SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 21 avril 2015
[Enregistrement électronique]
[Français]
Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue à la 64e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous sommes aujourd'hui le 21 avril 2015.
[Traduction]
La séance d'aujourd'hui est télévisée. Nous poursuivons — en fait, nous ne pouvons pas dire que nous « poursuivons notre étude », car lors de notre dernière séance sur la situation des droits de la personne au Vietnam, nous avons malheureusement connu quelques difficultés techniques sur le plan de la connexion audiovisuelle. C'est très dommage.
Aujourd'hui, nous tenons une deuxième séance, et nous accueillons M. Diem Do, président de Viet Tan. Soyez le bienvenu à notre sous-comité. Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous. Je vous invite à nous livrer votre témoignage. Lorsque vous aurez terminé, les membres du sous-comité pourront vous poser des questions. La durée de chaque série de questions et de réponses sera déterminée en fonction du temps qu'il nous restera.
Je demande aux membres du sous-comité qui doivent partir tôt pour se rendre dans un autre édifice de bien vouloir m'en aviser. Nous pourrons modifier l'ordre dans lequel les questions seront posées afin de disposer du maximum de temps et de voir à ce que tous ceux qui veulent poser une question puissent le faire.
Sur ce, je vous cède la parole, monsieur Do.
Merci.
Monsieur le président, distingués députés, mesdames et messieurs, bonjour.
J'aimerais tout d'abord remercier les membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne de tenir cette séance et de me donner l'occasion de leur parler de la situation des droits de la personne au Vietnam.
À la fin de la guerre du Vietnam, en 1975, le Canada a chaleureusement accueilli de nombreux réfugiés vietnamiens et leur a fourni un nouveau foyer. Nous tenons à vous exprimer notre profonde gratitude pour cette gentillesse et cette générosité.
Cette année, le 30 avril marquera le 40e anniversaire de la fin de la guerre du Vietnam. Voyons quelle a été l'incidence des 40 années de régime communiste sur le peuple vietnamien. Depuis 1975, le Parti communiste vietnamien a instauré l'un des régimes les plus répressifs et corrompus de notre histoire. Immédiatement après avoir pris le contrôle du Vietnam du Sud, le Parti communiste a envoyé des centaines de milliers de gens dans des camps de prisonniers, où des milliers de personnes sont mortes après avoir été victimes de torture, de privation de nourriture, de maladies et d'épuisement à la tâche.
De 1975 aux années 1990, ce régime de terreur a poussé un très grand nombre de personnes à fuir le Vietnam. Beaucoup de gens ayant tenté de fuir par bateau ont péri en mer ou ont été victimes des pirates; des centaines de femmes et de jeunes filles ont été violées ou enlevées. Mais ce qui ressort peut être le plus de ce régime, après 40 ans, c'est le bilan catastrophique en matière de droits de la personne.
Aujourd'hui, je voudrais axer mon exposé sur cinq enjeux très importants.
Le premier porte sur la liberté d'expression et d'information. Au Vietnam, l’État contrôle la presse écrite, la radio et la télévision. Les nouvelles et les émissions de télévision étrangères sont censurées avant même que le public vietnamien n’en prenne connaissance. Le gouvernement réduit au silence toute critique au moyen de l'intimidation, du harcèlement et des arrestations arbitraires de la police, ainsi que des condamnations et des lourdes peines de prison. En 2015, le Vietnam se situe au 175e rang parmi 180 pays selon le Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.
En septembre 2013, le gouvernement a adopté le décret 72, qui donnait de larges pouvoirs à l’État pour réprimer la liberté d’expression sur les blogues Internet et les médias sociaux. En janvier 2014, il a adopté le décret 174 afin d'instaurer des peines sévères pour les médias sociaux et les internautes qui font de la « propagande antiétatique » ou qui propagent des « idéologies réactionnaires ». Le gouvernement utilise des attaques DDoS pour fermer les sites Internet qui s’opposent au régime, ainsi que des logiciels espions et des logiciels malveillants pour pirater les ordinateurs des activistes. Selon Freedom House, ils emploient également des milliers de personnes pour façonner l’opinion publique et faire de la propagande étatique sur Internet.
Les deux principales recommandations formulées dans l'Examen périodique universel de l'ONU en février 2014 pour le Vietnam étaient les suivantes: premièrement, créer des conditions favorables à la liberté d’opinion, d’expression, et d'association; et deuxièmement, veiller à la protection de la liberté d'expression hors ligne et en ligne, permettre l'accès et l’utilisation d’Internet sans restriction et permettre aux blogueurs, aux journalistes, aux autres internautes et aux ONG de promouvoir et de protéger les droits de la personne.
Le deuxième enjeu concerne la liberté de réunion et d'association. Le gouvernement vietnamien interdit tous les partis politiques, les syndicats et les organisations de défense des droits de la personne qui sont indépendants du gouvernement ou du Parti communiste. Les autorités exigent une autorisation officielle pour les réunions publiques et refusent d’accorder des autorisations pour les réunions, les marches ou les manifestations qu'ils jugent inacceptables.
Or, ces dernières années, de nombreuses manifestations ont eu lieu au sujet de la confiscation de terres par des fonctionnaires corrompus, des mauvaises conditions de travail, d'une politique du travail inadéquate et des conflits territoriaux avec la Chine. En réponse à ces manifestations, les forces de sécurité de l'État sévissent régulièrement contre les personnes qui y participent, et de nombreux militants ont été soit arrêtés, soit condamnés à des peines allant jusqu'à sept ans d'emprisonnement.
Le troisième enjeu est la liberté de religion ou de conviction. Bien que la liberté de religion soit protégée par la constitution vietnamienne, il reste cependant beaucoup de décrets connexes qui limitent de manière significative la liberté de religion. En janvier 2013, on a adopté le décret 92, qui étend plus encore le contrôle du gouvernement sur les groupes religieux.
Au Vietnam, tous les groupes religieux sont tenus d’adhérer à une organisation contrôlée par le parti, qu'on appelle le Front de la patrie du Vietnam. Ceux qui ne se plient pas à cette exigence sont souvent arrêtés ou harcelés. Les groupes religieux les plus souvent ciblés par le gouvernement incluent l'église Cao Dai, l'église bouddhiste Hoa Hao, les maisons-églises protestantes indépendantes, les rédemptoristes catholiques et l'Église bouddhiste unifiée du Vietnam.
