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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 033 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 10 juin 2014

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Français]

    Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Aujourd'hui, le 10 juin 2014, nous tenons notre 33e séance.

[Traduction]

    Notre séance est télévisée.
    Nous poursuivons notre étude sur les droits des femmes en Afghanistan. Aujourd'hui, nous allons entendre Staci Haag, qui témoigne de Traverse City,au Michigan.
    Madame Haag, avant le début de la séance, nous vous avons informée du fonctionnement du comité, je vous invite donc à commencer votre témoignage. Merci.
    Je m'appelle Staci Haag. Je suis une consultante indépendante. J'ai travaillé tant auprès d'ONG que dans le secteur privé, surtout dans le domaine de la démocratie, de la gouvernance et de la condition des femmes depuis environ neuf ans. Je reviens tout juste d'un séjour de 19 mois en Afghanistan, où j'étais directrice des communications et des interventions pour un grand projet financé par USAID dont l'objectif portait surtout sur la gouvernance locale.
    J'aimerais commencer par remercier le comité de me donner l'occasion de témoigner. Comme je le disais, je travaille sur le terrain, depuis neuf ou 10 ans, et il existe souvent un grand écart entre les gens qui conçoivent les programmes et les gens qui les mettent en oeuvre, j'apprécie donc énormément que vous m'accordiez votre attention.
    En général, la condition des femmes en Afghanistan n'est actuellement pas très bonne. Il existe de nombreuses études et de nombreuses statistiques. Une récente étude sur l'éducation a révélé que le taux d'alphabétisation est de 34 % dans l'ensemble du pays et qu'il est de 18 % chez les femmes. Dans les régions rurales, où 74 % de la population vit, le taux d'alphabétisation chez les femmes atteint à peine 10 %, et chez les hommes, il n'est que d'environ 30 %.
    D'autres rapports produits par des organismes comme Human Rights Watch et Amnistie internationale démontrent qu'en pratique, très peu de progrès ont été réalisés en matière de droits des femmes, notamment en ce qui concerne les soins de santé, la santé maternelle et la protection contre la violence. Toutefois, il existe de nombreuses statistiques, et je crois comprendre que vous commencez tout juste votre étude, alors plutôt que de vous donner de nombreuses statistiques que vous obtiendrez sans doute dans le cadre de votre étude, j'aimerais vous faire part de quelques écueils à garder à l'esprit lorsque vous parcourrez ces différentes statistiques.
    Concernant la première statistique, la première chose à garder en tête, c'est que de nombreux rapports plus positifs produits sur l'Afghanistan ont tendance à montrer les progrès en termes statistiques: par exemple des augmentations de 100 %, 50 % ou 200 %. C'est très bien, et je ne veux pas en diminuer l'importance, mais il est important de garder à l'esprit le point de départ, qui était une situation très sinistre. Lorsqu'on passe d'un à deux, on a une augmentation de 100 %, mais le point de départ était très bas. Je vous conseille de le garder à l'esprit pendant votre étude, tant à l'égard des progrès récemment réalisés qu'à l'égard de la mise en oeuvre des programmes.
    Une autre chose dont il faut se rappeler, surtout dans le cas des femmes, c'est que de nombreuses statistiques que vous entendrez sont nationales; toutefois, il existe une grande diversité, tant régionale qu'ethnique, en ce qui concerne l'accès des femmes aux soins de santé, aux emplois et à l'éducation. Peu importe la question étudiée, ayez toujours en tête la provenance des données. Proviennent-elles de la communauté pachtoune, tadjike ou hazara? La provenance des données influence le point de départ.
    Mon expérience personnelle en Afghanistan porte sur la mise en oeuvre de programmes surtout dans les régions pachtounes de l'Est de l'Afghanistan. J'ai beaucoup appris à différents égards, en Afghanistan et ailleurs, ce qui peut sans doute être utile.
    On m'a demandé d'être brève afin de laisser le temps aux députés de poser beaucoup de questions. J'ai quelques idées très précises qui pourraient être utiles pour la considération de programmes d'aide aux femmes en Afghanistan à l'avenir; toutefois, j'aimerais vous parler d'abord d'une histoire vécue dans le cadre d'un des programmes auxquels j'ai récemment travaillé.
    Voici la version courte. Un élément clé de mon travail consistait à superviser la formation en défense des droits et en intervention pour les membres d'une assemblée de développement d'un district dans l'Est de l'Afghanistan. Nous avons travaillé notamment dans la province de Wardak et plus précisément, dans le district Sayed Abad. Sayed Abad est un district dangereux dans une province dangereuse. Les statistiques sur l'éducation révèlent qu'on rouvre les écoles et que les filles y ont davantage accès. En réalité, sur le terrain, même quand on rouvre les écoles, les parents se sentent contraints de ne pas envoyer leurs filles à l'école, et le nombre d'écoles rouvertes est beaucoup plus faible que la moyenne nationale.
    À Sayed Abad, nous avons observé que lorsqu'un groupe de femmes de la localité se réunit et met en place une campagne de sensibilisation scolaire, ça fonctionne. Dans la région de la vallée Tangi, elles souhaitaient que leurs filles aillent à l'école, elles se sont donc réunies et elles ont créé un groupe.
     Elles ont négocié avec les aînés et avec les talibans, et elles ont essentiellement obtenu la permission de rouvrir les écoles. Elles n'avaient toujours pas obtenu l'appui du gouvernement, donc l'école avait lieu dans des résidences privées. Elles ont dû amasser des fonds dans la communauté pour payer les enseignants et le matériel. Elles ont dû recruter des volontaires pour organiser des classes dans des pièces non utilisées de résidences privées.
