SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 1er mai 2014
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Nous tenons aujourd'hui la 24e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous nous penchons aujourd'hui sur la violence sexuelle et la persécution à l'encontre des minorités religieuses dans le conflit syrien.
Avant d'accueillir nos témoins d'aujourd'hui, je crois que le Parti libéral a une motion à présenter au comité.
Monsieur le président, M. Cotler m'a demandé de proposer, si M. Ahmed Shaheed ne peut pas venir témoigner le 8 mai, que nous demandions à la greffière d'inviter Mme Susanne Tamás, directrice du Bureau des relations gouvernementales pour la Bahá'i Community of Canada, et M. Payam Akhavan, chercheur en droit international public à l'Université McGill, à la place de M. Shaheed. Nous proposons également de demander à la greffière d'inviter à notre séance du 13 mai M. Ali Alfoneh, collaborateur émérite de la Fondation pour la Défense des Démocraties et expert de l'Iran, à témoigner avec M. Mark Dubowitz, qui a déjà confirmé sa présence.
Très bien. Merci beaucoup.
Nous allons donc maintenant nous tourner vers notre témoin, M. Zawati. Nous accordons habituellement à peu près 10 minutes aux témoins, mais nous ne voyons pas d'inconvénient à ce que vous les dépassiez un peu. Ce sera tout à fait correct. Nous pourrons vous poser des questions ensuite.
Monsieur Zawati, je vous prie de nous présenter votre exposé.
Nous avons très hâte de vous entendre, monsieur.
Merci, monsieur le président, de me donner la chance de comparaître devant vous aujourd'hui pour témoigner sur l'une des questions les plus actuelles et les plus critiques auxquelles nous sommes confrontés, c'est-à-dire la violence sexuelle comme arme de guerre dans le conflit qui perdure en Syrie.
Elle est d'actualité parce que la communauté internationale est en train de faillir à son obligation de protéger les civils des crimes contre l'humanité en temps de guerre, particulièrement le viol et les autres formes de violence sexuelle, qui sont toujours utilisés comme arme de guerre dans les conflits armés qui perdurent en Syrie comme dans d'autres pays du monde.
Depuis le début de la guerre civile syrienne, en mars 2011, la communauté internationale, symbolisée par le Conseil de sécurité de l'ONU, a fait moins que rien pour condamner ou arrêter la perpétration de crimes contre l'humanité, particulièrement le viol et les autres formes de violences sexuelles en temps de guerre, des crimes apparemment perpétrés par toutes les factions du conflit, mais surtout par les forces officielles syriennes et les paramilitaires progouvernementaux, qu'on appelle en arabe les shabbeeh, et les troupes du Hezbollah contre des civils syriens.
Le laxisme et la double norme que semble appliquer le Conseil de sécurité de l'ONU dans le contexte syrien et d'autres crises internationales sont attribuables à un manque de volonté politique internationale et à un manque d'intérêt de la part des grands acteurs. Il est choquant de savoir que la communauté internationale a réussi à conclure un accord avec le régime en si peu de temps afin qu'il cesse d'utiliser des armes chimiques, alors qu'elle ne fait absolument rien pour sauver la vie de millions d'enfants, de femmes et de personnes âgées innocentes en Syrie depuis trois ans. Cette situation me rappelle une question fondamentale posée par le sénateur Dallaire: sommes-nous tous humains ou certains sont-ils plus humains que d'autres?
C'est une question fondamentale, parce que le viol en Syrie a des conséquences qui dépassent de loin celles qu'il aurait dans le monde développé. C'est bien plus qu'une invasion terrible et violente du corps de la victime. C'est bien plus qu'une agression physique, mentale et émotionnelle. En Syrie, la chasteté et l'honneur de la femme sont parmi les valeurs les plus chères à la société.
Du coup, le viol constitue une grave attaque à la dignité humaine et au bien-être des victimes, de leurs familles et de leurs communautés. Les femmes en ressortent détruites et vulnérables à toutes sortes de formes de souffrances perpétuelles; elles sont confrontées à toutes sortes de problèmes insurmontables. En effet, le viol d'une femme syrienne équivaut à une condamnation à mort physique, psychologique ou sociale.
Les femmes violées risquent d'être tuées pour l'honneur, même si elles ont été agressées contre leur volonté. Elles risquent en outre de souffrir de problèmes sociomédicaux, notamment ceux liés aux maladies transmissibles sexuellement. Les victimes risquent d'être abandonnées ou rejetées par leur famille ou leur société. Si la femme violée était mariée, son mari peut, au mieux, refuser à tout jamais de la toucher. Si elle était célibataire, elle ne pourra jamais se marier, puisqu'elle a perdu sa virginité, même si c'était contre son gré.
De même, des femmes syriennes sont parfois tuées par leur propre famille ou se suicident pour éviter d'être violées. Selon un rapport du Comité de sauvetage international, à New York, un père a tiré sur sa fille pour la tuer à l'approche d'un groupe armé, pour s'éviter le déshonneur de son agression sexuelle.
Comme dans la plupart des conflits armés internes et internationaux, le viol est un aspect horrible de la guerre sectaire qui a cours en Syrie, c'est une arme répandue de terreur et une forme de torture utilisée pour soustraire de l'information aux rebelles, aux membres de leurs familles et à leurs sympathisants. Le but de l'agresseur est de détruire l'identité des victimes, de les intimider et de briser le tissu social de leurs communautés.
