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Je déclare la séance ouverte.
C’est la réunion numéro 36 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le lundi 5 octobre 2009. Je voudrais mentionner, pour la gouverne de tous, que cette réunion est télévisée.
Vous avez l'ordre du jour devant vous. Nous devons nous occuper de deux questions. Pendant la première heure, nous entreprendrons un examen de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et particulièrement de l’article 13. Deux témoins comparaissent à ce sujet. Pendant la seconde heure, nous reprendrons notre examen du projet de loi . Un témoin comparaîtra à ce sujet.
Je voudrais, une fois de plus, rappeler à tous qu’il faut éteindre les téléphones cellulaires ou les placer en mode de vibration. Nous voulons être sûrs de ne pas être dérangés pendant notre réunion. Si vous recevez un appel, veuillez le prendre à l’extérieur de la salle. Je vous remercie de votre coopération à cet égard.
Pour revenir à la Loi canadienne sur les droits de la personne, nous avons deux témoins qui comparaissent à titre personnel pour nous aider dans notre examen. Il s’agit de MM. Mark Steyn et Ezra Levant. Je vous souhaite la bienvenue. Vous connaissez probablement notre façon de procéder. Vous avez chacun 10 minutes pour présenter un exposé, après quoi les membres du comité auront des questions à vous poser.
Monsieur Levant, vous voudrez peut-être commencer. Vous avez 10 minutes.
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Je vous remercie. J’apprécie beaucoup votre invitation.
J’apprécie également le fait que c’est un comité multipartite. Je crois que la liberté d’expression, la primauté du droit et les freins et contrepoids prévus pour les tribunaux quasi judiciaires ne sont la propriété d’aucun parti ni d’aucune idéologie. Ils appartiennent à tous ceux qui croient à la valeur du débat et de la discussion. J’estime que la liberté d’expression fait partie des valeurs canadiennes.
Je voudrais donner lecture de quelques notes que j’ai préparées.
Le mois dernier, l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne — la clause de censure — a été déclaré inconstitutionnel. Athanasios Hadjis, vice-président du Tribunal canadien des droits de la personne, a décidé que cet article enfreint la Charte. Il a jugé que la Commission canadienne des droits de la personne est devenue tyrannique et l’a qualifiée d’« agressive » et « militante ». En mars, un autre membre du tribunal, Edward Lustig, a décidé que le comportement de la commission était « troublant et décevant ». Il a dit qu’il suivrait M. Hadjis sur la question de la constitutionnalité de cette disposition. M. Hadjis a déjà été président d’une importante organisation multiculturelle montréalaise et avait été nommé au tribunal par le premier ministre Chrétien. M. Lustig avait été nommé par le premier ministre Harper.
Voilà donc où en sont les choses aujourd’hui. Les membres conservateurs et libéraux du tribunal sont d’accord pour dire que la commission échappe à tout contrôle. Le tribunal n’appliquera pas cette loi illégale. Il a jugé que la commission viole les droits de la personne tels que la liberté d’expression.
Comment en sommes-nous arrivés là? Pour comprendre ce que fait la commission, nous devons d’abord comprendre ce qu’elle ne fait pas. Elle n’aide pas les minorités. Elle n’aide ni les immigrants ni les homosexuels. En fait, à part deux cas, toutes les poursuites de censure intentées au cours de la dernière décennie sont le fait d’une seule et même personne, un avocat blanc et privilégié portant le nom de Richard Warman. C’était au départ un employé de la commission, qui a commencé à déposer des plaintes pendant qu’il y travaillait. Ses propres collègues enquêtaient sur ces plaintes. Il va sans dire qu’il a gagné tous ses procès et s’est donc fait attribuer des dizaines de milliers de dollars non imposables. Quand M. Warman a quitté la commission, il y a cinq ans, pour travailler au ministère de la Défense nationale, il a continué à déposer des plaintes. Bien qu’il ne travaille plus à la commission, celle-ci paie encore ses dépenses: déplacements, hôtels, stationnement, repas et même des honoraires. La commission ne paie personne d’autre au Canada pour déposer des plaintes. L’article 13 est en réalité la loi personnelle de Richard Warman. Sans lui, il n’y aurait pas de poursuites. Cela en soi soulève des questions de conflits d’intérêts, d’abus de pouvoir et de poursuites malveillantes.
Mais ce n’est pas pour cela que M. Hadjis et M. Lustig ont rejeté l’article 13. Comme je l’ai mentionné, ils ont dit de la commission qu’elle était « troublante », « décevante », « agressive » et « militante ». Je vais vous donner des exemples de ce comportement. Je crois que vous en serez choqués.
J’avais moi-même peine à y croire au début. Je serai donc heureux de produire des preuves documentaires à l’appui de ce que j’avance. Presque tout ce que je dis vient de témoignages donnés sous serment par des employés de la commission. En voici quelques exemples. M. Warman fait une chose à laquelle les Canadiens ne s’attendent pas de la part d’un fonctionnaire fédéral. Depuis près de 10 ans, il est membre d’organisations néo-nazies telles que Stormfront, Vanguard et Canadian Heritage Alliance. Il a en fait rempli des formulaires d’adhésion, puis est allé sur leurs sites Web pour écrire des textes racistes et haineux, disant par exemple que les homosexuels sont un « cancer » de la société et que les agents de police devraient être loyaux envers « leur race », ou encore que les juifs tels que votre collègue, Irwin Cotler, sont « des ordures ».
