:
Je rappelle à tous qu'il ne nous manque plus qu'un membre du comité maintenant. J'ai l'impression qu'il est peut-être en train d'être interviewé par les journalistes.
Allons-y, dans ce cas. Si je ne m'abuse, il a un remplaçant. Donc, tout va bien.
Attaquons-nous donc à notre ordre du jour qui, comme vous le savez, est très chargé. Nous avons beaucoup de travail à faire aujourd'hui. Je vous rappelle également que la sonnerie d'appel se fera entendre dès 17 h 15. Si je ne m'abuse, le vote a lieu à 17 h 30, si bien que nous devrons gérer efficacement notre temps.
Pour la gouverne de tous, je précise que les questions que nous examinons aujourd'hui sont les suivantes: l'étude article par article du projet de loi C-232, deux témoins additionnels au sujet du projet de loi C-36; la motion de M. Moore concernant l'étude article par article du projet de loi C-36; et l'étude article par article du projet de loi C-36. Je voudrais également informer les membres du comité du désir de M. Comartin de faire comparaître un autre témoin le 16 novembre, soit M. Rick Sauvé. De plus, je crois savoir que M. Moore voudrait que l'on examine sa motion au sujet du projet de loi C-36 au début, plutôt qu'à la fin, de cette réunion. J'ai donc besoin de connaître la volonté des membres relativement à ces deux demandes. Si, au terme de notre examen de la motion, cette dernière est adoptée, cela réglera d'office la demande de M. Comartin de faire comparaître un autre témoin. Je dois donc connaître la volonté des membres du comité.
Vous avez la parole, monsieur Lemay.
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Je vais être très bref; il me faut quelques minutes seulement.
[Français]
Premièrement, j'aimerais remercier le comité de s'être penché sur le projet de loi C-232, qui est d'une grande importance pour notre pays. Comme vous le savez, on a deux langues officielles au Canada: le français et l'anglais.
Parmi ceux qui ont témoigné, l'honorable juge Major, qui est à la retraite, s'est dit opposé au projet de loi C-232. J'étais ici quand il a témoigné et je l'ai écouté avec grand intérêt. Il a dit qu'en tant que juge à la Cour suprême, il avait utilisé le système de traduction et en avait été très satisfait. Selon lui, ce système était impeccable.
Comment, à votre avis, une personne qui parle une seule langue peut-elle savoir que la traduction est impeccable? Si je ne parle pas l'italien et que quelqu'un traduit mes propos dans cette langue, je ne pourrai pas dire s'il fait du bon travail. Je ne saurai pas ce qu'il dit. Je veux bien croire que le juge Major était satisfait, mais il reste qu'il ne pouvait pas savoir si la traduction était bonne ou non.
Malgré tout le respect que je dois à nos traducteurs, qui font un travail extraordinaire, je peux vous dire qu'à à la Chambre des communes, il y a des moments où ils n'arrivent pas à me suivre. Il faut alors corriger les « bleus ». Dans le cas d'un juge, il n'y a pas de « bleus » qu'on puisse corriger.
Monsieur le président, quelqu'un a dit — et le député M. Petit va peut-être en venir à cela — qu'il ne fallait pas empêcher les députés unilingues d'accéder à la Cour suprême. Au Québec, on parle de 14 000 avocats. Or le projet de loi est clair: il faut que lors de sa nomination, le juge soit déjà bilingue, donc qu'il soit capable de servir les Canadiens et les Canadiennes dans les deux langues officielles de notre pays. On n'aura plus à se demander si le service sera en anglais, en français ou dans les deux langues. L'exemple doit venir d'en haut et aller vers le bas.
Je vous invite à revoir le témoignage du général de la Défense nationale qui a comparu hier. Il a dit qu'il fallait régler le problème du bilinguisme relativement à la prestation de services et que ça devait d'abord venir d'en haut. C'est exactement ce qu'il a dit devant le comité. J'ai suggéré qu'on dise à la Cour suprême de faire la même chose.
Je vous laisse ça entre les mains. Vous aurez une sage décision à prendre.
Je vous remercie du travail que vous avez accompli dans le cadre du projet de loi C-232. Je pense que ce dernier va marquer l'histoire de notre pays pour ce qui est du respect des deux langues officielles.
:
La plupart d'entre nous sommes certainement bilingues et pouvons nous exprimer assez facilement dans la langue de Shakespeare ou dans la langue de Molière, selon notre langue de base. Cependant, lorsqu'un avocat sera nommé juge, il devra, sans interprète, comprendre toutes les subtilités juridiques dans la langue de celui qui s'exprime devant lui. Qu'en sera-t-il lorsqu'il sera question du Code civil, de certaines lois criminelles ou sur la faillite, sur l'intérêt, etc.? Le vocabulaire juridique est spécialisé et difficile. Même dans ma propre langue, en français, j'ai parfois de la difficulté. Même dans ma langue maternelle, j'ai des désaccords avec un avocat francophone qui plaide en même temps que moi. Je ne parle pas du niveau général où je peux m'exprimer avec l'autre partie; je parle du domaine juridique.
Les langues officielles sont primordiales dans notre pays, mais si on met les mots « sans interprète », cela voudra dire... Il y a environ 22 000 avocats inscrits au Barreau du Québec, dont plusieurs plaident à l'extérieur du centre de Montréal, que ce soit à Québec, au Saguenay—Lac-Saint-Jean ou en Abitibi. La possibilité de plaider une cause en anglais est quasiment nulle. M. Ménard a réussi à gagner toutes ses causes, mais il a toujours plaidé en français. Il pourrait s'exprimer en anglais, mais il n'aurait pas la même habileté sans un interprète parce qu'il n'a pas eu l'occasion de plaider une cause en anglais.
