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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 051 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 janvier 2015

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Français]

     En ce 27 janvier 2015, nous débutons la 51e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Lors de cette réunion, nous poursuivrons notre étude sur les conséquences du génocide rwandais de 1994.

[Traduction]

    Nous accueillons aujourd'hui un témoin que nous attendions depuis très longtemps. Nous avons finalement réussi à faire venir Sue Montgomery. C'est un très beau cadeau qu'elle nous fait aujourd'hui.
    Mme Montgomery travaille pour le quotidien Montreal Gazette. Elle connaît très bien la situation du Rwanda.
    Madame Montgomery, voici comment nous procéderons. Habituellement, nous demandons à nos témoins de présenter un exposé d'environ 10 minutes, mais c'est à votre discrétion. Lorsque vous aurez terminé, nous enchaînerons avec une période de questions. Nous diviserons le temps restant par le nombre de membres du comité. Autrement dit, la durée de votre exposé déterminera en quelque sorte la longueur de vos réponses.
    Quoi qu'il en soit, je vous cède la parole. Vous pouvez commencer quand vous voulez.
    Je vous remercie de m'avoir invitée, et surtout, de vous pencher sur cette question très importante qui est souvent ignorée.
    J'ai pu me rendre au Rwanda l'année dernière. J'y étais allée quelques fois auparavant pour enseigner le journalisme, mais cette fois, j'y suis retournée comme journaliste. J'ai réussi à obtenir du financement des Instituts de recherche en santé du Canada pour écrire mes articles. Malheureusement, cette subvention a été abolie. C'est donc une suggestion que je fais au gouvernement: il serait bien que les journalistes reçoivent les fonds nécessaires pour accomplir ce travail, parce que ni nos journaux ni nos médias n'ont les moyens de le faire. Tout cet argent va dans les poches des PDG.
    Mon projet consistait à déterminer les traumatismes psychiques qui persistent dans la population, 20 ans après le génocide rwandais. Je me suis principalement intéressée à la nouvelle génération, c'est-à-dire aux enfants qui sont nés pendant le génocide ou peu de temps après et qui auront bientôt 20 ans. J'ai découvert un groupe de la population. Malgré les apparences, à bien des égards, le Rwanda représente un modèle de réussite en Afrique, en partie grâce à la dictature de Kagame. Ce président peut facilement être critiqué, n'empêche qu'il a fait énormément pour reconstruire le pays. À première vue, tout est propre, les gens travaillent et la société se développe, mais si on gratte un peu la surface, on découvre une population très troublée.
    Quelques-uns des enfants avec qui je me suis entretenue sont nés après que leurs mères eurent été violées lors du génocide. Comme vous le savez sans doute, la violence sexuelle était fréquemment employée pendant ces 100 jours de massacre de 1994. J'ai constaté que les soins offerts à ces jeunes étaient assez inégaux. Les plus chanceux pouvaient être pris en charge par une petite ONG des États-Unis ou même une ONG locale pour y suivre une thérapie ou se faire payer des études universitaires. D'autres ont grandi avec des mères démolies et sont eux-mêmes très perturbés. J'ai rencontré une jeune femme du nom d'Angelique. J'ai interviewé sa mère, qui m'a décrit la situation durant le génocide. Pendant qu'elle me racontait son histoire, elle a eu cette horrible réaction traumatique. Sa fille, née de ces viols, était assise complètement froide et incapable de réagir à la douleur de sa mère. Les deux femmes souffraient énormément. Par conséquent, il n'en faut pas beaucoup; ces gens ont simplement besoin de parler à quelqu'un.
    Il y a aussi ce jeune Rwandais très impressionnant qui a fondé une organisation appelée Best Hope Rwanda. Nous sommes restés en contact. Évidemment, il est à la recherche de financement et de soutien, parce qu'il sait à quel point ces femmes et leurs enfants — maintenant rendus adultes — ont besoin de soutien financier, mais surtout de soutien psychologique. Il a organisé des séances de thérapie de groupe. Il n'a pas vraiment d'expérience ou d'expertise en la matière, mais il rassemble ces femmes et leurs enfants et leur donne la possibilité de s'exprimer. Cet exercice semble être extrêmement bénéfique.
    Il y a aussi une Rwandaise d'origine américaine qui a fondé le groupe Step Up! Cette femme est arrivée au pays peu de temps après le génocide. On peut voir que les femmes que son organisation a aidées se portent beaucoup mieux que d'autres que j'ai rencontrées. Il s'agit d'un groupe d'entraide. Ces femmes ont une coopérative de couture et font aussi de l'apiculture; elles peuvent donc subvenir à leurs besoins financiers.
    L'un des principaux problèmes qui touche les enfants nés du viol, c'est qu'ils ne sont pas reconnus par le gouvernement comme étant des victimes ou des survivants du génocide. C'est un grave problème. On les considère comme la progéniture des Hutus, ou des génocidaires, c'est-à-dire l'ennemi. Ils ne peuvent donc pas recevoir d'aide pour leurs études. C'est l'une des grandes lacunes que j'ai relevées. Je pense qu'il serait très important de financer leurs études postsecondaires ou même leurs études secondaires.
    En ce qui a trait aux autres pays que le Canada pourrait aider... car comme nous le savons tous, le viol est une arme de guerre. On le voit au Congo, en Syrie et partout où la guerre sévit. Même dans les endroits où il n'y a pas de guerre comme telle, le viol constitue un grave enjeu.
    Chose certaine, il y a un réel besoin de soutien psychologique au Rwanda. Il n'y a que six psychiatres pour l'ensemble du pays. Il y a beaucoup de groupes et de Rwandais qui essaient de mettre sur pied des groupes de soutien au sein desquels les gens peuvent simplement parler de ce qu'ils ressentent et de ce qu'ils vivent. Il semble qu'à bien des égards, le gouvernement cherche à enfouir le passé en disant qu'il n'y a plus de Hutus ni de Tutsis et que tous sont désormais des Rwandais, mais il se trouve à nier les souffrances qu'ont vécues ces gens.
    Je ne suis pas du tout une experte en la matière. Je me suis rendue là-bas. J'ai passé près de deux mois à parler avec ces gens, et cela n'a pas du tout été facile. Il y a un grand manque de confiance. Les gens ne font confiance à personne au Rwanda. C'est probablement la raison pour laquelle il n'y a pas de corruption: on ne sait pas à qui on a affaire, alors on ne veut pas soudoyer une personne, de peur qu'elle nous dénonce. C'est peut-être quelque chose qu'on pourrait utiliser davantage au Québec.
    J'ai donc passé beaucoup de temps à parler avec ces gens et à écouter leur douleur. Vingt ans plus tard, beaucoup de problèmes perdurent. Les conséquences de ce génocide se sont répercutées sur la génération suivante, particulièrement les enfants nés de viols, qui ont aujourd'hui des problèmes de drogue et d'alcoolisme, quelque chose qui n'a jamais fait partie de cette culture auparavant. C'est malheureux. Ces problèmes découlent en partie de leur état dépressif, mais aussi du fait qu'ils n'ont rien à faire puisqu'ils n'ont pas d'argent pour étudier.
    Ce sont donc mes observations. Je vous invite à me poser vos questions. Ce serait peut-être la meilleure façon de procéder.

