Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Il s'agit de la 47e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous sommes le lundi 16 novembre 2009.
Vous avez l'ordre du jour sous les yeux. Nous terminons aujourd'hui l'étude du projet de loi C-36. Il nous reste un dernier témoin à entendre, M. Rick Sauvé. Après son témoignage et la période de questions, nous passerons à l'étude article par article.
Bienvenue, monsieur Sauvé. On vous a expliqué le processus. Vous disposez de 10 minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des députés.
Merci. Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître aujourd'hui, mais sans la disposition de la dernière chance, il m'aurait été impossible d'être ici.
En me préparant ce matin pour la comparution d'aujourd'hui, je me suis entretenu avec mon petit-fils, qui m'a demandé de lui parler du projet de loi C-36. Il a voulu que je le lui explique en des termes faciles à comprendre. C'est un très brillant garçon de 12 ans. Je ne lui ai jamais caché le fait que je purge une peine d'emprisonnement à perpétuité. Je purge la même peine, sauf que je vis maintenant en communauté.
J'ai commencé par lui dire qu'un des piliers de notre système juridique, c'est la procédure par jury. Je lui ai expliqué que quand j'ai été reconnu coupable de meurtre au premier degré, on m'a imposé une période de 25 ans d'inadmissibilité à la libération conditionnelle; toutefois, au bout de 15 ans, je pouvais demander de retourner dans ma communauté — la communauté où j'ai été arrêté et où le crime a eu lieu. Cette décision revenait aux gens de ma communauté, représentés par 12 hommes et femmes qui allaient entendre des témoignages sur la nature de l'infraction, mon comportement en prison et mon caractère, pour déterminer si on pouvait me considérer admissible à une demande de libération conditionnelle et de réinsertion communautaire. Il a fallu passer par un procès d'une semaine où l'on a parlé de mon caractère et de ce que j'ai fait en prison au cours des 16 dernières années ou presque — et je n'ai pas pu me présenter en cour directement après la période de 15 ans; bref après toute cette période passée en prison et après avoir entendu des témoins parler de mon caractère, la question était de savoir si les membres du jury se sentiraient à l'aise avec ma demande de libération conditionnelle pour une réinsertion communautaire. Ils ont voté oui.
Après avoir décrit ce processus, j'ai expliqué à mon petit-fils qu'on entend souvent parler de la façon dont la communauté est sur ses gardes par rapport aux détenus qui sont réinsérés dans la société. Les membres de la communauté veulent avoir voix au chapitre. Ils veulent savoir qui sera leur voisin. Une fois mes explications terminées, mon petit-fils m'a dit que le processus lui semblait logique et il m'a demandé: « Alors, pourquoi le changerait-on maintenant? »
Je pourrais argumenter du point de vue correctionnel, en disant que cette disposition donne de l'espoir et que c'est un bon outil correctionnel pour permettre aux services correctionnels d'aider les gens dans le processus de réadaptation. Mais pour moi, c'était surtout le fait qu'on a parlé à des gens de ma communauté pour leur présenter mon cas et le fait qu'ils ont pris part au processus de prise de décision. À mon avis, ce serait dommage d'enlever cette disposition.
Monsieur Sauvé, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. Je ne veux pas entrer dans les détails de votre incarcération et de la peine que vous avez purgée. Si j'ai bien compris, vous avez été condamné à un emprisonnement à perpétuité pour meurtre au premier degré et vous avez demandé, à l'endroit où vous avez été jugé, qu'on convoque un jury. Est-ce bien ainsi que les choses se sont passées?
Comment avez-vous préparé votre dossier pour faire en sorte qu'il soit entendu par un jury et combien de temps cela vous a-t-il pris? Qu'est-ce qu'on a pris en considération?
Mes préparatifs ont commencé dès j'ai été condamné et que je suis entré dans le système carcéral. Je n'avais jamais été en prison auparavant. Je n'avais jamais passé une seconde en prison avant.
