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Merci, monsieur le président.
[Français]
Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je vous remercie d'avoir invité les gens du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement à contribuer à votre étude sur la situation des droits de la personne au Sri Lanka.
J'ai à mes côtés aujourd'hui M. Jeff Nankivell, directeur général du développement de l'Asie, et Mme Deborah Chatsis, directrice des relations avec l'Asie du Sud. Nous serons heureux de répondre aux questions du comité après ma déclaration d'ouverture.
[Traduction]
Comme vous le savez, le n'a pas assisté à la Réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth, soit la RCGC, qui a eu lieu la semaine dernière au Sri Lanka. En 2011, le Canada a accepté, par consensus avec les autres membres du Commonwealth, la candidature du Sri Lanka pour l'organisation de la RCGC de 2013. Le premier ministre avait toutefois posé des conditions pour y assister, et nous avions bon espoir que le gouvernement sri-lankais améliorerait la situation en matière de droits de la personne et prendrait des mesures en vue de la réconciliation et de la reddition de compte. Malheureusement, il n'en fut pas ainsi. La situation des droits de la personne demeure en effet déplorable et se détériore à plusieurs égards.
[Français]
Depuis 2009, lorsque le conflit civil qui a déchiré le Sri Lanka pendant près de 30 ans a pris fin, le pays a réalisé des progrès évidents en ce qui a trait à la reconstruction et au développement de l'infrastructure. Les atrocités associées à la guerre, comme le déplacement en masse de citoyens, ont cessé, et le gouvernement a réinstallé plus de 300 000 personnes qui avaient été déplacées à l'intérieur du pays. Or, même si le gouvernement du Sri Lanka a gagné la guerre, le pays n'est pas en paix pour autant. En effet, le gouvernement n'a pas tenté de parvenir à une réconciliation tangible et durable, et nous craignons que cet échec expose tous les Sri Lankais au danger de nouveaux conflits et de nouvelles souffrances.
[Traduction]
Nous continuons d'exhorter le gouvernement du Sri Lanka à mettre en oeuvre les recommandations de sa propre Commission sur les leçons apprises et la réconciliation, ou la CLAR. Avant la mission de la haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, au Sri Lanka en août 2013, le gouvernement avait annoncé quelques mesures pour démontrer ses progrès visant la réconciliation, notamment l'ajout de nouvelles recommandations de la CLAR à son plan d'action national et la nomination d'une commission d'enquête sur les disparitions pendant la guerre. Nous craignons toutefois que, par un manque évident de suivi, ces annonces et d'autres plus récentes aient surtout servi à camoufler la réalité et qu'elles aient été faites en prévision de la visite de Mme Pillay et de la RCGC.
Nous avons accueilli favorablement la tenue des élections des conseils provinciaux en septembre, y compris le scrutin historique dans la province du Nord, mais nous nous inquiétons des mesures d'intimidation qui ont précédé ces élections et nous sommes découragés par le manque chronique d'engagement à céder réellement le pouvoir aux conseils provinciaux.
Deux aspects distincts des droits de la personne au Sri Lanka continuent de préoccuper la communauté internationale. Le premier aspect est celui des allégations crédibles de violations des droits de la personne durant le conflit tant par les Tigres de libération de l'Eelam tamoul que par les forces gouvernementales. Quant au second aspect, il s'agit des violations continues des droits de la personne depuis 2009.
Dans le premier cas, le Canada exhorte sans répit le Sri Lanka à mettre sur pied une enquête indépendante sur les prétendues violations du droit international humanitaire et des droits de la personne commises par les deux parties durant le conflit. Il s'agit d'ailleurs d'un élément clé de la résolution sur le Sri Lanka que le Conseil des droits de la personne a adoptée en mars 2013 et que le Canada a coparrainée.
Malheureusement, le gouvernement du Sri Lanka continue de s'opposer à ces appels, et ce, aussi récemment que la semaine dernière, tandis qu'il était l'hôte de la RCGC. Dans son rapport présenté au Conseil des droits de la personne en septembre, la haut-commissaire Pillay indiquait n’avoir décelé aucune initiative récente ou d'envergure pour mener une enquête indépendante ou crédible sur ces allégations. Elle a encouragé les autorités sri-lankaises à entreprendre un processus national crédible pouvant donner des résultats concrets avant que le conseil envisage la mise en oeuvre de la résolution de cette année, lorsqu'il se réunira en mars 2014.
Durant sa visite, Mme Pillay a été mise au courant de plaintes concernant la forte présence continue de harcèlement et d'intimidation dont sont victimes des défenseurs des droits de la personne, des avocats et des journalistes. Pour étouffer les protestations et la contestation, les autorités ont eu recours à des arrestations, à des détentions et même à des enlèvements dans des fourgonnettes blanches.