On ne peut pas imaginer à quel point la situation est effrayante pour les femmes et les filles syriennes.
De nombreuses familles ont fui le pays non seulement pour éviter les bombardements, mais pour protéger leurs femmes du viol, qui sert d'arme de nettoyage sectaire, un nouveau crime de guerre qui s'ajoute à la longue liste de crimes contre l'humanité qu'on trouve à l'article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
D'après des informations recueillies sur le terrain auprès de réfugiés syriens en Jordanie et au Liban, des femmes et des jeunes filles syriennes subissent des viols collectifs commis par des combattants dans l'intention de les féconder. Elles sont agressées en détention et dans des centres d'interrogation lors de rafles et de fouilles, souvent devant des membres de leur famille et en public, à des points de contrôle et à des barrages routiers. Les survivantes vivent une véritable mort vivante derrière des barreaux ou dans des camps de réfugiés à l'intérieur ou à l'extérieur de la Syrie et demeurent vulnérables à toutes sortes de formes d'exploitation à la fois de leurs amis et de leurs ennemis.
Dans un récit déchirant recueilli au camp de réfugiés Zaatari, en Jordanie, un père raconte avoir été forcé d'abandonner sa fille mineure à un point de contrôle aux mains des forces de sécurité du gouvernement, qui menaçaient de tuer tous les membres de la famille à bord de la voiture. Les femmes syriennes, de même que les hommes, sont systématiquement soumis à plusieurs formes de violence sexuelle de guerre, comme le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la stérilisation forcée, la torture sexuelle, le terrorisme sexuel, la mutilation sexuelle et la nudité forcée. Comme si ces crimes haineux ne suffisaient pas, une étude récente dont l'honorable Irwin Cotler est coauteur nous apprend que la guerre sectaire syrienne a produit plusieurs crimes fondés sur le sexe jamais vus auparavant, que je mentionne ici brièvement. Je pourrai y revenir pendant la discussion.
Il y a premièrement le mariage arbitraire, qu'on appelle en arabe zawaj ta'assufi. Ce type de mariage se divise en trois catégories: il y a le mariage forcé, qu'on appelle en arabe zawaj qasri, quand les familles forcent leurs filles mineures à se marier précocement pour des raisons de pauvreté et de misère économique; il y a ensuite le mariage préventif ou de protection, qu'on appelle en arabe zawaj wiqa'i, qui s'observe lorsque des familles forcent leurs jeunes filles à se marier pour éviter la stigmatisation liée au viol potentiel; puis il y a le mariage de honte, qu'on appelle en arabe zawaj sitr al-'arr, qui s'observe lorsque des familles forcent des femmes et des filles qui ont été agressées à se marier à des hommes âgés pour rétablir « l'honneur de la famille ». Il y a deuxièmement le zawaj al-istimta', et enfin, le jihad al-nikah, qui est le mariage pour le djihad.
Dans ce contexte et à la lumière de ce qu'on pourrait qualifier de conspiration internationale du silence à l'égard des crimes haineux commis dans le conflit syrien, soit par application du veto, une arme d'obstruction, utilisée par les grands acteurs pour empêcher l'adoption de toute résolution visant à mettre fin à la guerre ou à renvoyer la situation de la Syrie au procureur de la CPI, soit par l'attitude consistant à fermer les yeux sur toutes les atrocités commises par toutes les factions en cause, j'aimerais conclure par un appel au gouvernement du Canada et à toutes les victimes syriennes de viol de guerre ou d'autres formes de violence sexuelle qui vivent au Canada.
J'exhorte le gouvernement du Canada à appuyer une campagne internationale destinée à mettre un terme à la culture d'impunité qui protège tous les coupables de viol et d'autres formes de violence sexuelle dans le conflit syrien, soit par des mesures de responsabilisation, soit en tendant la main aux survivants pour les aider directement ou indirectement par l'intermédiaire de groupes de travail régionaux et internationaux.
J'exhorte également le gouvernement du Canada à ouvrir ses portes à un plus grand nombre de réfugiés syriens, particulièrement aux victimes de violence sexuelle de guerre. Selon les données existantes de diverses sources, le gouvernement s'est fixé pour objectif d'accueillir seulement 1 300 réfugiés, dont environ 200 recevraient de l'aide du gouvernement et 1 100 devraient être parrainés par le secteur privé.
Seulement quelques réfugiés ont pu s'établir ici, moins de 400 entre janvier 2012 et juin 2013, et moins de 20 en 2014.
À titre de comparaison, la Suède a déjà accueilli plus de 14 000 réfugiés, à qui elle a accordé le statut de résident permanent.
Mon message aux victimes de crimes de guerre fondés sur le sexe, qui résident au Canada, c'est qu'ils doivent essayer de surmonter la stigmatisation associée à ces crimes et se voir comme des combattants blessés plutôt que comme des victimes de violence sexuelle et rien d'autre. Vous êtes des vétérans de guerre et non une statistique honteuse, et je vous invite à oser parler, à intenter des poursuites contre vos agresseurs, sous le régime de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre.