  (1310)  

    Très bien. Merci. C'était un exposé bien concis. Ce ne sont pas tous nos témoins qui sont aussi disciplinés que vous à cet égard. Les membres du comité savent de quoi je parle.
    Nous devrions avoir le temps d'entreprendre une série de questions de sept minutes. Comme toujours, j'encourage les membres du comité à poser des questions brèves afin que notre témoin puisse donner des réponses complètes.
    Monsieur Sweet.
    Merci, madame Montgomery, votre franchise est rafraîchissante.
    C'est ahurissant: vous avez dit qu'on compte seulement six psychiatres pour 12 millions de gens. Nous éprouvons une pénurie de psychiatres et de psychologues ici, mais cela n'a rien à voir avec six psychiatres pour 12 millions de gens.
    Étant donné que vous vous êtes rendue là-bas récemment, j'aimerais vous poser la question suivante. On nous dit souvent que 20 000 enfants sont nés de ces centaines de milliers de viols. Ces chiffres sont-ils exacts? Qu'en pensez-vous, vous qui avez passé du temps là-bas?
    Oui, 20 000, c'est le chiffre que j'ai également. Je ne les ai pas tous rencontrés, évidemment, mais dans les villages où je suis allée, j'ai remarqué qu'il y avait une grande proportion de ces gens chaque fois. Cela semble être le nombre accepté. De toute évidence, on ne le saura jamais exactement. On ne s'entend pas encore sur le nombre de personnes assassinées pendant le génocide.

  (1315)  

    En effet.
    Dans le cadre de votre étude, au fil des ans, vous avez en quelque sorte été la confidente de ces femmes qui ont subi ce traumatisme. Pourriez-vous nous donner un aperçu de ce que vous avez entendu, évidemment de façon anonyme, des histoires dont ces femmes vous ont fait part?
    Les femmes au Rwanda?
    Les femmes qui ont été violées et qui ont eu des enfants à la suite de ces viols.
    Par exemple, j'ai rencontré une femme qui se portait assez bien. Son mari avait été assassiné et elle avait été détenue par les Hutus et violée à répétition pendant que sa petite fille de cinq ans se faisait violer dans la pièce voisine. Elle pouvait entendre sa fille se faire violer — l'enfant était souvent violé en même temps que la mère —, et elle ne pouvait plus supporter de l'entendre, alors elle s'est enfuie. J'ai trouvé sa réaction un peu inhabituelle. Si j'avais été à sa place, je crois que j'aurais essayé de sauver mon enfant. Toutefois, cette femme savait qu'il n'y avait aucun moyen de s'approcher de sa fille et de la sauver; la seule chose qu'elle pouvait faire, c'est fuir les cris et la douleur.
    À la fin du génocide, les deux ont été réunies par l'un des organismes de l'ONU, je présume, ou la Croix-Rouge. La petite fille était émaciée et extrêmement meurtrie, comme vous pouvez l'imaginer, après avoir été violée par des hommes adultes pendant je ne sais combien de jours. Par la suite, la mère a découvert qu'elle était enceinte. En plus d'être traumatisée et de porter l'enfant de ces viols, elle devait s'occuper de sa petite fille qui avait été violée elle aussi à maintes reprises.
    Je les ai rencontrées toutes les deux. La petite fille qui avait été violée est aujourd'hui devenue une jeune femme qui fréquente l'université. Elle n'a pas du tout voulu parler des événements. Elle a seulement parlé de son père, décédé, en termes élogieux. C'est tout ce dont elle a voulu parler. Toutefois, sa mère a dit qu'elle détestait les hommes et que, pendant de nombreuses années, elle se cachait sous la table en faisant des sons étranges.
    L'enfant né de ces viols est aujourd'hui un gentil jeune homme. Ils ont tenté de créer cette petite famille avec l'aide de l'une des ONG américaines. Ce jeune homme et moi sommes d'ailleurs amis sur Facebook. Il se prend toujours en photo. Le problème avec lui, c'est qu'il n'a personne pour financer ses études, étant donné qu'il n'est pas considéré comme une victime du génocide. Je trouve cela très dommage; c'est un jeune homme brillant, et si j'avais les moyens, je l'enverrais à l'université.
    À ce sujet, vous avez dit que pendant votre séjour de six semaines, tout semblait normal en apparence, mais lorsqu'on grattait un peu la surface, on remarquait qu'il y avait beaucoup...
    Vous avez dit quelque chose qui m'a étonné, particulièrement parce que je viens d'assister à un événement commémoratif de l'Holocauste, et c'est le fait qu'on tente d'enfouir le passé. On ne devrait pas plutôt se rappeler ce drame et faire en sorte qu'il ne se reproduise plus?
    J'ai peut-être un peu exagéré. Ils ont leurs cérémonies commémoratives chaque année, où tout le monde répète machinalement: « Nous sommes tous Rwandais ». Toutefois, des divisions subsistent parce que certaines choses n'ont pas été réglées. Un grand nombre d'Hutus ont été assassinés alors qu'ils n'avaient pas pris part au génocide; ils ont souffert également, mais ils ne sont pas autorisés à souffrir. Les noms Hutu et Tutsi sont très significatifs. Si vous êtes un Tutsi, vous êtes une victime; si vous êtes un Hutu, vous êtes le génocidaire.
    Ils ne veulent pas en parler, et toute discussion sur ces divisions est illégale. Les gens peuvent aller en prison, alors si vous voulez en parler, vous devez le faire à mots couverts. Les gens sont donc très mal à l'aise, mais il y a ce député que j'ai interviewé qui est exceptionnel. Il a entrepris un processus de réconciliation. Il n'est âgé que de 30 ans. Il rassemble de jeunes Hutus et Tutsis pour discuter de ce qui s'est passé. Étant donné qu'il est un ministre élu, il peut se le permettre. Il est en quelque sorte le ministre de la Jeunesse. Par conséquent, on semble s'ouvrir davantage. N'empêche que c'est une évidence; si on ne règle pas la question, cela va exploser de nouveau. Il y a encore beaucoup de ressentiment et de colère.
    Ce n'est pas tant qu'ils veulent tourner la page, mais avec Kagame, notamment... comme vous le savez sans doute, il aime supprimer toute forme de dissidence, malheureusement. Il souhaite simplement aller de l'avant et ne veut plus que son pays soit reconnu comme étant le pays du génocide.