    La communauté souhaite éventuellement enregistrer et officialiser ces écoles. Il ne s'agit pas du genre d'écoles dont on fait généralement la promotion ou à propos desquelles on peut lire dans les projets d'aide, parce que les écoles mieux organisées où il y a beaucoup de livres font de meilleures photos et donnent aux gens l'impression de changer les choses. Toutefois, je dirais que lorsqu'on adopte une telle démarche, lorsqu'on visite la région, ces écoles profitent d'une fondation beaucoup plus solide. La raison est simple: ces écoles ont été jugées nécessaires par la communauté, elles sont approuvées et maintenues par les gens de la communauté et jouissent par conséquent de fondations plus solides. La qualité de l'éducation n'est peut-être pas la meilleure. De l'extérieur, ces écoles ne paient pas de mine. Toutefois, la communauté s'habitue à appuyer l'éducation des filles et à les envoyer à l'école, ce qui contribue à son engagement et à son appui à long terme. C'est ce genre d'initiative que l'aide étrangère devrait servir, surtout en ce qui concerne la participation des femmes dans des pays comme l'Afghanistan.
    Jusqu'à maintenant, cette histoire en est une de réussite. Les filles vont à l'école. Elles sollicitent des appuis pour obtenir des livres, des locaux et un enregistrement formel. Les choses progressent. À maintes reprises, les projets auxquels j'ai participé n'ont pas progressé autant, et une grande partie de mes activités étaient consacrées au recrutement de femmes. Puis, une fois que j'avais réussi à réunir un groupe, elles se sentaient intimidées et menacées et laissaient tomber. Ce cycle s'est répété lors de nombreux programmes. C'est difficile, mais la première difficulté à laquelle on se heurte avant même le commencement d'un projet, c'est de trouver des femmes qui sont prêtes à participer.
    Là-dessus, avant de conclure et avant de passer aux questions, j'aimerais aborder quelques éléments qui selon moi pourraient être utiles pour aider les femmes en Afghanistan.
    Premièrement, je pense que tout programme doit être axé sur des compétences de sensibilisation et de gouvernance. Ce type de programme est plus difficile à mettre en oeuvre, et il est plus difficile d'en faire le suivi. Si on attribue des fonds à la construction d'une route, il est facile de suivre les progrès des travaux. Il est beaucoup plus difficile de faire le suivi des compétences en sensibilisation et en gouvernance. Leur popularité fluctue. Mais si on forme les gens, comme on l'a fait à Sayed Abad, on jette des bases beaucoup plus durables sur lesquelles on pourra construire l'avenir de la communauté au sens littéral et figuré.
    Deuxièmement, toute activité subséquente devrait être basée sur des campagnes très ciblées offrant aux communautés la capacité et l'appui dont elles ont besoin pour sensibiliser le Parlement ou pour travailler au sein du Parlement afin de faire adopter des lois.
    Troisièmement, il faut aussi mettre sur pied des programmes complémentaires à plus long terme. La condition des droits des femmes en Afghanistan est un bon exemple. Elle nous montre que l'adoption de bonnes lois ne mène à rien sans suivi rigoureux, surtout dans la mise en oeuvre. Il est surtout important de trouver des façons de mettre en oeuvre les lois et de les appliquer pour arriver à une réussite législative.
    Quatrièmement, même si cela peut dépendre de programmes différents, le contenu de toute initiative de sensibilisation ou de revendication législative doit être pensé par ceux qui y travaillent. Ils penseront peut-être à des choses qui semblent peu importantes pour d'autres en marge, mais si on donne dès le départ un choix au peuple, il sera beaucoup plus mobilisé.
    Enfin, tous les programmes devraient inclure une certaine diversité sociale. Il peut y avoir une propension très isolationniste dans l'aide humanitaire à considérer chaque pays en vase clos. L'autre extrême serait d'appliquer la même solution à tout le monde. Je pense qu'on peut trouver un équilibre entre les deux. La différence repose sur la place qu'on donne aux militants locaux afin qu'ils apprennent des autres qui ont été confrontés à des difficultés semblables. La création d'un réseau de mentorat et de jumelage pour l'offre de conseils de rétroaction est essentielle au soutien à long terme des groupes de défense des droits, surtout dans les pays où l'autogouvernance est relativement récente.
    Voilà mon survol du sujet. Je suis disposée à répondre aux questions à ce sujet ou sur d'autres points abordés dans mon exposé.
(1310)
    Merci beaucoup. Votre exposé était très instructif.
    Étant donné le temps dont nous disposons, les députés auront tour à tour sept minutes pour poser des questions, en commençant avec un député du parti ministériel, suivi d'un député de l'opposition, puis à nouveau d'un député du parti ministériel.
    Commençons avec Nina Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Haag, je profite de cette occasion pour vous remercier d'avoir accepté de témoigner devant notre comité aujourd'hui et de nous faire part de vos observations à propos de cette question très importante.
    Croyez-vous que le gouvernement du président Karzaï a déployé de réels efforts pour corriger les iniquités auxquelles les femmes en Afghanistan sont confrontées? En d'autres mots, les droits des femmes se sont-ils améliorés pendant son mandat?
(1315)
    Voilà une question plutôt complexe. Si on réfléchit à l'époque de l'après-Talibans, il y a eu de grandes améliorations parce que les femmes partaient de rien.
    Quand j'étais en Afghanistan, j'étais moins au fait de l'aspect national. J'ai participé davantage au niveau de l'assemblée de district local, par conséquent je ne peux pas aussi bien aborder les activités précises du gouvernement Karzaï. Je peux dire que depuis la chute des Talibans et depuis l'arrivée du nouveau gouvernement, il y a eu des améliorations évidentes. Toutefois, il demeure des retards considérables évidents, surtout en ce qui concerne l'application de la loi.
    La loi sur l'élimination de la violence faite aux femmes est un excellent exemple selon moi. À l'étranger, on a fait grand cas de la signature de cette loi qui recevait l'appui de la communauté internationale, toutefois, il existe toujours des exemples flagrants de violence soutenue et systémique faite aux femmes dans toutes les classes de la société. On se demande si l'augmentation est liée à une augmentation des signalements ou une augmentation des activités. Je pense qu'il s'agit d'une question valable. Toutefois, en ce qui concerne les mesures prises par le gouvernement, je pense qu'il fait un peu meilleure figure en matière d'adoption que d'application des lois. À l'avenir, le gouvernement doit prendre des mesures plus vigoureuses pour déterminer quelles lois sont bénéfiques et comment il peut mettre l'accent sur leur application.
