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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 009 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 11 mars 2009

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue à la neuvième réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le mercredi 11 mars 2009.
    Avant que nous ne commencions, je voudrais en fait souligner la présence de certains étudiants du Québec qui représentent l'École nationale d'administration publique. Ils sont une trentaine avec nous aujourd'hui, mais ils sont 60 en tout sur la Colline.
    Monsieur Lemay, je crois que ces étudiants comptent parmi vos électeurs, alors si vous voulez les saluer aussi, allez-y, mais soyez bref.

[Français]

    Je vais répondre très rapidement, monsieur le président.
    Non. Il n'y a personne de ma circonscription. Ce sont des étudiants de l'École nationale d'administration publique qui font une maîtrise, donc c'est près d'un doctorat. Ils viennent de partout au Québec et de partout dans le monde. Ils sont en formation à l'École nationale d'administration publique, à Montréal. Je leur souhaite la bienvenue. Il y a 30 étudiants ici et 30 de plus au Comité des affaires étrangères et peut-être quelques-uns au Sénat.
    Merci.

[Traduction]

    Je vous souhaite de nouveau à tous la bienvenue. J'espère que votre expérience sur la Colline vous donnera vraiment envie de vous joindre à la fonction publique, d'être au service de la population canadienne.
    Aujourd'hui, en vertu du paragraphe 108(2) du Règlement, nous commençons notre étude sur le crime organisé au Canada. Nous avons divisé l'après-midi en deux parties. La première moitié de la réunion sera consacrée aux témoignages de représentants du Service canadien de renseignements criminels. Pendant la deuxième moitié, nous entendrons les témoignages de trois personnes de la Colombie-Britannique.
    Nous allons donc tout d'abord accueillir M. Donald Dixon, directeur général du Service canadien de renseignements criminels, ainsi que M. Bud Garrick, qui est directeur général adjoint. Messieurs, bienvenue.
    Il y a un rappel au Règlement.

[Français]

    Monsieur le président, comme c'est le début de notre étude, j'aimerais qu'on établisse clairement que lorsqu'il s'agit de services publics en particulier, je vais m'attendre à ce que les mémoires remis aux députés soient dans les deux langues parce que la richesse de l'information n'est pas la même. J'aimerais que la greffière donne des directives claires à cet égard lorsqu'elle communiquera avec les témoins. Ils ont les moyens de présenter au comité un mémoire en français et en anglais afin que les députés puissent être saisis tout de suite de cette information.

[Traduction]

