités, qui ne connaissent pas notre système judiciaire, nos systèmes policiers, etc. Là encore, l'éducation du public dans ce domaine — les traductions et la disponibilité de textes traduits — est très irrégulière.
Cela se fait parfois ici et là, mais il n'y a pas de démarche cohérente et prospective pour joindre ces gens. Peut-être faudrait-il incorporer dans la Loi sur la citoyenneté un module justice, afin que lorsque les gens vont demander la citoyenneté, on puisse leur enseigner leurs droits et leurs responsabilités de citoyens en matière de justice. On pourrait revoir différentes choses dans ce domaine.
Je voudrais dire également que...
Je suis Evelyn Humphreys, et je travaille pour S.U.C.C.E.S.S., l'une des plus grosses organisations sans but lucratif de la Colombie-Britannique.
Il y a quatre ans environ, j'ai eu l'occasion de créer un programme intitulé A Chance to Choose, s'adressant principalement aux jeunes qui n'ont pas achevé leurs études secondaires. Nous nous penchons sur les obstacles à l'emploi que rencontrent les jeunes. Le programme est financé par Service Canada et il a pour objectif l'emploi. Cependant, nous constatons que nombre des jeunes ont eu affaire à la justice pour les jeunes et les adultes, et c'est l'une des barrières que nous examinons.
En moyenne, les jeunes connaissent cinq obstacles à l'emploi notamment l'itinérance, la justice, l'absence de diplôme d'études secondaires, les difficultés d'apprentissage.
Nous avons un taux de réussite largement supérieur à 80 p. 100, et 75 p. 100 de nos jeunes travaillent ou ont repris les études. Notre taux de réussite est réellement élevé.
J'ai calculé quelques chiffres concernant notre dernière classe, car je pense que les chiffres sont importants. Sur les 36 étudiants concernés dans les trois villes, 16 ont eu affaire à la justice, neuf à la justice pour les jeunes et sept à la justice pour les adultes. Si vous considérez le coût, selon le directeur provincial des prisons, un jeune incarcéré coûte 300 $ par jour. Un adulte incarcéré coûte entre 100 $ et 170 $ par jour. Si vous faites le total, neuf jeunes à 109 000 $, cela fait 981 000 $. Les sept jeunes à 36 500 $ équivalent à 255 000 $. Faites le total, et vous avez un chiffre bien supérieur à 1 million de dollars. A Chance to Choose coûte 500 000 $ à administrer, et cela comprend le salaire des jeunes.
L'une des choses que nous faisons extrêmement bien, l'un des éléments du programme, c'est l'apprentissage communautaire. Nous sortons les jeunes de leur milieu et les plaçons dans un environnement communautaire. Nous les sortons d'un milieu et les introduisons dans un autre.
Cette idée nous est venue parce que j'ai eu l'occasion de travailler avec des adultes. L'un des messieurs qui venait chez moi m'a dit qu'il n'avait jamais vu encore de soirée où la drogue n'était pas présente. Il était âgé de 54 ans. Cela m'a amené à croire que si vous vivez dans un monde où l'on consomme de la drogue, la drogue fait partie de votre vie. Nous enlevons donc les jeunes de leur milieu et les plaçons dans un milieu nouveau. Cela marche extrêmement bien.
Une autre chose que nous faisons, c'est d'écouter les jeunes. Nous avons une sorte de club Toastmasters, que nous appelons Speechcraft, où les jeunes ont l'occasion de communiquer entre eux et de raconter leur vécu.
Si l'on parle de prévention, je peux vous relater le cas d'un jeune homme qui est arrivé et nous a raconté son histoire. À Noël, il était dans un foyer d'accueil et il a dit qu'il n'avait jamais été aussi seul de toute sa vie. Il n'avait pas d'arbre de Noël, pas de famille, rien. Il était assis là et nous a dit que c'était la journée la plus déprimante de sa vie. Le 1er janvier, il a rencontré son nouvel meilleur ami, un trafiquant de drogue, et très vite il a commencé à trafiquer. Il avait besoin d'argent. Ce jeune homme — heureusement — a été arrêté. Il a terminé en prison, ce qui était pire que le foyer, et il a abouti chez nous. Il travaille aujourd'hui et va très bien.
Ce dont ont besoin ces jeunes gens, c'est de trouver ou de renouer le lien avec leur communauté.
En outre, j'ai fait beaucoup de recherches sur la transition, et ce qui marge réellement bien c'est la transition entre l'adolescence et l'âge adulte. Si nous pouvons intervenir à ce niveau... mais souvent, c'est un aspect que l'on néglige. Lorsqu'ils sont en transition entre l'adolescence et la justice pour adultes, les jeunes ont tendance à faire le point de leur vie et à dire « Je ne veux pas rester là, je veux avancer ».
Nous avons eu des membres de gangs et des délinquants violents. Tout le concept de A Chance to Choose a très bien marché à leur égard, car c'est une question de choix et de conséquences. Nous sommes très stricts sur les conséquences. Nous avons une politique d'absence de drogue et d'absence d'armes. Nous sommes très sévères avec les jeunes, probablement plus sévères que le système judiciaire.
Ils viennent à nous parce que nous créons un environnement qui est sûr, qui est inclusif, où ils s'amusent. J'encourage réellement le comité à se pencher sur ce groupe de jeunes gens, à considérer le fondement communautaire et certaines des choses que nous avons créées avec A Chance to Choose, car cela marche, et cela marche bien.
Nous avons eu l'occasion d'ouvrir un local l'an dernier dans le quartier east side du centre-ville. Malheureusement, nos crédits ont été coupés, et donc nous nous sommes retirés de l'east side. Cela me fâche réellement, car cela marchait vraiment bien.
Nous fonctionnons avec un financement de Service Canada, sur une base annuelle. En quatre ans, je pense que nous avons eu une seule grosse interruption de service. Notre contrat pour 2009-2010 a été négocié, nous l'avons signé le 27 mars et il a pris effet le 30 mars. En l'espace de deux semaines, notre classe était remplie. Nous avions plus de 49 candidats. En moins de deux semaines, nous avons dû arrêter d'accepter des demandes parce que nous étions submergés. La demande est énorme pour ce type de programme.
Nous avons également eu des jeunes récidivistes. La semaine dernière, ce jeune homme est sorti de prison, c'était un délinquant violent, et son premier arrêt était chez A Chance to Choose. Nous lui avions envoyé son dossier en prison pour lui montrer ce qu'il avait fait de positif. Nous essayons de forger des atouts, et nous lui avons envoyé ses choses positives. Son premier arrêt à la sortie de prison était chez A Chance to Choose pour dire merci.
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Bonjour. Je suis Michelle Miller et j'ai le privilège d'être la directrice générale de Resist Exploitation, Embrace Dignity, ou REED, une organisation autofinancée qui oeuvre pour un changement à long terme pour les femmes sexuellement exploitées.
Cela fait 10 années que je me bats pour mettre fin à l'esclavage sexuel des femmes et des enfants, tant dans le quartier east side de Vancouver que dans les bidonvilles de Manille. Je vis également dans le quartier east side par solidarité avec les femmes marginalisées.
Pas une seule fois n'ai-je rencontré une femme qui se prostitue par choix. La prostitution est l'une des activités les plus simples qui alimente le crime organisé, et c'est l'une des plus simples à faire cesser, en supprimant la demande d'accès sexuel au corps des femmes et des enfants. En plaçant la pleine responsabilité sur les clients, les usagers, les acheteurs et consommateurs de femmes et d'enfants, on peut et on va faire disparaître la demande.
Dans la perspective des Jeux olympiques, nous avons décidé d'étudier les manifestations tenues à l'étranger pour voir comment elles se répercutent sur les femmes prostituées. Nous avons constaté qu'il se produit une poussée spectaculaire de la demande d'accès sexuel au corps des femmes et enfants lors des grandes manifestations sportives. En termes économiques crus, cela transforme la ville de Vancouver et Whistler en un marché qu'il faut approvisionner en produits. Ce marché, c'est l'industrie du sexe, et le produit, ce sont les femmes et les femmes marginalisées, qui sont déjà vulnérables à l'exploitation sexuelle.
Nous savons déjà que Vancouver connaît un problème intraitable de trafic du sexe qui reflète la réalité mondiale plus large. On estime que 27 millions de personnes vivent en esclavage dans le monde, principalement dans l'exploitation sexuelle, ce qui rapporte quelque 32 milliards de dollars au crime organisé.
La traite de personnes est l'industrie qui connaît l'expansion la plus rapide dans le monde et elle est la deuxième plus profitable, derrière seulement le trafic de drogue. La prostitution est l'une des activités les plus simples motivant et finançant le crime organisé, et l'une des plus simples à stopper en mettant fin à la demande. Des femmes et des enfants se voient recrutés, trompés, contraints et exploités, puis contrôlés par des viols, des coups, la toxicomanie et la torture psychologique pour les empêcher de s'échapper.
L'âge moyen du recrutement dans la prostitution est de 14 ans. Ce que je vous dis peut choquer. C'est une réalité quotidienne dans la ville de Vancouver. Nous voyons des gangs contraindre routinièrement des filles à se livrer à la prostitution en se présentant comme leur petit ami. On fait venir par contrainte ou tromperie des femmes de l'étranger et on les réduit à l'esclavage sexuel, et des femmes et filles autochtones sont « recrutées », comme on dit, dans des réserves extrêmement pauvres et ensuite prostituées dans les rues.
Bien sûr, on connaît bien les prostituées, on les a étudiées presqu'à la nausée. Mais avec quelle fréquence entendez-vous parler des acheteurs, de ceux qui alimentent le marché? Il est 8 heures du matin un jour de pluie à Vancouver, et je marche dans l'east side jusqu'à la maison d'un ami pour le petit-déjeuner. Sortant d'une allée, discrètement, un homme seul dans une fourgonnette marron, équipé d'un siège pour enfants à l'arrière, dépose une jeune Autochtone miséreuse qu'il a payée pour lui faire une fellation en route pour son travail. Ce soi-disant homme de famille a simplement mis de l'argent dans la poche d'un proxénète.
Je pense à mon amie Courtney, qui a été prostituée alors qu'elle était petite fille dans un hôtel de Vancouver. Un gang a gagné des centaines de milliers de dollars en la vendant à des hommes avides d'abuser d'elle sexuellement. Ces agresseurs jouissent d'un anonymat complet tout en détruisant la vie des femmes et des enfants et en faisant gagner des tas d'argent aux organisations criminelles.
Que l'on parle de la traite internationale ou intérieure de femmes, le consommateur qui crée le marché est le même. Qu'il s'agisse d'un achat immédiat sur le trottoir, du recours à une hôtesse, de pornographie sur l'Internet, c'est tout pareil. Cela alimente le trafic et fait gagner de l'argent aux organisations criminelles.
Pourquoi ne pas ouvrir un dialogue afin de trouver des solutions qui supprimeraient la demande? Pourquoi ne pas demander ce qui cloche dans notre société et qui fait augmenter la demande de sexe d'exploitation? Les gens paient souvent la souffrance des femmes. Que se passe-t-il pour que la demande d'expérience sexuelle exploitante soit 10 fois supérieure à ce qu'elle était il y a cinq ans? Nous ne comptons pas les usagers et acheteurs de sexe. Nous ne leur demandons pas — et croyez-moi, ils sont visibles si l'on regarde bien — pourquoi ils achètent du sexe. Nous ne les étudions pas pour voir si c'est par pauvreté, par ennui, par alcoolisme. Nous ne cherchons pas les réponses qui nous diront pourquoi un homme achèterait une partenaire sexuelle qu'il peut frapper, violer, même tuer. La traite d'êtres humains fonctionne comme une criminalité organisée. Elle est silencieuse, cachée, secrète, et contrôlée par la menace de mort et le meurtre exemplaire.