  (1320)  

    Merci.
    Merci beaucoup.
    Est-ce que je cède la parole à M. Marston ou à M. Benskin?
    Monsieur Marston, la parole est à vous.
    Tout d'abord, madame Montgomery, je tiens à dire que je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faut former les journalistes, parce qu'à bien des égards, ils sont la conscience des pays, particulièrement ceux qui ont subi ce type de traumatismes.
    Le stress post-traumatique est un trouble dont on commence à parler en Amérique du Nord. J'en souffre depuis 40 ans. J'ai été agent d'entretien des signaux et j'étais responsable des passages à niveau. J'ai été témoin de quatre accidents mortels à un passage en 11 mois. Quarante ans plus tard, je refais le même cauchemar tous les mois, où j'explique à mon superviseur pourquoi je n'ai pas fait toutes les vérifications nécessaires alors que je les avais faites. Je souffre encore aujourd'hui, mais ce qui m'a aidé, c'est de pouvoir en parler avec des collègues et d'autres gens.
    Si je reviens à la situation dont nous sommes saisis, vous avez parlé de consultations ou de discussions entre pairs qui peuvent être bénéfiques. Vous avez parlé d'une ONG américaine qui déployait des efforts à cet égard. Je constate qu'il y a deux niveaux. À Hamilton, nous avons souligné l'anniversaire du Rwanda. Un jeune homme a pris la parole. Il était l'une de ces 20 000 personnes. Savez-vous combien de ces victimes se trouvent ici au Canada? N'est-ce pas quelque chose que nous devrions offrir ici, tout comme là-bas? Y a-t-il une ONG en particulier que le gouvernement canadien pourrait aider au Rwanda?
    Pour répondre à votre première question, on retrouve beaucoup de survivants ici au Canada, surtout à Montréal, étant donné qu'on y parle français. Je suis amie avec plusieurs d'entre eux. D'une certaine façon, je pense qu'ils se sentent mieux ici puisqu'on ne leur rappelle pas constamment les événements et qu'ils sont occupés à essayer de s'établir ici, du moins, c'est l'impression que j'ai. Je suis sûre que certains d'entre eux revivent ces traumatismes de temps à autre.
    Pour ce qui est des ONG au Rwanda, c'est difficile puisque le gouvernement rwandais est très strict quant aux ONG qui peuvent oeuvrer au pays. D'un autre côté, je considère que c'est une bonne chose. D'ailleurs, Haïti pourrait peut-être s'en inspirer. Ils essaient très fort d'avoir de l'aide locale et adaptée à leur culture. Ils ne veulent pas que n'importe quelle ONG arrive en leur disant quoi faire et comment le faire. Je respecte leur choix et je considère même que c'est une bonne chose.
    Il y a une femme que je connais qui est en train de faire sa maîtrise en santé publique, et elle mériterait qu'on l'appuie dans ses efforts. Elle a fondé une ONG qui s'appelle Living With Happiness. Selon elle, le problème avec le gouvernement, c'est qu'il est très institutionnel. Il veut des études et des statistiques. Je suppose que c'est le cas de tous les gouvernements. Ils ont très peu d'aide directe. Selon elle, les gens qui souffrent ne sont pas les seuls à avoir besoin d'aide, ceux qui s'en occupent aussi. Son but serait d'offrir un endroit à la campagne. En fait, elle possède déjà une terre, dont elle a hérité. Ses deux parents ont été tués pendant le génocide. En fait, toute sa famille a été assassinée. Elle a réussi à s'enfuir par chance, mais elle a quand même été violée. Elle aimerait donc que les gens puissent avoir un endroit où se retrouver pour peindre ou raconter une histoire. C'est une culture très orale. Ce serait un type de thérapie. Je ne crois pas que la thérapie traditionnelle, comme nous avons ici, où une personne rencontre un psychologue et s'étend sur un sofa pendant 50 minutes pourrait fonctionner là-bas.