    Messieurs, M. Ménard a raison en disant que les documents présentés au comité doivent être dans les deux langues officielles. Vous pouvez toutefois remettre à la greffière un document dans une seule langue officielle, et elle se chargera de le faire traduire et de le distribuer aux membres du comité.
    Selon la pratique habituelle, vous avez 10 minutes pour présenter votre exposé au comité, et nous donnons ensuite la parole aux membres qui souhaitent vous poser des questions. Alors, allez-y.
    Mesdames et messieurs, bon après-midi.
    Je m'appelle Donald Dixon et je suis le directeur général du Service canadien de renseignements criminels. Je suis accompagné aujourd'hui par William Garrick, notre directeur général adjoint, qui s'occupe de la gestion des activités au sein de la collectivité du Service de renseignements criminels.
    Le but de notre exposé aujourd'hui est de vous informer sur la situation du Service canadien de renseignements criminels, couramment appelé le SCRC.
    Le SCRC se compose d'environ 400 organismes d'application de la loi partout au Canada. Depuis sa création en 1970, le SCRC joue clairement un rôle de chef de file dans l'élaboration d'une approche intégrée et axée sur les renseignements pour lutter contre le crime organisé au Canada. Il a pour but fondamental de faciliter la production et l'échange en temps utile de renseignements criminels au sein de la collectivité policière canadienne.
    Le SCRC, plus précisément le Bureau central, que William et moi représentons aujourd'hui, est situé à Ottawa. Il est administré sous la gouvernance de la Gendarmerie royale du Canada, et il reçoit son orientation d'un comité exécutif national actuellement présidé par le commissaire de la GRC et co-présidé par le directeur général de la Sûreté du Québec. Le comité exécutif national est représenté par 22 cadres supérieurs de la collectivité policière canadienne, y compris des chefs de police.
    Notre organisme est chargé de fournir des produits et des services en matière de renseignements stratégiques à la collectivité policière nationale et au gouvernement, et il sert de centre national d'excellence, je crois, à l'appui des efforts de lutte contre le crime organisé dans notre pays. Notre bureau d'Ottawa fournit également un leadership, une orientation stratégique et un soutien administratif au programme national du SCRC pour les familles.
    Le SCRC compte 10 bureaux provinciaux qui sont gérés indépendamment, mais qui appliquent des normes nationales en matière de prestation de services. J'entends par là que, si nous recevons notre orientation du comité exécutif national, les bureaux provinciaux reçoivent la leur de leurs comités exécutifs provinciaux. Ils se concentrent sur les activités de renseignements criminels dans leur province et fournissent un leadership et des conseils concernant la collecte, l'analyse et la production de renseignements stratégiques et la prestation de services connexes, surtout à l'échelle provinciale.
    L'information recueillie et analysée par les bureaux provinciaux est essentielle aux produits de renseignements et aux services fournis à l'échelle nationale par le Bureau central. Nous produisons environ 12 produits tout au long de l'année.
    Le Service d'analyse stratégique, qui fait partie du Bureau central, est chargé de préparer chaque année divers produits de renseignements stratégiques, dont l'Évaluation nationale annuelle de la menace, l'Appréciation nationale des renseignements criminels et le Rapport annuel sur le crime organisé au Canada.
    Le Service d'analyse stratégique s'occupe également d'élaborer et de mettre en œuvre une méthodologie d'alerte stratégique rapide, utilisée par tous les bureaux, qui consiste en un système destiné à améliorer les pratiques actuelles d'application de la loi au moyen d'une approche proactive à l'égard du contrôle, si cela est possible, et de la prévention de la criminalité.
    Le Rapport annuel du SCRC sur le crime organisé au Canada, dont j'ai fait mention tout à l'heure, fournit au public de l'information importante sur le crime organisé et met en lumière certains moyens pris par les groupes criminels pour s'en prendre aux Canadiens. Le SCRC croit qu'un public informé est plus en mesure de se protéger contre la menace causée par le crime organisé. Le rapport contient également de l'information sur la dynamique des groupes de renseignements criminels, ou plutôt des groupes criminels, leurs méthodes, leur mode de fonctionnement et les marchés criminels qu'ils exploitent.
    J'aimerais maintenant vous décrire la situation du crime organisé au Canada et vous parler des fondements du marché du crime organisé.
    Pour élaborer l'Évaluation nationale de la menace, dont j'ai fait mention plus tôt, le SCRC se fonde sur la mise au point de méthodologies d'évaluation intégrée des menaces et évalue le crime organisé au Canada, plus particulièrement sous l'angle des marchés criminels. Chaque marché est minutieusement examiné en fonction de sa portée et de son ampleur ainsi que de la dynamique des groupes du crime organisé et de leur implication.
(1540)
    Les principaux marchés criminels que nous évaluons sont les drogues illicites, la contrebande de tabac, le jeu illégal, les armes à feu illicites, la cybercriminalité, la violation des droits de propriété intellectuelle, les êtres humains traités comme des marchandises, la criminalité financière et les infractions mettant en cause des véhicules, comme par exemple le vol.
    Au fur et à mesure que le marché criminel évolue, plusieurs constats clés s'imposent au fil des ans. Les observations suivantes, que nous avons faites ces dernières années, sont considérées comme les fondements du marché canadien du crime organisé. Par exemple, on considère que le Lower Mainland de la Colombie-Britannique, le sud de l'Ontario et le Grand Montréal sont les principaux centres de criminalité où se trouvent la plus grande concentration de groupes du crime organisé et les marchés criminels les plus actifs et les plus dynamiques.
    Le marché clandestin de la drogue demeure le marché criminel le plus important au chapitre de l'étendue, de la portée et du degré d'implication de la majorité des groupes du crime organisé — plus de 80 p. 100. Même si des organismes chargés d'appliquer la loi arrivent parfois à perturber ou à démanteler certains groupes criminels, leurs opérations donnent des résultats qui, malheureusement, ne sont habituellement observés qu'à court terme, car elles laissent des vides temporaires dans lesquels se produit une expansion du marché ou créent des occasions intéressantes dont les groupes criminels organisés en bonne posture peuvent tirer parti. De manière générale, les marchés criminels résistent très bien aux opérations de perturbation à long terme, car la demande des consommateurs au Canada est assez grande pour que les réseaux criminels continuent leurs activités.
    Bon nombre de groupes du crime organisé ont la capacité d'exercer leurs activités à l'échelle internationale. En maintenant des liens commerciaux avec des réseaux de l'étranger, plusieurs groupes du crime organisé veillent au maintien de la viabilité et de la vitalité des chaînes d'approvisionnement et de distribution de diverses marchandises. De plus, certains points stratégiques situés le long de la frontière canado-américaine facilitent la contrebande de produits illicites et le passage de clandestins, sans nécessiter des opérations d'envergure ou des techniques sophistiquées.
    L'exploitation et l'infiltration d'entreprises légitimes par des groupes du crime organisé jouent un grand rôle dans la perte de confiance du public à l'égard d'un certain nombre de marchés licites et augment la résilience de nombreux groupes du crime organisé. Dans certains cas, des entreprises légitimes sont utilisées par des criminels pour blanchir de l'argent, commettre des infractions, notamment par l'intermédiaire de sociétés importatrices et exportatrices, et vendre des produits licites avec des biens authentiques, en plus de permettre à de nombreux groupes criminels de s'isoler et d'échapper à la police.
    En ce qui concerne l'Évaluation nationale de la menace de 2008, plus de 900 groupes du crime organisé ont été recensés comme exerçant leurs activités au Canada. Aux fins des analyses menées au sein du SCRC, nous avons réparti ces groupes en catégories selon un système de menaces à quatre niveaux.
    Les groupes de la Catégorie Un, que nous appelons aussi l'échelon supérieur, représentent le niveau de menace le plus élevé compte tenu de leur rôle et de leurs activités criminelles, qui sont principalement de portée nationale et internationale. De plus, nous tenons à jour une Liste de veille Catégorie Un, qui se compose des groupes qui représentent une nouvelle menace de niveau important. Il n'y a pas moins de 16 groupes à l'échelon supérieur.
    Les groupes de la Catégorie Deux que nous suivons, exercent des activités de portée internationale ou interprovinciale. Au Canada, on compte actuellement plus de 300 groupes de ce genre.
    Les groupes de la Catégorie Trois exercent leurs activités dans une seule province, mais dans plus d'une région, c'est-à-dire dans plus d'une ville ou un secteur. Il y a plus de 100 groupes de ce genre au Canada.
    Les groupes de la Catégorie Quatre, qui sont probablement ceux dont nous entendons le plus parler, exercent leurs activités dans une seule région, comme une ville ou une municipalité. On répertorie plus de 430 groupes de ce genre au Canada.
(1545)
    En 2008, 78 p. 100 des groupes du crime organisé se livraient au trafic de drogues illicites. Ce taux est le même que celui de l'année précédente, et légèrement en-dessous de celui de 2006, qui s'élève à 81 p. 100. Le marché de la criminalité financière se classe au deuxième rang des marchés criminels: 12 p. 100 de tous les groupes du crime organisé du Canada, c'est-à-dire plus de 970 groupes, sont impliqués dans ce marché.
    Les organismes locaux et provinciaux d'application de la loi se fondent sur les évaluations intégrées des menaces provinciales envoyées par nos 10 bureaux au pays pour déterminer précisément leurs priorités en matière de la lutte au crime organisé.
    De plus, l'évaluation nationale de la menace est utilisée par le nouveau comité, le groupe canadien d'intervention intégrée contre le crime organisé, qui a été créé il y a plus d'un an et demi par le biais de l'ACCP, l'Association canadienne des chefs de police. Le comité est composé de responsables supérieurs de l'application de la loi de chacune des provinces et de chacun des territoires du pays et il est présidé d'un sous-commissaire de la Police provinciale de l'Ontario et du sous-commissaire supérieur de la Gendarmerie royale du Canada.
    Ce groupe a pour mission d'aider à dresser la liste des priorités stratégiques en matière d'application de la loi dans la lutte au crime organisé. William et moi faisons partie intégrante de ce groupe, car nous voulons connaître les priorités qui font l'objet de discussions dans le milieu et ainsi comprendre la portée des activités qui sont menées à la grandeur du pays.
    Il est difficile d'évaluer les répercussions globales du crime organisé, mais, vu la diversité des marchés criminels au Canada, nous savons qu'elles sont considérables. Certaines formes d'activités criminelles, par exemple la revente de drogues dans les rues, les voies de faits, la violence et bien sûr l'intimidation, sont très visibles et touchent les gens et les collectivités au quotidien. À l'inverse, les opérations clandestines, par exemple la fraude hypothécaire, le vol de véhicules et la fraude d'identité, représentent des menaces à long terme pour les établissements et les consommateurs canadiens.
    Notre rapport annuel sur le crime organisé est le résultat d'un effort conjugué de la communauté de l'application de la loi. Il brosse, pour les Canadiens, un tableau informatif de l'état des activités du crime organisé au pays et de la portée de ces activités dans les collectivités canadiennes. Ce rapport, qui est produit par le Service canadien de renseignements criminels, a pour but d'informer tous les Canadiens des répercussions socio-économiques du crime organisé dans nos collectivités et d'encourager la population à continuer de collaborer avec les organismes d'application de la loi dans la lutte au crime organisé.
    Voilà, monsieur le président, notre déclaration préliminaire est terminée. Merci.
(1550)
    Je vous remercie infiniment.
    Avant de passer aux questions, je souhaiterais informer les membres du comité que j'ai discuté avec messieurs Garrick et Dixon. Ils aimeraient peut-être nous transmettre certains renseignements qu'ils ne peuvent divulguer qu'à huis clos. Si c'était le cas — et je crois clairement que oui —, alors nous leur reviendrions vers la fin de l'étude. Nous avons également l'occasion d'obtenir ces renseignements.
    J'ai aussi une question à poser aux membres du comité: comme nous avons divisé les témoins en deux groupes aujourd'hui, accepteriez-vous qu'on accorde seulement cinq minutes par personne pendant la première série de questions pour pouvoir poser plus de questions? Êtes-vous d'accord? Parfait.
    Je cède maintenant la parole à M. Dosanjh pour cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur Dixon et monsieur Garrick, d'être avec nous aujourd'hui.
    J'aimerais vous poser des questions d'ordre général. Je ne vous demanderai rien de pointu. Manifestement, vous recueillez des renseignements auprès de toutes les autorités, vous recevez des rapports de chacune des provinces et vous les reliez ensuite pour établir un rapport national. Laissez-moi prêcher pour ma paroisse un instant: apparemment, les autorités policières de la Colombie-Britannique n'ont pas su prédire ce qui se passe actuellement dans les rues, tout particulièrement dans l'agglomération urbaine de Vancouver. Si elles avaient été en mesure de le faire, elles auraient tenté de mettre un frein à la situation ou de l'améliorer d'une façon ou d'une autre.
    J'ai l'impression que la collecte des renseignements à cette échelle et que leur mise en commun ne sont pas aussi efficaces qu'ils pourraient l'être. Et de toute évidence, les résultats ne sont pas aussi bons lorsqu'ils sont consignés dans votre rapport national. J'aimerais que vous nous expliquiez ce qui, selon vous, manque aux services de police et aux activités de collecte de renseignements menées sur le terrain ou ce qui doit être changé pour pouvoir dire aux Canadiens que les milieux policiers sont en mesure de prédire l'évolution des choses et de parer en partie à la situation actuelle, de façon préventive si c'est possible.
    Comme vous l'avez mentionné, notre communauté est vaste. Nous recueillons l'information ou, pour reprendre vos propres mots, nous relions les renseignements entre eux. Je crois qu'il est important que nous comprenions tous qu'on dispose à cette fin d'une base de données nationale conçue expressément pour les activités du crime organisé. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, il y a environ 400 organismes d'application de la loi à la grandeur du pays, et 264 d'entre eux ont accès à notre base de données nationale. La plupart du temps, c'est à l'organisme qui met une opération en branle que revient la responsabilité d'entrer les renseignements dans la base de données nationale, de façon à ce que tous les intervenants soient au courant et qu'ils puissent en tirer parti.
    J'en arrive au coeur de votre question sur les autorités policières des provinces. Je ne parlerai qu'en termes généraux: au cours des réunions des comités exécutifs provinciaux — qui sont représentés par le responsable supérieur de l'application de la loi de la province concernée — auxquelles j'ai assisté, on discute de certains groupes d'intérêt, c'est-à-dire des groupes qui représentent la plus grande menace pour eux. On parle aussi en détail des activités opérationnelles. Je suppose qu'en Colombie-Britannique — d'après la dernière réunion à laquelle j'ai pris part — on discute activement de ces questions.
(1555)
    Si je me fie à votre réponse, vous n'êtes pas en mesure de me dire ce qui manque aux services policiers dans le cadre de leurs activités sur le terrain.
    Mon intention n'est pas de les critiquer. Manifestement, ils n'ont pas très bien réussi à anticiper la situation actuelle ou à se préparer à y faire face, et ils n'ont pas été en mesure d'empêcher que les choses en arrivent à ce stade-ci. Mais je le répète, je ne souhaite pas les blâmer. J'aimerais seulement que vous donniez un aperçu au comité des outils ou des ressources dont les services policiers auraient besoin pour pouvoir faire face à la situation d'une manière plus efficace.
    Il existe un certain nombre de facteurs: la nature du crime d'abord, la fluidité et certains des enjeux liés au marché dont nous avons déjà parlé. Mais j'en reviens directement au volet ressources de votre question: le Service canadien de renseignements criminels a pris en charge l'initiative d'élaborer un modèle canadien de renseignements criminels, qui lui a été confiée par l'Association canadienne des chefs de police. À l'heure actuelle, le Canada ne dispose pas de modèle qui comporte les processus, les capacités et la technologie dont le pays a besoin pour recueillir les renseignements de façon adéquate et rapide. Comme vous l'avez dit, on adopte parfois une approche fragmentaire.
    Le projet est en cours, donc nous pourrons assurément vous fournir de l'information détaillée à ce sujet ultérieurement, si vous le voulez.
    Est-ce que...
    Merci, monsieur Dosanjh, votre temps est écoulé.
    Monsieur Ménard, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je suis un peu déçu de votre témoignage et j'espère, monsieur le président, qu'on mettra les choses au point. Qu'on se réunisse pour se faire dire que les voleurs volent et qu'il se vend de la drogue au Canada, en tout respect, ça ne nous aide pas beaucoup.
    Le Bloc québécois, appuyé par tous les partis, a déposé une motion pour connaître les outils législatifs dont vous avez besoin. Je m'attends à un niveau de précision plus élevé que ce que vous nous avez donné. Vos rapports sont publics et je les lis depuis des années.
    J'étais au Parlement en 1995, quand la guerre des motards a commencé. Elle a commencé dans mon comté, avec l'assassinat du jeune Daniel Desrochers. À l'époque, je me rappelle très bien des discussions que j'avais avec les hauts fonctionnaires, qui croyaient qu'on allait démanteler le crime organisé au moyen de dispositions sur le complot. À ce moment-là, les Rockers et les Hells Angels s'affrontaient. Les policiers ont très bien compris qu'il fallait créer un droit nouveau. J'ai été engagé, des citoyens de mon comté ont même fait du porte-à-porte, et on a créé une nouvelle infraction de gangstérisme.
    Estimez-vous que les dispositions 467.11, 467.12 et 467.13 ont donné des résultats? Il serait utile que le comité le sache.
    J'aimerais maintenant parler des gangs de rue. Quand j'ai commencé à m'intéresser au crime organisé — de l'extérieur, il va de soi —, on ne parlait pas de gangs de rue. J'ai même l'impression qu'on en est à la deuxième génération de gangs de rue.
    Les gangs de rue sont-ils en train de se professionnaliser? Sont-ils de moins en moins ethniques et de plus en réseau avec les joueurs importants du crime organisé? Soyez un peu plus précis au sujet des gangs de rue et de l'outil législatif dont vous avez besoin. Ne me dites pas que des voleurs vendent de la drogue, je le sais déjà.

[Traduction]

    Le commentaire que vous avez fait sur votre question concernant les gangs de rue est tout à fait juste. Il ne fait aucun doute que nous sommes d'accord avec vous, et les autorités locales d'application de la loi sont du même avis.
    En ce qui concerne notre situation du point de vue du Service canadien de renseignements criminels, ma conception diffère quelque peu de la vôtre du fait que...

[Français]

    Ma question précise est la suivante: a-t-on raison de penser qu'à Montréal, à Toronto et à Vancouver, les gangs de rue se professionnalisent et sont plus armés? Quelle est la réalité des gangs de rue? Sont-ils les acteurs principaux du crime organisé actuellement?
(1600)

[Traduction]

    Je n'insinue pas qu'ils sont les principaux acteurs du crime organisé. En fait, on compte environ 300 gangs de rue.
    Ce sont nos bureaux provinciaux qui seraient les mieux placés pour vous répondre en détail, car ils sont plus axés sur le côté tactique que moi, qui travaille du point de vue stratégique. Pour ce qui est des détails concernant les activités quotidiennes des gangs de rue, je ne peux...

[Français]

    Si vous n'avez pas la réponse, je vais vous poser une deuxième question.
    Les Hells Angels assument-ils encore un leadership en matière de crime organisé? Est-il vrai qu'à un certain moment, ceux-ci se réunissaient sans porter leur écusson, qu'on appelle les crests, parce que cela peut maintenant être utilisé en preuve devant les tribunaux? Est-il vrai qu'on recommence à voir les Hells Angels organisés porter leur écusson dans les grandes villes?
    On a plaidé très fort devant le comité pour qu'on ajoute une infraction spécifique au Code criminel interdisant le port de symboles reliant des criminels à des organisations criminelles. Parlez-moi précisément des Hells Angels.