D'aucuns voudraient légaliser la prostitution, tablant sur le sentiment de culpabilité collectif au sujet des femmes disparues du quartier downtown east side. Ce serait une erreur totale. Nous nous y opposons fermement, et je vous prie d'écouter ce message. Ils se trompent grossièrement du point de vue de leur logique, de leurs tactiques et de leurs solutions. Réfléchissez-y.
Premièrement, pour travailler dans un bordel, une femme devrait être libre de drogue. C'est exclu. La narcodépendance est indissociable de leur situation; c'est souvent le moyen de les maintenir là où elles sont.
Deuxièmement, elles devraient s'inscrire auprès des autorités et payer des impôts. Nul ne veut une archive de cette période de sa vie.
Troisièmement, elles devraient subir des examens médicaux. La plupart de celles que je connais y échoueraient. Et notez que les examens de santé servent à protéger la santé et la sécurité des clients, non des femmes.
Nous avons vu également que la violence normalisée telle que la prostitution met en péril la sécurité de toutes les femmes.
Qui alors serait gagnant? La criminalité organisée. Travaillant impunément, ils deviendraient simplement des hommes d'affaires — adhéreraient à l'association de gens d'affaires locale, recruteraient vos filles dans les foires d'emploi du collège local. Ce serait également faire un cadeau aux clients. Tout pays qui a légalisé la prostitution a vu la demande s'accroître, une diversification de l'industrie et une prolifération des bordels clandestins.
Bien que certains assimilent la légalisation des drogues à celle de la prostitution, il faut bien voir que le consommateur de drogue exerce son pouvoir sur une substance inerte, alors que dans la prostitution le consommateur use d'une personne en chair et en os qui ne veut pas être là, qui est esclave; c'est un être humain.
Je sais qu'il ne me reste presque plus de temps.
Ce que nous préconisons, c'est la législation suédoise, qui décriminalise la vente de sexe et criminalise l'achat de sexe. Les résultats obtenus sont étonnants. Ce modèle a été récemment adopté par la Norvège et l'Islande, et la Grande-Bretagne a adopté quelque chose de similaire.
Nous avons modifié les attitudes à l'égard de la conduite en état d'ébriété, du tabagisme et de la violence familiale. Nous pouvons réussir. La prostitution n'est pas la plus ancienne profession du monde, c'est la plus ancienne oppression.
Je vous remercie.
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Je ne suis pas monsieur; je suis juste Robin.
Merci, juge en chef.
Notre position à l'égard du projet de loi et de la prohibition des drogues en général est très simple.
Des sociétés comme la vôtre gouvernent leurs membres avec leur consentement. Le crime de drogue n'est pas réellement un crime du tout du point de vue de la nécessité. C'est un quasi-crime ou un crime mala prohibita, à égalité avec une loi qui interdirait l'importation de laine et pas du tout à égalité avec, par exemple, le précepte divin qui interdit le meurtre. J'ajouterais également que je tiens l'esclavage en bien plus mauvaise considération que la possession de drogue ou d'autres choses, pour faire référence aux propos de Mme Miller.
Quoi qu'il en soit, la rhétorique voulant que les drogues détruiraient singulièrement des vies est fondamentalement odieuse. Il existe un grand nombre de raisons non destructives de consommer des drogues. De nombreux êtres humains usent de drogues parce qu'elles améliorent leur bonheur ou leur qualité de vie. D'autres êtres humains usent de drogues pour produire une expérience spirituelle, esthétique et interpersonnelle magnifiée.
Dans un commentaire sur le « DOB » dans le livre PiHKAL d'Alexander Shulgin, l'une des amphétamines devant être inscrite en annexe — le DOB, par exemple — en dose de trois milligrammes, l'expérience a été décrite en ces termes:
« Merveilleux. Une sacrée bonne expérience, et je ne peux comprendre pourquoi nous avons attendu neuf ans pour essayer cette magnifique chose. Sans entrer dans les détails cosmiques et délicieux, disons simplement que c'est une excellente substance et un bon niveau ».
Pourquoi une telle chose devrait-elle être prohibitivement inscrite? Chacun a son goût personnel. Certains préfèrent les automobiles, et les usagers des automobiles font l'objet d'une réglementation, et il n'y a aucune raison pour que votre société ne puisse pas, au pire, appliquer une sorte de permis gradué à l'achat et la dispensation de drogues, avec une formation instruisant sur le risque statistique calculé de la consommation de drogue. Au mieux, votre société laisserait à chacun le choix de son régime alimentaire au lieu d'utiliser des instruments répressifs de contrôle diététique.
En outre, l'abrogation de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances recanaliserait un flux de revenus qui alimente actuellement le crime organisé. L'abrogation de cette loi dirigerait ce flux vers des entreprises légitimes, réglementées, assujetties à la législation sur les droits de la personne et à toutes les autres règles d'un lieu d'emploi moderne. Ces entreprises légitimes régleront leurs différends en ayant recours aux tribunaux plutôt qu'aux armes à feu.
L'abrogation de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances privera le crime organisé de revenus importants. Le maintien de la loi préservera ces revenus du crime organisé.
Des hommes et des femmes inoffensifs n'ont pas à se laisser gouverner par ceux qui veulent leur nuire en les mettant en prison. Si l'appartenance à une société devient nuisible au bonheur, les hommes et les femmes peuvent quitter cette société et former leur société propre régie par ses lois propres. Bien sûr, ils ne peuvent faire de loi annulant la gravité, ni déroger à certains comportements coutumiers. Cependant, ces derniers n'ont rien à voir avec la possession ou la non possession de plantes ou substances particulières.
Pourquoi un fumeur de marijuana raisonnable consentirait-il à être gouverné par une société qui maintient la Loi réglementant certaines drogues et autres substances? Pourquoi ne consentirait-il pas plutôt à être gouverné par une société qui respecte sa transaction pacifique avec un fournisseur de son choix? Si votre société n'assume pas son devoir de réglementer les fournisseurs de drogues qui ne font que répondre à la demande, pourquoi une ou des sociétés autres ne combleraient-elles pas cette lacune?
Je vais citer un passage de notre résumé du projet de loi C-15, brièvement, pour faire ressortir un élément qui nous paraît important. Il met en lumière le manque de soin de la rédaction du projet de loi C-15.
En ce qui concerne l'ajout de l'amphétamine et de ses analogues à l'annexe 1 de la loi, nous nous demandons pourquoi vous avez inclus la version bromée et chlorée de la diméthoxy-2,5 chloroamphétamine, mais avez exclu l'analogue diméthoxy 2,5-4 iodoamphétamine. Cela nous amène à nous interroger sur les principes qui ont présidé à la rédaction de l'annexe 1 proposée.
Pour conclure notre déclaration, la prohibition est une politique sociale inefficace qui nuit aux membres de votre société canadienne. La Loi réglementant certaines drogues et autres substances est l'instrument qui crée le marché des drogues exploité par la criminalité organisée. L'abrogation de cette loi aurait également l'avantage de libérer une partie de vos ressources judiciaires limitées. En l'absence d'abrogation, nous déclarons que les hommes et femmes peuvent former leur propre gouvernement respectueux de leur droit et bonne coutume et de ne plus rien avoir à faire avec vous, ce qui serait dommage car le Canada est une bonne idée. Cependant, il n'est pas une idée obligatoire.
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C'est vrai, et le statu quo l'emporte, et nous approchons rapidement de 2012, année où le contrat avec la GRC sera renouvelé, à moins que nous puissions négocier une solution de remplacement.
C'est une vaste question. Il se pose deux problèmes.
Premièrement, nous parlons là essentiellement de fusionner les services de police dans les deux grandes agglomérations: Victoria, et surtout Vancouver. On aurait ainsi un service métropolitain unique pour ces deux zones urbaines séparées. Voilà ce qui suscite le plus de résistance de la part des maires des municipalités, à quelques exceptions près.
La solution à cela, très franchement, est que la province saisisse le taureau par les cornes et aille de l'avant et le fasse et, malheureusement, essuie certaines des conséquences. Mais si c'est fait la première année, comme vous le savez bien, qui suit une élection, le temps de sortir de la zone verte et d'entrer dans la zone orange, vous en êtes déjà à la troisième année et la plus grande partie des récriminations se seront calmées et les gens commenceront à voir les avantages. Mon conseil aux politiciens à ce sujet est de commencer à prévoir comment le faire dans l'année qui suit immédiatement l'élection et ensuite de juste encaisser le choc. En fin de compte, ce qui va se passer, c'est que l'électorat va réaliser que c'est effectivement la meilleure solution.
Il s'agit donc d'amalgamer les services de police des zones métropolitaines. Au-dessus, vous avez les services de second niveau. Ce sont les services de police de deuxième palier ou de deuxième niveau. La police de deuxième niveau couvre la région. On confond souvent ces termes.
Lorsque je parle d'une réponse régionale à la criminalité organisée, je parle d'une réponse à l'échelle de la province, mais qui s'étend aussi à l'État de Washington et aux services américains, ainsi qu'à l'Alberta, car le trafic de drogue dans cette région du monde est très certainement un trafic régional, et sauf mon respect à ceux qui se soucient de la traite de personnes — c'est mon cas aussi — c'est le trafic de drogue qui alimente les opérations en ce moment. Si nous pouvions nous y attaquer à l'échelle régionale — et cela supposera d'avoir le type d'agence contre le crime organisé que vous avez créée en 1999 capable de fonctionner de manière intégrée, organisée, avec un financement adéquat et une reddition de comptes — nous ferons des progrès énormes. Mais à l'heure actuelle, nous sommes dans un système à silos et je ne pense pas que ce soit efficace. Je pense que beaucoup de policiers en exercice admettront que ce n'est pas efficace. Et vous aurez des gens qui vont défendre le statu quo.
En ce qui concerne le prohibition, il se trouve que jusqu'en 1967 nous n'avions que 1 000 condamnations par an pour possession, distribution et culture de toutes les drogues illégales combinées. Il faut donc se demander pourquoi c'était si différent? Pourquoi, dès 1976, avions-nous 40 000 condamnations rien que pour possession de marijuana?
Pour expliquer cela, il faut comprendre la nature du tourisme mondial. Seuls les riches pouvaient voyager dans le monde jusque vers le milieu des années 1960. Ils allaient dans des pays comme la Thaïlande et la Colombie et ramenaient avec eux les drogues du tiers monde.
Nous avions toujours eu nos drogues du premier monde, l'alcool et le tabac. De fait, lorsque nous avons criminalisé l'opium en 1908, ce n'était pas après un débat éclairé sur ses méfaits. La loi elle-même a été introduite par le ministre du Travail et il a déclaré à la Chambre des communes: « Quelque chose de bon sortira quand même de cette émeute ». En effet, il y avait eu une émeute anti-asiatique très virulente à l'automne 1907 qui a conduit à la criminalisation de l'opium.
Cela faisait 40 ans que l'on fumait de l'opium en Colombie-Britannique et l'on en vendait à Vancouver, à Victoria et à New Westminster. De fait, en 1885, une enquête de la Cour suprême sur l'économie locale a conclu qu'il était beaucoup moins nocif que l'alcool. L'enquête a jugé que la Ligue de tempérance des femmes chrétiennes, qui avait été formée pour lutter contre la violence de maris ivres, avait raison de considérer l'alcool comme un problème plus sérieux en Colombie-Britannique que la consommation d'opium.
