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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 006 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 28 novembre 2013

[Enregistrement électronique]

(1310)

[Français]

     Aujourd'hui, le 28 novembre 2013, nous tenons la sixième séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. À l'ordre du jour, conformément à l'article 108 du Règlement, nous poursuivons notre étude au sujet de la situation des droits de la personne au Sri Lanka.

[Traduction]

    Nous accueillons aujourd'hui, de Londres, M. Callum Macrae, qui est journaliste — il existe peut-être un titre plus ronflant — à Channel 4 News. Il a travaillé à des endroits au Sri Lanka qui ont été le théâtre de massacres et il pourra, je crois, nous présenter un témoignage très intéressant.
    Bienvenue à notre sous-comité, monsieur Macrae.
    Merci de m'avoir invité.
    Vous pouvez prendre tout le temps que vous voulez. Nous vous laisserons faire votre témoignage sans vous interrompre, vous pouvez le présenter de la façon qui vous convient le mieux, et lorsque vous aurez terminé, il y aura une période de questions au cours de laquelle tous les membres qui sont présents auront la possibilité de vous poser quelques questions.
    D'accord.
    Merci.
    Est-ce que je commence maintenant?
    Oui, bien sûr.
    Je vais tout d'abord me présenter. Je m'appelle Callum Macrae. J'ail réalisé une série de films. J'ai fait trois films qui portaient sur la situation des droits de la personne au Sri Lanka, et, en particulier, sur les événements qui se sont déroulés au cours des derniers mois de la guerre.
     Les deux premiers films ont été tournés pour la télévision britannique dans le cadre d'une série intitulée Sri Lanka's Killing Fields, et le plus récent de mes films est un long métrage documentaire intitulé No Fire Zone, qui porte sur les 138 derniers jours de la guerre et qui présente en fait des preuves qu'il y a eu crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis de part et d'autre, bien que la vaste majorité des personnes qui sont mortes aient été tuées par des bombardements orchestrés par le gouvernement.
     L'ONU a dit de mes films qu'ils avaient joué un rôle important pour attirer l'attention du monde entier sur ce qui se passait. En effet, mon film le plus récent, No Fire Zone, a été mentionné en chambre par David Cameron, notre premier ministre, qui l'a vu et a effectivement parlé de ces questions directement avec le président Rajapaksa. Si je vous raconte cela, c'est pour vous montrer que l'on peut dire que je ne suis pas une personne particulièrement populaire auprès du régime en place au Sri Lanka.
    Si je comprends bien, vous avez vous-mêmes recueilli beaucoup de renseignements concernant des événements particuliers de même que des statistiques, et des documents sur ce qui se passe là-bas sur le plan des droits de la personne. Plutôt que de répéter ce genre de choses, je crois qu'il serait plus utile pour moi de vous décrire de façon très précise ce que j'ai vu et les expériences que j'ai eues pour ce qui est de la liberté de presse et la liberté d'expression au Sri Lanka, il y a deux semaines, quand j'ai assisté à la Réunion des chefs de gouvernement des pays du Commonwealth, la CHOGM.
    Ce serait un témoignage très apprécié, oui.
    Je crois que le processus en lui-même et mon expérience de la liberté d'expression a commencé lorsque j'ai été interviewé par un journal sri-lankais et que j'ai mentionné que j'avais l'intention d'assister à la prochaine Réunion des chefs de gouvernement des pays du Commonwealth, comme je l'avais fait lorsqu'elle avait eu lieu en Australie, pour couvrir les événements. La réaction immédiate à cette conversation a été la publication d'une série de gazouillis dont l'auteur était un diplomate de niveau intermédiaire, posté en Australie, du nom de Bandula Jayasekara, qui a une certaine importance, puisqu'il a déjà été le conseiller médiatique du président. Dans sa série de gazouillis, il disait « Je vais m'assurer que vous n'obteniez pas de visa ». Il a envoyé de 30 à 40 gazouillis et m'a accusé d'être financé par les Tigres tamouls et de faire la propagande de la terreur, malgré le fait qu'il est tout à fait clair que le film condamne les Tigres tamouls pour avoir eu recours au terrorisme et à des attentats suicides et pour avoir tiré sur des civils. Il montre clairement qu'ils ont commis des crimes de guerre.
    Vous voyez que l'attitude à mon égard était terriblement hostile, ce qui dénote la nature paranoïaque du régime. Je n'utilise pas ce terme à la légère, comme une insulte. Je crois qu'il s'agit d'une description technique. En effet, toute personne qui critique le régime ou pose des questions concernant les droits de la personne, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité est immédiatement considérée comme un ennemi de l'État ou un partisan du terrorisme ou peut-être, encore pire, si vous êtes Cinghalais, un traître.
    L'autre chose que j'ai observée après avoir dit en entrevue que j'avais l'intention de me rendre au Sri Lanka a été une série de commentaires en ligne en réaction à l'entrevue qui disaient des choses comme « Vous êtes le bienvenu au Sri Lanka, mais vous repartirez dans un cercueil. » « Venez au Sri Lanka, une fourgonnette blanche vous attendra. » Je ne sais pas si vous avez entendu parler de ces fourgonnettes blanches. Elles sont utilisées pour semer la terreur — en partie pour faire un genre d'intimidation politique, mais aussi très précisément pour kidnapper des gens qui, en général, disparaissent à jamais.
     Un autre commentaire disait « Venez au Sri Lanka, nous vous présenterons Lasantha. » Lasantha Wickrematunge était le rédacteur en chef du Sunday Leader, le fondateur de ce journal, qui, après avoir écrit un éditorial en janvier qui critiquait le triomphalisme avec lequel était accueillie la défaite imminente des Tigres, s'est fait descendre en pleine rue par quatre assaillants qui n'ont jamais été retrouvés. Il a par la suite, comme vous le savez peut-être, publié un éditorial posthume dans lequel il disait que c'était le gouvernement qui l'avait fait assassiner.
    C'est donc dans ce contexte que nous sommes arrivés là-bas. J'ai décidé d'y aller. Je suis dans les faits le réalisateur de ces films, mais les deux premiers ont été produits grâce à Channel 4, et le dernier a été coproduit par Channel 4; c'est donc avec l'équipe des nouvelles de Channel 4 que j'y suis allé. Pendant la guerre, l'équipe des nouvelles de Channel 4 avait été expulsée du pays parce que ses membres avaient exprimé certaines de ces préoccupations. Nous avons compris que si nous avions pu y aller, et si j'avais pu obtenir un visa, c'est seulement parce que le premier ministre britannique a menacé de ne pas y aller si les médias n'avaient pas libre accès à la réunion.
    Puis nous sommes arrivés sur place. À notre descente de l'avion, à l'aéroport, il y avait une grosse manifestation, de toute évidence orchestrée par le gouvernement. En fait, comme n'avions pas donné notre numéro de vol, il était évident que les services secrets étaient derrière tout ça. C'était une grosse manifestation, de nombreuses personnes brandissaient des pancartes, condamnaient le fait que nous appuyions les Tigres tamouls, criaient « Macrae retourne chez toi », et tout ça. Nous nous sommes ensuite dirigés vers notre hôtel, et il y avait là aussi une autre manifestation, avec les mêmes pancartes.
    Au cours des jours qui ont suivi, nos moindres faits et gestes étaient surveillés. Il y avait des agents du renseignement postés à l'extérieur de notre hôtel, et où que nous allions, l'un d'eux nous suivait. Je ne l'ai su qu'aujourd'hui, mais à un certain moment, je suis allé rendre visite à quelqu'un d'Amnesty International qui logeait à un autre hôtel, et le lendemain, toute une bande d'agents du renseignement se sont présentés à la réception de cet hôtel et ont exigé à voir la liste des clients pour savoir qui s'y trouvait. Il y avait beaucoup d'intimidation.
