Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Merci d'avoir invité la GRC à participer au débat d'aujourd'hui. Je suis heureux d'être ici pour vous parler des efforts déployés par la GRC pour lutter contre la criminalité financière au Canada.
La criminalité en col blanc sévit à la fois à l'échelle locale et à l'échelle mondiale et se présente sous diverses formes. Par exemple, il y a la fraude en marketing de masse et la fraude par carte de paiement ainsi que l'usurpation d'identité et la fraude d'identité. Il y a aussi la fraude sur les marchés financiers, ce qui comprend les combines à la Ponzi et le délit d'initié, de même que le blanchiment d'argent. Qu'elle soit de portée locale ou mondiale, la criminalité en col blanc a des effets dévastateurs tant sur les particuliers que sur les collectivités. Lorsque les entreprises et des particuliers sont victimes de fraude, cela donne lieu à une hausse du nombre de faillites personnelles et d'entreprises. La perte d'investissements, de domiciles et des économies de toute une vie peut entraîner de graves préjudices sociaux et ébranler la confiance des gens dans la société.
Beaucoup de crimes financiers sont complexes et difficiles à déceler. Les enquêtes et les poursuites qui s'imposent sont coûteuses en temps et exigeantes en main-d'oeuvre. Par exemple, deux enquêtes récentes ont nécessité entre 50 000 et 70 000 heures-personnes ainsi que la collecte de millions de documents. Elles ont coûté plusieurs millions de dollars seulement en frais d'expertise judiciaire.
Le fait est que bon nombre de ces enquêtes sont longues, complexes et coûteuses. Bien que l'environnement externe dans lequel les services de police exercent leurs activités continue de poser des difficultés, en tant qu'organisation nationale, la GRC a l'expérience et l'expertise nécessaires pour mener de telles enquêtes. Il est aussi important de souligner que l'application des dispositions relatives à la fraude prévue par le Code criminel du Canada, y compris la fraude sur les marchés financiers, est un mandat que la GRC partage avec tous les services de police au Canada.
[Français]
De toute évidence, nos partenariats avec les organismes de réglementation et les divers organismes d'application de la loi, au Canada et à l'étranger, renforcent notre capacité à nous acquitter de la tâche. Les efforts que nous déployons pour lutter contre la criminalité des cols blancs résident dans les trois programmes de la Direction de la criminalité financière de la GRC, à savoir le Programme de délits commerciaux, les Programmes intégrés des produits de la criminalité et du blanchiment de l'argent et le Programme des équipes intégrées de la police des marchés financiers.
J'aimerais maintenant parler de la façon dont chacun des programmes intervient dans la lutte contre la criminalité financière.
[Traduction]
Le Programme des délits commerciaux de la GRC a pour mission de détecter et prévenir toute menace envers l’économie canadienne et d'aider à assurer l’intégrité des institutions canadiennes. Les enquêteurs des délits commerciaux se chargent principalement des cas de fraude, des infractions visant le gouvernement du Canada et des affaires relatives à la corruption d'agents publics, à la procédure d'insolvabilité ou à la contrefaçon de monnaie.
La GRC compte 26 sections des délits commerciaux situées à des endroits stratégiques à l'échelle du pays. Ces sections sont dotées d'enquêteurs et d’employés chevronnés souvent appuyés dans leur travail par des experts dans différents domaines comme la juricomptabilité et le droit criminel.
[Français]
En ce qui concerne les tendances de la criminalité financière, la GRC constate une augmentation de la fréquence, de l'échelle et de la complexité des fraudes en marketing de masse et des vols d'identité. Les fraudes par cartes de paiement, légitimes ou contrefaites, ont également connu une hausse substantielle.
[Traduction]
Ces dernières années, le Centre d'appel antifraude du Canada a documenté une progression du nombre total de cas signalés de fraude en marketing de masse dans presque toutes les provinces. Cette forme de fraude demeure aussi un important problème de criminalité transfrontalière entre le Canada et les États-Unis.
Pour la combattre, la GRC a mis sur pied plusieurs équipes spécialisées. Les équipes du Projet Emptor, à Vancouver, et du Projet COLT, à Montréal, regroupent des partenaires des forces de l'ordre du Canada et des États-Unis, tandis que nos enquêteurs à Toronto font partie de l'Alliance stratégique de Toronto, constituée de divers organismes d'application de la loi du Grand Toronto.
D'après le sondage Global Economic Crime Survey 2009 mené récemment par PricewaterhouseCoopers et publié la semaine dernière, 56 p. 100 des entreprises canadiennes sondées disent avoir été victimes d'un délit économique au cours des 12 derniers mois, ce qui représente une augmentation de 4 p. 100 par rapport à 2007. Sur ces entreprises, 24 p. 100 estiment les pertes directement attribuables aux fraudes à plus de 500 000 $. Environ 59 p. 100 ont indiqué que les fraudeurs étaient des personnes étrangères à l'entreprise.
Pour la personne qui en est victime, le vol d'identité peut causer bien des ravages: non seulement des pertes financières, mais aussi des centaines d'heures passées à essayer de rétablir son identité et sa cote de solvabilité. En 2008, le Centre d'appel antifraude du Canada a reçu des plaintes de fraude d'identité de la part de plus de 11 000 victimes canadiennes, dont les pertes collectives dépassaient les 9,6 millions de dollars. Bien que ce chiffre indique une hausse de plus de 48 p. 100 par rapport aux pertes signalées l'année précédente, on estime que les plaintes déposées auprès du centre d'appel ne représentent que la pointe de l'iceberg.
Une étude récente menée par l'Université McMaster a révélé que, en 2008, 1,7 million de victimes canadiennes de vol d'identité avaient consacré 20 millions d'heures et 150 millions de dollars à faire valoir leur innocence. Toujours selon cette étude, seulement 19 p. 100 des fraudes d'identité sont signalées à la police ou aux agences d'évaluation du crédit. Puisque la vaste majorité, soit environ 81 p. 100, des fraudes d'identité ne sont pas signalées, les pertes réelles sont sans doute astronomiques.
Aussi la GRC travaille-t-elle, en consultation avec des intervenants clés et avec d'autres organismes d'application de la loi, à élaborer une stratégie de lutte contre la fraude d'identité qui misera sur la collecte et l'analyse de renseignements criminels, sur la prévention par l'éducation et la sensibilisation, sur la perturbation et la répression des activités de fraude d'identité ainsi que sur l'engagement de poursuites judiciaires connexes.
