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Je déclare la séance ouverte. Il s'agit de la 38
e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le lundi 19 octobre 2009. Je tiens à signaler que la séance d'aujourd'hui est télévisée.
Vous avez devant vous l'ordre du jour. Nous allons prévoir une vingtaine de minutes à la fin de la réunion pour examiner les travaux du comité et poursuivre le débat sur la motion de M. Ménard portant sur l'étude de l'affaire Cinar. Je signale aussi aux membres que le sous-comité se réunira demain, à midi, pour planifier notre calendrier.
Je rappelle à tous d'éteindre vos BlackBerry ou de les régler en mode vibration, et veuillez prendre vos appels à l'extérieur de la salle. Merci de votre courtoisie.
Revenons maintenant à l'ordre du jour. Conformément à l'ordre de renvoi, nous étudierons le , Loi modifiant le Code criminel. Il vise à renforcer la sévérité des peines d'emprisonnement pour les crimes les plus graves.
Pour nous aider dans notre étude, nous accueillons parmi nous l'honorable Rob Nicholson, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Heureux de vous revoir, monsieur le ministre.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis heureux de vous rencontrer à nouveau pour discuter d'une mesure législative liée à la justice. Cette fois, je suis devant vous pour parler du projet de loi , une loi modifiant le Code criminel, c'est-à-dire la Loi renforçant la sévérité des peines d'emprisonnement pour les crimes les plus graves, qui propose d'apporter des changements majeurs au régime de la dernière chance.
Comme vous le savez, le Code criminel prévoit actuellement que les crimes de haute trahison et les meurtres au premier et au deuxième degré soient assortis d'une peine obligatoire d'emprisonnement à perpétuité et s'accompagnent de périodes obligatoires d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Un délinquant condamné pour un crime de haute trahison ou un meurtre au premier degré doit passer un minimum de 25 ans derrière les barreaux avant de pouvoir demander une libération conditionnelle. Pour un meurtre au deuxième degré, le minimum est de 10 ans. Le juge peut toutefois décider d'augmenter cette peine minimale et la porter à un maximum de 25 ans, en fonction de différents facteurs, dont les circonstances du crime.
Malgré la nature suffisamment sévère de ces périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, le régime de la dernière chance — dont il est question à l'article 745.6 et aux dispositions connexes du Code criminel — permet aux personnes condamnées à l'emprisonnement à perpétuité pour meurtre ou haute trahison de faire une demande de libération conditionnelle anticipée après n'avoir purgé que 15 ans de leur peine. Notre gouvernement a promis de changer cela en ne permettant qu'aux délinquants déjà incarcérés de se prévaloir de cette disposition de la dernière chance et en l'éliminant complètement dans l'avenir.
Les modifications au Code criminel que je propose permettent d'atteindre ces buts. Premièrement, cette réforme interdira à l'avenir à quiconque est reconnu coupable de meurtre ou de haute trahison de se prévaloir de cette disposition de la dernière chance. Une fois le projet de loi en vigueur, tous ceux qui commettent un meurtre ne pourront plus demander à profiter d'une admissibilité plus rapide à la libération conditionnelle que celle prévue par le Code criminel et fixée par le juge au moment du prononcé de la peine. En effet, monsieur le président, la disposition de la dernière chance sera abrogée pour tous les meurtriers dans l'avenir. Cette suppression mettra fin à un processus qui a commencé en 1997, lorsque le régime de la dernière chance avait bel et bien été abrogé pour tous les meurtriers ayant commis au moins un meurtre après cette date.
Le projet de loi s'appuie sur une logique simple. Le fait de permettre à des meurtriers d'avoir la possibilité, aussi mince soit-elle, d'obtenir une libération conditionnelle anticipée revient à trahir le concept de l'adéquation de la peine et du crime. Ce concept exige que ceux qui commettent les crimes les plus graves subissent les peines les plus lourdes. Le projet de loi C-36 vise à redonner tout leur sens aux peines infligées aux meurtriers et à garder les criminels dangereux derrière les barreaux plus longtemps.