Très sérieusement, il a fait tout cela pendant qu’il était employé de la commission. Il a écrit des centaines de messages racistes de ce genre et a persuadé d’autres membres du personnel de la commission d’en faire autant. Au moins sept employés sont membres d’organisations nazies. L’année dernière, un enquêteur de la commission, Dean Stacey, a reconnu sous serment qu’il était l’un d’entre eux et a désigné, parmi les autres, ses deux assistants ainsi que Sandy Kozak, Giacomo Vigna et leur gestionnaire, John Chamberlin. Ils ont tous accès à des comptes d’organisations néo-nazies.
Il y a quelques années, MM. Warman, Vigna et Stacey se sont assis ensemble devant un ordinateur de la commission et se sont branchés sur un compte leur appartenant dans un site néo-nazi. Pour brouiller les pistes, ils ont piraté le compte Internet sans fil d’une dénommée Nelly Hechme pour que leurs messages ne puissent pas être rattachés à la commission. Un agent de sécurité de Bell Canada a témoigné à cet effet, et la GRC a enquêté pendant des mois sur ce piratage de compte. Le dossier de cette enquête demeure officiellement « sans solution », mais la commission est le seul suspect.
Je pourrais poursuivre longtemps. Je pourrais mentionner l’absence d’un code d’éthique écrit ou signaler que Mme Kozak, de la commission, a été engagée après avoir été renvoyée par un service de police pour corruption, que la commission emprunte illégalement des éléments de preuve dans les casiers de la police sans obtenir un mandat de perquisition, que M. Stacey déclare à qui veut l’entendre que ce genre de comportement ne contrevient pas aux règles puisque la commission n’en a aucune. Et, au lieu de faire le ménage dans ce fouillis lamentable, la dirigeante de la commission nommée par les conservateurs, Jennifer Lynch, défend ces comportements et s’en prend à quiconque les critique.
L’article 13 n’a pas été rejeté pour la seule raison que la censure est contraire aux valeurs canadiennes, au libéralisme et à notre Charte. Il a été rejeté parce que la commission elle-même est devenue une menace aux droits de la personne et que les membres tant libéraux que conservateurs du tribunal refusent de maintenir cette situation une minute de plus. J’espère que tous les membres de votre comité ressentiront le même dégoût devant ce que je viens de signaler. Je peux parler de tout cela aux médias ou dans mon carnet Web. M. Steyn peut le faire aussi. Toutefois, seuls les membres du comité et les parlementaires peuvent mettre fin à ces agissements.
Je vous remercie. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
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Je veux confirmer ce qu’Ezra Levant vient de dire. Il y a quelque chose qui ne va pas du tout dans la notion des droits de la personne de l’État canadien. Jusqu’au mois dernier, l’article 13 a donné lieu à 100 p. 100 de condamnations. Même Saddam Hussein et Kim Jong-il savaient qu’on ne peut pas maintenir un racket aussi évident.
En vertu de l’article 13, des citoyens sont soumis à vie à une interdiction de parler, non pas en Union soviétique ou en Arabie saoudite, mais au Canada. L’article 13 permet d’intenter des poursuites non pour des crimes, mais pour des « pré-crimes », c’est-à-dire des crimes qui n’ont pas encore été commis. Soit dit en passant, le mot « pré-crime » est tiré du roman contre-utopique de science-fiction écrit en 1956 par Philip K. Dick. Un demi-siècle plus tard, voilà que, dans l’une des sociétés démocratiques les plus anciennes et les plus stables de la planète, c’est devenu une réalité. Jusqu’à l’intervention de la revue Maclean’s et la mienne, l’année dernière, le procès intenté en vertu de l’article 13 de Marc Lemire devait avoir lieu à huis clos. Oui, des procès secrets, non à Beijing ou à Téhéran, mais ici même à Ottawa. Il ne revient pas à Maclean’s ou à moi-même d’exiger que, dans ce pays, les procès n’aient pas lieu en secret. Cela vous incombe à vous, à vos collègues et au Parlement du Canada.
L’article 13 contraste avec l’ensemble du patrimoine juridique du pays, qui remonte aussi loin que la Magna Carta. À cette époque, vous vous en souviendrez, en 1215, les droits de la personne voulaient dire que les agissements du roi pouvaient être restreints par ses sujets. Huit siècles plus tard, les pseudo-apparatchiks canadiens des droits de la personne ont complètement retourné cette notion. Aujourd’hui, les droits de la personne signifient que les sujets sont restreints par la Couronne au nom de prétendus droits collectifs ne pouvant être réglementés que par l’État.
Permettez-moi de citer un éminent expert de ce domaine:
... des droits collectifs sans droits individuels aboutissent à la tyrannie. De plus, l’inflation des droits — tendance à définir tout ce qu’on souhaite comme un droit — finit par saper la légitimité d’un ensemble défendable de droits.
... le droit à la liberté d’expression n’est pas... un luxe bourgeois lapidaire, c’est la condition préalable à l’obtention de n’importe quel autre droit.
Ces paroles sont celles qu’a écrites le chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, dans son livre Human Rights as Politics and Idolatry. Je suis entièrement d’accord avec lui que la liberté d’expression est le fondement sur lequel reposent tous les autres droits. Je rejette les attaques lancées contre elle par la Commission canadienne des droits de la personne.