[Français]
Nous dirigeons également la mise sur pied d'un groupe de travail international sur la fraude d'identité qui aura pour objectif de faire un survol des stratégies d'autres pays en la matière, de discuter des priorités communes et d'élaborer une stratégie de répression internationale.
[Traduction]
En 2004, le Canada affichait le taux de contrefaçon de monnaie le plus élevé de tous les pays du G10. En 2005, la GRC a élaboré, en liaison avec la Banque du Canada, la Stratégie nationale de lutte contre la contrefaçon, qui vise à réprimer la contrefaçon en mettant l'accent sur trois activités clés à l'échelle nationale, à savoir l'application de la loi, l'engagement de poursuites judiciaires et la prévention. Grâce à des ressources existantes et nouvelles, la GRC a établi des équipes intégrées de lutte contre la contrefaçon à Toronto, Montréal et Vancouver.
Je suis heureux d'annoncer que cette mesure a fait chuter de façon marquée les activités de contrefaçon au Canada. Selon les statistiques du Bureau national de lutte contre la contrefaçon, depuis 2004, la contrefaçon de monnaie a diminué d'environ 80 p. 100, passant de plus de 500 000 billets contrefaits en 2004 à seulement 107 000 en 2008. On prévoit des chiffres encore plus bas pour 2009.
Quand on élimine l'aspect lucratif d'une activité criminelle, on supprime du même coup l'incitatif qui donne envie de la pratiquer. L'objectif principal de l'Initiative intégrée de contrôle des produits de la criminalité consiste donc à dépister, à bloquer et à confisquer tous les gains illicites et non déclarés qui ont été accumulés au moyen d'activités criminelles. D'un bout à l'autre du pays, la GRC travaille en partenariat avec d'autres organismes gouvernementaux et policiers au sein de 13 unités mixtes des produits de la criminalité. Depuis 2003, ces unités ont obtenu la confiscation d'espèces et de biens totalisant plus de 64 millions de dollars, sans compter les actifs de l'ordre de 142 millions de dollars qu'elles ont saisis et dont la disposition n'a pas encore été déterminée.
[Français]
Le Programme contre le blanchiment d'argent de la GRC a pour mandat de mettre en oeuvre des mesures précises pour dépister et décourager les activités de blanchiment d'argent, ainsi que de faciliter les enquêtes. Il participe aux échanges de renseignements entre les partenaires qui collaborent à l'initiative, c'est à dire le CANAFE et l'Agence des services frontaliers du Canada. Il assure également l'analyse des renseignements sur le blanchiment d'argent et la surveillance des tendances nationales et internationales.
[Traduction]
En 2003, des équipes intégrées de la police des marchés financiers, ou EIPMF, ont été créées à Toronto, Montréal, Vancouver et Calgary. Ces équipes sont composées d'enquêteurs de la GRC, d'avocats du Service des poursuites pénales du Canada, de juricomptables et, dans certains cas, de représentants d'organismes de réglementation des valeurs mobilières et de services de police locaux. Elles enquêtent sur les fraudes graves liées aux marchés financiers, visées par des dispositions du Code criminel et qui menacent la confiance des investisseurs ou la stabilité économique du Canada.
En 2007, M. Nick Le Pan, ancien surintendant des institutions financières, a été nommé en tant qu'expert-conseil principal auprès de la GRC afin de formuler des recommandations sur l'amélioration des EIPMF et d'en guider la mise en oeuvre. Dans le rapport qu'il a présenté en octobre 2007, M. Le Pan a fait diverses recommandations centrées sur la nécessité de doter les EIPMF des outils et des ressources dont elles ont besoin pour réussir dans leur environnement de travail.
Depuis le dépôt de ce rapport, la GRC a mis en oeuvre les recommandations de M. Le Pan. Aujourd'hui, le programme des EIPMF produit des résultats et fonctionne efficacement. Au cours de la dernière année, les EIPMF ont déposé des accusations criminelles dans le cadre de plusieurs enquêtes de grande envergure, et d'autres enquêtes se poursuivent.
Comme je l'ai mentionné au tout début, la criminalité en col blanc est omniprésente et de plus en plus complexe. Cependant, nous avons l'expérience, l'expertise et les partenariats nécessaires pour obtenir des résultats. En tant que force de police nationale du Canada, la GRC continuera de jouer un rôle important dans la lutte contre la criminalité économique et dans la protection de l'intégrité économique du Canada.
Merci. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'être venus aujourd'hui. Je voudrais m'excuser de nouveau des problèmes que nous avons eus pour vous faire comparaître. Nous vous remercions de votre patience.
J'aimerais revenir sur un élément de votre exposé, surintendant White.
On entend souvent dire que la criminalité diminue au Canada et si la criminalité diminue, pourquoi le gouvernement essaie-t-il donc de rafistoler notre système de justice?
Je n'ai jamais compris cette logique. Si seulement 1 000 personnes sont victimes de fraude au lieu de 2 000, le gouvernement devrait quand même essayer d'améliorer notre système de justice.
Votre témoignage aujourd'hui est très important et je vais en répéter quelques parties. En ce qui concerne les tendances de la criminalité financière, vous dites que la GRC constate une augmentation de la fréquence et de la complexité des fraudes en marketing de masse et des vols d'identité. Les fraudes par carte de paiement légitime ou contrefaite ont également connu une hausse substantielle. Vous dites que l'on observe une augmentation du nombre de combines à la Ponzi. Ces dernières années, le Centre d'appel antifraude du Canada a documenté une progression du nombre total de cas signalés de fraudes en marketing de masse dans presque toutes les provinces.
Je suis heureux que nous ayons pu entendre votre témoignage. Cela nous permet d'étayer l'approche de notre gouvernement qui consiste, à mon avis, à apporter les changements nécessaires à la loi en ce qui a trait à la détermination de la peine et à la fraude.
Outre cela, comme vous le savez, surintendant White, notre comité entreprend actuellement une étude sur le crime organisé. Si je ne m'abuse, vous avez comparu au comité dans ce contexte. Pouvez-vous me dire comment les criminels organisés sont impliqués dans le type de fraudes dont je viens de parler? Quelle part jouent les groupes criminels organisés au niveaux de la fraude en marketing de masse, du vol d'identité, de la fraude par carte de paiement ou de la contrefaçon de carte de paiement?