Je viens de la ville de Québec, la deuxième ville en importance du Québec. Les avocats au Québec plaident en français 99 p. 100 du temps. Pendant 30 ans, j'ai plaidé en français. Je peux m'exprimer en anglais avec vous, avec Mme Jennings et avec mes autres collègues, mais supposons que j'aie le désir ou l'occasion d'être nommé à la Cour suprême parce que j'ai gagné toutes mes causes et que je suis un bon avocat. Je ne pourrais pas l'être parce que sans interprète, en matière juridique, surtout dans des causes extrêmement pointues, j'aurais de la difficulté et j'aurais besoin d'un interprète.
C'est pour cela que le mot « interprète » devient extrêmement important. Je pense que la plupart des juges de la Cour suprême sont bilingues fonctionnels. Si on exige cela de la Cour suprême, on ira vers le bas et on va l'exiger de tous les tribunaux, quels qu'ils soient, du moins dans la province de Québec. Il y a des avocats qui sont bilingues et qui peuvent plaider dans l'autre langue, mais ils ont besoin d'un interprète. Or, ils ne pourront plus le faire parce qu'on va véritablement instaurer une directive très importante.
Quand nous travaillons dans le domaine juridique, les mots deviennent importants. Les juges qui sont nommés actuellement doivent d'abord être compétents en matière juridique, qui est un domaine extrêmement pointu; c'est tout à leur honneur. Les avocats du Québec plaidant uniquement en français ne pourront pas être choisis; ce faisant, ils subiront de la discrimination. Mais on fait peut-être la même chose dans d'autres provinces. Il y a des avocats qui ne plaident qu'en anglais et qui ne plaident pas en français. Il y aura alors une grande difficulté. C'est là-dessus que je voudrais attirer l'attention du comité.
À mon avis, le danger est que nous excluions les jeunes avocats qui, comme moi, ont passé par l'Université Laval et subi la loi 101. Je n'ai jamais eu de client anglophone. Même si je suis le meilleur avocat à jamais avoir plaidé, je ne pourrai pas être nommé parce que je ne peux pas travailler sans interprète, du moins pas à la Cour suprême.
C'est pourquoi on devra dire aux jeunes avocats qu'on les exclut. Sans interprète, en matière juridique, c'est très difficile. Je voudrais dire au comité de faire bien attention au fait qu'on rajoute un mot. J'appuie les langues officielles, je suis membre du Comité permanent des langues officielles, je fais partie de ce gouvernement qui a beaucoup donné aux langues officielles, je les appuie, absolument, mais je ne veux pas créer de discrimination, par ailleurs.
À mon avis, il y a de la discrimination envers les avocats, du moins envers une grande partie des avocats au Québec, quand on leur dit que c'est dommage, mais qu'ils ne pourront pas aller à la Cour suprême parce qu'ils doivent être capables de travailler sans interprète. Comment allons-nous les évaluer, sans interprète? Je ne le sais pas. Allons-nous les évaluer avec une grille? Je ne le sais pas non plus.
Je pense que l'intention de ce projet de loi est bonne, mais qu'il est dangereux. Voilà ce que je voulais vous dire, monsieur le président, et je demande aux députés du comité de l'examiner deux fois plutôt qu'une, y compris pour leur province, parce que cela peut être dangereux pour toutes les provinces.
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Merci, monsieur le président.
Chers collègues, l'article 1 de ce projet de loi suscite chez moi les mêmes inquiétudes et je compte voter contre. J'ai l'impression que mes préoccupations sont semblables à celles de mon ami, M. Petit. Je représente l'Alberta, comme vous le savez tous — en tout cas, comme diraient certains.
Des voix: Oh, oh!
M. Brent Rathgeber: Disons que je représente l'Alberta au sein du comité.
Le fait est qu'il existe très peu d'avocats bilingues et encore moins de juristes bilingues. Quand le directeur exécutif de la Fédération des associations de juristes d'expression française de common law, M. Remillard, a comparu le 15 juin, il m'a dit que 37 membres de son association sont de l'Alberta. Dans une province où plus de 7 000 avocats sont en exercice, ce nombre représente moins d'un demi pour cent des avocats en exercice qui sont membres de son association. Je sais qu'un avocat bilingue n'est pas obligé d'être membre de la Fédération, mais il reste que nous parlons d'un infime pourcentage de la population de juristes.
Je vous rappelle les propos de M. le juge John Major qui est à la retraite:
Dans la pratique, il sera extrêmement difficile de trouver des juges en Colombie-Britannique ou en Alberta qui auront eu l'occasion de devenir bilingues.
C'est une observation très sage, monsieur le président. Ici au Parlement du Canada, nous profitons de la générosité de ce dernier qui nous offre de devenir bilingue en travaillant directement avec un professeur particulier. J'ai essayé de me prévaloir de cette possibilité. Mais il est difficile d'apprendre une deuxième langue lorsqu'on est adulte, comme vous le savez tous certainement. En même temps, notre temps est limité, surtout nous qui devons nous déplacer sur de longues distances entre nos circonscriptions électorales et Ottawa. À mon avis, il est difficile d'apprendre une deuxième langue lorsqu'on est dans la quarantaine.
