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Nous croyons que l'approche actuelle de la justice pénale à l'égard de la consommation de drogue ne sert ni les intérêts de notre génération ni ceux de la société et qu'elle aggrave les préjudices liés à la drogue. Les étudiants canadiens pour une politique raisonnable en matière de drogue n'encouragent ni ne condamnent l'utilisation de la drogue, et nous reconnaissons les torts que la consommation de drogue cause à la société et aux particuliers lorsqu'elle devient un problème. Notre groupe a été créé parce que les jeunes n'avaient pas voix au chapitre en matière de politique sur la drogue.
Nous trouvons inquiétant qu'on invoque souvent la protection des jeunes pour justifier les mesures actuelles de la politique en matière de drogue, y compris le projet de loi C-15, alors qu'on rédige la loi sans consulter ces mêmes jeunes. Par conséquent, ces politiques ont peu d'effets sur la réalité des jeunes et, dans certains cas, ont même pour résultat d'en faire des criminels.
Tout au long de mon exposé, je vais adopter le point de vue des jeunes et de la jeunesse, que nous définissons comme étant les personnes de moins de 25 ans. Je vais soulever trois préoccupations. La première concerne les peines minimales obligatoires, les PMO. Il y a des experts qui vous en parleront aujourd'hui, alors je vais leur laisser cette question. Ils vont vous parler des effets désastreux des PMO. Par conséquent, j'aborderai simplement les préoccupations des jeunes.
Nous sommes contre le recours aux PMO pour la consommation de drogue et les problèmes qu'elle engendre. Il est essentiel que les décisions touchant l'avenir des jeunes Canadiens qui sont accusés en raison de leur consommation de drogue ou de leur toxicomanie soient laissées à la discrétion des juges et non pas à la police ou aux procureurs. Nous sommes inquiets non seulement parce que les PMO sont une punition disproportionnée des mauvaises personnes, mais également parce que le projet de loi C-15 privilégie l'incarcération comme solution, sans tenir compte d'autres moyens importants de lutter contre la consommation de drogue et la toxicomanie. On ne peut lutter efficacement contre la consommation de drogue et la toxicomanie ainsi que les crimes qui y sont associés sans examiner les problèmes sociaux plus généraux qui y sont entremêlés.
À cause du coût financier astronomique de l'application du projet de loi C-15, on manquera inévitablement de fonds pour d'autres programmes de prévention de la consommation de drogue, de traitement de la toxicomanie et d'atténuation des préjudices liés à la drogue. L'incarcération n'est pas un moyen efficace de traiter la consommation et la toxicomanie parmi les jeunes — ou de n'importe quel toxicomane, d'ailleurs. Ce n'est par la criminalisation et la marginalisation que l'on créera un Canada plus sûr et plus sain ni un avenir plus sûr et plus solide pour les jeunes.
La deuxième question dont je veux vous entretenir concerne les circonstances aggravantes énoncées dans le projet de loi. Le C-15 contient plusieurs circonstances aggravantes qui font automatiquement augmenter la peine minimale. Il est clair que bon nombre de circonstances visent à protéger les jeunes, mais à cause du libellé dangereusement vague de ce projet de loi, ces dispositions nuiront souvent aux jeunes au lieu de les aider.
Par exemple, la division 5(3)a)(ii)(C) proposée au paragraphe 1(1) prévoit une peine minimale obligatoire de deux ans si la personne
a eu recours aux services d’une personne de moins de dix-huit ans pour la perpétration de l’infraction ou l’y a mêlée.
Il est évident que cette disposition vise à protéger les jeunes, mais à cause du libellé flou, un jeune de 18 ans qui partage un joint avec un ami de 17 ans pourrait se retrouver en prison pour deux ans.
Nous sommes également très inquiets à cause de la division 5(3)a)(ii)(A), qui prévoit une peine minimale obligatoire de deux ans si la personne
a commis l’infraction à l’intérieur d’une école, sur le terrain d’une école ou près de ce terrain ou dans tout autre lieu public normalement fréquenté par des personnes de moins de dix-huit ans ou près d’un tel lieu
Cela pourrait être n'importe où: la rue, le centre commercial, le cinéma ou un parc. Si l'endroit est fréquenté par des jeunes, il y a de bonnes chances que ce soit des jeunes qui seront condamnés à purger une PMO dans des pénitenciers et les prisons déjà surpeuplées.
Le gouvernement vise à protéger les jeunes au moyen du projet de loi C-15. Nous reconnaissons que l'abus de drogue par les jeunes est un grave problème dans la société canadienne, mais rien ne prouve qu'en imposant des conséquences plus sévères on influencera les décisions des jeunes ou de n'importe qui d'autre en ce qui concerne la consommation, la production ou le trafic de la drogue. Ce projet de loi et les peines minimales obligatoires en général ne s'attaquent aucunement à la racine du problème.
La troisième question dont je vais vous parler concerne les tribunaux de traitement de la toxicomanie.
Tout en reconnaissant le rôle important que le traitement peut jouer dans la prévention de la criminalité, nous avons plusieurs craintes au sujet de l'inclusion des tribunaux de traitement de la toxicomanie dans le projet de loi. Il est important de savoir que six villes seulement ont de tels tribunaux, ce qui veut dire qu'un nombre restreint de personnes auront le choix d'y participer. Il coûterait cher de construire ces tribunaux dans les villes qui n'en ont pas déjà, et ceux-ci ne sont pas viables dans les régions rurales parce que la population est trop petite. D'abord et avant tout, ces tribunaux ne peuvent justifier ce projet de loi, car ils ne s'adressent qu'à un petit nombre de personnes, à l'exclusion de ceux qui habitent dans les petites villes et les régions rurales.
Nous sommes également inquiets des résultats qu'obtiennent ces tribunaux. Il y a seulement environ 10 p. 100 des personnes qui terminent avec succès le programme de traitement.
Lors de ses évaluations des tribunaux de traitement de la toxicomanie de Toronto et de Vancouver, le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies a constaté que le pourcentage de personnes qui terminent le programme est inacceptable, quelle que soit la norme de soins qu'on applique, y compris pour le traitement des populations à risque et à besoins élevés. La plupart des tribunaux n'ont pas de programme adapté aux besoins des différents groupes, notamment les femmes, les Autochtones, les jeunes et les personnes ayant des problèmes concomitants.
En outre, les faibles taux d'achèvement du programme font augmenter le coût du traitement individuel. Par exemple, le coût total du tribunal de traitement de la toxicomanie de Vancouver s'est élevé à plus de 4 millions de dollars pour une période de trois ans et demi. Quarante-deux personnes seulement ont terminé le programme, ce qui donne un coût d'un peu moins de 100 000 $ par finissant. Cet argent aurait pu et pourrait être mieux utilisé pour financer des traitements fondés sur le constat de la fréquence de la toxicomanie, des logements abordables, des programmes d'emploi qui donnent aux gens une chance de briser le cycle de l'incarcération, des services de garde d'enfants pour les femmes qui souhaitent participer à un programme de traitement et des programmes de prévention pour les jeunes.
Les tribunaux de traitement de la toxicomanie offrent également des services de traitement dans les collectivités, et les personnes envoyées par les tribunaux passent avant celles qui attendent depuis longtemps pour participer volontairement à un traitement. Ainsi, pour avoir accès aux services de traitement, il faut avoir été accusé d'une infraction.
Il y a également des cas de marginalisation dans les tribunaux de traitement de la toxicomanie. Comme je le disais, ils ne sont pas accessibles à tous et ne sont pas aussi efficaces pour tous. Les femmes sont moins susceptibles de s'adresser à ces tribunaux et lorsqu'elles le font, elles sont beaucoup moins nombreuses à terminer le programme que les hommes. Il y a de nombreuses raisons à cela, y compris l'absence de programme adapté à chaque sexe et le fait d'être obligée de se retrouver dans le même groupe de thérapie que des hommes, y compris d'anciens fournisseurs ou d'anciens amoureux.
Il est particulièrement important de savoir cela, étant donné que l'imposition de peines minimales obligatoires pour des infractions liées à la drogue se traduit par une forte augmentation du nombre de femmes incarcérées aux États-Unis. Ainsi, non seulement le projet de loi entraînerait l'incarcération d'un plus grand nombre de femmes et de mères, mais aussi il placerait injustement les femmes dans une situation où elles n'auraient d'autres choix que de purger une peine minimale obligatoire.
Selon l'évaluation du Tribunal de traitement de la toxicomanie de Winnipeg, la majorité des personnes qui se rendent jusqu'au bout du programme sont des hommes blancs avantagés sur le plan socio-économique.
En principe, nous reconnaissons que le traitement est préférable à l'incarcération pour les personnes qui luttent contre la drogue et la toxicomanie, mais les tribunaux de traitement de la toxicomanie au Canada laissent beaucoup à désirer. Les résultats lamentables du programme à ce jour montrent qu'ils ne sont pas aussi efficaces qu'on le prétend et qu'ils ne constituent pas une option de traitement juste pour tous.