[Traduction]

    Je pourrais vous parler plus particulièrement des Hells Angels. J'ai eu à faire du travail lié à de nombreux gangs de motards et je peux affirmer qu'il ne fait aucun doute qu'ils comptent toujours parmi les principaux groupes du crime organisé au Canada. Il est évident que les Hells Angels sont toujours présents. En fait, ils constituent le principal gang de motards criminalisé au Canada.
    Les services de police locaux ont mis en oeuvre des initiatives remarquables, dont l'Opération Axe, qui a été menée récemment dans l'ensemble du Québec. Elle a réellement perturbé leurs activités. Ils ne les ont pas cessées, c'est certain. Ils constituent une des priorités de la police. Il est sûr qu'ils sont impliqués dans cette activité.
    Merci.
    Je cède la parole à M. Comartin.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être ici.
    Je n'ai qu'une ou deux choses à dire rapidement. Je n'ai pas compris combien de gangs ou de groupes du crime organisé on trouve au niveau national et international, à l'échelon supérieur. Combien y en a-t-il?
    À l'échelon supérieur, il n'y a pas moins de 16 groupes du crime organisé de catégorie un.
    Je présume qu'au niveau de la catégorie un ils entretiennent des relations actives et importantes avec des groupes du crime organisé qui se trouvent ailleurs dans le monde.
    C'est exact.
    Est-ce que ces groupes se trouvent principalement aux États-Unis, ou sont-ils dispersés partout à travers le monde?
    Ils se trouveraient partout à travers le monde.
    En ce qui concerne les 400 organismes qui appartiennent au SCRS, sont-ils tous des services de police publics par opposition aux organismes privés?
    De ces 400 organismes, il s'agit plus particulièrement des organismes d'application de la loi.
    Je m'interroge au sujet de votre incapacité à répondre à l'une des questions de M. Ménard. Nous voyagerons. Y a-t-il des personnes qui travaillent au sein de ces 10 bureaux provinciaux que nous devrions inviter à comparaître devant le comité?
    Absolument. Pour vous faire une idée globale du service de renseignements criminels, il serait très utile de visiter un certain nombre de bureaux. Après cette session, nous pourrions vous envoyer la liste des organismes ou des bureaux qui seraient, à notre avis, intéressants pour vous de visiter. Vous pourriez ensuite prendre votre propre décision.
    Ils pourraient nous donner de l'information sur les opérations tactiques, évidemment pas de l'information sur des opérations en particulier, mais des renseignements généraux sur leurs opérations tactiques.
    Comme vous avez dû le noter au début de mon intervention, ils sont indépendants de nous parce qu'ils doivent respecter les lignes directrices dictées par leurs comités exécutifs provinciaux. C'est un point dont vous pourriez discuter avec eux, ce que Bud et moi avons fait avec le président avant le début de cette session. Si vous avez besoin de clarifications et si nous pouvions vous répondre à huis clos, il nous ferait plaisir de vous aider. Il est clair que les bureaux provinciaux se trouvent dans la même situation. Ils devraient être en mesure de s'entretenir avec vous au sujet de questions tactiques représentant un intérêt.
    Je ne sais pas s'ils m'ont échappé, mais je n'ai vu aucun rapport public préparé par les bureaux provinciaux. Les ai-je manqués?
    Les provinces ont elles-mêmes publié un certain nombre de documents.
(1605)
    Sont-ils publics?
    Certains sont publics alors que d'autres s'adressent à leurs services de police. À titre d'exemple, en Ontario, où on retrouve plus de 60 organismes d'application de la loi, le Service de renseignements criminels Ontario communique avec chacun de ses partenaires au moyen de bulletins d'information, de rapports annuels et d'autres documents semblables.
    Ces documents ne pourraient être publics, ils ne sont diffusés qu'à l'interne.
    Je sais qu'ils sont distribués à leurs partenaires. Je n'ai pas d'information de première main concernant le fait que des documents auraient été diffusés au grand public.
    En ce qui concerne les différents secteurs ou marchés criminels, comme vous les appelez je crois, je ne vous ai pas entendu parler de la traite de personnes. Travaillez-vous sur cette question? Je ne sais pas si j'ai manqué cette information. Fait-elle partie d'une des catégories?
    Oui, je l'ai mentionné.
    Je n'ai pas d'autres questions pour le moment, monsieur le président. Merci.
    Merci, monsieur Comartin.
    Je cède la parole à M. Norlock pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci messieurs d'être ici aujourd'hui.
    Certaines de mes questions seront axées particulièrement sur ma région — en d'autres mots, ma circonscription et les régions de l'est de l'Ontario — parce que je crois qu'elle est représentative du reste du Canada.
    Bien sûr, le crime organisé et certaines des choses que nous lisons dans les journaux sont habituellement l'apanage des grandes villes. J'ai tenu une table ronde sur le crime dans ma circonscription. J'avais évidemment invité les chefs de police de tous les services de police ainsi que des groupes de victimes et des groupes de prévention du crime. Par conséquent, des représentants de tous les groupes touchés par ce sujet étaient présents. Nos chefs de police nous ont dit que certains des aspects étaient communs aux grandes et aux petites villes. La Police provinciale de l'Ontario a enquêté sur deux morts dans ma circonscription qui me semblent, quand on lit les journaux... Dans mon ancien domaine de travail, on appelle cela le renseignement du domaine public qu'on obtient en lisant les journaux. Le crime organisé pourrait considérer ces renseignements du domaine public — en d'autres mots, les renseignements qui sont disponibles au grand public — à partir de son point de vue.
    De toute évidence, certains de vos 400 organismes sont des services de police de petites villes. La rétroaction que vous recevez, le crime organisé, la violence, les drogues, les gangs et les armes à feu que nous voyons dans la ville, les voyez-vous aussi? Vos petits services de police vous fournissent-ils ces renseignements?
    Oui, monsieur, nous les voyons.
    Pour revenir au début de la question, quand on parle de plus de 900 groupes du crime organisé, il ne faut pas oublier qu'il y a des fluctuations. Ce nombre peut varier. Plus de 150 ou 200 groupes sont dissous chaque année, mais d'autres prennent leur place. Et quand nous parlons de dispersion ou de déplacement, certains des principaux services de police ont la capacité de se montrer extrêmement offensifs envers certains groupes du crime organisé. Mais dans certains cas, ces groupes du crime organisé déménagent dans d'autres districts et se reforment, car ils ne peuvent plus poursuivre leurs activités dans cette région.
    Par conséquent, ces autres districts seront sans doute de plus petites municipalités?
    Absolument. Cela explique l'importance de notre base de données nationale informatisée étant donné l'existence de tous ces groupes du crime organisé. Et comme vous l'avez entendu, il y en a plus de 900. Il n'y a pas si longtemps, nous ne savions pas combien de groupes du crime organisé existaient. Nous avons été en mesure d'en identifier plus de 970, de les localiser sur une carte précise et d'analyser, dans la mesure du possible, leurs activités au moyen de mesures d'application de la loi offensives et progressives. Ainsi, nous connaissons la plupart de leurs déplacements, car avec l'aide très utile de toutes les municipalités qui consignent leurs enquêtes dans la banque de données nationale, cette information est désormais disponible à tous les districts branchés à ce système.
    Je dois vous dire qu'il y a plus de 250 organismes qui utilisent quotidiennement cette base de données. Cette année, nous y avons enregistré plus de deux millions de transactions dans cette banque de données, et pas moins de 2 400 utilisateurs ont la possibilité d'ouvrir une session et d'y faire des recherches.
(1610)
    Le plus important pénitencier fédéral canadien, le pénitencier Warkworth, se trouve dans ma circonscription. Certains changements ont été apportés, mais de nombreuses personnes ne les comprennent pas. Il s'agit d'un pénitencier à sécurité moyenne. Lorsqu'il a ouvert ses portes, la majorité des détenus étaient des personnes qui avaient commis des infractions contre les biens, des fraudes, etc. Aujourd'hui, la plupart des détenus qui se trouvent dans ce pénitencier sont, à toutes fins pratiques, des meurtriers qui ont un bon comportement, etc.
    Je veux en venir aux criminels qui se trouvent dans nos établissements correctionnels et qui ont des antécédents de crime organisé. Est-ce que certains renseignements sur les détenus sont partagés? En d'autres mots, est-ce que Service correctionnel du Canada participe aux activités de votre groupe?
    Oui, très certainement. Quand on parle des membres du Service canadien des renseignements criminels, un de nos partenaires principaux est le Service correctionnel du Canada. Plusieurs membres provenant d'organismes externes sont détachés et travaillent à notre bureau central. Nous compterons très bientôt dans nos rangs un membre du Service correctionnel du Canada à temps plein, au niveau d'agent national de renseignement, tout comme nous en avons un de l'ASFC — l'Agence des services frontaliers — et un de la police militaire. Nous devons établir le contact avec de nombreux organismes, et le service correctionnel est sans contredit l'un des secteurs clés que nous examinons.
    Merci, monsieur Norlock.
    C'est maintenant au tour de M. LeBlanc.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, de vous joindre à nous aujourd'hui, et merci de vos commentaires.
    J'aimerais poursuivre un peu sur les questions très incisives que posait mon collègue, M. Dosanjh, lorsqu'il a manqué de temps.
    Vous avez fait allusion à un plan ou à un modèle national ou canadien en matière de renseignements criminels. Vous pourriez peut-être élaborer sur le sujet, surtout en ce qui a trait à la technologie, un aspect dont vous avez parlé.
    J'ai l'impression que pour ce qui est des outils que les corps policiers ont besoin pour s'attaquer vraiment au problème grandissant du crime organisé, les lois ne sont pas à jour concernant la capacité d'obtenir des mandats de perquisition. Je sais que depuis 2005, on a proposé de moderniser les techniques d'enquête, surtout en ce qui a trait à l'interception de téléphones cellulaires, de courriels, de BlackBerry. Les vieux outils, les vieilles lois, les vieux règlements et la common law entourant les mandats de perquisition, l'accès légal, etc., n'ont pas suivi l'évolution de la technologie utilisée par le crime organisé.
    Selon vous, quelles ressources sont nécessaires — ressources financières et humaines, et, surtout, ressources législatives — pour arriver à moderniser ce régime?
    Plusieurs initiatives sont déjà en branle à ce sujet.
    Les problèmes que vous avez soulevés sont très valides. La technologie a changé. Nous constatons une utilisation accrue des BlackBerry, des PDA, des téléphones cellulaires; voilà des exemples de problèmes. Les lois et règlements actuels entourant l'interception sont extrêmement lourds et exigent beaucoup de temps. Nous devons souvent agir rapidement.
    Puisque vous parlez de la technologie en général, l'un des problèmes que nous tentons de régler au niveau national, c'est de s'assurer que tous les services de police et organismes d'application de la loi partout au Canada utilisent la même technologie, afin que nous puissions communiquer mieux, et particulièrement afin que nous puissions échanger de l'information. Nous utilisons la base de données nationale actuelle, mais elle se fait vieille; nous regardons actuellement vers l'avant pour faire des progrès et en obtenir une nouvelle, ce qui aidera certainement à ce chapitre.
    Allez-y, monsieur Dixon.
    Pour poursuivre sur ce que William dit et pour revenir à son idée de départ, en ce qui concerne le modèle canadien de renseignements criminels dont nous avons parlé il y a quelques instants, nous nous sommes lancés dans cette aventure il y a environ deux ans. Nous concevions un modèle canadien de renseignements criminels dans le but de l'intégrer au cadre de responsabilisation des chefs de police partout au pays. C'est quelque chose sur lequel nous travaillons. Nous avons mené des études poussées et tenu de longues réunions avec des cadres policiers de leurs divisions ou directions chargées des renseignements criminels.
    Ce modèle a pour but de nous assurer que notre approche en matière de renseignements criminels et de lutte contre le crime organisé au pays est cohérente. Il s'agit de donner un sentiment d'unité et de synergie aux 400 organismes d'application de la loi dont nous disposons au pays.
    Merci. J'apprécie vos commentaires.
    Mais ce que j'aimerais comprendre, c'est si vous ou les collègues avec qui vous travaillez au pays ont une idée des changements législatifs que nous pourrions apporter et qui pourraient régler les problèmes dont M. Garrick a parlé. Il a parlé de la lourdeur des choses ou du temps qu'elles exigent. Est-ce parce que vous avez besoin davantage de ressources pour préparer la demande de mandat de perquisition, ou parce que les lois qui permettent aux corps policiers d'avoir accès aux données que possèdent les serveurs ou les fournisseurs de téléphones cellulaires ne conviennent pas, ou simplement parce que vous n'arrivez pas à trouver un juge qui peut signer le mandat? Ou voulez-vous obtenir une sorte de mandat autorenouvelable?
    Qu'est-ce que vous proposez au sujet du processus pour accélérer les choses?
(1615)
    Vous avez mis le doigt sur les deux secteurs principaux au début, c'est-à-dire les changements législatifs visant à harmoniser davantage le processus aux nouvelles technologies, et les ressources pour suivre leur rythme d'évolution. Quand je parle de ressources, surtout, je ne parle pas uniquement des personnes sur le terrain, mais également de la technologie nécessaire pour suivre le rythme de la technologie utilisée par les membres du crime organisé. Ils ont l'argent qu'il faut pour acheter ce qui leur convient. Nous sommes souvent aux prises avec des questions budgétaires, et nous sommes incapables de suivre leur cadence.
    Donc, c'est exactement les deux secteurs principaux dont vous avez parlé au début.
    Pourriez-vous me donner un exemple de ce qu'ils possèdent sur le plan de la technologie et dont vous n'arrivez pas à suivre le rythme? De quoi parlons-nous?
    Je ne crois pas pouvoir relever un problème en particulier, mais pour vous donner une idée, certains des nouveaux outils qu'ils utilisent, qu'il s'agisse d'un nouveau type de téléphone cellulaire, d'un téléphone satellite ou d'un nouveau type de BlackBerry, sont des outils que nous ne pouvons peut-être pas intercepter dans toutes les régions du Canada.
    On parle donc de capacité technologique.
    Merci, monsieur le président.
    C'est maintenant au tour de M. Lemay. Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci d'être ici avec nous.
    Je suis un peu surpris. Un certain dossier m'intéresse beaucoup. Dans le crime organisé, il faut être en mesure de suivre la trace de l'argent. Car lorsqu'il est question de crime organisé, il est question de recherche d'argent. Clairement, tout cela se fait dans le seul but de faire de l'argent.
    Pour ce qui est de suivre la trace des cellulaires, j'ai été avocat en droit criminel pendant 30 ans et je peux vous dire que mes clients savaient comment vous pouviez les intercepter. Si vous en êtes encore là aujourd'hui, vous avez des problèmes.
    Ce qui m'intéresse, dans cette étude que nous commençons, c'est de savoir si vous avez établi des façons de suivre ce que j'appelle la trace de l'argent. Plus précisément, il s'agit de savoir comment le crime organisé blanchit des milliards de dollars, car il n'est plus question de millions de dollars, mais de milliards de dollars. J'aimerais savoir si l'on est capable de déterminer si les gens du crime organisé ont investi dans des entreprises, publiques ou privées, ayant une façade de respectabilité. Je ne vous demande pas de me révéler tout cela aujourd'hui; il est évident que cela se fera à huis clos. Or, il m'intéresse de savoir si vous êtes capables de suivre cette trace aujourd'hui. Je vous avoue qu'il y a à peine 10 ans, vous ne l'étiez pas. Vous suiviez la trace jusqu'à un certain moment, puis vous la perdiez, par exemple aux îles Caïmans, à La Barbade, au Liechtenstein, en Suisse, à Monaco. Est-on maintenant capable de suivre la trace de l'argent? C'est à ce moment-là qu'on leur fera mal. On a adopté des lois pour cela.