    Selon vous, que le Canada peut-il faire pour améliorer les droits des femmes en Afghanistan? Selon vous, quels types de pressions internationales s'avéreraient les plus efficaces?
    Pour ce qui est des pressions internationales, je pense que tout pays qui offre de l'aide à un autre pays a certainement la possibilité d'imposer des conditions relatives à l'aide fournie. Si on verse des fonds à un ministère ou à un certain groupe, on peut demander qu'une femme fasse partie du processus décisionnel. Si des fonds sont versés au ministère de l'Éducation — je ne suis pas certaine de connaître le processus décisionnel à plus petite échelle —, on peut réclamer qu'une femme fasse partie du groupe de quatre ou cinq décideurs et en faire une condition à la mise en oeuvre du projet.
    Je pense qu'il s'agit d'une lacune souvent observée en aide humanitaire. On n'affirme pas le désir qu'une femme ait au moins son mot à dire dans les décisions relatives à la distribution. Voilà un élément important que les pays qui offrent de l'aide peuvent demander.
    À la lumière des événements récents, comme le meurtre horrible d'une femme enceinte par sa famille devant le palais de justice, croyez-vous que le gouvernement afghan est prêt à vraiment punir ceux qui commettent des crimes contre les femmes?
    Pas du tout, je ne le crois pas. Je crois que la détermination des peines est aussi très décentralisée. Lorsque des pressions internationales sont exercées, le gouvernement intervient parfois.
    Toutefois, il est important de se rappeler que bon nombre de ces décisions sont prises au niveau local. Tout processus de réforme doit soit forcer le gouvernement à intervenir, soit prendre racine au niveau local. Des juges dans tout leur apparat à Kaboul peuvent prendre des décisions, mais ces décisions n'atteignent pas ceux qui se trouvent à Sayed Abad, à Zurmat ou en provinces éloignées.
    Je pense qu'ils ont agi lorsque la pression internationale s'est fait sentir, mais je ne les vois pas... Il faut vraiment trouver une solution au niveau local.
    Selon vous, quelle est la principale cause des iniquités auxquelles les femmes sont confrontées en Afghanistan? Quelle est la solution?
    Si je pouvais répondre à cette question, je pourrais dire mission accomplie.
    Il y a tout un contexte historique, et ces iniquités ne datent pas d'hier, mais je pense qu'elles découlent en bonne partie de la guerre. En temps de guerre, les femmes sont souvent mises à l'écart, on leur dit: « Attendez. Nous allons régler la situation. Nous allons faire la paix et nous allons vous réintégrer dans le processus. » Voilà où la communauté internationale peut agir et doit affirmer: « Non. Nous allons intégrer les femmes au processus. Si 10 personnes participent au processus de rétablissement de la paix, nous voulons que deux soient des femmes sinon nous ne bougerons pas. »
    Personne ne peut expliquer de façon exhaustive pourquoi les femmes sont marginalisées. Je pense que les pressions font partie de la solution ainsi que la volonté de passer de la parole aux actes en affirmant: « Non, nous ne vous donnerons rien avant que vous ayez accompli ces trois choses. »
(1320)
    Je passe la parole à M. Sweet pour la prochaine question, monsieur le président.
    Madame Haag, je vous remercie d'être parmi nous.
    J'ai bien des questions à vous poser, mais je vais commencer par celle-ci. Avez-vous une idée du pourcentage de jeunes filles qui vont à l'école à l'heure actuelle en Afghanistan? Je sais que la ventilation régionale souligne la différence entre les provinces, mais avez-vous une idée de ce pourcentage?
    Vous avez cette information, pas moi. J'ai un document ici qui montre que ce taux a considérablement augmenté depuis l'époque des Talibans, et le taux est beaucoup plus élevé chez les jeunes filles. Par exemple, j'ai récemment lu que dans la province de Bamyan et dans certaines des provinces hazara, jusqu'à 43 % des filles vont à l'école.
    Dans les endroits où j'ai travaillé, dans l'est de l'Afghanistan, comme dans les provinces de Paktia, de Wardak ou de Logar, il y a des fluctuations entre les districts, mais le taux peut être aussi bas que 10 %, 20 % ou 30 %. Il peut y avoir des écarts notables entre les provinces. Je dirais qu'en moyenne, le taux se situe probablement entre 20 et 40 %.
    Merci.
    Merci.
    Passons maintenant à M. Marston.
    Merci, monsieur le président.
    Staci, je veux simplement vous dire qu'il y a quelques années, j'ai passé deux magnifiques journées au lac Leelanau, pas très loin d'où vous êtes actuellement.
    Les raisons premières pour lesquelles nous avons fait la guerre en Afghanistan n'ont rien à voir avec la scolarisation des femmes. Les discussions ont évolué, et on souhaite que davantage de femmes fréquentent l'école; il est bouleversant de constater les souffrances que certaines ont vécues en essayant de fréquenter l'école.
    Je regarde les chiffres et les disparités entre ceux que vous nous avez donnés dans vos observations; vous disiez que si on commence à 3 % et qu'on passe à 6 %, il s'agit d'une augmentation de 100 %, mais c'est encore loin d'être suffisant. Parfois, lorsqu'on entend parler de ces rapports, je me demande si ces chiffres sont exprimés de manière à justifier notre présence là-bas initialement.
    J'ai passé six mois en Arabie saoudite il y a 30 ou 35 ans. L'entreprise pour laquelle je travaillais faisait affaire avec eux, et on avait l'impression que les Saoudiens étaient plutôt retardés à l'époque, comparativement à cela.
    Je me demandais ce que vous pensiez des chiffres et de la façon dont ils sont exprimés.
    Quand je travaillais en Afghanistan, j'ai entre autres établi le profil des districts. Mon équipe et moi nous rendions au ministère de l'Éducation et demandions combien d'écoles étaient ouvertes et combien de filles les fréquentaient. En général, on obtenait des chiffres très prometteurs, ce qui explique mes hésitations dans ma réponse sur les pourcentages, parce que personne selon moi ne peut donner un pourcentage juste. Le ministère de l'Éducation affirmait qu'un certain nombre d'écoles étaient ouvertes et qu'un certain nombre de filles les fréquentaient. Ensuite, je demandais aux membres de mon équipe de parler aux gens dans la collectivité et de leur demander s'ils envoyaient leurs filles à l'école. Selon les districts, les réponses variaient; parfois c'était: « Oui, tout va bien », et parfois c'était: « Non, nous n'envoyons aucune de nos filles à l'école ». Les réponses sont différentes d'un endroit à l'autre.