S'il me reste du temps, j'aimerais, en terminant, vous rapportez les paroles d'une toxicomane de 22 ans qui vit dans les rues, ici, à Ottawa. Elle dit:
Lorsque j'ai commencé à utiliser des opiacés par voie intraveineuse j'étais trop jeune et trop naïve pour en comprendre les conséquences. Je ne savais pas ce qu'était la toxicomanie ou la dépendance physique. Je ne peux pas changer le passé. Tout ce que je peux faire, c'est essayer de survivre aujourd'hui.
Pour me désintoxiquer, j'ai besoin d'aide et de traitement, pas d'un tribunal de la toxicomanie ni d'une peine d'emprisonnement. Si je souffrais du trouble de stress post-traumatique, vous ne me puniriez pas par une peine minimale de deux ans, alors pourquoi m'incarcérez-vous pour une dépendance dont j'ai honte.
L'incarcération ne guérira pas. Elle renforcera ma dépendance, et je perdrai encore plus le contrôle. Les raisons pour lesquelles je prends de la drogue ne disparaîtront pas simplement parce que j'habiterai ailleurs. Si je me retrouve en prison à cause du projet de loi C-15, je perdrai ma motivation et mon espoir d'être sobre, et je n'aurai pas accès à de l'équipement stérile, je prendrai davantage de drogues différentes et je ferai l'apprentissage de la criminalité, dont je ne connais rien à l'heure actuelle. Comment pourrais-je ensuite me réintégrer dans la société? Je veux un emploi, je veux un appartement, je veux de la méthadone, je veux un avenir où je pourrai voyager.
Je ne veux pas être incarcérée. Je veux me désintoxiquer. Je mérite d'avoir ma chance, mais le projet de loi C-15 m'en privera.
Pour ce qui est de notre recommandation, étant donné qu'il est prouvé que les peines minimales obligatoires pour des infractions liées à la drogue n'empêchent ni la consommation ni la criminalité, et étant donné l'effet dévastateur que ces peines pourraient avoir sur la société canadienne, nous recommandons l'abandon du projet de loi C-15.
Merci de votre attention. Je m'excuse si j'ai parlé trop vite.
Merci beaucoup de m'avoir invité, honorables députés. Je suis ravi de me retrouver devant ce comité en même temps que ces estimés témoins.
La Société John Howard du Canada a souvent comparu devant ce comité. Comme certains d'entre vous le savent, mon prédécesseur, Graham Stewart, a comparu deux ou trois dizaines de fois pendant sa longue carrière à la société et je commence toujours par dire que je ne suis pas Graham Stewart. Je vous demande donc de rajuster à la baisse vos attentes avant que je commence.
La Société John Howard est la plus ancienne organisation de bienfaisance volontaire non gouvernementale. Elle s'est donné pour mission d'accroître la sécurité des collectivités et de réduire la récidive par la réinsertion sociale des détenus à la fin de leurs peines. Notre mission est de trouver des réponses efficaces, justes et humaines à la criminalité et à ses causes. Le projet de loi C-15 n'est ni efficace, ni juste, ni humain. J'y reviendrai dans un moment.
La Société John Howard du Canada croit que la politique de justice pénale, parce qu'elle est une valeur fondamentale de la civilisation canadienne, devrait être le souci de tous les citoyens démocratiques, pas seulement de leurs élus. Il appartient aux ONG, comme la Société John Howard du Canada, de veiller à ce tous les gouvernements respectent les valeurs d'efficacité, de justice et d'humanité conformément aux principes du droit fondamental et aux données les plus fiables sur ce qui contribue réellement à créer une société plus sûre, où la criminalité est gérée sur la foi des meilleures recherches scientifiques.
La Société John Howard du Canada n'est ni trop indulgente envers les délinquants ni partisane de la ligne dure; la Société John Howard du Canada appuie les politiques et les pratiques intelligentes pour lutter contre la criminalité.
Je pense directement à mes recommandations, car vous aurai sans doute lu au moins une partie des mémoires, et vous saurez donc que je partage l'opinion de ceux qui croient que le projet de loi C-15 laisse entièrement à désirer.
J'ai quatre recommandations.
Premièrement, étant donné que le projet de loi C-15 vise les crimes liés au commerce des drogues illicites — mais se méprend sur la nature de ce commerce —, la Société John Howard du Canada, conformément à ses valeurs et ses principes pour une politique et une pratique efficace, juste et humaine en matière de justice pénale, exhorte le gouvernement du Canada à créer une commission royale pour enquêter et formuler des recommandations sur les meilleures façons de répondre aux crimes violents liés au commerce des drogues illicites. La commission devrait appeler des témoins de calibre international et devrait, dans ses recommandations, s'appuyer sur des données examinées par les pairs, que je serai heureux de vous remettre, et l'expérience historique comparative de la prohibition des drogues, les crimes liés au commerce de la drogue assujettis à des conditions et interdictions, et les réponses législatives qui s'ensuivent. Tous les rapports et délibérations devraient être publiés intégralement.
Deuxièmement, la Société John Howard du Canada recommande au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de charger un groupe d'experts indépendants de procéder à une évaluation fondée sur des preuves de l'expérience internationale relativement à l'imposition de peines minimales obligatoires pour évaluer: a) leur efficacité à l'égard des crimes violents liés au commerce des drogues interdites; b) leur conformité aux principes de justice et de droits de la personne fondamentaux; c) leur adhésion aux principes de proportionnalité des peines; d) la possibilité d'accentuer les récidives chez les personnes encourant une peine minimale obligatoire; e) les incidences en matière de santé publique de l'aggravation des conditions des délinquants toxicomanes ainsi que sur leur famille et les collectivités dans lesquelles ils retournent. Toutes les délibérations et les analyses devraient être publiées intégralement.
Troisièmement, conformément à l'engagement du gouvernement à rendre compte des dépenses publiques, la Société John Howard du Canada demande au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de charger le directeur parlementaire du budget de procéder rapidement à une analyse coûts-avantages des répercussions financières projetées sur le système de justice provincial — y compris sur l'aide juridique — et des effets sur les systèmes correctionnels des peines minimales obligatoires prévues dans le projet de loi C-15, et de publier intégralement cette analyse.
Enfin, conformément à l'engagement du gouvernement à rendre compte des dépenses publiques, la Société John Howard du Canada demande au Comité permanent de la justice et des droits de la personne d'amender le projet de loi C-15 de manière à charger le directeur parlementaire du budget de procéder à une analyse coûts-avantages des résultats projetés de la réduction du crime lié aux peines obligatoires, d'ici 2012, comme il est prévu dans le projet de loi C-15, et de publier intégralement cette évaluation.
Merci. Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président et merci à tous les membres du comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Le Réseau juridique canadien VIH-sida est une organisation non gouvernementale nationale, une ONG, qui a le statut d'organisme consultatif spécial auprès des Nations Unies. Notre mission est de promouvoir l'adoption de lois et de politiques qui aident à prévenir le VIH et à soigner ceux qui en sont atteints et de nous opposer aux lois et aux politiques qui y font obstacle. Malheureusement, je dois vous dire que le projet de loi C-15 tombe dans la dernière catégorie et nous sommes venus ici aujourd'hui pour vous parler d'un certain nombre de problèmes concernant le projet de loi C-15 et vous dire pourquoi, à notre avis, il devrait être abandonné.
J'ai remis aux membres du comité une copie de notre mémoire et d'autres documents. J'espère que vous aurez le temps de le lire et je serais heureux de discuter avec vous de n'importe quelle question soulevée dans ce document. Vous trouverez également dans les documents que nous vous avons remis une copie d'une lettre signée par près de 150 organismes et experts canadiens qui partagent nos préoccupations à l'égard du projet de loi C-15. Parmi les signataires il y a des organismes de lutte contre le sida, des personnes qui travaillent en première ligne pour fournir des services de traitement de la dépendance et des personnes qui travaillent avec des détenus et des ex-détenus. Il y a des chercheurs universitaires de renommée, il y a le Centre for Addictions Research, de la Colombie-Britannique et le Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto. Ils partagent tous nos préoccupations à l'égard du projet de loi C-15.
À notre avis, le projet de loi C-15 est à la fois trompeur et malavisé. Il est trompeur à cause, surtout, de la façon dont on le présente à la population canadienne. Le projet de loi C-15 crée des peines d'incarcération minimales pour toute une liste d'infractions liées à la drogue et relatives à un grand nombre de substances contrôlées. Le projet de loi est présenté au public comme sévissant fermement dans le cas de crimes graves liés à la drogue, en particulier ceux commis par les producteurs et les trafiquants de drogues illicites et comme assurant l'ordre et la sécurité dans les quartiers et communautés.