La Cour suprême du Canada est l'organe juridictionnel le plus élevé du pays. Je respecte M. Godin et je pense que son projet de loi repose sur de bonnes intentions. Mais, selon moi, cette mesure ne tient pas compte du fait que, même si le Canada est un pays bilingue, toutes les régions du pays ne sont pas bilingues. Je fais allusion plus précisément à la Colombie-Britannique, à la Saskatchewan et à ma province, soit l'Alberta. Il sera donc difficile — non pas impossible, mais difficile — de trouver un juriste compétent et expérimenté qui remplit les exigences du projet de loi en matière de bilinguisme. Ce serait tout à fait regrettable, à mon avis, qu'une région du Canada ne soit pas représentée au sein de l'instance judiciaire suprême du pays.
Le Parlement est tout aussi important — peut-être même plus important, mais au moins aussi important — que la Cour suprême du Canada. Mais, heureusement, on n'exige pas que les parlementaires soient bilingues. Les parlementaires ont le droit de s'exprimer dans l'une ou l'autre des langues officielles. En comité, à la Chambre et au Sénat, nous avons recours aux services de traduction. Je suis prêt à concéder, monsieur Godin, que ces services de traduction sont imparfaits de temps à autre, mais ils sont fonctionnels. Si ce système peut fonctionner au Parlement du Canada, il peut certainement fonctionner à la Cour suprême du Canada — d'autant plus que des mémoires écrits sont déposés devant la Cour suprême. Je comprends que la traduction soit difficile en temps réel. Mais lorsqu'un traducteur a le temps de réfléchir, comme on peut le faire lorsqu'on traduit un document écrit, la traduction peut être quasi parfaite, sinon parfaite, lorsqu'il s'agit de traduire des documents écrits tels que les mémoires et le procès-verbal des délibérations de tribunaux inférieurs, qui doivent immanquablement être déposé devant la Cour suprême. Quoi qu'il en soit, si une personne unilingue peut être député ou sénateur, je ne vois pas pourquoi on devrait exiger davantage de la part des juges de la Cour suprême, et je ne puis accepter cette motion.
Selon moi, il ne faut pas sacrifier la compétence sur le thème de la maîtrise des langues, et je crains que ce soit justement cela qui se produise — ou alors, certaines régions, comme celle que je représente, seraient tout simplement exclues de la Cour suprême.
Si je peux me permettre une petite boutade, je trouve ironique que moi, avocat unilingue, je ne sois pas admissible à un poste de juge à la Cour suprême, alors qu'il y a tant d'autres raisons de ne pas vouloir me donner un emploi.
Des voix: Oh, oh!
M. Brent Rathgeber: Voilà les quelques observations que je voulais faire, monsieur le président. Je compte voter en fonction de ce que je viens de vous dire.
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Je ne veux pas m'éterniser, mais je dois absolument répondre à M. Petit et défaire ses arguments un par un.
Je possède 30 ans de carrière juridique et j'ai plaidé devant toutes les instances, même jusqu'à la Cour suprême. Je peux vous affirmer que si vous plaidiez devant la Cour suprême, que vous parliez en français rapidement et que vous aviez un échange, par exemple avec l'honorable juge LeBel, la très honorable juge Beverley McLachlin serait obligée d'intervenir pour vous demander de ralentir parce que l'interprète ne pourrait suivre. Je respecte cela au plus haut point.
Je pourrais donner des dizaines d'exemples à Me Petit et à mes collègues d'en face. Il n'y a pas un avocat ou aucune avocate, nulle part au Canada, qui sait, le jour où elle ou il est assermenté, qu'il ou elle va un jour devenir juge à la Cour suprême. C'est impossible. Si quelqu'un me dit qu'un jour, il va être nommé à la Cour suprême, ici autour de cette table ou ailleurs, c'est que c'est un menteur. En fait, la Cour suprême représente le summum d'une carrière juridique. On est appelé à la Cour suprême. Je vais donc faire un parallèle: c'est comme être élu pape. Très peu de personnes peuvent même penser, un jour, être appelées à siéger à la Cour suprême.
Cependant, avec tout le respect que je dois à Me Petit, je ne connais aucun juge au Québec qui ne soit pas capable d'entendre un procès en anglais et en français. Je le sais parce que, comme bâtonnier de ma région, j'ai siégé à des comités de candidatures de juges. Dès la Cour du Québec et la Chambre de la jeunesse, on demande à nos candidats et candidates juges si elles et ils sont capables de parler et de comprendre l'anglais.
Je suis donc un peu étonné d'apprendre aujourd'hui que des juges à la Cour suprême ne pourraient pas, sans l'aide d'interprètes, suivre un débat. Selon moi, c'est un projet de loi extrêmement bien fait, qui aura des répercussions, et j'en conviens. Il y a une nomination à la Cour suprême tous les cinq ou dix ans. Ceux qui aspirent à être nommés juge à la Cour suprême maintenant doivent déjà s'y préparer. La preuve a été donnée lors de la dernière nomination. Personne, au Québec ou ailleurs, n'a dit que le juge qui vient d'être nommé, dont le nom vient juste de m'échapper, comprend le français. Il peut suivre une conversation, un échange, mais il nous apparaît — et je le dis au nom du Québec — essentiel que l'exemple vienne de haut et que l'on puisse, à la Cour suprême, plaider dans les deux langues. Les échanges vont se faire beaucoup mieux ainsi.
Avec tout le respect que j'ai pour l'honorable juge Major — et Dieu sait, ayant plaidé devant lui, que j'ai beaucoup de respect pour lui —, il y a une chose qu'il ne nous a pas dite, et c'est que les délibérés où les juges de la Cour suprême se rencontrent — ils sont neuf ou sept, dépendamment du banc devant lequel on plaide —, toutes ces délibérations, se déroulent à 92 p. 100 en anglais, parce que la majorité des causes présentées devant la Cour suprême viennent, bien évidemment, du Canada anglais. Je le dis avec respect.