La triste vérité, c'est que les victimes risquent de ne déposer d'accusations contre les représentants de l'État syrien devant les cours canadiennes par peur de vengeance si jamais elles retournent en Syrie ou parce qu'elles tiennent pour acquis que les représentants de l'État syrien jouissent de l'immunité en vertu de la Loi canadienne sur l'immunité des États. Nul besoin de dire qu'une modification à la Loi sur l'immunité des États permettrait non seulement aux victimes ayant un lien reconnu avec le Canada d'intenter des poursuites civiles contre les auteurs de crimes de guerre, mais elle renforcerait le rôle du Canada dans le combat contre cette culture d'impunité, en plus de contribuer à prévenir d'autres violations des droits de la personne à l'avenir, dont les crimes fondés sur le sexe en situation de conflit.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant votre comité aujourd'hui. J'ai bien hâte de répondre à toutes vos questions.
Je vous remercie, monsieur Zawati, de votre présence à notre comité aujourd'hui et de votre perspective très éclairante sur la question.
Par votre travail, vous faites la lumière sur les crimes horribles axés sur la violence sexuelle en zones de conflit armé. Je vous remercie de vos recherches sur cet enjeu très grave.
Monsieur Zawati, vous avez étudié le nettoyage ethnique, le génocide et la violence sexuelle commis en zones de conflit en ex-Yougoslavie, de même qu'au Rwanda.
Je me suis rendue au Rwanda, où j'ai pu voir de mes yeux les séquelles de ces crimes très tragiques. À votre connaissance, en quoi la violence sexuelle et la persécution des minorités religieuses en Syrie se comparent-elles aux crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda?
En fait, lorsqu'une guerre éclate, sa principale victime est la vérité. Il est difficile de savoir exactement ce qui se passe. Chaque partie au conflit a ses propres statistiques et ses façons de faire. Je pense que la situation est différente en Syrie. En ex-Yougoslavie, tout est parti de problèmes ethniques et religieux au début des années 1990. Pour sa part, le problème en Syrie n'a pas de fondement ethnique ni religieux. Le problème à la base est une dictature. Le peuple se bat pour sa liberté.
Le conflit a éclaté le 15 mars 2011. Tout a commencé par une manifestation pacifique, que les forces du gouvernement ont accueillie avec des tirs de fusil. Le peuple et les familles ont ensuite été forcés de se défendre.
Je ne vois pas le conflit en Syrie comme un conflit ethnique ou religieux. Le pays est passé d'une guerre civile entre l'élite au pouvoir et les autres groupes... Le conflit se divise entre les Alouites et les Chiites du régime Baath, qui appuient le gouvernement, et les Sunnites du régime Baath, qui forment l'opposition. Chaque groupe reçoit l'appui de grands sympathisants: les musulmans sunnites reçoivent notamment l'appui de l'Arabie Saoudite, alors les Chiites reçoivent l'appui de l'Iran et du Hezbollah, aussi.
Selon un rapport du Département d'État américain sur la liberté religieuse publié en 2012, la Syrie se compose d'un grand nombre de groupes religieux et ethniques. Les musulmans sunnites, qui comprennent des Arabes, des Kurdes, des Tchétchènes, des Circassiens et des Türkmènes, représentent 74 % de la population; les Alaouites, les Chiites et les Ismaéliens comptent pour 13 %. Les Druzes représentent 3 % de la population, et les 10 % qui restent sont chrétiens.
Soit dit en passant, la présence chrétienne en Syrie remonte à très longtemps, je pense qu'elle est plus ancienne que celle de tous les autres groupes.
Vous avez déjà déploré l'inaction de la communauté internationale pour réagir efficacement aux situations de viols et de meurtres de masse. À votre avis, quelles mesures la communauté internationale devrait-elle prendre pour faire en sorte que les auteurs de crimes contre les minorités en Syrie soient poursuivis comme il se doit et que justice soit rendue rapidement?
La meilleure stratégie à mon avis est de travailler à la réforme des institutions internationales. Dans une entrevue récente avec A Contrario, j'ai mentionné qu'il faut réformer le Statut de Rome lui-même. Par exemple, c'est le Conseil des droits de l'homme qui devrait déférer des situations à la cour plutôt que le Conseil de sécurité, comme le prévoit l'alinéa 13b), parce que ses membres ne se préoccupent pas des droits de la personne. Ils se préoccupent des intérêts. N'importe qui peut dire « veto », et c'est terminé.
Le bain de sang se poursuit depuis trois ans en Syrie, et plus de 200 000 personnes ont été tuées. Il y a six millions de réfugiés, dont deux millions à l'extérieur du pays et un peu plus de quatre millions à l'intérieur de la Syrie, sans parler des milliers et des milliers de femmes agressées sexuellement très grièvement, et des hommes aussi. La communauté internationale ne fait rien pour arrêter cela.
J'ai vraiment honte que la communauté internationale ait réussi à s'entendre avec le régime au sujet des armes chimiques, mais pas pour mettre fin à la guerre, pas pour ouvrir les portes et apporter de la nourriture aux villages et aux villes assiégées de la Syrie. Des milliers de femmes et d'enfants souffrent de la faim. Il y a beaucoup de souffrance là-bas, et la communauté internationale ferme les yeux ou ne s'y intéresse pas.