L'objectif visant à renforcer la sûreté et la sécurité publiques est, bien sûr, louable en soi, et nous le partageons. Toutefois, les moyens choisis pour y parvenir, et que l'on retrouve dans le projet de loi C-15, ne le sont pas et il est trompeur de prétendre que le projet de loi C-15 a la moindre chance d'atteindre cet objectif. Permettez-moi de mentionner, entre autres, la prémisse fondamentale selon laquelle on peut clairement distinguer les trafiquants, les vendeurs que vise supposément le projet de loi C-15 et les utilisateurs, les toxicomanes, les personnes qui ont une dépendance à la drogue, et que notre stratégie nationale antidrogue est censée aider. Il n'est pas possible de faire une distinction aussi nette et, en fait, de nombreux toxicomanes font un peu de trafic pour pouvoir s'acheter de la drogue. On en a vu la preuve dans de nombreux pays, y compris ici au Canada. Ce sont ces personnes qui deviendront les cibles les plus faciles pour des poursuites en vertu du projet de loi C-15, les personnes qui, si on en juge par l'expérience aux États-Unis et même ici au Canada, sont celles qui se retrouveront en prison. Ce sont elles qui seront le plus durement touchées par les peines d'incarcération minimales obligatoires pour des infractions liées à la drogue.
Il est donc trompeur de prétendre que le projet de loi C-15 rendra nos collectivités plus sûres et qu'il vise uniquement les trafiquants de drogue. Il nuira à ceux qu'on prétend vouloir aider le plus. Cependant, le projet de loi est également malavisé pour d'autres raisons, sur le plan de la fiscalité, de la santé publique et des droits de la personne.
Premièrement, il prive le pouvoir judiciaire de toute latitude en matière de détermination et d'imposition de peines de prison pour les infractions liées à la drogue dans un très large éventail de circonstances, notamment les infractions de nature non violente, et entraîne des condamnations injustes compte tenu des circonstances entourant l'infraction. Il sanctionne un crime plutôt qu'un délinquant, ce qui est contraire aux principes fondamentaux en matière de détermination de la peine, déjà reconnus dans le droit canadien.
Deuxièmement — et ceci devrait, je crois, être l'une des principales préoccupations de ce comité — il y a une abondance de preuves antérieures pour illustrer le fait que les peines minimales obligatoires, notamment pour des infractions liées à la drogue, et particulièrement les peines de prison imposées aux individus reconnus coupables d'infractions liées à la la drogue, ne permettent pas de réduire les problèmes de consommation de drogue ou ceux qui y sont liés. En fait, Justice Canada a fait effectuer un examen des preuves il y a quelques années, en 2002, et la conclusion est la même. En fait, les pays qui ont le plus d'expérience avec les peines minimales obligatoires pour les infractions liées à la drogue, y compris l'incarcération obligatoire aux États-Unis, ont maintenant commencé à les abandonner. Dans tous les partis politiques, dans tout l'éventail des recherches, il se dégage un consensus sur le fait que les peines minimales obligatoires ne sont pas efficaces dans le cas des infractions liées à la drogue. Elles causent une injustice, et en fait elles ont pour seul résultat une spectaculaire augmentation du nombre de personnes incarcérées.
Cela m'amène au troisième point. L'incarcération coûte excessivement cher, et cela aussi devrait préoccuper tous les membres du comité et tous les députés. Elle coûtera très cher, en particulier aux gouvernements provinciaux qui vont devoir assumer l'essentiel des coûts de ces peines d'incarcération obligatoires. Bon nombre des personnes visées par ces dispositions du projet de loi C-15 se verront condamnées, si celui-ci est adopté, à des peines obligatoires de moins de deux ans, les peines de deux ans et plus étant purgées dans un pénitencier fédéral. Il serait intéressant de savoir ce que seront les coûts réels du projet de loi C-15, surtout pour les gouvernements provinciaux. J'imagine que les gouvernements provinciaux doivent avoir leur mot à dire lorsque le gouvernement fédéral adopte une loi dont ils devront assumer les coûts.
Bien sûr — et c'est le quatrième point — l'incarcération s'accompagne de coûts sociaux énormes puisqu'elle perturbe les familles et les enfants, et lorsque le champ des incarcérations est à ce point étendu qu'il englobe un très grand nombre d'individus condamnés pour des infractions non violentes ou dont la gestion serait plus efficace si elle était prise en charge par la communauté, les coûts impliqués se révèlent nettement plus élevés, surtout lorsqu'on les compare aux avantages pratiquement inexistants du projet de loi C-15.
Cinquièmement, l'accroissement des incarcérations tend à générer de mauvais résultats pour la santé, surtout si on emprisonne un plus grand nombre de personnes et en particulier des toxicomanes et elle est particulièrement mal avisée sur le plan de la santé publique. Nous savons qu'il y a de la drogue dans les prisons, malgré tous les efforts à ce jour et malgré tous les efforts qu'on fera sans doute pour essayer d'enrayer ce phénomène.
Selon ses propres recherches, le Service correctionnel du Canada estime qu'environ 80 p. 100 des détenus fédéraux ont déjà abusé de la drogue ou de l'alcool. Ses propres données confirment en outre, périodiquement que les toxicomanes continuent à utiliser de la drogue en prison, y compris par voie d'injection. Ce que les détenus n'ont pas, ce sont des seringues stériles. Cela veut dire — et nous en avons les preuves — que les détenus partagent leurs seringues dans les prisons, ce qui augmente considérablement le risque d'infection par le VIH ou l'hépatite C. Il n'est donc pas surprenant que les taux d'infection au VIH et à l'hépatite C aient atteint des niveaux extrêmement élevés chez les détenus parmi lesquels le taux de prévalence de ces maladies est de 10 à 20 fois plus élevé que dans l'ensemble de la population canadienne.
Enfin, permettez-moi de partager avec vous le point de vue de personnes qui utilisent des drogues. J'aimerais vous lire un extrait d'une lettre envoyée récemment à l'honorable Rob Nicholson, ministre de la Justice et à l'honorable Leona Aglukkaq, ministre de la Santé.
C'est une lettre de Rosemary Fayant, présidente de AAWEAR, qui veut dire Alberta Addicts Who Educate and Advocate Responsibly. Elle a décrit que AAWEAR est le groupe provincial d'utilisateurs de drogue de l'Alberta. Elle est également facilitatrice d'un groupe local d'utilisateurs à Edmonton. Ce groupe a une association soeur à Calgary qui s'appelle Grateful or Dead — je pense que c'est assez drôle — ainsi qu'une association à Red Deer qui s'appelle The Next Step. Il y a deux nouveaux groupes à Fort McMurray, Grand Prairie, Medicine Hat, et Lethbridge.
Elle dit:
Les groupes sont composés de personnes qui utilisent ou ont utilisé des drogues pendant leurs vies... Bon nombre de nos membres ont maintenant stabilisé [leur consommation de drogue], et ont un logement depuis qu'ils participent à ces groupes, certains ont cessé de consommer et ont le sentiment de faire partie de la société générale... En outre, bon nombre d'entre nous ont été incarcérés pour des infractions liées à la drogue à un moment de nos vies.
Bien que nos histoires soient toutes différentes, il y a un thème commun à tous — nous avons tous pris une décision qui a abouti à notre incarcération et nos vies en ont été changées pour toujours. Les prisons sont maintenant des endroits remplis de membres de gang, de violence, et où il n'y a pas beaucoup de programmes de réadaptation disponibles, le cas échéant.
Elle poursuit:
La guerre contre la drogue aux États-Unis a montré que ça ne fonctionne pas et, si le projet de loi C-15 entre en vigueur, les prisons provinciales et les pénitenciers fédéraux seront surpeuplés tout comme celles des États. De nombreuses personnes ayant « commis une erreur de jugement » seront maintenant emprisonnées et auront un casier judiciaire, et même si elles obtiennent la réhabilitation elles seront interdites de séjour dans de nombreux pays. La vaste majorité des personnes qui vendent de la drogue le font pour pouvoir payer la leur et, lorsqu'une personne est malade parce qu'elle n'a pas sa dose, elle fera n'importe quoi pour l'obtenir. Au lieu de traiter les personnes qui consomment de la drogue comme des criminels, il faudrait peut-être songer à les traiter comme des personnes malades. Le gouvernement devrait s'attaquer davantage aux gros trafiquants, plutôt que de gaspiller l'argent des contribuables en s'en prenant à ceux qui vendent de la drogue dans les rues.
Je parle au nom des membres de AAWEAR lorsque je dis qu'il est prouvé que bon nombre d'entre nous ont continué à consommer en prison, et qu'il n'y a pas de véritables programmes pour aider les toxicomanes dans nos prisons. Tant qu'on aura pas réglé les problèmes qui mènent à la consommation de la drogue, les gens vont continuer à en prendre. Il faudrait peut-être investir davantage pour lutter contre le sans-abrisme car, tant que ces personnes n'auront pas de toit, elles ne pourront pas régler les problèmes qu'elles ont dans la vie.
C'est pourquoi nous vous demandons avec insistance de retirer le projet de loi C-15 et de tenir compte des études qui font état d'approches validées par la science pour lutter contre la consommation de drogue et les crimes liés à la drogue au Canada, c'est-à-dire des approches qui donnent des résultats pour les personnes qui consomment de la drogue et pour l'ensemble de la collectivité.