Voilà donc comment nous en sommes venus à légaliser certaines drogues et à rendre d'autres illégales. Ce n'est pas à cause d'un débat public éclairé sur les conséquences pour la santé, mais pour des raisons d'ordre historique, politique, culturel et économique. Les drogues du premier monde sont considérées bonnes. On voyait jadis dans une annonce du magazine Life un médecin en blouse blanche et stéthoscope et le slogan: « Davantage de médecins fument des Camels que tout autre cigarette ». Et on montrait à côté une table d'espérance de vie, démontrant que depuis les années 1920 et l'avènement de la cigarette moderne, l'espérance de vie avait augmenté. Ce ne serait pas jugé crédible aujourd'hui. Nous avons donc utilisé un modèle de réglementation à l'égard du tabac — une éducation de santé publique agressive, la protection des droits des non-fumeurs — et nous avons accompli beaucoup.
Donc, mon argument au sujet de la prohibition est le suivant. C'est réellement le cannabis qui pose le plus gros problème. Ce marché représente de 10 à 20 fois celui de toutes les autres drogues illégales réunies. Le marché de l'héroïne et de la cocaïne... Nombre des pays d'Europe occidentale qui ont adopté des méthodes novatrices constatent que la consommation d'héroïne, avec la délivrance sur ordonnance et la consommation supervisée et ainsi de suite, est en recul chez les jeunes. Ce n'est plus une drogue de prestige.
Je pense donc qu'il faut distinguer entre les drogues et réfléchir soigneusement. C'est ce que nous avons fait avec l'alcool et le tabac. Il reste encore beaucoup de travail à faire concernant l'alcool. On voit des annonces... Quoi qu'il en soit, je pérore.
Je voudrais revenir sur la liste des organisations criminelles. Ensuite, j'aimerais parler de la prostitution.
À mon avis, il faut que ce soit balisé. Par exemple, s'il y a eu une déclaration judiciaire, si les parlementaires sont associés à l'élaboration de la liste... Évidemment, on ne peut pas adopter la formule du décret en Conseil, en vertu de laquelle un ministre déciderait un matin que 15 groupes sont des organisations criminelles sans que cela ait été validé.
Je ne crois pas que les Hells Angels vont changer de nom. Pour qu'ils soient efficaces, ils doivent avoir une stratégie d'intimidation, et l'intimidation fait partie de leur marque de commerce. Si jamais ils changent de nom, il reviendra au procureur de la Couronne de les accuser à nouveau.
C'est mon point de vue. Mes collègues le savent, je vais beaucoup militer pour qu'à la fin de notre rapport, on fasse cette recommandation.
Je veux revenir quelques instants sur la question de la prostitution. J'ai fait partie du comité parlementaire, avec Libby Davies du NPD et de Mme Fry des libéraux, qui s'était penché sur cette question. Je suis relativement d'accord sur le modèle voulant qu'on criminalise les clients. Cependant, ce modèle comporte des aspects négatifs. Même en Suède, on nous a dit qu'il était extrêmement difficile de contrôler les clients et que ce modèle entraînait des migrations de population.
Quand le rapport Fraser a été rendu public, on parlait de la possibilité de donner... Il y a deux principales sortes de prostitution: celle de narcodépendance et celle de subsistance. Dans mon quartier, dans l'est de Montréal, des filles se livrent à la prostitution pour vivre. Dans un monde idéal, je souhaiterais que ça n'existe pas. Si on permettait que la prostitution se fasse à domicile, qu'elle soit balisée, comme le rapport Fraser l'avait recommandé, la société n'en sortirait-elle pas gagnante?
Je fais cette recommandation en étant bien conscient qu'il faut enrayer la prostitution de narcodépendance, où l'on retrouve des proxénètes et de la violence. Ne faut-il pas faire des nuances, quand on parle de prostitution?
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Je remercie tout d'abord mes collègues d'être venus à Vancouver. Si je pouvais faire adopter une motion à la Chambre des communes, ce serait que la plupart des séances de notre comité se tiennent à Vancouver.
Je m'adresse ensuite à nos témoins pour les saluer tous. Vous avez pour objectif commun de réduire les actes de violence des gangs et d'aider les victimes. Vous particulièrement, madame Young, madame Humphreys et madame Miller, vous la vivez, vous la respirez. Je vous salue. Vous avez maintes histoires à raconter que nous n'avons pas entendues aujourd'hui.
J'ai trois questions. Je vais me concentrer sur certaines des mesures légales dont la Chambre est saisie, vu que mon temps est si limité.
Madame Miller, je vais vous poser une question très précise, une moins précise et une plus générale: premièrement, une drogue du viol qui va faire l'objet de peines plus sévères; deuxièmement, la question du crime organisé et des effets sur les victimes de la traite de personnes; et troisièmement, les Jeux olympiques et ce que cela va signifier.
La première question concerne l'un des aspects du dont on n'a pas beaucoup parlé, soit le transfert d'une drogue appelée GHB de l'annexe 3 à l'annexe 1. C'est la drogue du viol et il y en a beaucoup d'autres similaires. Le résultat principal sera d'imposer une peine plus sévère aux utilisateurs de ces drogues. L'utilisation première n'est pas par un individu qui cherche à se défoncer, mais généralement par un agresseur qui soumet ainsi sa victime, et c'est habituellement un homme soumettant une femme de cette façon. Ma question est de savoir si cela va aider votre campagne.
Deuxièmement, au sujet du crime organisé, ce mouvement ciblant la violence commise par les gangs et d'autres crimes graves, si nous parvenons à perturber les organisations criminelles, cela va-t-il aider les victimes de la traite de personnes?
Troisièmement, vous avez mentionné les Jeux olympiques. En quoi le Lower Mainland sera-t-il plus exposé à la violence des gangs et au trafic d'êtres humains dans le contexte des Jeux olympiques?
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Bonjour. Je m'appelle Alistair Macintyre et je suis l'officier responsable de la surveillance des enquêtes criminelles de la GRC en Colombie-Britannique.
La violence va de pair avec le crime organisé en Colombie-Britannique. En 2008, 40 p. 100 — soit 55 — des 138 meurtres commis dans la province avaient rapport au crime organisé et aux gangs. Les coûts en sont ahurissants.
La prévalence de la criminalité violente, jusqu'au meurtre, qui découle des activités criminelles organisées est une grosse préoccupation au niveau de l'ordre public. Les gens ont peur. Bien que le taux d'homicide en Colombie-Britannique soit stable, la proportion des homicides dus au crime organisé est à la hausse. Il semblerait également que le nombre de fusillades non mortelles ait augmenté, peut-être du fait de l'utilisation accrue de l'équipement de protection balistique parmi les gangsters, sur leur personne comme sur leurs véhicules.
On estime qu'il y a environ 133 groupes du crime organisé en Colombie-Britannique. Le nombre de groupes semble être resté stable au cours des quatre dernières années, mais le nombre exact d'individus impliqués n'est pas établi et est difficile à situer précisément.
Les groupes du crime organisé et les gangs ont des contacts qui transcendent les frontières. En plus de faire le trafic de stupéfiants à l'échelle nationale et internationale, ils embauchent des tueurs venus d'autres territoires, ce qui contrecarre les enquêtes sur les homicides.
Alors que les groupes du crime organisé et les gangs se caractérisaient auparavant par leur origine ethnique, la tendance est maintenant à l'émergence de groupes polyethniques organisés autour de marchés. Leur structure est souple, les compétences de leurs membres sont diverses et poussées, et ils en savent de plus en plus long sur la façon de contourner les dispositions législatives. Les nouveaux groupes ont par ailleurs moins tendance que leurs prédécesseurs à exhiber les atours ou les « marques » des gangs traditionnels, comme par exemple le club de motards des Hells Angels, et à user d'un nom, de tatouages, de vêtements et de bijoux pour s'identifier. Cela complique beaucoup les poursuites en vertu des lois sur le crime organisé.
Le Projet EPARAGON illustre bien ces groupes, ceux qui importent et exportent des centaines de kilos de cocaïne et d'autres drogues et blanchissent des millions de dollars de produit de la criminalité, souvent dans des casinos. Ces groupes importent des précurseurs, fabriquent des drogues illicites, puis exportent leurs produits vers d'autres pays. Ils importent aussi de la cocaïne de Los Angeles, puis exportent les mêmes drogues vers l'Australie pour maximiser leur profit.
Les groupes du crime organisé sont de plus en plus sophistiqués; cela se voit à leur recours à la technologie et à leur tendance à réinstaller leurs laboratoires dans des zones rurales pour mieux passer inaperçus. Les gangs et le crime organisé ont une forte présence à Prince George et à Kelowna, comme en témoigne l'établissement d'un chapitre des Hells Angels dans ces deux grandes villes; quant à la présence des Red Scorpions et des Independent Soldiers à Kelowna, une fusillade récente l'a confirmée.
D'autres endroits éloignés dans la province, comme Fort St. John, ont également signalé une poussée de la fréquence et de l'intensité de la violence liée aux gangs. Le Lower Mainland de la Colombie-Britannique a récemment connu un essor de la violence liée aux gangs, qui a été qualifié à tour de rôle de « flambée de violence », de « crise » et de « menace à la sécurité publique » et a fait couler beaucoup d'encre. Le public s'inquiète de plus en plus de la violence et du fait que plusieurs incidents retentissants se sont produits dans des lieux publics, en particulier des stationnements de centres commerciaux.
La violence ne se limite pas à une certaine municipalité du Lower Mainland, mais sévit aussi bien à Vancouver que dans les banlieues. Les territoires de compétence touchés sont desservis par des détachements de la GRC sous contrat ou par des services de police municipaux indépendants. Le Groupe intégré de lutte contre les gangs — sigle anglais, IGTF —, le Groupe intégré des enquêtes sur les homicides — sigle anglais IHIT — et la brigade criminelle du service de police de Vancouver gèrent l'intervention globale de la police, et de nombreux autres organismes les assistent régulièrement. Les deux groupes intégrés se composent de policiers de nombreux organismes, mais sont sous le commandement de la GRC.
La meilleure façon de décrire le crime organisé dans le Lower Mainland est de le comparer à une pyramide: les gangs de rue sont au bas et les groupes internationaux plurisectoriels sophistiqués, notamment les gangs asiatiques et les bandes de motards criminalisées, sont au sommet. Normalement, la lutte contre les gangs de rue se fait au niveau local, tandis que les enquêtes sur le crime organisé de haute gamme reviennent à l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé, dont vous allez sous peu entendre des représentants.
La criminalité qui nous préoccupe le plus en ce moment est celle qui se situe au milieu, dite de niveau intermédiaire. Les gangs de niveau intermédiaire se livrent principalement aux infractions liées aux drogues et sont très territoriaux. Ils se disputent les territoires. Les alliances entre gangs sont beaucoup moins permanentes aujourd'hui et les gangsters ne font preuve d'absolument aucun respect, aussi bien au sein de leurs gangs respectifs qu'envers les autres gangs. Cela est dû au redoublement de la répression policière et aux questions d'offre et de demande.
Il existe aussi parmi les gangsters des rivalités personnelles et des jalousies qui remontent à loin. Ces derniers mois, le gang des frères Bacon a beaucoup retenu l'attention des médias. La famille Bacon a une maison à Abbotsford et un appartement à Port Moody — je devrais dire « avait ». Ces villes, et leurs services de police, ont été en plein centre de la couverture médiatique et des avis au public destinés à lui faire éviter les Bacon et leurs associés. Les frères Bacon sont affiliés aux Red Scorpions, qui font la guerre au gang United Nations.