    À un certain moment, nous avons tenté d'aller vers le nord pour voir si nous pouvions nous rendre jusqu'à l'ancienne zone de guerre, parce que nous avions été invités et qu'on nous avait dit que nous pourrions y avoir librement accès pour faire notre travail.
(1315)
    Nous avons quitté l'hôtel à 6 heures du matin, discrètement, sans annoncer où nous allions. Nous avons été immédiatement suivis dans le train par des agents du renseignement — du renseignement militaire, à notre avis — qui ont aussi pris place dans le train. Après environ quatre ou cinq heures, le train a été soudainement arrêté par une grande manifestation de plusieurs centaines de personnes qui arboraient des pancartes très semblables à celles que nous avions déjà vues. De toute évidence, cette manifestation avait été organisée très rapidement lorsque les agents nous ont vus prendre le train ou elle avait été organisée plus tôt — peut-être que les services secrets écoutaient nos appels téléphoniques ou surveillaient nos conversations dans nos chambres. Nous croyons maintenant que c'était effectivement le cas.
    Cette manifestation — où, je le répète, les mêmes slogans étaient scandés — nous a empêchés de nous rendre dans le nord du pays. Le train a été arrêté. Nous avons attendu pendant environ deux heures, puis c'est finalement la police qui nous a fait descendre du train. En fait, toute cette affaire est bien étrange. Nous avons donc été poussés sans ménagement dans une fourgonnette par la police, qui nous a ramenés de façon indirecte à Colombo, escortés par des motards de la police. Le lendemain, tous les journaux publiaient un article qui disait que nous avions refusé de payer le chauffeur de taxi et que celui-ci avait déposé une plainte à la police. Cette situation était tout à fait absurde, et elle s'est poursuivie pendant deux ou trois jours pendant lesquels la presse était obsédée par le fait que nous avions tenté d'éviter de payer notre course en taxi. Pourtant, en général, il n'est pas de mise, lorsque vous avez été poussés sans façon dans une fourgonnette par des policiers, d'offrir au chauffeur de payer la course!
    Revenons aux choses sérieuses. Il est évident qu'il s'agissait là d'une tentative pour nous empêcher de faire notre travail. Une autre chose sérieuse, c'est que pendant que nous essayions de nous rendre dans le nord, trois autobus remplis de parents de personnes disparues essayaient de se rendre dans le sud pour participer à une vigile et à un événement pour la défense des droits de la personne, et qu'ils ont été arrêtés par la police. Ces personnes n'ont jamais pu se rendre dans le sud du pays. Les personnes qui ont pu se rendre à l'événement ont été encerclées par la police, qui refusait de les laisser partir et les menaçait de procéder à leur arrestation du fait qu'ils étaient soupçonnés de terrorisme.
    Il y a aussi eu une autre manifestation mise en scène cette fois par BBS, du moins c'est ce que nous croyons. II s'agit d'une organisation cinghalaise ultranationaliste responsable de manifestations violentes et d'attaques dirigées contre des commerces musulmans et aussi contre des églises chrétiennes, de plus en plus nombreuses dans le sud du pays; elle est dirigée par des moines bouddhistes en robe safran. Le chef du parti d'opposition, l'UNP, a voulu participer à cette vigile, mais des pierres ont été lancées sur sa voiture.
    Par la suite, mon collègue Jonathan Miller a lui aussi reçu des pierres, au cours d'une manifestation qui semblait s'être organisée spontanément, pendant qu'il interviewait quelqu'un. Il est allé faire une entrevue avec un homme d'affaires, en fait quelques hommes d'affaires cinghalais, pour parler du progrès dans le pays. Lorsqu'il est sorti, une manifestation avait lieu, et des gens leur ont lancé des pierres.
    La culture de la répression est incroyable, et je dois dire qu'absolument rien ne laisse croire qu'il y ait la moindre liberté d'expression dans ce pays, et ça nous a vraiment sauté aux yeux. Nous avons aussi parlé aux médias. J'ai parlé personnellement à pas mal de journalistes, et le travail qu'ils ont à faire est extrêmement difficile. Mais comme ils sont constamment menacés et qu'un grand nombre de travailleurs de l'information ont disparu, ils doivent s'autocensurer ou avoir recours à des stratagèmes pour dire la vérité, par exemple, en enveloppant certains renseignements d'une rhétorique progouvernementale qui ne formule aucune critique, mais qui contient en fait des nouvelles. Le travail des journalistes est très, très difficile. Beaucoup de journalistes essaient de faire de leur mieux dans une situation extraordinairement difficile.
     D'un autre côté, il y a les journaux appartenant à l'État et financés par lui, comme le Daily News, qui est un journal sri-lankais, dont les commentaires sont on ne peut plus serviles, et la télévision, c'est pareil. Par exemple, chaque fois que j'ai été interviewé, j'ai insisté sur le fait que je considérais les Tigres tamouls, qui ont eu recours au terrorisme et qui ont commis des crimes de guerre, comme une organisation condamnable. J'ai constaté en écoutant les nouvelles que les gens du Sri Lanka se faisaient dire que Callum Macrae, le partisan des Tigres tamouls, faisait encore des siennes. En fait, il y avait un bout de film qui me montrait en train de parler, mais le son était coupé et remplacé par un commentaire qui me décrivait tout simplement comme un partisan des Tigres tamouls qui était là pour répandre des faussetés sur le gouvernement.
    C'est une situation très, très difficile.
(1320)
    Je ne sais pas exactement de combien de temps je dispose avant la période de questions. Dites-le-moi si je parle trop longtemps.
    Je n'ai aucune objection à ce que vous continuiez un peu, si vous voulez ajouter quelque chose qui vous permettrait de résumer votre histoire. Ce que je peux vous dire, par contre, c'est qu'à mon avis vous allez aussi trouver la période de questions utile pour fournir plus de détails sur les choses qui sont importantes pour vous.
    D'accord, dans ce cas je vais aborder un dernier point, qui pourrait être utile. C'est la façon dont je vois les choses, et ce sera peut-être utile pour vous, mais peut-être pas. Je vais être très bref.
    On dirait que ce qui se passe au Sri Lanka, c'est que le gouvernement sait qu'il doit rester au pouvoir, sinon c'est la fin, pour ainsi dire. Le régime est en grande partie fondé sur le népotisme, c'est une famille qui dirige, il y a beaucoup de corruption. Beaucoup d'entreprises familiales sont liées au régime, il y a beaucoup d'intérêts financiers et commerciaux liés à cette famille. Naturellement, il y a ces allégations de crimes de guerre et de nombreuses preuves très graves de crimes de guerre pointent vers eux, et c'est pourquoi les personnes en place savent qu'elles doivent absolument rester au pouvoir ou sinon, c'est vraiment la fin.
    J'en ai discuté avec des Sri-Lankais. J'avais réussi à parler à ces personnes à un moment où j'étais pratiquement certain que notre conversation n'était pas écoutée, et il semble que le régime s'appuie de plus en plus sur une base très — j'ai mentionné le mot paranoïa plus tôt — très xénophobe, paranoïaque, de plus en plus ultranationaliste et de plus en plus, selon l'acceptation courante, d'extrême droite, que le gouvernement utilise pour se maintenir en place et pour continuer à soutenir, malgré le danger que cela suppose, des organisations comme BBS.
    Le gouvernement semble moins intéressé à courtiser l'establishment cinghalais plus libéral, si vous voulez, comme les avocats, la société de droit et diverses... J'ai utilisé l'adjectif « libéral » dans le sens où on l'entend en Grande-Bretagne, et non dans le sens accepté plus couramment en Amérique du Nord.
    Le gouvernement en place ne semble pas considérer qu'il doit préserver l'illusion d'un large processus démocratique et libéral. Il semble de plus en plus satisfait de cette culture plutôt dangereuse, ultranationaliste, xénophobe et violente qui lui permet de rester au pouvoir. Et cela me préoccupe beaucoup.