Et je...
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Merci beaucoup, Merci, monsieur le président, et merci à tous les membres du comité, de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.
Je représente l'Association canadienne des libertés civiles. Notre association est un organisme de défense et de promotion des libertés civiles. Elle existe depuis plus de 40 ans. Nos principaux objectifs comprennent la promotion du respect des droits de la personne fondamentaux et des libertés civiles au Canada. Nos principaux objectifs comprennent également la promotion et la protection juridique de la liberté et de la dignité individuelles contre l'intrusion déraisonnable de la part des autorités publiques.
Nous avons remis à la greffière une copie de notre mémoire qui explique que certaines de nos préoccupations au sujet du projet de loi C-15 et je vais mentionner certaines d'entre elles pendant mon exposé.
En résumé, notre principale préoccupation au sujet du projet de loi C-15 est que celui-ci n'est pas suffisamment nuancé et qu'il ratisse trop large. Nous partageons bon nombre des préoccupations déjà exprimées par les autres témoins et c'est ce dont je veux vous parler maintenant.
Nous craignons essentiellement que des personnes qui ne représentent pas pour la société canadienne un grand danger seront traitées de la même façon que celles qui posent un réel danger et seront visées par une peine d'emprisonnement obligatoire. À notre avis, il faut une approche plus ciblée pour éviter que ce projet de loi ne cause d'importants dommages collatéraux à la poursuite d'objectifs par ailleurs tout à fait légitimes en matière de sécurité publique.
Notre principale préoccupation au sujet du projet de loi C-15 concerne son objectif: la création de peines minimales obligatoires pour les infractions liées à la drogue. Notre association s'est toujours opposée aux peines minimales obligatoires dans tous les domaines du droit canadien. Elles nous inquiètent particulièrement lorsqu'on veut les utiliser pour lutter contre la criminalité liée à la drogue. De telles peines peuvent être attrayantes, car elles semblent être une solution simple à un problème complexe. Cependant, les preuves montrent que les prétendus avantages des peines minimales obligatoires sont un peu un mirage. Les PMO ne sont pas efficaces pour empêcher ou réduire la criminalité. Des études ont montré qu'en général les citoyens ne savent pas quelles infractions sont passibles d'une peine minimale obligatoire et lesquelles ne le sont pas. En effet, la majorité des spécialistes en sciences sociales qui ont étudié les répercussions de ces peines ont constaté qu'elles n'avaient aucun effet dissuasif.
De telles constatations visent particulièrement les infractions liées à la drogue; selon les chercheurs, la création d'un régime de peines minimales obligatoires n'a aucun effet sur la consommation de drogue ou les infractions liées à la drogue.
En outre, en raison de la rigidité de ces peines, un contrevenant risque de se voir imposer une peine qui n'est pas adaptée à la nature de son infraction. Tout simplement, des peines prédéterminées à l'emporte-pièce ne tiennent pas suffisamment compte des circonstances particulières de certaines infractions ni de celles des personnes qui les commettent.
Inévitablement il y a aura des cas où une peine obligatoire prédéterminée est excessive par rapport aux circonstances d'une infraction donnée. Nous présentons dans notre mémoire quelques exemples de cas où les tribunaux ont jugé que les peines minimales qu'ils étaient obligés d'imposer étaient injustes ou excessives — et ça, c'est l'avis de ceux qui connaissent le mieux une affaire donnée.
Ces conséquences néfastes peuvent se produire dans n'importe quel régime de peines obligatoires, mais elles semblent se produire particulièrement lorsque ces peines servent à sanctionner une infraction liée à la drogue. Comme nous l'avons déjà dit, il s'agit d'une activité criminelle à laquelle participent toutes sortes de personnes pour toutes sortes de raisons. Bien sûr, il y a des délinquants violents qui profitent des consommateurs de drogue et des toxicomanes. Cela ne fait aucun doute. Cependant, il y en a d'autres, qui sont peut-être toxicomanes ou qui consomment sans avoir développé de dépendance. D'autres produiront ou vendront peut-être une petite quantité de drogue une seule fois pour régler une crise financière personnelle, par exemple.
En effet, le danger que ces différents délinquants font courir à la société peut varier énormément, et les tribunaux devraient conserver suffisamment de discrétion pour imposer des peines qui sont pertinentes et proportionnelles à l'infraction commise.
Et il n'est pas difficile d'imaginer que des peines excessives seront imposées si le projet de loi est adopté.
Les dispositions concernant la production de marijuana, par exemple, exigent que la même peine minimale de six mois d'incarcération soit imposée aux délinquants qui font pousser un seul plant pour le distribuer sans profit à leurs amis et aux délinquants qui cultivent 200 plants dans l'intention de les vendre à des étrangers pour se faire de l'argent. On peut facilement imaginer que les tribunaux voudront pouvoir établir une différence entre ces deux délinquants, mais le projet de loi ne le permettra pas. BIen sûr, à cause de cette rigidité, des personnes pour qui l'incarcération n'est pas indiquée risquent de se retrouver en prison.
Il n'y a tout simplement aucune raison pour risquer ce genre d'injustice dans la loi canadienne alors qu'il y a d'autres options que les peines minimales obligatoires qui produisent moins d'effets néfastes. En effet, le Parlement pourrait à la place créer des peines minimales présomptives qui s'appliqueraient, à moins que le tribunal compétent juge qu'en raison de circonstances exceptionnelles, l'infraction ou le délinquant mérite autre chose qu'une peine présomptive. Bien sûr, la principale différence entre ces deux options, c'est que l'une enlève toute discrétion aux tribunaux et que l'autre la leur laisse.
En conséquence de ce qui précède, notre première recommandation concernant le projet de loi C-15 préconise la suppression de toutes les dispositions imposant des peines minimales obligatoires. Une telle mesure est susceptible de réduire sensiblement le risque d'injustice créé par le projet de loi et ne nuit en aucune façon à ses objectifs légitimes de promotion et de protection de la sécurité et de la santé publiques.
Le deuxième sujet de préoccupation exposé dans notre mémoire concerne le facteur aggravant prévu dans la disposition sur le trafic de drogue, qui entraîne l'imposition d'une peine minimale obligatoire de deux ans d'emprisonnement pour quiconque se livre au trafic de certaines substances — et je cite le libellé de la loi — « à l'intérieur d'une école, sur le terrain d'une école ou près de ce terrain ou dans tout autre lieu normalement fréquenté par des personnes de moins de dix-huit ans ou près d'un tel lieu ».
Nous ne contestons pas le fait que le trafic de drogue visant des mineurs puisse être un facteur aggravant dans la détermination de la peine, mais nous jugeons très préoccupante la formule imprécise et de portée très vaste utilisée dans le projet de loi pour évoquer une telle situation.
En effet, rien n'indique ce qu'il faut entendre par « près » d'une école. Est-ce qu'on parle de trois kilomètres ou de 300 mètres? Impossible à dire. De la même façon, la formule « dans tout autre lieu normalement fréquenté par des personnes de moins de dix-huit ans » peut désigner à peu près n'importe quel endroit en zones urbaines, notamment les centres commerciaux, les parcs, les salles de concert, les rues du centre-ville, etc. N'importe quel endroit — à part les endroits interdits aux mineurs — pourrait relever de l'application de la loi et donc, justifier l'imposition d'une peine minimale de deux ans.
Ce manque de précision est évidemment particulièrement inquiétant dans le contexte des peines minimales obligatoires. L'imposition d'une peine de deux ans en fonction de la formulation imprécise et extrêmement large de cette disposition entraînera immanquablement des emprisonnements abusifs. À notre avis, la portée excessive de ce facteur aggravant suffit à elle seule à en condamner l'emploi.
En conséquence, dans la mesure où le Parlement soit prêt à faire de la proximité de mineurs un fait aggravant dans la détermination de la peine pour une infraction de trafic de drogue, nous lui recommandons de ne viser que les situations où des mineurs étaient présents au moment où l'acte reproché a eu lieu.
Notre troisième et dernière recommandation concernant le projet de loi concerne ces dispositions sur les tribunaux de traitement de la toxicomanie. Les programmes de ce genre, auxquels nous sommes favorables de façon générale, se sont révélés efficaces pour réduire les taux de récidive criminelle, et ce résultat sert manifestement les intérêts de la société aussi bien que ceux des contrevenants. En permettant à certains contrevenants d'éviter une peine obligatoire s'ils participent à un tel programme, ces dispositions du projet de loi C-15 vont atténuer certains — seulement certains — des effets négatifs des dispositions sur les peines obligatoires. Cependant, à notre avis, le projet de loi restreint de façon excessive les possibilités de participation à ces programmes.
Tout en reconnaissant que certains facteurs aggravants peuvent légitimement justifier le refus d'accès à de tels programmes, nous considérons que l'évaluation de ces facteurs et la détermination de la peine appropriée pour une infraction particulière doivent être confiées exclusivement aux tribunaux, qui ont une connaissance directe des faits et gestes de chaque contrevenant. Le projet de loi ne peut pas tenir suffisamment compte des particularités de chaque dossier pour permettre ce genre d'analyse très complexe.