Les activités criminelles de niveau intermédiaire étaient jusqu'à récemment fondées sur l'ethnicité; toutefois, elles sont maintenant multiethniques et les relations familiales et scolaires sont passées au deuxième plan. Le nombre de gangs de niveau intermédiaire a rapidement grossi ces dernières années, en raison du commerce lucratif de la drogue. Le milieu est devenu plus violent du fait de l'accès facile aux nouvelles armes à feu et aux armes modifiées venues d'Asie et des États-Unis.
Une récente série de meurtres et de fusillades dans le Lower Mainland, à raison de 10 en 10 jours, a vraiment inquiété le public. Bon nombre des fusillades ont eu lieu près de l'autoroute, ce qui a permis aux auteurs d'arriver et de s'échapper facilement.
Bien que le groupe intégré de lutte contre les gangs et d'autres unités sache généralement qui fait partie des gangs, recueillir les preuves nécessaires et déterminer l'identité des tireurs est extrêmement difficile. Divers obstacles législatifs et juridiques ajoutent encore à la difficulté et au coût des enquêtes sur ces crimes. Je songe en particulier aux exigences astreignantes en matière de mandats de perquisition et d'écoute électronique et à la divulgation préalable des tactiques policières. Je sais que vous avez déjà beaucoup entendu parler de ces questions.
La prévalence des véhicules modifiés et blindés et du port de gilets pare-balles parmi les gangsters accroît les risques courus par les policiers. La police a par ailleurs redoublé d'inquiétude à cause des homicides faisant des victimes innocentes: deux dans le cadre du massacre de six personnes à Surrey en 2007, une à Richmond, et une à Burnaby.
Le groupe intégré des enquêtes sur les homicides a été plus occupé que jamais l'an dernier, ayant enregistré 57 homicides sur son territoire de compétence, qui ne comprend pas les municipalités de Vancouver, Vancouver Ouest et Delta. La pire année jusque-là avait été 2005, avec 48 homicides. Le taux d'homicide de la région métropolitaine de Vancouver dépasse celui de Toronto et d'autres grandes zones urbaines.
Environ 40 p. 100 des enquêtes sur les homicides menées par l'IHIT, c'est-à-dire le groupe intégré des enquêtes sur les homicides, sont liées au crime organisé. Certaines concernent des gangsters notoires de niveau intermédiaire, mais beaucoup sont des « petits joueurs » du commerce de la drogue, comme des livreurs chargés de réapprovisionner les fumeries de crack et des passeurs de la « vente de drogue sur appel ».
Pour tenter d'enrayer la flambée de violence due aux gangs, la Colombie-Britannique a annoncé toute une série d'initiatives. Comptent parmi celles-ci l'affectation du Fonds de recrutement de policiers, obtenu du gouvernement fédéral, à la lutte contre le crime organisé; la prise de mesures provinciales, dont un plus grand nombre de procureurs affectés au crime organisé; et la confiscation des biens au civil et l'incitation du gouvernement fédéral à modifier le Code criminel en ce qui a trait à la violence due aux armes à feu, à l'attirail de la criminalité, aux obstacles à la condamnation en matière de preuve et à la détermination de la peine.
Le groupe de lutte contre les gangs et le groupe intégré des enquêtes sur les homicides et bien d'autres groupes de la GRC et des forces de police municipales travaillent avec ardeur à enrayer la violence sur la voie publique. De nombreuses initiatives des 12 derniers mois ont porté leurs fruits, dont l'escouade antigang en uniforme dans le Lower Mainland et l'accroissement des ressources. Reste que le niveau actuel de meurtres est sans précédent et qu'il met rudement à l'épreuve le personnel qualifié nécessaire à de telles enquêtes.
La tendance et la flambée de violence de gangs se poursuivent toujours. Les trois premiers mois de 2009 ont attesté d'une hausse de la violence due aux gangs. Il faut s'attendre à ce que les homicides dans la région dépassent les chiffres records de l'an dernier si le rythme actuel continue. En multipliant par quatre les chiffres en question, on arrive à des prévisions annuelles de l'ordre de 52 meurtres liés aux gangs dans la région métropolitaine, pour un total de 136 homicides en tout dans la province.
Les statistiques provinciales sur les homicides pour les trois premiers mois de l'année 2009 font état de 13 victimes d'homicide se livrant à des activités criminelles organisées et de huit victimes ne se livrant pas à des activités criminelles organisées; et dans le cas de 13 autres, nous ne savons pas dans quelle catégorie les classer.
Par un processus de recueil de renseignements, la police a pu identifier et s'attache maintenant à cibler les groupes dont elle sait qu'ils participent au plus haut degré à la violence qui a lieu dans la région. On a connu certains succès, et il y en aura d'autres.
La plus grande part de la violence parmi les gangs qui sévit de nos jours dans le Lower Mainland est directement liée au contrôle des réseaux de distribution de drogue. Quelques exemples des tendances que nous avons relevées sont les représailles pour appropriation d'un territoire ou de réseaux de vente de drogue dans la rue dans la région; la constante « chasse » de membres clés des groupes criminels par les gangs rivaux. Les « chasseurs » sont des membres chevronnés armés jusqu'aux dents, dont certains se déplacent depuis d'autres régions du pays. D'autres facteurs sont des conflits internes provoqués par l'insuffisance des profits générés par les réseaux de vente respectifs, l'incapacité à rembourser les dettes, ou l'augmentation de la « taxe » qu'imposent les gros bonnets aux individus qui contrôlent les réseaux de vente de la drogue. Cette « taxe » peut aussi venir du groupe du crime organisé qui alimente les individus en drogue.
Il y a également des rivalités fondées sur l'origine ethnique dans certaines zones de la région, ainsi que les vols de récoltes de marijuana ou autres invasions de domicile dans le but de voler la drogue. Certains gangsters ont adopté ce comportement comme seule source de revenu. Ils ont sur eux des trousses prévues à cet effet, contenant des articles comme des armes à feu, des cuirasses, des passe-montagnes, des vaporisateurs de gaz poivrés, des couteaux, des armes à impulsions ou tasers, du ruban adhésif en toile et des attaches autobloquantes.
Un autre aspect est celui des listes d'individus dont les membres de gangs pensent qu'ils gênent leurs activités criminelles et qui sont susceptibles d'être assassinés dans un avenir proche — meurtres sur gages.
Le défi pour la police est souvent le volume même des activités des gangs en tout temps dans la région. On estime à 600 le nombre d'incidents confirmés de coups de feu dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique depuis le 1er janvier 2006. Chacune de ces plaintes de coups de feu tirés reflète un conflit qui est la cause de l'incident en question.
La police a réussi à enquêter sur certaines activités d'organisations criminelles. Toutefois, ces réussites nécessitent de gros investissements en ressources et en temps. Et pendant ce temps, d'autres gangs ont la vie belle du fait que leurs rivaux sont ciblés par la police.
On sait que, depuis 1995, plus de 150 enquêtes ont concerné une vaste gamme d'infractions commises par des organisations criminelles et(ou) des membres de gangs. Ces enquêtes ont vu le ciblage, l'arrestation et la condamnation de membres et d'associés des Hells Angels, du gang United Nations, des Red Scorpions, des Independent Soldiers, et de groupes du crime organisé asiatiques, indo-canadiens, du Moyen-Orient, d'Europe de l'Est, hispaniques et indépendants. Bon nombre de ces enquêtes ont entraîné d'importantes saisies de marchandises illicites, tout particulièrement marijuana, cocaïne, drogues synthétiques illicites et précurseurs chimiques servant à les fabriquer, héroïne et armes à feu. Plusieurs enquêtes ont aussi amené la saisie et la confiscation d'argent comptant et d'autres instruments monétaires, de biens immobiliers et d'autres articles considérés comme provenant de produits de la criminalité.
Un vaste examen de plus de 50 de ces enquêtes a permis d'identifier 153 personnes qui ont été poursuivies et condamnées en Colombie-Britannique. Qui plus est, 120 autres personnes sont soit en attente de procès, soit accusées ou condamnées à l'étranger, principalement aux États-Unis.
Le groupe intégré de lutte contre les gangs, l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé, le groupe intégré des enquêtes sur les homicides et de nombreux autres groupes de la GRC et des forces de police municipales continuent de travailler avec acharnement à freiner la violence dans nos rues. Ce travail de collaboration et de partenariat continuera de couronner nos enquêtes de succès. La police compte qu'une diminution du niveau de violence ne pourra venir que par suite de la pression soutenue des forces de l'ordre et du soutien des services de poursuite, du système judiciaire et de la collectivité. La non-participation à l'effort de l'une quelconque de ces composantes provoquera l'effondrement de tout l'effort.
Merci.
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Merci, monsieur le président, et merci à toutes les personnes ici présentes, et un merci tout spécial à Dona. Il y a tout un long et important passé qui fait que nous nous retrouvons ici aujourd'hui.
Je m'appelle Doug Kiloh. Cela fait plus de 30 ans que je travaille dans la police et je suis présentement responsable de l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé pour la Colombie-Britannique. Je vais aborder un certain nombre de thèmes qui ont déjà été évoqués ici, mais je vais essayer de prendre en la matière un peu de vitesse, monsieur le président.
Les forces de l'ordre en Colombie-Britannique ont réagi à la violence accrue manifestée par les gangs de rue et les gangs de niveau intermédiaire, tout en continuant de faire enquête sur les cibles de criminalité organisée plus complexes dans la province de la Colombie-Britannique. Comme cela a déjà été dit, nous comptons plus de 130 groupes de crime organisé à différents stades de développement et d'activité. Au cours des dernières années, l'adaptation et la violence de certains de ces groupes ont exigé des lois et des tactiques policières tout aussi adaptables.
Dans l'intérêt de la sécurité publique, ont compté parmi nos mesures d'adaptation l'établissement d'une unité sous uniforme de lutte contre les gangs, qui est là, présente dans les rues, qui les surveille là où ils sont, ainsi que l'affectation des plus grosses équipes d'enquête aux pires menaces pour la sécurité publique que nous décelons. Par exemple, je suis certain que vous allez entendre parler des enquêtes suivantes lorsque vous entendrez le panel à Vancouver: les projets Rebellion, EPARAGON, EPESETA et EPACEMAN. Il s'agit là de certaines des plus grosses enquêtes qui ont eu une incidence sensible sur les gangs et le crime organisé.
Différentes initiatives de recherche de renseignements et d'application de la loi continuent de cibler plusieurs groupes du crime organisé de haut rang du Moyen-Orient, bandes de motards criminalisées, groupes indépendants et asiatiques. Ceux-ci s'adonnent bien évidemment à quantité d'actes criminels — meurtres et différents actes de violence — qui sont largement commis par des associés de rang inférieur attirés par les gros bonnets, mêlés à des représailles pour vols de drogue, comme cela a été dit. Mais il y a également d'autres questions de relations à l'intérieur de ces organisations qui sont à l'origine de cette violence et qui viennent les faire s'éclater.
Tous ces groupes ont accès à des armes à feu et utilisent de manière routinière des équipements de protection balistique sur leur personne et sur leurs véhicules et peuvent avoir accès à des armes ou encore en faire le trafic. Nombre des fusillades, agressions, enlèvements et extorsions sont commis ouvertement sans égard pour la sécurité du public, ce pour quoi nous sommes sans doute ici aujourd'hui.
La fraude, la contrebande internationale d'instruments monétaires et le blanchiment d'argent représentent bien plus de 100 millions de dollars qui sortent de cette province. L'importation, l'exportation, la production, la fabrication et la distribution de drogues synthétiques et autres alimentent cette activité... [Note de la rédaction: inaudible]... pour qu'elle soit viable. Ces groupes font également du trafic international de personnes, et je pense que vous avez entendu plus tôt d'autres témoins vous parler de la prévalence de la production de faux documents d'appui.