  (1325)  

    Non. C'est pourquoi j'ai parlé de counselling entre pairs. C'est un drame national. Ce n'est pas tout à fait la même chose qu'un incident individuel qui pourrait survenir dans notre pays, comme une agression ou autre chose.
    Effectivement.
    Ce qui me préoccupe à ce sujet, c'est que si le gouvernement — sans dire qu'il est dans le déni — essaie certainement de mettre le problème de côté pour aider les victimes initiales de viols, c'est un niveau de contact entre pairs qui leur permet de... Vous avez évoqué la petite fille cachée sous la table. Tant qu'on ne la convainc pas d'émerger de sa cachette, elle ne peut pas s'en sortir. C'est un niveau d'intervention. Mais les survivants, les enfants qui sont maintenant dans la vingtaine, auront un problème institutionnel comme l'instruction, tout en étant aux prises avec les effets résiduels du traumatisme qu'ils ont subi juste en observant leurs mères et la manière dont elles ont survécu.
    Oui, et ils risquent de transmettre ce traumatisme à leur...
    Exactement.
    ... comme nous l'avons vu avec les survivants de l'Holocauste. Le traumatisme se transmet probablement sur trois ou quatre générations.
    J'en conviens. J'ai rencontré des petits-enfants de victimes d'Auschwitz. On a avec eux une conversation complètement différente, car leur réalité est différente. Leur réalité, ce sont les gens sur place. Le Rwanda est très différent.
    Si on en revient encore au Canada, avez-vous entendu parler de groupes qui offrent du soutien direct?
    Aux survivants qui sont au Canada?
    Oui.
    Je sais que le gouvernement offrait des services d'aide psychologique aux nouveaux arrivants et aux nouveaux réfugiés, mais je crois qu'il les a éliminés, comme bien des services. Je pense que les survivants qui cherchent du soutien psychologique au Canada doivent passer par les mêmes voies que le reste d'entre nous.
    Je présume que s'ils sont au Québec, le système de soins de santé de cette province a probablement un service pour les aider à surmonter leurs difficultés.
    Au Québec, il se trouve des organisations qui offrent de l'aide, comme Page-Rwanda. Ils ont réuni tous les survivants et filmé leurs témoignages afin d'établir une sorte de bibliothèque de toutes les expériences à Montréal. Ce n'est qu'une pièce dans un édifice quelconque, mais on peut s'y rendre pour écouter les récits. De plus, il s'y donne à l'occasion une petite conférence informelle ou une activité dans le cadre de laquelle les gens se réunissent pour parler du génocide.
    Le fait de pouvoir raconter leur histoire confère aux gens un sentiment de valeur, et c'est un élément essentiel.
    Oui, certainement.
    Combien de temps me reste-il monsieur le président?
    Il est justement écoulé.
    Merci. C'est ce que je pensais.
    Quand le gens ont une horloge interne, j'ai remarqué qu'elle est étonnamment juste.
    Madame Grewal, vous avez maintenant la parole.
    Merci, madame Montgomery, de prendre le temps de témoigner devant nous aujourd'hui au sujet des conséquences du génocide rwandais et des efforts que vous déployez pour améliorer la vie des personnes touchées.
    Pendant votre séjour au Rwanda, vous avez observé des enfants nés de cette tragédie, et remarqué que les mères éprouvent un dégoût palpable à leur égard et cherchent à se dissocier de tous les aspects de leur vie. Ces enfants, maintenant adultes, éprouvent un sentiment de rejet et ne savent que faire de leur vie. Dans le Montreal Gazette, vous avez expliqué qu'ils ont quelques problèmes de santé mentale et qu'il n'y a pas de travailleurs sociaux pour les aider.
    Selon vous, comment ces enfants peuvent-ils améliorer leur vie? Outre les travailleurs sociaux, existe-t-il d'autres ressources vers lesquelles ils peuvent se tourner?

  (1330)  

    Je dirais que l'éducation constitue le meilleur moyen d'améliorer leur vie. Tous ceux à qui j'ai parlé, pas seulement les enfants nés de viols, mais les orphelins du génocide également, souhaitent aller à l'école. Ils aimeraient fréquenter l'université et s'instruire, mais aucun financement n'est prévu à cette fin.
    Comme je l'ai indiqué, il y avait du financement pour certaines victimes du génocide, ainsi qu'un fonds pour les orphelins, mais ces fonds ne couvraient pas les Hutus ou les enfants nés de viols; il y a donc ici encore un conflit entre les deux groupes. Quand j'ai demandé ce qui pourrait les aider et ce qu'ils voulaient, tous ceux à qui j'ai parlé ont indiqué qu'ils désiraient aller à l'école, mais il n'y a pas d'argent pour cela. On se sent un peu désemparé devant cette situation.
    Étant donné que les travailleurs humanitaires tendent à s'occuper davantage des femmes victimes de viol que des enfants qui en résultent, comment répond-on aux besoins de ces jeunes adultes, qui sont près de 20 000? Ont-ils besoin de plus de ressources maintenant qu'ils sont plus âgés que quand ils sont nés?
    Je dirais que oui, parce que certains d'entre eux n'ont jamais reçu le moindre soutien psychologique. Ils auraient besoin de thérapie, et c'est ce que mon ami Ganza — qui est Rwandais — tente d'offrir avec Best Hope Rwanda en réunissant les femmes et leurs enfants pour qu'ils parlent de ce qu'ils ressentent.
    J'ai assisté à une de ces rencontres, à laquelle un fonctionnaire était présent. Je lui ai demandé ce que le gouvernement faisait pour ce groupe. Il m'a répondu que le gouvernement considérait qu'il avait offert du soutien aux veuves et aux enfants, mais que ces gens-là passaient entre les mailles du filet. Il ne semblait guère se préoccuper de ce groupe laissé pour compte.
    Vous devez comprendre que le pays était évidemment complètement dévasté et n'avait pas de gouvernement fonctionnel. Il n'y avait pas de maisons, il n'y avait rien. L'aide psychologique passait en dernier, et c'est toujours le cas.
    Même quand j'ai parlé au représentant de l'OMS à Kigali, ce dernier m'a répondu que c'est un problème mondial, qui figure malheureusement en bas de la liste au chapitre du financement, car il est très difficile de déterminer le nombre de décès. Au moins, en ce qui concerne le sida ou même l'Ebola, on peut dire combien de gens sont morts. Or, nous ignorons combien de gens meurent au Rwanda en raison de problèmes de santé mentale.
    C'est également un problème culturel. On commence seulement à comprendre que c'est un problème, parce que les gens sont moins éduqués au sujet de la santé mentale qu'on ne l'est ici. On traite les gens qui déambulent nu-pied dans les rues en parlant tout seuls comme s'ils étaient possédés du démon ou je ne sais quoi encore. Maintenant, on comprend mieux la dépression et la santé mentale.
    Il est déplorable qu'on utilise le viol comme arme de guerre; je n'ai donc pu que me désoler pour les femmes qui en ont été victimes quand j'ai eu vent de leurs expériences traumatisantes. J'aimerais aussi savoir ce qu'il en est des mères qui n'ont pas avisé leurs enfants qu'ils étaient nés par suite de viols et des difficultés qu'il y a à informer ses enfants que leur père a pris part à un crime odieux. Dans bien des cas, le père a également tué une bonne partie de la famille de la mère. De nombreuses femmes ont choisi de ne pas révéler à leurs enfants les circonstances de leur conception.
    Comment ces enfants réagissent-ils psychologiquement comparativement à ceux qui ont été mis au courant du viol de leur mère? Comment réagiront-ils en découvrant les circonstances de leur conception? Cette découverte serait-elle porteuse de réconciliation ou engendrerait-elle la colère?