[Traduction]

    La réponse à cette question précise est oui, et j'ai confiance en vos audiences à huis clos qui se tiendront partout au pays. De plus, je serais très heureux de vous donner le nom de deux ou trois bureaux où vous pourriez vous adresser pour obtenir des exemples remarquables de réussite en réponse à votre question précise. Toutefois, d'un point de vue tactique, Bud et moi ne sommes pas bien placés pour commenter directement le sujet. Nous savons qu'il y a des gens à qui vous pourriez parler au cours de votre étude, qui pourraient vous rassurer, en fait, non seulement vous dire que c'est réalisable, mais aussi que ça se fait aujourd'hui et que ça mène à la condamnation des criminels.

[Français]

    Parlons du crime organisé dans les organisations. Est-il vrai que le crime organisé est actuellement très bien implanté, même à l'échelle internationale, dans des entreprises qui ont une respectabilité publique? Est-ce vrai qu'il a des entrées dans beaucoup de grandes entreprises multinationales et que c'est ainsi qu'il blanchit son argent? Pourrait-on obtenir de l'information à ce sujet?
(1620)

[Traduction]

    Encore une fois, je ne peux en parler en détail. Nous pourrions certainement vous diriger vers des personnes qui pourraient vous donner des détails. Chose intéressante, l'un des domaines sur lesquels nous nous penchons à l'heure actuelle est exactement le domaine de la criminalité financière, et en parlant de...

[Français]

    Vous devez sûrement me voir venir. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir s'il y a actuellement, à l'échelle internationale, des relations entre vous, INTERPOL, la CIA et la DEA. Tout cela est-il suffisamment solide, partout dans le monde actuellement, pour pouvoir donner immédiatement de l'information?

[Traduction]

    Je ne dirais pas immédiatement, mais il est clair que nous avons des partenariats qui dépassent les frontières du Canada, bien sûr avec les États-Unis et Interpol, dont vous avez parlé, et avec d'autres organismes semblables avec qui nous échangeons de l'information. Nous traversons également la frontière et nous nous tenons mutuellement au courant des tendances, des tendances prévues, et des activités d'intérêts dans chacun de ces secteurs.
    Notre échange d'information est très solide à ce moment-ci.
    Merci.
    Nous passons à M. Petit. Vous avez cinq minutes, et malheureusement ce sera probablement la dernière question, puis j'ai une question complémentaire pour nos témoins.
    Monsieur Petit.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, messieurs. Je vais vous poser une question plus générale. Je vais lire votre rapport, du moins le rapport que vous avez produit l'année dernière. Le problème que je perçois est le suivant. Dans la région de Montréal, par exemple, nous avons remarqué depuis un an que la drogue entrait par bateau dans les ports. À l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, il semble qu'on ait encore surpris des employés en train de faire entrer de la drogue.
    Selon les renseignements que la police fournit aux journaux, Montréal serait une plaque tournante pour la drogue. La drogue ne s'achète pas avec des prières, mais avec de l'argent. Mon questionnement rejoint un peu celui de M. Lemay. De façon générale, avez-vous dans votre structure des liens avec les ports nationaux, dont plusieurs relèvent du fédéral? Avez-vous des liens avec les aéroports, qui sont censés être bien surveillés? Avez-vous des liens aussi au palier fédéral, par exemple avec les gens qui émettent des passeports et qui peuvent vous dire si une certaine personne s'est rendue 10 fois en Colombie, en Suisse ou à un endroit quelconque? Existe-t-il une coopération dans ce domaine?

[Traduction]

    En ce qui concerne les secteurs qui vous préoccupent, en ce qui concerne les ports, il s'agit d'un dossier très actif au niveau national dans nos bureaux à Ottawa. C'est aussi un dossier très actif aux bureaux provinciaux qui déploient tous les efforts possibles dans les ports pour poursuivre tous les crimes graves et les membres du crime organisé dans chacun de ces secteurs.
    Certains des autres volets de votre question sont de nature très tactique, et je ne suis pas en mesure de les commenter. Mais pour ce qui est de la criminalité et du trafic de drogues dont vous parlez dans la province de Québec, plus particulièrement à Montréal, je suis parfaitement au courant de la campagne acharnée menée par les cadres supérieurs chargés de l'application de la loi, notamment les chefs et les directeurs généraux dans la province.
    Si je peux poursuivre sur le sujet, comme je l'ai peut-être mentionné plus tôt, l'Agence des services frontaliers du Canada est un de nos partenaires, certainement au niveau national, mais aussi dans les provinces. Nous travaillons en très étroite collaboration avec l'agence, et sa raison d'être est exactement celle dont vous venez tout juste de parler.

[Français]

    La deuxième question que j'aimerais poser s'adresse à M. Dixon ou à M. Garrick.
    Depuis quelque temps à Montréal, des groupes du crime organisé s'affrontent dans la rue. Il y a même eu des meurtres. Vous avez probablement lu certaines choses, comme moi, dans les journaux. Plus tôt, M. Ménard vous a posé une question. Un jeune dans son comté est mort dans l'explosion d'une bombe que les Hells Angels avaient installée dans une jeep à côté de laquelle il se trouvait. Il ne pourra plus jamais rien invoquer, il est mort.
    Avez-vous un genre de système électronique de classification qui détecterait les lieux où certaines personnes auraient déjà été aperçues? Comme le disait M. LeBlanc, êtes-vous suffisamment outillés sur le plan technique et électronique ou si c'est la [Note de la rédaction: inaudible] qui vous dépasse?
(1625)

[Traduction]

    C'est probablement au Québec qu'on utilise le plus la base de données nationale dont j'ai parlé, qui est utilisée par un grand nombre de nos partenaires. Tous les renseignements de nature criminelle recueillis au Québec sont saisis dans ce système chaque jour. Le système est utilisé servilement, y compris par les agents des renseignements et les analystes qui consultent cette base de données chaque jour afin de répondre aux mêmes questions que vous nous posez aujourd'hui. La base de données est bien en place au Québec.
    Messieurs, je crois que votre temps est écoulé.
    J'aimerais vous poser une question avant de vous laisser partir.
    Je sais que les problèmes que nous devons affronter dans notre tentative de contrer le crime organisé ne sont pas uniquement de nature législative ou juridique, ou liés à l'exécution de la loi. Le crime organisé est également une entreprise criminelle qui a des ramifications profondes à l'intérieur du système carcéral. On dit qu'il faut neutraliser les dirigeants du crime organisé directement à l'intérieur du système carcéral afin de faire des progrès dans la lutte au crime organisé.
    Êtes-vous d'accord avec cette interprétation, et, dans l'affirmative, que suggérez-vous de faire à très court terme? Que suggérez-vous que nous fassions en ce qui concerne notre étude en général, et plus précisément, pour aborder certains des problèmes qui existent dans notre système carcéral?
    Je crois que votre hypothèse est exacte jusqu'à un certain point. Il y a certainement encore beaucoup de leadership à l'intérieur du système carcéral et dans la région où est concentré le crime organisé. Je le répète, c'est pourquoi le Service correctionnel du Canada est un de nos partenaires principaux, qui collabore avec nous et qui collaborera d'une façon encore plus complète dans l'avenir. Cette collaboration nous permettra de recueillir assez de renseignements pour diriger les organismes d'application de la loi vers les membres qui sont encore impliqués dans le domaine. Le Service correctionnel du Canada, ou SCC, recueille des renseignements de façon très dynamique dans ce domaine.
    Messieurs, merci de votre témoignage. Pouvez-vous vous assurer que nous avons les coordonnés des divers bureaux au Canada, afin qu'ils puissent éventuellement venir témoigner lorsque nous nous déplacerons partout au pays? Merci.
    Nous prendrons une pause de trois minutes, pendant que les prochains témoins s'installent.
    Merci.