Manifestement, le régime de la dernière chance ne rend pas automatiquement un demandeur admissible à la libération conditionnelle. En fait, la grande majorité de ceux dont la demande en vertu de la clause de la dernière chance est acceptée finissent par obtenir une libération conditionnelle prononcée par la Commission nationale des libérations conditionnelles. Cela revient à dire que les meurtriers condamnés à juste titre à de longues détentions sortent de prison et arpentent les rues plus tôt que prévu, sous réserve qu'ils respectent leurs conditions de libération. Ces modifications visent à répondre aux préoccupations des Canadiens qui sont souvent consternés d'apprendre que, grâce à la disposition de la dernière chance, les peines carcérales infligées aux meurtriers ne sont pas toujours celles qui sont purgées.
Pour ce qui est des personnes déjà incarcérées pour meurtre qui peuvent maintenant présenter une demande en vertu de la disposition de la dernière chance ou qui pourront le faire au cours des prochaines années, ils seront encore en mesure de le faire.
Toutefois, ces modifications resserreront aussi la procédure de demande en vertu de la disposition de la dernière chance pour éliminer les demandes les moins recevables et imposeront des restrictions quant au moment et au nombre de fois qu'un contrevenant pourra présenter une demande en vertu du régime de la dernière chance. Cette nouvelle procédure s'appliquera aux personnes qui auront commis leurs infractions avant la date d'entrée en vigueur. Ceux qui purgent déjà des peines d'emprisonnement à perpétuité, ceux qui ont été condamnés mais qui n'ont pas encore reçu leur peine, et ceux qui sont accusés de meurtre ou de haute trahison avant la date d'entrée en vigueur et qui sont par la suite condamnés seront assujettis à cette nouvelle procédure.
En proposant ces modifications au Code criminel en vue d'empêcher les futurs meurtriers de pouvoir recourir au régime de la dernière chance et de resserrer la procédure de présentation d'une demande pour les personnes déjà dans le système, nous reconnaissons, monsieur le président, toute la souffrance vécue par les familles et les proches des victimes de meurtre. Par ces modifications, nous épargnons aux familles la douleur d'assister à de nombreuses audiences d'admissibilité à la libération conditionnelle et d'avoir à revivre à répétition leur terrible perte. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, le gouvernement est toujours déterminé à défendre les victimes d'actes criminels.
Comme bon nombre d'entre vous le savent déjà, la disposition de la dernière chance a été modifiée plusieurs fois depuis sa création en 1976, en réponse aux préoccupations des familles des victimes et des citoyens du Canada.
À l'heure actuelle, la procédure comporte trois étapes. Premièrement, le requérant doit convaincre un juge dans la province où la condamnation a eu lieu qu'il existe une possibilité réelle qu'on accède à la demande. Ce critère préliminaire a été décrit dans une décision de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba ainsi que dans une décision de la Cour supérieure de justice de l'Ontario comme étant relativement peu exigeant.
Nous allons resserrer ce critère. Les candidats à la dernière chance devront désormais prouver qu'il est fort probable que leur demande soit accueillie. Ils devront démontrer cette probabilité marquée pour qu'on accepte leur demande. Par conséquent, les preuves que le délinquant présentera au juge devront être beaucoup plus convaincantes, ce qui empêchera que des demandes moins valables soient présentées.
Nous proposons aussi une prolongation du délai minimal avant que la personne dont la première demande a été rejetée puisse en présenter une nouvelle. Actuellement, ces personnes doivent attendre deux ans avant de soumettre une nouvelle demande à un juge. Avec notre proposition, elles devraient attendre au moins cinq ans.
Si ces changements procéduraux sont adoptés, un meurtrier reconnu coupable qui n'est pas admissible à la libération conditionnelle avant 25 ans ne pourra recourir que deux fois au régime de la dernière chance, à 15 et à 20 ans. C'est différent du système actuel, où l'on peut présenter cinq demandes, soit après 15, 17, 19, 21 et 23 ans. En portant l'attente à cinq ans, le projet de loi fera en sorte que les familles sauront avec plus de certitude le moment où aura lieu l'audience. En réduisant le nombre de demandes qui peuvent être présentées, nous diminuerons l'intensité du traumatisme que ces audiences occasionnent pour ces familles.