  (1335)  

    J'ai parlé à un groupe qui soutient certaines de ces personnes. Comme je l'ai indiqué, tout cela est très disparate et pas tellement organisé entre les groupes. Un groupe aidera un groupe de gens, alors que dans une autre région du pays, aucune aide ne sera prodiguée. Ce groupe a aidé 819 femmes rwandaises qui ont donné naissance après avoir été violées, et seulement 50 d'entre elles ont révélé la vérité à leurs enfants. Les intervenants ont dit que c'est très difficile à faire, car les réactions sont différentes. Certaines femmes ont nié avoir même été Rwandaises après les faits, prétendant être Ougandaises et cessant de parler kinyarwanda. Un autre a dit qu'une femme était devenue prostituée. Certaines deviennent très violentes.
    Je pense que c'est quelque chose qu'il faut faire dans un environnement contrôlé par des professionnels avec du soutien. Selon moi, les enfants doivent savoir d'où ils viennent et qui est leur père. Il faut le leur dire de manière à ce qu'ils sachent que ce n'est pas de leur faute et qu'ils n'ont pas à avoir honte. Le problème, c'est qu'ils sont nés sous les auspices de l'immense honte qui accable leur mère. Toute femme victime de viol est hantée par la honte et la culpabilité, et c'est d'autant plus vrai si elle a eu un enfant par suite de ce viol. Je pense que la problématique est double.
    Il faut assurément informer les enfants au sujet de leurs origines.
    Merci, madame Grewal. Je crains que ce soit tout le temps que vous ayez. Nous avons dépassé votre temps d'une minute et demie, en fait.
    Monsieur Vaughan, vous avez la parole.
    Je me demande où vous avez rencontré de l'aide canadienne et où vous avez constaté que cette aide parvenait à résoudre les problèmes dont vous nous avez parlé aujourd'hui.
    Au Rwanda?
    Oui.
    Je ne pense pas en avoir vu. Je ne crois pas que le Rwanda soit un des pays principaux ou prioritaires du Canada; j'ignore quel est le mot clé maintenant.
    Je suis certaine qu'il y a des Canadiens là-bas, mais comme je l'ai souligné, le Rwanda est le genre de pays où... Par exemple, la ministre rwandaise de la santé est une vedette et une femme extraordinaire. Je l'ai appelée pour lui indiquer que j'aimerais parler à des ONG qui travaillent dans le domaine de la santé mentale, comme Partners In Health. Elle s'est mise dans une colère terrible, me demandant pourquoi je voulais parler à une ONG étrangère alors qu'il existe un éventail d'ONG locales auxquelles il valait beaucoup mieux s'adresser parce qu'elles connaissent la situation. Je lui ai répondu que j'étais d'accord et que je voulais simplement parler aux gens qui travaillent dans le domaine de la santé mentale. Il s'avère que les Rwandais auxquels j'ai parlé étaient extrêmement bien informés et connaissaient à l'évidence la situation mieux que des gens venus de l'extérieur.
    Je n'ai pas rencontré beaucoup de Canadiens au Rwanda. Je ne pense pas en avoir rencontré un seul, à part un psychologue ou psychiatre qui s'y était rendu de sa propre initiative. Mais c'est probablement attribuable en partie au fait que les autorités rwandaises contrôlent étroitement les gens qui travaillent au pays.
    En ce qui concerne la situation au Canada, nous savons que des études récentes révèlent que la santé mentale des réfugiés et des immigrants décline après leur arrivée ici précisément parce qu'on a éliminé les services, particulièrement pour les réfugiés, mais aussi pour de nombreux immigrants au pays. Que fait le gouvernement pour ces gens que nous avons acceptés à titre de réfugiés et quels programmes offre-t-il expressément à un groupe très particulier de réfugiés ici, au Canada?
    Ici au Canada? Je ne sais pas ce qu'il en est, mais j'ai écrit des articles par le passé sur la réduction des services de soutien psychologique. En fait, je travaille à temps plein au palais de justice, où il y avait, parmi les gardes de sécurité, une Rwandaise à qui j'ai parlé. Elle m'a dit qu'elle avait reçu de la thérapie, mais que le service avait été éliminé. Pour ce qui est de savoir si c'est véridique ou pas... je la crois. Je n'ai aucune raison de ne pas le faire. Je ne l'ai pas revue au palais de justice. J'ignore ce qu'il s'est passé. Elle a peut-être perdu son emploi, démissionné ou changé de poste. Je ne sais pas, je l'ai perdue de vue.
    Je vois souvent des sans-abri dans la rue, et c'est peut-être une forme de racisme de ma part, mais s'il s'agit de personnes de couleur ou noires, je présume automatiquement que ce sont des réfugiés qui sont entrés au pays et qui se sont perdus dans le système. Nombre d'entre eux sont Africains. Je me demande si c'est ce qu'il leur arrive s'ils n'obtiennent pas le soutien psychologique ou familial dont ils ont besoin.
    Un de mes amis est venu du Rwanda pour faire sa maîtrise en journalisme à Carleton. Il a subi un épisode psychologique dans les rues de Toronto, dans un autobus, et on a dû appeler la police. Heureusement, il n'a pas été abattu, comme, on le sait, cela peut arriver. On lui a diagnostiqué un trouble bipolaire. Il est retourné au Rwanda, où il continue d'éprouver des difficultés psychologiques.
    Je pense que si nous décidons d'accepter dans notre pays des réfugiés issus de contrées ravagées par la guerre — et nous acceptons actuellement de nombreux Syriens qui fuient exactement ce genre de situation —, nous leur devons de leur offrir du soutien psychologique et de leur fournir au moins quelqu'un à qui ils peuvent parler de ce qu'ils ont vécu.