(1630)
    Nous reprenons la réunion.
    Nous sommes heureux d'accueillir, pour notre étude sur le crime organisé, trois témoins de la Colombie-Britannique. Bienvenue à Steve Brown, Lois Schellenberg et Eileen Mohan.
    Nous avons hâte de vous entendre. Comme vous le savez, vous disposez chacun de 10 minutes pour faire votre exposé. Je ne sais pas si vous utiliserez tout ce temps, mais vous pouvez commencer quand vous voulez.
    Monsieur Brown, je crois que c'est à vous de commencer.
    Avant que M. Brown commence, j'aimerais mentionner que Mme Schellenberg est originaire de ma circonscription d'Abbotsford, et que M. Brown est originaire de la circonscription de M. Warawa, en Colombie-Britannique.
    Madame Mohan, je crois que vous êtes originaire de la circonscription de M. Dhaliwal ou d'une circonscription située très près de celle-ci, de la ville de Surrey. Est-ce exact?
(1635)
    Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire.
    Vous pouvez y aller.
    Je m'appelle Steve Brown. Je comparais devant vous aujourd'hui parce qu'un gangster a assassiné mon beau-frère, Ed Schellenberg. Ed n'était pas seulement mon beau-frère, il était également mon partenaire d'affaires et mon ami. Ed a été victime, le 19 octobre 2007, d'un meurtre de sang-froid alors qu'il était agenouillé devant le foyer au gaz qu'il réparait. Il faisait son travail.
    L'histoire d'Ed remonte à 2002, alors que huit personnes, quatre jeunes et quatre adultes, ont tué un garçon de 16 ans à coups de bâton de baseball et de tuyau de fer dans un bar karaoké de Coquitlam, en Colombie-Britannique. Les quatre hommes adultes, bien qu'accusés initialement de meurtre au deuxième degré, ont pu négocier un plaidoyer d'homicide involontaire. Un juge a condamné chacun des quatre adultes à un emprisonnement de 18 mois avec sursis pour avoir battu quelqu'un à mort. Ils ont essentiellement été confinés chez eux pendant 18 mois. La Couronne a interjeté appel, mais ce dernier a été rejeté.
    Passons maintenant au 19 octobre 2007. Alors que je somnolais devant le téléviseur, j'ai été réveillé par un appel téléphonique. Il était 21 h 35 et Lois Schellenberg me téléphonait pour me demander pourquoi Ed était toujours au travail à une heure aussi tardive. Il n'était pas chez lui et il ne répondait pas aux appels sur son téléphone cellulaire. Je lui ai répondu que je n'en avais aucune idée et que j'estimais que c'était très étrange. Si Ed avait eu des problèmes au travail, il m'aurait probablement téléphoné.
    Ce n'est qu'après avoir entendu parler de bulletins de nouvelles indiquant que, ce soir-là, les services d'urgence avaient été appelés à intervenir dans le grand immeuble où nous avions travaillé toute la semaine et où Ed travaillait ce jour-là, le jour où les corps de six hommes adultes ont été découverts, tous tués par balle dans un appartement du 15e étage de cet immeuble — que nous avons compris que quelque chose de grave était arrivé à Ed. Nous savions qu'Ed devait travailler dans l'appartement 1505 et qu'il s'agissait de son dernier appel de service dans l'immeuble.
    Depuis, nous avons appris que deux des quatre membres de la bande ciblés et tués dans cet appartement en même temps qu'Ed, Michael Lal et Eddie Narong, étaient en réalité deux des quatre adultes condamnés pour homicide involontaire dans le meurtre du garçon de 16 ans dans le bar karaoké à Coquitlam, dont j'ai parlé plus tôt. Entre leurs démêlés avec la justice, en 2002, et leur mort, en 2007, Narong et Lal ont accumulé un total époustouflant de 48 infractions criminelles. Il s'agissait d'accusations sérieuses portant sur le trafic de drogue, la possession de drogues à des fins de trafic, la possession d'armes à autorisation restreinte, la résistance à des arrestations et l'inobservation d'engagements. Narong a été accusé de 15 violations de ses conditions de cautionnement, mais il était toujours en liberté parce que, dans chaque cas, lorsqu'il s'était présenté devant le juge, on lui avait accordé un nouveau cautionnement. En 2005, Michael Lal a été reconnu coupable de plusieurs infractions de trafic de drogues et cinq violations de conditions de cautionnement. Il a alors été condamné à une peine d'emprisonnement de 17 mois avec sursis.
    À mon avis, je peux raisonnablement affirmer que si ces deux individus, Lal et Narong, avaient été condamnés à des peines appropriées à leurs crimes, ils auraient été en prison et Ed Schellenberg serait vraisemblablement encore vivant aujourd'hui. Nous nous demandons comment une chose pareille peut se produire dans notre pays. Comment cela est-il possible?
    C'est ce que nous avons découvert. Nous avons fait ce cheminement. Nous avons appris beaucoup de choses très rapidement pour essayer de répondre à ces questions. Pourquoi Ed a-t-il été assassiné?
    En ce moment, en Colombie-Britannique, nous devons affronter ce que j'appelle « l'orage parfait » de manquement aux règles et d'injustice attribuable à la violence des gangs de rue. Permettez-moi de vous faire part de ce qui, à mon avis, sont les conditions qui ont donné lieu à « l'orage parfait ». Je peux vous assurer que l'histoire d'Ed n'est pas un cas unique: ce n'est que la pointe de l'iceberg en Colombie-Britannique.
(1640)
    Ces cinq dernières années, le nombre de ces gangs de rue exerçant leurs activités dans la région de Vancouver est passé d'une demi-douzaine à plus d'une centaine. Voici pourquoi. C'est en raison d'un refus total du système judiciaire d'imposer des peines appropriées pour les infractions dont sont accusés ces gangsters en vertu du Code criminel et de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Je parle d'un refus total, et je n'exagère pas. Un criminologue qui étudie les statistiques sur le crime depuis plus de 30 ans en Colombie-Britannique m'a dit qu'il n'était pas possible d'exagérer la situation dans laquelle nous nous trouvons en Colombie-Britannique.
    À l'échelon fédéral, prenons comme exemple les installations de culture de marijuana. Tout le monde sait qu'il s'agit d'une activité commerciale importante en Colombie-Britannique — elle rapporte au moins huit millions de dollars par année. La marijuana est distribuée par le crime organisé et échangée contre de l'héroïne et des armes de poing illégales au sud de la frontière. Il y a aussi beaucoup d'opérations de blanchiment de capitaux. Pourtant, en Colombie-Britannique — écoutez bien ça — les statistiques indiquent que, pour chaque centaine d'installations de culture de marijuana il n'y en a guère plus de trois ou quatre qui, une fois aux prises avec notre système judiciaire, sont soumises à une peine quelconque, comme une période d'emprisonnement. Cela signifie qu'aucune accusation ne sera portée pour 96 p. 100 de ces installations. Est-ce le bon message à envoyer au crime organisé?
    Permettez-moi de vous expliquer comment nous avons constaté que notre système judiciaire provient à nuire à la cause qu'il est censé défendre. Prenons l'exemple de 100 installations de culture de marijuana; dans 35 p. 100 des cas, nos policiers tiennent pour acquis qu'il s'agit « d'absence de cas ». Ils saisissent les plants; saisissent l'équipement et se contentent de dire aux producteurs qu'ils sont de petits garnements. Ainsi, 35 p. 100 de l'argent des contribuables sert à surveiller une substance désignée. La police tire des cartouches à blanc. Sur 100 installations de culture, il en reste 65. Dans 42 p. 100 de ces cas, les procureurs fédéraux décident de suspendre les accusations en matière de drogue — 42 p. 100. Alors où va notre argent? Il reste donc 37 installations de culture de marijuana qui font l'objet de poursuites judiciaires en Colombie-Britannique.
    Que se passe-t-il donc? Les données historiques indiquent que seulement 9 p. 100 des accusations concernant des installations de culture de marijuana font l'objet de poursuites judiciaires devant les tribunaux de la Colombie-Britannique et donnent lieu à une peine correspondant à un emprisonnement. La durée moyenne de la peine de prison est de seulement trois mois, et on leur inflige seulement une amende moyenne de 1 200 $, et ce, après qu'ils aient volé de l'électricité pour environ 1 800 $ pour l'exploitation de leurs installations. Doutons-nous des raisons pour lesquelles nous avons un problème avec le crime organisé et les gangs de rue en Colombie-Britannique? Il ne s'agit-là que d'un élément dans « l'orage parfait ».
    Ce que nous avons appris du côté provincial est ahurissant. En Colombie-Britannique, nous sommes aux prises avec une épidémie de transactions en matière pénale. Ces transactions sont conclues pour plus de 90 p. 100 de toutes les accusations faisant l'objet de procédures devant les tribunaux provinciaux — le pourcentage est en fait de 95 p. 100. Maintenant, pensez-y. En Colombie-Britannique, une négociation de plaidoyer est conclue à huis clos par deux avocats, puis présentée au juge pour qu'il y appose automatiquement sa signature. Aucun argument n'est présenté; il n'y a aucune audience publique. Aucun élément de preuve n'est présenté.
    Les députés ont présenté et adopté des lois qui prévoient une peine minimale obligatoire pour certains types d'infraction. Cependant, en Colombie-Britannique — et je peux vous assurer que ça se passe en ce moment — la police porte des accusations concernant des infractions comportant une peine minimale obligatoire, mais le procureur de la Couronne négocie des peines moins importantes. Ça arrive tout le temps. Il suffit de mentionner le cas d'Ed.
    Par-dessus tout ce qui se passe dans le système judiciaire en Colombie-Britannique, la tendance à se montrer indulgent est scandaleuse. Les juges qui imposent des peines sont tenus de respecter les lignes directrices de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique qui, pour tout dire, interprètent de manière dérisoire les dispositions concernant les peines maximales énoncées dans le Code criminel du Canada.
(1645)
    Pour résumer, les sentences imposées par les juges de première instance sont nettement inférieures aux faibles directives établies par les tribunaux d'appel de la Colombie-Britannique, et le public est complètement dérouté par ce qui se passe. L'incapacité du système judiciaire à prendre en charge adéquatement ces criminels, la première, la seconde ou même la dixième fois par la cour a créé, à mon avis, une nouvelle classe de criminels psychopathes professionnels. Ils ont un tel dédain et manque de respect envers la police, les tribunaux, vous les législateurs et même envers les gens ordinaires comme Ed Schellenberg. Il y a en fait eu quatre victimes innocentes de cette violence des gangs au cours des deux dernières années: Ed Schellenberg, Chris Mohan, Kirk Holifield et Jonathan Barber.
    Messieurs, vous rendez-vous compte que dans la région de Vancouver il y a des contrevenants toxicomanes coupables de plus d'une centaine d'infractions contre les biens et qui circulent encore dans les rues? Lorsqu'ils arrivent au seuil de leur 50e condamnation, leurs sentences sont réduites. Tout le temps qu'ils passent en prison est réduit — de la 50e à la 100e condamnation. Est-ce là l'image que l'on veut projeter? Est-ce bien le bon message à envoyer aux personnes qui sont incapables de se contrôler?
    Nous avons beaucoup entendu parler du temps de détention provisoire qui compte pour le double. En Colombie-Britannique, c'est une farce. Les avocats de la défense peuvent reporter les procédures indéfiniment et alors dicter eux-mêmes les sentences de leurs clients. Nous, les bons citoyens, n'avons pas un mot à dire à ce sujet.