Il n'y a pas de problème, je pense, à voter en faveur de ce projet de loi, et on va donner un bon exemple. Les candidats et candidates qui pensent un jour aspirer à la Cour suprême ont 5, 10, 15 ans pour se préparer, actuellement. Si le projet de loi est adopté, ils auront donc 15 ans pour se préparer.
J'entendais la juge Beverley McLachlin. Elle est une anglophone qui est venue en immersion au Québec, au Lac-Saint-Jean. Je l'aurais invitée chez nous pour suivre une conversation en français. Elle pourrait parfaitement le faire, et huit des neuf juges pourraient le faire parfaitement.
À mon avis, c'est un faux débat, c'est un faux problème et il faut donner un signal clair. C'est pour cela que je vous invite à voter en faveur de ce projet de loi.
Il me semble que certains s'imaginent qu'on est en train de priver d'un droit de représentation à la Cour suprême du Canada des juristes de certaines provinces, ou les provinces elles-mêmes.
Il convient donc de préciser que la composition de la Cour suprême du Canada est entièrement une exercice discrétionnaire et politique. Il n'existe aucune loi, ni même une règle ayant la valeur d'une convention, prévoyant que les juges nommés à la Cour représentent certaines régions du pays, à part le Québec. C'est ce qui se fait dans la pratique.
D'aucuns réagissent avec consternation parfois lorsqu'un juge de telle province n'est pas choisi alors que ce serait normalement le tour de cette dernière. Mais même si les provinces et territoires avaient le droit de s'attendre à être représentés à la Cour suprême, nous parlons en réalité du conflit entre une aspiration provinciale ou personnelle et un droit individuel. Pour moi, il n'y a rien de plus important que le droit d'une personne de savoir que ses arguments seront entendus et bien compris devant l'instance judiciaire suprême du pays.
Je comprends également — et M. Petit a clairement expliqué cet élément — que le système actuel n'est pas parfait et exclut donc d'office un certain nombre de candidats qualifiés, même pour une nomination à la Cour suprême. Mais M. Lemay fait valoir un bon argument, à savoir qu'il est possible d'apprendre l'autre langue au cours de sa carrière de juriste. Parlons justement des neuf plus grands juges ou juristes du pays. On peut tout de même supposer qu'ils ont la capacité au moins de comprendre l'autre langue. Un juge de la Cour suprême n'a pas besoin de savoir parler l'autre langue, mais plutôt de la comprendre — c'est-à-dire d'être en mesure de lire et de comprendre l'autre langue.
Enfin, je voudrais dire que la solution — et j'en ai discuté avec M. Petit, M. Moore, le ministre de la Justice, notre propre porte-parole, M. LeBlanc, ainsi que M. Godin — est celle-ci — et je vous propose d'en prendre acte. L'instance présidée par les lords juristes d'Angleterre vient d'être éliminée et remplacée par la Cour suprême du Royaume-Uni qui compte 12 juges. Il existe un mythe au Canada, selon lequel nous ne devons avoir que neuf juges, étant donné que la Cour suprême des États-Unis ne comptent que neuf juges, et que les juges doivent toujours siéger ensemble pour trancher toutes les questions qui leur sont soumises. Or vous savez tous pertinemment que dans les cours d'appel du Canada, qui fonctionnent assez bien, il existe beaucoup plus de juges que les trois ou les cinq juges, selon la question à trancher, qui siègent ensemble pour entendre une affaire. D'ailleurs, ce système donne d'assez bons résultats. Je suis donc d'avis que le gouvernement devrait envisager de retenir cette même formule et j'en fais la recommandation à M. Moore qui, en sa qualité de secrétaire parlementaire, est le représentant le plus haut placé du gouvernement au sein de ce comité.
C'était donc mon dernier point.
[Français]
Je voudrais féliciter, bien sûr, M. Godin pour son projet de loi. Nous sommes très fiers, Dominic et moi, de faire partie de votre famille, la famille des Néo-Brunswickois qui luttent pour l'égalité linguistique dans ce pays. Nous sommes ensemble dans cette bataille, bien que ce soit différent sur le plan politique. Quoi qu'il en soit, félicitations.
Merci.
:
Je n'ai que deux ou trois points à soulever. Je n'en ai donc pas pour très longtemps.
À mon avis, les observations qui ont été faites — notamment par les députés d'en face — mettent surtout l'accent sur les intérêts tant du barreau que de la magistrature. Or notre rôle, à titre de parlementaires, consiste à adopter des lois qui sont dans l'intérêt de nos collectivités et des citoyens de ce pays. C'est à ces derniers qu'il faut toujours donner la priorité absolue. Il me semble que chaque Canadien a le droit de s'attendre, si une affaire le concernant finit devant la Cour suprême, à ce que cette affaire soit entendue par des juges qui comprennent tout ce qui est dit.
Il a été question d'Italie. J'étais justement en Italie ce printemps. À mon avis, nos interprètes sont parmi les meilleurs du monde, car j'ai eu l'occasion d'avoir recours aux services d'interprétation dans d'autres régions du monde. Il reste qu'il leur arrive de faire des erreurs. Ils interprètent mal ce qui a été dit.
Lors d'une séance en particulier, nous recevions comme témoin un professeur d'université qui était plus que bavard. À un moment donné, il a parlé pendant une minute ou une minute et demie — je l'ai chronométré — alors que l'interprétation de ses propos a consisté en six ou sept mots seulement.