    Comme j'ai dit, j'ai une bonne connaissance régionale des secteurs de l'est où l'on parle le pachtou. Toutefois, pour la plupart des districts, les statistiques du gouvernement sont les meilleures disponibles. Je ne sais pas s'il enrobe volontairement les chiffres, mais au final, si 12 écoles ont été construites, c'est ce qui est écrit dans ces rapports. Est-ce que les gens peuvent ou non fréquenter ces écoles? Il s'agit là d'une question tout à fait distincte qui n'est pas souvent posée.
    Je vais revenir à mon expérience en Arabie saoudite. Ce dont je vais parler est un peu choquant. En Arabie saoudite, l'accès des femmes à l'éducation était beaucoup plus élevé que là où vous étiez, mais la violence faite aux femmes, dans les deux endroits, est sociale et culturelle. Quand je parlais de controverse, je faisais allusion à la mutilation génitale des femmes et au préjudice causé aux femmes en Arabie saoudite, un pays censé être plus moderne que l'Afghanistan. Si on pense à l'Afghanistan et aux souffrances qu'elles vivent... Même si le gouvernement adopte une loi, je me rends compte que dans certaines parties du monde, les lois n'ont pas beaucoup de signification, parce que la culture est plus importante et que dans bien des cas, on n'en tient pas compte, même le judiciaire en fait fi.
    Est-ce le cas en Afghanistan?
(1325)
    Oui. Je pense avoir parlé plus tôt de l'exemple de la loi sur l'élimination de la violence faite aux femmes, qui a attiré beaucoup l'attention parce qu'elle a été très mal appliquée et mise en oeuvre partout au pays.
    Il y a des façons d'éduquer la police et de ne pas seulement éduquer les femmes à propos de leurs droits mais aussi à propos de l'application de la loi, c'est-à-dire qu'on peut envoyer des gens en prison. Si 10 hommes battent leurs femmes et qu'aucun n'est envoyé en prison, personne ne se rendra compte du tort qui a été causé. On peut parfois susciter des changements en imposant des conséquences pour certains actes. À l'heure actuelle, il n'y a pas assez de conséquences pour ces actes. Si 10 hommes battent leurs femmes et que les 10 se retrouvent en prison pour 10 ans, les 10 prochains hommes vont probablement y penser à deux fois avant de battre leurs femmes. C'est comme ça que ça fonctionne.
    Il est essentiel d'appliquer la loi, et à l'heure actuelle on ne l'applique pas assez.
    Ce pays a vécu des guerres qui ont duré des générations, d'abord avec l'Union soviétique et maintenant avec le dernier groupe qui s'y est immiscé et qui mène un combat. C'est sans doute présent dans l'esprit de ces gens comme dans peu d'autres endroits dans le monde. Je pense que ça explique pourquoi ils ont autant de retard dans certains domaines.
    Vous avez parlé des personnes les plus débrouillardes qui mettent sur pied des écoles dans des résidences privées. Il existe manifestement un désir d'apprendre, et c'est peut-être le changement culturel communautaire qui est nécessaire pour changer la mentalité des hommes. Pour commencer, cette mentalité doit accorder une valeur différente aux femmes et accorder de la valeur à leur capacité intellectuelle, parce que ce n'est pas ce qu'on constate en ce moment.
    Je pense que ces exemples d'écoles maison procurent peut-être l'ouverture nécessaire.
    Oui. Il faut dire qu'avant la mise sur pied de ces écoles, les personnes qui ont eu cette idée en ont d'abord parlé aux hommes aînés. Ceux-ci ont agi comme intermédiaires avec les Talibans, qui, au final, dirigent le village. Peu importe les personnes responsables, au final, au quotidien, les Talibans décident. Donc les aînés ont agi comme intermédiaires. Ils ont négocié avec les hommes, les ont convaincus que ça ne représentait pas de menace pour eux, et les écoles ont pu ouvrir.
    Alors oui, la participation des hommes au processus est absolument essentielle. Parfois, on y arrive en attirant l'attention d'un père qui a une petite fille. Parfois on attire l'attention, comme j'ai dit plus tôt, en énonçant les conséquences de l'inaction. Les gens comprennent les conséquences. Si quelqu'un veut construire une nouvelle grande école, une grande nouvelle raffinerie ou toute autre installation et que cette personne doit intégrer une femme à son équipe pour y arriver, ce sera fait.
    Je pense que c'est très clair.
    J'ai une dernière petite question.
    Puisqu'une partie de l'attention de la communauté internationale a été détournée de l'Afghanistan, avez-vous constaté un retour à certaines anciennes habitudes?
    Les femmes auxquelles j'ai pu parler à Kaboul étaient très différentes des femmes des régions rurales, où je n'ai pas vraiment pu voyager pour des raisons de sécurité. Les femmes que je connais craignent ce qui se produira après le retrait de tous les pays, parce qu'elles craignent un grand recul.
    Depuis 18 mois, je constate que de plus en plus de gens sont prêts à parler de ce qu'ils veulent, ce qui est positif. C'est très positif, mais les progrès sont lents. Je ne peux que parler des 19 derniers mois, au cours desquels j'ai remarqué certains petits progrès, mais on partait de rien. Dans la vallée de Tangi ou à Sayed Abad, si aucune fille ne fréquentait l'école auparavant et qu'il y en a maintenant 20 qui la fréquentent, c'est très bien. C'est un très petit pas dans la bonne direction.
(1330)
    Merci.
    Passons maintenant à M. Sweet.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Haag, je vous remercie à nouveau d'être parmi nous.
    Je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue. Vous vous heurtez aux mentalités culturelles et sociétales en plus de tout le reste. Je pense que vous avez raison quand vous dites qu'il faut s'assurer que les lois sont appliquées. Quand on traduit les gens en justice et qu'on les envoie en prison, on envoie un message très clair.