On peut mieux comprendre la situation actuelle du Vietnam en lisant le rapport qu'a rédigé le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction à la suite de sa visite au Vietnam, en juillet 2014. M. Heiner Bielefeldt a écrit dans son rapport:
Alors que la vie religieuse et la diversité religieuse sont de nos jours une réalité au Viet Nam, l’autonomie et les activités des communautés religieuses ou de conviction indépendantes, c'est-à-dire non reconnues, demeurent restreintes et menacées, les droits à la liberté de religion ou de croyance de ces communautés étant violés de manière flagrante du fait d'une surveillance constante, de mesures d'intimidation, d'actes de harcèlement et de persécutions.
Le quatrième enjeu concerne les droits politiques. Le Vietnam est un État à parti unique dans lequel le Parti communiste vietnamien détient le monopole sur le pouvoir politique. Ce monopole est garanti par l’article 4 de la constitution modifiée en 2013; cet article prévoit que le Parti communiste vietnamien est la seule force dirigeante de l'État et de la société. Comme je l'ai déjà mentionné, tous les partis politiques d'opposition sont interdits et gravement persécutés.
Les membres de l’Assemblée nationale du Vietnam, l'assemblée législative, sont élus au suffrage universel; cependant, tous les candidats font l'objet d'un examen rigoureux du Front de la patrie du Vietnam, qui est lui-même contrôlé par le Parti communiste vietnamien. C'est la raison pour laquelle Freedom House a accordé au Vietnam, en 2015, la note de 7 en matière de droits politiques, 1 étant la meilleure note, et 7, la pire. Le parti contrôle tous les organes du gouvernement. Selon Freedom House, « l'adhésion au parti est largement considérée comme un moyen de se faire un chemin dans les affaires et dans la société, et la corruption et le népotisme parmi les membres du parti est un problème constant. »
En 2014, Transparency International classait le Vietnam au 119e rang sur 175 pays dans son indice de perception de la corruption.
Malgré de nombreux obstacles, des défenseurs des droits de la personne, des militants prodémocratie, des intellectuels et, de plus en plus, d’anciens hauts responsables du Parti communiste appellent ouvertement à une réforme politique et à un plus grand respect des droits de la personne. Le gouvernement répond par plus d’arrestations, de harcèlement et d’intimidation. Beaucoup d'organisations internationales considèrent qu'il s'agit de la pire répression des 20 dernières années.
Le cinquième et dernier enjeu est la primauté du droit. Au lieu de miser sur la primauté du droit, le gouvernement vietnamien a misé sur « l'autorité par la loi », en appliquant de vastes dispositions en matière de sécurité nationale pour supprimer les droits fondamentaux. Afin de restreindre la liberté d’expression des activistes, on les accuse en vertu d’articles vagues du code pénal, comme l'article 88, qui porte sur la « propagande contre l'État »; l'article 79, sur « la subversion de l'administration du peuple »; et l'article 258, sur « l'abus des libertés démocratiques afin d’attaquer les intérêts de l’État et les droits et intérêts légitimes des organisations et/ou des citoyens ».
De plus, le système judiciaire vietnamien est sous le contrôle du Parti communiste. Dans les affaires à caractère politique, les procès sont souvent menés à la hâte et dépourvus de l'impartialité exigée dans les lois internationales.
Les lois vietnamiennes autorisent également la détention administrative sans procès. Les dissidents pacifiques sont considérés comme une menace à la sécurité nationale, et beaucoup sont assignés à résidence. Pour éviter toute critique à l'échelle internationale, les autorités déposent parfois des accusations apolitiques, liées à la fraude fiscale, par exemple, pour emprisonner les activistes notoires.
Par exemple, dans son rapport de 2014 sur les droits de la personne et la démocratie, le Foreign and Commonwealth Office du Royaume-Uni a indiqué que le Vietnam est un pays source de préoccupation et a formulé l'observation suivante:
Il y a un manque de transparence et de responsabilité dans l’ensemble du système juridique. Nous craignons que l’État utilise les tribunaux pour punir les dissidents sur des accusations sans fondement. Par exemple, dans le cas de Le Quoc Quan, dont la condamnation à 30 mois de prison pour fraude fiscale a été confirmée en appel en février 2014, le Royaume-Uni a estimé qu’il avait été emprisonné pour avoir exprimé ses opinions sur la religion, la corruption et la réforme agraire, et que son procès était injuste.
En conclusion, je voudrais formuler quatre recommandations qui permettraient de protéger les droits de la personne et, au bout du compte, de soutenir la démocratie au Vietnam. La première recommandation est d'appeler à la libération des prisonniers politiques. Je demande que le gouvernement du Canada se joigne au mécanisme de l’Examen périodique universel 2014 des Nations unies pour exhorter le gouvernement vietnamien à libérer immédiatement tous les prisonniers politiques et toutes les personnes qui sont détenues en raison de l'expression pacifique de leurs opinions ou de leurs croyances religieuses. On estime qu'il y a actuellement des centaines de prisonniers politiques au Vietnam.
La deuxième recommandation vise une sensibilisation de la société civile. L’ambassade du Canada au Vietnam devrait rencontrer et soutenir les organisations populaires indépendantes, en particulier celles qui luttent pour une réforme sociale, une réforme du système juridique et les droits de la personne. Il serait de plus très utile de rencontrer les défenseurs des droits de la personne en prison ainsi que leurs familles.
La troisième recommandation propose de mettre l'accent sur une réforme juridique. Le gouvernement canadien peut insister pour que le gouvernement vietnamien supprime les articles 79, 88 et 258 du Code pénal, ainsi que les décrets administratifs 72, 92 et 174. Les représentants de l’ambassade du Canada devraient demander à assister aux procès politiques et insister pour que le gouvernement vietnamien respecte la liberté de réunion, la liberté d'expression et le droit de fonder des organisations civiques.