L’article 13 est profondément destructif. Le Canada compte quelque 33 millions d’habitants. Pourtant, comme l’a signalé Ezra, une seule personne est responsable de la totalité des poursuites intentées en vertu de l’article 13 depuis 2002. Je suis sûr que certains d’entre vous connaissent Matthew Hopkins qui, en 1645, s’était érigé en chasseur en chef de sorcières de l’Angleterre et avait fait le tour du pays pour les capturer et les livrer en contrepartie d’une livre par sorcière. En 2002, Richard Warman s’est érigé en censeur en chef du Canada et a fait le tour d’Internet à la recherche de prétendus fauteurs de haine pour les convertir en lucratives primes non imposables totalisant des milliers de dollars. Le chasseur de haine Richard Warman et ses alliés de la commission ont abusé de l’approbation constitutionnelle extrêmement étroite que la Cour suprême a donnée à l’article 13 dans l’arrêt Taylor pour instituer une espèce d’inquisition personnelle pour lui-même et ses amis.
Si vous abrogez l’article 13, absolument rien ne changera au Canada, sauf pour Richard Warman, Dean Stacey et d’autres fonctionnaires malhonnêtes, qui devront écrire leurs textes antisémites, homophobes et racistes à leur propre compte.
Permettez-moi de citer le plus récent exemple de condamnation en vertu de l’article 13. Le seul chef d’accusation pour lequel Marc Lemire a été jugé coupable il y a un mois était d’avoir fait paraître sur son site Web un texte écrit par quelqu’un d’autre. Le texte a été lu au total par huit personnes du Canada, ce qui représente 0,8 personne par province ou 0,6153 Canadien si on tient compte aussi des territoires. En fait, la quasi-totalité de cette fraction de Canadien qui a consulté ce site Web et a lu ce texte était représentée par Richard Warman et sa clique de néo-nazis de la Commission des droits de la personne, qui devaient saliver à la perspective de livrer une autre sorcière pouvant rapporter une prime.
En d’autres termes, personne au Canada n’a vu ce texte sur Internet. Personne au Canada ne l’a lu. Rien n’était moins susceptible d’exposer quelqu’un à la haine ou au mépris qu’un texte non lu affiché sur un site Web sans public. Pourtant, les contribuables canadiens ont payé pour que Jennifer Lynch et les fétichistes nazis de la commission enquêtent pendant six ans sur ce texte non lu qui ne représentait rien du tout.
Pour obtenir cette condamnation, ces employés psychologiquement perturbés de la Commission des droits de la personne ont écrit et distribué bien plus de textes haineux de leur cru. Comme l’ont confirmé les récentes décisions des juges Lustig et Hadjis, il n’y a aucune justification pour ce que Richard Warman et la CCDP ont fait.
Voilà la triste vérité concernant la situation de cet organisme dégoûtant au début du XXIe siècle. Il y aurait moins de messages haineux au Canada — je dis bien moins — si les contribuables n’avaient pas à payer des employés de la CCDP pour écrire et diffuser ces messages.
Il arrive que des institutions fassent des choses tellement abominables qu’elles ne sont plus susceptibles de rédemption. Il ne reste plus alors qu’à leur enlever leurs pouvoirs, comme cela s’est fait dans le cas de la GRC pour les questions de renseignement, ou à les faire disparaître purement et simplement, comme on l’a fait il n’y a pas si longtemps dans le cas d’un régiment canadien. La Commission canadienne des droits de la personne ne devrait pas plus échapper à la responsabilité de ses actes que la Gendarmerie royale du Canada ou les Forces canadiennes.
J’exhorte le Parlement à affirmer son rôle de surveillance et à ordonner une enquête complète sur la commission, ses enquêteurs, leur appartenance à des sites Web nazis, leurs conflits d’intérêts, leur contamination des preuves et leurs relations avec Richard Warman.
Les principes sur lesquels se fonde l’article 13 sont incompatibles avec une société libre. Ses effets n’ont rien à voir avec la paix de la Reine. Son utilisation par les agents de la Commission canadienne des droits de la personne a été corrompue au-delà de toute rédemption. Il est temps pour les représentants du peuple à la Chambre des communes de défendre les vrais droits de la personne et de mettre fin à ce spectacle grotesque.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins.
Je vais poser mes questions à la mémoire de Gordon Fairweather, grand parlementaire du Nouveau-Brunswick qui a été le premier président de la Commission canadienne des droits de la personne. Il avait siégé ici à titre de député conservateur.
Voilà que je dis du bien d’un conservateur, ce qui commence bien cette discussion.
Je croyais que nous discuterions aujourd’hui de procédure, d’égalité et d’équité plutôt que de notions de droit, c’est-à-dire de choses que tout le monde juge importantes et contestables. J’ai cependant l’impression que, pendant vos 20 minutes, vous avez surtout soulevé des questions de procédure, d’excès commis par l’État ou d’inégalité. Ce sont bien sûr des préoccupations très légitimes, s’il s’avère qu’elles sont fondées.
Je peux vous dire, monsieur Levant, qu’il faudrait probablement que quelqu’un réfute certains de vos arguments. Je pense en particulier à l'allégation concernant l’usurpation d’identité, à la page 38 de votre livre. Je crois que si vous disiez cela d’une personne en particulier, vous seriez poursuivi pour diffamation, probablement avec succès.