Un requérant qui franchit avec succès la première étape doit convaincre un jury de 12 membres de lui permettre de présenter une demande de libération conditionnelle anticipée. Si le jury refuse, le délinquant peut présenter une nouvelle demande à un juge deux ans plus tard seulement. Là encore, nous allons faire passer la période d'attente à cinq ans, et ce, pour les mêmes raisons que je viens d'invoquer.
Si un requérant franchit avec succès la deuxième étape, il peut faire une demande de libération conditionnelle directement à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Aucun changement n'est proposé à cette dernière étape du processus.
En vertu de la loi actuelle, un délinquant peut recourir au régime de la dernière chance à n'importe quel moment après avoir purgé 15 ans de sa peine d'emprisonnement pour meurtre ou haute trahison. Nous proposons aussi d'imposer une limite de trois mois pour la présentation des demandes.
Les requérants devront présenter leurs demandes dans les 90 jours suivant la date d'admissibilité. S'il rate le créneau pour une raison quelconque, le contrevenant devra attendre cinq ans pour pouvoir présenter une autre demande. Ce faisant, les gens soumettront leur demande dès qu'ils en auront l'occasion. Les familles des victimes n'auront plus à vivre constamment dans la crainte, sans trop savoir quand un meurtrier ravivera leurs souffrances en présentant une demande de libération conditionnelle quand bon lui semble.
Permettez-moi d'ajouter que je comprends la préoccupation des Canadiens ordinaires selon laquelle le régime de la dernière chance accorde un traitement clément aux meurtriers. À cet égard, je crois que la plupart des Canadiens appuieront ces mesures qui visent à protéger la société en gardant les criminels violents et dangereux plus longtemps en détention. Le projet de loi nous permet de donner satisfaction aux Canadiens qui estiment que les meurtriers doivent purger leur peine et doivent rester plus longtemps en prison qu'ils ne le doivent à l'heure actuelle. C'est la raison pour laquelle j'exhorte tous les membres du comité à appuyer le projet de loi.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Merci d'être des nôtres, monsieur le ministre.
Comme mes collègues le savent, et le ministre aussi, nous avons appuyé le projet à l'étape de la deuxième lecture. Nous continuons de croire qu'il s'agit d'une mesure appropriée à prendre. Comme le ministre l'a souligné, c'est un gouvernement antérieur qui l'a restreinte il y a de cela 12 ans, et il s'agit là d'une autre restriction de la disposition de la dernière chance.
Il règne beaucoup de confusion autour de cette notion. Comme le ministre l'a mentionné tout à l'heure, par « dernière chance », on veut dire que les personnes reconnues coupables de ces infractions très graves ne devraient pas systématiquement présumer que les dispositions rigoureuses en vertu desquelles elles pourraient présenter une demande à la cour, pour ensuite faire une demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles, seraient automatiquement acceptées.
Je me demande si le ministre ou ses fonctionnaires ont des statistiques. Des délinquants qui se sont prévalus de la disposition de la dernière chance et qui ont fait une demande dans le passé, quel pourcentage des requérants, par exemple, finiront par obtenir une libération conditionnelle?
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Merci, monsieur le ministre.
Quand j'ai entendu parler pour la première fois de ce régime que vous voulez amender, j'étais bien conscient, moi aussi, qu'une telle sentence est imposée quand on a commis le pire des crimes, c'est-à-dire quand on a volontairement tué une personne. Quand on a décidé d'éliminer la peine de mort pour ce crime, il a fallu prévoir des conséquences extrêmement sérieuses.
Je suis sensible à certains de vos arguments quant à la peine des victimes. Je dirais plutôt la peine des parents des victimes, puisqu'il s'agit de victimes d'homicide. Je crois que c'est une peine exagérée de leur demander de venir témoigner tous les deux ans.
On peut être d'accord sur une partie de ce projet de loi et mettre en doute certaines autres. En tout respect, on peut avoir des positions différentes en raison de notre expérience.