    D'une certaine façon, je crois que je suis de l'avis de Navi Pillay, qui a dit que le pays sombrait dans l'autoritarisme. Je crois que c'est à la fois très inquiétant et très sinistre. C'est certainement une indication que les choses empirent plutôt que de s'améliorer.
    Merci beaucoup. Avant que nous passions aux questions des membres du comité, j'aimerais vous en poser rapidement une moi-même.
    Pour ce qui est de vos vidéos sur ce sujet, vos documentaires, si nous voulons les trouver en ligne, étant donné que notre comité fonctionne dans les deux langues, et que certains de nos membres ne parlent que français, est-ce qu'il est possible de visionner vos vidéos avec des sous-titres en français ou quelque chose comme ça? Si c'est le cas, pourriez-vous nous donner une adresse?
    Oui, en fait j'ai envoyé à la greffière de votre comité deux liens que je partage avec grande joie avec les membres de votre comité. Je crois qu'elle a déjà cette information, et peut-être qu'elle pourrait la faire suivre. Il y a un lien vers la version anglaise du film et un lien vers une version avec des sous-titres en français. Ils sont protégés par un mot de passe puisque, évidemment, nous essayons encore de les vendre, pour faire un peu d'argent pour les payer, alors nous ne pouvons les rendre accessibles à tous, mais je vais fournir avec joie à vos membres l'adresse et le mot de passe pour qu'ils puissent écouter la version originale en anglais ou la version sous-titrée en français.
(1325)
    Excellent. Si vous pouviez envoyer ces liens à notre greffière, je vais m'assurer que cette information se rende jusqu'aux membres du comité, et nous promettons de ne pas rendre les films accessibles à tous.
    Ce serait très gentil, merci.
    Je cède maintenant la parole à M. Schellenberger. Vous disposez de six minutes pour les questions et les réponses.
    Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Macrae d'être venu témoigner ici aujourd'hui.
    De quelle façon croyez-vous que la communauté internationale pourra avec le plus d'efficacité faire pression pour favoriser la reddition de comptes et la réconciliation au Sri Lanka?
    D'une certaine manière, le prochain événement important à venir est la réunion du Conseil des droits de l'homme de l'ONU.
    Je crois que le problème réside dans le fait que la communauté internationale répète, à juste titre, depuis quatre ans que l'État devrait commencer par enquêter lui-même sur les allégations. En tout cas, cette façon de faire respecterait toutes les normes internationales. Le problème, c'est que le gouvernement sri-lankais n'a rien fait de la sorte depuis quatre ans, et je le crois incapable de le faire.
    Ce qu'il a fait, c'est de créer un organisme qu'il a appelé la Commission des leçons retenues et de la réconciliation, la LLRC, dont vous avez peut-être déjà entendu parler, qui n'a absolument pas réussi à enquêter d'aucune façon sur les allégations de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité. Elle a fait quelques bonnes suggestions pour ce qui est de la responsabilité de chercher les disparus ou de les retracer, la responsabilité de faire en sorte que le ministère de la Défense cesse de se mêler de l'administration civile comme il le fait maintenant. Ces recommandations, même si elles étaient bonnes, sont restées lettre morte. Le problème, c'est que le Sri Lanka a toujours commandé d'interminables enquêtes et commissions présidentielles qui bien souvent ne sont même pas publiées. Et même lorsqu'elles sont publiées, aucune mesure n'est prise. Je crois qu'en pratique le gouvernement a montré qu'il n'avait aucunement la volonté d'agir.
    Je suis certain que vous allez en parler, mais le retrait du juge en chef, la destitution du juge en chef, et c'est ce que dit aussi le barreau cinghalais, l'association juridique du Sri Lanka, a eu pour effet de contribuer à détruire d'une certaine façon,et peut-être même d'anéantir complètement, l'indépendance du pouvoir judiciaire. Je dirais que le gouvernement a fait la preuve qu'il n'était pas disposé à faire ce genre d'enquêtes, et en pratique, il n'en a plus la capacité parce qu'il ne dispose plus d'un pouvoir judiciaire indépendant pour procéder à ce genre d'enquêtes. Pour cette raison, je crois que la pression et le fait que l'on exige de lui qu'il procède à une enquête indépendante internationale, c'est vraiment trop pour ce gouvernement.
    Je crois que cela aurait dû avoir lieu il y a bien longtemps, mais je pense certainement que cela devrait avoir lieu en mars. Je crois qu'il est extrêmement important qu'en mars, à la réunion du Conseil de l'ONU des droits de l'homme, cette demande soit formulée de façon officielle. Navi Pillay a dit que si les choses ne bougeaient pas avant mars, il faudra agir. Je pense que maintenant David Cameron a dit exactement la même chose.
    Je pense que c'est très, très important. Je suis un peu inquiet lorsque j'entends dire qu'il y a des discussions ou des suggestions selon lesquelles l'Afrique du Sud se proposerait pour aider à la création d'une sorte de commission de la vérité et de la réconciliation. De toute évidence, en principe, je suis tout à fait en faveur d'une telle initiative. Je pense que l'Afrique du Sud est le pays tout indiqué pour donner des conseils à cet égard. Le problème, c'est que, comme nous avons vu par le passé, le gouvernement sri-lankais saisirait cette excellente occasion de reporter aux calendes grecques toute enquête internationale. Et je crois maintenant que ce genre d'enquête est la seule façon de progresser. Je crois qu'une commission ne serait pas vraiment, compte tenu de ce que nous savons sur la façon dont les choses se font au Sri Lanka, un véritable moyen de progresser, et je crois qu'il faut faire valoir que ce n'est pas une façon raisonnable de procéder.
    Le premier ministre Harper n'a pas participé à la Réunion des chefs de gouvernement des pays du Commonwealth qui a eu lieu au Sri Lanka parce que ce pays ne respecte pas les droits de la personne. De proches alliés du Canada, notamment la Grande-Bretagne, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ont, de leur côté, choisi de participer.
     À votre avis, est-ce que c'est la décision du premier ministre qui a incité les premiers ministres de l'Inde et de Mauritanie à ne pas participer à la Réunion des chefs de gouvernement des pays du Commonwealth? À votre avis, le premier ministre britannique, David Cameron, a-t-il eu vraiment une influence lorsqu'il a tenté, pendant la Réunion, d'attirer l'attention sur l'impunité dont bénéficie encore le Sri Lanka?
(1330)
    Je pense que les deux moyens d'action étaient importants, et je pense, en fait — ça peut sembler bizarre à dire — que les deux façons de s'y prendre ont été plutôt efficaces. Je pense que la décision de votre premier ministre de dire dès le départ: « Écoutez, si vous ne faites rien, je n'y vais pas », était importante. J'aurais vraiment aimé, en fait, que d'autres pays fassent de même. Personnellement, j'étais plutôt mécontent que David Cameron ait dit si rapidement qu'il serait de la partie. Je crois que cela a quelque peu atténué la pression que l'on aurait pu faire monter avant le Sommet du Commonwealth, et cette pression aurait pu améliorer ou faire progresser les choses.
    D'une certaine façon, je les appuie tous les deux. Je n'ai pas appuyé la décision de mon premier ministre d'annoncer si tôt qu'il irait à la réunion. Cela dit, il ne fait aucun doute qu'une fois là-bas il s'est exprimé fermement et avec assurance. Comme la réunion devait avoir lieu de toute façon, cela a aussi aidé sa cause et puis il a exprimé, je crois, de façon très claire et sans équivoque ses préoccupations.
     Ma réponse n'est pas très satisfaisante, mais je crois que, d'une certaine façon, il a, si vous voulez, de mon point de vue, racheté sa décision d'y aller en soulevant les problèmes avec une grande fermeté, et comme cela se passait à ce moment-là, c'était très utile. D'un autre côté, j'aurais espéré que votre premier ministre recueille plus d'appuis et que l'on ne se contente pas de refuser l'invitation en disant « Je n'y vais pas », mais en utilisant ce refus comme une façon de mettre de la pression.