La quatrième et dernière recommandation est l’intégration des aspects des droits de la personne dans toutes les relations bilatérales. Le gouvernement du Canada peut inclure la réforme juridique et la liberté sur Internet dans le programme de promotion de l’enseignement supérieur et du commerce avec le Vietnam; il peut élaborer une feuille de route où les améliorations en matière de droits de la personne seraient liées à un rapprochement sur le plan de l’économie et de la sécurité; il peut soulever les questions relatives aux droits de la personne lors des visites parlementaires et du pouvoir exécutif au Vietnam.
Mesdames et messieurs, pendant longtemps, la communauté internationale, en particulier le gouvernement et le peuple canadiens, a soutenu les droits de la personne au Vietnam. Nous vous remercions de tout ce que vous avez fait. Nous pensons qu'il est dans l'intérêt de la région de l'Asie-Pacifique et même d'autres régions que le Vietnam devienne un pays libre et démocratique, où les droits de la personne seront respectés.
Nous demandons votre soutien afin que les droits de la personne et la liberté soient respectés dans notre pays, que le Vietnam puisse devenir un partenaire fiable et solide et que l'Asie du Sud-Est soit une région sûre et prospère.
Merci encore de m’avoir invité aujourd'hui.
Je vous remercie de votre témoignage.
Chers collègues, grâce à la diligence de notre témoin, nous disposons de plus de temps pour chaque série de questions que lors des séances précédentes. Je pense que nous pouvons nous permettre des tours de sept minutes pour les questions et les réponses.
Nous allons commencer par Mme Grewal.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Do, je vous remercie beaucoup de votre témoignage aujourd'hui et d'avoir formulé des recommandations très concrètes à l'intention du sous-comité.
Le gouvernement vietnamien continue de bafouer de nombreux droits de la personne et présente l'un des pires bilans au monde en matière de liberté de religion. La communauté internationale doit exercer des pressions sur le gouvernement vietnamien afin qu'il cesse de porter atteinte aux droits de ses propres citoyens.
Je suis particulièrement préoccupée par la traite des femmes, des hommes et des enfants dans cette région. Je crois comprendre que des femmes sont vendues comme « promises par correspondance » ou mères porteuses, que des hommes sont souvent vendus et réduits à la servitude à long terme, et que des enfants, qui sont les plus vulnérables, sont exploités sexuellement, forcés de travailler ou de mendier, ou asservis pour dettes.
Pourriez-vous fournir au comité d'autres renseignements au sujet de la traite des personnes?
Oui. C'est un problème de taille au Vietnam, en partie parce que beaucoup de réseaux de traite versent des pots-de-vin à la police ou se trouvent sous sa protection; comme vous l'aurez deviné, c'est un système très corrompu. La police et les autorités locales sont très impliquées dans ces activités de traite.
À ma connaissance, il y a des centaines de milliers de femmes qui sont victimes de la traite dans toute l'Asie du Sud-Est. Seulement à Taïwan, en Chine et à Hong Kong, il y en a entre 70 000 et 85 000. Je me suis rendu en Corée du Sud, il y a deux ans, et j'ai rencontré des femmes qui ont été victimes de traite et secourues. Le gouvernement sud-coréen estime qu'entre 45 000 et 50 000 vietnamiennes victimes de traite ont été envoyées en Corée du Sud.
C'est un énorme problème. Nous tentons de collaborer avec de nombreuses ONG pour le régler, mais c'est difficile, car il émane du Vietnam où, comme je l'ai dit, les réseaux de traite bénéficient parfois de la protection de la police et des autorités locales. Nous avons beaucoup de mal à éradiquer ce problème parce que nous ne pouvons pas compter sur la collaboration du gouvernement vietnamien. C'est très difficile.
Pour ce qui est des enfants, je ne connais pas aussi bien la situation; je sais toutefois que certains sont envoyés dans les pays voisins, en particulier au Cambodge. Je sais davantage ce qui se passe au Cambodge que dans les autres pays au sujet de la traite des enfants. On estime qu'entre 30 000 et 35 000 enfants vietnamiens sont actuellement au Cambodge, et que la plupart sont forcés de se prostituer.
J'ai rencontré quelques-uns de ces enfants; ils étaient âgés de six à quatorze ans. La plupart étaient des filles, mais il y avait aussi beaucoup de garçons. C'est vraiment bouleversant de constater cela de ses propres yeux. J'ai collaboré avec quelques groupes afin d'obtenir de l'aide pour ces enfants, mais là encore, le problème émane du Vietnam. Sans la collaboration du gouvernement vietnamien, il est très difficile de s'attaquer au problème.
Je suis aussi très préoccupée par la persécution des minorités religieuses au Vietnam, la saisie de terres par le gouvernement, en particulier les terres qui appartiennent à des groupes religieux ou à d'autres groupes minoritaires, la revente de terres appartenant à des églises et à des temples, et l'infiltration d'organisations religieuses par des agents du gouvernement. C'est une atteinte à la liberté de religion. Les gens devraient pouvoir exprimer leurs croyances religieuses sans craindre d'être punis ou persécutés par les autorités gouvernementales.
Est-ce que diverses minorités religieuses sont persécutées ou est-ce uniquement une religion en particulier qui est ciblée? Est-il possible que la religion serve de prétexte à la persécution politique? Pourriez-vous nous fournir des éclaircissements là-dessus?
Premièrement, je dois dire que les responsables du gouvernement vietnamien persécutent sans faire de discrimination. Ils persécutent tous les groupes religieux également, qu'ils soient bouddhistes, catholiques, mennonites ou protestants. C'est sans importance. Il suffit que ces groupes ne soient pas d'accord avec l'autorité gouvernementale ou qu'ils refusent de s'y soumettre pour se retrouver dans le pétrin.
Comme je l'ai mentionné pendant mon témoignage, au Vietnam, les groupes religieux sont tenus d'adhérer au Front de la Patrie vietnamienne — qui est, en fait un instrument du Parti communiste — et de se soumettre à son autorité. S'ils refusent d'y adhérer et de se soumettre à son autorité, ils ont des ennuis et sont persécutés.