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Certainement. Je suis très heureux de le faire.
Je vais vous faire un historique en 30 secondes. Les équipes ont été créées en 2003. Il y avait beaucoup de défis à relever, comme c'est le cas chaque fois qu'une nouvelle unité est créée. Il faut trouver les membres du personnel, trouver les locaux, créer des équipes d'enquête et les rendre opérationnelles. Même si le concept est né en 2003, il y a eu une période de transition, qui a pris un certain temps.
Nous savons que les EIPMF ont fait l'objet de critiques ces dernières années, relativement à la durée de leurs enquêtes, mais à mon avis, du point de vue de l'application de la loi, la progression de ces enquêtes est conforme à toute autre enquête importante de la police.
Donc, depuis 2005-2006, les équipes sont vraiment opérationnelles et ont commencé leur étape d'enquête. Elles ont réalisé un grand nombre de ce type d'enquêtes. Comme je l'ai dit plus tôt, la majorité des enquêtes durent plusieurs années, souvent deux ou trois ans. En 2009, pour beaucoup, l'étape de l'enquête était terminée et nous avons pu porter des accusations criminelles.
Ces dernières années, dans les quatre villes du Canada, sur les 18 enquêtes d'envergure en cours, neuf ont été conclues et ont mené à des accusations criminelles et les procès sont en cours. Nous espérons pouvoir conclure plusieurs autres enquêtes très prochainement et nous en avons plusieurs autres en cours.
Je crois que les résultats récents montrent que les EIPMF seront efficaces et qu'elles portent fruit, comme je l'ai dit, dans plusieurs enquêtes d'envergure.
En ce qui concerne Nick Le Pan, je crois qu'il a fait un peu plus de 30 recommandations au total donc il y en avait beaucoup. Beaucoup portaient, comme je l'ai dit plus tôt, sur les nouvelles ressources nécessaires pour les nouvelles composantes, les composantes des enquêtes qui exigent beaucoup de ressources. Ce que nous ne voulions pas faire, par exemple, c'est de la gestion de cas, de la transcription, obtenir la communication des faits importants, etc., pour les enquêtes. Nous ne voulions pas que nos enquêteurs policiers de première ligne se retrouvent dans un bureau à faire ce genre de travail, c'est pourquoi le personnel de soutien supplémentaire a joué un rôle crucial. Nous avons ajouté du personnel de soutien, ce qui a libéré nos enquêteurs, qui ont pu se concentrer sur les enquêtes d'envergure.
C'est un sujet très vaste dont je pourrais vous parler longtemps. Je pourrais vous en dire beaucoup plus, mais je sais que le temps est limité.
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Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de pouvoir parler en faveur du projet de loi et de fournir au comité de l'information relativement à position de notre gouvernement.
Avant de parler du projet de loi , j'aimerais vous parler de la position de notre gouvernement sur ces questions et de ce qui nous amène ici aujourd'hui.
[Français]
À titre de procureur général du Nouveau-Brunswick, il est de mon devoir d'appuyer les efforts déployés pour accroître l'efficacité du système de justice pénale et de promouvoir les réformes qui inspirent un bon seuil de confiance dans ce système. Je crois fermement que tous les citoyens respectueux des lois ont le droit de vivre dans une collectivité sûre et sécuritaire. Ils doivent pouvoir compter sur un système de justice pénale qui les protège contre les préjudices et la crainte des préjudices. Il est essentiel de maintenir la confiance du public dans notre système judiciaire. Les gens doivent être acquis à l'idée que le système protège les citoyens contre les préjudices, et leur permet de vivre sans crainte d'être victimes d'un crime. Ils doivent avoir confiance et croire que le système s'occupera, comme il se doit, des contrevenants à la loi.
[Traduction]
Depuis que je suis devenu procureur général en juin dernier — après trois merveilleuses années à titre de ministre de la Santé — j'ai appuyé nombreuses des mesures présentées par le ici à Ottawa. Notre système de justice pénale doit prévoir des conséquences importantes et proportionnelles pour les contrevenants. Des crimes violents très graves sont commis, mais aussi des crimes très graves qui ne sont pas de nature violente et qui perturbent complètement certaines vies. Souvent ces crimes sont commis contre les personnes les plus vulnérables.
À ce jour, le Nouveau-Brunswick a appuyé le projet de loi qui élimine le compte double du temps passé en détention provisoire. Nous croyons qu'il n'y a plus de justification pour compter le temps passé en détention provisoire comme double.
Nous avons appuyé le projet de loi , qui prévoit des peines minimales obligatoires pour la production ou le trafic de drogues, parce que cela sert à protéger les plus vulnérables, nos enfants et ceux qui utilisent les drogues. J'ai vu ces situations de près en tant que ministre de la Santé. C'est une situation très triste partout au pays.
Bien sûr, nous sommes également satisfaits du projet de loi , à propos de la clause de la dernière chance, et du progrès parcouru vers l'adoption.
Le Nouveau-Brunswick tente de rendre ses collectivités plus sûres. La semaines dernière, nous avons décidé d'appuyer le défenseur des enfants et de la jeunesse dans le cadre de sa demande qu'il y ait une loi au Nouveau-Brunswick pour la protection des consommateurs. Cela découle d'un rapport disant qu'il devrait y avoir une loi protégeant la vie privée des enfants au XXIe siècle. Nous collaborons avec eux au sein d'un groupe de travail qui comprend le Bureau du défenseur des enfants et de la jeunesse et le ministère de la Justice. Un député de l'opposition participe également à ce groupe de travail, car nous ne croyons pas — et je suis certain que les membres de votre comité seront d'accord — que cela soit une question partisane d'une quelconque façon.
Le groupe de travail proposera un projet de loi au printemps de 2010. Nous espérons le déposer au Parlement à l'automne prochain. Nous croyons qu'il complétera le projet de loi , qui, comme vous le savez, est la loi fédérale qui exigera des fournisseurs d'accès à Internet qu'ils fassent rapport de la pornographie juvénile.
[Français]
Pour cette raison, j’ai demandé à des fonctionnaires de mon ministère de former un groupe de travail avec des représentants du Bureau de l'ombudsman et du défenseur des enfants et de la jeunesse pour étudier les modifications possibles aux dispositions législatives provinciales qui permettraient d'atteindre ces objectifs. Le groupe de travail me présentera un rapport au printemps 2010.