    Pour ce qui est des armes de poing, il y a eu plus de 50 assassinats liés aux gangs en 2008 dans la grande région de Vancouver, c'est un record. Jusqu'à aujourd'hui en 2009, il y en a eu 33. La situation est hors de contrôle. Dans les cas d'infraction impliquant des armes de poing, les accusations sont toujours suspendues — faute de preuve. Ils possèdent des fusils d'assaut, ils ont des compartiments cachés, des armes de poing munies de silencieux, et les accusations sont suspendues, faute de preuve.
    Ce n'était pas comme ça il y a dix ans. Qu'est-ce qui a changé? Un nouveau type de criminel a été créé: les gangsters. Ils portent des gilets pare-balles. Lors de leur arrestation on trouve des armes de type militaire. Ils conduisent des véhicules blindés. Malgré tout cela, en Colombie-Britannique, ils réussissent à être libérés sous caution. Lorsque des peines d'emprisonnement avec sursis sont infligées pour des homicides involontaires, c'est-à-dire des meurtres, une peine d'emprisonnement avec sursis de 18 mois, quel est donc le message que nous envoyons au sujet de la valeur d'une vie humaine? Je crois que le système de justice pénale a récompensé et promu ce comportement anti-social. La crainte des conséquences n'existe pas et ne peut donc être dissuasive. Sincèrement, la détermination des peines de ces gangsters est tout à fait risible.
    Tout ce que je peux dire concernant la libération sous caution en Colombie-Britannique est que les personnes que vous pensiez ne jamais pouvoir être libérées sous caution le sont toujours. Même si de plus en plus de personnes sont détenues provisoirement, ces criminels psychopathes professionnels sont toujours libérés sous caution. La population n'en revient tout simplement pas. Peu importe le degré psychotique de leur comportement ou le niveau de risque que leur présence dans la collectivité représente pour la sécurité publique, il semble que n'importe qui peut être libéré sous caution. Je crois que sur cette question les Britanno-Colombiens sont pris dans un piège constitutionnel. Ces personnes sont libérées dans les rues après avoir été accusées pour des crimes graves, mais ils récidivent toujours pendant qu'ils purgent leur peine avec sursis. Ils ne subissent aucune conséquence. Ils sont une menace pour eux-mêmes ainsi que pour la société.
    Je vais vous demander de conclure parce que nous avons encore deux autres témoins à entendre.
    Merci.
    L'inversion du fardeau de la preuve ne fonctionne pas en Colombie-Britannique. Nous dépensons des millions pour le maintien de l'ordre. En avons-nous pour notre argent? Le taux de mécontentement en Colombie-Britannique est de 90 p. 100 en ce qui a trait à l'administration de la justice. Nous avons tous l'impression d'avoir été trahi en Colombie-Britannique.
    Nous voulons que le Parlement adopte des lois plus sévères et des mesures plus strictes comme celles qui sont proposées maintenant. Nous demandons des mesures plus rigoureuses. Nous voulons que le gouvernement agisse et nous voulons que les partis d'opposition collaborent. La seule conclusion que nous pouvons tirer est que le système juridique en Colombie-Britannique est déficient.
    Une partie de mon travail maintenant consiste à m'occuper des clients de Ed. Je passe un peu de temps avec eux, je pleure un peu avec eux. Cela fait partie de mon boulot maintenant. Des centaines de personnes et même des milliers ont été accablés par ce meurtre. Nous voulons que le Parlement agisse pour les gens ordinaires comme Ed.
    Merci.
(1650)
    Merci beaucoup.
    Donnons la parole maintenant à Mme Schellenberg.
    Vous avez 10 minutes aussi, mais il n'est pas nécessaire que vous les utilisiez toutes.
    J'aimerais vous présenter Ed.
    Edward James Schellenberg était un frère, un oncle, un ami, un mari aimant et l'heureux père de Rachael et Kevin. Ed adorait le plein air. Il aimait pêcher la truite grise de grande taille dans le Grand lac des Esclaves, chasser et servir de guide dans les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon, camper avec sa famille et ses amis sur les rives de merveilleuses rivières remplies de truites arc-en-ciel, faire des randonnées avec son sac à dos dans des terrains accidentés pour ensuite relaxer à la fin de la journée et contempler le ciel rempli d'étoiles scintillantes. Il appréciait tout le travail de son Créateur.
    Ed était un homme d'affaires honnête et un vaillant pourvoyeur pour sa famille. C'était un homme de métier doué: il réparait souvent les choses que les autres avaient abandonnées depuis longtemps. Il traitait ses clients avec respect et gentillesse, il faisait un bon travail et veillait à ce que ses clients soient satisfaits. Il était facile de le convaincre de rester pour une tasse de thé ou pour une visite. Il prenait le temps de connaître ses clients et appréciait la conversation. Il s'était engagé à donner à ses clients ce qu'il y avait de mieux.
    Le 19 octobre 2007 était la fin d'une longue semaine de travail. Ed avait travaillé de longues journées mais espérait ce jour-là rentrer à la maison un peu plus tôt puisque lui et ses collègues de travail, son beau-frère et son fils Zach, devaient terminer le travail dans un immeuble d'habitation dans lequel ils avaient travaillé toute la semaine. Le dernier appartement était le 1505. Il devait être 15 h lorsqu'il s'est dirigé vers le penthouse. Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé dans l'appartement 1505, mais les vies de notre famille et de celle de la famille Mohan ont changé pour toujours.
    Les gens ont dit que Ed était au mauvais endroit au mauvais moment. Ce qui est loin d'être la vérité. Voyez-vous, il faisait son travail. Il devait faire l'entretien du foyer de cet appartement. Il avait donc toutes les raisons d'être là. De même que Chris Mohan — c'était sa maison, une maison qu'il partageait avec sa famille. Les deux familles étaient constituées de citoyens canadiens honnêtes et respectueux de la loi, tout à fait inconscients du mal qui les menaçait derrière la porte des voisins.
    Les derniers 16 mois et demi ont été une montagne russe d'émotions: le choc, la colère, l'incrédulité, le déni, la souffrance incroyable et la perte innommable. Nos vies ont été changées pour toujours par des gens et des circonstances que nous pouvions contrôler et que nous n'aurions jamais imaginé devoir affronter.
    Ed ne mènera pas sa fille à l'autel le jour de son mariage et ne verra jamais son fils devenir un homme. Sa vie a été volée par de sinistres individus qui n'avaient aucun égard pour les vies qu'ils détruisaient. Ils étaient motivés par l'appât du gain: le pouvoir et l'argent.
    Il faut s'attaquer à certains problèmes aujourd'hui si l'on ne veut pas qu'une autre journée comme le 19 octobre accable une autre famille. En tant que députés, vous avez voulu cet emploi et nous vous l'avons donné. Il est maintenant de votre responsabilité de diriger le pays. Nous n'en attendons pas moins.
    Je ne suis pas ici pour parler politique, mais pour vous encourager à travailler ensemble — tous les partis, tous les ordres de gouvernement, les hommes et les femmes d'affaires ainsi que les citoyens. Nous devons ensemble nous attaquer aux problèmes de sécurité publique qui sont en train d'échapper à notre contrôle en Colombie-Britannique.
(1655)
    Merci.
    Madame Mohan, vous avez 10 minutes également.
    Merci.
    Je vais simplement mettre la photo de mon fils ici. Voici mon fils, Christopher Mohan.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité de la justice, je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de comparaître devant vous à titre de témoin et de victime d'un crime, et surtout de me faire la voix de mon fils.
    Mon nom est Eileen Mohan et je suis la mère de Chris Mohan. Mon fils innocent a été assassiné le 19 octobre 2007, alors qu'il quittait notre domicile pour se rendre à son match hebdomadaire de basket-ball. C'était sa septième saison. Des membres d'une bande sont venus pour assassiner des membres d'une bande rivale et, en chemin, ont rencontré mon fils dans l'immeuble et l'ont tué parce qu'ils voyaient en lui un témoin.
    J'avais parlé à mon fils environ une heure avant son assassinat. Chris était mon seul fils, le plus jeune de mes deux enfants, le bébé de la famille. Il demeure la lumière et l'amour de ma vie.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, sachez qu'avant le 19 octobre 2007, j'étais Mme Eileen Mohan, mais la personne qui comparaît devant vous aujourd'hui est Mlle Eileen Mohan, car après 28 ans de mariage, mon mari et moi sommes maintenant séparés. L'assassinat brutal de mon fils a tellement ébranlé nos vies personnelles que j'ai été conduite à jouer le rôle de défenseur de la cause de mon fils, tandis que mon mari meurtri m'a quittée pour vivre seul, afin d'assurer sa survie émotionnelle.
    La vie n'a certainement pas été tendre pour mon fils et pour moi-même car j'ai toujours pensé que l'endroit le plus sûr de la terre est le foyer familial. Mais comment savoir qui sont nos voisins lorsqu'ils se présentent comme d'innocentes victimes? Oui, nous vivions dans le voisinage de criminels qui faisaient du trafic de drogues et d'armes et qui étaient membres d'une bande prolifique. Jusqu'à ce que l'on tue mon fils, je ne savais pas à quel danger nous exposaient ces individus. Je vivais à côté d'une bombe à retardement qui a explosé et causé la destruction de toute ma famille.
    J'ai une fille, Patrina, dont le coeur est tout aussi brisé que le mien parce qu'elle était tout aussi proche de son jeune frère que je l'étais moi-même. Il m'a fallu une semaine et demie pour me préparer aux funérailles de mon fils parce que je ne savais pas quoi faire. Comment une mère se prépare-t-elle à enterrer son propre fils? Comme tout parent, je présumais qu'un jour, lorsque je serais âgée et que j'aurais des cheveux gris, ce serait son fils qui veillerait à assurer ma sépulture. Mesdames et messieurs les membres du comité, selon nos traditions indiennes, lorsque nous arrivons à l'âge de la vieillesse, ce sont nos enfants qui s'occupent de nous. J'avais hâte de passer des soirées en compagnie de mon fils et de ses enfants. Les membres de ma famille et moi sommes maintenant privés de cette joie, de ce plaisir d'être témoins de la vie de Chris.
    Aujourd'hui, je ne sais pas si ma fille se mariera un jour car, ayant vu comment, en une fraction de seconde, son frère a perdu la vie, et ayant été témoin du préjudice permanent qui en est résulté pour le mariage de ses parents, elle est émotionnellement brisée.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, avant le 19 octobre, je faisais de la danse classique indienne et j'avais commencé à danser en deuxième année. Jusqu'au 19 octobre, j'étais sur le point d'obtenir un certificat en danse classique indienne. Je suis banquière de profession, membre de l'OCRCVM. Après avoir obtenu toutes mes accréditations bancaires, j'avais des temps libres et une passion pour la création de mode et la couture. Je suis retournée aux études quatre jours par semaine pour suivre un cours en création de mode. J'en étais à ma deuxième année de cours au collège BCC lorsque Chris a été assassiné, et aujourd'hui je ne suis plus passionnée par la création de mode, la couture ou la danse.
(1700)
    Le 1er novembre 2007, j'ai enterré mon fils. Depuis, j'ai organisé deux rassemblements et des messes de requiem, j'ai écrit au premier ministre et au ministre de la Justice, j'ai pris la parole lors de rassemblements, de conférences et d'ateliers et j'ai participé à un documentaire visant à sensibiliser l'opinion au phénomène des bandes, tout cela en vue de restreindre la liberté de ces gangsters et faire en sorte que tous soient plus conscients de leur existence.
