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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 011 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 11 février 2014

[Enregistrement électronique]

(1310)

[Traduction]

[Français]

    Bienvenue à la 11e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce mardi 11 février 2014.

[Traduction]

    Nous disposons seulement d'une heure, et une partie de ce temps a été malheureusement utilisée pour effectuer la transition avec le comité précédent. Toutefois, je crois que si nous sommes généreux avec le temps, nous pourrons avoir une heure même si nous commençons un peu plus tard que prévu.
    Aujourd'hui, nous faisons le point sur la situation dans le camp d'Achraf et nous accueillons deux témoins. Il s'agit de Jared Genser, qui livrera son exposé en premier, et qui sera suivi de Wesley Martin, colonel à la retraite de l'Armée des États-Unis. Il est en Pennsylvanie et nous parlera par vidéoconférence.
    Monsieur Sweet, je crois que vous avez quelque chose à dire.
    Je fais appel à l'indulgence de mes collègues, les membres du comité. Aujourd'hui, j'ai appris avec certitude — la nouvelle est dans les médias — du frère de Shahbaz Bhatti, Peter Bhatti, qu'au Pakistan, une fatwa a été rendue en ce qui concerne Sikander Bhatti, le jeune frère de Shahbaz Bhatti. Gerard Bhatti est toujours là-bas, et son frère Paul, qui a repris le poste de Shahbaz Bhatti au sein du gouvernement, est en Italie en ce moment, car sa sécurité est menacée.
    J'aimerais seulement demander à mes collègues, étant donné la nature et l'importance de la situation, et en raison du lien entre notre comité et Shahbaz, si nous pouvons libérer notre calendrier, si possible, le mardi suivant notre retour. Nous espérons qu'à ce moment-là, Paul pourra venir au Canada pour comparaître devant notre comité et nous informer des circonstances exactes dans lesquelles se trouve sa famille au Pakistan.
    Monsieur Sweet, accepteriez-vous que nous en discutions en privé et que nous tentions de parvenir à un consensus à l'extérieur du comité?
    Oui, absolument.
    Je voulais que tous mes collègues soient au courant de la situation, et qu'ils sachent que Paul est prêt à prendre l'avion pour nous rencontrer.
    Merci.
    Nous entendrons d'abord Jared Genser. Je suis désolé que nous commencions plus tard que prévu.
    Je sais que la greffière vous a déjà expliqué les points techniques, et vous pouvez livrer votre exposé quand vous voulez.
     Bonjour, monsieur le président, et bonjour, membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne.
     Je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui du besoin pressant en matière de protection pour les 3 100 personnes actuellement détenues dans l'abominable camp de prisonniers près de Bagdad, appelé camp Hurriya, aussi connu sous le nom de camp Liberty.
     Tous les résidents du camp Liberty ont d'abord résidé dans le camp d'Achraf.
     J'aimerais commencer par remercier les membres du sous-comité de fournir une tribune essentielle pour exposer les violations des droits de la personne perpétrées contre les résidents du camp d'Achraf, et maintenant ceux du camp Liberty.
     Aujourd'hui, j'aimerais d'abord vous parler brièvement des résidents du camp. Ensuite, je parlerai de la série d'événements qui a mené au transfert de milliers de personnes du camp d'Achraf au camp Liberty. Troisièmement, je vous donnerai les détails de l'attaque qui a été lancée contre le camp d'Achraf en septembre 2013, car j'ai mené une évaluation approfondie de ces événements au nom de Rights for Migrants, une ONG allemande. Quatrièmement, je parlerai des plus récents développements dans le camp Liberty, notamment une autre attaque à la roquette perpétrée en décembre 2013, et enfin, je soulignerai les mesures que le Canada peut prendre, selon moi, pour aider à protéger plus efficacement les droits des résidents du camp Liberty.
     Comme vous le savez, les résidents du camp Liberty sont des membres de l'Organisation des moudjahidin du peuple d'Iran, ou l'OMPI, une organisation politique iranienne qui s'efforce de remplacer le régime actuel de l'Iran par un gouvernement laïque et démocratique.
     Depuis sa formation en 1965, ses membres ont constamment enduré des persécutions, notamment de multiples détentions et exécutions en Iran. Même après la révolution de 1979 et le renversement du Shah, ils ont continué d'être la cible d'attaques violentes, ce qui les a finalement amenés en Iraq, où ils ont pu continuer de militer pour la liberté et la démocratie contre la théocratie iranienne, notamment en menant des attaques armées contre l'armée iranienne et les cibles gouvernementales.
     Après l'invasion par les forces de la coalition en 2003, l'armée américaine a occupé le camp d'Achraf. Les résidents ont rendu leurs armes, le gouvernement américain a réalisé une évaluation de sécurité pour chacun d'eux, et les forces de la coalition ont désigné chaque résident comme étant une personne protégée en vertu de la quatrième Convention de Genève.
     Les forces de la coalition ont promis aux résidents du camp de les protéger, jusqu'à ce que leur statut final soit déterminé, s'ils rendaient leurs armes et s'ils signaient, individuellement et collectivement, une déclaration selon laquelle ils renonçaient à toute violence et à tout acte de terrorisme.
     En 2009, les forces de la coalition se sont retirées de l'Iraq et les États-Unis ont transféré la responsabilité de protéger les résidents au gouvernement iraquien. Depuis ce temps, les résidents ont subi de nombreux mauvais traitements aux mains du gouvernement iraquien. Le camp d'Achraf et le camp Liberty ont été attaqués six fois au cours des cinq dernières années: plus de 100 personnes sont mortes et des centaines d'autres ont été blessées.
     Comme je l'ai mentionné plus tôt, le 1er septembre 2013, le gouvernement iraquien a mené ou facilité un massacre dirigé contre les 101 résidents qui étaient restés au camp d'Achraf pour surveiller le reste de leurs biens. À 5 h 15, environ 120 hommes portant l'uniforme militaire et équipés d'AK-47 munis de silencieux et chargés de balles à noyaux perforants, de pistolets et d'explosifs ont mené une attaque coordonnée contre les résidents du camp.
     Pendant deux heures, les attaquants iraquiens ont fouillé le camp et ont tué 52 personnes d'une balle dans la tête. De nombreux résidents ont été menottés avant d'être exécutés. Des millions de dollars en biens ont été détruits. Les attaquants ont pris sept otages — six femmes et un homme — et les ont transportés de force à l'extérieur du camp, en ne laissant derrière eux que des débris. Quarante-deux résidents ont réussi à survivre à l'attaque en se cachant ou en se sauvant.
     Au nom d'une ONG allemande, Rights for Migrants, j'ai mené une entrevue avec tous les survivants par l'entremise de Skype, j'ai utilisé la technologie de cartographie de Google pour comprendre les distances entre les différents points à l'intérieur du camp, et j'ai produit un rapport extrêmement détaillé sur ces événements.
     Après avoir d'abord reconnu son rôle dans l'attaque et la prise d'otages, le gouvernement d'Iraq nie maintenant sa participation dans l'attaque et affirme ne rien savoir au sujet de la situation des otages, même si des rapports laissent croire qu'ils ont été déplacés dans un centre de détention près de Bagdad.
    Malgré ce démenti, des témoins oculaires affirment avoir vu la police iraquienne sur les lieux des événements et il y avait effectivement environ 1 200 membres de la police iraquienne et de l'armée iraquienne à l'intérieur, à l'extérieur et dans les environs du camp, ce qui prouve qu'il est impossible qu'une telle attaque soit passée inaperçue. En fait, plusieurs témoins oculaires ont clairement indiqué que les gardes postés aux divers points d'entrée avaient ouvert les barrières aux attaquants.
     D'autres attaques menées contre le camp d'Achraf en 2009 et en 2011 et qui ont fait des dizaines de morts et davantage de blessés ont été reconnues par le gouvernement de l'Iraq, qui a admis que ses propres forces étaient responsables de ces attaques. Mais même si aucune preuve directe n'existait, le camp d'Achraf est incontestablement un camp de prisonniers iraquien sur le territoire souverain iraquien sur lequel le gouvernement de l'Iraq a compétence exclusive, et il a donc la responsabilité de protéger ces gens.