  (1340)  

    En ce qui concerne votre expérience dans le cadre des programmes qui ont permis de nous apporter cette nouvelle, les programmes qui ont financé les excursions de journalistes à l'étranger pour explorer le monde et nous rapporter ces informations, et en ce qui concerne les réductions que le gouvernement du Canada a apportées dans l'aide étrangère apportée au Rwanda, auxquelles s'ajoutent les démarches volontaires ou proposées pour éliminer les services aux réfugiés, y a-t-il quelque chose que nous faisons pour aider ces gens à avoir un avenir meilleur?
    Ici ou à l'étranger?
    Ici. Il semble que le gouvernement fasse marche arrière dans chaque programme dont vous avez parlé. Faisons-nous quelque chose où nous nous montrons à la hauteur de nos responsabilités?
    Ce n'est pas un secret que le gouvernement sabre partout, ou dans bien des services, malheureusement. Nous avons tendance à soutenir... et bien, à aider les pays qui ont quelque chose dont nous avons besoin, comme le pétrole. Mais que peut bien avoir le Rwanda? Rien.
    Toutes les initiatives journalistiques auxquelles j'ai participé avec le soutien du gouvernement, comme l'enseignement universitaire au Rwanda, ont été éliminées. Je suis la dernière journaliste à avoir obtenu une bourse de recherche des IRSC. Cette bourse d'à peine 25 000 $ a été éliminée. Il ne reste plus maintenant qu'une bourse destinée aux correspondants à l'étranger, mise sur pied par la famille du défunt journaliste Jim Travers.
    Il est très difficile de se rendre dans ces pays pour faire un compte rendu sur des questions importantes comme celle-ci. Il est très difficile de voir les réfugiés ou les immigrants qui arrivent ici se heurter à la réalité de la vie au Canada. Ce n'est pas facile. Chaque fois que je me rends dans des pays comme le Rwanda, je constate que les gens veulent évidemment venir au Canada parce qu'ils pensent que c'est le meilleur endroit du monde pour vivre, mais pour les gens sans instruction, noirs ou pauvres, la situation est difficile.
    Si nous...
    Désolé, monsieur Vaughan, mais nous en sommes à 7 minutes et 20 secondes. Je dois passer au prochain intervenant, qui est, d'après ce que je comprends, M. Sweet.

  (1345)  

    Monsieur le président, je vais laisser mon collègue, M. Hillyer, poser des questions, mais je veux faire quelques précisions.
    Par personne, le Canada est considéré comme le pays qui accueille le plus grand nombre de réfugiés du Haut-Commissariat des Nations Unies. Je sais que dans ma collectivité, Hamilton en Ontario, nous investissons des millions de dollars, et lorsque je dis « nous », je veux dire que le gouvernement fédéral investit des millions de dollars dans des services d'aide à la réinstallation pour les réfugiés, de même que pour les immigrants, pour des services médicaux, psychologiques, linguistiques, d'emploi, etc.
    L'an dernier, je me suis rendu à la frontière entre la Jordanie et la Syrie, où nous avons promis d'accueillir un plus grand nombre de réfugiés. Soit dit en passant, 60 % d'entre eux seront accueillis dans le cadre d'un programme vraiment formidable, soit le Programme de parrainage privé de réfugiés, qui permet aux collectivités de collaborer avec le gouvernement et d'apporter leur aide. Bon nombre d'entre eux auront accès à du counselling pastoral et à de l'aide psychologique dans leur collectivité d'accueil. Je me suis rendu à cette frontière et j'étais avec des gens de la garde royale jordanienne, qui m'ont dit que parmi tous les pays qui se sont engagés à aider la Jordanie à gérer l'énorme crise des réfugiés, à ce moment-là, le Canada était le seul pays qui avait tenu sa promesse: achat de camions à eau, de camions servant au transport de réfugiés de la frontière jusqu'aux camps et aide psychologique, par protection, car de nombreux membres d'al-Qaïda et de l'EIIL essayaient de traverser la frontière. Le brigadier-général qui nous donnait l'information était profondément reconnaissant. En fait, il a dit « nous savons que les Canadiens sont nos amis ».
    Je voulais seulement, aux fins du compte rendu, faire des précisions concernant les investissements que fait le gouvernement du Canada au nom de tous les citoyens canadiens pour les réfugiés, partout.
    Je dirais une autre chose. Comme tous les pays libres, nous avons des enjeux concernant les demandeurs d'asile et les réfugiés du Haut-Commissariat des Nations Unies. Nous investissons des millions de dollars dans les contrôles de sécurité pour assurer également la protection des Canadiens pour ce qui est des gens qui arrivent dans notre pays et dont nous ne pouvons pas confirmer l'identité; en fait, certains détruisent leurs documents. Nous déployons des efforts pour nous assurer que les véritables réfugiés sont dans un lieu sûr. Ce qui est tout aussi important, ou peut-être encore plus important, parce que nous formons le gouvernement canadien, nous veillons à ce que tous les contrôles de sécurité nécessaires soient effectués pour assurer la sécurité des citoyens canadiens.
    Je voulais seulement m'assurer que cela figure au compte rendu, comme les autres observations qui ont été faites.
    Je cède le temps qu'il me reste à mon collègue, M. Hillyer.
    Monsieur Hillyer, vous disposez de trois minutes et trente secondes.
    Je vous remercie de votre présence.
    C'est ma première journée en tant que membre du nouveau sous-comité, et je sais que l'étude porte sur les enfants nés de viols pendant le génocide rwandais. Compte tenu de votre expérience, je me demande si vous pouvez parler un peu du génocide. Comme vous le savez, après la Seconde Guerre mondiale, les Nations Unies ont déclaré que « plus jamais » on ne laisserait un génocide se reproduire. Je me souviens d'avoir écrit un article au cours de mes études de maîtrise. Je l'ai intitulé Never Again and Again and Again and Again, car lorsqu'il y a eu la crise au Rwanda, de même au Cambodge, la communauté internationale a délibérément décidé de ne pas parler de génocide pour décrire ces événements; elle ne l'a pas fait avant quelques années après les événements.
    En une minute et demie, pourriez-vous nous dire ce que nous pourrions faire à votre avis pour non seulement aider à remédier aux conséquences d'une telle crise, mais également éviter qu'une telle crise se produise?
    Ouf.
    Oui: il faut trouver une solution.
    Cela revient simplement à dire qu'une bonne partie des haines entre les gens s'explique par l'ignorance et un manque d'éducation. J'imagine que le Canada pourrait entre autres soutenir l'éducation dans le monde, et il faut écouter les signaux d'alarme. Nous savions ce qui se passait au Rwanda, mais nous n'avions pas vraiment l'air de nous en soucier.
    Je ne sais pas ce que je pourrais dire de plus. Je crois que c'est une question d'éducation.