Je me rappelle d'un extrait du livre du sénateur Dallaire J'ai serré la main du diable. Il avait demandé à un officier américain pourquoi il ne faisait rien pour mettre fin à la guerre au Rwanda. Il lui a répondu: « Nous n'avons même pas de chien pour nous battre. »
Merci, monsieur Zawati.
Je n'ai pas mentionné que le temps de parole est de six minutes par tour, j'aurais dû le mentionner d'entrée de jeu.
Merci, madame Grewal.
Nous allons maintenant donner la parole à l'opposition officielle.
Monsieur Benskin.
Je vous remercie du fond du coeur d'être ici pour nous faire part de vos réflexions et de votre point de vue.
Vous avez mentionné qu'il ne s'agissait ni d'un conflit ethnique, ni d'un conflit religieux. À mon humble avis, c'est une chose que l'Occident a toujours du mal à comprendre: il ne s'agit pas des ramifications d'une guerre; il ne s'agit pas d'un conflit religieux ou ethnique à la base; c'est le ciblage à dessein de ce que certaines factions voient comme une faiblesse, une ouverture ou une occasion de miner ou de déstabiliser une communauté. Les gestes horribles dont vous nous parlez n'ont d'autre but que de détruire le tissu des communautés qu'ils touchent.
J'aimerais joindre ma voix à la vôtre pour souligner que la communauté internationale doit changer son regard profondément. Elle doit y voir une chose à inscrire dans un plan de défense, si l'on veut, lorsqu'elle s'engage dans un conflit, comme c'est le cas en Syrie, comme c'est le cas au Sri Lanka, comme c'est le cas en République démocratique du Congo, en République centrafricaine, comme c'était le cas au Rwanda et en Bosnie. L'Occident doit apprendre de tout cela et se doter de plans d'action pour cibler son intervention.
En gardant tout cela à l'esprit, pour faire écho à la question de ma collègue de l'autre côté, qu'est-ce que la communauté internationale peut-elle faire à votre avis pour mieux protéger les femmes et les jeunes filles en zone d'escalade de conflit comme la Syrie, pour prévenir ces gestes et protéger les femmes ou les personnes visées dans des situations comme celles-ci?
En fait, comme j'en ai parlé plusieurs fois, dans l'Ouest, quand on aimerait intervenir, on se demande quel est son intérêt de le faire, mais jamais quel est le coût de la non-intervention.
Comme j'ai dit, la guerre, en Syrie, a commencé tranquillement. Les forces gouvernementales et la police ont réagi aux démonstrations en tirant sur les démonstrateurs, dont ils ont tué un bon nombre. La démonstration pacifique s'est transformée en guerre civile. Durant ces trois années, on a observé la présence de beaucoup de groupes extrémistes et de jusqu'au-boutistes, de terroristes, peu importe, puis le pays s'est déchiré.
Il y a l'élite progouvernementale, les alaouites et les chiites, le Hezbollah et l'Iran et, enfin, les forces irakiennes. Les forces chiites combattent les musulmans sunnites. Il en vient de partout, d'Arabie saoudite, de Jordanie peut-être et d'ailleurs. Sans volonté politique de la communauté internationale à un certain niveau, on peut difficilement mettre fin à la guerre.
Le problème syrien ne se limite pas à nourrir et à héberger des réfugiés. Il faut que cesse le carnage, les nombreuses morts quotidiennes. Hier, le régime a bombardé une école élémentaire d'Alep, et des dizaines d'écoliers sont morts. La communauté internationale s'est contentée de fermer les yeux. Elle ne fait rien pour faire cesser cette guerre.
Après l'attaque chimique contre le sud de Damas par le régime, les Américains, j'en suis sûr, ont dit qu'ils interviendraient. La Russie et la Chine ont opposé trois vétos, ces trois dernières années, contre la cessation ou la condamnation de la guerre. Certains ont alors imaginé toutes sortes de façons pour mettre le régime à l'abri de cette intervention et, quand il a promis de se départir des armes chimiques, les Américains ont dit qu'ils n'attaqueraient pas.
Tuer un millier de personnes en une nuit, au moyen d'armes chimiques n'est pas très différent d'en tuer autant, des adultes et des enfants innocents, pendant un mois, par exemple au moyen d'explosifs et par la [Note de la rédaction: inaudible] du régime. La communauté internationale doit agir.
En ce qui concerne les femmes et les hommes victimes d'agressions sexuelles pendant la guerre, je pense que la seule aide consiste à... Je regrette de le dire, mais le Conseil de sécurité n'en a pas saisi la Cour pénale internationale, dont la procureure n'entreprend pas d'enquête. Elle ne s'acquitte pas de son rôle prévu à l'article 13 du Statut de Rome donnant autorité à la Cour pénale internationale.
Deux des signataires du Statut de Rome, le Royaume-Uni et la France, ont même perdu des citoyens là-bas. Certains d'entre eux ont été tués, et ils n'ont pas réagi. Ils peuvent saisir la CPI de l'affaire, sa procureure, en application de l'article 13, mais ils s'en sont abstenus.