    Je me demandais si votre expérience sur le terrain vous a permis de rencontrer des défenseurs masculins des droits des femmes sur le plan culturel dans certaines de ces provinces.
    Je ne peux pas vous fournir de noms précis. Dans bon nombre des rapports, les noms étaient plutôt d'ordre général et l'on nommait surtout des postes. Mais je peux vous dire qu'à Sayed Abad, l'école de filles est ouverte uniquement parce que les aînés locaux l'ont approuvée. À Zurmat, dans la province de Paktia, on a systématiquement trouvé des femmes, pour ensuite les perdre et les retrouver de nouveau. Si nous avons pu faire un tout petit pas en avant, c'est parce que les hommes ont dit qu'ils avaient besoin de femmes.
    Une partie de tout cela est fort réfléchie. Ils comprennent qu'ils obtiendront plus d'aide s'ils ont des femmes qui pourront demander des fonds de certains programmes destinés aux femmes. Il s'agit de leur faire comprendre que ce sera à l'avantage de la collectivité si les femmes peuvent postuler pour suivre des cours de coupe et de couture. La plupart des aînés locaux s'en rendent compte. Ils ne sont pas stupides. Ils ont un esprit très pratique et comprennent les conséquences de tout cela. Je n'ai pas de noms à vous fournir, mais je peux vous dire que dans bien des villages, lorsque j'y étais, je commençais à voir de plus en plus d'hommes dire qu'ils en avaient besoin car c'était à leur avantage.
    C'est plus pratique qu'idéaliste.
    Oui, tout à fait. C'est absolument pratique. Mais, pour être franche, je crois que c'est plus durable comme ça.
    Oui.
    Vous avez mentionné que quel que soit le pourcentage — vous avez dit que vous n'étiez pas en mesure d'obtenir de chiffres en raison de plusieurs facteurs — ce sont surtout les jeunes filles qui fréquentent les écoles.
    J'ai une hypothèse à cet effet, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Qu'arrive-t-il lorsque les filles vieillissent? Pourquoi ne restent-elles pas à l'école?
    Elles sont obligées de travailler. Elles sont obligées de se marier. On les retire de l'école.
    Je pense qu'il est plus facile d'envoyer une jeune fille à l'école car il n'y a pas grand-chose d'autre que l'on puisse faire avec elle. Plus une fille vieillit, plus elle devient utile de diverses façons pour sa famille. C'est à ce moment-là que les familles la retirent de l'école. C'est clairement lié à la famille et au travail. La même chose se produit pour les garçons dans les régions rurales, mais pour des raisons différentes. Les garçons peuvent être retirés de l'école pour travailler à la ferme. Les filles en sont retirées pour faire de la couture ou se marier très jeunes.
    Vous avez indiqué qu'en Afghanistan, avec la mentalité de guerre, les femmes sont mises de côté et les hommes disent qu'ils vont s'en occuper. Nous avons fait bon nombre d'études et nous avons entendu beaucoup de témoignages sur l'utilisation du viol comme arme de guerre.
    Quelle en est la prévalence en Afghanistan? À quel point est-ce que les Talibans essaient de démoraliser les hommes en ayant recours à cette tactique? Est-ce que cela se produit en Afghanistan?
    Je n'en ai pas beaucoup entendu parler. Cela ne veut pas dire que cela ne se produit pas. Je ne peux tout simplement pas en parler car je ne le sais pas. Je suis désolée.
    Très bien.
    Enfin, vous avez mentionné que comme on commence à partir de zéro, on constate beaucoup de progrès. Mais si on compare la situation à celle de l'Occident, il s'agit d'une toute autre histoire.
    Vous avez parlé des 18 derniers mois. J'imagine donc que vous avez été très présente au cours de cette période. Les gens vous ont parlé de ce qu'ils souhaitaient, mais est-ce qu'ils parlent plus qu'avant des droits de la femme?
    Oui. Dans mon programme tout particulièrement, nous avons travaillé activement afin d'embaucher des femmes pour qu'elles travaillent pour nous. Nous sommes passés de rien à quelque chose de considérable. Le progrès que j'ai constaté est peut-être exagéré parce que quand je suis arrivée il n'y avait absolument aucune activité et quand j'ai quitté l'Afghanistan 18 mois plus tard, il y avait des femmes qui participaient et qui militaient en faveur de l'éducation et d'autres petites choses également. Dans les districts les plus progressistes, les hommes et les femmes se réunissaient dans des efforts de militantisme conjoints. Il s'agit d'un pas en avant assez important et c'est un des chemins que l'on souhaite emprunter.
    Alors oui, j'ai constaté du progrès. Il y a également beaucoup de personnes qui viennent à Kaboul parce qu'elles croient que leurs enfants y ont de meilleures chances de recevoir une bonne éducation. Il y a également bon nombre de filles qui obtiennent une éducation et qui veulent quitter le pays car elles ne pensent pas y avoir un bel avenir. C'est nocif à long terme pour le pays, mais on peut absolument comprendre pourquoi elles veulent partir.
(1335)
    Merci beaucoup.
    Avez-vous quelque chose à rajouter, monsieur Sweet?
    Non. Ça va.
    Alors j'aimerais poser une question avant de céder la parole à M. Cotler, puisqu'il reste un peu de temps en temps de parole de M. Sweet.
    Il vous a posé une question au sujet des parents qui militent de manière proactive afin que leurs filles soient éduquées. Je peux tout à fait comprendre pourquoi un parent souhaite que sa fille aille à l'école. J'aimerais maintenant retourner la question. Je n'ai jamais compris — et peut-être que vous pouvez éclairer ma lanterne — pourquoi les Talibans s'opposent à l'éducation des femmes. J'imagine que le Coran ne s'oppose pas à ce que les femmes reçoivent une éducation, apprennent à lire, etc. S'agit-il d'une espèce d'idéologie tribale? Qu'est-ce qui motive cela? D'où est-ce que cela vient?