Le secrétaire parlementaire Obhrai a entendu cela la semaine dernière, tout comme le sénateur Hugh Segal, qui est l'envoyé spécial du Canada au Commonwealth, lors de sa mission d'enquête au Sri Lanka en mars 2013. Les libertés d'expression et d'association ne sont pas respectées, et la place qui devrait être accordée à la contestation politique continue de fondre. Selon Reporters sans frontières, le Sri Lanka est l'un des pays les plus dangereux pour les journalistes; il occupe le 162e rang pour ce qui est de la liberté de presse. En négligeant de protéger les voix dissidentes, le gouvernement se trouve à exercer lui-même une censure dans les médias grand public.
[Français]
Il est également regrettable d'observer l'intolérance croissante ainsi que la violence envers les communautés religieuses et, ici encore, l'omission de punir ceux qui en sont les auteurs. Nous entendons par cela les attaques contre les lieux de culte et les commerces appartenant à des communautés religieuses et minoritaires ainsi que les pressions de plus en plus violentes exercées à l'endroit des communautés musulmanes.
Le 10 août, par exemple, les insurgés, dont des moines bouddhistes, ont attaqué une mosquée à Grandpass. Il y a eu des blessés, mais aucune arrestation immédiate. Il y a également une montée de la violence contre des églises chrétiennes et des fidèles, mais le gouvernement ne déploie aucun effort sérieux pour empêcher ou punir ces attaques.
Andrew Bennett, l'ambassadeur du Canada pour la liberté de religion, s'est employé à faire part de notre inquiétude croissante à cet égard.
[Traduction]
L'inaction du gouvernement et l'appui tacite d'une culture d'impunité ont gravement nui à la primauté du droit et à la démocratie. Mentionnons en particulier le renvoi, en janvier 2013, du juge en chef Bandaranayake, à la suite d’un processus de destitution hautement politisé et nullement transparent, où les règles les plus élémentaires n'ont pas été respectées. Voilà un exemple très concret qui démontre que le gouvernement sri-lankais ne respecte pas les principes de Latimer House adoptés par le Commonwealth qui établissaient les rapports entre les trois pouvoirs du gouvernement.
La haut-commissaire Pillay a confirmé que la violence sexuelle demeure une préoccupation majeure, tant par son envergure que par sa nature systématique. La violence contre les femmes dans le nord du Sri Lanka est en hausse, surtout depuis 2009, et les veuves de guerre y sont particulièrement désavantagées. D'autres groupes vulnérables tels que les lesbiennes, les gais, les bisexuels et les transgenres, en particulier les activistes, sont victimes de harcèlement et d'intimidation, et ce, parfois même de la part des autorités. Dans la période qui a précédé la RCGC, les activistes LGBT ont été menacés d'être arrêtés s'ils continuaient de faire la promotion de leurs droits.
Par ailleurs, la plupart des familles du pays éprouvent des difficultés économiques croissantes en raison de la hausse du prix des denrées de base. Selon l'Organisation internationale du Travail, le Sri Lanka est le pays d'Asie où l'inégalité des revenus s'est accrue le plus rapidement en 2012. Ce qui est particulièrement inquiétant, c'est la militarisation d'un certain nombre de secteurs socio-économiques au détriment de la prospérité des économies locales et du développement à long terme. Pourtant, le gouvernement du Sri Lanka continue de refuser de collaborer de façon constructive avec la communauté internationale, comme nous l'avons constaté la semaine dernière à la RCGC. Le plus étonnant a sans doute été les attaques inadmissibles faites publiquement par des représentants sri-lankais quant au professionnalisme et à l'objectivité de la haut-commissaire Pillay durant sa mission, et leur rejet presque immédiat de son rapport.
[Français]
Au terme de sa mission au Sri Lanka, Mme Pillay a décrit le Sri Lanka comme un pays qui « se dirige de plus en plus vers l'autoritarisme ». D'après un éminent observateur sri lankais, cette situation démontre que le gouvernement n'a pas réussi à sortir le pays d'un contexte « d'après-guerre » pour lui faire franchir l'étape « d'après-conflit ». L'absence d'une réconciliation et d'une responsabilisation tangibles depuis 2009 ainsi que les violations des droits de la personne et de la règle du droit qui se perpétuent demeureront des préoccupations majeures pour le Canada et pour la communauté internationale. Cela dit, il n'est pas trop tard pour changer de cap, car le gouvernement du Sri Lanka pourrait entamer un véritable processus de réconciliation et bâtir un pays unifié, où tous les Sri Lankais pourront vivre librement et en toute sécurité.
[Traduction]
Mon ministère continuera de surveiller de près la situation des droits de la personne au Sri Lanka et de collaborer avec la communauté internationale et le gouvernement du Sri Lanka pour favoriser des progrès réels et grandement nécessaires.
Le Canada n'est pas le seul pays à faire part de ses inquiétudes. D'autres gouvernements, ainsi que Human Rights Watch, Amnistie internationale et des experts en droit international font également partie des gens insatisfaits du peu d'améliorations que l'on observe depuis la fin du terrible conflit. Selon la politique étrangère du Canada, qui est fondée sur des principes, il faut passer de la parole aux actes et prendre des mesures nécessaires.
Merci beaucoup de votre attention.