[Traduction]
En ce qui concerne le projet de loi étudié aujourd'hui, le projet de loi , nous sommes ravis qu'il s'attaque aux criminels en col blanc, parce que les crimes qu'ils commettent le sont souvent aux dépens des économies des plus vulnérables. Les victimes sont souvent des personnes âgées, qui ne sont pas toujours en mesure de voir les signaux d'alarme, et nous savons une chose: toutes les victimes sont des gens qui ont travaillé toute leur vie pour faire ces économies. Il s'agit peut-être de 15 000 $, 50 000 $, 300 000 $ ou peut-être 1 million de dollars, mais c'est tout ce que ces gens ont, et je veux donc présenter trois points concernant le projet de loi C-52.
Premièrement, la Commission des valeurs mobilières du Nouveau-Brunswick, a pris des mesures pour protéger les investisseurs contre les pratiques injustes, inopportunes et frauduleuses, et je suis sûr que le projet de loi complétera le travail de la Commission des valeurs mobilières du Nouveau-Brunswick en prévoyant une peine minimale de deux ans pour une fraude ou une série de fraudes qui totalisent plus de 1 million de dollars. Cela enverra un message très clair à ceux qui croient qu'ils peuvent commettre de tels crimes.
Toutefois, sur ce premier point, j'aimerais dire que bien que l'on prévoie des facteurs aggravants additionnels qui puissent être utilisés lors de la détermination de la peine, j'exhorte le comité à songer à un chiffre de moins de 1 million de dollars, et je vais vous donner un exemple. Il est clair que 20 000 $, 30 000 $ ou 50 000 $ signifie tout pour une personne qui a travaillé toute sa vie. Cette somme économisée, une personne qui atteint l'âge de 65 ans planifie l'utiliser frugalement jusqu'à 85 ans pour joindre les deux bouts. Si la personne perd cet argent à cause d'une fraude, c'est aussi dévastateur pour elle que la perte de plusieurs centaines de milliers de dollars ou d'un million de dollars.
Le deuxième point que je voulais soulever à propos du projet de loi, c'est qu'il demandera aux juges d'envisager la restitution. Au Nouveau-Brunswick, nous avons une unité provinciale de produits de la criminalité qui a connu beaucoup de succès, mais nous allons aussi déposer un régime civil de confiscation en janvier qui complétera le projet de loi et notre unité des produits de la criminalité. Le régime civil de confiscation permettra au ministère de la Justice, par l'entremise de ses avocats, de poursuivre les gens qui ont utilisé leurs biens — que ce soit leur bureau à domicile, leur ordinateur, leur petit immeuble à bureau, leur grand immeuble à bureau, ou autre — principalement comme outil criminel. Nous pourrons saisir ces biens.
Nous avons vu trop souvent, au Canada et au Nouveau-Brunswick, des gens qui avaient reçu une peine de six mois, ou d'un an et demi, ou même de deux ans et demi, et qui retournent dans leurs très grandes maisons ou leurs édifices à bureaux qu'ils avaient utilisés pour perpétrer les crimes. Le régime civil de confiscation sera semblable au régime civil de confiscation qui a été déclaré valide par la Cour suprême du Canada. Les régimes civils de confiscation de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ont connu beaucoup de succès; 99 p. 100 du temps les accusés laissent tomber parce qu'ils ne veulent pas signer un affidavit stipulant qu'ils reçoivent 20 000 $ en revenus et qu'ils ont un million de dollars en biens. Je pense qu'on avait donné au régime de l'Ontario trois ans pour être autosuffisant, et le régime y est arrivé en 18 mois. Comme vous le savez, c'est selon la prépondérance des probabilités, ce qui est un peu plus facile dans ce cas qu'un fardeau « au-delà de tout doute raisonnable ».
[Français]
Enfin, je tiens à souligner qu’il est primordial de pouvoir compter sur des ressources adéquates pour fournir l’expertise nécessaire dans les domaines complexes des enquêtes et de la détection, en vue de connaître du succès dans la lutte contre la fraude en matière de valeurs mobilières. Les administrations canadiennes ont indiqué que l'aide du gouvernement fédéral était essentielle afin d’accroître leur capacité en matière de détection et d’application de la loi, et je souscris à leur propos. Une probabilité de détection accrue serait un très important moyen de dissuasion des actes criminels.
[Traduction]
Eh bien, 10 minutes ce n'est pas beaucoup. C'est le temps qu'il faut généralement à l'un des Murphys seulement pour s'éclaircir la voix.
Évidemment, 1 million de dollars n'est pas un chiffre magique. Je crois que le projet de loi C-52 est un très bon projet de loi, et je félicite le gouvernement de l'avoir présenté. Mais il ne faut pas oublier que 30 crimes commis contre des gens qui ont perdu en moyenne 30 000 $ peuvent faire autant de mal à cette famille ou ces familles qu'une balle aurait pu le faire.
Nous examinons depuis longtemps le droit des accusés. Nous prenons en compte et nous respectons la Charte, et nous respectons les principes du Code criminel du Canada, mais rien ne nous empêche d'inclure dans les lois fédérales et provinciales, les droits des victimes. Je crois que toutes les lois — fédérale et provinciale — devraient les inclure.
[Français]
C'est parce qu'on veut remettre les pendules à l'heure.
[Traduction]
Il faut ramener le balancier pour que tous les citoyens sachent que ces lois sont conçues pour les protéger grâce à des mesures dissuasives et des punitions, et la restitution. Le projet de loi C-52 peut s'occuper en partie de l'aspect restitution, mais cet aspect peut être considérablement amélioré par des régimes civils de confiscation qui sont présentés dans toutes les provinces.
Je demande au comité à songer à un chiffre de moins de 1 million de dollars. La peine minimale de deux ans me va, mais ce n'est pas un chiffre magique. De très nombreuses personnes peuvent vous raconter comment leur vie et celle de leur famille ont été ruinées par des pertes de 30 000, 40 000 ou 100 000 $.