    Bien sûr.
    Merci, monsieur Schellenberger.
    Monsieur Marston, c'est votre tour.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Macrae, bienvenue parmi nous. Nous sommes heureux de pouvoir entendre votre point de vue.
    Si nous nous penchons sur la situation, nous constatons que la LLRC a été sans contredit un échec. Cette commission n'a été qu'un écran de fumée. Qu'est-ce que vous aimeriez que le Commonwealth, en particulier, ou les Nations Unies fassent pour attirer l'attention du monde sur les attaques du gouvernement contre les médias?
    Je m'inquiète vraiment des dommages que la situation aura sur le Commonwealth, du fait que c'est le Sri Lanka qui occupe la présidence. Cette situation est absurdement contradictoire. On est en présence d'un pays qui bafoue la liberté d'expression et qui est censé présider une organisation vouée à la défense de la liberté d'expression.
    C'est aux membres du Commonwealth, en particulier par l'entremise du Groupe d'action ministériel, de faire pression continuellement sur le Sri Lanka. Malheureusement, bien entendu, ce comité est maintenant présidé par le Sri Lanka lui-même. Aussi, il faut exercer beaucoup de pression sur le secrétaire général du Commonwealth qui, à mon avis, a joué un rôle néfaste et a, d'une certaine façon, permis que survienne la situation actuelle.
    Un des problèmes, c'est que lorsque le gouvernement sri-lankais a déclenché son offensive finale, il a utilisé à peu de choses près le même langage qui a été utilisé pendant la guerre au terrorisme pour justifier ce qui se passait et acheter le silence. Les Tigres, abstraction faite de l'aspect moral de leurs actes, ont fait le jeu du gouvernement en ayant continuellement recours à des tactiques terroristes. Cela a permis au gouvernement sri-lankais de présenter ce qui se passait comme étant une guerre au terrorisme.
    Quand tout cela a été terminé, le président s'est montré très adroit lorsqu'il s'est adressé aux Nations Unies en 2010; il disait en gros que le gouvernement avait réglé le problème du terrorisme, et il exigeait qu'on laisse le Sri Lanka tranquille pour qu'il puisse trouver une solution légitime qui viendrait de lui et serait adaptée à sa culture. Ironiquement, ce discours a été écrit par une société de relations publiques britannique, Bell Pottinger, qui est dirigée par un sympathisant conservateur. Il y a là effectivement un aspect ironique puisque ce discours adopte une rhétorique à la limite de l'anti-impérialisme.
    Le fait est que ce genre de discours a un accent de vérité pour bon nombre de pays non alignés. Il a un accent de vérité pour de nombreux pays faisant partie du Commonwealth, les pays asiatiques et africains. Parallèlement, d'autres pays qui font partie du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, notamment les pays nord-américains, deviennent méfiants lorsque l'Occident fait la leçon sur les droits de la personne à un petit pays indépendant.
    Il aurait été extrêmement important pour ces pays de faire passer l'information au sein du Commonwealth. Il est important de faire comprendre aux gens qu'il ne s'agit pas ici pour les pays occidentaux de se liguer contre un petit pays indépendant. Il s'agit, en fait, d'une question fondamentale de droit international humanitaire et de droits de la personne. Il faut en discuter et en débattre, être constamment vigilant et soulever la question au sein du Commonwealth et du Conseil des droits de l'homme.
    Je ne sais pas si ma réponse a été particulièrement utile, mais c'est là une question importante qui s'inscrit dans un contexte dont il faut tenir compte.
(1335)
    Comme vous le disiez, il est honteux que le Commonwealth soit présidé par ce pays. C'est tout simplement incroyable. Il est même parfois très difficile d'imaginer ce que l'avenir réserve à ce pays.
    Dans ce pays, la guerre civile a duré 30 ans, et le gouvernement en place maintenant est une dictature. Les médias, tout comme les messages diffusés, étaient sous surveillance. Des messages haineux étaient constamment véhiculés. Il faudra bien du temps avant que les gens puissent commencer à réfléchir aux dommages qui sont infligés maintenant et à les comparer aux dommages qu'ils ont subis durant la guerre; jusqu'à ce qu'ils entreprennent cette réflexion, je ne crois pas que nous serons témoins de grands changements venant de l'intérieur du pays.
    Pour ce qui est d'une enquête internationale, croyez-vous qu'ils en ressentiraient les effets?
    Je crois qu'une enquête internationale est la seule façon de progresser à cet égard, mais je comprends très bien que la mise en place d'une enquête de ce genre n'a rien de simple. C'est un processus extrêmement complexe.
    Le simple fait de l'exiger, de dire qu'en fin de compte c'est là la seule façon de rétablir la justice, permet, je crois, au message non seulement de commencer à être entendu et à être pris au sérieux, mais aussi d'avoir un effet dans le pays même. Les gens d'affaires cinghalais et les Cinghalais qui sont en faveur de la démocratie ne seront pas les seuls à s'inquiéter de l'isolement toujours plus grand du Sri Lanka, et dans le pays on commencera à se préoccuper du népotisme et de la corruption qui gangrènent le gouvernement; cette prise de conscience s'inscrira dans un processus de renforcement de l'opposition.
    Je crois qu'il vaut la peine de mentionner que même s'il s'agit d'un gouvernement pur et dur, ultranationaliste... et il encourage cette attitude chez les militants de sa base, ce qui veut dire qu'ils continueront à gagner des élections. Je crois que le fait que, lorsque nous étions au Sri Lanka, nous ayons vu de plus en plus souvent des gens nous faire discrètement des signes d'encouragement, est très révélateur. De nombreuses personnes sont venues me serrer la main très chaleureusement lorsqu'elles en avaient la possibilité.
    Je crois que les gens au pays, et je parle non seulement des Tamouls, mais aussi des Cinghalais, étaient nombreux à être très contents — je veux dire, nous avons fait la une des journaux pendant tout l'événement — de nous voir soulever des questions d'une façon que la presse locale ne peut se permettre de faire.
    Dans la presse locale, je crois qu'il y a de nombreux journalistes qui étaient très heureux de pouvoir faire des articles sur ce que nous disions, parce que c'était dans les nouvelles et qu'ils pouvaient le faire sans... Cela leur a aussi permis de soulever eux-mêmes ces questions.
    Ils étaient heureux de vous serrer la main même si vous n'aviez pas payé votre course en taxi.
    Effectivement.
    En fait, nous avons fini par payer la course en taxi. Nous nous sommes dit, eh bien, si la police ne peut payer son chauffeur, nous allons le payer; nous l'avons effectivement payé, et nous avons affiché sur Twitter une photo de nous en train de le payer.
    Merci.
    Madame Grewal, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Macrae, du temps que vous passez avec nous et de votre exposé.
    Le Haut Commissaire des Nations Unies a dit récemment que le gouvernement sri-lankais se dirigeait vers un système autoritaire. À votre avis, est-ce qu'il s'agit d'une bonne évaluation de la situation?
    C'est là une excellente évaluation de la situation, j'en ai bien peur. Je crois que la situation empire. Je pense qu'il y a un certain renforcement, disons, d'un ultranationalisme xénophobe. Le problème, c'est que c'est très difficile. Cette guerre a été tellement horrible, et il ne fait aucun doute qu'une génération entière de Cinghalais a grandi dans la peur des bombardements, la peur des attaques terroristes. Il régnait une réelle culture de la peur, et c'est pourquoi, dans un sens, il est facile de comprendre dans une certaine mesure le soulagement ressenti à la fin de la guerre. Le problème, c'est que ce qui se passe actuellement est très dangereux, car de nombreuses personnes espéraient que, malgré les événements des derniers mois de la guerre, une main serait tendue en signe d'amitié et de réconciliation.