Mais ce n’est pas la raison pour laquelle nous sommes ici. Je crois que nous sommes réunis pour déterminer si la question est contestée à tort et si les Canadiens croient ce que le juge Dickson a dit dans l’arrêt de la Cour suprême en confirmant la constitutionnalité de l’article 13.
Je voudrais vous demander si vous convenez au moins que les dispositions du Code criminel sont adéquatement appliquées et s’il y a réellement des restrictions sur la liberté d’expression. La question fondamentale est de savoir si vous croyez qu’il y a restriction de la liberté d’expression quand celle-ci verse dans le discours haineux, le discours extrême et les propos qui, pour reprendre les termes du défunt juge Dickson, rabaissent quelqu’un de telle sorte qu’on ne lui trouve « aucune qualité qui rachète ses défauts ». La haine est « un ensemble d’émotions et de sentiments comportant une malice extrême envers une autre personne ou un autre groupe de personnes ». Le juge Dickson avait ajouté: « Quand on dit qu’on "hait" quelqu’un, c’est que l’on ne trouve aucune qualité qui rachète ses défauts. »
Les affaires sur lesquelles le tribunal s’est prononcé traitaient du « lobby juif ». Les propos tenus comprenaient par exemple: « Ils nous ont menti au sujet d’Hitler. » Je n’irai pas plus loin. Je ne crois pas que nous ayons besoin d’entendre les affreuses déclarations qui ont été faites. Les gens les ont trouvées choquantes car elles allaient au-delà de la liberté d’expression et tombaient, dans certains cas, sous le coup du Code criminel.
Croyez-vous au moins aux dispositions du Code criminel concernant le discours haineux? Ne croyez-vous pas qu’il y a des limites?
Enfin, vous savez que le Code criminel nécessite une preuve allant au-delà de tout doute raisonnable, ce qui est plus rigoureux que la prépondérance des probabilités. Vous savez également que le Code criminel comporte des dispositions punitives comprenant l’emprisonnement, etc., tandis que les tribunaux administratifs n’imposent que des peines pécuniaires relativement mineures.
Ne nous attardons pas sur les aspects de procédure administrative. Attaquons-nous au cœur du sujet. La question est simple: Avons-nous au Canada des limites à la liberté d’expression?
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Bien sûr, il y a des limites à la liberté d’expression. Par exemple, les lois réprimant la fraude limitent la liberté d’expression, de même que les lois contre la falsification et les lois sur le droit d’auteur. Nous acceptons ces limites. Le Code criminel interdit depuis des siècles de proférer des menaces de mort.
Toutefois, dans tous ces cas, la liberté d’expression est accessoire. Les dispositions législatives portent essentiellement sur un crime, un préjudice ou un acte de violence. L’inscription des messages haineux dans la Loi canadienne sur les droits de la personne fait que les idées et les mots constituent en soi un crime.
Vous dites que les peines sont légères. Permettez-moi de vous dire que l’interdiction de publication à vie, 40 000 $ de pénalités et d’amendes et la privation d’aide juridique ne sont pas des peines légères, surtout pour les gens qui sont pris dans ce système sans avoir la possibilité de recourir à l’aide juridique.
Vous avez mis en évidence quelques-unes des différences qui existent entre le Code criminel et la Loi canadienne sur les droits de la personne. En vertu du Code criminel, si on est trop pauvre pour payer un avocat, on peut en avoir un gratuitement, tandis que plus de 90 p. 100 des gens qui se présentent devant la Commission des droits de la personne sont trop pauvres pour avoir un avocat. Dans le Code criminel, il faut prouver l’infraction « au-delà de tout doute raisonnable », mais ce n’est pas le cas devant la commission. Dans le Code criminel, la vérité peut servir de justification, mais pas devant la commission. Dans le Code criminel, la conviction sincère est une justification admissible, mais encore une fois pas devant la commission. Dans le Code criminel, la procédure prévoit des freins et des contrepoids. La police doit se conformer à un code d’éthique. Elle est assujettie à un service des affaires internes et n’a pas le droit de piéger les gens. Ce n’est pas le cas devant la Commission canadienne des droits de la personne. Ces différences de procédure, monsieur, ne sont pas bénignes. Elles constituent le milieu de culture qui a permis à toutes ces choses terribles de se produire.
Je voudrais, pour conclure, formuler une observation au sujet de l’arrêt Dickson que vous avez mentionné. En 1990, la Cour suprême, par une décision serrée adoptée à quatre voix contre trois, a déclaré cette disposition acceptable. Il y a cependant une différence entre la situation d’alors et celle d’aujourd’hui. En 1990, cette disposition, d’après le juge Dickson, ciblait les idées visant le « mal ». Aujourd’hui, elle vise des éditeurs qui publient des bandes dessinées ou des éditorialistes qui ont quelque chose à dire du radicalisme islamiste. L’application de la disposition a donc dérivé vers la politique, chose qui, selon le juge en chef Dickson, ne devait jamais se produire. Elle s’est cependant produite.
Deuxièmement, les énormes amendes punitives, le comportement agressif et le piégeage n’avaient jamais été envisagés par le juge Dickson à l’époque.