    Je pense que tout cela est ancré dans la peur. Personnellement, je crois que l'une des raisons pour lesquelles les femmes sont opprimées, non seulement en Afghanistan mais dans bien des endroits du monde, c'est parce que les gens ont profondément peur de partager le pouvoir. Quand vous rabaissez 50 % de la population au point où elle ne vous contestera jamais, cela représente 50 % d'opposants potentiels de moins à l'avenir. C'est une décision politique.
    C'est également ancré dans la tradition, celle de l'époque tribale pré-islamique. L'Islam est assez positif en ce qui a trait aux droits des femmes à bien des égards, mais comme dans tout, il y a place à l'interprétation. Les Talibans ont choisi une interprétation qui opprime les gens, car plus on opprime quelqu'un, moins il risque de se soulever et de vous remettre en question.
    Très bien. Y a-t-il une loi islamique qui leur permet d'expliquer pourquoi ils se comportent ainsi? Ou est-ce qu'ils ne font que dire qu'il s'agit d'une question de pouvoir et qu'ils ne veulent pas que les femmes soient éduquées, qu'ils font la loi?
    Je suis certaine qu'ils ont trouvé des versets pour appuyer leurs propos. Il n'y en a aucun qui me vienne à l'esprit, mais c'est la même chose dans les autres religions. On peut toujours trouver un verset pour appuyer ses propos, puis prétendre que c'est le seul verset qui existe.
    Très bien. D'accord.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Cotler. Merci.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais également vous souhaiter la bienvenue, madame Haag. Je vous remercie de votre exposé ainsi que de votre expérience et de votre travail en Afghanistan.
    Vous avez mentionné dans votre exposé que le fait d'adopter de bonnes lois ne changera pas grand-chose à moins que l'on ne mette l'accent sur leur mise en oeuvre. Cela me fait penser à une loi en particulier, soit celle sur l'élimination de la violence à l'endroit des femmes. Comme vous le savez, cette loi a pour objectif de renforcer les droits des femmes et de criminaliser la violence, notamment la violence conjugale. À quel point est-ce que cette loi est connue? Comment est-elle perçue? D'après vous, à quel point est-elle appuyée par les forces de l'ordre, le pouvoir judiciaire et les militaires?
    Je vous dirais que cette loi est fort bien connue des militantes les plus éduquées qui vivent dans les grandes villes. Elle est moins bien connue des femmes qu'elle devrait aider le plus, soit les femmes qui habitent dans les régions rurales et qui n'ont pas accès à la justice.
    En ce qui a trait aux policiers et aux militaires, je ne peux pas vraiment vous parler des forces de l'ordre en Afghanistan. D'après mon expérience dans d'autres pays similaires, les policiers ont tendance à faire ce qu'ils estiment le mieux pour la famille. Bon nombre de fois, il s'agit de renvoyer la femme à la maison. J'imagine que la même chose se produit en Afghanistan, tout comme je l'ai vu dans les autres pays où j'ai travaillé.
    En règle générale, les gens perçoivent la loi comme n'étant pas réellement appliquée. Si vous faisiez un sondage à l'extérieur des grands centres urbains, j'imagine que la plupart des femmes vous diraient qu'elle n'a absolument aucune incidence sur leur vie. Bien souvent, les femmes avec qui j'ai travaillé m'ont raconté des histoires sur la façon dont on essaie de régler les problèmes de violence conjugale... L'autre jour, on m'a raconté qu'une femme marchait près d'une maison et a entendu une autre femme pleurer. Elle est entrée dans la maison et a parlé avec le mari de la femme. Elle a fait appel à plusieurs aînés, et l'homme a convenu d'arrêter de battre sa femme. C'est comme cela qu'on règle le problème de la violence conjugale à l'heure actuelle. Cela se fait à un niveau personnel, mais certainement pas national ou juridique.
(1340)
    Vous avez parlé de l'importance de la mise en oeuvre. Étant donné vos derniers propos, pensez-vous que dans le contexte actuel, l'application de la loi va prendre la forme que vous venez de nous décrire plutôt que celle d'un cadre formel dans lequel les juges et les policiers seraient à la fois sensibilisés et parties prenantes de sa mise en oeuvre?
    Les deux. Je pense que s'il n'y a aucune conséquence pour les agresseurs, ils vont continuer à agresser les gens. Une composante clé de la création de conséquences est de mieux sensibiliser — et pour être franche —, de forcer les policiers et les juges à jouer leur rôle. On permet aux agresseurs de rentrer chez eux et on les laisse sortir bien trop tôt. Tant et aussi longtemps que cela se produit à l'échelle macro, les plus petites histoires comme celle que je viens de vous raconter ne seront qu'un grain de sable dans l'univers. Il faut absolument mettre l'accent sur la mise en oeuvre, et ce n'est pas ce qui se produit en ce moment.
    Vous avez mentionné que depuis 18 mois, davantage de femmes sont prêtes à parler de ce qu'elles veulent et de ce dont elles auraient besoin. J'aimerais savoir si au cours de la campagne électorale, les droits des femmes et des filles et les enjeux qui leur sont propres ont fait partie du discours.
    Oui. Je n'ai pas travaillé personnellement à la campagne politique, alors je ne suis pas aussi familière avec cela. Je sais que les femmes avec qui j'ai travaillé appuyaient des candidats qui étaient tous très déterminés à en parler. Certains candidats le faisaient mieux que d'autres. Les candidats avaient plus de chance d'emmener leurs femmes et d'en parler davantage. C'est ce que j'ai lu. D'après mes lectures, le consensus général indiquait qu'il y avait un petit plus de discussions à ce propos.
    Maintenant, compte tenu du nouveau leadership et du retrait des Américains, comment est-ce que les gens perçoivent la situation en ce qui a trait aux droits des femmes dans cette nouvelle configuration?
    Les militants en faveur des droits de la femme sont plutôt inquiets. Ils estiment, comme je l'ai dit auparavant, que les gains... Il y a eu des gains, et ils craignent un recul une fois que les pays d'Occident seront partis. En effet, à l'heure actuelle, ce qui leur permet de conserver ces gains, c'est notamment la pression qu'exerce l'Occident. Les gens ont réellement peur qu'il y ait un recul avec le retrait de l'Occident.