Pour ce qui est de la structure en Colombie-Britannique, nous faisons le lien entre les ressources municipales, provinciales et fédérales dans le cadre d'équipes intégrées. Par exemple, l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé, le groupe intégré de lutte contre les gangs, le groupe de lutte contre les bandes de motards criminalisées, et la nouvelle unité de lutte contre les armes à feu qui est en train d'être montée en puisant dans le financement de base dont il a été question plus tôt sont en train de s'unir et de resserrer leurs liens, afin qu'il soit possible de mener des enquêtes ciblées et pointues qui assurent le meilleur rendement possible pour l'argent dépensé.
L'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé, ou UMECO, fera intervenir toutes les forces de police de la Colombie-Britannique dans sa gouvernance, sa direction et ses interventions dans la lutte contre tout l'éventail d'activités du crime organisé. Ces unités ont une empreinte à l'échelle de la province. Je répéterai ici que nous allons ouvrir deux bureaux de l'UMECO, l'un à Kelowna et l'autre à Prince George, compte tenu de la situation dans le nord et dans le centre de la province. Nous avons déjà un bureau à Victoria. Cela ne diminuera en rien les responsabilités des autres intervenants locaux, provinciaux ou fédéraux, mais veillera à ce que l'éventail complet d'activités criminelles soit sujet à un organe coordonné d'application de la loi qui donne suite aux menaces effectives. Et j'estime que c'est là un élément clé. Nous ne pouvons pas abandonner un secteur et nous concentrer sur un autre. En d'autres termes, nous ne pouvons pas ne cibler qu'un domaine particulier; il nous faut cibler l'éventail au complet.
Nous avons la ferme intention de maintenir ainsi le cap en matière d'application de la loi de manière à accroître la sécurité du public en ciblant les groupes violents le plus tôt possible grâce à des modèles de renseignements prédictifs et en usant de tactiques tant secrètes que manifestes. Il nous faut continuer d'appuyer la direction locale, provinciale et nationale pour perturber et démanteler les organisations, depuis la rue jusqu'aux groupes hautement sophistiqués. Encore une fois, pour insister davantage sur cet aspect, si nous cessons d'appliquer la loi à un volet du spectre, cela permet à cette activité de s'épanouir.
Nous poursuivons nos efforts d'application de la loi aux niveaux local, provincial, fédéral et international grâce à nos renseignements et à nos échanges de renseignements. Les choses fonctionnent sur ce plan mieux que jamais auparavant. La situation est-elle parfaite? Non. Avons-nous encore beaucoup de chemin à faire? Oui. Il nous faut augmenter l'analyse tant au niveau du service de police local qu'au niveau du détachement, ainsi que dans l'ensemble des unités spécialisées, et élaborer de meilleurs protocoles et assurer un échange plus rapide d'information afin que les renseignements puissent être utilisés.
Il nous faut élaborer des initiatives antigang pour empêcher les jeunes d'y adhérer, et offrir des options à ceux désireux de quitter le style de vie des gangs. Je pense qu'il y a en ce moment au Canada — en tout cas dans notre région — de sérieuses lacunes qui nous empêchent de faire cela.
Il nous faut continuer d'éduquer non seulement les membres des forces de l'ordre et les jeunes agents qui arrivent, mais également le public et vous autres les politiciens, au sujet de la nature insidieuse du crime organisé et de l'emprise qu'il a véritablement sur notre société, avec toute la violence qui s'ensuit. Il nous faut davantage de recherche empirique — et cela est très limité ici — relativement au crime organisé et à l'activité des gangs. Il nous faut continuer d'appuyer la modernisation du Code criminel, changer les modalités en matière d'accès autorisé et modifier les règles de preuve de manière à ce que nous ayons de la marge. D'énormes pierres d'achoppement bureaucratiques nous empêchent véritablement de faire notre travail.
Merci.
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Merci. Je m'appelle Gary Shinkaruk. Je suis inspecteur de la GRC. Je suis responsable de l'Unité d'application de la loi aux bandes de motards criminalisées.
Les bandes de motards criminalisées ont une présence en Colombie-Britannique depuis une trentaine d'années. Ces bandes de motards criminalisées sont au nombre de huit, mais dans cette province, ce sont les Hells Angels qui occupent le premier rang. Les Hells Angels sont reconnus aux échelles internationale et nationale comme étant les porte-bannières du crime organisé. La bande des Hells Angels a travaillé fort et a très bien réussi, au cours des dernières décennies, à se faire accepter par la société. Dans bien des cas, on la vénère même et en romance l'image. Il semble qu'il y ait un thème sous-jacent voulant que ce ne soit pas de si mauvais types que cela et que si vous ne les embêter pas, vous n'aurez pas de problèmes.
La réalité est qu'il s'agit d'une organisation criminelle moderne extrêmement sophistiquée et extrêmement violente. Elle est prête à s'adonner à toute activité criminelle qui peut lui rapporter, mais, sans nul doute, le principal moyen d'existence des bandes de motards criminalisées est le trafic de stupéfiants et le trafic de stupéfiants international. L'emblème de tête de mort constitue pour les Hells Angels une carte criminelle partout dans le monde dont peuvent tirer profit les membres individuels — les Hells Angels sont reconnus par tout groupe de la criminalité comme ayant de la crédibilité.
Les bandes de motards sont très au courant des techniques policières. Elles consacrent beaucoup de temps à se tenir à jour sur nos techniques, et elles réussissent fort bien à rester en avance sur la courbe, ce qui nous cause beaucoup de problèmes dans nos enquêtes visant à combattre leurs nouvelles façons de faire affaire. Leur emblème de tête de mort est maintenant protégé par le droit d'auteur et les Hells Angels le protègent avec une vigueur inébranlable, en usant de moyens tant légaux qu'illégaux. La bande ne profite pas de l'emblème comme le ferait toute société normale, mais elle en profite du fait de la crédibilité que cela confère à des moyens criminels dans la communauté internationale.
Cette bande travaille aux côtés d'autres groupes du crime organisé — aux échelles locale, nationale et internationale — dans le but d'atteindre ses objectifs. Dans le monde d'aujourd'hui, c'est ce qu'il faut faire. Vous ne pouvez pas vous cantonner à votre seul groupe. Les membres des Hells Angels sont reconnus instantanément partout du fait de leur emblème, et cela leur procure de vastes pouvoirs pour empêcher des témoins et des victimes de s'identifier et de comparaître, ce qui est, encore une fois, un gros obstacle. La bande a des règles extrêmement bien gérées. Pour devenir membre, il faut compter en gros sept années de dévouement, sous un contrôle des plus stricts. La plupart des organisations seraient très fières de la façon dont cette bande gère ses affaires. Elle tient des réunions nationales et internationales hebdomadaires, mensuelles et annuelles, et veille à ce que chacune d'entre elles se déroule bien.
Dans le monde de la criminalité, la violence est incontournable. Si vous n'avez pas la capacité d'être violent ou d'être vu comme étant violent, alors vous n'allez pas survivre. Ce que nous constatons en Colombie-Britannique avec la flambée de violence est le résultat du fait que nombre de ces groupes s'efforcent de gagner un peu de terrain dans le monde de la criminalité. C'est de cette manière qu'ils s'y prennent. Ils vont user de violence. Les Hells Angels ne sont pas perçus comme faisant partie de cela, souvent parce qu'ils n'ont pas à y recourir. Du simple fait de se présenter en arborant l'emblème avec la tête de mort dit aux gens qu'il faut les prendre au sérieux. Ils se débrouillent fort bien en ce moment pour rester dans l'ombre, mais cela leur plaît très certainement que la police ait à investir autant de ressources dans ces autres dossiers de sécurité publique.
Nous avons lancé en 2003 une enquête judiciaire sur les Hells Angels. Nous avons géré cette enquête pendant environ deux ans. L'opération nous en a coûté plus de 10 millions de dollars par an. Depuis la rafle, en 2005, cela continue de nous coûter plusieurs millions de dollars par an. Nous défilons littéralement chaque jour devant les tribunaux, et j'imagine que nous continuerons de nous présenter en cour à chaque jour pendant les deux prochaines années. Du début à la fin, l'opération aura duré environ huit ans.
Quant à la question de savoir ce qu'il nous faut faire et avons fait — je pense que vous avez dit que c'est sur cette question que vous souhaitiez que nous nous concentrions —, il s'est fait un certain nombre de bonnes choses. Certes, le paragraphe 25(1) du Code criminel — notre capacité policière de recourir à des exemptions — a été une très bonne chose pour nous, et très utile. Nous y avons également recouru dans le cadre de notre travail d'enquête. Nous y avons recouru 72 fois. Je sais que c'est là quelque chose qui fait l'objet d'examens et de contrôles serrés, et ce à juste titre. J'encouragerais les gens à continuer d'autoriser la police à y faire appel et de maintenir en la matière toute la diligence requise.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Fraser MacRae et je suis un agent de police et membre de la Gendarmerie royale du Canada depuis plus de 32 ans. Je suis présentement l'officier en charge du détachement de la GRC de Surrey.
Je tiens à souligner ici la présence de deux députés de la ville de Surrey, Mme Grewal et Mme Cadman.
Je serai bref. En tant que chef de police pour une ville de près de 500 000 habitants, je tiens à fournir au comité des informations concernant l'impact en aval du crime organisé.
Pendant que les groupes du crime organisé diversifient de plus en plus leurs activités criminelles, il est clair que leur principale source de revenu et de pouvoir provient du trafic de drogues illicites. En Colombie-Britannique, le cannabis est la devise du crime organisé. La production et la culture du cannabis se font partout dans la province, dans les petites et grandes collectivités, et autant dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Le cannabis est principalement destiné à l'exportation aux États-Unis, où il est converti en argent comptant, en armes à feu, et/ou en cocaïne, pour alors être réimporté au Canada et dans la province.
Une fois que la cocaïne et les armes à feu arrivent au pays, cela crée une dynamique et une atmosphère de violence et de misère. Dans la rue, la drogue de choix est le crack, soit de la cocaïne épurée. Cette cocaïne est accessible principalement de trois façons. Il y a la transaction main à la main ou l'achat au niveau de la rue. Il y a la « vente de drogue sur appel », grâce à laquelle les toxicomanes communiquent avec les dealers — qu'ils peuvent connaître ou pas — par le biais de téléphones cellulaires, les dealers livrant ensuite le produit. Puis il y a le « crack shack », le toxicomane se rendant directement là où la drogue est stockée et vendue, pour l'heure.
Il y a beaucoup d'argent qui peut être fait par le biais de ces opérations, à ce niveau. Par exemple, certaines opérations de vente de drogue sur appel peuvent ramasser 5 000 $ par jour. Ces profits considérables et ce potentiel de revenu se traduisent par une importante concurrence pour ces réseaux de vente, qu'il s'agisse de l'approvisionnement des fumeries de crack, des passeurs de la vente de drogue sur appel, voire du territoire lui-même.
Comme nous l'avons constaté au cours des derniers mois, cette concurrence est agressive et elle est souvent appuyée par des armes à feu. Des statistiques de 2008 aideront à illustrer la situation.
En 2008, 33 personnes ont été frappées par balle dans la ville de Surrey, et 10 d'entre elles n'ont pas survécu. La GRC de Surrey est intervenue dans 98 incidents de tir de feu confirmés, ce qui représente une augmentation de 20 p. 100 des incidents avec coups de feu par rapport à l'année 2007.
En 2008, la GRC de Surrey a saisi 222 fusils et 120 armes de poing, pour un total de 324 armes à feu saisies par la police.