Je conclurai par ce qui suit. Un homme s'est présenté à mon bureau il y a deux mois, et il avait été victime d'une fraude d'une somme beaucoup moins importante que 1 million de dollars. Il était gêné. Il avait 75 ans. Il pleurait. Il ne savait pas quoi faire, et tout ce que je pouvais lui dire, c'est que la Commission des valeurs mobilières allait faire enquête sur les pratiques frauduleuses et que les procureurs allaient s'occuper du dossier et examiner la loi. J'aurais voulu dire à cette personne qu'il y avait une peine minimale de deux ans pour un tel crime, mais je ne pouvais pas. J'aurais voulu lui dire qu'il y aurait une peine minimale de deux ans pour la somme qu'on lui avait prise frauduleusement, ce qui avait causé autant de dommages à sa famille que si une balle en avait tué l'un des membres.
Parfois il faut voir le visage de la victime et connaître son histoire avant de pouvoir mesurer la gravité d'un crime. Le Code criminel du Canada s'occupe des crimes violents, mais les conséquences des crimes en col blanc contre les plus vulnérables peuvent être aussi dévastatrices qu'un crime violent.
Merci.
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Comme Gaylene vient de le faire, je veux remercier le président et le comité de permettre à l'Association du Barreau canadien de faire connaître son point de vue sur le projet de loi .
Je débuterai en disant que l'Association du Barreau canadien comprend très bien et appuie la logique et les préoccupations sous-jacentes à ce projet de loi. L'Association du Barreau canadien appuie évidemment tout ce qui pourrait dissuader des criminels en col blanc de faire d'autres victimes.
En tant que Montréalaise, j'ai eu l'expérience récente d'entendre dans le hall d'entrée de l'édifice où je travaille un homme dire à un autre près des ascenseurs qu'il avait été une victime de Earl Jones. Il avait absolument tout perdu. Il croyait pouvoir prendre sa retraite, mais sa situation n'était plus très bonne. Je peux vous dire, en tant que membre de ce comité et à titre individuel, qu'entendre de telles choses nous brisent le coeur.
L'Association du Barreau canadien appuie évidemment également la notion de réparation pour les victimes. Il serait phénoménal que notre système de justice pénale puisse offrir aux victimes une restitution.
Nous apprécions les lois qui s'adaptent aux caractéristiques de chaque victime et qui permettent à chaque victime d'être entendue de façon différente, selon la nature du crime et du contrevenant. Ce sont là de bonnes préoccupations, que nous voyons également dans ce projet de loi.
Cela dit, vous avez reçu notre mémoire, vous ne serez donc pas surpris de m'entendre dire que l'Association du Barreau canadien ne croit pas que ce projet de loi devrait être adopté. Je vais vous expliquer pourquoi. Ce n'est pas parce que nous ne comprenons pas les préoccupations à l'origine de la rédaction du projet de loi. C'est parce que nous croyons que les outils sont déjà présents dans le Code criminel.
Le projet de loi ne fait que rendre encore plus complexe un système de justice pénale déjà très complexe, et nous croyons que cela présente un risque pour l'administration de la justice et son efficacité à une époque où nos ressources sont telles que nous devons essayer d'améliorer l'efficacité de la justice et non pas la diminuer.
Une autre chose qui ne surprendra pas ceux qui ont déjà entendu les témoignages de l'Association du Barreau canadien par le passé, c'est que nous n'appuyons pas les lois qui lieraient les mains des juges. En tant qu'avocats, qu'avocats de la défense, que procureurs de la Couronne et que professeurs de droit qui siègent au comité, nous faisons énormément confiance aux juges qui rendent la justice quotidiennement dans les divers tribunaux du pays. La proportionnalité et la personnalisation des peines est la marque du système pénal canadien. Lorsque nous imposons des peines minimales obligatoires comme celles proposées dans ce projet de loi, nous nous éloignons par définition de ces principes, et c'est quelque chose qu'a toujours rejeté l'Association du Barreau canadien.
Permettez-moi d'être plus précise et pratique en ce qui concerne les problèmes que pose ce projet de loi à l'administration de la justice. Une expression nous a frappés, celle dans l'article 2 qui créerait une nouvelle peine minimale obligatoire de deux ans d’emprisonnement pour une fraude quand la valeur totale de l’objet des infractions en cause est supérieure à 1 million de dollars. Nous nous inquiétons de l'étendue et de la portée de ce qu'est l'objet des infractions, et aussi de la capacité même de vraiment le définir.
Je sais que vous le savez déjà, mais je vous rappellerai quand même que la Cour suprême du Canada a dit depuis 1978, dans l'affaire Olan, qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait une perte économique pour qu'il y ait fraude. Alors il pourrait y avoir une situation où l'objet des infractions est de 1 million de dollars, sans qu'il y ait eu de perte économique pour une personne ou une collectivité. Étant donné les motivations ayant mené à la rédaction de ce projet de loi, il nous semble que nous nous éloignons fortement de son objectif.
Encore une fois, étant donné que l'objet des infractions constitue l'élément déclencheur, et étant donné l'importance que prendra cet élément, surtout pour les accusés qui pourraient être soumis à une peine minimale obligatoire de deux ans d'emprisonnement, nous prévoyons, dans le cadre de l'efficacité de la justice, que les audiences de détermination de la peine deviendront beaucoup plus compliquées et complexes.
Il n'y aura plus d'acception de ce que sera l’objet des infractions en cause. Chacune des victimes devra être présente aux audiences de détermination de la peine pour que les procureurs de la Couronne puissent prouver quel était le montant exact de la fraude, qu'il s'agisse d'un risque possible, d'une perte éventuelle ou d'une perte réelle.
Vous répondrez peut-être que le Code criminel prévoit déjà qu'une fraude atteignant 1 million de dollars constitue un facteur aggravant, ce qui est vrai. Une telle disposition existe déjà dans le code. Dans les faits toutefois, je peux vous assurer que la disposition servait à faire comprendre aux procureurs, aux avocats de la défense et aux juges que plus le montant de la fraude était élevée, plus la peine serait lourde.
En optant pour un seuil de 1 million de dollars, les législateurs soulignaient clairement le caractère aggravant du montant. Cela signifiait de manière concrète que si la fraude totalisait 900 000 $ ou 1,1 million de dollars, elle était jugée considérable et devenait un facteur aggravant, mais il n'importait pas nécessairement de préciser le montant. Mais, du fait qu'un coupable pourra s'attendre à une peine d'incarcération de deux ans si la fraude atteint le seuil de 1 million de dollars, dorénavant, il faudra qu'on quantifie de façon très précise les sommes en cause. Par conséquent, nous craignons que cela ne nuise à l'efficacité de la justice en créant toutes sortes de blocages.