    Étant donné cette crainte tout à fait compréhensible de recul, y a-t-il un rôle particulier que le Canada pourrait jouer à cet égard?
    Qui dit recul ne dit pas refus définitif de négocier. Comme je l'ai dit plus tôt, je pense qu'il faut exercer une pression constante et fixer des attentes constantes. Il s'agit d'établir les contreparties de l'aide qui est fournie ou des accords commerciaux qui sont signés. C'est dire: « Vous voulez ceci, nous voulons cela. » Très souvent, on donne sans exiger de contrepartie, mais je pense qu'il faut en exiger, pour la cause des femmes. Il n'y a pas de mal à exiger de contrepartie, particulière pour tout ce qui concerne le traitement des femmes et leur participation à la prise de décisions.
    Mon temps de parole était limité, c'est pourquoi je me suis concentrée sur l'éducation, qui est à la base de tout, mais à mesure qu'on monte dans l'échelle, c'est au niveau du processus décisionnel qu'on peut avoir une incidence. S'il est prévu qu'il y ait une réunion avec quelqu'un et trois autres décideurs, on peut exiger que l'un d'entre eux soit une femme. C'est une mesure positive qu'on peut prendre. Ils vont peut-être rechigner au départ, mais à partir du moment où une femme participe aux discussions, tout est possible.
(1345)
    Le Canada a participé à des missions de formation en Afghanistan et ailleurs dans le monde auprès de ceux qui travaillent dans le secteur judiciaire, à savoir la magistrature, la police, etc. Pourrions-nous favoriser la participation des femmes dans le secteur judiciaire en général, que ce soit dans la magistrature ou ailleurs, et dans l'amélioration des cadres juridiques et de la situation sur le terrain?
    Je pense que ce serait formidable.
    Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai fait en Afghanistan, mais j'ai participé à un programme destiné aux femmes en Irak. J'ai organisé une rencontre entre des chefs de police et des groupes de femmes pour qu'ils sachent quoi faire si des victimes de violence conjugale se présentaient au poste. Les femmes comprenaient mieux ce qu'elles pouvaient faire.
    Ces rencontres n'avaient pas uniquement lieu dans leurs villages. Je les ai emmenées dans les villes, où les femmes croyaient que les conditions étaient un peu meilleures, pour qu'elles comprennent exactement ce qui se fait et pour qu'elles réfléchissent à une façon de mieux appliquer cette loi.
    Oui, je pense que ce serait très important.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci monsieur Cotler.
    Nous passons maintenant à M. Benskin.
    Merci, madame Haag, pour votre exposé. Je prends des notes depuis tout à l'heure et je me demande par où je vais commencer.
    J'aime bien mettre les choses en contexte. Moi, ce qui me gêne — et je pense que vous en avez parlé —, c'est que nous, les pays occidentaux, tentons de changer la façon dont devraient vivre ces populations. On change le contexte sans l'appui...
    Sur la violence conjugale, vous avez donné un très bel exemple, celui de la femme qui passe devant une maison et qui entre pour parler au mari. Elle lui a montré pourquoi ce n'était pas une bonne idée de violenter sa femme.
    Je me demande comment l'Occident peut façonner les choses. Vous parlez de mettre certaines choses en oeuvre, mais pour beaucoup de gens, c'est culturel. C'est comme ça depuis la nuit des temps, alors pourquoi cela changerait-il maintenant? Vont-ils m'emprisonner pour quelque chose qui se fait depuis toujours, et pourquoi donc?
    Ce serait le premier volet de ma question. Il s'imbrique dans le second, qui concerne les écoles. Vous avez parlé de femmes qui se sont adressées aux aînés, qui eux se sont adressés aux Talibans pour que ces écoles puissent ouvrir.
    Encore une fois, dans quel contexte ces écoles ont-elles pu ouvrir? Et sur le programme, que pouvait-on y enseigner? Imposait-on des limites à ce qu'on pouvait enseigner à ces jeunes femmes?
    Je vais commencer par le second volet de votre question.
    Je ne sais pas ce qu'ils enseignent exactement. Pour vous parler franchement, je trouve que c'est une erreur de se mêler de ces détails quand on fournit de l'aide. Je voulais qu'ils pensent à leur propre projet, puis les aider à le concrétiser.
    La qualité de l'éducation n'est probablement pas terrible. Ce n'est peut-être pas la meilleure école, mais ils créent de nouvelles coutumes. Tous les jours pendant six mois, les filles se lèvent et vont à l'école. C'est probablement plutôt quatre, cinq ou six mois par année, car elles s'arrêtent pendant l'hiver et l'été, mais c'est une nouvelle tradition qui naît pour ces écolières.
    On peut toujours améliorer les programmes scolaires à l'avenir. En ce moment, le plus important, c'est qu'elles apprennent quelque chose, pas ce qu'elles apprennent. Les manuels sont donnés. Les enseignants sont tirés de la collectivité. À ma connaissance, elles apprennent à compter, à lire et à écrire, et c'est tout.
    Pour le reste, je ne sais pas, et je ne crois pas qu'il y ait lieu d'en savoir plus à ce stade-ci. Ce serait la deuxième, la troisième ou la quatrième étape à venir.
    Vous avez également posé une question sur la violence conjugale, n'est-ce pas?
(1350)
    Oui. Je suppose que nous leur disons: « Nous ferons ceci si vous cessez de faire cela » — c'est bien — « Si vous encouragez la participation des femmes, si vous mettez fin à la violence conjugale, nous vous donnerons ceci. »
    Vous avez dit tout à l'heure que ces comportements peuvent cesser immédiatement pour des raisons pratiques, mais ne faut-il pas craindre que les gens retournent à leurs vieilles habitudes? Il faut bien les sensibiliser ou changer le contexte pour que ces changements soient durables. Je me demande si vous seriez d'accord.
    Oui, en partie, mais je crois que nos comportements changent avec le temps sous l'effet des lois. Dans bien des pays occidentaux, comme au Canada et aux États-Unis, certaines de nos croyances effroyables ont changé grâce à la loi. Peut-être que certains râlent contre la loi, mais ils ne veulent pas en subir les conséquences. À long terme, les générations futures n'en reviennent pas que telles ou telles choses aient été permises ou que leurs parents aient fait ceci ou cela.