Donc, cela arrive de temps en temps. On ne peut pas garantir à nos citoyens que l'interprétation sera toujours parfaite.
L'autre point que je voulais soulever, monsieur le président — et cette observation s'adresse surtout à M. Rathgeber — concerne les quatre dernières nominations à la Cour suprême. Je crois avoir déjà fait valoir cet élément, mais je tiens à le répéter, car on dirait que M. Rathgeber ne m'a pas entendu la dernière fois que j'ai dit cela. Aucun des juges en question n'était du Québec. À l'heure actuelle, la Cour est composée d'un juge des provinces maritimes, de trois juges du Québec, de trois juges de l'Ontario, et de deux juges représentant l'Ouest et les territoires.
Donc, j'étais présent lors de la comparution des quatre personnes les plus récemment nommées à la Cour, et il se trouve qu'elles sont originaires des trois autres régions, et non du Québec. Dans chacun des cas, il y avait amplement de candidats qualifiés qui maîtrisaient les deux langues officielles. Et, je dis bien qu'ils maîtrisaient les deux langues officielles; tous ceux qui étaient déjà juges — ils ne l'étaient pas tous — au sein de tribunaux inférieurs dirigeaient déjà des procès.
Ce groupe comprenait des candidats de votre province, monsieur Rathgeber.
Donc, la disponibilité de candidats qualifiés ne pose pas problème. Une telle crainte n'est pas justifiée, parce qu'il y a des candidats.
Je voudrais conclure en rappelant l'argument de M. Lemay au sujet du leadership qu'exercera le Parlement s'il accepte d'adopter ce projet de loi. D'ailleurs, je voudrais vous citer l'exemple de l'école de droit que j'ai fréquentée. À l'heure actuelle, il y est question d'enseigner un certain nombre de cours en français. Il ne s'agit pas du tout d'une école de droit bilingue pour le moment, mais cette possibilité est actuellement à l'étude.
Donc, si ce projet de loi est adopté et entre en vigueur, à titre de modification en bonne et due forme à la loi actuelle régissant la Cour suprême, ce genre de choses deviendra de plus en plus fréquent. Ainsi nous pourrons préparer de plus en plus d'avocats à apprendre les deux langues et donc à les parler devant nos tribunaux.
Merci, monsieur le président.
En tant qu'avocate dont la langue maternelle était le français et qui a été anglicisée, pour ainsi dire, par l'entremise des commissions scolaires confessionnelles du Québec, et ayant présidé diverses enquêtes publiques dans toute la province de Québec — je dirais que j'en ai présidé entre 30 et 50 et que j'ai participé à un nombre au moins égal d'enquêtes en tant que membre de la Commission de police du Québec — je peux vous affirmer que les collègues avec qui j'ai siégé qui n'étaient pas en mesure de comprendre les personnes qui témoignaient en anglais ou encore les arguments des avocats qui les interrogeaient ou les contre-interrogeaient sans avoir recours au service d'interprétation — et ce service était excellent — étaient très envieux. Voilà le premier élément.
Deuxièmement, je voudrais répéter ce que vient de dire M. Comartin, avec qui je suis d'accord: notre priorité doit être les citoyens de ce pays. Les citoyens ont le droit de s'attendre à ce que leur affaire et les documents y afférents soient compris dans la langue officielle dans laquelle ils ont été soumis, et que quiconque est appelé à entendre l'affaire n'ait pas à passer par le filtre de la traduction pour comprendre les documents en question dans la langue originale.
Enfin, je voudrais dire que si nous croyons vraiment au bilinguisme, si nous croyons à l'importance des langues officielles du Canada, il ne saurait y avoir de meilleur symbole pour l'ensemble de nos citoyens — ceux qui sont déjà en vie sur cette terre et ceux qui vont l'être à l'avenir — qui aspirent à une carrière d'avocat ou éventuellement de juge au sein de l'instance judiciaire suprême du pays, que de les encourager et d'encourager leurs parents à les inciter à apprendre les deux langues officielles et à maîtriser suffisamment la langue qui n'est pas leur langue maternelle pour être en mesure de présider un procès sans passer par la traduction.
J'appuie donc vivement le projet de loi d'initiative parlementaire déposé par M. Godin. Je compte voter en faveur de ce dernier et j'encourage tous mes collègues à faire de même.
Je vous remercie.
:
Excusez-moi d'avoir changé d'avis.
[Français]
Monsieur le président, en réponse au point soulevé par M. Godin, je ne parle pas très bien français, c'est évident, mais je crois avoir très bien compris tout ce qui a été dit en français aujourd'hui et tout ce qu'a dit M. Godin, avec l'aide de la traduction.
[Traduction]
Deuxièmement, je suis un peu embarrassé de constater que, alors que nous examinons un projet de loi de cette nature, personne n'ait parlé du rôle primordial de la Cour suprême du Canada, qui est un rôle unificateur. La Cour suprême du Canada est un organe national qui a pour mission de s'assurer que les lois sont appliquées de façon uniforme dans l'ensemble du Canada. Dans ce sens-là, son rôle est tout à fait différent de celui des cours d'appel provinciales. En ce qui me concerne, le rôle unificateur de la Cour suprême du Canada est à ce point important qu'il convient de vous faire remarquer que cette dernière ne sera pas en mesure de jouer efficacement son rôle si on empêche de grands segments de la population d'être admissibles à un tel poste pour des raisons de simples compétences linguistiques.