    Membres du comité, la violence des gangs dure depuis cinquante ans. Tout cela s'est produit sous les précédents gouvernements fédéraux et provinciaux. Le groupe des Hells Angels s'est beaucoup développé. Aujourd'hui, ils ont à leur disposition des maisons dans chaque province, que personne ne peut saisir. La manière dont ils ont été traités par les tribunaux — peines avec sursis, détentions à domicile, peines d'un jour, peines de six mois — ouvre la voie aux membres de gangs que nous avons aujourd'hui. Les Hells Angels sont à l'heure actuelle les partenaires silencieux de tous ces membres de gangs parce qu'ils sont bien organisés.
    J'ai une mission, et elle consiste à s'opposer légalement à ces gangsters d'une manière personnelle, tout autant qu'ils ont détruit nos vies illégalement. Je suis retournée aux études, et je suis actuellement des cours de criminologie pour m'instruire et pour pouvoir mieux aider d'autres membres de familles qui ont vécu ce genre de tragédie et tenter de faire des changements fondamentaux.
    En même temps, membres du comité, je n'oublie pas que les membres du crime organisé représentent seulement une petite fraction de notre collectivité. Cela dit, nous dépensons présentement des millions de dollars et beaucoup d'heures de travail parce que notre système judiciaire est simplement devenu un système juridique.
    Comment pouvons-nous faire en sorte que notre système judiciaire représente les intérêts de la société en général et se démarque d'un système juridique qui, aujourd'hui, favorise selon nous les intérêts des criminels? Comment faire pour rétablir la confiance de la population dans notre système? Il nous faut trouver le moyen d'équilibrer les droits de la société et d'assurer la sécurité publique car, aujourd'hui, nous avons l'impression que les droits des criminels sont bien au-dessus des droits de la société et de notre plus grand bien collectif.
    Je crois que l'assassinat de mon fils, et d'autres meurtres, auraient pu être évités et/ou que l'affaire de son assassinat aurait pu être portée devant les tribunaux si les recommandations récentes présentées à Ottawa par le solliciteur général et procureur général de la Colombie-Britannique, que j'appuie sans réserve, avaient été mises en oeuvre.
    Dans mes cours de criminologie, j'ai — et c'est dans la liste que vous avez devant vous — fait des recherches sur le crédit de détention, et les quatre individus associés aux bandes qui ont été tués en même temps que mon fils se sont vu accorder un double crédit pour le temps qu'ils ont passé en détention et des condamnations qu'ils n'auraient pas dû avoir. Je vous laisserai lire cette partie.
    La deuxième partie touche ce qu'a dit Steve Brown. Les tribunaux de la Colombie-Britannique, contrairement à ceux de l'Ontario et du Québec, ont adopté une approche selon laquelle l'application de considérations tertiaires au cours de l'enquête sur le cautionnement devrait être permise seulement « dans des circonstances rares et exceptionnelles ». Et je vous ai donné un exemple: R. c. Bhullar. La population, les médias et la police ont tous demandé pourquoi les criminels marchent librement dans nos rues. C'est que seules les clauses primaire et secondaire sont appliquées, pas la clause tertiaire. J'ai aussi appris cela dans mes cours de criminologie.
    Applications juridiques. Le mot « non pratique » devrait être supprimé de l'article 487.11 du Code criminel, ce qui se traduirait par un processus plus pratique pour obtenir les autorisations juridiques d'un juge de paix concernant les mandats. Vous pourrez le lire.
    Je vous ai également remis à l'appui l'affaire récente de R. c. Ebanks.
    Tribunal pénal à la Cour suprême au niveau de la Colombie-Britannique. Je crois que c'est très important, parce qu'aujourd'hui il y a un besoin manifeste de créer un tribunal pénal au niveau de la Cour suprême de la Colombie-Britannique et dans chaque province pour faire en sorte que les juges présidant des instructions pénales, souvent pour des meurtres et pour des infractions violentes mettant en cause le crime organisé, soient sélectionnés parmi des avocats spécialisés en droit pénal et qui ont donc l'expérience requise pour rendre des décisions et des jugements censés. Nous ne voyons pas cela en Colombie-Britannique, et la population proteste vivement. Pourquoi ces personnes se promènent-t-elles librement dans les rues? C'est parce que des juges nomment des juges, et que les juges ne se soucient pas de l'opinion de la population. Parce qu'ils sont une entité en soi et que le procureur général ne peut rien contre eux — ils ne peuvent qu'être conseillés — ils ne comprennent vraiment pas en Colombie-Britannique.
(1705)
    Je crois qu'il nous faut davantage de policiers. Je vous ai déjà fait ce commentaire.
    Je vous ai présenté ma conclusion, mais je voudrais dire également que je suis très encouragée par ce que je constate aujourd'hui. Le crime organisé existe depuis 50 ans, et je ne pense pas que nous laisserons filer un autre 50 ans avant d'agir, à moins de léguer ce problème à nos enfants et petits-enfants. Je suis très encouragée de voir que nous avons un comité, un gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux qui sont prêts à faire quelque chose. Ils n'ont besoin que d'appuis.
    Le soutien de tous les partis est très important. Je crois qu'ils sont tous représentés ici. Transmettez ce message à vos partis respectifs et dites-leur qu'il pleut des balles en Colombie-Britannique. Nous sommes atteints et nous avons besoin d'aide. S'il vous plaît, aidez-nous.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, madame Mohan. Et merci aussi à vous trois pour vos témoignages percutants.
    Nous allons maintenant donner l'occasion aux membres du comité de poser des questions. La parole est à M. Dhaliwal.
    Je crois comprendre que vous partagez votre temps de parole avec M. Dosanjh. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, j'aimerais dire — et je crois parler non seulement en mon nom et au nom de ma famille, mais aussi pour mes électeurs des régions de Surrey et de Delta — que toutes nos pensées vous accompagnent, ainsi que vos proches. Je tiens également à souligner le courage dont vous avez fait preuve aujourd'hui; grâce à vous, nous pourrons mieux orienter nos travaux. Personne d'autre ne devrait avoir à vivre les tragédies que vous avez vécues.
    J'étais avec vous à l'occasion d'un rassemblement à Surrey, organisé par Paul Hillsdon et Trevor Loke. L'augmentation fulgurante et récente de la violence perpétrée par des gangs nous choque autant qu'elle nous dégoûte. Nous nous trouvons au beau milieu d'un nouveau champ de bataille, et il nous faut nous assurer que cette bataille ne se transforme pas en une guerre à n'en plus finir. J'aimerais vous remercier pour le travail que vous avez accompli au cours des dernières années, car c'est ce genre d'efforts qui empêcheront cette bataille de se transformer en une guerre.
    Lorsqu'il s'agit d'appuyer personnellement les lois, j'ai toujours exprimé clairement et directement ma volonté d'adopter la ligne dure à l'égard de la criminalité, peu importe qu'un parti plutôt qu'un autre soit à l'origine du projet de loi. D'autre part, j'ai toujours plaidé en faveur d'une augmentation des effectifs policiers et des ressources communautaires afin de venir en aide aux gens qui sont vulnérables aux attaques des membres de ces gangs.
    J'ai terminé mes observations. J'aimerais maintenant céder la parole à M. Dosanjh.
(1710)
    J'aimerais également vous remercier. Ce n'est pas facile de faire ce que vous faites. En vous portant ainsi à la défense des intérêts de tous les Canadiens, vous avez de toute évidence réussi à poser des gestes concrets en réponse à ces tragédies personnelles. Je tiens personnellement à vous en remercier. En tant que résident de la Colombie-Britannique, j'admire votre courage.
    Je ne vous poserai pas de questions. Vous avez exprimé très clairement vos opinions. Bien entendu, je lirai l'exposé et prendrai connaissance de certains des dossiers que vous y avez annexés ou dont vous avez parlé. Mais soyez rassurés. Lorsqu'il est question de criminalité et de sécurité publique, aucun parti ne cherche à se faire du capital politique. Nous avons nos divergences d'opinion et nous les défendons avec vigueur et sérieux, mais au bout du compte, nous sommes tous convaincus que nous devons en faire plus.
    Je ne peux qu'imaginer votre douleur, mais tous ceux et celles ici présents et dans cette Chambre sont convaincus, tout comme vous l'êtes, qu'il est nécessaire d'en faire davantage et de le faire mieux, et qu'il en va de l'intérêt de tous les Canadiens.
    Merci.
    Merci pour ces observations.
    Monsieur Ménard, c'est à votre tour.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je veux, moi aussi, vous dire combien je trouve courageuse votre démarche. On peut comprendre sans difficulté que des événements comme ceux que vous vivez représentent un drame dans la vie de quelqu'un. J'espère qu'aujourd'hui, vous trouverez trois sources de réconfort.
    Tout d'abord, je suis député depuis 1993 et je peux vous dire que par le passé, la Chambre a prouvé qu'il est assez facile de faire émerger des consensus lorsqu'il est question de lutte contre le crime organisé. Vous devez vous rappeler qu'un certain nombre de communautés, notamment Montréal, dont M. Petit a parlé il y a quelques instants, ont vécu un phénomène analogue à ce qui se vit présentement en Colombie-Britannique. Or, il faut faire des distinctions. À l'époque, c'étaient vraiment les Hells Angels contre les Rockers. Je crois savoir que dans votre cas, c'est moins cette réalité. On a assez rapidement convenu qu'il fallait créer une nouvelle infraction. On a donc créé, dans le Code criminel, l'infraction de gangstérisme, qui était libellée comme étant cinq personnes qui commettaient des infractions graves, donc punissables de plus de deux ans d'emprisonnement, pour enrichir une organisation matériellement ou financièrement. Les policiers nous ont expliqué qu'il n'était pas souhaitable de maintenir ce nombre à cinq, qu'on a alors porté à trois. Comme le crime organisé est un milieu qui évolue très rapidement, on a par la suite scindé cet article en trois pour faciliter les mises en accusation.
    En ce moment, nous cherchons tous à comprendre ce qui caractérise le crime organisé en 2008. Le crime organisé de 2008 est différent de celui de 1995. On est très sensibles à ce qui se vit en Colombie-Britannique, à ce point qu'il nous est tous apparu que, comme parlementaires, nous devions aller en Colombie-Britannique. Cela se fera en avril. On est à la recherche d'outils qui permettront de porter des accusations.
    Je vous ai entendu parler contre la magistrature. Je peux comprendre votre point de vue, mais en tout respect, je crois que là ne réside pas la solution. À mon avis, il faut que les policiers aient des outils pour porter des accusations et que par la suite, on se rende compte de leur caractère efficace.
    J'appuie le projet de loi en raison de l'infraction punissable de 25 ans d'emprisonnement. Quand on a atteint ce niveau de responsabilité dans le crime organisé, il faut ne pas être admissible à une libération conditionnelle avant longtemps. C'est ce qui permettra de démanteler des réseaux. J'estime cette mesure beaucoup plus efficace que des peines minimales ou d'autres types de mesures. Il faut donner plus d'outils aux policiers.
    Vous pouvez compter sur nous pour agir avec diligence et ne pas faire preuve de partisanerie. J'ai l'impression que les épreuves qui caractérisent votre vie personnelle en ce moment nous permettront de mener plus loin le combat dans lequel nous sommes tous engagés.
    Merci beaucoup de votre courage. Vous pouvez compter sur nous.
(1715)