J'ai regardé la peine ainsi que l'environnement carcéral où je purgeais ma peine, et je savais que ce n'était pas une place pour moi. Les gens me demandent comment je me suis préparé à l'audience. Tout a commencé à ce moment-là. Je me suis rendu compte que j'avais une chance — une chance — à un moment donné dans l'avenir, de pouvoir me réinsérer dans la collectivité.
Lorsque j'ai été condamné, le juge n'a rien dit sur le processus de révision judiciaire ni sur l'application de l'article 745. Il m'a condamné à la prison à vie, et je l'ai cru. J'ai pris ma peine au sérieux.
Lorsque j'ai commencé à examiner la loi, parce que je ne voulais pas rester en prison... Je ne voulais pas être là. Je détestais chaque instant. Je me suis rendu compte que pouvoir retourner dans la collectivité, j'allais devoir vivre ma vie du mieux que je pouvais derrière les barreaux. Tel était le processus, et quand j'ai eu ma libération conditionnelle... Je prends la libération conditionnelle très au sérieux, parce que je peux être renvoyé en prison en tout temps. Une peine d'emprisonnement à perpétuité, c'est pour toujours.
Vous avez fait la demande d'être entendu par un jury alors que vous étiez condamné à la prison à vie. C'était au cours de la quinzième ou de la seizième année de votre peine?
C'est exact. Pour pouvoir être ici aujourd'hui, j'ai dû obtenir un permis de voyage. Je dois demander un permis de voyage si je veux aller à l'extérieur de la région où je suis. Sinon, c'est une violation de ma libération conditionnelle. Je peux être renvoyé en prison pour cela.
On a accepté de vous remettre en liberté, mais d'ici la fin de votre sentence de 25 ans, quelles conditions devrez-vous respecter? À quelle fréquence devez-vous rendre compte aux autorités: chaque semaine, chaque mois? Quel contrôle exerce-t-on sur vous, actuellement?
Je vais devoir rendre compte non pas pendant 25 ans, mais pour le reste de ma vie. Au Canada, quand on est en libération conditionnelle pour une peine d'emprisonnement à perpétuité, on est en libération conditionnelle pour le restant de notre vie et si on n'a pas la libération conditionnelle, on n'en sort jamais. Il y a donc de nombreux hommes et femmes qui purgent des peines d'emprisonnement à perpétuité et qui ne vont jamais sortir de prison. Ils vont mourir en prison. Comme je suis sorti pour une période plus longue, la commission des libérations conditionnelles et mon agent de libération conditionnelle tiennent compte de ce facteur. Ils peuvent faire une demande pour que certaines de ces restrictions soient retirées.
Je travaille pour une organisation appelée Option Vie et depuis ma mise en liberté, j'ai parlé à presque des milliers de personnes, comme des jeunes contrevenants, des élèves du secondaire et des groupes communautaires; je leur dis que je suis un condamné à vie et je leur explique comment j'ai pu passer à travers la peine et retourner dans la collectivité. Personne ne m'a jamais dit que j'aurais dû rester en prison.
Dans la vie de tous les jours, est-ce compliqué? Comment fonctionnez-vous au quotidien? Je sais que vous devez vous rapporter régulièrement au Service correctionnel du Canada. À quelle fréquence le faites-vous: toutes les semaines, tous les mois? Qu'est-ce que cela implique?
Certains pensent que, une fois remis en liberté, vous êtes libre comme l'air et vous pouvez faire n'importe quoi ou presque. Bien évidemment, je ne partage pas leur opinion. Pourriez-vous nous dire à quelles restrictions vous êtes soumis pour le reste de vos jours? Qu'est-ce que ça représente dans la vie de tous les jours?
Je suis en peu dans une position unique parce que je vais visiter des prisons et je travaille avec des hommes et des femmes — surtout des hommes — qui purgent des peines d'emprisonnement à perpétuité. Quand je vais à l'intérieur des prisons, je dois passer par des scanners ioniques et tout le reste. Si la police m'arrête, la première chose que je dois faire, c'est montrer mes documents de libération conditionnelle. Pour n'importe quoi — comme un programme RIDE —, je doit aviser mon agent de libération conditionnelle que la police est entré en contact avec moi. Si je veux voyager à l'extérieur de ma zone de libération conditionnelle, je dois en obtenir la permission. Je dois me déplacer avec un permis de voyage. Si ma demande est refusée, alors je ne peux pas le faire.