Je suis fermement convaincu que le noeud de la question n'est pas seulement celui des droits des justiciables, qui seraient bien servis par neuf juges ayant divers degrés de compétence dans l'une ou l'autre langue et qui, ensemble, seront à même de rendre justice à tous les justiciables; donc, selon moi, il ne faut pas négliger la question fondamentale de savoir si cette cour doit être inclusive.
Je vous remercie.
[Français]
Bonjour. Je regrette, mais je ne suis pas bilingue. Il me faut présenter mes idées et donner mes réponses en anglais seulement.
[Traduction]
Si je me présente devant vous aujourd'hui, c'est parce que ce projet de loi m'inquiète beaucoup. Il aura pour effet que notre régime de détermination de la peine — mis à part celui des pays qui continuent à exécuter les condamnés — deviendra l'un des plus sévère du monde, et certainement du monde occidental. Ayant lu le compte rendu des témoignages, notamment celui du ministre et des personnes qui sont favorables au projet de loi, je dois dire que, en ce qui me concerne, rien ne permet de conclure que ces modifications sont justifiées.
J'entends constamment des remarques du genre: « C'est ce que veulent les Canadiens. » J'entends aussi toutes sortes de remarques au sujet des victimes. J'ai le plus grand respect et la plus grande sympathie pour les victimes — j'y reviendrai dans une seconde — mais je ne pense pas que ce soit vrai de dire que c'est ce que veulent les Canadiens. Une affirmation répétée à n'en plus finir ne devient pas pour autant une affirmation factuelle.
À mon avis, si nous examinons l'historique du droit criminel du Canada, celui des peines infligées pour meurtre et les mesures prises par le Parlement en 1975-1976 et en 1997, de même que l'action de ce comité en 1975-1976, on doit en conclure que les Canadiens respectent la vitalité de l'esprit humain. On ne peut pas en dire autant pour ce projet de loi. Ce dernier souhaite transformer les pénitenciers en dépôts d'épaves humaines.
J'ai étudié la formule de la révision judiciaire après 15 ans. J'ai également écrit à ce sujet. J'ai été conseiller juridique dans deux affaires et j'ai aussi dispensé des conseils à de nombreux avocats à ce sujet; je suis donc en mesure de répondre éventuellement à des questions au sujet de la façon dont se déroule cette procédure.
Comme vous avez reçu énormément de données, je ne vais pas vous en donner encore beaucoup. J'ai préparé un texte; je n'ai eu que quelques jours de préavis au sujet de cette réunion. J'espère qu'il a été traduit. Je n'en suis pas sûr, mais vous devez l'avoir reçu.
Voici donc l'élément critique: la procédure en question a été créée par ce comité par suite d'une motion déposé par un député du nom de Stuart Leggatt au printemps de 1976. L'origine de la proposition relative à la révision judiciaire après 15 ans est la suivante: le solliciteur général — Warren Allmand à l'époque — a demandé à son personnel de faire des études au sujet de l'expérience du Canada et d'autres pays en ce qui concerne la libération de meurtriers. Les données recueillies laissaient entendre que la période minimale d'inadmissibilité à la libération conditionnelle la plus appropriée se situerait entre 10 et 15 ans.
Bien entendu, si la peine capitale était abolie, on infligerait obligatoirement une peine d'emprisonnement à perpétuité. Là nous parlons exclusivement de l'admissibilité à la libération conditionnelle. L'Association canadienne des chefs de police était favorable au maintien de cette mesure et estimait que, si la peine capitale devait être abolie, la période minimale d'inadmissibilité devrait être de 25 ans. Ce sont les collaborateurs de Warren Allmand qui ont eu l'idée de maintenir une peine de 25 ans tout en créant la possibilité de révision après 15 ans. Ils étaient d'avis que cette décision devait être rendue par trois juges.
C'est au sein de ce même comité que Stuart Leggatt a dit ceci: « J'exerçais le droit et, pour ma part, je fais confiance aux jurys ». Le comité a donc modifié le projet de loi pour conférer le pouvoir décisionnel aux jurys. Les jurés sont des Canadiens, et si vous examinez les statistiques dans chaque province, même si d'aucuns affirment que 83 p. 100 des détenus réussissent à faire accepter leur demande, ce chiffre est inexact et trompeur car, en réalité, moins de 19 p. 100 des détenus admissibles présentent une demande. Il existe un processus d'autosélection.
Voilà quelques années que je ne fais plus cela — et je le regrette — mais autrefois je visitais les divers pénitenciers autour de Kingston pour expliquer cette disposition aux détenus condamnés à l'emprisonnement à perpétuité. Après mon exposé, je restais toujours pour parler aux détenus de leur situation individuelle. Le fait est qu'il existe un processus d'autosélection. Certains d'entre eux préfèrent la discrétion. Ils veulent éviter la médiatisation de leur cas. D'autres ont déjà constaté les nombreuses difficultés qui entourent tout ce processus; et il y en a d'autres encore qui craignent que le rejet d'une demande de révision leur porte préjudice dans le cadre d'une future audience de libération conditionnelle. Il y a aussi un certain nombre de détenus qui savent très bien qu'ils n'ont pas fait énormément de progrès et que leur situation est grave. Voilà pourquoi moins de 19 p. 100 des détenus présentent une demande de révision judiciaire.
En fin de compte, d'après mes propres calculs, seulement 15,2 p. 100 des détenus admissibles bénéficient d'un certain allégement. Et quand je dis un « certain allégement », je veux dire qu'ils ne deviennent pas admissibles immédiatement. Quelques-uns le sont, mais je sais aussi que d'autres ne deviennent admissibles qu'après avoir purgé une peine de 17, 18 ou 19 ans. C'est le jury qui détermine de combien la peine devrait être réduite.