J'ai déjà fait état d'une dynamique de violence et de misère. Les données statistiques que j'ai fournies concernant les armes à feu témoignent de cette violence. La misère est celle des cocaïnomanes, dont bon nombre vivent dans la rue. On en voit dans toutes les villes du Canada.
La plupart de ces toxicomanes sont prêts à faire n'importe quoi pour obtenir leur drogue: mendicité, prostitution, vol, introduction par effraction, vol qualifié et même, parfois, meurtre. La plupart de ces personnes sont en permanence en mode de criminalité, passant d'un crime à un autre pour ramasser assez d'argent pour leur prochain achat de drogue. Ce sont ces personnes qui ont la plus forte incidence sur le sentiment d'insécurité de la société et qui sont responsables de la grande majorité des crimes contre les biens.
Comme le sait bien le comité, le sujet est fort complexe, et ne jouit d'aucune réponse facile, solution miracle ni solution unique. Je vous soumettrai ce qui suit comme suggestion. Il y a une dynamique qui s'étend au-delà de ceux qui participent au crime organisé international de haut niveau, et qui mérite à mon sens des stratégies dans les domaines que voici.
Certes, il est nécessaire de s'attaquer aux aspects qui entravent présentement la police dans ses enquêtes sur les groupes sophistiqués du crime organisé. La divulgation et le droit d'accès en sont deux exemples. Non seulement cela offrirait à la police la possibilité d'avoir un impact sur ces organisations, mais cela offrirait l'avantage net de libérer des ressources policières pouvant être déployées autrement.
Pour tous ceux qui sont impliqués dans « l'entreprise du crime », ou la criminalité pour le profit, surtout lorsque cette activité criminelle repose sur le trafic de stupéfiants, il doit y avoir une détention suffisante en cas de condamnation. Non seulement cela assurerait un meilleur équilibre dans l'équation du risque versus la récompense, mais cela pourrait également interrompre l'implication continuelle d'organisations criminelles de niveaux inférieurs.
Il est courant que les personnes impliquées, soit en tant que tireurs soit en tant que victimes dans ces incidents avec utilisation d'armes à feu, aient un lourd bagage de démêlés avec la police et le système judiciaire. Si ces criminels sont enlevés plus tôt du milieu criminel, et ce pour des infractions sans violence, cette spirale inévitable de violence et de compétition est interrompue.
À mon avis, il doit y avoir de lourdes conséquences pour toute personne se trouvant en possession d'armes à feu. Il devrait y avoir un renversement du fardeau de la preuve dans le cas de personnes arrêtées avec sur elles des armes à feu, pour qu'elles soient obligées de fournir la preuve qu'elles ne sont pas impliquées dans des activités criminelles.
Le système de droit pénal devrait mieux réagir aux éléments entourant ceux qui commettent des crimes du fait d'une toxicomanie, ce surtout dans le cas de contrevenants prolifiques et qui ont un volumineux casier judiciaire. Cela exigerait la collaboration des gouvernements provinciaux et municipaux. Il s'agirait de prévoir un programme obligatoire de désintoxication, de réadaptation et de planification pour l'avenir. Dans le cas des délinquants ayant refusé, dans leurs actes et dans leurs agissements, de se prévaloir de ces possibilités de rétablissement, il importerait de prévoir, comme conséquence, des peines d'incarcération considérables qui assureraient à la fois à ces personnes la possibilité de se réadapter et de se former et la protection de la population canadienne de l'activité criminelle de ces individus.
Enfin, il importe d'élaborer des stratégies d'éducation et de prévention visant les jeunes, pour les sensibiliser tant aux risques dans le domaine de l'usage de drogues qu'à ceux du phénomène des gangs. En l'absence de ce volet de la stratégie, il continuera d'y avoir des personnes destinées au type de toxicomanie envahissante qui est le moteur du gros de la criminalité, et il continuera d'y avoir un marché pour ceux qui en feront leur proie.
Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité ici aujourd'hui.
Merci.
Je m'appelle Bob Stewart et je suis membre du service de police de Vancouver depuis 32 ans. Je suis à l'heure actuelle responsable de la section des renseignements criminels.
Le service de police de Vancouver, grâce à ses propres efforts et à ceux du réseau provincial de renseignements criminels, a pu identifier plusieurs gangs et groupes du crime organisé qui sont en activité dans la région, y compris dans la ville de Vancouver. Nombre de ces groupes ont récemment fait la une des journaux et, du fait du niveau de violence auquel ils s'adonnent dans nos rues, constituent une menace à la sécurité de nos collectivités.
La récompense financière liée au commerce prolifique de drogues illicites est à l'heure actuelle le catalyseur de la formation de ces groupes du crime organisé. La violence subséquente est typiquement le résultat de guerres territoriales inter-gangs, de vols de drogue et de dettes de drogue non réglées. Cependant, nombre des intéressés sont impliqués dans d'autres types d'activités criminelles, par exemple trafic d'armes à feu, extorsion, vol qualifié, fraude de carte de crédit, vol d'identité, fraude hypothécaire, blanchiment d'argent, contrefaçon, vol et cambriolage de véhicule, y compris trafic de NIV.
Certains groupes ont fait preuve d'un degré élevé de sophistication en utilisant des technologies de communication encodée pour développer et maintenir leurs réseaux criminels et pour transmettre des informations aux niveaux international et national. Plus cette activité se poursuit en échappant à tout contrôle, plus les groupes deviennent organisés et installés, présentant un défi d'autant plus grand aux forces de l'ordre.
Dans le but d'appuyer les efforts de démantèlement, de désarmement et de dissuasion de ces groupes à activité criminelle et violente, le service de police de Vancouver a détaché des officiers à nombre des unités policières intégrées dont vous avez entendu parler aujourd'hui.
Afin de nous acquitter de notre mandat local, qui est d'assurer la sécurité des citoyens de Vancouver, étant donné que notre financement provient principalement du palier municipal, nous concentrons nos efforts de lutte contre le crime organisé sur ces personnes ou groupes qui ont manifesté la plus forte propension à la violence et qui grèvent sérieusement nos ressources policières locales du fait de leur activité violente dans nos rues.
Le service de police de Vancouver est engagé à faire enquête sur tous les aspects de la criminalité de groupe. À cette fin, nous nous employons à utiliser des techniques de répression originales et tous les outils que nous offre le Code criminel et d'autres textes de loi pour intervenir auprès des membres clés d'organisations criminelles en vue de stopper la vague de violence et de créer l'instabilité au sein des groupes.
Par suite d'un récent projet ciblant l'un des groupes du crime organisé les plus violents en activité à Vancouver, le service de police de Vancouver a porté plus de 175 accusations contre 25 personnes. Outre des chefs d'accusation liés au trafic de drogue, je citerai le fait de faire du tapage, des actes de violence, la commission de voies de fait et le meurtre. Au total, 75 p. 100 des accusations concernaient des actes criminels mettant en cause des armes à feu et ont résulté en la saisie de 25 à 30 armes à feu. Ce projet a eu pour incidence positive directe en matière de sécurité publique une baisse sensible du nombre de fusillades au cours des six derniers mois dans le sud-est de Vancouver, là où le groupe menait ses activités criminelles.
Une pratique qui s'est avérée très utile dans le cas des poursuites contre des gangs criminels est l'accès à un poursuivant de gangs régional. Même si le potentiel de cette relation de travail très étroite et très efficace avec le procureur de la couronne n'a pas encore été pleinement reconnu dans le contexte de la criminalité de gang, les efficiences en matière d'enquête et de poursuite réalisées grâce à l'affectation d'un procureur spécialisé ne sauraient être exagérées. Les enquêtes ont tendance à demeurer ciblées, tandis que des accusations appropriées sont portées et les mandats sont exécutés en temps opportun.
La police et les avocats de la Couronne, tant fédéraux que provinciaux, doivent être encouragés à continuer d'élaborer des stratégies en vue d'accroître leur efficacité conjointe. Les poursuivants fédéraux et provinciaux doivent quant à eux continuer de développer des relations de travail visant la résolution des questions juridictionnelles et la consolidation des poursuites afin que les juges à l'instruction puissent pleinement comprendre l'envergure de l'activité criminelle du contrevenant et les effets négatifs en découlant pour l'ensemble de la collectivité.
D'autre part, le recours à un poursuivant spécialisé qui a une connaissance parfaite du dossier facilite une divulgation appropriée et appuyée des faits lors de l'audience sur la libération sous caution. Ce devrait être considéré comme une pratique exemplaire, de sorte que les membres violents individuels d'un groupe du crime organisé puissent être arrêtés et inculpés de manière opportune et maintenus en détention pour éviter que ne soient révélées des informations susceptibles de mettre en péril une enquête de plus grande envergure en cours.
Les personnes qui s'adonnent à des activités criminelles particulièrement violentes doivent être arrêtées, inculpées, incarcérées, puis être placées sous garde de manière à procurer à la collectivité un sentiment de soulagement et augmenter la sécurité publique. Un exemple de ce modèle réussi pour la répression du crime contre les biens est le programme des contrevenants chroniques du service de police de Vancouver et le groupe de travail sur le vol d'identité. Des procureurs de la Couronne provinciaux spécialisés interviennent tôt à l'étape de l'enquête et participent à l'établissement d'une orientation et d'un échéancier efficients pour faire rapidement aboutir le dossier. Dans le cours du processus d'approbation de l'inculpation, le même procureur consolide les chefs d'accusation de l'accusé pour l'ensemble de la région puis en fait la soumission lors de l'audience sur la libération sous caution et du prononcé de la sentence. Nous avons, grâce à ce travail, obtenu des ordonnances de détention et des plaidoyers de culpabilité dans 90 p. 100 des cas, et la collectivité jouit d'un répit par rapport à l'incidence néfaste sur elle d'un récidiviste du crime contre les biens prolifiques.
J'aimerais soulever un dernier point. Il y a un autre volet du système de droit pénal dont je pense qu'il mérite un examen plus poussé, et je veux parler des libérations sous caution. L'on peut dire que le public conviendrait dans de nombreux cas que les peines imposées par les tribunaux sont jugées appropriées. Mais ce qui est une source de plus grande inquiétude est l'application du processus des libérations sous caution. Les contrevenants peuvent ne purger qu'un sixième à un tiers de leur peine en milieu carcéral, le restant étant purgé dans la collectivité.
La présente tribune n'est peut-être pas la tribune appropriée pour discuter des libérations sous caution. Je conviens que la question est fort complexe. Cependant, l'on peut avancer que, par suite de la politique en matière de libération sous caution, il n'y a pas un effet de dissuasion suffisant par rapport à la commission de crimes.
Merci.
Je m'appelle Brad Desmarais et je suis policier depuis plus de 30 ans. Je suis à l'heure actuelle responsable de l'unité de lutte contre les gangs et les stupéfiants au service de police de Vancouver.
Je vais vous parler un petit peu du crime organisé. Je vais rehausser quelque peu la barre pour vous entretenir davantage du crime organisé plus sophistiqué que nous rencontrons. Je vais en quelque sorte étayer les remarques de l'inspecteur Shinkaruk sur la façon dont le crime organisé fonctionne aux paliers supérieurs, par rapport à ce qui se passe au niveau de la rue.
La criminalité organisée, comme le gros de la criminalité, est axée sur le commerce. Exception faite des crimes de passion et de quelques autres catégories de délits, la plupart des personnes qui commettent des crimes le font pour en retirer un avantage. Les organisations qui commettent des crimes ou en font commettre par d'autres le font généralement pour satisfaire un motif de profit.
Tout comme les entreprises légitimes, les criminels membres d'organisations criminelles, qu'ils le sachent ou non, effectuent une analyse risques-avantages avant de commettre un délit. Ils soupèsent le risque par rapport au profit escompté. Ce concept vaut dans la plupart des cas, que l'individu soit en train de surveiller une maison en vue d'y pénétrer par effraction ou qu'un groupe hautement organisé soit en train d'envisager une entreprise criminelle complexe. De façon générale, tout est une question d'argent.