Si je veux quitter mon emploi, je dois obtenir une permission. Si je veux me déplacer, je dois obtenir une permission. Si on me demande de communiquer avec les autorités plus fréquemment, je dois le faire. Pendant des années, j'ai rendu compte à la police chaque semaine. S'il y a des changements dans la législation sur la libération conditionnelle, ils me touchent directement.
Merci, monsieur Sauvé, d'être ici. Je vais vous poser une série de questions afin d'avoir plus d'informations.
Pour donner suite à la question de M. Lemay, d'après ce que j'ai cru comprendre, vous n'avez pas fait votre demande dès la première année — c'est-à-dire à la 15e année; vous avez présenté une demande à la 16e année de votre peine. Est-ce exact?
J'ai fait la demande à la 15e année, mais il faut ensuite passer par tout le processus. Il faut sélectionner un juge, puis un avocat de la Couronne. On ne peut pas commencer le processus avant cette étape.
Nous avons beaucoup entendu parler d'un point — et c'est une préoccupation particulière que j'ai relativement à cette modification —, à savoir la collecte de données auprès de psychiatres, de psychologues et d'autres personnes qui vous ont évalué pendant que vous étiez incarcéré, et tout cela prend du temps. Quelle était votre expérience à cet égard? Avez-vous recueilli ce genre d'informations?
Il a fallu plusieurs mois. J'ai dû invoquer la liberté d'accès à l'information parce que bon nombre des dossiers n'étaient pas faciles d'accès, ni pour moi ni pour mon avocat. En même temps, le Service correctionnel a identifié quelqu'un comme témoin pour les tribunaux. Ce témoin fournit des documents aux tribunaux. Il ne s'agit pas d'un témoin pour ou contre le candidat; c'est un témoin pour les tribunaux.
Quant à la façon dont le processus fonctionne maintenant, un juge détermine la probabilité de réussite de la demande. Donc, même après la soumission, le juge peut décider qu'il n'y a aucune probabilité, et la personne ne pourra pas faire de demande.
Bien. Je vais maintenant passer à la prochaine question parce que nous sommes pressés par le temps.
Combien de temps s'est-il écoulé entre le moment où vous avez fait une demande et le moment où vous vous êtes présenté devant un jury pour le procès d'une semaine?
Au cours de cette période, cet autre témoin pour le gouvernement, pour le Service correctionnel, faisait un travail semblable pour se préparer à cette audience.
Vous l'avez indiqué, mais seulement pour être sûr, ce procès a-t-il eu lieu devant un jury dans la collectivité où le meurtre pour lequel vous avez été condamné a été commis?
Le jury a recommandé que je sois mis en liberté immédiatement, mais cela ne s'est pas passé ainsi. J'ai dû me présenter devant la Commission nationale des libérations conditionnelles.
Cela a pris environ un an avant que j'obtienne ma libération conditionnelle totale, parce que vous devez suivre plusieurs étapes. J'ai d'abord présenté une demande pour comparaître devant la Commission nationale des libérations conditionnelles afin d'obtenir des permissions de sortir sans escorte. Après cela, j'ai dû présenter une autre demande pour obtenir une semi-liberté. Après, j'ai dû présenter encore une demande pour obtenir une libération conditionnelle totale, de sorte qu'à n'importe quelle étape du processus, la commission aurait pu dire non et je serais demeuré incarcéré.
Résumons. Depuis le jour où vous avez présenté une demande jusqu'au jour où vous avez obtenu votre libération conditionnelle totale, combien de temps s'est écoulé?
J'ai présenté ma demande, je crois, à la fin de 1993 ou au début de 1994; et j'ai obtenu la libération conditionnelle totale vers la fin de 1995. Je crois que c'était en novembre 1995.