En 1997, les dispositions ont été modifiées de façon à exiger que la décision du jury de réduire la peine soit unanime, mais on laisse le soin à huit personnes sur 12 de déterminer le nombre d'années de réduction. Il peut s'agir d'exiger que le détenu ait purgé une peine de 19 ou 20 ans. Elles peuvent fixer la période qui leur semble la plus appropriée.
Mais voici mon argument essentiel: y a-t-il quelque chose qui justifie cette mesure extrêmement sévère? Mme Jennings n'est pas là, mais en lisant le compte rendu de la réunion du 19 octobre, j'ai remarqué qu'elle a discuté de la question de la constitutionnalité avec le ministre. À ce moment-là, ils ne parlaient que de la rétroactivité, et sur ce point le ministre avait raison. Il ne l'a pas cité, mais l'arrêt pertinent est celui de la Reine c. Gamble. Au Canada, la peine, de même que l'admissibilité à la libération conditionnelle, sont déterminées en fonction de l'état du droit au moment où l'infraction a été commise. Mais le véritable enjeu n'est pas celui-là, mais plutôt celui de la constitutionnalité d'un régime de détermination de la peine qui prévoit une peine d'emprisonnement minimale de 25 ans pour meurtre.
À la page 3 de mon mémoire, vous verrez qu'en 1990, lorsque la Cour suprême a constitutionnalisé la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans dans l'affaire Luxton, elle l'a fait en tenant compte, parmi les facteurs qui ont influencé sa décision, la possibilité de demander une révision judiciaire après 15 ans. Mais, si vous enlevez cette possibilité, la question constitutionnelle revient sur le tapis. De plus, dans l'affaire en question, aucune preuve n'était disponible au sujet des effets néfastes d'une longue période d'emprisonnement, soit en général, soit sur certaines personnes ou groupes de personnes. La prochaine fois, cette preuve sera certainement disponible.
Donc, ce projet de loi est vulnérable sur le plan constitutionnel, malgré le fait que le ministre l'a nié devant vous en vous disant: « Non, non, non ». Je ne sais pas s'il a même réfléchi à la question. Le compte rendu de la réunion ne permet certainement pas de tirer une telle conclusion.
Je voudrais maintenant aborder brièvement la question des victimes.
Je comprends que certaines familles qui ont survécu à un meurtre soient favorables à ce projet de loi. Ce n'était pas le cas lorsque j'exerçais le droit, mais à l'heure actuelle, les victimes ont la possibilité de participer aux procédures criminelles si elles le désirent. Elles peuvent participer à chaque étape de la révision judiciaire après 15 ans, si elles le désirent. Nous avons compris que la participation des victimes constitue un aspect important et valable de notre système de justice criminelle. On doit nécessairement respecter les victimes qui ont souffert à la suite de la perte tragique d'une vie et compatir à leur douleur.
Mais chacun vit sa douleur de façon différente, n'est-ce pas? Il y a une multiplicité de réactions. Et, bien qu'il soit nécessaire d'être à l'écoute des victimes, une bonne politique pénale doit s'appuyer sur une série de valeurs issues du jugement de personnes expérimentées et raisonnables. Il y a plus de 900 ans, nous avons décidé que la définition de notre politique pénale ne devait pas relever des victimes. Au Canada, cette dernière relève à présent de la responsabilité des parlementaires. Nous nous attendons à ce que ces derniers débattent de tous les aspects de la question, qu'ils posent des questions difficiles et qu'ils en arrivent à une politique pénale à la fois juste et rationnelle qui repose sur des faits, et non pas sur des émotions.
Dans mon mémoire, j'ai examiné ce que j'appellerais les aspects procéduraux du projet de loi : le créneau de 90 jours ainsi que la période d'attente de cinq ans. Ces éléments concernent les détenus actuels qui ont la possibilité de demander une révision judiciaire après 15 ans. Encore une fois, aucune information n'est fournie qui permettrait de justifier de tels changements; on semble imposer ces mesures sévères pour le simple plaisir d'être sévère.
Le créneau de 90 jours est totalement irréaliste. Ce processus suppose des masses de documents que les avocats devront inévitablement examiner. De plus, je ne sais pas si vous êtes déjà au courant, mais lorsque les détenus sont admissibles à la révision judiciaire après 15 ans, le jury est choisi dans la localité où l'infraction a été commise. Il n'y a pas beaucoup de détenus…
J'ai attendu et je vous serai donc gré de bien vouloir attendre. Merci.
Il me faudra quelques secondes pour retrouver ma place.
Je vous parlais du créneau de 90 jours en vous expliquant que les détenus ne sont pas nécessairement incarcérés dans la province où l'affaire a été instruite au départ. Ils doivent donc demander un transfert dans leur province d'origine avant de pouvoir engager un avocat et lancer le processus de demande de révision. Donc, prévoir un créneau de 90 jours à partir du moment où le détenu a purgé 15 ans de sa peine est irréaliste et ne correspond qu'à une sévérité gratuite.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions. Je suis sûr que vous en aurez pour M. Head, qui possède des statistiques.
Mon argument fondamental est qu'on ne vous a pas présenté de preuves permettant de conclure qu'une telle modification de la politique pénale est justifiée. On s'est contenté de vous dire que c'est ce que veulent les Canadiens. Pour ma part, j'en doute.