Voici un exemple. Hier soir, j'ai parlé à un pasteur mennonite au Vietnam. Il m'a montré qu'il avait été malmené par des soi-disant voyous. Lorsqu'il a porté plainte, la police n'a absolument rien fait. On ignore si ces voyous avaient été embauchés par la police... Il n'est pas rare au Vietnam que la police fasse appel à des voyous pour faire sa sale besogne, harceler les gens et les brutaliser. En somme, elle persécute les gens parce qu'elle veut les contrôler, et si vous refusez de soumettre votre groupe à son autorité, elle ne vous permettra pas de le faire.
J'ai bien peur que ce soit tout le temps que nous ayons, madame Grewal.
La parole est maintenant à M. Marston.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Do, je tiens à vous féliciter pour votre témoignage détaillé. Vous avez résumé en peu de mots des questions importantes sur lesquelles nous devons nous pencher. Votre témoignage concernant la traite d'enfants a évoqué des images troublantes dans mon esprit, moi qui suis le grand-père de neuf petits-enfants.
Vous avez mentionné à plusieurs reprises la corruption policière, mais vous n'avez pas parlé du lien entre cette corruption et le gouvernement national ou s'il existe un espace entre les deux. Lorsque les membres d'un gouvernement national approuvent ces types d'actes, cela rend les choses très difficiles, car il est clair qu'ils n'ont aucune conscience à ce stade. Nous serait-il possible de soulever la question auprès du gouvernement national?
La corruption est un problème national dans notre pays. Elle se rend aux plus hauts niveaux. On ne parle pas que de quelques brebis galeuses au sein des forces de sécurité, mais bien d'un problème de taille qui atteint le sommet de la hiérarchie. Au Vietnam, tout le monde sait que les principaux dirigeants sont très corrompus en ce moment ainsi que leurs familles, leurs enfants, leurs épouses et leurs copains. Ils s'entourent d'un cercle de partisans qui bénéficient de leur position.
Grâce aux récentes querelles intestines entre les principaux dirigeants, des nouvelles et des renseignements ont été divulgués concernant l'ampleur de la corruption du président, du chef du parti et du premier ministre. Ils affichent même des photos de leur train de vie princier pour que tout le monde puisse les voir. Je ne crois pas que le problème se situe à l'échelon local, mais bien dans la hiérarchie, de haut en bas.
Après avoir entendu votre témoignage et consulté le document d'information que vous nous avez présenté, nous discuterons avec le gouvernement canadien de la meilleure façon pour le Canada d'intervenir. Comme vous le savez, le Canada participe aux négociations du Partenariat transpacifique qui ont lieu en ce moment; il en va de même pour le Vietnam. Je dirais qu'ils ne sont ni l'un ni l'autre au centre de ces négociations compte tenu des autres intervenants.
Il me semble que ce serait une occasion particulière pour au moins tenir des discussions parallèles sur certaines de ces questions et souligner le fait que tout accord doit contenir des dispositions sur les droits de la personne et des travailleurs. Au cours des dernières années, nous nous sommes dits préoccupés qu'on ne l'ait pas fait dans le cadre des accords que le Canada a conclus. Y a-t-il, selon vous, des mesures particulières que l'on devrait intégrer au Partenariat transpacifique?
Je crois que vous avez mentionné les droits des travailleurs. Je pense que les négociations du PTT nous donneraient une bonne occasion de promouvoir les questions relatives aux droits des travailleurs et aux droits de la personne s'il y a lieu, ainsi que les questions de réforme juridique. Il est difficile de faire affaire avec un pays dont le système judiciaire est à ce point corrompu et alambiqué que le gouvernement peut donner aux lois l'interprétation qui lui plaît.
Je crois que la réforme du secteur juridique, les droits des travailleurs et les droits de la personne sont trois secteurs clés à qui il profiterait grandement que nous utilisions le PTT pour les promouvoir.
L'autre secteur qui me préoccupe est celui des centres de détention pour trafiquants de drogue. Nous avons vu que dans certains pays, les gouvernements totalitaires utilisent la présumée lutte contre le trafic de drogue pour persécuter leurs propres ressortissants, les maltraiter et, dans bien des cas, les tuer. Avez-vous des renseignements sur le traitement des détenus dans ces centres?
En règle générale, les détenus et les prisonniers sont très mal traités dans le système carcéral vietnamien. J'ai travaillé avec un certain nombre d'activistes au Vietnam qui essaient de rédiger un rapport sur les conditions de détention dans ce pays — pas seulement pour les prisonniers politiques, mais pour tout le monde — et sur la médiocrité et l'inhumanité du système actuel.
J'espère que dès que le rapport sera terminé, nous pourrons en présenter les conclusions au sous-comité. En règle générale, les conditions de détention sont très difficiles au Vietnam, surtout pour les prisonniers politiques ou les prisonniers d'opinion. Il arrive souvent qu'on leur fasse subir des exactions et tortures et qu'on leur refuse une attention médicale immédiate. Le gouvernement a même pour tactique de placer ces prisonniers dans les mêmes cellules que les personnes séropositives. C'est le type de traitement auquel sont soumis les prisonniers d'opinion.
Vous avez laissé entendre — en fait, vous avez été assez clair sur ce point — qu'il y a énormément de corruption dans le système. Vous avez fait allusion aux juges. Diriez-vous que la totalité des juges sont sous le joug de ce gouvernement et n'ont aucune marge de manoeuvre pour prendre des décisions? Par exemple, si les autorités censurent les médias et les bloggers, utilisent-elles les juges comme instruments de cette censure ou simplement le système en général?
Oui, les juges sont nommés par le gouvernement. Ils relèvent de son autorité. Je n'ai encore jamais vu de juge au Vietnam déroger de ce qu'on lui a dit de faire.
J'avais espoir que ce soit un peu mieux.
Lorsqu'un pays perd son système judiciaire — que la primauté du droit n'est plus respectée —, les personnes qui veulent enfreindre les lois reconnues ont tout le loisir de le faire, même s'il existe une loi qui limite la portée de ce qu'elles peuvent faire et des règles que les juges sont censés appliquer. Je crois que vous avez dit tout à l'heure qu'ils rendent leurs jugements selon l'air du temps et que leurs décisions servent à établir la jurisprudence qui permettra ensuite aux autorités de commettre d'autres exactions.