Il me semble que la communauté internationale ne prend pas le problème au sérieux. Elle se contente d'envoyer de la nourriture dans les camps de réfugiés, ici et là. J'encourage les victimes à s'adresser aux tribunaux possédant des compétences universelles, comme ceux du Canada, de Belgique, de France et du Royaume-Uni. Adressez-vous à eux et poursuivez les responsables de ces crimes.
Merci, monsieur Zawati, d'être ici.
Je tenais à rendre à chacun son dû. Dans cette situation tragique, où les morts et les déplacés se comptent par centaines de milliers, un poids énorme retombe sur les pays voisins. L'un d'eux, que j'ai visité dernièrement, est la Jordanie, qui a maintenant accueilli plus d'un million et demi de réfugiés syriens. Nous avons pu voir à l'oeuvre le service des gardes-frontières de Jordanie, qui assure la sécurité de manière exemplaire. Bien sûr, on éprouve de véritables inquiétudes à cause des extrémistes, dont certains ont essayé d'entrer furtivement en Jordanie en se faisant passer pour des réfugiés. Ce service a fait de l'excellent travail, sur le plan militaire et humanitaire, tout en essayant de protéger le pays, en raison des craintes qui découlent, évidemment, de la frontière commune avec la Syrie.
Le Canada a consacré beaucoup d'argent pour que la Jordanie continue d'être un endroit sûr pour les réfugiés syriens, où même leurs enfants pourront aller à l'école. Nous avons inspecté les ambulances et les camions qui servent à transporter les réfugiés vers les camps où on essaie de leur faire retrouver une vie normale après les violences subies.
Je peux aussi vous assurer que les fonctionnaires du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration s'efforcent d'atteindre l'objectif que nous avons fixé pour notre engagement. Je sais que j'encouragerai toutes les sortes d'examens que nous pourrons entreprendre sur tous les autres moyens possibles d'accueil de réfugiés.
Je voudrais vous poser une question. Il me semble, d'après votre témoignage, que vous inférez que le principal auteur des violences sexuelles a été le régime Assad. D'après d'autres témoignages, il nous semble que des éléments extrémistes ont vraiment détourné à leur profit ce qui était un soulèvement contre ce régime et que, maintenant, des extrémistes d'autres camps qui se combattent sont coupables des mêmes crimes.
Pouvez-vous répondre à cela, s'il vous plaît?
Oui. Merci.
Comme j'ai dit, la principale victime de la guerre est la vérité, particulièrement au sujet des violences sexuelles. Les crimes commis dans cette région peuvent être attribués aux traditions, aux mentalités, peut-être à l'éducation religieuse. Il est vraiment difficile d'en parler. Nous ne pouvons pas vraiment imputer tant de crimes à tel camp et tant d'autres à tel autre.
D'après un rapport de Women Under Siege, 80 % des crimes sexuels sont commis par les forces gouvernementales, les paramilitaires, les combattants du Hezbollah et les combattants chiites irakiens; 17 % par l'opposition, les jusqu'au-boutistes, peu importe leur nom; 3 % par on ne sait pas qui exactement.
Ces chiffres peu précis sont rassemblés dans les camps de réfugiés, je pense, peut-être par des organismes humanitaires, auprès de préposés aux victimes, mais, après enquête, on a constaté que 8 agressions sur 10 avaient été commises par des agents de l'État et peut-être 1,7 ou 1,2 % par l'opposition.
C'est comme en Libye. Les troupes de Kadhafi ont exercé des violences sexuelles contre le peuple libyen. Les rebelles aussi, contre les familles et les partisans de Kadhafi, particulièrement les habitants de Tawarga.
Moi-même j'ai visionné plusieurs bandes vidéo de violences sexuelles vraiment terribles exercées par des rebelles contre des partisans de Kadhafi.
Existe-t-il un réseau, soit non gouvernemental, soit même gouvernemental mais judiciaire, qui recueille des témoignages dans les pays voisins qui ont accueilli des réfugiés, comme le Liban, la Jordanie et la Turquie? S'efforce-t-on vraiment d'en recueillir le plus possible et le plus rapidement possible, pendant que les souvenirs sont intacts, pour qu'on puisse agir?
C'est très difficile. C'est vraiment difficile en raison de la nature des crimes... C'est pourquoi je lance un appel aux victimes de violences sexuelles, pour qu'elles oublient tout simplement. C'est difficile d'oublier, mais je leur demande de se considérer comme des combattants ou des victimes de guerre, comme simplement des blessés, des personnes grièvement blessées. La honte, c'est terrible. C'est terrible entre nous, ici. Qu'en est-il dans ces communautés traditionnelles? C'est difficile.
Chez ces gens, on ne répond pas à vos questions, même si vous savez que, sous cette tente, en cet endroit, on trouve des victimes de viol. Si vous procédez différemment, indirectement, elles vous répondront peut-être qu'on a entendu qu'une telle a subi tel ou tel sévice, telle ou telle agression, mais, en fait, elles parlent d'elles-mêmes.