    Je crois que parfois, il faut exécuter. Parfois, il faut faire appliquer les lois et laisser les choses suivre leur cours, les jeunes générations étant beaucoup plus réceptives à ce type de changement.
    En matière culturelle, vous avez fait mention de la culture à domination masculine où il serait permis de maltraiter sa femme, mais je n'ai toujours pas rencontré une femme qui soit d'accord. C'est également une question de respect.
    Je voudrais également faire valoir l'importance de respecter un pays en entier, car bien des gens ne sont pas d'accord avec ces pratiques. Ceux à qui cela convient semblent mieux se faire entendre, et il est important de rappeler qu'il ne s'agit pas de changer une culture de façon radicale. Il s'agit de respecter un grand nombre de personnes qui n'ont pas pu se faire entendre.
    Merci.
    C'est tout?
    Oui.
    Merci.
    Il restait un autre dossier à traiter, sur un autre sujet, et je voudrais m'assurer qu'on puisse s'y attarder. Pourrions-nous le faire maintenant?
    Je voudrais simplement poser une question.
    Dans ce cas-là, monsieur Sweet, vous avez la parole pour quelques minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais aborder le cas effroyable de Sahar Gul, cette jeune de 13 ans qui a été emprisonnée. Ils lui ont arraché les ongles. C'est abominable. Sa belle-famille a subi un procès, été déclarée coupable, condamnée à 10 ans de prison, puis relâchée au bout d'un an.
    Oui, après un an.
    Le gouvernement a-t-il pris des mesures relativement à cette affaire?
    Pas à ma connaissance, mais cela ne veut pas dire que le gouvernement n'a rien fait. Selon les dernières informations que j'ai reçues, la belle-famille a été libérée au bout d'un an. Les gens se plaignaient, mais rien ne se produisait. Encore une fois, cela ne veut pas dire que rien ne s'est produit. À ma connaissance, rien de plus ne s'est produit. Ce sont les dernières informations que j'ai reçues.
    D'accord.
    Vous avez fait allusion aux Talibans à plusieurs reprises. C'est évidemment très troublant pour nous.
    Vous avez fait mention des villages et provinces reculés, etc. Les aînés s'adressent-ils aux Talibans dans ces régions, ou cela se produit-il directement à Kaboul?
    Dans les régions périphériques. Je crois que Kaboul est très clairement entre les mains du gouvernement.
    Dans d'autres régions d'Afghanistan, c'est différent. Certaines régions sont toujours sous la coupe des Talibans. Ce sont eux qui sont aux commandes. C'est la réalité des choses. Elle ne fait pas plaisir, mais c'est la réalité, et il faut au moins la reconnaître. Ces écoles n'auraient pas été ouvertes sans leur permission, car ce sont eux qui sont à la barre. Il faut comprendre que c'est le quotidien de ceux qui vivent dans ces villages.
    J'aimerais bien avoir un peu plus d'information là-dessus, madame Haag. Ce sont des gens dans ces villages qui vous l'ont dit ou en avez-vous été témoin vous-même?
    Non. Ce sont les gens dans les villages qui en parlent. Tout mon personnel vient de cette région, où il y a des points de contrôle.
    D'accord.
    Vous avez dit tout à l'heure — et je suis d'accord avec vous — qu'il était important de créer de nouvelles coutumes, une nouvelle tradition, celle d'aller à l'école, mais n'y a-t-il pas de mécanismes en place pour améliorer la qualité de l'éducation? Ne pourrions-nous pas à tout le moins commencer à l'améliorer?
(1355)
    Oui. Le problème de l'aide humanitaire en Afghanistan, c'est qu'il y a beaucoup de plans d'action, beaucoup de plans stratégiques. Le ministère afghan de l'Éducation a publié un très beau rapport de 87 pages, financé par l'UNESCO, sur l'amélioration de l'alphabétisation. La difficulté, c'est que très souvent, tout se passe à Kaboul et les mesures ne sont pas prises là où les gens en ont le plus besoin.
    Combien de partenaires internationaux financent votre programme?
    Eh bien, je n'y suis plus, mais mon ancien programme était financé par USAID.
    Que USAID?
    Oui.
    Donc USAID et le Canada mettent la main à la pâte. Y a-t-il d'autres partenaires internationaux qui sont mobilisés et qui financent ce type d'initiative?
    Oui. Les Australiens y sont toujours. À ma connaissance, les grandes ONG, comme l'IRC ou l'IRG, sont toujours actives sur le terrain.
    Rendent-elles des comptes comme il se doit? S'emploient-elles à obtenir des résultats et à militer pour la participation des femmes ou cela crée-t-il un malaise?
    J'hésite un peu à parler des autres programmes.
    Je sais que je me suis heurtée à une certaine résistance quand j'ai essayé d'embaucher des femmes pour mon propre programme. On a tendance à être trop prudent, à ne pas vouloir froisser, alors que bien des femmes souhaitent y participer. Comme je l'ai dit plus tôt, nous ne respectons que la moitié de la culture lorsque les femmes sont exclues. L'Afghanistan compte un grand nombre de femmes brillantes, bien instruites, qui veulent participer, mais qui se sentent intimidées ou menacées. Pour la communauté internationale, je pense que le mieux serait d'essayer de trouver ces femmes et de leur demander de participer à ces programmes.
    Je serais d'accord avec vous pour dire que l'excès de prudence est une pratique courante en affaires étrangères. En toute justice, il y a de bonnes raisons à cela, mais, oui, nous le comprenons intimement.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci.
    L'heure est venue de vous remercier, madame Haag, pour votre témoignage. Nous vous remercions sincèrement d'être venue et de nous avoir bien éclairés. Tout le monde vous en remercie grandement.
    Merci beaucoup pour votre temps. Je vous remercie pour l'invitation.
    Cela a été un grand plaisir.
    Chers collègues, nous allons maintenant traiter un autre sujet. Nous allons suspendre la séance, puis passer à huis clos.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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