    En fait, ce qui se produit, c'est une répression tout à fait brutale des Tamouls dans le Nord du pays. Il y a eu cristallisation de cette façon de voir les choses qui sous-tend ce qui est arrivé à la fin de la guerre, c'est-à-dire que les Tigres et les civils sont devenus indissociables, et les Tamouls sont encore considérés comme des ennemis. Même si les Tigres ont été pratiquement détruits, une certaine perception des Tamouls comme étant partisans du terrorisme et tous dangereux pour l'État est en grande partie ce qui motive les gens.
    Il y a eu aussi une certaine brutalité, c'est-à-dire que la raison pour laquelle la guerre a pris fin aussi brutalement et violemment... Je ne crois pas qu'aucun président n'avait eu jusque-là le courage, si on peut dire, de sacrifier une si grande partie de son propre peuple pour mettre fin à la guerre. La brutalité a été absolue. Il ne faudrait jamais oublier qu'un nombre beaucoup plus grand de soldats de l'armée sri-lankaise, en grande majorité des soldats cinghalais, sont morts que de combattants des Tigres au cours des deux derniers mois, lorsqu'il est question de morts au combat à proprement parler. Le gouvernement a fait preuve d'une indifférence et d'un mépris cruels pour la santé, la sécurité et le bien-être de ses propres soldats. On observe, au sein de l'armée sri-lankaise, une culture de la brutalité qui, je crois, a aussi joué un rôle dans la répression des Tamouls dans le Nord.
    Cette situation est explosive parce que, de toute évidence, ce qui se passera, c'est... Si vous avez la chance d'écouter mon film, vous verrez beaucoup de photos d'enfants adorables de six, sept, huit et neuf ans, totalement traumatisés, qui pleurent et qui sont dans un état lamentable. En ce moment même, ces enfants sont des personnes complètement détruites, traumatisées. Il est impossible de décrire à quel point la vie est atroce dans ces collectivités du Nord, à quel point les gens sont traumatisés. Tout le monde a perdu quelqu'un, tout le monde a vu qui sa mère, qui son père, qui son frère, qui sa soeur exploser devant ses yeux. Les enfants grandissent maintenant en voyant leurs parents — s'ils ont survécu — et leurs frères et soeurs être réprimés et brutalisés, n'avoir aucune liberté ni aucun pouvoir politique. Qu'est-ce qui arrivera à ces enfants lorsqu'ils atteindront 15 ou 16 ans si justice n'est pas faite, si aucune enquête internationale n'est menée, s'ils n'ont pas l'impression que la communauté internationale les a pris au sérieux?
    On sait à quoi penseront naturellement ces adolescents de 16 ans: c'est à la fois inévitable et terrible. Ils penseront qu'il n'y a qu'une seule façon de faire régner la justice, et ils décideront de prendre les choses en main. La possibilité de voir l'histoire se répéter est trop terrible pour être envisagée. C'est pourquoi je pense que toute cette affaire, le fait de mettre en place une enquête indépendante ou de trouver un quelconque mécanisme pour faire en sorte que justice soit faite, ce n'est pas un exercice intellectuel qui fera en sorte que l'histoire se souvienne des responsabilités de chacun; c'est une tâche urgente qui permettra d'éviter d'autres effusions de sang.
(1340)
    Hier, il y avait sur le site Web de la BBC un article qui disait que le gouvernement sri-lankais procéderait à un recensement dans toute l'île pour déterminer le nombre de morts et de disparus, de même que pour évaluer les dommages causés par la guerre civile. À votre avis, cela favorisera-t-il le processus de réconciliation? Est-ce que cela reflète l'attitude actuelle du gouvernement envers la réconciliation?
    Pour être honnête, je n'ai pas lu cet article. Mais ça ne m'étonne pas. C'est le genre de choses que le gouvernement dit. Il a créé des commissions pour enquêter sur les disparitions, qui promettaient toujours de fournir des renseignements aux parents des disparus, mais qui ne le faisaient jamais.
    Le problème, c'est que ce scénario se répète; le gouvernement fait toujours ce type d'annonces. C'est ce qu'il fait. Mais elles ne se réalisent jamais. Rappelez-vous que ce gouvernement, pendant la guerre, a dit qu'aucun civil n'avait été tué. À la fin de la guerre, il a affirmé avoir secouru tous les otages. Il a dit qu'aucun civil n'avait été blessé dans les bombardements effectués par le gouvernement. Il a depuis révisé ses chiffres; ce serait 7 000 civils qui ont été tués. Et ce chiffre sera sans aucun doute révisé à la hausse.
    Il est absolument inacceptable que nous ne sachions pas combien de personnes sont mortes. Il y a beaucoup de chiffres qui circulent. Selon l'ONU, il y en aurait 40 000. Après un examen interne, le Groupe d'experts, dans son rapport, indique que le nombre de morts pourrait atteindre 70 000. La Banque mondiale, je crois, estime que quelque 120 000 personnes sont portées disparues. Cela ne veut pas dire qu'elles sont mortes, bien sûr. Bon nombre d'entre elles sont parties ou sont allées en Inde ou ailleurs.
    Il semble incroyable que quatre ans et demi plus tard, on ne sache toujours rien. C'est un pays qui fait des recensements, où les citoyens votent. Ce n'est pas un pays qui ne sait pas qui sont ses citoyens. Que personne ne sache rien et que le gouvernement passe de « il n'y a aucun mort » à « il y a eu 7 000 morts » est tout à fait accablant.
    Si je croyais pouvoir prendre cette dernière annonce gouvernementale au sérieux, alors je dirais que cette mesure a du bon. Le problème, c'est qu'il n'y a absolument aucune preuve. Ce scénario s'est répété si souvent, des commissions d'enquête de ce genre ont si souvent été annoncées sans jamais se concrétiser, sans déboucher sur aucun rapport ou en étant une véritable farce dès le départ, que j'ai bien peur d'accueillir cette annonce avec un profond cynisme.
(1345)
    Merci, madame Grewal.
    Monsieur Cotler, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Macrae, j'aimerais vous remercier de nous faire part de la situation, et tout particulièrement d'avoir le courage de le faire.
     J'ai lu récemment votre article dans le Guardian du 16 novembre, dans lequel vous expliquiez de quelle façon, comme vous nous le disiez aujourd'hui, vous étiez devenu l'homme le plus détesté du Sri Lanka, mais je vais citer la fin de l'article:
Mais si vous regardez au-delà des menaces et de l'hystérie, si vous lisez entre les lignes des manchettes des journaux qui disent « Callum Macrae n'ira pas plus loin », vous pouvez voir un courant différent qui se dessine.
    Vous en avez parlé durant notre période de questions. Cela me préoccupe parce que, comme vous l'avez dit, le fait que personne ne sait réellement ce qui s'est passé est, en soi, extrêmement accablant. Que pouvez-vous nous dire à propos des gens à proprement parler et de leur compréhension de ce qui s'est passé et aussi de l'importance du genre de comptes rendus que vous faites?
    Le problème des Cinghalais ordinaires au Sri Lanka, c'est qu'ils se font raconter de mensonges. Je sais que je ne cesse de répéter que je n'utilise pas ces expressions à la légère, mais c'est vrai. Il est très évident qu'ils se font raconter des mensonges flagrants.
     Il y avait un article dans le Daily News, un journal financé par le gouvernement. On y présentait sur une pleine page une enquête à mon sujet, laquelle citait des courriels qui m'avaient été envoyés par un commandant des Tigres tamouls pour me dire de faire mes trois films. L'article décrivait les rencontres que j'avais eues avec Adele Balasingham, la femme d'un des chefs des Tigres tamouls, dans mon bureau à Channel 4. Les gens, au Sri Lanka, croient cette information.
    En fait, je n'ai pas de bureau à Channel 4. Je suis pigiste. De toute ma vie, je n'ai jamais rencontré Adele Balasingham. L'idée même que les Tigres tamouls me paient pour les traiter de criminels de guerre qui utilisent des tactiques terroristes et qui tirent sur des civils et des enfants soldats est risible, mais c'est effectivement ce que les gens croient au Sri Lanka, parce qu'il leur est impossible d'avoir accès à quoi que ce soit qui s'approche de la vérité. Et c'est là un très grand problème si on veut amener les gens à remettre en question ce que fait le gouvernement.