Je vous ai écouté parler et défendre le crime. Pensez-vous réellement que ce régime de la dernière chance n'aurait jamais dû être créé?
Merci à vous, monsieur le ministre, et à vos collaborateurs, d'être ici présents.
M. Comartin m'a lancé sur une autre petite tangente, mais je vais commencer par le commencement en espérant que nous aurons le temps de nous rattraper.
Quand quelqu'un me mentionne que parce qu'ils ont enlevé la vie à une autre personne, et le fait que la société veut les garder en prison pendant 25 ans... Et ce devrait être 25 ans — autrement dit, une vraie sentence. Lorsqu'ils disent que c'est draconien, je me demande comment ils qualifieraient le meurtre de la personne qui n'a plus de vie à vivre, ici sur notre belle terre ou ailleurs. Je crois que le fait de retirer les familles, une fois de plus... Vous savez, nous nous sommes battus avec acharnement dans notre société pour que les victimes des familles soient même en mesure de comparaître en cour et de faire une déclaration de la victime, ce qui ne se faisait pas quand je suis entré dans la police en 1970. Nous avons finalement réussi à faire entendre le point de vue des victimes et maintenant, nous voulons leur enlever ce droit en vue de les protéger. Je crois que nous devrions les protéger en veillant à ce que les personnes qui commettent des crimes graves passent le temps qu'il faut en prison. C'est ce que les victimes et les citoyens ordinaires veulent entendre.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, pour rester sur le sujet des victimes qu'on victimise continuellement, lorsque le projet de loi a été déposé, j'ai dressé une liste de commentaires tirés de divers journaux et médias. Un certain nombre de familles et de particuliers ayant perdu des êtres chers se sont prononcés au sujet de ces crimes plus graves et haineux. Ils ont, pour la plupart, parlé des difficultés auxquelles ils ont fait face, difficultés que certains nous disent maintenant qu'ils veulent revivre, mais je m'interroge... Je crois que nous aurions intérêt à communiquer avec eux, monsieur le ministre.
Voici deux citations qui, je crois, visent vraiment le fondement du projet de loi. La première est de Theresa McCuaig, dont le petit-fils a été assassiné. La citation est tirée d'un article publié en juin dernier dans le Kingston Whig-Standard, et je cite Theresa. Selon elle:
Il sera très difficile pour notre famille d'aller en cour trois fois en un an pour chaque criminel, et si on leur refuse la libération conditionnelle, ils peuvent présenter une nouvelle demande, par la suite, tous les deux ans. C'est donc dire que nous vivrons le même enfer tous les deux ans.
L'autre citation est de David Toner, dont le fils a été victime d'un meurtre. M. Toner se trouve maintenant à la tête d'un groupe appelé Families Against Crime and Trauma. Sa citation a été publiée dans le journal The Province en juin dernier. Selon lui:
Les victimes de crimes sont souvent appelées les orphelins de la justice. Le grand public perçoit que les droits du contrevenant passent toujours avant les droits du public même et ceux de la victime. La justice est un terme qui perd sa signification lorsque quelqu'un commet le crime le plus haineux qui soit et sort de prison seulement quelques années plus tard.
Monsieur le ministre, je me demande si vous pourriez vous prononcer là-dessus, ainsi que sur ce que vous avez entendu lorsque vous avez traversé le pays et parlé aux victimes de crimes.
Je crois comprendre qu'aux termes des statistiques de Service correctionnel Canada publiées en avril 2008 — les prochaines seront publiées en décembre 2009 —, des 22 831 contrevenants qui relevaient de SCC à ce moment-là, 4 429, ou 19,4 p. 100, purgeaient une peine d'emprisonnement à perpétuité, presque tous pour meurtre. Je crois maintenant savoir que le projet de loi C-36 n'est pas rétroactif. J'aimerais donc que le ministre donne des explications.