L'interdiction automatique de la participation de certains contrevenants au programme des tribunaux de traitement de la toxicomanie va priver de traitement certaines personnes qui en auraient besoin. Le cercle vicieux ne pourra être rompu et le risque de récidive criminelle ne sera pas réduit aussi efficacement.
J'aimerais également indiquer, comme l'a fait Mme Tara Lyons, que les tribunaux de traitement de la toxicomanie n'existent que dans certaines villes canadiennes. Ils ne sont pas disponibles pour toutes les personnes susceptibles d'être accusées d'un acte criminel lié à la drogue. Les contrevenants vont donc être traités différemment selon l'endroit où ils se trouvent.
En conséquence, nous demandons que le projet de loi C-15 permette plus généralement l'accès aux tribunaux de traitement de la toxicomanie et qu'il ne limite pas cet accès en fonction de certains facteurs aggravants spécifiques.
Voilà ce que nous voulions vous dire. Merci beaucoup.
Je vous remercie de m'accueillir ici.
Tout d'abord, je dois vous dire que j'approuve résolument cette mesure législative et j'espère pouvoir vous donner de bonnes raisons qui vous convaincront d'en faire autant. Évidemment, je ne pense pas un instant — et je suis sûr qu'il en est de même pour vous — que ce projet de loi soit la solution unique et définitive; il est bien certain que les pratiques de détermination de la peine ne nous permettront pas d'agir aussi efficacement contre le problème de la drogue qu'on peut le faire par l'éducation et les programmes de traitement qui, comme vous le savez tous, font déjà partie de notre stratégie canadienne antidrogue. Il n'est pas douteux qu'on intervient déjà dans toutes sortes d'autres domaines.
Malgré tout ce qui se fait déjà, nous savons tous, depuis longtemps, que nous avons toujours un problème. Aucune des modalités de la lutte antidrogue n'est aussi efficace qu'on le souhaiterait. Et c'est en Colombie-Britannique que ce constat est le plus évident. Pour ce qui est de la production et du commerce des drogues, nous avons un sérieux problème de gangs et de crime organisé en Colombie-Britannique. Pourquoi en est-il ainsi? C'est sans doute directement à cause de la production de drogue. Cela n'est pas douteux.
Nous savons également que ce projet de loi, comme d'autres l'ont dit ici même aujourd'hui, suscite un certain nombre de préoccupations. On craint que le pouvoir discrétionnaire du juge ne s'en trouve trop restreint, que les condamnations tombent à l'aveuglette et en grand nombre, et on dénonce l'inefficacité des peines obligatoires. Je vous invite à considérer ces critiques dans le contexte de ce que nous savons de l'état actuel de la détermination de la peine et des pratiques correctionnelles.
Premièrement, pour ce qui est de la détermination de la peine à la discrétion du juge, je vous invite à considérer attentivement ce que font les juges actuellement et ce qu'ils font depuis une dizaine d'années. En deux mots, ce qu'ils font en matière de détermination de la peine est un véritable désastre. Il faut absolument limiter leur pouvoir discrétionnaire, et je vais vous dire pourquoi j'en suis convaincu.
Les juges sont notamment censés tenir compte des antécédents. S'ils n'en tiennent pas compte, du moins prennent-ils en considération la jurisprudence concernant des infractions semblables. Mais c'est absolument faux. Rien n'est plus éloigné de la vérité. J'ai étudié ce sujet en particulier. Je sais que d'autres prétendent l'avoir étudié également, mais j'affirme qu'ils ne l'ont pas fait comme il faut. Si l'on regarde en détail ce qui se passe aujourd'hui et depuis 20 ans, on constate — et j'ai ici quelques tableaux, si quelqu'un veut y jeter un coup d'oeil — qu'un individu jugé pour une septième infraction n'est pas condamné à une peine d'emprisonnement plus longue qu'à sa première infraction... Par exemple, un individu comparaît devant le juge pour une septième agression se verra imposer la même durée d'emprisonnement que la première fois, même s'il a déjà fait l'objet de plus de 30 condamnations. Et je constate toujours les mêmes aberrations, qu'il s'agisse d'introduction par effraction, d'agression, de vol ou de trafic de drogue. C'est toujours pareil. Il n'est pas vrai de dire que les juges tiennent compte des antécédents, et je défie quiconque de prouver le contraire.
Le deuxième point concerne ce que j'ai appris grâce à mes recherches en matière de détermination de la peine, et j'ai étudié ce sujet au microscope. J'ai étudié des cohortes entières d'individus appréhendés pour une raison ou une autre, qui comparaissent devant un tribunal, et ce que je sais de façon certaine — je ne suis du reste pas le seul à l'avoir remarqué —, c'est que la plupart des individus, en particulier les récidivistes endurcis, ne parviennent même pas à purger la peine qu'on leur a imposée avant de se faire condamner pour une autre infraction. Nous avons un véritable problème à cet égard. On ne parvient même pas à imposer des peines efficaces en première instance.
Le troisième point sur lequel j'aimerais attirer votre attention — et dont vous êtes peut-être déjà informés — concerne les données toutes récentes de Statistique Canada au sujet de la détermination de la peine au cours de la dernière décennie. Ce rapport, publié en octobre, montre — on a peine à y croire — que 27 p. 100 des individus condamnés à une peine de prison le sont pour huit jours ou moins.
Le rapport signale également les peines de moins d'un an. C'est le cas le plus nombreux. On ne peut pas parler ici d'une véritable peine. En fait, le rapport attire l'attention sur le fait que la proportion des peines de moins de huit jours a littéralement doublé au cours de la dernière décennie. Les données de Statistique Canada vont directement à l'encontre de ceux qui prétendent que les juges ne sont pas moins sévères qu'avant.
Ce que je voudrais surtout, c'est que vous vous demandiez pourquoi on agit ainsi. Qu'est-ce que l'on veut obtenir? On veut faire preuve de sévérité. Je ne conteste pas qu'il faille faire preuve de sévérité, mais il faut aussi faire preuve d'efficacité. La détermination de la peine est censée englober la réadaptation, la sécurité publique, la dissuasion générale, la dissuasion spécifique — évidemment, il ne s'agit pas uniquement de dissuasion — et la réprobation. Elle englobe ces cinq éléments. Je demande à toutes les personnes ici présentes s'il s'en trouve une parmi elles qui soit convaincue que l'on puisse atteindre l'un de ces objectifs, et à plus forte raison l'ensemble de ces objectifs, avec une peine de huit jours. Qu'est-ce qu'on fait exactement?
Je trouve cette forme de peine absolument stupide. C'est particulièrement tragique, parce que nous savons également que notre système fédéral nous donne une possibilité d'intervention. Je sais que certains critiquent le régime carcéral. Pourtant, les statistiques et les données sur les services correctionnels et le régime national de libération conditionnelle ne font pas apparaître l'échec de ces régimes. Tout cela n'est pas vrai. La plupart de ceux qui sont incarcérés dans une institution fédérale canadienne n'y remettent jamais les pieds par la suite. Évidemment, il ne faut pas s'en étonner, parce que ce qu'on y propose aux détenus et qu'on ne leur propose pas ailleurs, ce sont des programmes de traitement et de réadaptation.
Rappelons-nous également qu'il ne s'agit pas uniquement de traitement. Les individus qui se trouvent dans ces situations y arrivent avec de multiples problèmes. Ils ont besoin d'intervention multiforme et on doit s'occuper d'eux après leur libération. Ce qu'on obtient grâce à des peines d'emprisonnement de deux ans ou plus et qu'on ne peut pas obtenir autrement, c'est une police d'assurance qui nous permet d'espérer d'atteindre les objectifs de la détermination de la peine et si ces objectifs ne sont pas atteints, on a alors l'occasion d'imposer une détention pour toute la durée de la peine.
Certains disent qu'il faudrait mettre les peines minimales obligatoires à la poubelle. Ce serait une grave erreur. Celui qui est condamné au Canada à une peine de deux ans ou plus peut être remis en liberté dès qu'il a purgé le sixième de cette peine, comme vous le savez tous. Le détenu qui purge plus du sixième de sa peine est soumis à toutes sortes d'évaluations qui indiquent aux agents correctionnels et aux agents de libération conditionnelle s'il pose un problème de sécurité publique, de réadaptation ou d'autres choses.
Personnellement, je me demande pourquoi on ne profite pas de l'incarcération pour procéder à toutes ces évaluations, dont pourraient profiter les détenus qui méritent d'être libérés plus tôt? D'après ce que je comprends du projet de loi, chacun pourra bénéficier de cette possibilité. Pourquoi faudrait-il dire qu'elle ne nous intéresse pas? Pourquoi faut-il confier le sort du délinquant à un juge, qui du reste, n'a peut-être jamais suivi le moindre cours de psychologie et n'est peut-être pas en mesure d'évaluer le cas du contrevenant quant à ses perspectives de réadaptation, du risque qu'il présente pour la sécurité publique, etc.?