    Je suis désolé, j'ai oublié la deuxième partie de votre question.
    Je vais la reposer de façon différente.
    Nous avons aussi parlé de la culture de l'impunité face aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité. Même si le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies décide d'entreprendre une enquête en mars, c'est encore bien loin.
    Je m'inquiète non seulement de la capacité d'enquêter et de la reddition de comptes, mais aussi de ce que nous pouvons faire pour protéger les journalistes comme vous pour que, effectivement, l'information puisse être diffusée, pour que les Sri-Lankais puissent connaître la vérité et que pour cette culture de l'intimidation et du harcèlement qui touche les médias prenne fin. La communauté internationale peut-elle faire quelque chose? Et nous, à titre de parlementaires canadiens, pouvons-nous faire quelque chose?
    C'est un problème très difficile parce que la presse est surveillée de très près. Il y a beaucoup de journalistes pleins de bonne volonté qui essaient de travailler, mais ils doivent s'autocensurer continuellement, sinon, ils risquent de disparaître ou de devoir partir.
    Il faut exercer un contrôle constant. Je crois que c'est une bonne chose qu'il y ait des missions d'enquête. Le problème, c'est que lorsqu'on fait une mission d'enquête — et c'est un très gros problème pour nous. Je peux aller au Sri Lanka. Je peux annoncer que je vais dans ce pays pour tenter de faire un compte rendu de ce qui s'y passe, mais bien sûr, je ne peux rencontrer personne, parce que si je le fais, je sais ce qui va arriver aux gens que j'ai rencontrés une fois que je serai reparti. En fait, Navi Pillay a constaté exactement la même chose lorsqu'elle a parlé à certaines personnes. Le journaliste étranger repart, et ce n'est pas lui qui est en danger, ce sont les personnes qu'il a rencontrées.
    C'est là une situation très difficile. Il n'y a pas de solution simple; la seule chose qu'on peut faire, c'est d'en parler constamment, d'essayer de rester informé, de surveiller ce qui se passe et d'apporter un soutien, au besoin.
    Par exemple, tout récemment, un auteur tamoul du Sri Lanka, en exil depuis plusieurs années, est allé se recueillir sur la tombe de sa belle-mère et a été arrêté. Il est important de soulever ces questions dès qu'on est informé.
    Un des problèmes que nous avons — et les médias britanniques, comme tous les médias, en sont coupables, et le gouvernement aussi —, c'est que par le passé, nous avons fait la sourde oreille malgré les cris de protestation que lançaient les Tamouls du Sri Lanka, en partie parce que le gouvernement avait vraiment réussi à identifier tous les Tamouls aux Tigres tamouls. Sur la scène internationale, la méfiance légitime à l'endroit des Tigres tamouls faisait en sorte que personne n'écoutait les appels au secours des opposants cinghalais ou des Tamouls.
    Je crois qu'un examen minutieux de la communauté internationale est absolument essentiel. Je sais que c'est banal et facile à dire, mais par le passé, la communauté internationale n'a pas réussi à faire cet examen minutieux et n'a pas écouté les nouvelles qui provenaient de ce pays. Nous nous devons d'être beaucoup plus prudents à l'avenir.
    J'ai l'impression d'avoir répondu en disant des banalités, mais je ne peux penser à une meilleure réponse.
(1350)
    Vous pouvez poser une dernière question, si elle est brève.
    Monsieur Macrae, j'ai une question très brève, mais je sais que vous n'aurez pas suffisamment de temps pour y répondre.
    J'ai l'impression que toute cette affaire, toute la tragédie sri-lankaise et les horreurs qu'ont vécues les Tamouls sont passées, comme on dit, sous le radar. Mis à part les comptes rendus que vous avez courageusement présentés, la communauté internationale ne semble pas y porter une grande attention et ne semble pas vouloir s'en mêler.
    Est-ce que j'ai raison?
    Oui. Je crois que le problème, c'est que personne ne s'est intéressé à cette question à ce moment-là.
    Au cours de la première réunion qui a eu lieu après la fin de la guerre, je me souviens que le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, contrairement à son habitude, a adopté une résolution pour féliciter le Sri Lanka d'avoir mis fin à la guerre. C'est honteux.
    D'une certaine façon, la vérité commence à se faire jour, c'est-à-dire que la Réunion des chefs de gouvernement des pays du Commonwealth qui se tenait au Sri Lanka, ce qui m'étonne et me dégoûte à la fois, a effectivement attiré l'attention, dans une certaine mesure, sur ce qui se passe.
    J'espère que c'est peut-être simplement parce que les gens n'étaient pas au courant de ce qui s'était passé et que l'information commence maintenant à circuler. Comme je l'ai déjà dit, le problème, c'est qu'on considère le fait de mettre fin au non-respect des droits de la personne et de s'assurer que cela ne se reproduise plus comme une question de responsabilité inscrite dans l'histoire, plutôt qu'une question urgente.
    C'est l'urgence de la situation que les gens ne comprennent pas. Les gens sont de plus en plus au courant, d'un point de vue intellectuel, du fait que des choses terribles se sont produites et que peut-être il faudrait faire quelque chose pour faire régner la loi et la justice. Toutefois, je ne pense pas que les gens savent à quel point l'oppression continuelle et le déni constant des droits les plus fondamentaux peuvent créer des situations dangereuses et explosives ni ce que cette situation représente pour l'avenir du fait que les problèmes et la violence potentielle s'accumulent. C'est ça le message qu'il faut faire passer; tout particulièrement, c'est un message qu'il faut faire comprendre aux pays non alignés.
    Par exemple, j'ai présenté le film à une délégation africaine et je l'ai fait parvenir à des diplomates sud-américains, et ils ont été véritablement choqués et décontenancés par ce qu'ils avaient vu. Si ce genre de messages peut être transmis... J'espère que nous pourrons réunir des fonds parce que, pour le moment, nous n'avons absolument aucune ressource, quelle qu'elle soit, malgré ce que le gouvernement dit à propos de notre financement par les Tigres tamouls. Nous espérons nous rendre dans les pays d'Amérique latine et dans certains pays africains en préparation de la réunion de l'ONU, pour présenter notre film et sensibiliser les gens.
    C'est un processus difficile qui commence par la base, mais je crois que nous commençons lentement à nous faire entendre. Par contre, je ne suis pas certain que les gens comprennent vraiment l'importance et l'urgence de la situation.
    Merci.
    Je cède maintenant la parole à M. Sweet.
    Bienvenue parmi nous, monsieur Macrae. J'ai écouté avec plaisir votre témoignage.
    Depuis que vous nous avez parlé de Bandula Jayasekara, et je dois révéler au comité que je le connais puisqu'il a déjà été consul général, ici, au Canada, je suis allé sur Twitter et j'ai lu une partie des gazouillis qu'il a publiés. Il est plutôt inhabituel qu'un diplomate de ce rang se mette en campagne — et je n'ai pas lu tout ce qu'il a écrit en octobre, mais à coup sûr il y a passé tout le mois de novembre, je crois —, pour s'assurer de détruire complètement votre réputation.
    Il mentionne un livre qui a été publié et qui met en lumière la corruption de l'industrie journalistique. Pouvez-vous nous parler de ce livre?
(1355)
    Oui. C'es un ouvrage extraordinaire, et j'espère trouver le temps la semaine prochaine d'écrire un article pour réfuter chacun de ses arguments.