C'est difficile, mais avec un peu d'éducation... Le problème se situe même dans la mentalité des victimes. Elles-mêmes croient qu'elles devraient être punies pour le viol, même si elles n'étaient pas consentantes. C'est dans leur éducation, leurs mentalités. Et un père qui opprime ses enfants, sa femme ou ses enfants, et qu'il les tue... Je me souviens que, en Libye, un père a tué ses trois filles de 16, 17 et 18 ans, parce qu'elles avaient été violées par des soldats de Kadhafi. On victimise les victimes. En fait, en ma qualité de juriste islamique, je peux dire que cela va contre le droit islamique. Ces meurtres d'honneur, tous ceux qui les commettent en invoquant le droit islamique, on devrait les juger responsables et les punir comme s'ils étaient les auteurs de meurtres délibérés.
Merci, monsieur Zawati. Je pense qu'il est indispensable que le pays entende ce que vous venez de dire, que ce n'est pas conforme au droit islamique.
La parole est à Mme Fry.
Je tiens à vous remercier très sincèrement, monsieur Zawati, pour nous avoir expliqué l'actualité et la façon dont on utilise la violence sexuelle contre les Syriennes.
Je tenais à faire remarquer que le premier cas historique de violence sexuelle en temps de guerre a été le viol des Sabines, n'est-ce pas? Rien de neuf sous le soleil. Nous nous demandons tous si nous pouvons en tirer des leçons, de ce qui est arrivé en Europe de l'Est ou en Bosnie, mais cette violence s'exerce depuis les débuts de l'histoire. Les femmes ont été soumises à la violence sexuelle dans toutes les guerres. Peu importe si leurs bourreaux étaient leurs propres maris, les soldats, l'État, n'importe qui.
Voilà ma première question: Cela existe depuis des millénaires. Alors quand allons-nous y voir? Ma deuxième: Qu'allons-nous faire?
Pour les femmes mêmes, comme vous dites, en leur qualité de victimes, les motifs culturels et religieux ne sont pas suffisants pour leur nier leurs droits. Toutes les cultures oppriment les femmes, elles ne leur laissent aucun pouvoir. Elles se sentent donc victimisées, elles ont peur et elles ont honte. Le viol réussit si bien parce qu'il instaure la honte dans les communautés, parce que, comme vous dites si bien, les femmes ne peuvent plus y vivre en marchant la tête haute. Leurs propres communautés les ostracisent et les chassent.
Nous constatons maintenant que des éléments criminels internationaux profitent également de ces femmes qui sont devenues des réfugiées en fuite. Aux jeunes filles, après avoir souligné leur solitude, le rejet dont elles sont victimes, ils promettent du travail dans la prostitution organisée et le trafic de personnes. Il y a de quoi s'inquiéter encore plus.
D'après moi, c'est parce que les femmes n'ont aucun pouvoir et que les droits des femmes — c'est en 1995, à Beijing, voyez-vous, que, enfin, on a convenu que les droits des femmes étaient les droits de la personne. Quand les femmes ne peuvent absolument pas se faire entendre, pourquoi les organismes internationaux et les États bougeraient-ils le petit doigt pour ces citoyennes de seconde zone?
Comment donner aux femmes un pouvoir qui permettra de prévenir ces crimes et de cesser de les faire percevoir comme des victimes dans leurs communautés? Comment les aider en temps de conflit et après, dans leur réinsertion et leur participation à la reconstruction d'une société dont elles feront partie en détenant du pouvoir?
C'est la question que nous devons nous poser, parce que cela dure depuis toujours. La Syrie n'est qu'un exemple parmi d'autres. Elle sert de prétexte à notre colère, mais cela existe depuis si longtemps, à notre honte à nous tous, à notre honte collective, à celle des États et de l'humanité, parce que nous l'avons toléré si longtemps et le tolérons encore.
Comment, d'après vous, pourra-t-on donner le pouvoir aux femmes avant la guerre, avant un conflit, au milieu et après? Comment le voyez-vous, concrètement? Je pense que cela diminuerait tout le problème de l'oppression des femmes.
Merci de vos observations. Permettez-moi d'abord de commenter brièvement votre première affirmation.
Nous savons que cela commence peut-être avec l'histoire ou même avant, mais c'était considéré comme un dommage collatéral ou comme une récompense, un plaisir pour les combattants. Même dans ces communautés, on croit que les femmes appartiennent aux hommes et, pour déclarer la victoire sur telle armée ou tel pays, on viole leurs femmes, uniquement pour humilier l'ennemi. C'est ainsi.
Pendant le conflit dans l'ex-Yougoslavie, au début des années 1990, nous avons appris que plus de 200 000 Chinoises de Nankin avaient été violées et maintenues en esclavage sexuel.
Depuis les guerres du Rwanda, de l'ex-Yougoslavie et du Kosovo et, maintenant, du Congo, du Sierra Leone et ailleurs, de Syrie aussi, on s'en sert comme arme de guerre. On vise ainsi à briser les familles. On viole les femmes parce qu'elles appartiennent à telle croyance, à telle tribu, à telle société. C'est la raison pour laquelle cette forme de viol diffère de toutes les autres formes.
Comment le prévenir? Je pense que la solution doit venir de la collectivité. C'est une question d'éducation. Il faut d'abord éduquer les femmes, leur dire qu'elles sont citoyennes à part entière et non de seconde zone. On devrait les éduquer. Cela devrait être appris. Nous devons réhabiliter la société. Même actuellement, nous entendons des histoires horribles dans le camp de Zaatari, en Jordanie.