Entre parenthèses, en dépit du fait que nous sommes carrément contre ces peines minimales obligatoires ou contre l'élément déclencheur de 1 million de dollars, j'estime que si le projet de loi est adopté tel quel, le comité devrait au moins envisager d'y ajouter l'obligation pour le procureur d'aviser l'accusé que la valeur totale de l’objet de l'infraction en cause est estimé à plus de 1 million de dollars et qu'on demandera donc la peine minimale obligatoire. Cette disposition me paraît conforme aux principes fondamentaux de la justice et susceptible de rendre la loi plus équitable. C'est pourquoi nous vous demandons d'envisager son adoption.
Pour ce qui est de l'administration d'autres questions ayant trait à la justice réparatrice, bien que nous soyons favorables au dédommagement, nous sommes préoccupés par le fait que des mécanismes en ce sens sont déjà inscrits dans le Code criminel. Ainsi par exemple, il est connu qu'une telle option figure déjà dans les dispositions de détermination de la peine du Code criminel. En tant qu'avocate de la défense, je suis bien placée pour vous dire que lorsque nos clients peuvent faire des restitutions, nous l'acceptons, car nous savons que les juges verront cela d'un très bon oeil et que la peine imposée en sera allégée.
Croyez-le ou non, mais parmi les criminalistes de l'Association du Barreau canadien, ce sont les procureurs de la Couronne qui se sont montrés préoccupés par l'option du dédommagement, craignant que les victimes les voient dorénavant comme leurs propres avocats plutôt que comme les défenseurs de l'intérêt public. Ils pensaient en effet que les victimes allaient se tourner vers eux en s'attendant à ce qu'ils s'occupent de leur obtenir le dédommagement en question. Le projet de loi insiste certainement plus qu'avant sur le dédommagement, en précisant que le tribunal « est tenu de s'enquérir auprès du poursuivant » et que le poursuivant « est tenu de s'enquérir auprès de la victime ». En fait, cette pratique est courante, mais le fait qu'on l'ait explicité dans un texte législatif fait craindre à nos procureurs de se retrouver dans une position plutôt épineuse.
Fort de mon expérience quotidienne du système de justice pénale, je suis aussi en mesure de vous dire que lorsque les victimes de crime et de fraude déposent une plainte à la police, les agents leur répondent fréquemment que s'ils cherchent à recouvrer leur argent, ils se trompent d'adresse car tel n'est pas le but du système de justice pénale. Encore une fois, si le comité est préoccupé par cela, entre autres choses, c'est qu'on craint qu'en raison de l'importance accordée au dédommagement et de la quasi-présomption de dédommagement ainsi créée, qu'on en vienne à voir le système de justice pénale comme une espèce d'agence de recouvrement.
Ma dernière remarque, qui découle de ce qui précède, porte sur le titre abrégé du projet de loi. Le comité de la justice pénale de l'Association du Barreau canadien a remarqué qu'on a cessé de privilégier des titres abrégés neutres dans les projets de loi pour leur préférer des titres comme celui-ci, où il est question du « châtiment » au nom des victimes de crimes. Nous estimons respectueusement qu'il y aurait peut-être lieu d'envisager de revenir à des titres abrégés plus neutres.
Je vous remercie de votre attention.
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Je vous remercie monsieur le président, mesdames et messieurs.
Nous vous avons fourni trois documents: une déclaration, un bref exposé sur les services d'exécution actuels et le rapport d'un groupe d'experts. Je pourrais peut-être lire quelques extraits de la déclaration plutôt que les textes en entier. Ainsi, mes propos seront relativement brefs.
Je dirai d'abord que la présence à mes côtés de trois personnes illustre bien le fait que notre travail n'a pas grand rapport avec le Code criminel, tout au moins dans ma division. Toutefois, cela va peut-être changer.
D'entrée de jeu, je dirai que renforcer l'intégrité des marchés financiers du Canada est une priorité absolue pour le gouvernement et le ministère des Finances. Il s'agit d'un point crucial si l'on veut à la fois protéger les investisseurs et promouvoir la vigueur des marchés financiers. Tel sera notre point de vue sur la question.
Il est bien connu que l'intégrité des marchés financiers nécessite une réglementation efficace, une saine gouvernance et une application rigoureuse de la loi. Dans cette optique, il importe de faire une distinction entre les mesures qui visent à améliorer l'exécution des procédures pénales et celles qui sont destinées à améliorer l'application de la réglementation.
Vous venez d'entendre les représentants de la GRC, qui abordent la question par rapport au droit pénal.
L'application de la réglementation est pour sa part exécutée à l'heure actuelle par les 13 organismes provinciaux et territoriaux de réglementation des valeurs mobilières, soutenus par un certain nombre d'organismes d'autoréglementation. Je parlerai brièvement de l'esprit réglementaire, pour souligner le fait que le gouvernement prend des mesures de poids à cet égard. La principale initiative à mentionner a trait à la mise sur pied d'un organisme canadien de réglementation des valeurs mobilières, en collaboration avec les provinces et les territoires souhaitant participer à cette initiative.
Le rapport final publié en janvier 2009 par le Groupe d'experts sur la réglementation des valeurs mobilières au Canada déclarait qu'un organisme canadien de réglementation des valeurs mobilières contribuerait à l'amélioration des activités d'exécution de la manière suivante:
[Français]
en regroupant dans un même organisme les ressources et compétences en matière d'exécution de 13 provinces et territoires; en éliminant les fonctions faisant double emploi et les chevauchements inutiles; en assurant une plus grande uniformité au chapitre de la protection des investisseurs à l'échelle du pays, et en garantissant une meilleure coopération avec les autorités canadiennes et internationales d'exécution des lois criminelles.
[Traduction]
Avant de conclure, j'aimerais soulever quelques autres points.
Le Bureau de transition canadien en valeurs mobilières, dont la création a été annoncée en juin dernier, assure l'orientation et la gestion de la transition vers un organisme canadien de réglementation des valeurs mobilières. Conformément au mandat que lui a confié le gouvernement, le bureau de transition travaille à faire en sorte que l'organisme canadien de réglementation des valeurs mobilières dispose des pouvoirs juridiques et de la structure organisationnelle qu'il lui faut pour assurer le respect du régime de réglementation des valeurs mobilières.