Je pense qu'il faut mettre tous ces éléments en perspective. Que fait-on actuellement? J'estime que, si nous n'agissons pas ainsi, ce que nous faisons est tout à fait nul. Nous avons la preuve qu'on peut agir efficacement, et ce projet de loi nous mène dans la bonne direction.
Ce que j'aimerais également vous rappeler, c'est qu'il y a un manque de respect flagrant envers la justice pénale, particulièrement en Colombie-Britannique. Divers sondages indiquent que plus de 90 p. 100 des Britanno-Colombiens considèrent que nos tribunaux font du mauvais travail, que la classe politique n'en fait pas assez et que les autres intervenants du domaine de la justice pénale n'en font pas assez non plus. Voilà ce que les gens en pensent. Ils sont furieux et en particulier, les victimes sont furieuses parce qu'on n'en fait pas assez. On n'agit pas assez efficacement. Encore une fois, la sévérité ne suffit pas.
Finalement, j'aimerais vous mettre en garde contre les résultats de recherche en provenance des États-Unis. J'estime que cette recherche présente de graves défauts de méthodologie. Au Canada, la situation est bien différente.
Il n'est pas question d'enfermer les gens à perpétuité plus un jour, pour 25 ans ou pour une durée de ce genre. Évidemment, ce serait stupide. Mais en ce qui concerne les peines relativement courtes proposées ici, la seule différence que je propose consisterait à en augmenter la durée, car même lorsqu'on impose une peine de six ans, le condamné peut être remis en liberté au bout d'un an. Ensuite, la société a l'assurance d'une réadaptation efficace, de la protection de la sécurité publique, de l'effet de dissuasion, etc.
Encore une fois, le projet de loi me fait bonne impression parce que je connais les données du système qui sera chargé d'en assurer l'application.
Merci.
Très brièvement, comme l'ont dit les deux intervenants précédents, les données sur les tribunaux de traitement de la toxicomanie sont équivoques. Un certain nombre d'intervenants du système judiciaire américain, où le réseau des tribunaux de traitement de la toxicomanie est beaucoup plus important, soulèvent de sérieuses questions quant à la structure de ces tribunaux, à la façon dont ils fonctionnent et à l'authenticité des bienfaits qu'ils revendiquent.
Je vais faire parvenir au comité un document que nous avons rédigé récemment, dans lequel nous examinons les données actuelles concernant les tribunaux de traitement de la toxicomanie, dont il fait apparaître les résultats incertains.
J'aimerais ajouter que, même si l'on considère le tribunal de traitement de la toxicomanie comme une solution efficace, et sans se demander s'il est légitime de se servir de la justice pénale aux frais du contribuable pour imposer des traitements alors que l'on sait déjà que les toxicomanes n'ont pas suffisamment accès à des traitements volontaires, la portée du projet de loi C-15 est tellement vaste que de nombreux toxicomanes se verront interdire la participation au programme des TTT. Nous vous avons donné quelques exemples dans notre mémoire, et je n'y reviendrai pas, mais je considère, dans une certaine mesure, que les propositions du projet de loi C-15 en matière de traitement de la toxicomanie ne sont que de la poudre aux yeux et ne servent qu'à rendre le reste du projet de loi plus acceptable, alors qu'il ne l'est pas.
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Merci, monsieur le président.
Je commencerai par vous poser quelques questions, monsieur Elliott. J'ai lu votre excellent mémoire alors que j'étais à bord du train. Je ne crois pas que le Bloc québécois sera en mesure d'appuyer ce projet de loi.
Par exemple, prenons deux étudiants qui sont assis devant ou dans l'École de psychologie de l'Université d'Ottawa. Supposons que l'un d'eux passe un joint à l'autre étudiant, que tous deux sont des fumeurs occasionnels de marijuana, qu'ils en consomment trois fois par année et que des mineurs se trouvent peut-être à proximité d'eux. Je donne l'exemple d'étudiants en psychologie, mais ça pourrait être des étudiants en sciences politiques, en histoire ou même en administration — il faut avoir l'esprit ouvert et ne pas faire de discrimination.
Est-ce que je me trompe en disant que si ce projet de loi est adopté et que ces deux étudiants sont traduits en justice, ils pourraient écoper d'une peine d'emprisonnement de deux ans? Cet exemple rend-il plausible ce scénario? C'est ma première question.
Dans votre mémoire, vous semblez dire que, malgré l'intention du projet de loi de rendre accessibles les services des tribunaux de traitement de la toxicomanie aux gens qui veulent s'en prévaloir, il y a tellement d'obstacles et de facteurs aggravants qui s'y opposent que, finalement, dans les faits, on ne va pas permettre une réelle comparution devant ces tribunaux de traitement de la toxicomanie. J'aimerais que vous nous disiez pourquoi.
Je commence par ces deux questions. J'aurai d'autres questions à poser par la suite, si le temps me le permet.
Je tiens d'abord à remercier les témoins d'être ici aujourd'hui: vos témoignages sont très intéressants. Les comités reçoivent rarement des témoins qui disent sans détour qu'il faut rejeter un projet de loi, qu'il faut s'en débarrasser, qu'il n'a rien de bon. Je pense que c'est un message qu'il faut écouter soigneusement.
Nous avons reçu le ministre, ici, mercredi dernier. Je voulais qu'il nous dise quelle preuve il avait de l'efficacité des peines minimales obligatoires. Malheureusement, il n'en avait aucune. Je me demandais aussi combien cela pourrait coûter. Je crois que c'est très important. Si on pense à une commission royale ou à une commission indépendante, c'est le genre de choses auxquelles il faut penser au préalable, et non après.
Il y a deux choses qui m'intéressent. Premièrement, à qui est destiné ce projet de loi? Certains prétendent qu'il ciblera les gros trafiquants, les chefs de réseaux et qu'on pourra débarrasser nos rues de tous ces gens violents. Le fait qu'on prévoit aussi des tribunaux pour toxicomanes me laisse croire que ce sont ceux des bas échelons des réseaux, les cibles faciles, qui sont visés. D'après vous, qui sera le plus touché par ce projet de loi?
Deuxièmement, au sujet des effets des peines minimales obligatoires, tant sur les justiciables que sur l'appareil judiciaire, l'ancien juge Paradis, un juge de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique, a dit que les peines minimales obligatoires causeraient une augmentation du nombre de procès et une congestion du système judiciaire. Essentiellement, les prévenus ne plaideront pas coupables. Ils feront tout ce qu'ils peuvent pour éviter la peine minimale obligatoire.
Ma question s'adresse à Mme Lyons, à M. Jones, à M. Elliot et M. Norton: on ne nous a pas présenté de faits, mais avez-vous des renseignements sur l'effet que cela pourrait avoir sur l'ensemble du système judiciaire? Avez-vous une idée des coûts que cela pourrait représenter? Quelqu'un l'a-t-il calculé? Vous avez en main un gros classeur peut-être que l'information s'y trouve?
Je crois que le comité doit savoir cela, avant d'adopter aveuglément une approche très radicale, sans preuve de son efficacité. Quelle que soit notre position en matière de politique sur les drogues, est-ce que les peines minimales obligatoires sont efficaces? La réponse à cette question est déterminante.
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J'aimerais ajouter quelques détails sur le contexte américain et sur celui de Vancouver.
D'après certaines études, aux États-Unis, un peu plus de 5 p. 100 des détenus fédéraux condamnés pour des infractions liées au crack ou à la cocaïne et 11 p. 100 des accusés fédéraux sont de gros trafiquants. Pour le reste, il s'agit surtout de petits trafiquants qui pourrissent dans les prisons américaines. Pour répondre à votre question sur l'incidence comparative selon les populations, nous avons constaté que l'adoption de peines planchers aux États-Unis avait fait augmenter de 888 p. 100 le taux d'incarcération des femmes de couleur, particulièrement les Noires. Avec les peines minimales obligatoires, ceux qui ont écopé, ce sont les pauvres, les Noirs.
À Vancouver, nous avons les résultats d'une étude sur les utilisateurs de drogue injectable, soit les plus vulnérables, qui vivent dans la rue et qui consomment des drogues illicites. Du nombre, 20 p. 100 ont rapporté avoir vendu de la drogue, habituellement, à petite échelle. En fait, ce sont ceux qui sont associés aux plus hauts niveaux de toxicomanie, comme la consommation très intensive de drogue, qui sont le plus associés au trafic.
En ce qui concerne les trafiquants, 82 p. 100 font de la vente directe, dans la rue; 35 p. 100 en transportent ou servent d'intermédiaires et 19 p. 100 sont des rabatteurs. Leur principal mobile, c'est de satisfaire leur propre consommation ou de payer leurs dettes de drogue.
Ils sont les cibles les plus faciles pour l'application de peines minimales obligatoires. Ce sont eux, les plus vulnérables. Nous pouvons tirer profit de toute l'expérience des États-Unis à ce chapitre. D'après les données canadiennes, le même genre de phénomène se produirait ici.