On peut soutenir que le commerce de drogues illicites est une importante force motrice derrière l'économie criminelle nord-américaine. Cependant d'importantes lignes de profit existent également dans d'autres secteurs d'activité criminelle.
Je suis policier depuis plus de 30 ans. J'ai consacré le gros des 15 dernières années à enquêter sur le blanchiment d'argent du crime organisé. Pendant cette période, il s'est opéré, à mon sens, un virage marqué dans la façon dont les groupes sophistiqués du crime organisé font affaire. Comme c'est le cas de nombreuses entreprises légitimes qui réussissent bien, les personnes qui gèrent ou qui conseillent les groupes du crime organisé ont appris la valeur de la diversification.
La diversification des branches d'activité criminelle est souvent la clé à la longévité et à la rentabilité des organisations criminelles. Leur recours à des experts externes en droit, en comptabilité, en planification financière et ainsi de suite contribue au maintien d'une organisation criminelle en santé et robuste.
Les criminels dont le domaine de prédilection historique est le trafic de stupéfiants sont aujourd'hui en train d'examiner et d'explorer d'autres activités criminelles en vue d'étaler le risque et d'exploiter la rentabilité. Fraude, extorsion, contrefaçon, proxénétisme, trafic de personnes, vol et quantité d'autres actes criminels offrent un vaste éventail de possibilités de gagner un profit criminel. Même une fraude relativement peu raffinée peut rapporter très gros. D'après mon expérience, ces crimes sont souvent menés simultanément avec des entreprises de trafic de stupéfiants, au lieu d'en être exclus.
C'est pure illusion naïve que de penser que la drogue est le seul moteur du crime organisé et, comme d'aucuns le pensent, que le retrait de la drogue de l'économie criminelle mettrait fin au crime organisé et à tout ce qui s'ensuit. L'activité criminelle organisée et individuelle menée dans le but de faire un profit demeurera.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, le principal motif dans la commission de la plupart des actes criminels est purement et simplement le dégagement d'un profit. Les voyous et les trafiquants d'aujourd'hui ne vont pas tout simplement disparaître si l'une ou l'autre de leur branche d'activité se faisait éliminer.
De la même façon, la violence sera toujours une caractéristique du crime organisé, quel que soit le type de crime. Les tribunaux et les autres moyens légitimes de règlement de différends ne sont typiquement pas à la portée des criminels. La médiation peut intervenir entre certains groupes, mais en cas d'échec, la violence est souvent utilisée pour régler des disputes, diminuer la responsabilité ou éliminer la concurrence. Dans bien des cas, le recours à la violence à l'endroit de concurrents ou de personnes pouvant être un risque pour l'organisation se fait de manière discrète et loin du regard du public. Souvent, la cible de la violence disparaît tout simplement.
La violence est un style de vie pour le gros du monde criminel. Cependant, la violence la plus énorme est sans conteste celle dont usent les trafiquants de rue et de niveau intermédiaire dans la défense de leurs marchés de drogues contre des concurrents ou des prises de contrôle. Le crime est une source d'argent facile et qui échappe à l'impôt, ce que les criminels n'abandonnent pas volontairement.
En bref, il nous faut disposer de moyens de nous attaquer aux causes premières de la criminalité et d'améliorer la capacité de l'État de s'attaquer aux motifs de la rentabilité grâce à la confiscation des biens acquis de façon criminelle.
Les tribunaux doivent quant à eux avoir la capacité d'imposer de lourdes peines dans les cas de délits prouvables reprochés à des personnes assurant des services facilitant la commission d'actes criminels. Dans le Lower Mainland, nous réagissons à ce qui a été très justement décrit par notre chef de police comme étant une guerre de gangs brutale. Nous consacrons une quantité énorme de ressources à la lutte contre cette menace immédiate à la sécurité publique. Je pense que nous sommes en train de gagner.
Il n'y a aucun doute que le déploiement de ces ressources est approprié. C'est ce que le public attend de nous. Rien de moins ne fera l'affaire. Ce que nous ne pouvons cependant pas nier est l'absolue certitude que le crime organisé et la misère humaine l'accompagnant demeureront bien après le recul de l'actuelle violence de gang régionale. Il nous faut nous tourner vers le futur et essayer d'anticiper les menaces criminelles afin de pouvoir les contrer avant qu'elles ne deviennent flagrantes pour la sécurité du public.
Il nous faut disposer de meilleurs outils pour entreprendre des enquêtes criminelles complexes. Des lois nouvelles et améliorées dans une vaste gamme de domaines constituent une partie importante de la solution. Vous avez nul doute entendu parler de la frustration de la police en matière d'accès légal à la divulgation de renseignements et ainsi de suite. Il y a d'autres volets du droit qui devraient eux aussi être sérieusement remaniés. La Loi sur la preuve du Canada, par exemple, n'a pas subi de révision majeure depuis 1923, en dépit de l'évolution de la technologie de l'information, des pratiques bancaires et commerciales, des conventions internationales, des traités d'entraide juridique, et ainsi de suite. Ce n'est là qu'un exemple. Il en existe quantité d'autres.
Nous sommes soulagés de constater que les dispositions législatives en matière de confiscation civile ont survécu à une contestation fondée sur la Charte devant la Cour suprême du Canada il y a de cela quelques semaines. Bien franchement, l'utilisation de la procédure civile pour confisquer des produits de la criminalité a connu un succès fou, en tout cas en Colombie-Britannique. Il conviendrait d'explorer encore d'autres dispositions du droit civil comme moyen de perturber le crime organisé.
Il nous faut par ailleurs oeuvrer à l'amélioration de la viabilité de la législation relative aux produits de la criminalité. Les enquêtes en la matière sont complexes, typiquement onéreuses et longues, pouvant prendre des années devant les tribunaux.
Enfin, l'élément le plus important pour contrer les menaces présentes et futures du crime organisé est que les gouvernements à tous les paliers continuent d'appuyer les forces de l'ordre, et ce même une fois que l'actuelle vague de violence se sera estompée. Des groupes sophistiqués du crime organisé continueront de sévir. Les dommages qu'ils infligent ne se résument pas à un décompte des corps; la chose est beaucoup plus subtile.
Merci.
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Je m'appelle Roland Wallis. Je suis membre de la GRC et je suis présentement affecté au détachement de Surrey. Fraser est mon patron. Il me faudra surveiller ce que je vais dire — pas vraiment.
Je compte environ 20 années d'expérience comme policier. Avant cela, j'avais ma propre entreprise de plomberie et de chauffage, ayant reçu mon certificat de plombier et de monteur d'installation au gaz de la Colombie-Britannique, ainsi que mon ticket plomberie. La raison pour laquelle je dis cela est que cela m'a aidé dans ma carrière dans la police, car j'ai pu fournir des témoignages d'expert devant les tribunaux au sujet d'installations de culture de la marijuana ainsi que de laboratoires de production de méthamphétamine sous tente.
J'ai passé un peu de temps dans la section GI, c'est-à-dire la section de la police en civil. J'ai été versé à la section des stupéfiants pendant environ un mois et demi à Mission. En 1996, j'ai été exposé à l'un des plus gros laboratoires mobiles de production de méthamphétamine du Canada, aux côtés de mon partenaire. Nous étions dans le bois, tout à l'extrémité de Mission, et nous ne savions pas très bien à l'époque sur quoi nous étions tombés, ni même ce sur quoi nous avions été exposés. C'était au tout début de l'installation de ces laboratoires dans notre région.
À cause de cela, et du fait que nos policiers ne savaient pas ce qui se passait, j'ai pris sur moi, en tant que membre des services généraux, de me renseigner au maximum sur les cultures de marijuana et les labos de méthamphétamine. J'ai suivi bon nombre de cours un peu partout en Amérique du Nord, tout en travaillant comme simple policier, afin de me renseigner au sujet de ces types de laboratoires de production de méthamphétamine et de leurs dangers.
Pendant ma carrière, j'ai participé à des descentes dans environ 35 labos de méthamphétamine et au-delà de 300 cultures de marijuana. Dans certains cas, les gens ne sont même pas au courant des dangers qui peuvent exister dans une culture de marijuana. Si je dis cela c'est que j'ai une formation de monteur d'installation au gaz, et j'ai déjà vu une installation de culture dans laquelle on avait utilisé des tubes en caoutchouc pour raccorder une ligne de gaz à la maison afin d'alimenter un système de production de CO2 pour les plants de marijuana. Il y a dans le gaz un produit chimique qui s'attaque au caoutchouc, qui peut ainsi se désagréger au fil du temps, et c'est ainsi que surviennent les explosions dont on entend parler.
Je vous parle ici d'une simple installation de culture de marijuana.
En tant que policiers, nous sommes exposés à des pesticides et à des herbicides dans ces installations de culture. J'ai pénétré dans une culture où l'on s'était branché sur la ligne de gaz principal dans la rue, et il y avait quelque 40 livres de gaz qui étaient envoyés à 500 pieds de la route dans une énorme génératrice. C'était comme s'il y avait eu un 747 prêt à s'envoler. C'était une importante quantité de gaz à laquelle être exposé.
Comme je l'ai dit, j'ai participé à des descentes dans plusieurs laboratoires de méthamphétamine et de laboratoires de fabrication de MDMA. Tous les types de produits chimiques qui y sont utilisés — solvants, éther, produits chimiques semblables, acide sulfurique — sont extrêmement explosifs. Il y a un exemple de ce qui peut se produire dans le journal. Une maison ou un appartement dans l'est de Vancouver a explosé, et c'est ce qui s'est passé dans le cas de certains des laboratoires dans lesquels je me suis rendu.
Les gens ne se préoccupent aucunement de la sécurité dans la fabrication ou la production de ces drogues. C'est une question d'argent et de domination du marché. Nous faisons tout ce que nous pouvons en notre qualité de policier. Il y a également d'autres agences qui nous aident. Je me dis parfois que ce serait bien que Revenu Canada soit tout à côté lorsque nous faisons ces descentes, afin de pouvoir aller frapper à la porte dès que nous avons terminé pour examiner de près d'où provient tout l'argent de ces personnes.
Tout cela est également lié aux gangs. Ils veulent tous être en haut de la pyramide et avoir leur territoire et leurs zones et gagner un maximum d'argent. Je pense que ces laboratoires de production de drogues sont la source du gros de l'argent des bandes de motards criminalisées et des autres gangs de rue.
J'aimerais que des changements soient apportés au système judiciaire en ce qui a trait aux mandats de perquisition. S'il y avait moyen de faire en sorte que ce soit considéré comme une urgence de faire des descentes dans ces laboratoires de méthamphétamine et de marijuana... car la sécurité publique est un souci de premier chef pour nous, ainsi que pour nos membres. Il nous faut fermer ces laboratoires. Dans bien des cas, certains de nos membres savent où se trouvent certains de ces laboratoires, mais nous ne disposons pas de suffisamment de preuves pour y mener des descentes. Nous pourrions, sur la base de notre expérience et munis de certains des renseignements dont nous disposons, en cas de situation d'urgence, pénétrer dans un quelconque de ces laboratoires et au moins faire des arrestations et traiter des suites plus tard.
Il importe également de savoir que la destruction de ces produits chimiques est chose très coûteuse. Cela coûte des milliers et des milliers de dollars. La destruction du camion à Mission avait à l'époque coûté 32 000 $, ce qui est beaucoup d'argent.