Le bureau de transition élabore actuellement la Loi canadienne sur les valeurs mobilières, qui devrait être prête au printemps de 2010, ainsi qu'un plan de transition, en consultation avec le comité consultatif des provinces et des territoires participants. Le comité consultatif est composé de représentants de chacune des 10 administrations publiques provinciales et territoriales participantes. Les travaux du bureau de transition devraient aboutir à l'établissement de cet organisme en 2012.
Voilà qui conclut ma déclaration préliminaire, monsieur le président.
J'ai participé aux enquêtes sur nombre des fraudes à grande échelle perpétrées au Canada. Si vous en parcouriez la liste, vous constateriez que nous sommes intervenus dans à peu près les deux tiers d'entre elles.
Je ne suis pas indifférent aux observations du ministre du Nouveau-Brunswick, mais je pense qu'il faut faire preuve de réalisme quant aux mesures qui devront être prises pour prévenir bon nombre des combines à la Ponzi et des opérations pyramidales, entre autres.
J'ai un document à distribuer. Pour tout vous dire, j'aborde la question sous deux angles. Premièrement, Accountability Research représente la recherche menée pour les investisseurs, lesquels sont abonnés à notre bulletin, et ainsi de suite. Deuxièmement, j'ai témoigné devant les tribunaux à plus d'une centaine de reprises dans le cadre de différentes affaires, et je peux vous dire que les propos tenus par les trois intervenants précédents ne reflètent pas la réalité canadienne.
Permettez-moi de vous donner un peu de contexte. Si on se reporte aux combines à la Ponzi des années 1910 et 1920, et si on suit l'évolution du marché boursier au cours des années 1920 jusqu'au crash boursier de 1929, on constate que les États-Unis ont réagi en adoptant des mesures législatives plutôt intéressantes et strictes à l'époque, soit en 1933, en 1934, et en 1935. Toutefois, si l'on compare avec ce que le Canada a fait au cours des 80 dernières années, ça se résume à peu — c'est le moins qu'on puisse dire.
Permettez-moi de vous expliquer brièvement ce qui, selon moi, doit absolument être mis en oeuvre si nous voulons protéger le Canadien moyen.
Tout d'abord, il faut créer un organisme indépendant, l'équivalent canadien de la SEC. Ce doit obligatoirement être plus qu'un organisme national de réglementation, afin qu'il puisse entamer des poursuites, lancer des enquêtes, et ainsi de suite. Nous n'avons rien de ce genre au Canada pour l'instant, il ne faut pas se le cacher. Je ne mâche pas mes mots.
Il y a environ deux ou trois ans, nous avons envoyé d'importants dossiers un peu partout au Canada afin de mettre en lumière les problèmes. Nous avons obtenu très peu de réactions. Même si c'était à nos frais, nous n'avons pas baissé les bras. J'écris depuis plus d'une dizaine d'années, surtout dans le magazine Canadian Business, mais j'ai également rédigé des dizaines d'autres articles. J'ai donc participé à ces affaires, et je vois les choses sous un angle bien différent des témoins de cet après-midi.
Les Normes internationales d'information financière, ou IFRS, forment un parfait exemple du problème que nous avons au Canada. Celles-ci ont été adoptées au Canada sans que les assemblées législatives ne puissent en débattre. Ces mesures ont été présentées par les vérificateurs du Canada.
Je suis abasourdi que cela soit rendu si loin. Et pourtant, malgré tous les documens rédigés à cet égard et les allocutions prononcées à ce sujet, nous y voilà. Les IFRS comportent de nombreuses lacunes qui vont rendre la réglementation des valeurs mobilières au Canada à peu près impossible, parce que la gestion a le choix. Ces règles ont été rédigées pour un autre pays que le Canada. Nous les avons adoptées même si les États-Unis ont adopté une approche bien à eux, ce qui force les entreprises américaines à avoir recours aux méthodes de comptabilité et de reddition de comptes canadiennes.
Nous avons rencontré de nombreux problèmes au fil des années. J'ai publié une longue liste des cas canadiens où des poursuites n'ont pas été intentées — souvent au civil — et où les dédommagements sont à peu près nuls. Je pense qu'il faut recueillir des données suffisantes — et elles sont disponibles — avant d'en conclure que le Canada est sûr.
Maintenant, l'absence d'un organisme indépendant pour évaluer certaines des mesures législatives adoptées — le projet de loi 198 en Ontario, par exemple, ou les IFRS — a des répercussions dévastatrices. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi.
En décembre 1996, la Cour suprême du Canada a été saisie de l'affaire Hercules Management. L'Institut canadien des comptables agréés et les grands cabinets de vérificateurs qui faisaient l'objet de poursuites dans cette affaire ont invoqué comme arguments que les états financiers annuels vérifiés ne devaient pas servir à la prise de décisions en matière d'investissements.
Alors, on se dit: « Un instant. Cela va à l'encontre des lois sur les compagnies et des lois sur les valeurs mobilières. À quoi bon publier des états financiers, alors? »
La Cour suprême a tranché en leur faveur. J'ai tout de suite pensé que toutes les provinces du pays proposeraient alors des mesures législatives pour corriger la situation; or, ce ne fut pas le cas.
Ce n'est là qu'un des nombreux problèmes. Toutefois, contrairement au reste du monde ou presque, le Canada a permis aux vérificateurs d'établir eux-mêmes les règles en matière de comptabilité et de vérification. Ils ont déclaré qu'ils n'agissaient pas au nom des actionnaires. La notion de vérificateurs des actionnaires n'existe plus.
On se retrouve donc avec un certain nombre d'affaires... et je pourrais vous en montrer des pages et des pages. Si on se contente d'examiner la dernière décennie, notons Bre-X, Nortel et bien des centaines de fiducies de revenus qui ne représentaient pas des problèmes fiscaux avant tout, mais des combines à la Ponzi. Or, il y a eu très peu de poursuites judiciaires dans ces cas. Il y a eu le papier commercial adossé à des actifs, et maintenant les IFRS.
Nous ne nous attaquons pas véritablement à ce qui fait perdre de l'argent aux Canadiens. Dans ce cas, comment peut-on envisager la déréglementation, ce qui se produit avec les IFRS? Les États-Unis ont rejeté cette option, et nous sommes pourtant leurs voisins. Si nous voulons véritablement protéger les investisseurs partout au Canada, il nous faut refondre l'ensemble du système, et ne pas nous contenter de le retoucher par l'entremise d'un petit projet de loi.