Je vais prendre 30 secondes pour expliquer que dans le cadre des procès politiques au Vietnam, les peines sont prédéterminées. Les juges se contentent de lire la sentence qui leur a été remise. Ils ne rendent aucun jugement. C'est ainsi.
Merci d'être venu aujourd'hui. Le gouvernement vietnamien est-il appuyé par un autre gouvernement, comme celui de la Chine, ou est-il — à toutes fins utiles — pleinement autonome?
Les communistes vietnamiens et les communistes chinois entretiennent une relation d'amour-haine. Les communistes vietnamiens savent qu'ils ont besoin du parrainage du Parti communiste chinois pour survivre. Parallèlement, ils savent aussi que cela déplaît grandement au peuple vietnamien. Ils essaient de maintenir un équilibre. Bref, oui, ils subissent une forte influence de la Chine; cependant, ils essaient de faire croire que ce n'est pas le cas.
Combien d'influence ont-ils sur les pays avoisinants? Après la guerre du Vietnam ou à cette époque, il semblait que bien des pays de la région tombaient sous le joug des régimes communistes et que nombre d'entre eux étaient interdépendants. Quelle est la situation actuelle? Les pays environnants sont-ils influencés par le Vietnam?
Je dirais qu'immédiatement après la fin de la guerre, le Parti communiste vietnamien a pendant longtemps exercé une grande influence, sinon un grand contrôle, sur deux pays avoisinants — le Laos et le Cambodge. Cependant, selon moi, le Cambodge leur échappe, tandis que le Laos est toujours très influencé par le gouvernement vietnamien. Je pense que si tel est le cas, c'est parce que la Chine a aussi beaucoup investi au Cambodge, et j'ai remarqué que l'influence chinoise se faisait de plus en plus sentir dans ce pays. Cela explique peut-être en partie pourquoi il a été graduellement détaché du Vietnam. J'ai remarqué qu'au cours des 5 à 10 dernières années, la présence vietnamienne des entreprises et des travailleurs, l'influence vietnamienne sur la société cambodgienne, a diminué de façon dramatique, mais pas autant au Laos.
Maintenant que le Cambodge acquiert de l'indépendance, est-il plus libre et plus respectueux des droits de la personne?
Je ne sais trop comment on catégoriserait le gouvernement de M. Hun Sen. Du moins dans les faits, le peuple cambodgien jouit d'une plus grande liberté que le peuple vietnamien. Cependant, je crois que le gouvernement cambodgien actuel n'est pas vraiment à la hauteur des normes démocratiques traditionnelles de l'Occident. Cependant, tout est relatif: si l'on compare les deux sociétés, quoi que je sois heureux pour les Cambodgiens, je suis désolé de dire que le peuple vietnamien ne jouit pas actuellement de la même latitude ou souplesse que le peuple cambodgien.
La raison pour laquelle je pose la question concernant les pays avoisinants... Vous avez aussi parlé de la Corée du Sud comme pays de destination pour nombre de victimes de la traite des personnes. Bien qu'il soit difficile de régler certaines de ces questions au Vietnam même, que peut-on accomplir en collaborant avec les pays avoisinants?
Les gouvernements taiwanais et sud-coréen ont été d'un grand soutien. Je ne travaille pas moi-même à ces questions, mais j'ai des associés et je connais des groupes qui y travaillent. Ils me disent bénéficier d'un grand soutien de la part de ces deux gouvernements dans ce dossier, je me dois de le dire.
Pour ce qui est des affaires en Chine et à Hong Kong, vous aurez deviné qu'il nous est difficile d'y entrer et de régler les questions. En gros, à ce stade, nos activités se limitent à Taiwan et à la Corée du Sud.
Vous nous avez fait quatre recommandations sur la façon de répondre au gouvernement vietnamien ou de collaborer avec lui, mais combien d'efforts devrions-nous consacrer à des pays comme le Cambodge — et même la Chine — pour qu'ils aient de l'influence sur le gouvernement vietnamien?
À titre d'exemple, le dossier de la traite des enfants avancerait beaucoup plus vite si le gouvernement du Canada collaborait avec le Cambodge, que les enfants soient originaires du Vietnam ou d'ailleurs. J'ai été témoin du problème là-bas.
Il en va de même pour d'autres pays. Si nous pouvons les aider à gérer cette question et leur prêter main-forte de quelque autre façon que ce soit, ils nous en seraient probablement très reconnaissants. Cependant, comme je l'ai mentionné, les gouvernements taiwanais et sud-coréen ont été d'un grand soutien. Ils sont conscients du problème et ils semblent vouloir aider à le régler.
Qu'en est-il, non seulement de la traite des personnes, mais aussi des pressions diplomatiques exercées sur eux pour qu'ils améliorent la situation des droits de la personne en général?
Est-il préférable de nous attacher exclusivement à encourager le gouvernement vietnamien ou devrions-nous aussi rallier d'autres États ou pays avoisinants?
À mon avis, nous devrions probablement nous concentrer davantage sur le gouvernement vietnamien.
J'étais à Ottawa il y a six mois, en novembre, et j'ai eu la chance de rencontrer un certain nombre de députés pour discuter de la perspective de changement au Vietnam.
Je veux m'écarter brièvement du sujet. C'est la première fois depuis longtemps que nous voyons une véritable possibilité de changement au Vietnam. C'est le moment d'agir. Le fait d'accroître les pressions exercées sur le gouvernement vietnamien dans le dossier des droits de la personne nous permettra de provoquer au moins quelques changements et encouragera le gouvernement à continuer sur cette lancée positive.
Parce que le gouvernement est aux prises avec des problèmes et des pressions sans précédent, tant externes qu'internes, comparativement à il y a 20, 15 ou même 10 ans. Son emprise sur la société vietnamienne diminue.
Le fait qu'il ait imposé les pires mesures de répression des 20 dernières années montre bien qu'il est au pied du mur. Il doit réagir et user de représailles. Ce qui est encourageant, c'est que même s'il s'agit des pires mesures de répression depuis deux décennies, le nombre d'activistes est actuellement à la hausse au Vietnam. Comparativement à il y a plusieurs années, le nombre de personnes qui agissent est à la hausse. Il y a plus de manifestations que jamais auparavant. Les gens ont moins peur d'être entendus. Ils résistent.