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Bonjour, messieurs, et merci d'être venus.
Tout ce que vous dites est très intéressant, mais vous m'étonnez un peu. Je vais vous expliquer quelque chose. Je ne sais pas si vous avez des enfants. Pour ma part, j'en ai quatre. Heureusement, ils sont adultes maintenant, mais ils ont été adolescents. Je viens du Québec, de la ville de Québec. Comme vous le voyez, je parle français. Quand il y a des petits vendeurs, comme vous dites, qui vendent de la marijuana ou de la mescaline près des écoles et que des adolescents de 11 ou 12 ans en achètent, imaginez que ce sont vos enfants et qu'ils peuvent en devenir dépendants. Ce sont les parents qui en paieront le prix.
Aujourd'hui, vous nous dites de ne pas être trop sévères, que le juge va s'en occuper, qu'on ne doit pas avoir de craintes et qu'il n'y a pas de problème. Vous nous envoyez un message de tolérance; je n'ai rien contre ça, mais pas dans le cas de la vente de drogue à des adolescents. J'aimerais savoir si vous accepteriez qu'on vende de la drogue, par exemple de la mescaline, à vos enfants adolescents, si vous en avez, et si vous croyez qu'on devrait appliquer votre théorie, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de peine minimale car ce n'est pas grave. Un petit vendeur commence avec des jeunes et devient un caïd, à la fin. C'est ce qu'il faut comprendre. Il faut donc les arrêter au tout début. Vous nous dites que nous devrions laisser agir le juge, qu'il n'y a pas de quoi s'alarmer. Vous semblez avoir un certain âge, monsieur Jones. Je ne sais pas si vous avez des enfants. Vous, monsieur Elliott, je ne sais pas si vous avez des enfants, mais j'aimerais vous entendre à ce sujet. Que dira-t-on aux parents dont les enfants auront une dépendance à la drogue? Comment doit-on réagir? Appliquez-vous ce que vous venez de dire à tout le monde ou faites-vous des nuances quant aux peines minimales obligatoires?
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Merci, monsieur le président.
Ayant pratiqué pendant 30 ans le droit criminel du côté de la défense, j'ai énormément de difficulté à accepter qu'on dise à une cour de justice d'imposer des sentences minimales d'emprisonnement. Ça m'apparaît contraire à tout ce qu'on a adopté au Canada, notamment dans le cadre de la Charte canadienne des droits et libertés. Je pense à deux principes très importants, soit l'indépendance du judiciaire et du politique, et surtout — et c'est là l'un des grands principes — l'individualisation des sentences.
Je vais soulever deux points. D'abord, j'espère que vous allez parler à vos jeunes étudiants. En effet, si vous ne le saviez pas déjà, je vous annonce que dans le projet de loi, l'article 3 prévoit une modification aux alinéas 7(2)a) et b) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, soit celle qui nous concerne. On prévoit une peine minimale de six mois d'emprisonnement pour un jeune de 18 ans ou plus qui a trois plants de cannabis chez lui, du fait qu'il s'agit de 201 plants et moins. J'ai posé la question au ministre la semaine dernière, et c'est exactement ce qu'il m'a répondu. Quelqu'un ici pourrait peut-être m'expliquer la différence entre un jeune de 17 ans et un jeune de 18 ans. Je ne l'ai pas encore comprise. À un jeune de 17 ans, on dit de ne plus recommencer alors qu'à celui de 18 ans, on impose une peine minimale de six mois d'emprisonnement, dès le départ, même s'il n'a aucun antécédent. S'il a déjà été condamné, par contre, cette sentence va être d'un an.
J'ai un problème à vous soumettre, monsieur Plecas. Devrait-on abolir l'article 718 du Code criminel, tant qu'à faire? Selon les gens d'en face, c'est ce qu'on devrait faire. Qu'en pensez-vous? L'article 718 traite de l'imposition des sentences, de ce qui doit guider le tribunal. Vous nous citez des statistiques que je n'ai jamais vues. Que dit-on de l'arrêt de 2008 de la Cour suprême, soit R. c. L.M., selon lequel les sentences devraient être individualisées? À votre avis, doit-on accorder la priorité à l'individualisation des sentences ou à des sentences minimum d'emprisonnement, quitte à bafouer ce que la Cour suprême a énoncé, et mettre de côté un des grands principes, c'est à dire l'individualisation des sentences?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
D'abord, j'aimerais remercier tous nos témoins d'être venus ici aujourd'hui. Je suis toutefois légèrement troublé par ce que j'ai entendu au cours des 90 dernières minutes. Je suis troublé de constater que le Bloc québécois semble retirer son appui au projet de loi C-15 et je suis préoccupé par les propos de Mme Davies, qui croit qu'envoyer les revendeurs de drogue en prison pendant des périodes de temps précises constitue une « approche radicale ».
Je vais vous raconter une anecdote qui s'est réellement produite ce week-end. J'habite Edmonton et je représente le nord-ouest de la ville. Tout le monde est d'accord, la ville est aux prises avec le crime organisé et un problème de drogue qui alimente le crime organisé. Heureusement, nos problèmes ne sont pas aussi graves que ceux de Vancouver, mais ils existent tout de même. Ce week-end, et nombre d'entre vous en avez peut-être entendu parler dans les médias nationaux, une jeune fille de 14 ans est allée avec une copine au West Edmonton Mall, un endroit public fréquenté par les jeunes, bien qu'ils ne soient pas les seuls. Beaucoup de jeunes fréquentent l'endroit de façon régulière. Cette jeune fille de 14 ans a acheté une dose d'ecstasy. Je suis certain que vous en avez entendu parler.
Bien qu'on commence tout juste à comprendre ce qui s'est passé, on pense que l'individu qui lui a vendu la drogue l'a trompée au sujet de la dose. Les deux jeunes filles ont consommé l'ecstasy et l'une d'entre elles est tombée très malade. Heureusement, elle a survécu. La jeune fille de 14 ans n'a pas eu cette chance et elle est morte d'une overdose accidentelle hier.
Si j'étais tenté de retirer mon soutien au projet de loi C-15, et je veux dire clairement que ce n'est pas mon cas, je pense que j'aurais du mal à expliquer mon point de vue aux parents de cette jeune fille de 14 ans, qui sont aujourd'hui en train de planifier ses funérailles à Edmonton, en Alberta.
J'imagine que je vais accepter les arguments présentés par la John Howard Society et l'Association canadienne des libertés civiles, qui affirment que ce projet de loi vise les soi-disant distributeurs et revendeurs de bas niveau. Vous avez peut-être raison, il ne sera peut-être pas aussi efficace en ce qui concerne les gros bonnets. Vous avez peut-être raison. Mais même si c'était vrai, comment pouvez-vous me dire et dire aux parents endeuillés de cette jeune fille de 14 ans que les revendeurs de bas niveau ne constituent pas un problème et que l'élimination des activités criminelles, ce qui alimente les gros bonnets auxquels vous avez fait allusion, en sévissant contre ces fournisseurs de bas niveau n'est pas la solution aux problèmes endémiques de villes telles que Edmonton et Vancouver?
Je vais commencer par M. Jones.
J'aimerais aborder le rôle des différents intervenants. Je ne veux pas répéter l'introduction de Law and Order, mais il y a la police, les procureurs, les juges et les avocats de la défense. Ils ont tous un rôle à jouer, j'espère que nous sommes tous d'accord.
Mais vous savez quoi? Il y a environ trois ans, j'ai été témoin d'une attaque plus ou moins intentionnelle, je n'irai pas jusqu'à dire qu'elle était intentionnelle, à l'encontre de la discrétion judiciaire. Je veux aussi aborder l'aspect des libertés civiles.
Hier, j'ai regardé Borovoy en entrevue à la CBC, le radiodiffuseur public à qui vous avez imposé des compressions budgétaires. C'était une excellente entrevue. Il était neutre sur tous les plans. Il ne s'est pas lancé dans des dithyrambes de droite ou de gauche.
Monsieur Norton, vous n'avez pas encore eu à répondre à des questions difficiles. Je suis désolé de faire cela au mari d'une femme enceinte, mais je dois poser ma question.
Depuis quand l'Association canadienne des libertés civiles est-elle d'avis que la discrétion judiciaire est une bonne chose? Par le passé, elle a mené à des choses comme l'Inquisition espagnole. Pourquoi l'association n'appuierait-elle pas les lois proposées, qui s'appliqueraient à tous de la même façon, comme les peines minimales obligatoires?
Il s'agit en quelque sorte d'une question philosophique, mais...
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Je pourrais vous répondre en vous disant que nous ne nous opposons pas à ce que le Parlement fournisse des lignes directrices aux tribunaux quant aux peines qui lui semblent les plus appropriées. Mais l'idée selon laquelle une peine prédéterminée peut parfaitement s'appliquer à tous les crimes nous semblent contraire à la logique qui sous-tend la discrétion judiciaire, qui dicte que chaque affaire est particulière. Il existe peut-être une peine type qui s'applique à la plupart des cas, mais il y aura toujours des exceptions à la norme. Nous avons inclus de tels exemples dans notre mémoire.