Troisièmement, le Canada a progressé sur la voie de la liberté d’expression. En 1990, l’opinion dissidente était celle de Beverley McLachlin, notre actuelle juge en chef.
Je crois vraiment que même le juge Dickson abrogerait aujourd’hui cette disposition parce qu’il la trouverait choquante et, à plus forte raison, un tribunal de 2009 qui serait partisan de la liberté d’expression.
Je vous remercie de m’avoir permis de donner une réponse aussi longue.
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Je voudrais simplement ajouter à ce dernier point que, dans sa décision, le juge Dickson avait adopté une définition très étroite de l’article 13. Rien dans cette décision ne permettait de prévoir que la plus ancienne et la plus populaire des revues du Canada,
Maclean’s, tomberait sous le coup de l’article 13 parce qu’elle a publié certains articles.
Je dirais aussi que les paroles que vous avez citées — je suppose que vous en aviez des pires, mais je crois qu’il y avait « le lobby juif » et quelque chose à propos d’Hitler — sont choquantes. Comme j’étais un partisan de la politique étrangère du président Bush, depuis des années, je savais, à mon réveil chaque matin, que je serais accusé de faire partie du « lobby juif » qui « contrôle » la politique étrangère américaine. Croyez-vous que je devrais avoir le droit de faire en sorte qu’il soit illégal pour quelqu’un de m’accuser de faire partie du lobby juif? Non. Devrait-on considérer comme illégal le fait de se faire le champion d’idées répugnantes? Non. Les idées répugnantes flétrissent au soleil. Et le soleil ne brille pas vraiment si on reconnaît à l’État le droit de réglementer ce que disent les gens.
Ian Fine, avocat général principal de la CCDP, a déclaré que la commission est déterminée à éradiquer la haine. Pas les crimes ou les propos haineux, mais la haine elle-même. La haine est une émotion humaine. Elle est présente, à différents degrés, chez tous les humains. Elle fait partie de la nature humaine. J’ai parfois l’impression, quand j’entends ce qu’elle dit en public, que même Jennifer Lynch, présidente de la commission, éprouve un tout petit peu de la haine pour Ezra et moi.
On ne peut absolument pas y échapper. Haïr, c’est être libre. Autrement, nous serons soumis à une bureaucratie gouvernementale coercitive qui contrôlera ce que chacun peut dire. Si c’est le cas, alors, comme serait le premier à l’affirmer, on n’est plus libre. Sur ce point, je suis d’accord avec M. Ignatieff.
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Je suis moi-même juif. Je pense et je me lie comme un juif. De toute évidence, l’Holocauste est un sujet très délicat pour les juifs et d’autres. Pourtant, je suis d’accord avec la communauté juive de Berlin qui, le mois dernier, a déclaré être en faveur de la publication de
Mein Kampf. Pourquoi la communauté juive berlinoise appuierait-elle la publication de
Mein Kampf? Pour apprendre aux gens l’horreur que représentait l’Holocauste.
Monsieur Comartin, vous et moi sommes d’une génération qui était au courant de ce fait, mais qu’en est-il des jeunes d’aujourd’hui qui, à 18 ans, n’ont jamais entendu parler de l’Holocauste? Nous devons faire comprendre aux gens pourquoi c’était mal. Nous devons parler de ces idées à la nouvelle génération.
D’un point de vue pratique, monsieur, il faut bien se rendre compte que l’interdiction des idées à l’ère Internet est une illusion. Tout ce qu’une interdiction ferait, c’est donner du prestige: Oh, ces idées sont tellement géniales que le gouvernement veut nous les cacher. Les gens iront à la découverte en étant persuadés qu’il s’agit d’idées prestigieuses. David Ahenakew a fait des commentaires ridicules au sujet de l’Holocauste. Cela aurait pu passer inaperçu après une conférence où une centaine de personnes ont bien ri de lui. Au lieu de cela, Ahenakew est devenu une célébrité. Son nom, sur Google, donne 20 000 résultats parce qu’on l’a transformé en star. Finalement, il a été acquitté.
Je vais conclure en vous donnant trois raisons pour lesquelles il est préférable de laisser les messages de haine sortir en public plutôt que de les enterrer. Je reprends là les propos de Gilles Marchildon, directeur d’Egale, qui défend les droits des homosexuels. On lui avait demandé pourquoi il s’opposait à l’interdiction des propos homophobes, même particulièrement haineux. Ses trois raisons de favoriser la liberté d’expression étaient les suivantes.
Premièrement, il voulait savoir qui étaient les méchants pour pouvoir les isoler et réfuter leurs arguments.
Deuxièmement, il voulait créer ce qu’il appelait un « moment susceptible d’être enseigné »: Bonnes gens, nous venons d’être témoins d’un acte de bigoterie. Essayons de faire comprendre aux gens pourquoi c’est mal d’agir ainsi.
Troisièmement — je crois que c’est le facteur le plus important —, il ne voulait pas laisser des bureaucrates le décharger de ses propres devoirs civiques. S’il était témoin d’un acte homophobe, il estimait qu’il était important pour chacun d’écrire personnellement une lettre au rédacteur en chef d’un journal ou de s’adresser à quelqu’un d’autre pour dire qu’il est malséant de faire des plaisanteries de ce genre plutôt que de composer le 911 pour porter plainte et entreprendre des poursuites pouvant durer six ans.