(1315)
    Aujourd'hui, environ 3 100 personnes vivent dans le camp Liberty dans de piètres conditions, et les mesures de sécurité sont très limitées. Malheureusement, la communauté internationale s'occupe très peu de leurs besoins. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le UNHCR, a commencé à traiter leur demande d'asile il y a deux ans. Jusqu'ici, aucun d'eux n'a reçu le statut de réfugié. La plupart des résidents sont maintenant des personnes nécessitant une protection internationale, un statut inférieur qui empêche seulement leur retour en Iran et qui élimine les voies ordinaires par lesquelles un réfugié officiel en danger pourrait être secouru. Selon le UNHCR, les autres résidents deviendront vraisemblablement aussi des personnes nécessitant une protection internationale.
     Pour clarifier les choses, cela signifie que même si aucune accusation n'a été portée contre les résidents et sans qu'ils aient eu l'occasion de se défendre, le UNHCR a déterminé qu'il n'est pas prêt à certifier que les résidents dans leur ensemble n'ont pas perpétré d'actes de violence illégaux. Une telle conclusion va à l'encontre du droit international relatif aux réfugiés, notamment l'exigence de déterminer le statut de réfugié de chaque personne, et la présomption contre le recours à une affiliation à un groupe pour disqualifier une personne et l'empêcher de recevoir le statut de réfugié.
     Toujours pour clarifier les choses, même si historiquement, l'OMPI a dirigé ses attaques contre le gouvernement iranien et des cibles militaires, de telles attaques ne seraient pas illégales en vertu du droit international, et toutes revendications selon lesquelles les membres de l'OMPI ont été à l'encontre du droit ont été réfutées par des preuves crédibles présentées par une série d'autres experts.
     Au-delà du défi posé par la réinstallation des personnes nécessitant une protection internationale, seulement 10 % de la population a été réinstallée au cours des deux dernières années et rien ne laisse croire qu'une réinstallation majeure est bientôt prévue. Alors que le reste des résidents espèrent être réinstallés, le gouvernement d'Iraq refuse toujours de les protéger et d'assurer leur sécurité. Ils doivent vivre dans des caravanes aux murs aussi minces que du papier et ils n'ont aucun bouclier pour les protéger en cas d'attaques au missile. Même si plusieurs ententes ont été conclues entre la communauté internationale et le gouvernement d'Iraq pour la livraison de murs protecteurs et de bunkers — que les résidents doivent eux-mêmes payer —, seul un petit nombre ont été livrés et le gouvernement bloque la livraison du reste.
     De plus, les résidents sont constamment harcelés et vivent sous la menace d'attaques violentes à venir. Le harcèlement, parmi d'autres tactiques, inclut des retards dans l'admission des patients à l'hôpital, ce qui entraîne des rendez-vous manqués avec des médecins spécialistes; le blocage des livraisons de nourriture à l'entrée du camp pendant plusieurs jours jusqu'à ce que la nourriture soit partiellement pourrie; le refus de permettre aux résidents d'obtenir leur propre chariot élévateur pour soulever le matériel lourd, ce qui les oblige à le transporter à mains nues, et le refus de permettre aux camions de vidange de fosses septiques de quitter le camp pour déverser les eaux usées.
     Malgré les engagements pris à l'échelle internationale pour protéger les résidents du camp Liberty, le gouvernement iraquien a aussi empêché l'entrée d'équipement de protection, notamment des vestes, des casques, des sacs de sable, et d'autres formes de protection, ce qui rend les résidents essentiellement sans défense contre les attaques. Le camp demeure donc démuni de toute mesure de protection de base, surtout contre les attaques iraquiennes.
     Il y a moins de deux mois, c'est-à-dire le 26 décembre 2013, une autre attaque au missile a été menée contre le camp Liberty, faisant trois morts et 71 blessés. L'ONU et l'UE ont condamné cette attaque et ont demandé à la communauté internationale d'accroître ses efforts pour réinstaller ces gens à l'extérieur de l'Iraq. Le gouvernement du Canada a aussi condamné ces attaques et les a dénoncées publiquement, affirmant clairement que la communauté internationale a le devoir de respecter ses obligations envers ces personnes.
     En raison de plusieurs attaques menées ou facilitées par les Iraquiens et en raison des conditions actuelles dans le camp Liberty, le gouvernement d'Iraq a commis plusieurs violations du droit international, notamment des crimes contre l'humanité qui vont à l'encontre du droit international coutumier qui ont force obligatoire pour tous les États, ainsi qu'à l'encontre des dispositions de trois traités desquels l'Iraq est signataire, c'est-à-dire le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et la Quatrième Convention de Genève.
    L'Iraq a non seulement violé le droit à la vie des résidents, leur droit de ne pas être torturés et leur droit de ne pas être détenus arbitrairement, mais le pays a également négligé de protéger les résidents désignés comme étant des personnes nécessitant une protection en vertu de la Quatrième Convention de Genève. Au-delà de ma propre évaluation juridique de la situation, le Groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire, un organisme du Conseil des droits de l'homme, a émis deux avis selon lesquels les résidents étaient détenus en violation du droit international.
     Pour vous donner toute l'information, à l'époque, je représentais les résidents et j'ai présenté l'un de ces cas au groupe de travail.
     Étant donné que les résidents sont dans un camp de prisonniers d'Iraq, ils ne sont manifestement pas en sécurité dans ce pays. Je suis ici aujourd'hui non seulement pour expliquer les souffrances qu'ils ont endurées, mais aussi pour encourager vivement le gouvernement du Canada et la communauté internationale à intervenir et à aider les résidents. Peu importe qui a mené les attaques, il est incontestable que des personnes innocentes ont constamment été tuées ou exécutées ou ont été obligées de vivre dans des conditions non sécuritaires. Étant donné que le droit international en matière de droit de la personne fait l'objet de violations constantes, et en raison du milieu non sécuritaire dans lequel vivent les résidents, il est urgent de prendre les mesures nécessaires.
     Malheureusement, de nombreux pays hésitent à permettre aux résidents du camp Liberty de se réinstaller dans leur pays, préférant plutôt passer la responsabilité aux États-Unis qui, malheureusement, n'ont réinstallé aucun d'entre eux.
(1320)
    Même si le manque de volonté des États-Unis de remplir leurs obligations envers les résidents du camp est troublant, cela ne dispense pas les autres pays d'envisager des mesures humanitaires pour sauver ces vies humaines. Même si, comme le Canada, vous ne faisiez pas partie de la coalition des volontaires du président Bush, qui a envahi l'Iraq en 2003, il n'en demeure pas moins qu'on a reconnu, à l'échelle internationale, que les résidents du camp étaient des personnes protégées et des demandeurs d'asile, qu'ils ne sont pas armés et qu'ils sont sans défense, et que pendant cinq ans, ils ont été détenus dans des camps de prisonniers en Iraq.
    Évidemment, il ne fait aucun doute qu'ailleurs dans le monde, des millions de personnes vivent sous le joug d'une dictature impitoyable et totalitaire. La Syrie est un parfait exemple, ou encore la Corée du Nord, le Soudan et bien d'autres. Mais il s'agit toutefois d'un très faible pourcentage du nombre beaucoup plus élevé de gens pour lesquels la communauté internationale n'a pas donné suite aux mesures qu'elle s'était engagée à prendre pour les protéger. Ce manque d'action flagrant face à ces crimes contre l'humanité commis contre des populations que nous nous sommes précisément engagés à protéger diminue la confiance qu'ont les peuples envers les engagements pris par tous les gouvernements en matière de droits de la personne.
    En terminant, et pour remédier à cette terrible situation, je suggère respectueusement que les étapes suivantes soient suivies.
