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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 032 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 avril 2012

[Enregistrement électronique]

(1310)

[Traduction]

[Français]

    Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui, le 24 avril 2012, c'est notre séance no 32.

[Traduction]

    Nous poursuivons notre étude de la situation des droits de la personne en Iran. Il s'agit de la mise à jour de l'information que nous avons entendue pendant des séances tenues il y a quelques années sur ce sujet.
    Nous accueillons aujourd'hui deux témoins: Susanne Tamás, représentante de la Communauté bahá'íe du Canada, et Payam Akhavan, professeur de l'Université McGill, qui nous parlera depuis New York.
    Comme il y a beaucoup de bruit et de confusion, il sera plus simple de commencer par entendre le témoin qui est avec nous ici dans la salle plutôt que M. Akhavan.
    Madame Tamás, veuillez présenter votre déclaration. Ensuite, nous entendrons M. Akhavan et après, les députés vous poseront des questions.
    Madame Tamás, à vous.
    Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité, de m'avoir invitée à décrire l'évolution de la persécution religieuse des bahá'ís en Iran depuis notre témoignage sur le sujet, le 26 février 2009.
    Comme vous l'aviez prévu dans votre rapport L'Iran d'Ahmadinejad, et comme le confirment les Nations Unies, Amnistie internationale et d'autres organismes de la société civile, la situation générale relative aux droits de la personne s'est dégradée de façon marquée en Iran depuis, et particulièrement dans le cas des bahá'ís.
    Trois événements survenus depuis ma dernière comparution en témoignent: les procès intentés et le traitement réservé aux dirigeants de la communauté bahá'íe; les attaques concertées contre Institut bahá'í d'études supérieures, le BIHE, et la fréquence accrue des arrestations et des cas de détention arbitraire.
    Permettez-moi de situer le contexte dans lequel s'inscrivent ces événements. Dans son rapport de 2012 sur l'intensification de la répression des dissidents en Iran, Amnistie internationale a indiqué ce qui suit: « Les non-musulmans, particulièrement la communauté bahá'íe, ont été de plus en plus diabolisés par les officiels iraniens et dans le média iranien contrôlé par l'État. Des appels répétés du leader suprême et autres autorités pour combattre les “fausses croyances” — apparemment une allusion à la chrétienté évangélique, au baha'isme et au soufisme — semblent avoir conduit à un accroissement des persécutions religieuses ».
    Ce document, publié par la communauté bahá'íe internationale, répertorie 360 articles publiés dans les périodiques ou sur Internet ainsi que 58 colloques, conférences et ateliers incitant à la haine contre les bahá'ís d'Iran entre janvier 2010 et mai 2011. Le rapport décrit également l'inclusion de mesures pour les programmes scolaires afin de confronter la religion bahá'íe dans les budgets nationaux et provinciaux, de même que l'établissement d'organismes officiels à cette fin. Le gouvernement iranien a effectivement institutionnalisé l'incitation à la haine contre les membres de cette confession religieuse, permettant ainsi qu'on persécute les bahá'ís impunément.
    J'aborde maintenant le procès intenté et le traitement réservé aux sept bahá'ís qui faisaient partie d'un comité spécial chargé de veiller aux besoins spirituels et sociaux de la communauté bahá'íe à l'échelle nationale. Après avoir ordonné l'arrestation de ces personnes le 14 mai 2008, les autorités iraniennes ont déclaré le comité illégal dans le but de priver la communauté de ses dirigeants. Après des mois d'isolement cellulaire au cours desquels ils ont fait l'objet d'interrogatoire musclé sans avoir accès au service d'un avocat, les anciens dirigeants bahá'ís ont été traduits en justice en janvier 2010. Ils ont tous été déclarés coupables et condamnés à la peine maximale de 20 ans de prison.
    La Cour d'appel a rejeté trois des six accusations portées contre eux — des allégations d'espionnage, de collaboration avec l'État d'Israël et de communication de documents secrets à des ressortissants étrangers dans le but de miner la sécurité du pays, et à ramener leurs peines d'emprisonnement à 10 ans. Toutefois, à la suite de l'intervention du procureur général, leurs sentences de 20 années d'emprisonnement ont été rétablies.
    D'après Mme Shirin Ebadi, lauréate du Prix Nobel, qui dirigeait les avocats de la défense:
Il n'y a pas la moindre preuve étayant les accusations portées contre eux. Les accusations d'espionnage au profit d'Israël, de propagande contre la sécurité nationale et d'autres ne sont que des prétextes. Il ne fait absolument aucun doute qu'un juge juste et impartial prononcerait leur acquittement et les remettrait immédiatement en liberté.
    Le deuxième événement dont je veux vous parler est la plus récente attaque concertée du gouvernement iranien contre l'Institut d'études supérieures bahá'í, fondé en 1987 pour répondre aux besoins des jeunes bahá'ís. Par suite d'une politique gouvernementale expressément formulée, ses jeunes se voient refuser l'accent aux universités depuis 1979 à cause de leur religion.