Pour résumer, encore une fois, notre principal souci est la sécurité du public. Un exemple parfait est ce qui s'est passé hier soir dans l'est de Vancouver. Merci.
Matt Logan. J'ai été membre de la GRC pendant 28 ans et demi, et j'ai le bonheur d'être aujourd'hui à la retraite. Je suis depuis six ans psychologue opérationnel pour les crimes majeurs.
J'aimerais simplement dire, pour terminer, que ma perspective cadre bien sûr avec tout ce que vous avez entendu jusqu'ici, mais j'aimerais franchir un pas de plus et vous entretenir un petit peu de la psychologie des membres des gangs.
Premièrement, ce que l'on retrouve chez les membres des gangs est une combinaison de personnalité anti-sociale et de psychopathie. La psychopathie touche un groupe plus restreint, soit environ 15 à 20 p. 100 des contrevenants, tandis que 85 p. 100 des contrevenants souffrent de personnalité anti-sociale.
Ce que nous disons ici est que les psychopathes n'ont aucune conscience. Ils se désintéressent totalement des personnes auxquelles leurs agissements pourraient nuire. Leur vie se résume à la satisfaction de leurs besoins. J'estime que les tribunaux devraient également envisager ces personnes du point de vue psychologique à l'étape de la détermination de la peine, sachant que la réadaptation n'est sans doute pas chose possible pour ce groupe particulier de contrevenants. D'autre part, du fait de ce trouble de personnalité anti-sociale, non pas comme moyen de... c'est une excuse pour ce que fait la personne, mais il s'agit de dire qu'il y a peu de chances que l'accusé puisse se réadapter, et la peine devrait être établie en conséquence.
La chose la plus importante que j'aimerais dire aujourd'hui cadre avec ma croyance qu'il faut pêcher en amont. Nous avons la possibilité et le devoir de protéger la société et, certes, de protéger nos enfants. L'une des choses auxquelles il nous faut réellement être sensibles est que nous sommes en train de dépenser beaucoup d'argent sur le saumon qui flotte ventre à l'air dans le système fédéral.
Il nous faut intervenir très tôt. Nous pourrions commencer à intervenir dès l'âge de quatre ans. Le diagnostic de trouble de comportement et de trouble oppositionnel avec provocation peut être posé à quatre ans. Il est certain que dès la troisième année d'école élémentaire, il y a moyen d'essayer de déterminer lesquels de nos enfants vont être des récidivistes chroniques pendant tout leur parcours de vie et lesquels seront simplement délinquants pendant leur adolescence.
L'un des plus gros blocs de recherche en études de l'enfant des 40 dernières années, et je veux parler d'études longitudinales... les deux zones principales étant Pittsburgh et Dunedin. Toute cette riche masse de connaissances nous dit qu'environ 5 à 6 p. 100 des criminels ont ce penchant depuis la petite enfance. Encore 43 p. 100 environ des criminels le sont à l'adolescence seulement. Ce sont des jeunes qui basculent du côté anti-social entre 12 et 21 ans.
Une chose dont fait beaucoup état la recherche — et je pense qu'il importe d'en souligner l'importance — est le fait que 5 à 6 p. 100 des multirécidivistes — qui vivront pendant tout leur parcours de vie dans la criminalité — exercent en même temps une influence sur un groupe très susceptible de délinquants adolescents. En prêtant davantage attention à ces 5 à 6 p. 100, nous nous attardons non seulement sur ceux qui commettent plus de 50 p. 100 des crimes violents, mais également sur l'influence qu'ils exercent sur nos enfants pro-sociaux dans certaines tranches d'âge.
Une autre chose qu'il nous faut savoir est que le processus d'influence est le plus manifeste chez les plus jeunes. Une fois arrivés en septième et en huitième années, ces enfants doivent avoir de meilleurs modèles de rôle. Certains des modèles de comportement qu'ils ont, malheureusement, leur proviennent des personnes dont vous ont parlé mes collègues.
Ce qu'il nous faut faire, même dans les médias, c'est traiter ces personnes pour ce qu'elles sont, au lieu d'en faire des héros, des personnes à imiter. Au fur et à mesure de la progression de l'approche multi-agences, la police intervenant aux côtés d'autres organismes, il nous faut vraiment nous concentrer sur ce que nous pouvons faire pour bâtir à partir des besoins et des forces de nos enfants et pêcher en amont pour empêcher une catastrophe de survenir.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Messieurs, il est très intéressant que vous soyez ici aujourd'hui, et nous ne disposons que de si peu de temps. J'aimerais passer en revue certains des commentaires qui ont été faits, juste pour que vous sachiez que nous écoutons et que nous comprenons le dossier.
Inspecteur Shinkaruk — excusez la prononciation, mais, vu d'où je viens, je ne connais que les noms irlandais et français —, sachez que nous comprenons qu'un certain bricolage, qu'un certain travail sur la définition des organisations criminelles est nécessaire; sachez que nous comprenons cela.
Inspecteur Stewart, j'aimerais vous dire que cet après-midi nous allons entendre un témoin qui, il y a une ou deux semaines à Ottawa, a dit qu'il n'y avait rien de mal dans le système de libération sous caution — qu'il y a des leçons à en tirer —, mais que la détermination des peines par les juges n'est pas appropriée, ce qui est tout le contraire de ce que vous avez dit. Je vais lui soumettre cet après-midi les propos que vous nous avez tenus. J'ignore à quoi cela va mener, mais nous entendons certains témoignages contradictoires.
Inspecteur Desmarais, sachez que nous comprenons que la Loi sur la preuve au Canada et que le Code criminel doivent être examinés et remaniés, comme l'a dit M. Comartin. L'aspect situation d'urgence des mandats de perquisition — cela est une idée formidable.
Je n'ai que deux questions. L'une s'adresse au commissaire adjoint.
Que ce soit vrai ou pas, certains écrits laissent entendre qu'ici en Colombie-Britannique, l'Unité E, consacrée aux bandes de motards, a été démantelée il y a de cela quelques années et remplacée par une unité appelée CLEU. Il a été indiqué ce matin que cette unité aurait elle aussi été démantelée, laissant un vide. Il y a eu, j'imagine, des allégations d'infiltration et d'inefficacité. Je suppose que ce que je suis en train d'entendre aujourd'hui, avec tous les hommes en uniforme qui sont ici, est que vous avez comblé le vide laissé par le démantèlement de la CLEU et de l'Unité E, et que tout roule bien et rondement et travaille de manière efficace.
Auriez-vous quelque commentaire à faire là-dessus?
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Je vais peut-être commencer.
Pour ce qui est des mégaprocès au niveau national, le surintendant Kiloh et moi avons déjà assisté à des forums nationaux dirigés par des services de poursuite dans chacune des provinces. Je pense que nous allons assister au prochain, qui se tiendra au Manitoba, dans trois semaines environ. Le forum antérieur a été tenu à Montréal, au Québec, l'an dernier.
Y assistent les chefs de chaque unité provinciale de poursuite, ainsi que des policiers comme le surintendant Kiloh et moi, et la frustration générale partout dans la salle est nationale. Il y a un besoin national. L'idée du groupe de travail et du comité est de changer beaucoup de lois, de déterminer la façon de faire.
Je crois qu'il y a un certain nombre d'initiatives nationales qui doivent être prises, non pas au niveau des mégaprocès, mais pour des choses comme, par exemple, les précurseurs. Il y en a des tonnes dans ce pays, qui arrivent ici légalement, et ces précurseurs sont de l'or en barre aux États-Unis. Pour un baril d'éphédrine de 25 000 $, vous pouvez toucher 250 000 $. C'est un profit énorme. Les précurseurs arrivent légalement dans cette région par tonne, et traversent ensuite la frontière pour aller aux États-Unis.
Pour en revenir à la question des mégaprocès, en Colombie-Britannique, en tout cas, nous sommes, je pense, aux prises avec plus de difficultés que n'importe quelle autre province, mais je sais qu'il y a un ou deux ans, le ministère de la Justice du Manitoba a effectué une étude pancanadienne exhaustive pour essayer de réunir des suggestions. J'ai accompagné notre chef des poursuites fédérales jusqu'au Québec pour rencontrer le chef de la poursuite chargé de l'affaire des 155 Hells Angels dont nous avons parlée, tout simplement dans le but de discuter des raisons pour lesquelles cela peut se faire dans une région mais pas dans une autre. Les règles que suivait chacune des cours étaient légèrement différentes, suffisamment différentes pour que, dans cette province-ci, pareille chose ne soit pas possible, mais il se pose néanmoins là-bas des questions qu'il conviendra de résoudre.
Comme je l'ai dit au sujet de l'amendement de deux pages à la demande d'installation de table d'écoute, cela n'a pas été approuvé. C'est une chose pour laquelle ils ont subi le supplice de la planche au Québec et en laquelle croyaient leurs poursuivants, mais cela n'a pas été mis à l'épreuve à la Cour suprême, et est donc certainement une chose qui pourrait être faite.
Encore une fois, ici en Colombie-Britannique la police n'a pas l'approbation de l'inculpation. Je sais qu'en Ontario il y a de nombreuses circonstances dans lesquelles la police inculpera 100 ou 130 gangs de rue, mais lorsque vous donnez suite jusqu'à l'aboutissement de l'étape de la poursuite, vous constatez que le nombre s'étiole rapidement et finit par être bien moindre.
Pour répondre à votre question, oui, il nous faut nous attaquer au problème dans cette province, mais il s'agit certainement d'une priorité nationale.
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Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, de vos exposés, et, plus particulièrement, des réponses candides que vous avez données à nos collègues aujourd'hui.
J'aimerais rectifier quelque peu le tir. Nous avons beaucoup parlé de la détermination de la peine et de l'imposition de peines minimales obligatoires, qui ont, j'en conviens, un rôle à jouer, davantage du côté dissuasion et dénonciation. Deux d'entre vous, le commissaire adjoint Macintyre et le surintendant principal MacRae, ont soulevé des questions quelque peu tangentielles.
Commissaire adjoint, dans vos remarques liminaires, j'ai cru que vous parliez de la législation en matière d'accès autorisé. Vous avez parlé, par exemple, de la surveillance électronique. Je pense que vous avez évoqué certains obstacles législatifs et judiciaires qui font qu'il est difficile, ou plus difficile que ce ne le devrait être pour vous de mener des enquêtes, puis d'entreprendre des poursuites qui aboutissent.
Il y a eu un peu de discussion au sujet de divers investissements dans des technologies — des détecteurs hyperspectraux, par exemple—, qui ont été utilisés, et pour lesquels le financement a, par la suite, il me semble, été éliminé ou bloqué. Je me demande si vous ne pourriez pas nous faire quelques suggestions relativement à des changements législatifs en matière d'accès autorisé et de surveillance électronique, qui doivent certainement être modernisés et mis à jour afin de vous fournir les outils qu'il vous faut pour mener des enquêtes au sujet d'entreprises criminelles de plus en plus sophistiquées.
Dans la partie traitant sur la divulgation, vous avez fait état d'obstacles, ou du fardeau que représente la divulgation, je pense, surtout en ce qui concerne la pertinence. Je ne pense pas que quiconque soit en train de proposer que l'on retire le droit de l'accusé de savoir ce qu'on lui reproche, mais la chose est peut-être devenue un fardeau déraisonnable, ou peut-être qu'il est tel que cela accapare de précieuses ressources policières, pour les détourner vers la photocopieuse et ainsi de suite. J'aimerais bien vous entendre là-dessus.
Puis, si nous en avons le temps, j'aimerais que le surintendant principal MacRae nous en dise plus long au sujet des initiatives de prévention et visant les jeunes à risque dans votre collectivité. J'ai trouvé ces aspects très intéressants.