J'éprouve énormément d'empathie pour les familles dont des membres ont été victimes de crimes, qu'il s'agisse de meurtre, de viol, de vol, d'agression ou autre. J'aimerais que le ministre dise comment il s’y prendra pour expliquer à ces familles qui devront continuer à vivre avec le stress, la peur et l'anxiété dont il parle, que pour justifier le retrait de la disposition de la dernière chance pour ceux qui commettront à l'avenir ces actes de violence, les familles ayant déjà perdu des membres en raison de violence, ou ayant souffert elles-mêmes, ou dont un membre a été victime d'un crime violent, devront continuer à vivre avec ce stress, etc. Il y a un peu plus de 4 000 personnes qui relèvent de SCC en ce moment et qui purgent des peines à perpétuité, presque toutes pour meurtre, ce qui signifie qu'à un moment donné, elles pourront se prévaloir de la disposition de la dernière chance.
Comment allez-vous le leur expliquer?
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Merci, monsieur le président. Je vais essayer de ne pas entamer de discussion avec vous.
Monsieur le ministre, je ne sais pas si vous — ou quelqu'un dans cette salle — avez déjà accompagné quelqu'un qui avait été condamné pour meurtre au premier degré et qui faisait une demande de libération conditionnelle. Pour avoir vécu cela, je peux vous dire que c'est une expérience extrêmement laborieuse.
J'ai tout analysé, j'ai rencontré M. Giokas et j'ai étudié le tout attentivement. Au lieu de proposer tout ce que contient le projet de loi , pourquoi ne pas proposer une seule autre chose? Nous convenons tous que le meurtre est le pire crime que quelqu'un puisse commettre. Quand quelqu'un est condamné pour meurtre au premier ou au deuxième degré, pourquoi ne pas dire que cet individu n'aura qu'une seule chance? Après avoir lu votre projet de loi, j'ai fait le calcul. On n'est pas admissible avant 15 ans, il faut passer un minimum de temps. Il faut se rendre devant le juge et si on manque son coup, on se rend probablement jusqu'à 25 ans.
J'aimerais bien mieux, en tant qu'avocat, préparer mon client une seule fois. Le faire deux ou trois fois est inutile parce que les règles sont très précises et les juges très stricts. Cela fera peut-être l'affaire de beaucoup de personnes autour de cette table. Pourquoi ne dites-vous pas qu'on n'aura droit qu'à une chance et qu'il ne faut pas la manquer, qu'il faut se préparer comme il faut?
Votre projet de loi fait miroiter quelque chose de façon inutile, puisque la personne qui manque son coup une fois ne peut pas revenir avant cinq ans.
Sincèrement, après avoir analysé tout ça, je me dis qu'on devrait indiquer qu'on n'aura qu'une seule chance, qu'il faudra se préparer comme il faut et expliquer comment ça va se dérouler. C'est la seule solution que je vois.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie le ministre et ses fonctionnaires de se joindre à nous aujourd'hui.
Je désire faire observer que l'éloquence avec laquelle le ministre a parlé des difficultés que la disposition de la dernière chance crée pour les victimes témoigne du fait que les préoccupations et les intérêts des victimes sont très importants pour lui et constituent une considération majeure du projet de loi.
J'aimerais maintenant parler d'un fait qui n'est peut-être pas aussi marquant, mais qui n'en est pas moins important. Il s'agit d'une statistique contenue dans le rapport d'avril 2008 selon laquelle, sur les 125 délinquants mis en liberté après avoir eu recours à la disposition de la dernière chance, 15 avaient été réincarcérés. En fait, une personne n'était pas comprise dans cette statistique — cette personne était illégalement en liberté au mois d'avril 2008.
Donc, au moins une personne sur huit qui avait été mise en liberté après avoir eu recours à la disposition de la dernière chance était retournée en détention. Les manquements aux conditions de la libération sont beaucoup plus qu'une préoccupation, ils constituent, chaque fois, un pari perdu. Chaque manquement est un échec de la disposition de la dernière chance et chaque manquement constitue un risque pour les Canadiens et les Canadiennes de partout au pays.
Monsieur le ministre, si votre projet de loi avait été en vigueur, aucun de ces individus n'aurait été mis en liberté grâce à la disposition de la dernière chance. Cela semble en accord avec la politique que vous poursuivez pour accroître la sécurité dans les rues. Le projet de loi s'inscrit-il dans cette politique?