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C’est exact. Et, bien sûr, Richard Warman est payé pour déposer des plaintes et bénéficie de jugements accordant des dizaines de milliers de dollars.
Mes frais juridiques et ceux de la revue se sont élevés à quelque 100 000 $. Comme j’ai gagné et que j’ai été acquitté, j’aurais eu droit, dans un tribunal civil, au remboursement de mes frais. Ce n’est cependant pas le cas quand on a affaire aux commissions des droits de la personne. Si j’avais été accusé devant une cour criminelle, j’aurais bénéficié de l’aide juridique. Ce processus est transformé en punition.
Encore une fois, je voudrais dire à M. Ménard que je méprise la censure parce que je crois que les Canadiens sont des gens libres. Mais, cet aspect extraordinaire mis à part, ce processus jette le discrédit sur l’administration de la justice.
La raison pour laquelle j’ai été acquitté, de même que mon camarade, c’est, en toute franchise, que nous sommes plus bruyants, que nous avons plus de facilité à nous exprimer, que nous avons des contacts politiques et que nous avons la possibilité de lever des fonds. Toutefois, avant nous, personne n’avait jamais été acquitté. Ceux qui nous avaient précédés étaient au-dessous de la loi: ils n’avaient pas d’argent, pas de contacts et pas de facilité à s’exprimer. Près de 90 p. 100 d’entre eux n’avaient pas les moyens de payer un avocat, et aucun avocat ne leur a été assigné. Personne ne devrait être au-dessus de la loi au Canada, mais personne non plus ne devrait être au-dessous de la loi.
Je crois, comme Mark Steyn l’a dit, que cette disposition devrait être purement et simplement abrogée parce qu’elle est totalement corrompue. Le Code criminel protège la vérité et admet la conviction sincère comme justification. Ce n’est pas le cas de la Commission canadienne des droits de la personne.
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Merci beaucoup, monsieur le président, de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant le comité.
Notre association, l’ACCAT, regroupe les compagnies d’assurance titres sous réglementation fédérale. Elle a pour mission de s’occuper des intérêts et des préoccupations des assureurs de titres du Canada, d’informer et d’éduquer ses membres et le public, de défendre les intérêts de l’industrie de l’assurance titres et de faire respecter les normes de la profession et l’éthique dans ce secteur.
L’ACCAT appuie le projet de loi S-4. Elle croit qu’il est important de renforcer les dispositions liées au vol d’identité et à la fraude à l’identité. Mes observations d’aujourd’hui n’ont pas du tout pour but de critiquer le projet de loi. Nous souhaitons plutôt que soient resserrées certaines dispositions afin de réprimer les crimes liés à la fraude immobilière et hypothécaire, qui ont des effets dévastateurs.
L’assurance titres est un produit relativement nouveau au Canada. Je vais donc essayer de vous donner quelques renseignements de base à ce sujet. L’assurance titres protège les détenteurs d’intérêts immobiliers, qu’ils soient propriétaires ou prêteurs, contre les pertes qu’ils pourraient subir si le titre n’est pas tel qu’il est décrit dans la police. Une fois l’assurance souscrite, il nous incombe de défendre l’intérêt de l’assuré dans un titre de propriété, en plus d’assumer les clauses d’indemnisation.
Comme assureurs de titres, nous fournissons des polices à toutes les parties à une transaction, propriétaires, emprunteurs, acheteurs ou prêteurs. Nous sommes en première ligne quand il s’agit de prévenir la fraude immobilière et hypothécaire. Nous avons acquis beaucoup d’expérience dans la détection de ce genre de fraude, ce qui nous permet d’empêcher l’octroi par les institutions financières canadiennes de prêts hypothécaires en réponse à des demandes frauduleuses. De tels prêts peuvent entacher les titres de propriétaires légitimes et entraîner une augmentation des réclamations frauduleuses dans le système public.
Permettez-moi de vous donner quelques détails sur la fraude immobilière, qui peut porter tant sur les titres de propriété que sur les prêts hypothécaires. Il s’agit d’un crime complexe de col blanc qui s’appuie sur une bonne connaissance des pratiques immobilières et hypothécaires. Le fraudeur cible habituellement une maison dont il falsifie le titre de propriété avant de l’enregistrer à son nom. C’est la fraude sur titre. Ensuite, il falsifie une mainlevée d’hypothèque, dont il se sert pour contracter un prêt hypothécaire sur la maison. C’est la fraude hypothécaire. En cas de vol d’identité, la victime peut subir des pertes financières, avoir des difficultés bancaires et voir sa cote de crédit tomber si bas qu’elle est jugée insolvable.
Les assureurs de titres estiment qu’un cas moyen de fraude immobilière entraîne des pertes de l’ordre de 300 000 $. Disons, pour fins de comparaison, que la GRC estime la perte moyenne subie en cas de fraude liée à une carte de crédit à environ 1 200 $. Les répercussions de la fraude immobilière sur la victime sont très importantes. Elles vont au-delà de la perte de la cote de crédit. On peut perdre le bien en cause, porter le fardeau d’une hypothèque impayée ou faire l’objet de poursuites judiciaires.
Je vais vous donner quelques exemples de cas vécus par des propriétaires du Canada. Certains d’entre vous pourraient même en reconnaître quelques-uns.