Des organismes humanitaires viennent de différents endroits du monde arabe, notamment de la région du golfe Persique, d'Arabie. Il s'agit habituellement de vieux, de 50 à 65 ans. Ils demandent aux gens s'ils veulent marier leurs filles. Un vieillard de 70 ans épousera une jeune fille de 15 ans, qui subit la pauvreté, la honte, le manque de protection et il l'amène pendant une ou deux semaines dans un appartement à Amman, à al-Mafraq, à al-Ramtha ou dans une localité proche du camp, après quoi il l'abandonne, alors qu'elle est peut-être enceinte.
Le problème, dans le monde arabe, dans le monde musulman, en est un d'éducation. Il faudrait changer les mentalités. Croyez-moi, cela va à l'encontre des règles islamiques. Les règles islamiques... Le viol et la guerre... C'est profitable, du point de vue traditionnel, pour la société musulmane. Nous ne l'avons jamais entendu, mais à présent, oui.
Dans les premiers temps, comme je dis, d'après l'Islam, un seul cas est parvenu jusqu'à nous, celui d'un chef d'armée qui avait envahi une partie de l'Arabie, avait trouvé une femme, l'avait aimée puis épousée. Son chef d'état-major l'a dénoncé au deuxième calife, Umar ibn al-Khattab. Que faire? Encore une fois, c'est une réfutation du crime d'honneur. C'est un tribunal qui devrait être saisi des affaires de fornication, pas les familles, quand elles tuent leurs femmes et des enfants innocents, qui étaient déjà des victimes. Le calife a répondu: « Quand tu recevras ma décision, fais-le lapider à mort, parce qu'il est marié et qu'il a épousé cette femme illégalement ».
Ce n'est qu'un exemple. C'est donc une question de tradition. Il s'agit de réinsérer les personnes et de les éduquer.
Je vous remercie de votre témoignage d’aujourd’hui.
Vous avez dit que la situation devrait possiblement être soumise au Conseil des droits de l’homme. Qui en sont les membres?
Bon nombre des membres font partie de la communauté internationale. Tous les principaux acteurs sont membres du conseil. J’ignore combien ils sont exactement, mais le conseil est immense.
Trouvez-vous que les Nations Unies semblent impuissantes, ou que l’organisation est encore pertinente?
L’ONU est une organisation extraordinaire, mais bon nombre de ses traités ont besoin d’une réforme, surtout le Statut de Rome. Tous les trois ou quatre ans, les États membres ont l’occasion de siéger, de décider, de voter et de proposer des changements, des ajouts, des modifications et des réformes. Or, la réforme ne peut pas se faire de cette façon et nécessite des efforts; les gens doivent parler haut et fort à leurs gouvernements, dont les représentants doivent demander des changements.
Je ne comprends pas comment le Conseil de sécurité peut décider en une heure de s’immiscer dans certains pays, alors qu’il n’arrive pas à décider en trois ans de mettre fin à la guerre d’un pays. La communauté internationale — y compris la Russie et la Chine, qui s’opposent à mettre fin à la guerre et qui ont rejeté trois résolutions du Conseil de sécurité — a accepté de désarmer le régime syrien de ses armes chimiques dans quelques jours seulement.
Pourquoi ne passent-ils pas à l’acte? Il s’agit là d’un manque de volonté et d’intérêt politique.
La réponse internationale aux besoins des réfugiés ayant été victimes de violence sexuelle est-elle adéquate? Que peut-on améliorer à ce chapitre?
Je sais que vous en avez parlé à deux ou trois occasions, mais comme vous dites, il faut que certaines des victimes sortent de l’ombre et racontent leur histoire, n’est-ce pas?
Oui, mais ce n’est pas tout.
Je pense que ces familles... J’exhorte de nouveau le gouvernement canadien d’ouvrir ses portes aux victimes de violence sexuelle, hommes et femmes. Ici au Canada, ou dans les pays occidentaux, ils peuvent dénoncer leur agresseur et parler, contrairement aux pays comme la Jordanie, le Liban, la Turquie et toute autre société conservatrice, où ils meurent dans le silence.
Certaines victimes peuvent attraper le VIH ou une maladie grave, puis mourir en silence. Ils n’ont pas d’argent pour aller à l’hôpital, mais c’est aussi un déshonneur. Les victimes ont honte d’y aller puisqu’ils ont contracté le virus à la suite du crime. Ils n’y vont simplement pas.
Je pense que la seule façon d’aider ces personnes — sauf en Syrie puisque c’est difficile — qui se trouvent en Jordanie, au Liban et en Turquie est de les faire venir au pays pour les réadapter, les éduquer et les convaincre de dénoncer la situation et d’en parler.
Quand j’étais jeune, j’ai connu des filles qui fréquentaient mon école à un moment donné et qui ont été violées. Lorsqu’elles sont retournées chez elles, les membres de leur famille les ont serrées dans leurs bras et éprouvaient de la sympathie pour elles. Mais je sais que certains les ont réprimandées; elles ont été stigmatisées par ce crime, au sein de notre propre société.
Vous avez dit tout à l’heure que ce n’était pas une question de religion; si une jeune fille se fait violer en Syrie ou au Pakistan, son père risque toutefois de la jeter du haut du 11e étage. Vous dites, je le sais, que ce n’est pas attribuable à la religion musulmane. Avec les trois différentes factions en Syrie, une pourrait jouer contre les autres et pénaliser la religion musulmane.