[Traduction]

    Monsieur Comartin.
    Merci, monsieur le président.
    Pour emboîter le pas aux autres intervenants, j'aimerais vous remercier d'être ici. Je fais partie d'une grosse famille et j'ai moi-même des enfants. J'ose à peine imaginer à quel point il est difficile pour vous de composer avec la perte de vos proches.
    Permettez-moi de vous dire que ce comité n'a pas souvent l'occasion d'entendre des témoins comme vous. Je fais partie de ce comité depuis environ cinq ans et je peux vous confirmer que ce n'est pas dans nos habitudes. À l'occasion, nous avons des témoins comme vous et quand ça se produit, comme vient peut-être de le dire M. Ménard, ils nous inspirent à poursuivre nos efforts, à tenter de trouver des moyens adaptés à notre système de justice pénale, pour mettre un frein à la criminalité. Mais il n'est jamais facile de déterminer comment traiter ces crimes et criminels, comment fournir à nos policiers et à nos tribunaux les outils dont ils ont besoin pour prévenir les crimes et entreprendre les poursuites nécessaires... Notre système est loin d'être parfait.
    Monsieur Brown, vous avez soulevé des points qui se rapportent à des problèmes précis, et vous également, madame Mohan, en ce qui concerne la Colombie-Britannique. Je pense que nous devons nous attaquer à ces problèmes, que nous devons agir.
    Je pense que nous avons tous — du moins un représentant de chaque parti — rencontré le procureur général lorsqu'il s'est adressé à nous il y a une dizaine de jours, et il a certainement attiré notre attention sur ce qu'il nous faut faire au niveau fédéral. Nous tentons de répondre à ces besoins le plus rapidement possible. En retour, nous lui avons demandé de s'attaquer à des questions évidentes qui relèvent de sa compétence.
    Essentiellement, je veux vous dire que nous travaillons à ces dossiers. Votre présence ici et, j'en suis certain, en Colombie-Britannique, lorsque vous y avez rencontré le gouvernement, nous incite à poursuivre nos efforts avec tout autant d'ardeur. Je ne pense pas qu'on puisse un jour éradiquer la criminalité de notre société — je pense qu'elle existera toujours — mais en même temps, je suis convaincu que nous pouvons en faire beaucoup plus pour réduire le taux de criminalité, pour démanteler ces gangs et les réseaux plus étendus du crime organisé, et que nous devons y mettre beaucoup d'efforts. Votre présence parmi nous aujourd'hui nous inspirera à continuer d'y travailler, et je vous remercie une fois de plus.
    Merci, monsieur Comartin.
    Nous avons une question, je crois, ou quelques observations, de M. Warawa.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux remercier chacun d'entre vous d'être ici aujourd'hui et d'avoir exprimé votre douleur avec autant de courage. Vous nous avez mis au défi de rétablir la sécurité dans nos communautés. À mon avis, c'est une tâche que chaque membre de ce comité prend au sérieux. Vos témoignages et le défi que vous nous lancez nous motiveront à continuer d'agir en ce sens.
    J'ai rencontré M. Brown et Mme Mohan à mon bureau il y a un an environ. Tragiquement, les choses ont empiré au lieu de s'améliorer. Bon nombre des fusillades récentes se sont produites à Langley, dans le secteur de Walnut Grove. Ma réaction immédiate a été de sauter sur le téléphone pour prendre des nouvelles de ma famille.
    Des gens, des parents, m'ont dit qu'ils étaient en train de faire leurs courses au supermarché local, où ils ont vécu des choses que nous n'osons imaginer. Ils ont dû se planquer pour se protéger, avant de se retrouver à côté d'une voiture dont les vitres avaient volé en éclats et dans laquelle gisait un cadavre; partout autour, les gens prenaient leurs jambes à leur cou pour échapper aux coups de feu.
    J'ai parlé la semaine dernière aux parents de deux jeunes garçons agés de six et deux ans. Ces parents ont transmis les consignes d'usage à leur aîné : ne pas parler aux étrangers, quoi faire en situation d'urgence — par exemple, se rouler par terre — et toutes ces autres choses qu'on apprend à ses enfants. Ils ont maintenant appris à cet enfant quoi faire s'il entend des coups de feu. L'enfant de six ans doit se planquer, c'est-à-dire sortir à toute vitesse de son siège d'auto, descendre sur le plancher de la voiture, sortir son petit frère du siège qu'il occupe et l'amener près de lui sur le plancher. C'est ce que font les gens maintenant, et il faut faire quelque chose.
    Nous avons adopté la Loi sur la lutte contre les crimes violents, qui est entrée en vigueur en mai dernier. Dans cette nouvelle loi, une modification a été apportée afin de renverser le fardeau de la preuve pour les libérations sous caution. Monsieur Brown, vous avez soulevé trois points principaux: le crédit double pour la détention provisoire, les libérations sous caution dans les causes impliquant des infractions graves, et l'emprisonnement avec sursis. La Loi sur la lutte contre les crimes violents prévoit des dispositions qui s'appliquent à deux de ces éléments. L'emprisonnement avec sursis dans les causes impliquant des infractions graves sera interdit, et il y a renversement du fardeau de la preuve pour les libérations sous caution dans de telles causes.
    Je crois que vous étiez à un rassemblement récent à Surrey. Si ma mémoire est bonne, personne n'a été inculpé ni condamné dans votre dossier. Nous ne savons pas qui a commis ces meurtres, ni s'il s'agit d'une seule personne ou de plusieurs. On n'en sait rien. Quand nous mettons la main au collet de quelqu'un, la personne est inculpée, puis libérée sous caution. Comment est-ce possible? J'ai oeuvré dans le domaine de la prévention des pertes et j'ai eu à rédiger des rapports de décès pour l'ICBC, la société provinciale; je suis porté à m'interroger sur les causes. Qu'est-ce qui a causé cette situation, et quelles sont les solutions pour la prévenir, pour l'empêcher de se produire de nouveau?
    Vous avez tous, de manière très éloquente, étayé vos opinions sur certaines des choses à l'origine de la situation. Quelles seraient les solutions selon vous?
(1720)
    J'aurais quelque chose à dire.
    Pour ce qui est de la clause relative au renversement du fardeau de la preuve pour les libérations sous caution, que vous avez introduite l'année dernière, la plupart du temps, les procureurs de la Couronne ne l'invoquent même pas. Ils ne tentent même pas d'y avoir recours, car ils ont l'impression qu'elle n'est pas suffisamment solide. Et lorsqu'ils le font, les juges n'acceptent jamais l'argument de toute façon. C'est complètement inutile.
    Il y a de la frustration. Je pense que les juges qui voudraient l'appliquer ressentent de la frustration, car quel que soit le libellé, quels que soient les mots employés... Je sais que le solliciteur général de la Colombie-Britannique a dit qu'il voudrait que la clause relative au reversement du fardeau de la preuve, qui s'applique aux infractions liées aux armes à feu et aux gangs de rue, puisse viser un plus grand nombre d'infractions. Je peux vous dire que j'ai parlé peu avant mon départ avec un inspecteur de police à Vancouver, qui a dit que la plupart du temps, les procureurs ne tentent même pas d'appliquer cette clause. Ils ne pensent pas qu'ils réussiraient par-là à convaincre un juge.
    Je ne connais pas la solution.
    Quelqu'un d'autre pourrait-il proposer une solution?
    Il nous faut des juges capables de comprendre la violence liée aux armes à feu, aux gangs de rue et au trafic de stupéfiants. Ce n'est que lorsque les tribunaux se décideront à appliquer à ces gens un traitement proportionnel à la terreur qu'ils ont semée dans nos quartiers, dans nos familles... Ils ont du mépris pour le public, ne respectent la vie de personne, et c'est le devoir des juges de mettre ces gens derrière les barreaux. J'en suis tout à fait convaincue. Ces gens doivent faire leur travail sérieusement, ce qui n'est pas le cas. Alors, à moins de trouver un moyen de nous assurer que chacun des juges fait vraiment son devoir, et à moins de pouvoir compter sur un plus grand nombre de juges qui comprennent ce qui se passe dans notre société et les causes qui leur sont présentées, ce problème ne sera jamais résolu. Nous avons besoin de l'engagement des juges.
    Nous pouvons mettre toutes sortes de mesures en place, mais si une affaire se retrouve devant les tribunaux et que le juge ne comprend pas le danger réel qui existe, alors tout cela est vain.
    Je remercie les trois témoins.
    Si peu de questions vous ont été posées, c'est probablement parce que votre témoignage a réellement fait une forte impression et qu'il était fort convaincant. La plupart d'entre nous ne pourrons jamais comprendre ce par quoi vous êtes passé et ce que signifie le deuil que vous avez vécu. Encore une fois, je vous remercie beaucoup. Je ne peux que vous encourager à poursuivre votre lutte. J'espère que notre gouvernement réagira de façon positive et qu'il comblera les lacunes évidentes en ce qui concerne les crimes violents et les crimes liés aux stupéfiants, aux armes à feu et au crime organisé.
    Merci beaucoup.
(1725)
    Merci beaucoup.
    Nous prendrons seulement une courte pause pendant que l'on réorganise la salle, et ensuite nous nous pencherons sur certains éléments dont nous discuterons à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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