    Tout d'abord, il faut souligner que le Canada a joué un rôle de chef de file mondial en condamnant les abus du régime iranien. À l'avant-garde de cette lutte, on retrouve les membres de l'OMPI, dans le camp Liberty. À mon avis, la meilleure façon dont le Canada pourrait rester ferme face à l'Iran serait de permettre à plusieurs centaines des résidents du camp de se réinstaller ici. Il est clair que la réinstallation rapide des résidents du camp d'Achraf, maintenant le camp Liberty, représente la seule façon de garantir leur sécurité. En posant un geste aussi humanitaire, le gouvernement du Canada pourrait sauver des vies et en même temps communiquer clairement à Téhéran que les actions de son gouvernement sont illégales.
    Deuxièmement, je prie le gouvernement du Canada de s'exprimer sur le mépris flagrant du gouvernement iraquien envers les droits de la personne et de faire pression sur la communauté internationale, afin que des engagements sérieux et significatifs soient pris pour réinstaller les résidents à l'étranger.
    Enfin, et c'est très important maintenant, surtout étant donné l'entente entre les grandes puissances au sujet de l'Iran et de son programme nucléaire, que le Canada et le reste de la communauté internationale continuent d'exprimer clairement que même s'ils voient des progrès en ce qui concerne les questions nucléaires, un objectif auquel ils aspirent tous — la question de savoir si ces progrès seront réalisés demeure évidemment ouverte —, si l'Iran souhaite être accueilli à nouveau dans la communauté des nations, le pays devra cesser de parrainer le terrorisme, et cesser de soutenir Bashar al-Assad en Syrie. Il devra également cesser de financer des organismes terroristes comme le Hezbollah et le Hamas, cesser de faire des déclarations encourageant le génocide contre Israël, et cesser la série de violations constantes des droits de la personne commises contre ses propres habitants et conçues pour terroriser les gens, surtout les femmes et les minorités, mais aussi les défenseurs des droits de la personne, les avocats et les militants politiques, entre autres.
    Merci d'avoir organisé cette importante conversation. Je serai heureux de répondre à vos questions lorsque ce sera le temps.
    Merci, monsieur Genser.
    Colonel Martin, vous pouvez livrer votre exposé.
    Monsieur le président Reid, mesdames et messieurs les membres du sous-comité du Parlement canadien, je suis encore une fois heureux de collaborer avec vous. Dans l’esprit de camaraderie qui nous anime, je suis en compagnie de M. Biodun Ogundayo, qui vous traduira mon exposé. Il est professeur de français ici au campus Bradford de l’Université de Pittsburgh.
    Mesdames et messieurs, je vous remercie de m’avoir invité à venir vous entretenir de la situation dans le camp Liberty et en Iraq. Je regrette de ne pas pouvoir être parmi vous aujourd’hui. Je suis toujours heureux de travailler avec vous.
    Depuis notre dernière rencontre, les membres du MeK ont tous quitté le camp d’Achraf. Le 1er septembre 2013, une attaque meurtrière a été orchestrée contre le camp et les 101 responsables de biens restés au camp d’Achraf aux termes d’une entente conclue entre le gouvernement iraquien, le Département d’État américain et la Mission d’aide des Nations Unies en Iraq, ou la MANUI. La fumée des tirs de carabines et des explosions s’était à peine dissipée que le Département d’État américain et d’autres partisans du premier ministre Nouri al-Maliki s’étaient déjà empressés de déclarer que rien ne prouvait que le gouvernement iraquien avait participé à l’attaque.
    En ma qualité d'ancien premier officier antiterroriste de protection de la force pour toutes les forces de coalition en Iraq et d’ancien commandant du camp d’Achraf, j’affirme qu’il est tout à fait impossible que le gouvernement iraquien n’ait pas pris part à l’attaque. Le camp d’Achraf se trouve au milieu de nulle part. Rien, personne ne peut s’approcher à moins de cinq miles du camp à l'insu des gardes iraquiens postés dans les tours.
    Dans une attaque en groupe, les membres du groupe d’assaut, vêtus d’uniformes de l’équipe d’intervention spéciale iraquienne, sont venus du camp iraquien qui se trouve directement au nord du camp du MeK. Leur manière de se déplacer a été mise au point aux États-Unis: la position de Weaver et la position d’attente, arme basse. Les membres du groupe d’assaut ou leurs instructeurs ont été formés par des spécialistes américains en équipe d’intervention spéciale. Ils ont si bien copié nos mouvements qu’ils ne peuvent avoir été formés par personne d’autre.
    Armé de fusils munis de silencieux et de divers explosifs, y compris des explosifs américains datant de 2006, le groupe d’assaut se déplaçait avec une précision chirurgicale dans le camp d’Achraf. Des résidents non armés ont été tués de plusieurs balles à la tête alors qu’ils avaient les mains derrière le dos. D’autres qui se trouvaient dans le poste sanitaire pour soigner des blessures ont été assassinés. Des dirigeants du MeK ont particulièrement été la cible de tirs nourris à la tête. Ces attaques meurtrières, accompagnées d’explosions et de fumée provenant de la destruction d’équipement et de véhicules, ont duré deux heures.
    Avec une précision militaire et une coordination impeccable, le groupe d’assaut est retourné d’où il venait — au nord vers le camp iraquien. Plusieurs otages l’ont suivi à bord d’un véhicule volé dans le camp d’Achraf. Des survivants du massacre ont plus tard été en mesure de photographier le véhicule qui se trouvait tout juste à l’extérieur d’un bâtiment militaire iraquien. Or, les défenseurs de Nouri al-Maliki affirment que rien ne prouve que le gouvernement iraquien ait participé à l’attaque.
    La première journée des attaques, un seul observateur des Nations Unies qui était cantonné dans les environs est venu sur les lieux. Il a fait le tour du site du massacre, mais sans plus. Il a fallu attendre trois jours pour qu’un représentant du Département d’État américain se présente; ce dernier s’est lui aussi contenté de visiter le site du massacre. Personne n’a mené d’enquête sur place. Aucune douille n’a été ramassée; le matériel explosif n’a pas été inspecté.
    Aucun des éléments de base attendus d’une enquête professionnelle n’a été fait. Il est facile d’affirmer qu’aucune preuve n’existe quand aucune enquête digne de ce nom n’a eu lieu.
    Au cours de la dernière année, le camp Liberty a été la cible de quatre attaques à la roquette de précision. Le bilan meurtrier continue de s’alourdir. Chaque fois, les partisans de Maliki déclarent que rien ne prouve que le gouvernement iraquien y ait participé. Chaque fois, ses partisans se rangent derrière la revendication d’al-Battat, à savoir que ce sont des membres de son Hezbollah iraquien qui ont perpétré les attaques, même si al-Battat n’a toujours pas été en mesure de donner le nombre correct de roquettes tirées. Chaque fois qu’il revendique la responsabilité d’une attaque, le nombre de munitions qu’il prétend avoir lancées contre le camp est toujours moitié moindre que le nombre utilisé en réalité. Les vrais attaquants, eux, connaissent la réponse. De plus, même en Iraq, les milices ne se déplacent pas librement dans des véhicules équipés d’un lance-roquette de 280 millimètres.
    On entend parler du problème concernant Al-Qaïda en Iraq dans les nouvelles. Le véritable problème est le génocide de Nouri al-Maliki qui a contraint la population sunnite à livrer une dernière bataille. J’ai joint à mon témoignage trois excellents articles de Struan Stevenson, qui est député du Parlement européen et président de la Délégation pour les relations avec l’Iraq.
(1325)
    M. Stevenson comprend parfaitement les problèmes des citoyens iraquiens.
    Pendant ce temps, plus de 2 900 anciens résidents du camp d’Achraf se trouvent maintenant au camp Liberty. Il y a plus de deux ans, le maire Giuliani a qualifié l’endroit de camp de concentration. La dernière fois que j’ai témoigné devant vous, je l’ai qualifié de camp d’extermination en devenir. C’est maintenant chose faite. Des dizaines de gens sont déjà morts à la suite d’attaques à la roquette. D’autres sont morts, parce qu’on leur refusait l’accès à l’aide médicale dont ils avaient besoin. Les réservoirs des eaux usées se rompent; on refuse l’entrée des envois alimentaires jusqu’à ce que les denrées périssables soient pourries; on bloque l’entrée de l’équipement de réparation déjà acheté; on nuit à l’entrée de leurs propres chariots élévateurs et des grues en location; de simples outils, comme des pelles, doivent être fabriqués à la main à l’intérieur du camp. Le harcèlement quotidien des agents du renseignement iraquiens est une histoire sans fin.