Le mécanisme actuel donne de bons résultats. Les jurys sont appelés à prendre une décision. Dans chaque province, ces derniers réussissent à déterminer quelles demandes sont justifiées et lesquelles ne le sont pas. Lors de l'examen judiciaire préalable, les juges arrivent à établir la distinction entre les deux. Dans mon mémoire, je cite un certain nombre de cas qui se sont présentés au cours des deux dernières années où les juges ont décidé que la demande ne respectait pas les critères fixés et qu'elle ne serait donc pas renvoyée devant un jury.
Le mécanisme actuel marche bien et traduit l'opinion fondamentale des Canadiens que les gens peuvent se racheter. Il faut donc le maintenir.
Je vous remercie.
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Je pensais au départ que nous aurions sept minutes, mais dans les cinq minutes qui me sont imparties, je voudrais explorer l'un des éléments critiques de vos témoignages, à savoir la constitutionnalité, car cela m'intéresse au plus haut point.
Vous vous êtes clairement exprimé à ce sujet.
Nous avons l'habitude, après trois ans et demi, de voir des ministres qui déposent des projets de loi qui n'abordent même pas la question de la constitutionnalité des mesures proposées — en d'autres termes, on n'a pas cherché à s'assurer que les mesures respectent la Charte, et ce malgré le fait qu'il peut s'agir d'un bon ministre ayant du bon personnel. Mais nous en avons l'habitude maintenant. Cela ne nous fait plus aucun effet. Ce n'est pas idéal, mais c'est comme ça.
Vous avez fait état des aspects constitutionnels et du fait que, si la disposition de la dernière chance disparaît, le régime actuel pourrait être jugé inconstitutionnel. Si j'ai bien compris, vous êtes d'avis que, en vertu du nouveau régime, un détenu nouvellement condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité, ou condamné pour trahison, pourrait déposer une contestation en vertu de la Charte en alléguant qu'il fait l'objet d'une peine cruelle ou inusitée, contrairement à la Charte, étant donné qu'on lui inflige une période de 25 ans d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Quel genre de preuves faudrait-ils produire? Quels sont les chances de succès d'une telle contestation? Et sur quels arrêts ou comparaisons internationales vous fondez-vous pour tirer vos conclusions?
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C'est dommage, mais je vous dirai qu'elles sont, pour une fois, courtes, succinctes, mais très convaincantes. Même qu'au cours des dernières réunions, j'hésitais encore parce que j'estime que le meurtre est un crime abominable. Le meurtre qualifié est quand même un homicide volontaire, réfléchi, exécuté de sang froid; c'est bien le pire des crimes. Pire que cela, il y a le génocide et des choses de ce genre. Ayant lu le mémoire de l'Association du Barreau canadien, je dois dire que je suis absolument convaincu qu'on ne doit pas apporter de changements à cette loi. Je n'aurai peut-être pas besoin de lire ce que vous avez dit.
Si vous avez lu nos délibérations, vous avez pu constater que j'ai été considérablement ému par le témoignage de Mme Thérèse McCuaig, qui nous a raconté un autre de ces crimes odieux exécuté de façon abominable. C'est le pire crime commis par le pire des délinquants.
Quand on est député, on visite des résidences de personnes âgées. Je leur dis toujours — et elles semblent l'apprécier — que je découvre avec l'âge que s'il y a une faculté qui ne diminue pas avec le temps, c'est la sensibilité. L'équilibre ne réside pas uniquement dans la raison, mais également dans une certaine forme de sensibilité. J'ai été donc très sensible au témoignage qu'elle a rendu.
Je songeais à modifier mes opinions, mais j'ai été convaincu par les représentations de l'Association du Barreau canadien. Il y a une réponse très claire qu'on pourrait donner à Mme McCuaig. J'ai relu le paragraphe 745.63(6) du Code criminel, qui prévoit le délai et qui répond à l'un des arguments qui nous avait aussi beaucoup impressionnés, selon lequel les victimes pourraient être invitées à tous les deux ans à affronter de nouveau les procédures. Ce paragraphe dit ceci:
(6) Si le délai préalable à la libération conditionnelle du requérant n'est pas réduit, le jury peut soit fixer un délai d'au moins deux ans — suivant la date de la décision ou de la conclusion visée au paragraphe (4) — à l'expiration duquel il sera loisible au requérant de présenter une nouvelle demande en vertu du paragraphe 745.6(1), soit décider que celui-ci ne pourra pas présenter une telle demande.
Il n'y a aucun doute dans mon esprit et j'ai plaidé bien souvent devant jury, moi aussi. Je ne connais pas un seul jury qui aurait rendu une pareille décision dans la cause du crime abominable que Mme McCuaig nous a raconté. Aucun jury n'aurait accepté qu'il soit présent.
Je suis entièrement d'accord sur ce que vous dites. Si le ministre prétend que c'est la population canadienne qui désire des changements à cette loi, il devrait bien réaliser que cela doit être rendu par 12 citoyens qui doivent être unanimes. Comment peut-on penser qu'il ne se trouverait pas au moins quelques citoyens dans ce jury qui sont représentatifs de la population canadienne? Cela me conforte dans l'idée que cette loi a été élaborée avec beaucoup de soin, « soigneusement conçue », comme le dit la Cour suprême, pour atteindre le but qu'elle visait.
Je voulais dire que nous n'avons pas été insensibles, bien au contraire, aux témoignages des victimes qui sont venues témoigner devant nous. Je sympathise avec elles dans toute la signification étymologique du mot « sympathie », qui est « souffrir avec ».