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Il n'y a aucun doute à ce sujet.
On m'a posé une question intéressante. Lorsque j'ai présenté le projet de loi, quelqu'un m'a demandé si je disais que quelqu'un qui allait commettre un meurtre au premier degré pourrait décider ne pas passer à l'acte, étant donné qu'il ne pourrait plus présenter une demande de libération conditionnelle en se prévalant de la disposition de la dernière chance après 15 ans d'incarcération. J'ai répondu qu'il serait très difficile pour quiconque d'imaginer, pour commencer, ce qui peut se passer dans la tête d'une personne qui s'apprête à commettre un meurtre au premier degré, un meurtre prémédité. J'ai fait valoir toutefois que je savais qu'il y aurait moins de victimisation dans le pays. Il n'y a pas le moindre doute dans mon esprit que l'individu qui a commis un tel crime passera 25 ans en incarcération avant d'être admissible à une libération conditionnelle des autorités fédérales. Cette mesure sera une bénédiction pour les familles qui doivent traverser tout cela, ou suivre tout le processus décrit ici, de ne pas avoir à le refaire, parce qu'elles sont constamment victimisées.
Mais, vous avez raison: nous voulons que les gens aient confiance dans le système de justice pénale. Nous essayons de nous débarrasser du crédit de deux jours pour un; la question est maintenant soumise à l'autre endroit. Cela en fait partie. Je crois que cette mesure augmentera la confiance des gens dans le système en place au pays. Lorsque les gens ont confiance dans le système, tout le monde en tire profit.
Alors, oui, nous voulons mieux protéger les Canadiens; nous voulons réduire la victimisation; nous voulons que les gens aient confiance dans le système de justice pénale de notre pays. Nous voulons traiter équitablement les gens qui sont accusés dans notre système de justice pénale. Ils doivent avoir des droits — naturellement, ils en ont — et nous voulons qu'ils soient traités équitablement, mais ce n'est qu'une partie de l'équation. Vous ne pouvez appuyer un côté au détriment de l'autre.
Comme M. Norlock et d'autres l'ont dit, nous devons nous assurer que les victimes sont entendues, qu'elles prennent part au processus et que leurs intérêts sont pris en considération. Nous ne pouvons pas les ignorer, parce qu'alors, tout le monde y perd. Vous avez raison, toutefois: notre projet s'inscrit dans le train de mesures que nous prenons pour faire de la société canadienne un milieu de vie plus sûr et, ce faisant, accroître la confiance des gens dans le système. Voilà ce que nous voulons faire.
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Merci, monsieur le président. Ma question sera très brève.
Madame Kane, j'aimerais comprendre comment la loi s'applique, en partant d'un cas qui a déjà été réglé. J'aimerais savoir si ce que nous faisons aurait pu s'appliquer dans le passé. Au Québec, nous avons tous connu le cas de Denis Lortie qui, en pleine Assemblée nationale, a tué trois personnes et qui a été condamné par la suite.
Aujourd'hui, il est sorti de prison. Après huit ans d'incarcération, il a bénéficié d'une libération conditionnelle. Il a voulu tuer des membres du Parti québécois. Il a été condamné et ensuite il a été libéré.
Si le projet de loi avait été adopté à l'époque, M. Denis Lortie aurait-il pu être libéré avant 15, 20 ou 25 ans? Il s'agit d'un cas concret. Au Québec, cet individu n'est plus en prison, malgré le fait qu'il ait commis trois meurtres à l'Assemblée nationale. Si ce cas avait lieu aujourd'hui, serait-il été condamné à 15, 20 ou 25 ans de détention?
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Vous avez peut-être les moyens de vérifier.
Je me souviens avoir vu une émission de télévision il y a fort longtemps. On y avait fait état d'une personne qui avait bénéficié d'une libération conditionnelle deux fois et qui avait commis un troisième meurtre.
Y a-t-il moyen de savoir si cela est déjà arrivé? Cela voudrait dire que cette personne aurait commis un meurtre très jeune, aurait été condamnée une première fois, puis libérée, et ensuite aurait commis un autre meurtre, et encore un autre.