    Enfin, il y a la question de l’équipement de protection de la force. Après la première attaque à la roquette, le colonel Sadeq, officier supérieur du renseignement iraquien, a fait retirer du camp Liberty les 17 500 murs pare-souffle qui s’y trouvaient. Ces murs s’étaient révélés très efficaces pour sauver des vies. C’est une lutte sans répit et insurmontable... [Note de la rédaction: inaudible]... les résidents pour que les murs leur soient rendus. Les abris fortifiés de protection à l’usage des résidents subissent le même sort. J’ai également joint à mon témoignage un tableau que j’ai récemment préparé montrant l’état de l’équipement de protection de la force.
    Pour conclure, ce que les résidents endurent n’est rien de moins qu’abominable. On leur ment constamment, et on ment constamment à leur sujet. Ils ont cruellement souffert et payé pour ces mensonges, et ce, souvent de leur vie.
    Je vous remercie sincèrement de m’avoir encore une fois donné l’occasion de témoigner devant votre comité, et je serai ravi de répondre à vos questions.
    Merci, colonel.
    Chers collègues, si je me fie à l’horloge, nous avons le temps de faire une série de questions de cinq minutes. Comme nous avons deux témoins, j’aimerais que vous précisiez à qui s’adresse la question. De plus, si vous souhaitez que les deux y répondent, il faut prévoir plus de temps pour les témoins, et vous devrez gérer vos minutes en conséquence. Si vous n’y faites pas attention, vous risquez de ne pouvoir poser qu’une seule question, parce que les deux réponses prendront tout votre temps.
    Cela étant précisé, vous ouvrirez le bal, madame Grewal.
(1330)
    Merci, monsieur le président.
    J’aimerais tout d’abord remercier MM. Genser et Martin de leur présence. J’aimerais aussi féliciter M. Genser de son travail en tant qu’avocat international pour les résidents du camp Liberty et du camp d’Achraf.
    Dans le rapport indépendant sur les évènements du 1er septembre 2013 au camp d’Achraf, en Iraq, vous avez écrit que le HCR devrait accorder le statut de réfugié aux résidents par l’entremise d’une détermination collective et devrait, conformément à son mandat, prendre en charge les résidents des deux camps et leur offrir une protection internationale.
    Croyez-vous que ce sera une mesure efficace en vue d’aider les résidents des camps? D’après vous, des pays avoisinants, comme l’Albanie, seront-ils disposés à en accueillir?
    Merci beaucoup de m’avoir posé une telle question fondamentale.
    Je tiens à préciser que j’ai représenté les résidents durant environ un an et demi relativement aux détentions arbitraires, mais depuis un an et demi, je ne les représente pas directement. Une ONG allemande m’a chargé de réaliser ledit rapport qui a indirectement appuyé les résidents et leur situation.
    Nous avons vu seulement 300 réinstallations, soit moins de 10 % de la population totale. Environ 200 personnes se sont dirigées vers l’Albanie. Environ 100 autres se sont dispersées dans divers pays de l’Union européenne et en Scandinavie. Par contre, il y a très peu de progrès à cet égard.
    En ma qualité d’avocat spécialiste en droit international des droits de la personne, j’ai mis l’accent sur les outils existants qui nous permettraient d’accélérer la réinstallation des résidents. On n’a pas besoin d’avoir une opinion sur leur orientation politique. Il suffit d’être humain pour ressentir leur souffrance et vouloir y mettre un frein.
    J’ai recommandé que le HCR, comme il l’a fait à maintes reprises par le passé... notamment en Iraq dans le cas du camp Makmur, où des résidents du PKK sont ouvertement armés et où le HCR a procédé à une détermination collective. Une telle avenue est envisageable en ce qui concerne les membres du MeK. L’appartenance à ce groupe est punissable de la peine de mort en Iran. Donc, par définition, les membres de ce groupe ont bel et bien raison d’avoir peur d’être persécutés pour des motifs politiques s’ils retournent en Iran.
    Nous savons évidemment que ces gens ont été persécutés en Iran et en Iraq. Le HCR a à sa disposition, dans des circonstances exceptionnelles... et en particulier, les critères prévoient que c’est lorsque la santé et la sécurité des demandeurs d’asile sont en fait menacées. Les six attaques depuis cinq ans nous permettent de conclure que leur vie est sérieusement menacée. Il y a eu quatre attaques l’an dernier contre le camp Liberty, en plus de l’attaque contre le camp d’Achraf, etc. Bref, tous les critères de base sont respectés en vue de procéder à une détermination collective.
    Malheureusement, j’ai l’impression que le HCR s’est éloigné — et c’est très regrettable — de sa mission humanitaire. Son mandat devrait se limiter à évaluer la validité des demandes d’asile et à rendre une décision, à savoir si les demandeurs sont des réfugiés en vertu du droit international.
    Malheureusement, la situation politique en Iraq et les grands enjeux de la Mission d'assistance des Nations Unies pour l'Iraq, ou la MANUI, relativement au gouvernement iraquien ont fait en sorte que le HCR semble avoir délégué ses activités à la grande mission onusienne. Selon moi, la MANUI semble avoir malheureusement conclu qu’elle a des questions plus urgentes à régler et qu’elle ne veut pas faire pression sur Maliki au sujet de la situation au camp Liberty.
    Je pense que la communauté internationale et les bailleurs de fonds du HCR, y compris le Canada, devraient faire pression sur l’organisme pour qu’il remplisse à tout le moins son mandat, à savoir de procéder à une détermination collective ou individuelle et de déterminer si les gens des deux camps sont des réfugiés ou non. Jusqu’à présent, le HCR ne souhaite pas le faire.
    Il vous reste 30 secondes, madame Grewal.
    M. Jared Genser: Désolé.
    Le président: Non. Ce n'est pas grave.
    Je ne pense pas avoir le temps de poser ma question en 30 secondes. Ce sera tout.
    Merci.
    Monsieur Marston, allez-y.
(1335)
    Merci, monsieur le président.
    Colonel Martin, nous sommes heureux de vous revoir; monsieur, nous vous souhaitons également la bienvenue.
    La situation est très troublante; nous la suivons depuis un bon moment.
    Je crois que lors de votre dernier témoignage, colonel Martin, vous avez dit que l’influence de l’Iran en Irak était de plus en plus préoccupante. Dans la documentation que vous nous avez fournie au sujet des exécutions en Irak et des événements qui s’y passent, je remarque qu’on semble se débarrasser du pouvoir sunnite en place depuis très longtemps. Croyez-vous que cela aura des conséquences directes sur le MeK au camp Liberty?
    Je vais aller un peu plus loin et vous donner d’autres points de discussion. Je crois qu’il convient d'essayer de comprendre les jeux politiques au sein du Conseil des droits de l’homme de l’ONU et d’autres organismes, puisque la politique semble prendre beaucoup de place dans cette affaire. On a entendu, sur le réseau de télévision ABC, des accusations au sujet du MeK, de la CIA, de l’assassinat de scientifiques, etc.
    Croyez-vous que cela entre en jeu?
    Cela repose entièrement sur le MeK au camp Liberty. Dans l’un de mes derniers rapports — et je crois que nombre d’entre vous reçoivent mes rapports hebdomadaires —, j’ai mentionné qu’al-Maliki revenait tout juste de Téhéran, qu’il devait satisfaire ses patrons iraniens et qu’on pouvait s’attendre à une attaque imminente contre le camp Liberty. Ce rapport est paru le 22 décembre. Le 26 décembre, une autre attaque à la roquette a été perpétrée contre le camp.