    Nos journalistes font l'objet d'attaques constantes par le gouvernement sri-lankais depuis que nous avons commencé à révéler des choses. Nous avons, au Royaume-Uni, un organisme indépendant de réglementation de la télévision appelé Ofcom, le bureau des communications, à qui tout membre du public peut soumettre une plainte si une émission de télévision est, de son point de vue, injuste, trompeuse, inexacte, ou peu importe. C'est un organisme indépendant, et un organisme de réglementation qui ne craint pas de déclarer les télédiffuseurs fautifs, s'ils sont en effet fautifs.
    Le gouvernement sri-lankais a orchestré — et c'est bien clair qu'il a effectivement orchestré — plus de 100 plaintes concernant nos deux premières émissions de télévision, notamment ce que je crois être la plus longue plainte que l'Ofcom ait jamais reçue, prétendument d'un membre du public. En fait, cette plainte fait 600 pages, a été écrite par des avocats; c'est une attaque extrêmement détaillée sur laquelle se fonde une bonne partie du contenu du livre dont vous parliez. Chacune de ces plaintes a été examinée par le contrôleur de l'Ofcom. Évidemment, nous devions fournir une réponse longue et détaillée à chacune des ces allégations. Absolument toutes les allégations ont été rejetées, et c'est extrêmement inhabituel. L'organisme indépendant de réglementation n'a retenu absolument aucun point d'aucune des plaintes.
     Le fait est que notre industrie journalistique peut faire l'objet du plus minutieux des examens. Elle n'a rien à craindre. Ils ont publié un livre de 220 pages, un beau gros livre, dont j'ai un exemplaire, qu'ils voulaient initialement distribuer à tous les journalistes. Des universitaires et des journalistes, ici, en Grande-Bretagne, m'ont téléphoné pour me dire qu'ils l'avaient reçu. C'est un document absolument diffamatoire et qui contient de l'information non corroborée, il est rempli de... Ironiquement, ils l'ont intitulé Corrupted Journalism: Channel 4 and Sri Lanka. Cet ouvrage est, en fait, en lui-même le plus consternant exemple de journalisme, puisqu'il contient des déclarations fausses, et ainsi de suite. Par exemple, il cite en long et en large des professeurs de l'Université de Jaffna... Je ne me souviens plus exactement comment ils l'appellent; je n'ai pas le document devant moi. Le livre contient de longues citations qui, au dire des auteurs, appuient leur cause, mais si vous allez effectivement lire le document, c'est l'inverse, il condamne leur cause et en fait appuie tout ce que nous avons dit.
    C'est un extraordinaire exercice de relations publiques, très coûteux, qui de toute évidence a été financé. Je ne sais pas qui a fourni les fonds, mais je ne sais vraiment pas qui d'autre que le gouvernement sri-lankais aurait pu le faire. C'est un document scandaleux et consternant, et j'espère vraiment avoir du temps la semaine prochaine pour réfuter toutes ses affirmations. Ce ne sera pas très difficile, mais il faut y mettre du temps.
    J'ai bien hâte de vous lire, monsieur Macrae.
    Monsieur le président, si mes collègues sont d'accord, j'aimerais que nos recherchistes se penchent un peu sur le cas de ce diplomate, qui est posté en Nouvelle-Galles du Sud, un diplomate du Sri Lanka, Bandula Jayasekara, qui a aussi, dans bon nombre de ses commentaires, affirmé que le Canada se rendait coupable de répandre la terreur. Cela vous donne une bonne idée du personnage. Nos recherchistes pourraient aller chercher quelques-uns des gazouillis qui sont pertinents pour notre enquête, cela serait très utile, du moins je le crois. J'espère que mes collègues seront d'accord.
    Si je peux me permettre, j'ajouterais une dernière chose sur Bandula Jayasekara. D'un côté, ses gazouillis sont clairement et manifestement diffamatoires. L'idée même que je reçoive du financement d'une organisation que j'accuse de crimes de guerre est absurde. Ce qu'il a dit était extrêmement dangereux. Au Sri Lanka, je ne pouvais pas marcher dans la rue en toute sécurité parce que ce genre d'affirmations, ce genre de mensonges, sont, dans le contexte du Sri Lanka d'aujourd'hui, une incitation tout à fait claire à la violence et une incitation à la haine. On considérait que j'étais en partie responsable des menaces de mort dont j'étais victime. D'un côté, on pourrait presque rire de ses commentaires, parce qu'ils sont tellement absurdes, mais d'un autre côté, ils sont en réalité très dangereux et extrêmement irresponsables.
(1400)
    Je suis tout à fait d'accord.
    J'aimerais connaître votre opinion sur la militarisation de la fonction publique. Un de nos témoins a mentionné qu'à peu près partout où l'on va, on constate la militarisation de la fonction publique dans à peu près tous les secteurs. Avez-vous été témoin de cela lorsque vous étiez au Sri Lanka?
    Même à Colombo, on en est témoin, et je crois que la Commission des leçons retenues et de la réconciliation a dit effectivement que le ministère de la Défense devrait se retirer des activités administratives civiles où il n'a pas d'affaire. La réaction du gouvernement à cette recommandation... je crois que si vous allez sur le site Web du ministère de la Défense du Sri Lanka, vous verrez que le ministère a été rebaptisé ministère de la Défense et du Renouveau urbain. Je crois bien que c'est du renouveau urbain, ou une expression de ce genre. Encore une fois, c'est presque risible d'un côté, mais en réalité plutôt sinistre de l'autre.
    On peut voir l'augmentation... Le régime se fonde sur le pouvoir militaire. Le régime se fonde sur la loyauté militaire, et si vous regardez ce qui se passe... Un autre facteur clé, en quelque sorte... En fait, l'année dernière, le budget du ministère de la Défense — pour une quatrième année depuis la fin de la guerre — a augmenté d'environ 25 %. Ces chiffres sont énormes, vraiment énormes, et je n'ai pas réussi à aller voir ce qui se passe, parce que j'ai été arrêté, mais il y a un très grand nombre de militaires dans le Nord.
    Les militaires sont partout. Beaucoup de gens se font saisir leurs terres. Il y a actuellement quelque chose comme 7 000 acres de terre qui font l'objet de procédures judiciaires en ce moment même. Les militaires construisent des bases sur les terres des Tamouls. Les militaires ouvrent des hôtels et offrent des excursions d'observation de baleines aux touristes. Ils exploitent des commerces, des épiceries. Les soldats sont très nombreux et n'ont pas grand chose à faire, et ils ont été habitués, si l'on veut, à détruire l'identité ethnique de ce qui est considéré comme les terres tamoules dans le Nord. La vaste majorité des militaires se trouvent dans le Nord, dans le Nord-Est et dans les régions tamoules. Ils obtiennent une prime lorsqu'ils ont un troisième enfant, ce qui est une façon claire, ouverte et évidente de modifier la composition ethnique du Nord. En réalité, le processus est plutôt sinistre.
    Les militaires forment également la base du pouvoir du frère du président — le secrétaire à la défense — qui est considéré par bien des observateurs comme le pouvoir invisible. Il a joué un rôle déterminant quand la guerre faisait rage et joue maintenant un rôle déterminant pour diriger le pays.
    Monsieur le président, je sais que c'est maintenant le tour de M. Jacob, mais j'aurais une dernière question. J'aimerais demander de nouveau, avec l'accord de mes collègues — je ne mets pas votre parole en doute, monsieur Macrae — mais j'aimerais que nous puissions faire faire une vérification indépendante pour confirmer que le budget militaire a vraiment augmenté de 25 % après le conflit. Je crois que c'est là un important élément de preuve.
    C'est ça, si je me rappelle bien. Je serais ravi que vous confirmiez ce chiffre, mais je ne crois pas m'être trompé.
    Nous allons juste obtenir une confirmation, monsieur Macrae. On m'a dit que vous aviez un horaire très chargé, mais nous pouvons dépasser un peu notre temps habituel si les membres du comité acceptent. Est-ce que ça vous va, pouvez-vous rester quelques minutes de plus?
    Oui, en fait, je crois que je devais être ailleurs il y a trois minutes, mais je peux encore passer quelques minutes avec vous, mais seulement quelques minutes, malheureusement. Je suis vraiment désolé.
    Nous apprécions ce que vous faites, vous êtes vraiment accommodant.