Ai-je raison?
Cela ne vient pas de la religion. En fait, c’est plutôt attribuable à la société et aux traditions du peuple. Lorsqu’on parle de l’Islam et des musulmans, il faut faire une différence entre le premier, qui renvoie à la grande loi islamique, et le second, qui se rapporte au comportement des musulmans. Les enseignements et les écrits de toute religion du monde sont clairs et sans équivoque. Ils parlent de droits de la personne et encouragent les gens à faire le bien. Mais lorsque les adeptes commettent des actes répréhensibles, on ne peut pas jeter le blâme sur la religion catholique, juive ou bouddhiste. Il s’agit plutôt d’un comportement personnel ou individuel, disons.
Eh bien, pour autant que la réponse soit très courte. Le temps est écoulé depuis 30 secondes, mais je vais permettre une réponse courte.
L’histoire chrétienne de l’occident est truffée d’exemples de comportements semblables.
Il n’y a pas si longtemps, dans les années 1950 et 1960, une jeune fille qui revenait à la maison enceinte était mise à la porte.
À l’époque de l’esclavage, les mères priaient souvent pour que leurs enfants naissent déformés afin de leur éviter une vie d’esclavage. Certaines allaient même jusqu’à les tuer avant que leur maître ne s’en empare, pour qu’ils ne vivent pas dans l’esclavage.
L’histoire occidentale est truffée de situations semblables quant à notre réaction au viol ainsi qu’à ce qui arrive aux enfants et aux femmes de notre société sur le plan sexuel.
Je pense qu’il est important de commencer à sensibiliser le grand public à ce qui se passe. Permettez-moi de dire que l’enjeu va au-delà des viols et de la violence. Comme vous avez essayé de l’expliquer à mon collègue du Parti libéral, il y a une nuance ici, et je pense que nous ne la saisissons pas. C’est un peu comme le fait que la guerre a déjà été considérée fort louable. Je l’ai déjà dit. On considérait honorable que deux groupes d’hommes se tiennent à proximité pour se tirer de petits plombs les uns sur les autres. Le phénomène s’est transformé en tapis de bombes qui ciblent le public et les villes, ce qui ne s’était jamais produit en temps de guerre.
Je pense que c’est la nuance entre les viols à travers l’histoire qui, comme vous l’avez dit, étaient considérés comme un trésor de guerre, et le fait de cibler ainsi les femmes et les hommes, en raison des conséquences qu’aura le geste. Nous sommes en train de constater les conséquences de la crise au Rwanda 20 ans plus tard — nous en parlerons un peu tout à l’heure —, et des enfants qui sont nés à la suite des viols, de la relation entre les deux, et des effets au sein des familles.
Vous demandez maintenant à des femmes qui ont vécu un drame d’en parler et de raconter cette histoire ou ce qui leur est arrivé. Si j’ai bien compris, vous voulez que le gouvernement canadien permette à plus de femmes violées de venir sur son territoire, et de leur donner les moyens de le faire. Mais si nous les faisons venir ici pour qu’elles parlent, comment les encouragerons-nous à se confier? Comment ferons-nous pour qu’elles se sentent suffisamment en sécurité, faute de trouver de meilleurs mots, même au Canada, pour raconter leur histoire afin que nous puissions mieux comprendre la situation et préparer une intervention adéquate?
Merci beaucoup. Votre question est des plus importante.
Monsieur, vous avez parlé des enfants du viol et de ce qu’ils vivent maintenant au Rwanda, en Bosnie-Herzégovine et en Croatie. C’est vraiment terrible. Bon nombre d’entre eux sont dévastés. Ils savent que leur père n’est pas mort à la guerre, et on les appelle les enfants de la haine. Voilà une affreuse conséquence du viol de guerre.
Quant aux femmes, j’encourage le gouvernement à les faire venir au Canada. Je pense que c’est la responsabilité du gouvernement lui-même, de la société et des organisations non gouvernementales qui travaillent ici auprès des femmes, des réfugiés et des victimes. Elles peuvent les réadapter et les conduire à des psychologues, des psychiatres et des travailleurs sociaux. C’est une sorte de réadaptation puisque les victimes sont malades physiquement, socialement et même psychologiquement, et ont besoin de soins. On ne peut pas se contenter de placer ces femmes dans une maison d’hébergement et de les nourrir, car il ne suffit pas de les persuader que personne ne peut les atteindre pour qu’elles deviennent citoyennes dans quelques années... Il faut les soigner et les réadapter. Je pense que nous avons suffisamment d’institutions pour femmes afin de faire quelque chose.
En résumé, pour aider ces victimes à raconter leur histoire et à traduire leur agresseur en justice, nous devons élaborer des méthodes relatives à leur conscience sociale qui leur permettraient de parler en toute sécurité et de témoigner contre leurs agresseurs. Ai-je bien résumé vos propos?
Oui. Je suis persuadé que c’est une bonne solution, et que c’est ce qu’il faut faire. Nous avons de nombreux groupes féministes et organisations de femmes qui ont déjà eu affaire à des réfugiées de différentes régions du monde, et qui font un excellent travail.
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