    De plus, vous avez mentionné des articles rédigés par Struan Stevenson du Parlement européen. Struan comprend très bien la situation dans la région et fait les mêmes observations que moi. Al-Maliki commet un génocide. Al-Qaïda n'est pas le grand responsable de tout ce qui se passe dans la province d’Anbar. J'étais présent à Washington lorsque al-Maliki a prétendu que tout était orchestré par al-Qaïda. C’est faux. Les membres du MeK livrent leur dernier combat en raison du génocide auquel il se livre.
    L’ayatollah Khomeini a dit que le chemin de Jérusalem passe par Bagdad. Malheureusement, le seul commandant régional qui comprenne vraiment la menace iranienne est Benyamin Netanyahou, et malheureusement, le pouvoir exécutif américain n’a pas la même vision de la situation que lui.
    J’ajouterai seulement un bref commentaire. Je suis bien sûr d’accord avec le témoignage du colonel Martin, ainsi que sa réponse. Je dirais seulement qu’à mon avis il ne s’agit pas d’un enjeu politique, bien que la situation soit profondément politique. Notre objectif est de sauver des vies, et en ma qualité de spécialiste du droit international des droits de la personne, j’applique une norme lorsque j'examine des faits relatifs à la situation. Le gouvernement irakien respecte-t-il ses obligations en vertu des traités dont il est signataire et du droit international coutumier? La réponse est claire et sans équivoque: non.
    Nous devons donc nous demander ce que nous pouvons faire pour améliorer la situation, compte tenu des limites du droit international et des défis associés à l'application des obligations de l’Irak en vertu des traités et du droit international coutumier. Au bout du compte, cela passe par la volonté politique des États-Unis en particulier, mais le gouvernement du Canada et d’autres gouvernements qui ont un penchant pour l'aide humanitaire sont en mesure de parler de la situation, d'interpeller Nouri al-Maliki au sujet de ce qui se passe et aussi de demander des comptes à l’Iran.
    À mon avis, tout cela se résume à l’Iran et à l’engagement de la communauté internationale envers le programme nucléaire iranien; et ce n’est pas un hasard si la communauté internationale reste muette à ce sujet ou minimise la situation, parce que nous savons que si nous insistons sur son importance ce serait s’attaquer à une question très importante aux yeux des mollahs de Téhéran. Ces derniers méprisent le MeK et en font leur ennemi juré, puisque les membres du MeK militent pour la séparation de la mosquée et de l’État et sont d’avis que l’Islam…
    Permettez-moi de faire un commentaire à ce sujet. J'ai l'impression que c'est un irritant pour ces personnes. C'est une terrible façon de le dire, mais on s'attendrait à ce que le départ des résidents du camp Liberty et leur dispersion dans des pays sûrs règlent le problème sans soulever l'ire de Téhéran.
    C'est toujours possible sur le plan politique. Je m'intéressais à la situation politique en vue de savoir pourquoi on — l'ONU, en particulier — ne sortait pas tout simplement les résidents des camps. Cela permettrait d'atténuer tous les autres problèmes relativement à l'Iran et à l'Irak.
(1340)
    C'est ironique. D'après mes conversations, surtout avec les survivants de la récente attaque contre le camp d'Achraf, les résidents eux-mêmes veulent sortir de l'Irak, parce qu'ils savent qu'ils sont condamnés dans la situation actuelle et pourtant... Si l'Irak veut s'en débarrasser, nous nous attendrions à ce que le gouvernement irakien demande personnellement au HCR d'accorder le statut de réfugiés aux résidents des camps ou le leur accorde lui-même pour leur permettre de quitter le pays le plus rapidement possible.
    Toutefois, en réalité, Téhéran ne veut pas laisser ce groupe quitter l'Irak, parce que ce dernier est pris au piège et qu'il est morcelé. Même si le gouvernement irakien dit souhaiter que les membres de ce groupe quittent son territoire et prétend qu'ils sont des terroristes selon les dires de Téhéran, ce n'est pas à son avantage de les voir partir, en pratique, puisque ses maîtres iraniens ne veulent pas qu'ils partent. Téhéran veut que les attaques se poursuivent et que plus de gens meurent et enfin, comme dans le cas des sept... On rapporte qu'il est fort possible que les sept otages se trouvent à Téhéran en ce moment même et que les forces de sécurité irakiennes les aient remis aux autorités iraniennes.
    Voilà ce que Téhéran souhaite voir.
    La parole est maintenant à M. Schellenberger. Allez-y.
    J'ai remarqué vos gestes, colonel. Vouliez-vous également répondre à la question?
    Oui. À l'heure actuelle, le gouvernement de Téhéran a beau jeu, puisque le Conseil national de la résistance iranienne doit dépenser beaucoup d'argent seulement pour alimenter le camp Liberty en combustible. Les résidents sont tourmentés. Tout leur est rendu difficile, et cette situation plaît beaucoup au gouvernement iranien.
    J'aimerais également souligner que le groupe qui ira en Albanie, qui a été formé par le MeK — et non par l'ONU ou les États-Unis —, soit le dernier groupe de 12 personnes, se voit refuser le droit de quitter le territoire par Nouri al-Maliki, étant donné que l'une de ces personnes fait l'objet d'un mandat d'arrestation bidon. De plus, le HCR tente d'inclure dans le groupe trois personnes qui ne sont pas des résidents du camp Liberty, et on craint que ces derniers causent des problèmes en Albanie et mettent encore plus dans l'embarras le MeK et le CNRI. Or, on n'entend ni les États-Unis ni le HCR se plaindre que Nouri al-Maliki empêche le dernier groupe de sortir du territoire.
    Merci.
    Je suis très préoccupé depuis quelque temps. En Syrie ou ailleurs, lorsque des sunnites se battent contre des chiites et des membres des diverses autres sectes musulmanes, j'ai l'impression que les membres d'une secte sont toujours des infidèles aux yeux des autres groupes.
    Ai-je raison?
    Ils citent toujours la bataille de Kerbala, qui a eu lieu en 680 après Jésus-Christ, et la ramènent au XXe siècle. L'Iraq a été formé artificiellement, tout comme la Syrie. On vient de commencer à tracer des frontières officielles, à regrouper des pays et à porter la minorité au pouvoir. Saddam Hussein représentait une minorité, mais il détenait la majorité. Les hostilités ont duré longtemps.
    En Syrie, c'est l'opposé. Même si nous l'avions voulu, nous n'aurions pas pu rendre la situation plus affreuse pour les gens qui y vivent. En 1953, la CIA avait appuyé le renversement d'un gouvernement populaire en Iran. Nous avons soutenu Nouri al-Maliki plutôt qu'Allaoui. Si Allaoui était aujourd'hui à la tête de l'Iraq, un tel problème n'existerait pas. Or, les États-Unis ont appuyé Maliki et ont volé le gouvernement à Allaoui, lorsque le grand ayatollah Sistani a dit à ce dernier de respecter la constitution. Aujourd'hui, Maliki s'apprête de nouveau à voler les élections; c'est pourquoi il doit finir le génocide avant avril, puisqu'il restera au pouvoir et que les États-Unis l'appuieront. Nous avons vu le récent fiasco en Syrie. Nous n'aurions pas pu faire pire.
(1345)
    J'aimerais ajouter une chose. Beaucoup de gens ne comprennent pas ce que vivent les personnes dans les camps. On semble les avoir reléguées au second plan. Si je ne siégeais pas au comité, je ne connaîtrais probablement pas le camp d'Achraf et le camp Liberty. Pouvons-nous faire mieux connaître la terrible situation dans laquelle se trouvent les résidents de ces camps?
    Je suis entièrement d'accord avec vous. Je ne cesse de le répéter; aux États-Unis, si Kim Kardashian porte une nouvelle robe, elle fait la manchette. Or, 52 personnes ont été assassinées au camp d'Achraf, et nous n'en entendons que très peu parler; ces nouvelles sont constamment étouffées. Malheureusement, en Amérique et aux États-Unis, les médias refusent de couvrir certains sujets, et malheureusement notre Département d'État a échappé aux conséquences de ses nombreux mensonges.