[Français]

    Monsieur Jacob, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Macrae, je vous remercie de témoigner devant notre comité cet après-midi.
    D'entrée de jeu, je vous demanderais ce qui suit. Selon vous, quel est le meilleur outil...

[Traduction]

    C'est moi qui vous remercie de m'avoir invité à venir vous parler.

[Français]

    Selon vous, quel est le meilleur outil du gouvernement pour censurer les médias?

[Traduction]

    Je suis désolé, je n'ai pas compris le début de la question. Pourriez-vous répéter s'il vous plaît?

[Français]

    Selon vous, quel est le meilleur outil du gouvernement pour censurer les médias?
(1405)

[Traduction]

    Ce que le gouvernement fait pour censurer les médias?
    Une voix: C'est ça.
    M. Callum Macrae: Le Sri Lanka censure ses médias en utilisant diverses méthodes.
    La principale méthode c'est, littéralement, de tuer les journalistes, de les faire disparaître ou de les pousser à l'exil. Il existe une très bonne organisation, que vous pourriez peut-être faire comparaître devant votre comité, si vous en avez le temps. Appelée Journalists for Democracy in Sri Lanka, elle est composée de journalistes en exil, tant cinghalais que tamouls, et je crois aussi de journalistes musulmans qui ont quitté le Sri Lanka. C'est une organisation composée de gens courageux qui surveillent comment on traite les médias. Donc la méthode la plus directe de contrôler les médias, c'est celle-là: la menace, que ce soit la violence, l'expulsion ou les fourgonnettes blanches.
    La deuxième méthode est littéralement les tentatives de les contrôler. Il y a déjà eu par le passé une règle qui faisait en sorte que tout article sur la sécurité devait obligatoirement être envoyé au comité de censure des médias de la Défense. C'était pendant la guerre. Ce n'est plus le cas, si j'ai bien compris, mais ce comité est toujours présent de façon officieuse.
    Il y a aussi, par exemple, le Sunday Leader, un journal qui avait été fondé, comme je l'ai mentionné, par un journaliste cinghalais, Lasantha Wickrematunge, qui était un ami personnel du président et qui s'est fait par la suite descendre en pleine rue. Depuis, un de ses journalistes a été abattu aussi, et, en fait, la femme qui était rédactrice en chef du journal a été poussée à l'exil. Maintenant, le journal est dirigé par quelqu'un qui est très proche du président. Je ne peux pas être plus précis à ce sujet, parce que je ne suis pas absolument certain de la nature de la relation, mais je sais que le journal n'appartient plus à la même personne. À coup sûr, la perception, au Sri Lanka, c'est que le gouvernement a, d'une certaine façon, mis la main sur ce journal, même s'il reste encore dans l'équipe quelques bons journalistes qui essaient de faire du bon journalisme.
    L'autocensure est, d'une certaine façon, l'arme essentielle. Je sais que de nombreux journalistes aimeraient pouvoir en faire plus, mais sont muselés. Je dois dire que j'ai vraiment beaucoup de respect pour ces journalistes. De même, il y a de nombreux journalistes dont l'adhésion servile ou politique au gouvernement est en réalité comique, vue de l'extérieur, mais pas si comique que cela s'ils sont votre seule source de nouvelles et que vous croyez toutes les bêtises qu'ils répandent, par exemple dans cet article à mon sujet qui tenait de la pure fiction. Ce n'était pas de simples insinuations; ce n'était pas seulement les suppositions faites sur mes convictions; en fait, c'était toute la preuve inventée pour cet article, les courriels qui n'avaient jamais existé, et toutes ces absurdités construites de toutes pièces.
    C'est une combinaison de toutes ces méthodes qui est utilisée pour contrôler les médias.

[Français]

    Merci, monsieur Macrae.
    J'ai une deuxième question à vous poser. Quel est l'état de l'accès à Internet au Sri Lanka? Comment le gouvernement contrôle-t-il les critiques sur Internet?

[Traduction]

    Le gouvernement interdit régulièrement l'accès à certains sites. Il a limité certains sites Web. Il a essayé de prendre des moyens réglementaires. Il a essayé de mettre en place des systèmes, avec plus ou moins de succès, obligeant les sites Web à s'inscrire auprès du gouvernement. Aussi, il bloque certains sites. C'est un contrôle plutôt inégal, et les gens du Sri Lanka peuvent consulter certains sites Web de l'étranger. D'autres sont bloqués. Ce n'est pas uniforme.
    Le problème, c'est que le message dont les médias progouvernementaux submergent la population semble avoir beaucoup plus de crédibilité que les sites Web, de toute façon, c'est-à-dire que le gouvernement réussit à marginaliser les sites Web et il n'a qu'à raconter des mensonges à leur sujet, mais dans certains cas, il bloque précisément certains sites.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Jacob, je regrette, mais votre temps est écoulé.

[Traduction]

    Je voudrais seulement dire à M. Macrae que je lui suis très reconnaissant de nous avoir laissé allonger notre séance. Son témoignage a été très utile, et je vous demande pardon si vous arrivez en retard à votre prochain rendez-vous.
    Ne vous inquiétez pas. Je suis heureux de pouvoir vous aider.
    Très bien, nous vous sommes vraiment reconnaissants. Merci beaucoup.
(1410)
    D'accord, merci.
    Au revoir.
    Au revoir.
    M. Macrae n'est plus là. J'espère que nous n'avons pas trop perturbé son horaire. J'ai failli lui dire que, si quelqu'un mettait en doute son excuse un peu ridicule, soit que son retard était dû au fait qu'il comparaissait devant un comité siégeant sur un autre continent, qu'il n'avait qu'à nous appeler et que nous pourrions confirmer que c'est bien pour cette raison qu'il était en retard.
    Ce que je veux vous dire, à vous qui êtes ici, c'est que je vous remercie beaucoup. Nous allons nous retrouver, espérons-le dans l'édifice du centre, mardi.
    C'est tout. La séance est levée.
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