Il y a deux ou trois semaines à peine, nous avons eu une grève et un débrayage massifs au Vietnam. Quelque 90 000 travailleurs ont quitté leur emploi pour la toute première fois. Les gens résistent. C'est évident si l'on compare 2015 à 2005. Il est clair qu'ils résistent au gouvernement et que celui-ci bat en retraite.
Merci, monsieur le président.
Je tiens d'abord à féliciter notre témoin pour son témoignage bien structuré concernant les violations des droits de la personne au Vietnam et les recommandations précises qu'il a formulées. Je tiens aussi à souligner l'excellent travail de la coalition internationale du Vietnam. J'ai eu le plaisir de vous rencontrer ainsi que des membres de votre groupe, et nous avons bénéficié de votre travail.
Je profite aussi de l'occasion pour saluer le grand nombre de membres et de partisans de la communauté canado-vietnamienne ici présents. Il est vraiment très encourageant de voir ce type d'engagement dans le cadre du système parlementaire.
Dans votre témoignage, vous avez fait allusion à ce que l'on pourrait qualifier de la criminalisation des libertés fondamentales au Vietnam: la liberté d'expression, d'assemblée, d'association, de religion, de militantisme politique et autres — en fait, les libertés fondamentales défendues par notre Charte canadienne des droits et libertés. Ces dernières années, j'ai remarqué que de plus en plus d'avocats qui représentaient, par exemple, des défenseurs des droits de la personne étaient arrêtés, traduits en justice et emprisonnés.
Je vais combiner mes questions et vous pourrez y répondre l'une après l'autre ou ensemble. Pourquoi cela se produit-il? Les avocats sont-ils ciblés en raison de leur défense des droits de la personne? L'intervention de parlementaires internationaux ou autres peut-elle aider la cause de ces avocats des droits de la personne? Avez-vous des suggestions à cet égard?
En outre, étant donné que le Vietnam est, comme vous l'avez décrit, un État à parti unique, et compte tenu de la corruption du système juridique, ces avocats peuvent-ils avoir une influence au Vietnam?
Si j'en juge par mon expérience et pour autant que je sache, pour un pays de 90 millions d'habitants, nous avons un total de cinq avocats des droits de la personne qui pratiquent. Ils sont constamment harcelés et intimidés par le gouvernement. Je crains que si cela continue, nous n'en aurons bientôt que quatre, ensuite trois, puis deux, jusqu'à ce que nous n'en n'ayons plus aucun.
J'ai eu l'occasion d'au moins communiquer avec quelques-unes de ces cinq courageuses personnes pour comprendre à quel point la vie peut être difficile pour elles.
Alors pourquoi? C'est parce qu'il y a 10 ou même 5 ans, il n'y avait pas d'avocats des droits de la personne au Vietnam. Ces dernières années, nous avons commencé à voir des gens disposés à accepter de défendre ces causes car, encore une fois, il est possible de constater que le gouvernement vietnamien perd de son emprise sur la société. Comme de plus en plus de personnes défient son autorité et sont traduites en justice, il est nécessaire que des avocats dénoncent ces situations et défendent ces personnes. C'est ce besoin qui a fait en sorte que l'on commence à voir des avocats accepter de plaider ces causes.
Aujourd'hui, nous n'avons plus que cinq avocats des droits de la personne, mais ils étaient plus nombreux il y a quelques années. Le gouvernement sait qu'une des façons de dissuader les avocats d'accepter de défendre ces causes devant les tribunaux et de réduire les gens au silence est d'exercer des pressions sur les avocats des droits de la personne pour qu'ils n'acceptent plus de défendre ces causes, si bien que les gens devront comparaître devant les tribunaux sans aucune représentation juridique.
Y a-t-il des mesures précises que nous puissions prendre pour aider ces avocats des droits de la personne et les protéger, si vous voulez, contre l'oppression du Parti communiste?
Oui, il y en a un certain nombre.
Dans le cas des avocats des droits de la personne qui ont perdu leur licence pour pratiquer le droit — je peux en nommer trois ou quatre —, nous pouvons exercer des pressions pour que leur licence soit rétablie.
Nous pouvons exercer des pressions sur le gouvernement vietnamien pour qu'il instaure des réformes juridiques, par exemple en ce qui touche les procédures judiciaires. Il arrive souvent que les avocats soient avertis seulement une journée ou une demi-journée avant la date du procès. Impossible de se préparer à un procès avec aussi peu de préavis. Nous devrions insister pour que le gouvernement réforme les procédures judiciaires afin que les avocats puissent consulter leurs clients pendant leur détention. Au Vietnam, cette situation est monnaie courante. Alors l'instauration de réformes juridiques serait la deuxième mesure à prendre.
La première serait de faire en sorte que ces personnes jouissent de la protection dont elles ont besoin et de redonner leur licence à celles qui ont perdu le droit de pratiquer. Les réformes juridiques viennent en deuxième lieu.
Qu'en est-il du pouvoir judiciaire? Y a-t-il un semblant de pouvoir judiciaire indépendant au Vietnam?
Je suis désolé de dire que je n'ai toujours pas vu de lueur d'espoir. Le Parti communiste exerce un contrôle total sur le système judiciaire. Tous les juges sont nommés et relèvent du gouvernement.
Comme je l'ai mentionné, dans l'écrasante majorité des affaires concernant des prisonniers politiques, les peines sont prédéterminées. Le juge est seulement là pour maintenir l'ordre dans le prétoire. Dans le cadre des procès politiques, pendant qu'un témoin essaie de faire valoir son point de vue, il n'est pas rare de voir les juges prendre le thé et bavarder comme si c'était sans importance. Ils n'écoutent pas. Vous pouvez voir de ces images sur YouTube et constater que pendant ces types de procès, les juges bavardent et ne prêtent même pas attention à ce qui se passe pendant l'audience. Je n'ai toujours pas vu de lueur d'espoir.