Un retraité qui passe l’hiver en Floride rentre chez lui et est accueilli à sa porte par le nouveau propriétaire de sa maison, qui l’a achetée de bonne foi à un escroc.
Un propriétaire d’immeuble locatif est confronté aux nouveaux propriétaires de l’un de ses appartements, que le locataire précédent a frauduleusement vendu.
Une femme qui a gardé la maison après un divorce trouve sur sa pelouse une pancarte annonçant la saisie du bien parce que son ex-mari a pris une nouvelle hypothèque avec l’aide d’une petite amie ou d’une autre membre de la famille qu’il a fait passer pour sa femme. C’est un exemple très courant.
Un fils ou une fille portant le même nom que son père ou sa mère hypothèque la maison de ses parents et prend la fuite avec l’argent. L’une de nos compagnies membres est au milieu d’un procès portant exactement sur un tel cas.
Un fraudeur achète légalement un bien, puis le revend à plusieurs reprises à de faux acheteurs pour escroquer des prêteurs. C’est ce qu’on appelle le « coup de l’Oklahoma ».
Un agent immobilier inscrit auprès d’un service interagences un bien inexistant qu’il vend ensuite à des immigrants désireux d’investir au Canada.
Un avocat empoche l’argent qu’un client lui a donné pour rembourser son prêt hypothécaire à l’occasion de la vente de sa maison. Le nouveau propriétaire est donc responsable de l’hypothèque impayée. Ce cas, survenu en Colombie-Britannique, a probablement constitué la plus importante fraude immobilière commise au Canada. L’avocat en cause avait gardé le montant de plusieurs hypothèques antérieures.
Nous sommes également témoins de fraudes portant sur des propriétés commerciales, les fraudeurs s’étant fait passer pour des responsables des entreprises en cause. Un assureur de titres a récemment dû payer 876 000 $ en règlement d’une réclamation d’un traiteur assuré. Un escroc avait falsifié un avis de changement dans lequel il annonçait sa nomination à titre d’administrateur d’une société. À l’aide de cet avis, l’escroc avait obtenu une première hypothèque dont le titre était assuré. Peu après la clôture du marché, le prêteur assuré, n’ayant pas reçu de paiements, a entrepris des démarches qui ont mené à la découverte de la fraude.
Ces crimes restent souvent impunis ou font l’objet de peines trop légères. Selon Gary Ford, auteur de The Canadian Guide to Protecting Yourself Against Identity Theft and Other Fraud, que vous connaissez sans doute:
Le risque de faire de la prison n’est pas très grand au Canada. Récemment encore, un homme reconnu coupable de fraude hypothécaire a été condamné à une peine de 30 jours, à purger pendant les week-ends. Un autre reconnu coupable de 33 accusations de fraude a été condamné à 38 mois de prison. Cela n’a pas un effet très dissuasif, si l’on tient compte de l’importance des sommes en jeu.
Que recommandons-nous donc au comité aujourd’hui? Premièrement, nous voudrions vous demander d’améliorer les articles 386 et 387 pour qu’il soit possible de les appliquer dans ces cas et d’apprendre aux services de police à les utiliser. Je sais que la seconde partie de cette recommandation ne vous concerne pas vraiment. Deuxièmement, nous aimerions que la fraude immobilière soit inscrite à l’article 380.1 comme circonstance aggravante influant sur la détermination de la peine. Nous voudrions aussi que la peine maximale pour fraude, qui est actuellement de 14 ans, devienne plus sévère.
Parlons des articles 386 et 387. Nous avons soulevé la question auprès du ministre. Je crois que M. Comartin en a aussi parlé au conseiller du ministère de la Justice. Dans les deux cas, la réponse a été que ces articles servent rarement. Nous sommes d’avis que ces dispositions devraient être renforcées de façon à pouvoir être utilisées avec un maximum d’efficacité. De plus, comme le commissaire de la GRC l’a recommandé au comité, les services de police doivent apprendre à appliquer ces articles.
Le gouvernement fédéral doit prendre des mesures afin de renforcer les dispositions du Code criminel pour garantir que les fraudeurs immobiliers soient traduits en justice. Dans mon mémoire, j’ai mis en gras le texte suivant: « Si l’on vole un titre de propriété ou des parts d’une propriété, des peines d’emprisonnement obligatoires devraient être imposées. En Géorgie, il y a des peines minimales d’un an pour une première infraction et de trois ans pour une deuxième. »
À l’heure actuelle, les articles 386 (enregistrement frauduleux de titre) et 387 (vente frauduleuse d’un bien immeuble) du Code criminel devraient servir à combattre la fraude immobilière, mais ils présentent plusieurs lacunes. L’article 386 comporte trois obstacles à la condamnation: le crime doit, premièrement, avoir été commis « sciemment », deuxièmement, « avec l’intention de tromper » et, troisièmement, en faisant une « fausse énonciation ou représentation essentielle ».
L’article 386 ne prévoit aucune peine minimale, comme c’est le cas en Géorgie. Il n’inclut pas les autres personnes impliquées dans la fraude, comme le bénéficiaire des fonds frauduleusement obtenus, et ne prévoit pas l’enregistrement d’un instrument frauduleux.