  (1350)  

    Diriez-vous que dans le cas de la crise des enfants nés de viols, si nous n'agissons pas, elle pourrait engendrer d'autres tensions et...? Par exemple, vous avez dit que les gens ne parlent de rien. Cette situation ne fait qu'accroître les tensions de nouveau, et peut-être que nous ne parlons pas tellement ici de génocide, mais d'une augmentation de la violence.
    Oui. Nous constatons déjà que cela déborde sur le Congo. C'est là que se trouvent les génocidaires. Il y a toujours des escarmouches de l'autre côté de la frontière.
    Donc, je dirais que cela pourrait se reproduire. Je ne serais pas surprise si cela arrivait.
    D'accord. Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Benson
    Madame Montgomery, je vous remercie d'avoir trouvé le temps de vous joindre à nous.
    L'une des choses qui me motivait lorsque nous avons décidé de faire cette étude, c'est que, malheureusement, si l'on regarde les choses d'un point de vue rationnel, à moins que nous puissions prendre des mesures pour la génération qui a vécu les événements — comme financer l'enseignement postsecondaire —, et que nous trouvions d'autres moyens de les aider à gérer les effets du SSPT, ils sont perdus en quelque sorte. Selon moi, l'une des raisons pour lesquelles il est important d'en discuter, c'est que ce type de situations se produit encore: en Syrie, en RDC. C'est aux leçons que nous pouvons en tirer que je m'intéresse.
    Comme nous l'avons constaté lors de la commémoration de l'Holocauste, il y a des signes. Nous avons appris qu'il nous faut être conscients de certaines choses et demeurer sensibles à cela. Dans le processus de vérité et de réconciliation en Afrique du Sud, nous avons appris que tant que nous nous souvenons de ces événements, cela aide à empêcher que ce type de situation se reproduise, ce qui semble être à l'opposé de ce qui se passe au Rwanda présentement.
    Pour ce qui est d'aider les gens à se préparer à ce qui se passera au lendemain des événements qui se produisent en Syrie et en RDC, dans notre arsenal d'aide, qu'est-ce qui serait essentiel pour nous de connaître indépendamment des différences culturelles? Les différences culturelles sont importantes, mais nous sommes des êtres humains, et les choses nous affectent tous de la même façon. Les différences culturelles entrent en jeu quant aux mesures que nous prenons.
    De quelle façon pouvons-nous mieux aider les pays et les communautés à l'avenir dans ce type de situations de violence?
    Au Congo, si jamais cela se termine... Le conflit là-bas semble se poursuivre indéfiniment, et je ne sais pas combien de millions de personnes ont été tuées, sans compter celles qui ont été violées.
    Un grand nombre de gens qui travaillent au Rwanda m'impressionnent beaucoup, des Rwandais qui font des études à l'étranger et qui connaissent les enjeux et les mesures à prendre. Comme c'est souvent le cas pour bon nombre de ces problèmes, je crois qu'on manque d'argent. Je pense que la meilleure chose que nous pouvons faire, c'est de soutenir les groupes locaux, les groupes communautaires et ce qu'ils font. Je ne vois pas l'utilité d'envoyer des professionnels qui ne comprennent peut-être pas la situation culturelle. Il est préférable de coopérer avec des gens qui font ce travail dans le pays et de leur fournir l'aide dont ils ont besoin, qu'il s'agisse de formation ou de mesures financières. Je crois que le Rwanda, par exemple, a besoin entre autres d'un endroit où les gens peuvent se rencontrer. Ils ont besoin d'un lieu et de matériel.

  (1355)  