Dans votre travail pour Option-Vie et dans les visites que vous faites dans les prisons, êtes-vous intervenu auprès de détenus qui avaient présenté une demande de mise en liberté anticipée?
Oui. J'avais abandonné l'école au secondaire, j'ai donc terminé mes études secondaires. J'ai ensuite fait un baccalauréat en psychologie de l'Université Queen; j'ai fait ma spécialisation en criminologie et j'ai fait la plus grande partie de ma maîtrise pendant que j'étais derrière les barreaux.
Permettez-moi de me faire l'avocat du diable pendant une minute pour dire que — je fais ce commentaire pour mes amis de l'autre côté de la salle — vous êtes peut-être un cas d'exception. Vous voyez-vous ainsi ou voyez-vous d'autres individus que vous croisez comme des cas d'exception également? Je cherche à comprendre dans quelle mesure vous correspondez aux paramètres des gens qui présentent une demande et qui réussissent à obtenir une mise en liberté anticipée.
Je dirais que mon cas est un peu exceptionnel, mais c'est ce qu'on recherchait avec cette loi. Cette loi était conçue pour ceux qui montraient un rendement exceptionnel en prison.
Je travaille auprès d'hommes qui sont condamnés à perpétuité. La plupart des hommes qui purgent une peine à perpétuité et qui ont le droit de présenter une demande de révision judiciaire n'en présentent pas; la plupart affirment tout au long de leur peine qu'ils ont hâte de présenter une demande, mais lorsque vient le temps, beaucoup refusent de le faire. Ils disent qu'ils ne veulent pas obliger leurs victimes à revivre tout cela, ils ne veulent pas non plus que leur famille ait à traverser de nouveau tout cela et ils ne veulent pas revivre cela eux-mêmes.
Mais, ils ont la possibilité d'espérer et de saisir les occasions qui se présentent en prison pour essayer de faire des progrès, afin de se réinsérer plus tard dans la société, et c'est l'un des autres aspects de la loi. Elle permet aux détenus d'espérer et de sortir de prison.
Y a-t-il d'autres questions du côté gouvernemental? Non.
Monsieur Lemay, madame Lavallée, des questions? Non.
Monsieur Comartin, voulez-vous continuer? Non.
D'accord.
Monsieur Sauvé, merci d'être venu nous rencontrer.
Nous allons maintenant procéder à l'examen article par article du projet de loi. Nous allons prendre un instant pour vous permettre de quitter la table et nous reviendrons pour l'examen du projet de loi article par article.
Nous allons suspendre la séance pour deux minutes.
Nous voulons aussi souhaiter la bienvenue à John Giokas et à Catherine Kane, de la Section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice. Bon retour à vous deux.
Vous avez devant vous quatre amendements du gouvernement. Je crois que vous avez eu la possibilité de les examiner. Je crois comprendre que tous les amendements vous ont été communiqués par courriel.
En vertu du paragraphe 75(1) du Règlement, l'examen de l'article 1 est reporté à plus tard.
(Article 2)
Le président: Je crois comprendre que le gouvernement a un amendement pour l'article 2. Monsieur Moore, aimeriez-vous présenter l'amendement et l'expliquer.
Oui. Je propose l'adoption de l'amendement. Il s'agit d'un amendement technique qui permet d'aligner les versions anglaise et française, et si vous avez besoin d'explications, des spécialistes du ministère sont ici pour y répondre. C'est un amendement technique qui concerne le libellé.
Comme M. Moore l'a dit, il s'agit simplement de clarifier le libellé. L'anglais et le français véhiculent fondamentalement la même notion, soit que lorsque la loi entrera en vigueur, la disposition à laquelle il renvoie au paragraphe (1) ne s'appliquera plus. Un libellé plus précis a été utilisé dans la version française et la motion proposée permettra d'aligner la version anglaise sur la version française. L'effet est le même, à savoir qu'il s'agit fondamentalement d'un libellé plus précis et plus clair; l'amendement ne vise qu'à modifier la version anglaise du projet de loi.