L’article 387 se limite aux ventes frauduleuses et exclut les hypothèques frauduleuses. De plus, il est restreint aux cas où l’accusé est au courant d’une « vente antérieure non enregistrée », ce qui fait qu’il est difficile de condamner quelqu’un en vertu de cet article.
Parlons maintenant de l’article 380.1 et de l’accroissement proposé de la peine maximale.
Nous craignons que certaines des dispositions relatives à la fraude à l’identité soient difficiles à appliquer dans les cas que nous avons vus de fraude sur titre et de fraude hypothécaire. Par exemple, dans le cas mentionné de membres de la famille portant le même nom — nous parlons alors du phénomène George Forman — ou dans le cas de l’utilisation abusive d’une procuration, je me demande si le tribunal sera en mesure d’appliquer les dispositions relatives au vol d’identité ou à la fraude à l’identité.
Je note aussi que nous sommes témoins de différents types de falsifications. Nous avons vu de fausses inscriptions auprès du service interagences, de fausses inscriptions d’administrateurs ou de fondés de pouvoir de sociétés, etc. Il est probable que nous verrons encore d’autres genres d’escroqueries et de fraudes à l’avenir.
Lors de sa comparution devant le comité, je crois que le ministre a dit que la loi est en train de rattraper son retard et qu’elle visait à criminaliser le vol d’identité, qui ouvre la porte à la fraude à l’identité. Je suis tout à fait d’accord, mais j’aimerais aussi qu’on s’assure que les crimes qui coûtent 300 000 $ à la victime entraînent des peines plus sévères que les infractions coûtant 1 200 $. Je crois qu’il incombe aux législateurs de veiller à ce qu'il n’y ait pas d’échappatoire quand un propriétaire est privé de son bien ou de ses titres de propriété. Encore une fois, nous avons l’impression que la fraude immobilière n’expose ses auteurs qu’à des peines symboliques et qu’elle reste souvent impunie. Nous recommandons par conséquent que ces infractions sont inscrites comme circonstances aggravantes et que la peine maximale soit relevée.
Merci beaucoup. Je serai maintenant heureuse de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Madame Rinella, je vais vous poser la même question qu'on vous a posée plus tôt. Neuf provinces et les trois territoires utilisent le système de double mandat, c'est-à-dire qu'une personne peut agir comme notaire et enregistrer des hypothèques, et être aussi avocat, alors qu'au Québec, on a divisé la profession en deux: les notaires et les avocats.
L'assurance sur les titres est une pratique particulière qui nous vient des États-Unis. Lorsque vous achetez une terre dans ce pays, étant donné que l'ensemble des terres viennent du gouvernement américain et ont ensuite été transférées à des propriétaires privés, il est parfois difficile de connaître l'identité réelle de la personne qui a vendu le terrain ou qui a demandé une hypothèque à la banque. En réalité, c'est un problème d'identité.
Je sais qu'un tel cas peut se produire dans les provinces de droit anglais ou de la common law, ainsi que lors de la vente de terrains de la Couronne dans le Nord ou ailleurs. Le Code criminel s'applique également au Québec. Ce que vous nous demandez sera presque inapplicable au Québec.
Dans la loi que nous avons présentée et qui touche le vol d'identité, la seule indication d'un facteur aggravant vous suffirait-elle? Il y a une nuance entre indiquer un facteur aggravant et en faire une infraction séparée. Si un juge constate une fraude immobilière au Québec, à laquelle le notaire n'a pas participé, qu'il n'y ait pas eu une série de vols d'identité, et qu'il en arrive à une condamnation, le facteur aggravant vous suffirait-il, ou avez-vous besoin d'une infraction spécifique?
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie aussi, madame Rinella, d’être venue témoigner aujourd’hui.
Je voudrais commencer par donner deux précisions. J’aurais ensuite quelques questions à poser.
La première précision concerne la réponse du ministre. Ayant eu l’occasion d’écouter son témoignage, il n’y a pas si longtemps, je crois que le ministre essayait de dire que les articles 386 et 387, à cause de leurs exigences particulières, sont beaucoup plus difficiles à utiliser pour condamner des escrocs que les dispositions générales relatives à la fraude. Ce n’est pas qu’il n’y a aucune difficulté. C’est simplement que les infractions générales sont plus faciles à établir et, par conséquent, plus fréquemment utilisées dans les cas qui vous intéressent. Cela étant, nous n’avons pas vraiment à nous soucier de refaire les articles 386 et 387.
La seconde précision, c’est que le projet de loi dont nous sommes saisis ne concerne pas essentiellement les infractions liées à la fraude. Il porte plutôt sur ce qui, pour moi, constitue des infractions pré-fraude, comme le vol, la possession et le trafic de renseignements, et non sur l’utilisation de tels renseignements à des fins frauduleuses. Il m’a donc fallu un moment pour comprendre où vous vouliez en venir. Vous avez certainement avancé de bons arguments sur la façon dont il serait possible de modifier les dispositions relatives à la fraude, mais je ne suis pas sûr que ce projet de loi particulier soit le moyen approprié d’apporter ces modifications, qui changeraient radicalement la structure même de cette mesure législative.
Cela étant dit, y a-t-il quelque chose dans ce projet de loi qui vous inquiète particulièrement? Je comprends que, pour vous, il lui manque certains éléments que vous aimeriez y voir. Mais, y a-t-il dans les dispositions qui s’y trouvent des aspects qui préoccupent votre association?