Permettez-moi d'aborder certains des aspects les plus importants.
L'arrêt Hercules a porté un coup terrible — et je pèse mes mots — aux avocats des plaignants partout au Canada, parce qu'ils ne vont plus entamer ce genre de poursuite judiciaire dans les cas où on trouve un directeur, un dirigeant, un vérificateur, un défendeur. Si vous voulez que je cite des noms, ce ne sont pas les exemples qui manquent.
Les coûts des recours collectifs constituent également un problème important. Le projet de loi 198, en Ontario, ainsi que les changements apportés à la Loi sur les valeurs mobilières les ont fait grimper à 5, 10, et même 40 millions de dollars. On a tout simplement perdu contact avec la réalité.
Toronto est aux prises avec une affaire où des montants importants sont en jeu. C'est également le cas à Montréal, avec l'affaire Castor Holdings. Cela traîne depuis 20 ans.
Nous avons perdu le respect de la communauté internationale.
Voilà ce que j'avais à dire. J'imagine que ce n'est pas ce que vous vouliez entendre, mais c'est la réalité. Il faut cesser de faire l'autruche et voir les choses en face.
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Me voici, l'autre M. Murphy.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Rosen, je pense que nous comprenons tous ce que vous nous dites. Vous illustrez que nous travaillons un peu en vase clos. Il s'agit du comité de la justice, mais nombre des points que vous avez soulevés devraient probablement être étudiés par le comité de l'industrie. Vient le moment où il faut abattre ces murs et adopter des normes internationales.
J'en sais long sur les affaires Hercules Management et Castor Holdings. En ce qui concerne l'arrête Hercules, s'il y avait eu action dérivée, je pense qu'une certaine forme de dédommagement aurait été possible. Il n'en demeure pas moins que vous avez raison, nous n'avons pas réussi à moderniser la réglementation des valeurs mobilières.
J'aimerais maintenant m'adresser aux représentants de l'Association du Barreau canadien, que je remercie d'être ici. Nous avons débattu des peines minimales obligatoires. Nous pourrions en discuter — cela fait trois ou quatre ans que le débat fait rage —, mais ce n'est pas vraiment l'essentiel du projet de loi.
Je ne peux que vous reprocher, madame Costom, d'avoir dit que les gens qui se tournent vers le système de justice pénale pour obtenir des dédommagements pour leur perte financière cherchent au mauvais endroit; je pense qu'il faut faire en sorte que ce soit le bon.
Vous avez dit que le fait de réécrire certains principes de dédommagement déjà prévus par le code pourrait donner aux gens l'impression fausse qu'on veut insister sur le dédommagement. Or, je crois que rien dans ce projet de loi ne contribue à nourrir les attentes à cet égard. La mesure législative prévoit qu'un juge est « tenu » d'envisager la possibilité de rendre une ordonnance de dédommagement . Cependant, je ne connais aucun juge qui n'envisagerait pas cette possibilité dans les cas les plus graves. Je pense donc que c'est superflu. Cela donne la mauvaise impression, et il faudra peut-être apporter des amendements en comité.
J'aimerais poser à mon cousin, et ancien associé en exercice du droit pendant 14 ans, une question difficile. Vous n'étiez pas ici pour complimenter le gouvernement au sujet de tous ces projets de loi. Je vous ai demandé de comparaître pour nous parler du dédommagement, de la confiscation des biens au civil, parce que je pense que les gens qui se tournent vers le système de justice pénale pour obtenir dédommagement sont induits en erreur par ce projet de loi. Rien dans celui-ci ne favorise le dédommagement.
J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de ce que font le Nouveau-Brunswick, la Colombie-Britannique et l'Ontario pour aider les gens à récupérer une part de leurs énormes pertes financières, que vous avez décrites d'une façon très spectaculaire. Ces mesures de dédommagement ne servent à rien — elles sont impuissantes. Selon vous, que devrions-nous incorporer dans le projet de loi pour aider les gens à récupérer une partie de leur perte? Diriez-vous que les gens ne se tournent pas vers le système de justice pénale pour obtenir des dédommagements financiers, et qu'ils ne devraient pas le considérer comme une agence de recouvrement?
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Merci, Brian, de cette question très difficile; je l'apprécie — surtout sa longueur.
Écoutez, le Code criminel du Canada n'est évidemment pas un mécanisme équivalent à une agence de recouvrement. Intégrer le dédommagement dans le projet de loi pourrait bien être redondant, puisque des dispositions à cet effet sont déjà prévues dans le Code criminel, et les juges peuvent y avoir recours. Toutefois, cela ne fait pas de tort de le proposer comme solution que le juge peut envisager. Je n'ai pas le point de vue d'un universitaire, et je ne défends pas les positions détaillées et bien documentées de l'Association du Barreau canadien. J'essaie d'adopter le point de vue des droits des victimes dans la législation fédérale et le Code criminel.
Bien que nous ne procédions pas à la refonte complète du Code criminel, toutes nos lois — le projet de loi , le Code criminel et ses nombreux amendements — représentent la codification de nos valeurs communautaires. Il faudrait peut-être procéder au coup par coup, en l'absence d'un remaniement de fond du Code criminel, et mettre l'accent sur les droits des victimes.
En l'ajoutant, on vient préciser ce dont doit tenir compte le juge au moment de déterminer la peine. Selon mon collègue du Barreau canadien, si un juge peut garantir un dédommagement, il le fera. Le fait de le préciser ici pourrait donc bien influencer la décision du juge.
Je pense que le projet de loi est un bon point de départ, mais je crois également qu'il tend la main aux provinces. La loi sur la confiscation des biens au civil que le Nouveau-Brunswick envisage d'adopter nous permettra, contrairement au projet de loi C-52, de nous attaquer aux outils de la criminalité. Parfois, il s'agit d'une demeure, parfois, d'un bien immobilier plus imposant, comme un édifice à bureaux. Cela comprend également les mécanismes employés, même les comptes bancaires. Tous les fonds disponibles pourraient être considérés comme des outils de la criminalité.
Il s'agit donc d'un partenariat, et je pense qu'il s'agit d'un bon point de départ. Ce n'est pas parfait, cependant, puisqu'on procède de façon fragmentaire.