    Je suis complètement d'accord avec vous. L'un des exemples qui donnent de bons résultats dont nous avons entendu parler, c'est HOPEthiopia. La représentante qui a comparu devant notre comité a parlé du travail de cet organisme qui consiste à réunir les enfants et leurs mères et à réunir les familles pour qu'elles créent leurs propres familles en se sentant réunies par leurs expériences communes, ce qui les aide. D'après ce que j'ai pu comprendre, il s'agit de favoriser ce type d'activité — pas nécessairement leur donner notre point de vue ou envoyer nos psychologues là-bas — et de former des gens des services de santé mentale tout en comprenant les aspects culturels de la communauté ou du pays.
    Vous m'avez demandé si j'avais rencontré des Canadiens qui travaillaient là-bas. En fait, l'un des hommes que j'ai rencontrés faisait partie de HOPEthiopia, mais il était au Rwanda. Il a trouvé la situation vraiment très difficile en partie en raison de la question de confiance. Cela prend beaucoup de temps, et c'est pourquoi l'envoi de personnes extérieures pose problème dans ce cas. Si les gens ne vous connaissent pas ou ne savent pas d'où vous venez et ce que vous venez faire chez eux, ils ne se confieront pas à vous.
    J'ai eu de la chance en ce sens que j'ai enseigné là-bas en 2006 et en 2007. J'ai été en contact avec beaucoup de personnes et les gens se confiaient à moi parce qu'ils me faisaient confiance. Toutefois, cela prend beaucoup de temps, surtout en situation de guerre.
    Je soutiens pleinement le rôle du Canada, qui agit en partenariat avec des gens qui font ce type de travail. Bon nombre de Rwandais m'ont demandé s'il était possible pour eux de faire un stage dans un centre de réadaptation au Canada, par exemple. Je l'ignore. Ce sont des choses que je ne sais vraiment pas. Mis à part écrire à des gens et poser la question, je l'ignore.
    Ils sont vraiment avides d'information. Ce n'est pas qu'ils ont besoin d'en apprendre sur ce que les gens vivent. Ils le savent, car ils le vivent tous. Ils ont besoin de connaître différentes façons d'intervenir. Ils ont beaucoup d'idées créatives; ils ont tout simplement besoin de ressources. Je ne crois pas qu'il leur en faut beaucoup. Nous ne parlons pas ici de millions et de millions de dollars. Je ne crois pas qu'il faut beaucoup d'argent pour fournir du matériel de peinture, de sculpture, ou d'autre matériel de création.
    Puisque c'est vous qui avez suggéré la tenue de ces audiences, pourquoi ne pas vous donner la chance de poser une autre question, monsieur Benskin?
    Merci.
    Vous avez parlé de toxicomanie — et ce n'est pas la première fois que nous en entendons parler — et de prostitution. Bon nombre de ces enfants se cachent, vivent ou atténuent leur douleur en suivant cette voie.
    Il me semble encore une fois que c'est l'une des choses que nous pouvons faire: nous pouvons compiler les réactions auxquelles il faut s'attendre dans ces autres pays. Ce sont les types de réactions qu'auront les enfants et les femmes qui ont été victimes de viol durant la crise. Nous pouvons dire « voici l'information et voici les façons dont nous pouvons vous aider à obtenir et à traiter l'information, et vous pouvez vous en servir et travailler avec vos collectivités pour leur donner de l'information et les aider ».
    Encore une fois, serait-ce quelque chose qui...

  (1400)  

    Par exemple, on vient d'ouvrir le tout premier service d'Alcooliques Anonymes au Rwanda. Les Rwandais n'en ont jamais eu besoin auparavant. Dans leur culture, ils boivent du lait.
    C'est devenu un problème pour cette prochaine génération et ils doivent agir maintenant. L'un des psychologues avec qui j'ai parlé travaille au pavillon de réadaptation d'un hôpital et a dit qu'on tient des réunions des AA maintenant. Il n'y en a jamais eu auparavant.
    Il y a ce type d'information également, pour ce qui est de communiquer les façons d'intervenir, mais soyons réalistes: le même problème existe au Canada. Bon nombre de problèmes de santé mentale dans notre pays découlent de traumatisme que les gens ont vécu dans leur enfance. Il y a beaucoup de cas d'actes de violence, d'agressions sexuelles, de violence physique et de violence psychologique ici qui ne sont pas révélés. Je suis certaine que si nous commencions à attaquer ce problème de front, le nombre de dossiers en santé mentale ne serait pas aussi élevé présentement.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Montgomery. Vous nous avez beaucoup aidés. J'avais une question à vous poser, mais vous nous avez aidés à y répondre.
    Je voulais vous poser une question sur un aspect qu'a relevé M. Benskin. Vous avez dit que des gens vous avaient parlé — j'en conclus que c'est arrivé plus d'une fois — de l'idée de venir ici pour ce que vous avez appelé un stage. De quoi s'agit-il au juste?
    Oui. À un certain nombre de reprises, un psychologue qui m'impressionne beaucoup m'a demandé... Il ne veut pas venir vivre ici. Il veut seulement venir et... C'est celui qui travaille en réadaptation pour les toxicomanes. Parce que c'est un phénomène nouveau, il n'en sait pas vraiment beaucoup à ce sujet, et il aimerait vraiment venir passer quelque temps ici. J'ai pensé à un endroit. Lorsque je couvre des causes, un grand nombre de personnes reçoivent l'ordre d'aller dans un centre de réadaptation à Montréal, à Québec ou ailleurs. J'ai pensé que ce serait un bon endroit où il pourrait agir à titre d'observateur pour apprendre comment se fait le travail d'accompagnement psychologique.
    C'était intéressant de discuter avec lui. Un père rwandais s'est présenté avec son enfant parce qu'il ne pouvait pas recevoir de bons soins à Edmonton. Son fils était hors de contrôle. Il consommait des drogues et de l'alcool, et le père a cru que ce serait une bonne chose de l'emmener au Rwanda, où ces problèmes n'existent pas, mais lorsque j'ai rencontré l'enfant et son père, il était en état d'ébriété — le jeune mesurait plus de six pieds. C'était un grand garçon de 16 ans. De toute évidence, il avait trouvé une façon d'obtenir ce qu'il lui fallait. Je trouve paradoxal que le père a emmené dans un pays du tiers monde son fils, un adolescent venant d'un pays industrialisé, pour qu'il surmonte sa toxicomanie. Le psychologue en question, qui a étudié en Angleterre, aimerait trouver une façon d'en apprendre plus sur la toxicomanie.
    D'accord. C'est utile. En gros, nous avons des compétences qui seraient utiles là-bas, et leur participation à des stages serait une façon de les leur transférer.
    Oui. Pour l'essentiel, il s'agit de savoir comment établir le contact, comment établir ce partenariat.
    C'est vraiment très utile. Merci.
    Je remercie tous nos collègues.
    Madame Montgomery, nous sommes ravis que vous ayez comparu devant nous aujourd'hui. Je crois que nous convenons tous que votre témoignage nous est très utile.
    Je vous remercie de l'invitation.
    Chers collègues, j'aimerais parler à MM. Benskin et Vaughan après la levée de la séance. J'allais poursuivre la séance à huis clos, mais je pense que ce serait préférable ainsi. Il s'agit d'une question qui n'est pas liée au Rwanda.
    Merci.
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