Dans le cadre d'une affaire, la Cour d'appel de l'Ontario a déterminé, de façon quelque peu réticente, l'aspect constitutionnel des peines minimales obligatoires. Par contre, lors du prononcé de la peine, la magistrature a déclaré que, bien que la peine lui semblait « excessive », je pense que ce sont les mots qu'elle a employés, elle était tenue de l'appliquer.
Il y a d'autres cas de ce genre, par exemple, la célèbre affaire Robert Latimer. Les tribunaux, jusqu'aux instances supérieures, estimaient que, pour cette affaire particulière, la peine prévue par la loi était beaucoup trop sévère.
Notre mémoire fait aussi état d'un policier qui a tiré sur quelqu'un au cours d'une enquête criminelle. Il a été condamné à six mois de prison. Les lois ont changé depuis. En vertu de la loi actuelle, il devrait être condamné à quatre ans de prison.
Il y a des exceptions. La réalité est extrêmement complexe. À notre avis, une approche fondée sur le cas par cas permet de mieux traiter les complexités de la vie que le système actuel, tel que vous l'avez décrit, qui prévoit des peines obligatoires.
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Désolé, c'est M. Elliott qui a parlé de leur proposition. Il suggère que nous étudiions les questions de l'itinérance, de la prévention et d'autres choses de ce genre.
Nous étudions un projet de loi précis, mais je veux vous assurer, de même qu'eux, que notre gouvernement a pris de nombreuses initiatives concernant l'itinérance, le logement pour personnes à faible revenu et la prévention. Hier encore, un de nos ministres a fait une autre annonce concernant la prévention qui vise les jeunes à risque. Nous croyons à ces mesures destinées aux jeunes à risque, à la prévention et à l'aide aux gens dans le besoin.
Mais ce projet de loi porte sur la loi réglementant certaines drogues et autres substances et sur les articles du Code criminel visant les pénalités qui, pour la plupart des Canadiens devraient être imposées, dans une certaine mesure, à ceux qui effectuent le trafic de ces substances sans contredit très nocives ou qui les produisent.
Plus précisément AAWEAR a proposé de cibler les délinquants de haut niveau. C'est exactement ce que fait le projet de loi: des peines obligatoires de un an pour les trafiquants de drogues; des peines d'emprisonnement obligatoire de deux ans pour les trafiquants de drogues comme la cocaïne, l'héroïne ou la méthamphétamine qui visent les jeunes; des peines plus sévères pour ceux qui exploitent les grandes cultures de marijuana. Nous n'avons pas abordé cette question du tout aujourd'hui, mais en ce qui concerne le GHB, communément appelé la drogue du viol...
Si nous acceptons l'idée que le gouvernement fédéral, le Code criminel et la loi réglementant certaines drogues et autres substances ont un rôle à jouer dans la lutte contre le trafic de drogues illégales, et la plupart d'entre nous sont d'accord, eh bien, monsieur Jones, vos propos sont surprenants. Si j'ai bien compris, vous avez dit essentiellement que nous avons jeté l'éponge. Nous n'empêchons personne de vendre de l'héroïne ou de la cocaïne aux jeunes. Nous avons baissé les bras, en tant que gouvernement et en tant que peuple, et laissons les trafiquants et les producteurs oeuvrer en paix. Je ne suis absolument pas d'accord. Nous remarquerions un recul important si nous laissions tomber. Nous devons nous assurer de disposer de lois appropriées.
Nos électeurs nous ont affirmé, et nous l'avons constaté, que les dispositions actuelles du Code criminel ne sont pas efficaces. Elles envoient le mauvais signal. Elles ne permettent pas aux personnes concernées d'obtenir gain de cause ni d'obtenir justice ni même de recevoir l'aide nécessaire, en toute honnêteté.
Aucun des députés ici présents, quel que soit son parti, ne veut envoyer des gens en prison. Personne ici ne veut priver les toxicomanes de l'aide nécessaire. J'ai bon espoir que nous sommes tous de cet avis.
Ma question s'adresse à tout le monde, mais je commencerai par monsieur Plecas. Avons-nous un rôle à jouer, nous, les défenseurs du Code criminel et de la loi réglementant certaines drogues et autres substances dans la protection des jeunes et des Canadiens contre les drogues suivantes: les drogues du viol, l'héroïne et la cocaïne. Certaines personnes veulent cibler les jeunes qui fument des joints. Même si nous rejetions complètement la partie de la loi qui vise la marijuana, qu'en est-il des crimes graves, des drogues fortes? Pourrions-nous jouer un rôle pour contrer leur utilisation et leur circulation dans la société?
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Pour commencer, revenons en arrière. Je pose de nouveau la question: pourquoi avons-nous un problème de crime organisé en Colombie-Britannique? C'est très clair. Je pense que tout le monde comprend maintenant que ce n'est pas seulement la marijuana; c'est aussi la cocaïne et d'autres drogues. Mais c'est la production de drogue qui est à l'origine de tout cela, et cette production de drogue a débouché sur une capacité accrue de trafic, d'exportation, etc.
En passant, pour ce qui est de l'argument sur la prohibition, c'est essentiellement un marché d'exportation et la prohibition n'aurait donc aucun effet ici sur ce plan. Mais il faut envoyer à ces gens-là le message qu'ils ne peuvent pas, comme ils le font couramment — nous le savons tous —, s'en tirer au moment du prononcé de la sentence en concluant des marchés, en négociant un plaidoyer. Nous devons envoyer un message fort, en particulier aux multirécidivistes, et la plupart d'entre eux le sont, leur dire que cela ne sera pas toléré, que si vous vous faites prendre, vous aurez une certaine peine prédéterminée, vous pouvez y compter.
Quand vous aurez fait cette constatation, comme nous l'avons fait — il y a beaucoup d'exemples récents en Colombie-Britannique et aux États-Unis — et quand les gens prennent conscience qu'ils vont y aller en prison et pour une longue période, vous verrez avec quelle vitesse ils changent leur fusil d'épaule. Presque sans exception, ils commencent tout de suite à négocier et à se mettre à table pour dénoncer tous leurs comparses.
Telle est la situation et c'est évidemment propre à la nature humaine, c'est ce qui arrive quand on se rend compte des conséquences. Nous avons absolument besoin de cela. J'aimerais que ce ne soit pas le cas. Je ne plaide pas de manière générale pour des peines plus sévères. Tout ce que je demande, c'est qu'on ait des peines efficaces.
Mettons en place un système qui nous permet de donner aux gens des traitements quand ils en ont besoin et qui nous donne un certain pouvoir de dissuasion. Si nous ne faisons pas cela, pourquoi prétendons-nous le faire? C'est absurde. Pas un seul trafiquant de drogue ne sera dissuadé par une peine d'un mois de prison, à supposer même qu'il aille en prison. Parce que vous ne devez pas perdre de vue qu'en Colombie-Britannique, récemment, seulement une personne sur dix impliquées dans une opération de production de drogue aboutit en prison. Il n'y a pas la moindre trace de dissuasion dans un tel régime.
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Je vous remercie pour cette question.
Je pense que l'un des avantages des peines de prison plus longues, pour commencer, c'est un diagnostic plus perfectionné nous permettant d'établir pourquoi quelqu'un se retrouve en prison et quels sont ses besoins. Nous savons tous que les raisons sont multiples. Ce n'est pas seulement parce que la personne est droguée jusqu'aux oreilles, à supposer qu'elle le soit. Il y a beaucoup d'éléments distincts, et les intéressés ont besoin de l'aide de beaucoup de gens différents dans leur parcours.
Compte tenu de leurs multiples problèmes, il faut du temps et de multiples évaluations pour donner aux délinquants et à la société l'assurance que l'on fait des progrès. Derrière les murs des établissements carcéraux fédéraux, on trouve des diagnostics perfectionnés, des programmes perfectionnés faisant appel à de multiples services, un pronostic pour l'après-libération, la libération conditionnelle, et ensuite des services multiples pendant la libération conditionnelle pour s'assurer que ce qui est acquis en prison continue d'agir dans la société.
J'invite les intéressés à examiner le bilan de la Commission nationale des libérations conditionnelles pour la dernière décennie. C'est un fait qu'il y a une amélioration marquée depuis 10 ans. La plupart des gens à qui on accorde une libération conditionnelle de jour réussissent à s'en sortir, de même que ceux qui sont en libération conditionnelle complète. Et l'on observe aussi le contraire, en ce sens que ceux qui purgent leur peine jusqu'au bout ont les taux de récidivisme les plus élevés.
Nous devrions en tirer la leçon. Nous avons des programmes qui fonctionnent et qui donnent d'excellents résultats. Pourquoi ne continuons-nous pas à les améliorer? Si nous faisons cela, nous n'aurons pas besoin d'envisager d'être plus sévères; nous deviendrons plus efficaces.