Cette personne aurait commis le premier meurtre à 25 ans, et un autre à 50 ans ou 51 ans et un autre... Le troisième meurtre était particulièrement affreux, car il y avait aussi eu agression sexuelle. Cela aurait eu lieu quand cette personne avait moins de 40 ans, ou certainement moins de 50 ans. Cela a souvent été mentionné comme exemple des lacunes du système des libérations conditionnelles pendant au moins 10 ou 12 ans.
Je m'attendais à trouver ce cas parmi ces statistiques, mais il n'y est pas. J'ai peut-être mal compris le programme, ou il était peut-être inexact, c'est-à-dire que la personne aurait été libérée deux fois, mais pas pour des meurtres.
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Nous sommes saisis d'une motion. Des observations?
(La motion est adoptée.)
Le président: Merci.
Le deuxième point est la poursuite des discussions déjà entamées sur la motion que M. Ménard a déposée.
Monsieur Ménard, vous avez présenté la motion et les membres du comité ont débattu sur le sujet.
Je crois qu'il serait négligent de ma part de ne pas tenir compte de certaines des préoccupations exprimées sur la recevabilité de la motion. J'ai consulté le personnel du comité et j'ai pris une décision au sujet de la motion de M. Ménard.
M. Ménard a proposé la motion suivante:
Que le comité fasse une étude approfondie de l'affaire Cinar, notamment sur les allégations d'interférence politique, pour connaître les raisons expliquant l'absence de procédures criminelles contre ceux qui en sont les principaux responsables et que le comité fasse rapport à la Chambre de ses observations et ses recommandations.
Comme tous les membres le savent, chaque comité parlementaire travaille dans les limites du mandat prévu à son sujet dans le Règlement de la Chambre des communes. Le mandat du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est énoncé au paragraphe 108(2) et à l'alinéa 108(3)e) du Règlement.
Le paragraphe 108(2) du Règlement est ainsi formulé:
En plus des pouvoirs qui leur sont conférés conformément au paragraphe (1) du présent article et à l'article 81 du Règlement, les comités permanents, à l'exception des comités énumérés aux paragraphes (3)a), (3)f), (3)h) et (4) du présent article, sont autorisés à faire une étude et présenter un rapport sur toutes les questions relatives au mandat, à l'administration et au fonctionnement des ministères qui leur sont confiés de temps à autre par la Chambre. En général, les comités sont individuellement autorisés à faire une étude et présenter un rapport sur:
a) les textes législatifs liés au ministère qui leur est confié;
b) les objectifs des programmes et des politiques du ministère et l'efficacité de leur mise en oeuvre;
c) les plans de dépenses immédiats, à moyen terme et à long terme, et l'efficacité de leur mise en oeuvre par le ministère;
d) une analyse de la réussite relative du ministère, mesurée en fonction des résultats obtenus et comparée aux objectifs énoncés;
e) d'autres questions liées au mandat, à l'administration, à l'organisation ou au fonctionnement du ministère que le comité juge bon d'examiner.
Le paragraphe 108(3) du Règlement se lit comme suit:
Les mandats respectifs des comités permanents mentionnés ci-après sont les suivants:
e) celui du Comité de la justice et des droits de la personne comprend notamment l’étude de tout rapport de la Commission canadienne des droits de la personne, qui est réputé être renvoyé en permanence au comité dès que ledit document est déposé sur le Bureau, et la présentation de rapports à ce sujet;
Cette motion demande au comité d'effectuer une étude sur les actes reprochés à une personne concernant une affaire en particulier. Je vous signale que bien que ce comité soit pleinement en mesure d'entreprendre des études sur des questions concernant le Code criminel ou des questions de principe du ministère de la Justice, il ne procède pas à des études ni ne tente d'établir des faits pour des cas particuliers. Je déclare donc la motion telle que formulée, irrecevable, car elle dépasse le mandat du comité.
Il est possible que M. Ménard n'accueille pas favorablement cette décision, mais je lui rappelle qu'il peut soulever la question ou présenter la motion devant un autre comité de la Chambre.
Telle est ma décision.