    En octobre, nous avons envoyé une lettre au président Obama, à laquelle a répondu Tony Blinken en décembre. Parmi les signataires de la lettre, on retrouve des gens comme le directeur du FBI Louis Freeh, le maire Rudy Giuliani... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... le gouverneur Ed Rendell... On nous a répondu par d'énormes mensonges. En janvier, j'ai préparé une réponse réfutant tout ce que la lettre de Tony Blinken contenait, et le gouverneur Ed Rendell la lui a envoyée.
    Nous avons quelques copies de la lettre ici, et je peux vous la transmettre. Shiran a la lettre. Il est au fond de la pièce. Je peux également la transmettre à... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... et vous montrer les problèmes. Les médias ne s'y intéressent pas pour une raison que j'ignore. Même Rudy Giuliani, qui défend la cause, ne suscite que très peu d'intérêt.
    J'ajouterais que la façon dont le gouvernement irakien gère la situation alimente le problème. Les résidents n'ont pas le droit de recevoir de visiteurs. Personne ne peut visiter le camp, à l'exception des rares représentants du gouvernement américain et de l'ONU. Les résidents peuvent communiquer avec le monde extérieur par téléphone et Skype, mais c'est à peu près tout. Les connexions Internet sont peu nombreuses.
    Pour moi, ce qui se passe au camp Liberty est choquant. C'est choquant. C'est bien la seule place au monde où il faut assumer les frais de son propre emprisonnement. C'est ce qui se passe. Grâce au financement provenant du CNRI, les résidents déboursent des millions de dollars par année pour se faire livrer du combustible, de la nourriture, etc.
    Je n'ai jamais rien vu de tel. Dans les pires prisons du monde, on vous donne des restes indigestes, et votre état laisse à désirer, mais vous n'avez pas besoin d'acheter votre propre nourriture. Il y a peut-être quelques exceptions, mais je trouve la situation tout à fait choquante.
    L'autre chose, c'est que la communauté internationale... Comme l'a fait valoir précédemment votre collègue, la question est tellement politisée qu'à Genève des représentants du HCR ont tenté de me convaincre que les résidents du camp Liberty n'étaient pas en détention. C'était leur argument. Selon eux, les résidents se trouvaient dans un lieu transitoire temporaire. J'ai dessiné un carré sur une feuille. Est-ce qu'ils peuvent en sortir? Est-ce qu'ils peuvent partir comme bon leur semble? Non.
    Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a affirmé que la détention des résidents contrevenait au droit international. C'est un organisme émanant du Conseil des droits de l'homme. Allons-nous contredire cet organisme? Si ce camp n'est pas une prison, qu'est-ce donc qu'une prison? Le camp a quatre murs, et des gardiens sont postés dans des tours; les résidents ne peuvent aller et venir à leur guise. C'est la définition traditionnelle de la détention arbitraire en vertu du droit international.
    On n'a pas respecté le principe de l'application régulière de la loi. Ces gens ne sont accusés d'aucun crime. Il n'y a eu aucune mise en accusation. Il n'y a eu aucune présentation devant un tribunal ou un juge. Ils ne peuvent pas demander à un avocat de la défense de contester les infractions présumées. Rien de tel.
    Or, le HCR dit lui-même que les résidents ne sont pas détenus. Lorsqu'un organisme humanitaire et non politique exprime de tels jugements pour des raisons politiques, c'est encore plus difficile d'attirer l'attention sur les enjeux. Les gens lisent ses rapports au Capitole ou dans d'autres parlements — quand je parle aux gens —, et l'organisme leur semble raisonnable. De plus, on a l'habitude de s'y fier pour obtenir de bons renseignements.
    Le défi est très grand: il est difficile d'attirer l'attention sur la souffrance des résidents, compte tenu du monde dans lequel nous vivons, mais il y a malheureusement aussi une certaine complicité au sein de la communauté internationale et des organismes de l'ONU qui ferment les yeux ou qui mentent sur ce qui se passe.
    La parole est maintenant à M. Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens d'abord à féliciter nos témoins pour leur travail. Ma question s'adresse à Jared Genser. Je crois que votre rapport indépendant sur les événements de septembre 2013 devrait être une lecture obligatoire pour tous. C'est l'étude la plus exhaustive dont j'ai pu prendre connaissance à ce sujet.
    Permettez-moi de revenir à un élément que vous avez mentionné en réponse à une question. Cela concerne les sept personnes qui ont été enlevées à l'occasion du massacre de septembre. Connaissez-vous les motifs de ces enlèvements? Savez-vous si ces personnes étaient ciblées? Vous avez indiqué qu'il y a des raisons de croire qu'elles se trouvent en Iran. Que peut faire la communauté internationale pour les localiser et garantir leur sécurité?
(1350)
    Merci, monsieur Cotler, pour cette question très pointue. Nous avons procédé à une analyse approfondie du massacre de septembre, et l'on doit effectivement garder à l'esprit le fait que sept personnes sont disparues aux mains des forces de sécurité irakiennes et pourraient fort bien être détenues à Téhéran.
    Nous n'avons que très peu de détails. Même les représentants des Nations Unies ont déclaré publiquement qu'ils croyaient que ces personnes étaient détenues dans des établissements de sécurité à proximité de Bagdad. Quand même les Nations Unies le disent... et c'est bien ce qu'a indiqué la MANUI, on en vient à se demander comment il se fait que tout le monde puisse affirmer que le gouvernement irakien n'est pas impliqué, alors même que les Nations Unies savent que ces personnes sont détenues dans un établissement de sécurité irakien près de Bagdad.
    Quoi qu'il en soit, j'estime que l'on a ciblé ces personnes parce qu'il s'agissait de dirigeants importants dont on ne s'était pas encore occupé. Leurs noms figuraient sans doute sur une liste d'individus à risque pour Téhéran et les Iraniens souhaitaient leur mettre la main au collet. On ne sait pas exactement où ils sont rendus.
    Malheureusement, le gouvernement irakien a fait pour ainsi dire la sourde oreille aux demandes formulées pour que l'on libère les personnes enlevées ou que l'on indique tout au moins où elles se trouvent. En fin de compte, tant que la communauté internationale ne sera pas disposée à exercer une véritable pression sur Nouri al-Maliki relativement à ces questions, plutôt que de le laisser libre d'agir à sa guise, je crois que l'on aurait tort de croire que les Irakiens pourraient avoir quelque motivation que ce soit à collaborer.
    Permettez-moi de souligner brièvement que la date que nous avons choisie pour rendre public notre rapport n'était pas fortuite. C'était le jour de novembre où Nouri al-Maliki est arrivé à Washington pour rencontrer le président Obama. Le jour même, on a demandé au porte-parole du département d'État ce qu'il pensait du rapport présenté par notre ONG allemande à la suite de son enquête sur le massacre au camp d'Achraf. Sa réponse a été renversante. Il a indiqué essentiellement que les Américains suivaient la situation de très très près et que rien ne leur avait permis de conclure que le gouvernement irakien était impliqué de quelque manière que ce soit.
    Une telle affirmation publique par le département d'État américain le jour même de la visite de Nouri al-Maliki à Washington m'apparaît comme un véritable sauf-conduit lui permettant d'agir en toute impunité. On parle en effet d'un camp sous la surveillance de 1 300 gardiens, et je vous rappelle le témoignage du colonel Martin, qui y a lui-même vécu et travaillé en étroite collaboration avec les Irakiens, et qui nous a expliqué comment il aurait été impossible, compte tenu de la situation du camp par rapport au reste de l'Irak, pour une centaine de commandos de s'y introduire, sans compter tout ce que nous avons pu entendre par ailleurs.
    Si le gouvernement américain ne leur demande pas de comptes quant aux événements survenus au camp d'Achraf, où l'on a commis des crimes contre l'humanité, pourquoi donc Nouri al-Maliki et le gouvernement de Téhéran devraient-ils croire qu'ils ont à se préoccuper le moindrement des demandes pour localiser ces sept personnes, sans même parler de leur libération?