J'ai une dernière question brève. Votre organisation a-t-elle rencontré des représentants, par exemple, de l'International Bar Association ou fait des démarches auprès d'eux? Cette association pourrait servir de groupe de défense des avocats des droits de la personne au Vietnam.
Oui et nous collaborons actuellement avec cette association. Nous travaillons avec la Media Legal Defence Initiative et avec Avocats sans frontières. Nous collaborons avec ces groupes. Nous essayons de faire en sorte que les rares avocats des droits de la personne que nous avons puissent suivre des formations juridiques pour perfectionner leurs connaissances. Ce sont les types de mesures que nous avons essayé de prendre et nous continuerons de le faire.
Merci beaucoup, monsieur le président. J’aimerais mentionner brièvement trois choses. Premièrement, nous avons un monsieur distingué du nom de Thanh Campbell, qui est venu du Vietnam par bateau il y a de nombreuses années et qui a écrit un livre. Il fait connaître le sort des Vietnamiens aujourd’hui.
À Hamilton, nous avons un champion de cette cause, le révérend John Smith, qui a dirigé le groupe qui a fait venir ici nombre de Vietnamiens évacués du pays. Ceux-ci mènent aujourd’hui ici une vie très productive.
J’aimerais me faire l’écho des commentaires de mon collègue Cotler. Je suis très impressionné. Je pense qu’il s’agit probablement de la plus grande diaspora à avoir témoigné devant un comité. Cela témoigne du dévouement que vous avez envers vos frères et sœurs restés dans la mère patrie et de votre souhait qu’ils aient davantage d’indépendance et de liberté. Je vous en félicite.
Vous avez mentionné à mon collègue le parrainage que le gouvernement souhaite obtenir de la Chine, mais vous avez parlé aussi de la corruption qui est endémique au sein du Parti communiste. Avez-vous l’impression, à l’instar de ceux qui font partie de l’autre mouvement dont vous avez parlé, qu’il y a une répression de la part des Chinois? À Beijing, on procède à des purges, car on sait combien il est difficile de garder le pouvoir si les gens voient la corruption au grand jour. Avez-vous l’impression qu’il y a un mouvement positif à cet égard ?
Au cours des 10 à 15 dernières années, le gouvernement vietnamien a tenté à maintes reprises de lutter contre la corruption. Des campagnes se sont suivies mais très vite, les gens ont réalisé qu’il ne s’agissait que de la poudre aux yeux parce qu’elles n’ont produit aucun résultat concret. Les problèmes ne cessent de s’aggraver. Encore une fois, il n’y a pas d’évolution positive.
Le gouvernement parle encore de lutte contre la corruption et, croyez-moi, il lancera une nouvelle campagne. Cela ne me surprend pas. Qu’elle donne des résultats ou pas est une autre chose.
Dans ce cas, ce n’est qu’une simple façade et aucun de ceux qui s’adonnent à la corruption n’ont vraiment pris de mesures pour changer.
Selon les derniers chiffres dont j’ai pu disposer, il y aurait encore 200 prisonniers politiques au Vietnam. En connaissez-vous le nombre exact? Votre groupe peut-il fournir les noms de personnes emprisonnées? Est-ce que vous documentez la situation?
Oui, nous pouvons fournir au sous-comité la liste que nous avons des prisonniers. Vous avez raison, la plupart des organisations internationales comme Human Rights Watch et Freedom House, je crois, en évaluent le nombre à 200.
Le problème est que le nombre réel est plus élevé. Comme je l’ai dit, il y a les détentions administratives aux termes desquelles beaucoup de gens sont détenus sans procès. Il n’y a pas d’inculpation formelle de la part d’un tribunal et malgré cela, ils sont détenus. Le nombre réel est donc plus élevé, mais nous allons faire notre possible pour fournir au sous-comité la liste dont nous disposons.
Les ONG, la Croix-Rouge, Amnistie Internationale ont-elles accès à ces prisonniers pour pouvoir faire état de leur situation?
Les résultats sont aléatoires. Human Rights Watch et Amnistie Internationale ont essayé d’entrer en contact avec certains d’entre eux.
Il y a un an peut-être.
Les ambassades à Hanoi ont également essayé. L’ambassade allemande, l’ambassade américaine et les Suédois déploient depuis des années beaucoup d’efforts pour entrer en contact avec ces gens. Ainsi, les ONG ne sont pas les seules à intervenir; les ambassades font aussi leur part.
D’accord. J’y reviendrai dans un moment. Y a-t-il encore beaucoup de Vietnamiens qui émigrent ou bien le Parti communiste les en empêche?
Il y a encore des gens qui sortent, mais c’est au compte-gouttes. En Australie, où j’ai séjourné le mois dernier, il y en aurait, si je ne me trompe pas, plus d’un millier qui ont demandé asile politique.
Je crois que oui. En Thaïlande, il y en a des centaines, voire près d’un millier qui ont demandé l’asile politique.
Ainsi, des gens cherchent encore à quitter le Vietnam, mais pas à aussi grande échelle que dans les années 1980 et 1990, mais il y a certes des gens qui cherchent encore aujourd’hui à quitter le Vietnam.
Comme mes collègues, je vous souhaite la bienvenue ainsi qu’aux nombreux Canadiens-Vietnamiens ici présents.
J’aimerais revenir brièvement sur les ONG dont a parlé mon collègue M. Sweet. Dans un témoignage précédent, on nous a dit — et corrigez-moi si je me trompe —, que les ONG qui réussissent à se maintenir au Vietnam sont celles qui ont été mises sur pied par le gouvernement pour montrer qu’il les autorise à rendre visite aux détenus. Pour commencer, est-ce exact?
Une évolution positive que l’on constate aujourd’hui au Vietnam est l’émergence de la société civile. Ces dernières années, de plus en plus d’organisations communautaires se créent et opèrent au Vietnam en plus des ONG de l’extérieur.
L’immense majorité d’entre elles cependant s’occupe de questions qui ne menacent pas le gouvernement. On les laisse volontiers s’occuper d’environnement, de réduction de la pauvreté, de lutte contre l’analphabétisme, de prévention du sida, par exemple. Mais si elles s’intéressent à des questions telles que la liberté religieuse, questions qui sont délicates, c’est là que les ennuis commencent.
D’accord. Ainsi, est-ce que les ONG étrangères qui militent en faveur de réformes politiques menées par la base n’ont pas accès ou bien elles commencent à avoir un certain accès, ou encore le gouvernement est trop répressif de sorte qu’elles ne peuvent même pas opérer?
Je vais vous donner un exemple. Je crois savoir que les ONG et le gouvernement suédois font depuis pas mal de temps déjà pression pour qu’il y ait des réformes juridiques au Vietnam. Il y a des projets en cours et les ONG suédoises mènent des travaux sur des réformes juridiques, ce que le gouvernement permet dans une certaine mesure. Elles peuvent avancer, mais il y a une limite et si on la dépasse, on a des ennuis.
Pour résumer, je pense que le gouvernement actuel est assez intelligent pour savoir qu’il doit au moins se montrer sous un beau jour. Il autorisera certaines activités à condition qu’elles ne dépassent pas la limite qu’il s’est fixée. Si vous dépassez cette limite, vous n’avez plus qu’à fermer boutique et partir.
Nous avons également entendu des témoignages sur des questions de droits de la personne découlant de la situation politique en Corée du Nord, par exemple. L’un des points qu’on a mentionné à maintes reprises, c’est l’information de la population. En Corée du Nord, l’information est introduite au compte-gouttes sur des clés USB ou par des moyens de ce genre. C’est une forme d’encouragement.
Vous avez parlé de l’aspect commercial du débat en assortissant les ententes au respect des droits de la personne, ceux avec quoi nous sommes totalement d’accord.
Comment peut-on transmettre de l’information divergente? Vous avez mentionné que le gouvernement réprime les blogueurs, empêche l’accès à Internet, etc. Comment pouvons-nous transmettre l’information pour que les gens puissent l’utiliser?
Par Internet… En fait, si la situation a changé au Vietnam au cours des 10 dernières années c’est parce que Internet s’est propagé. Sur une population de 90 millions d’habitants, environ 40 millions ont accès à Internet. Vingt-cinq millions ont un compte Facebook. C’est un chiffre très élevé pour un pays comme le Vietnam.
Le gouvernement a essayé de contrôler Internet. Il le fait encore aujourd’hui et continuera de le faire. En 2009, il a fermé Facebook pendant quelques mois. Mais face à l’ampleur de la protestation des jeunes, il a dû le rouvrir. Internet est donc pour nous un puissant outil pour faire passer l’information au Vietnam. Bien sûr, le gouvernement installe des pare-feu et toutes sortes de blocages, mais les gens arrivent à les contourner. L’information parvient grâce à Internet et les gens ont accès à l’information par des voies non traditionnelles.
Dans mon témoignage, j’ai fait une recommandation visant à faire pression pour garantir la liberté d’expression sur Internet au Vietnam. Faire pression sur le gouvernement pour qu’il respecte Internet ferait beaucoup pour la transmission de l’information.
Comme on l’a mentionné, la diaspora vietnamienne est très forte chez nous. Comment peut-on appuyer l’action qu’elle mène pour amener des changements et des réformes au Vietnam? Et question connexe, est-ce que les gens de la diaspora pourraient voir des membres de leur famille menacés pour l’action qu’ils mènent en faveur des réformes au Vietnam?
Oui, les militants d’ici pourraient facilement se voir refuser un visa d’entrée au Vietnam. Il arrive fréquemment que des gens qui ont reçu un visa d’entrée au Vietnam soient arrêtés à l’aéroport et renvoyés. Je peux vous citer de nombreux cas de militants d’ici qui sont rentrés au pays pour des visites familiales. Leur père ou leur mère est décédé et ils reviennent pour les funérailles. Ils sont arrêtés par la police, questionnés, gardés à vue pendant quelques jours, puis déportés. Cela arrive fréquemment. Les Canadiens, américains et allemands d’origine vietnamienne en ont tous fait l’expérience. Si vous parlez, si vous agissez, c’est le traitement qui vous attend de la part du gouvernement vietnamien.
Dans bien des cas, leur famille au Vietnam a également des ennuis, elle est questionnée et harcelée par la police. C’est très fréquent.
Merci. C’est beaucoup d’informations, et merci beaucoup de votre exposé succinct, mais qui fait le tour de la question.
Merci, monsieur Benskin.
Mme Grewal me signale qu’elle avait une autre question à poser. Est-ce que le comité accepte de l’entendre?
Des voix: D'accord.
Le président: D'accord, allez-y, madame Grewal.
Merci, monsieur le président, ma question sera très courte.
Est-ce que le gouvernement du Vietnam est sensible au type d’actions que nous pourrions prendre au Canada par rapport aux droits de la personne?
Est-ce que le gouvernement du Vietnam est sensible au type d’actions que nous prenons au Canada par rapport aux droits de la personne?
Je dirais que oui, le gouvernement vietnamien est en général très sensible aux pressions internationales. Il reconnaît la nécessité de s’intégrer au reste du monde au plan économique, mais aussi au plan de la sécurité. Il est donc très sensible à cela. Je pense que le fait de faire des pressions dans toutes les tribunes possibles et chaque fois que l’on peut, sera certainement utile.
Cela a d’ailleurs été utile. S’il n’y avait eu aucune pression, les choses seraient 10 fois pires, voire 100 fois pires au Vietnam. Je dis donc oui, ces pressions sont très nécessaires.
Merci beaucoup.
Monsieur Do, vous avez dit que vous allez nous envoyer une liste à jour des prisonniers de conscience. Si vous pouviez la remettre à notre greffier, il fera en sorte qu’elle soit distribuée à tous les membres. Et je tiens à vous préciser que les communications sont constantes. Vous n’avez pas à vous limiter à une seule liste. Si vous avez d’autres mises à jour parce que l’information a été modifiée, vous pouvez nous les envoyer également et nous continuerons de les distribuer à tous les membres.
Merci beaucoup d’être venu et d’avoir invité autant de membres de la diaspora. Nous vous sommes très reconnaissants d’avoir porté cette question importante à l’attention du sous-comité.
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