    À mon avis, il s'agit essentiellement de faire en sorte que les États-Unis et les autres membres de la communauté internationale n'en viennent pas à croire qu'il existe des priorités plus importantes que l'obligation de sauver des vies humaines, et qu'ils ne puissent s'imaginer qu'il soit possible de conclure une entente avec un individu comme Nouri al-Maliki sans encourir des conséquences.
     Vous avez notamment recommandé que le Canada accueille 300 de ces résidents, suivant le principe plus général voulant que seule la réinstallation de ces personnes puisse garantir leur sécurité. Mais comme l'indiquait le colonel Martin, l'Iran souhaiterait les garder dans le camp où elles sont, et l'Irak se plie aux volontés de l'Iran.
     Comment pourrions-nous procéder à cette réinstallation, et qu'en est-il des États-Unis qui ont également des obligations particulières en la matière?
     C'est effectivement problématique. D'abord et avant tout, les Américains n'auraient jamais dû transférer aux Irakiens la responsabilité du camp d'Achraf. À la fin de 2008, j'ai d'ailleurs rédigé une note à l'intention du département d'État où je cite différentes déclarations publiques du premier ministre irakien, du conseiller national en matière de sécurité et en provenance de diverses sources à Téhéran qui soutenaient qu'ils allaient bientôt réprimer, tuer, incarcérer ou anéantir de quelqu'autre manière les résidents de ce camp.
     Une nation signataire de la Quatrième Convention de Genève ne peut transférer une responsabilité à un autre signataire — comme l'Irak — que si elle est persuadée qu'il respectera les droits conférés pour protéger les civils en temps de guerre en vertu de ladite convention. Les États-Unis savaient pertinemment que les Irakiens n'allaient pas satisfaire à ces exigences, mais leur ont tout de même transféré cette responsabilité.
     Si le Canada devait prendre l'initiative et donner l'exemple au reste du monde en acceptant au départ une centaine de réfugiés, voire une cinquantaine à titre symbolique, je pense que cela montrerait que nous sommes à l'écoute des revendications au titre des besoins de protection internationale. Le Canada peut procéder à ses propres évaluations après avoir annoncé qu'il en accueillera 50 ou bien 100. Il peut déléguer ses spécialistes de la sécurité pour mener des interrogatoires serrés. Il est toujours possible de consulter à cet effet les États-Unis qui, soit dit en passant, ont déployé au départ les effectifs de sept agences de renseignement et de sécurité pour interroger chacun des résidents du camp d'Achraf. Compte tenu des pratiques en matière d'échange de renseignements entre les États-Unis et le Canada, vous pourriez sans doute obtenir les dossiers de ces personnes et les évaluations qui en ont été faites par les services de renseignement américains.
     En procédant publiquement à une telle annonce, je pense qu'on obligerait Nouri al-Maliki à laisser partir le nombre de personnes correspondant. Comme il s'est déclaré publiquement en faveur de la réinstallation, il deviendrait bien difficile pour lui de justifier un refus auprès d'une bonne partie de la planète si le Canada faisait valoir qu'il bloque ses efforts pour réinstaller ces personnes.
(1355)
     Nous passons maintenant à M. Sweet.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
     Merci, monsieur Genser pour votre excellent travail.
    Colonel Martin, je suis heureux de vous revoir. J'aimerais bien qu'un jour nous puissions nous rencontrer pour discuter de sujets plus agréables.
    Pouvez-vous nous donner une idée de la taille actuelle du camp Liberty?
     Oui, bien sûr. Lorsqu'il a été construit par les Américains, le camp Liberty s'étendait sur plusieurs kilomètres. Il doit couvrir aujourd'hui moins d'un demi-kilomètre carré. Je dirais qu'il doit faire 800 mètres d'un côté par quelque 600 mètres de l'autre.
     J'y vivais à l'époque à titre de chef des opérations. Il devait nous servir uniquement lorsque nous n'étions pas en fonction, pas pendant les quelques...[Note de la rédaction: difficultés techniques]... heures par jour où nous travaillions. C'était sa fonction première. Nous nous retrouvons maintenant avec plus de 2 900 personnes qui y résident dans un espace minuscule et ne le quittent pas pour aller travailler ailleurs. Elles sont confinées dans ce camp qui doit faire à peine la moitié d'un kilomètre carré.
     Lorsque Martin Kobler, l'ambassadeur des Nations Unies, a fait la promesse... Le MEK a été amené à croire qu'il disposait de la totalité du camp Liberty. La réalité est tout autre; on ne cesse d'en réduire la superficie. C'est d'ailleurs pour cette raison que les attaques à la roquette sont si efficaces.
     Pour que les choses soient bien claires, M. Genser a indiqué dans son témoignage qu'il y a 1 300 gardes irakiens qui entourent ce petit camp. Est-ce bien ce que nous avons entendu?
    Non, je parlais de la situation initiale au camp d'Achraf dont la dimension a également été réduite depuis. Mais il y avait bel et bien 1 300 gardes autour du camp d'Achraf lorsque le massacre a eu lieu.
    Qu'en est-il des effectifs de sécurité actuels au camp Liberty? Est-ce que quelqu'un est au courant?
    Je peux apporter une précision à ce sujet.
    Les 1 300 personnes déployées au camp d'Achraf n'étaient pas toutes affectées à la sécurité, mais Maliki les avait placées à cet endroit dans l'éventualité d'un conflit avec Barzani au Kurdistan. Quoi qu'il en soit, il y avait effectivement 1 300 personnes prêtes à réagir si l'un des membres du MEK essayait de s'évader du camp d'Achraf ou de faire quoi que ce soit de répréhensible.
    Le camp Liberty fait partie d'un ensemble en regroupant plusieurs. Il doit y avoir au moins 10 000 gardes dans la région immédiate. Il y a le camp Victory près du lac Al Faw Palace, le camp Slayer, le camp Cropper et quelques autres, ce qui fait beaucoup de monde sur un petit territoire.
    Colonel Martin, n'hésitez pas à intervenir, car je sors un peu de mon domaine de compétence, mais je sais que ces faits sont véridiques et valent la peine d'être soulignés ici. Il y a cinq points de contrôle de sécurité — je parle de la zone rouge à l'extérieur de Baghdad — à franchir pour atteindre le camp Liberty. Penser qu'un groupe de militants puisse monter un lance-roquettes à l'arrière d'un camion et l'amener dans un rayon de moins de trois kilomètres — je crois que ces roquettes peuvent être lancées à trois ou quatre kilomètres de distance — pour lancer de 20 à 30 roquettes et s'enfuir sans être repéré dans une zone aussi fortement sécurisée, avec 10 000 soldats et autres effectifs irakiens, voilà une idée qui défie vraiment l'imagination. Le fait que ce camp ait maintenant fait l'objet de multiples attaques à la roquette sans qu'on ait capturé ou tué ne serait-ce qu'un seul responsable, nous en dit beaucoup sur une éventuelle implication du gouvernement irakien.
(1400)
    C'est justement ce que je voulais éclaircir parce que...
    Col Wesley Martin: Permettez-moi d'ajouter...
    M. David Sweet: Juste un instant, colonel, et vous pourrez ensuite intervenir.
    La politique est quelque chose de parfois très étrange. Je peux bien sûr arriver à saisir les motivations de Maliki, mais je trouve complètement absurde le commentaire du département d'État à l'effet que l'on surveillait la situation de très très près. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on déclare une chose semblable.
    Nous vous écoutons, colonel.
    Monsieur le président, je crois que je vais envoyer à votre assistante la lettre dont je parlais. Vous ne manquerez pas de trouver plus qu'étranges les réponses qu'il essaie de nous donner.
    On a aussi mentionné le fait qu'il n'y a eu aucune arrestation mais, curieusement, chaque fois qu'une attaque semblable se produit, les États-Unis et les Nations Unies demandent immédiatement à Maliki de faire enquête. Comme je l'ai écrit dans cette lettre et dans d'autres rapports, aussi corrompu et mal en point qu'ait pu être le service de police de Chicago dans les années 1920, personne n'a jamais demandé à Al Capone de faire enquête sur le massacre de la Saint-Valentin. C'est pourtant exactement ce que l'on fait ici.
    Je sais qu'il me reste peu de temps. Y a-t-il des gens du HCNUR présents en tout temps au camp Liberty?
    Ces gens-là n'entrent même pas dans le camp Liberty. Ils restent en périphérie.
    Cela fait partie des promesses que l'on avait faites aux résidents. On s'était engagé à exercer une surveillance du camp Liberty 24 heures sur 24, ce qui n'a pas été fait. Les Nations Unies considèrent maintenant qu'il suffit de pouvoir rejoindre quelqu'un en tout temps par téléphone, mais ce n'est bien sûr pas réalisable. Au milieu de la nuit, personne ne répond au téléphone, et c'est ce qui est arrivé lors de quelques-unes de ces attaques à la roquette. Les représentants du HCNUR se rendent au camp pour rencontrer quelqu'un et vont dans un bureau situé à environ trois kilomètres pour mener des entrevues individuelles avec les résidents.
    Les résidents ont soutenu à maintes reprises qu'ils avaient besoin de la présence en permanence dans leur camp d'un représentant des Nations Unies. Il suffirait d'une seule personne pour qu'al-Maliki et les autres individus en cause y songent à deux fois avant de lancer des roquettes de crainte de tuer un membre du personnel des Nations Unies, ce qui pourrait leur causer bien des ennuis. Mais ni les Nations Unies ni la communauté internationale ne semblent disposées à intervenir en faveur de la présence permanente d'un représentant onusien au camp Liberty.
    Je sais que le temps qui m'est alloué tire à sa fin, mais je voudrais répéter, monsieur le président, que j'aimerais beaucoup que nous puissions convoquer, si mes collègues sont d'accord, un représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés afin qu'il puisse répondre directement à ces allégations.
    Nous en discuterons séparément, si nous avons le temps.
    Monsieur Benskin.
    Merci. Je suis le dernier arrivé au sein du comité et rien de mieux dans une telle situation que de plonger directement dans le vif du sujet.
    C'est un plaisir pour moi de vous rencontrer tous les deux. De mon point de vue de simple observateur, pour l'instant tout au moins, la première question qui me vient à l'esprit est un peu dans la même veine que celles posées par MM. Cotler et Sweet. Elle porte sur la présumée complicité des Nations Unies et de la communauté internationale dans ce dossier. Qu'est-ce qui peut motiver un tel comportement? Qu'ont-ils à gagner en faisant en sorte que ces personnes ne puissent quitter le camp en question pour être relocalisées dans des lieux plus sûrs?
    Je vais essayer de vous répondre et je suis persuadé que le colonel Martin voudra compléter.
    À la base, les Nations Unies ont toute une série de dossiers à régler et du personnel en place en Irak pour contribuer à la reconstruction du pays à la suite de l'invasion américaine. Le prédécesseur de l'ambassadeur Kobler, qui a été responsable pendant plusieurs années de toutes ces questions pour le compte de la MANUI, a eu bien des ennuis avec les autorités irakiennes après avoir déclaré que les élections irakiennes n'étaient pas libres et équitables. On l'a évincé de son poste à la suite de ce commentaire.
    Martin Kobler a reçu comme directive de faire la paix avec les Irakiens. C'est le mandat bien clair qui lui a été confié... et que nous connaissions, soit dit en passant. Je ne sais pas si M. Kobler a déjà comparu devant votre comité, mais ce serait peut-être une bonne idée. Les renseignements que je m'apprête à vous transmettre proviennent d'un dénonciateur des Nations Unies, un certain Tahar Boumedra, avocat international en droits de la personne qui n'a travaillé au sein du système onusien que pendant les cinq ou dix dernières années de sa carrière. Préalablement à cela, il a été juge représentant l'Algérie à la Cour internationale de justice en plus de diriger certaines publications spécialisées en droits de la personne pour le compte de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Après avoir été le bras droit de Kobler pendant toute cette période, il a essentiellement déclaré que les Irakiens avaient comme priorité, au nom de leurs maîtres à Téhéran, de s'en prendre aux résidents du camp d'Achraf.
    Un plan a donc été mis au point en collaboration avec les Irakiens afin d'exercer une pression sur eux. En échange, les Irakiens acquiesceraient à certaines demandes des Nations Unies relativement à divers enjeux d'importance. Selon Tahar Boumedra, Kobler a donc fait un calcul politique. Il a suivi les directives de New York qui voulait qu'il fasse la paix avec al-Maliki en lui faisant une concession sur un point que les Nations Unies, bien qu'il s'agisse d'un problème préoccupant et, bien évidemment, d'un enjeu majeur en matière de droits de la personne, ne considéraient pas aussi prioritaire que différents autres problèmes devant être réglés en Irak.
    On cherchait du point de vue politique à se gagner les faveurs d'al-Maliki en réprimant les résidents du camp d'Achraf. Même le déplacement entre les camps d'Achraf et Liberty était purement politique; il n'avait rien à voir avec des considérations humanitaires. Le gouvernement irakien a soutenu que ces personnes ne pouvaient être interrogées au camp d'Achraf, parce que le HCNUR n'aurait pas jugé le processus indépendant, même s'il était mené par les Irakiens, et même si FOB Grizzly, l'une des bases américaines sur place, était installée dans des locaux distincts qui auraient permis de mener les entrevues à quelques kilomètres de là à peine, entre autres solutions possibles.
    Permettez-moi de mentionner très brièvement qu'al-Maliki a insisté pour procéder à ce déménagement parce que Téhéran faisait valoir qu'il convenait de fermer le camp d'Achraf — qui existait depuis 30 ans — devenu un symbole de la résistance iranienne. C'est ainsi qu'il a été décidé arbitrairement de déménager tout le monde au camp Liberty.
(1405)
    Merci.
    Colonel, pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Je suis tout à fait d'accord avec ce que Jared vient de dire. De plus, j'ai ici le rapport d'une enquête que j'ai menée au sujet d'un surveillant des Nations Unies, Massoud Durrani. Tahar Boumedra a d'ailleurs fait une déclaration à ce propos. Suivant des directives de Kobler, Massoud Durrani s'employait à causer des problèmes avec le MEK et à produire toute une série de faux rapports.
    La déclaration de Tahar Boumedra dans ce document fait écho à ce que vous venez tout juste d'entendre. Il y avait aussi un autre problème avec Kobler. Il travaillait en même temps pour le compte d'entreprises allemandes, tout comme son épouse qui était ambassadrice de l'Allemagne en Irak. Les deux mettaient tout en oeuvre pour que des entreprises allemandes puissent faire des affaires dans ce pays. Il y avait donc deux problématiques distinctes: d'une part, il fallait apaiser Maliki et, d'autre part, on s'efforçait de préparer le terrain pour les entreprises allemandes.
    Merci beaucoup.
    Je vais vous transmettre une déclaration sous serment de Tahar Boumedra qui tient en une dizaine de pages. C'est un bon résumé de son point de vue et de ce qu'il a pu observer en Irak pendant qu'il travaillait avec Kobler. C'est assez effroyable. Cela me rappelle un peu ce qu'on a pu constater récemment à Haïti avec l'engagement des Nations Unies lors de l'épidémie de choléra.
    Monsieur Genser et colonel Martin, vous avez offert tous les deux de transmettre des documents additionnels au comité. Vous pouvez les envoyer directement à mon bureau ou encore à notre greffière; nous verrons à ce qu'ils soient distribués. Nos règles exigent que ces documents soient accessibles en anglais et en français. Nous ferons le nécessaire avant de les remettre aux membres du comité.
    Chers collègues, nous n'avons plus de temps. En fait, nous avons un peu dépassé le temps prévu. Merci de votre générosité.
    Pourrait-on simplement vérifier si tout le monde est d'accord, étant donné que rien n'est prévu pour notre séance de mardi à notre retour, pour que nous convoquions comme témoin Paul Bhatti s'il lui est possible de se déplacer depuis l'Italie?
    Tout le monde est d'accord?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Voilà qui est convenu. Nous essaierons de prendre les dispositions nécessaires.
    Merci, chers collègues. Un grand merci à nos témoins.
    La séance est levée.
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