    Au cours de la semaine du 22 mai 2011, les autorités iraniennes ont mené des descentes dans 40 domiciles situés dans six villes du pays et arrêté 19 personnes associées à l'institut. Sept d'entre elles ont été traduites devant les tribunaux et déclarées coupables; on les avait accusées d'appartenir à la secte déviante bahá'íe dans le but de porter atteinte à la sécurité du pays afin de réaliser les desseins de cette secte déviante et d'organisations à l'extérieur du pays. Ces personnes ont été condamnées à des peines d'emprisonnement de quatre ou cinq ans et leurs efforts en vue d'offrir une éducation supérieure aux jeunes bahá'ís ont été déclarés illégaux.
(1315)
    Parmi les personnes emprisonnées figure Nooshin Khadem, une résidente permanente du Canada qui a fini son MBA à l'Université Carleton en 2003. Quand elle a obtenu son diplôme, les professeurs de Nooshin l'ont exhorté à rester au pays pour sa propre sécurité, mais elle est retournée en Iran pour aider d'autres jeunes bahá'ís qui n'avaient pas accès aux études supérieures. Deux autres jeunes bahá'ís qui avaient obtenu leur maîtrise de l'Université d'Ottawa en 2003 et qui enseignaient à l'Institut d'études supérieures bahá'í ont été arrêtés à Téhéran en septembre 2011 et condamnés à quatre ans de prison.
    Ce qui m'amène au troisième événement que je veux aborder: l'augmentation sans précédent des arrestations et des cas de détention arbitraires. En 2004, deux bahá'ís ont été arrêtés en Iran. En 2009, la dernière fois que j'ai comparu devant vous, 74 bahá'ís avaient été arrêtés. Leur nombre est passé à 125 arrestations en 2010, et en 2011, 164 bahá'ís ont été arrêtés, soit plus du double qu'en 2009. C'est une tendance claire et très inquiétante.
    La plupart des détentions se font selon un scénario familier. Des agents du gouvernement se présentent au domicile d'un bahá'í, font de longues perquisitions, confisquent des articles personnels comme les ordinateurs et les livres, puis en arrêtent les résidents. Le comportement de ces agents gouvernementaux se fait de plus en plus irrespectueux et violent. Pendant une descente dans la province du Kurdistan, 14 bahá'ís ont été interrogés au sujet des réunions de la communauté bahá'íe; on leur a demandé qui y assistait et comment ces réunions étaient organisées. Dans une descente récente à Shiraz, on a arrêté avec d'autres personnes un bébé de 18 mois. Ces trois phénomènes — l'incarcération des anciens dirigeants de la communauté, les attaques contre les personnes ayant des liens avec l'Institut bahá'í d'études supérieures et l'augmentation spectaculaire du nombre d'arrestations arbitraires et d'emprisonnements — font partie de la campagne menée par le gouvernement iranien pour éradiquer la communauté bahá'íe en tant qu'entité. Cette campagne prend de plus en plus d'ampleur et donne lieu à une nette escalade.
    Le Canada a toujours été un défenseur international des droits de la personne en Iran et il joue un rôle capital en appuyant le développement de la démocratie et de la primauté du droit dans ce pays. Tout en reconnaissant la menace que présente la capacité militaire et nucléaire de l'Iran dans la région, votre comité a attiré l'attention sur la menace énorme que pose le gouvernement iranien pour sa propre population.
    Nous félicitons votre comité d'avoir décidé d'actualiser et de déposer de nouveau sans tarder son rapport et ses recommandations. Le véritable progrès en Iran ne pourra se mesurer qu'à l'aune de l'émancipation de ses citoyens, y compris de ses citoyens de foi bahá'íe, face aux atteintes constantes aux droits de la personne perpétrées par l'État iranien.
    Nous demandons plus précisément à votre comité d'exprimer de nouveau sa préoccupation et de souligner le 14 mai prochain, quatrième anniversaire de l'arrestation des dirigeants bahá'ís, en appuyant l'adoption d'une motion de tous les partis à la Chambre des communes demandant à l'Iran de libérer les sept dirigeants bahá'ís et les professeurs bahá'ís incarcérés, et de mettre fin à la persécution des membres de la foi bahá'íe et toutes les autres personnes dont la liberté de religion, de conscience et de croyance est systématique brimée par ce gouvernement.
    Je m'arrêterai là, monsieur le président, et répondrai volontiers à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant M. Akhavan. À vous, monsieur.

[Français]

    Monsieur le président, membres distingués du comité, je vous remercie de m'avoir invité. C'est un très grand plaisir de pouvoir partager avec vous mes idées sur la situation des droits de l'homme en Iran.
(1320)

[Traduction]

    J'aimerais tout d'abord féliciter le comité de tenir une audience sur la situation des droits de la personne en Iran alors que, malheureusement, la communauté internationale ne s'intéresse qu'à la question nucléaire. Nombre d'entre nous, membres du mouvement de défense des droits de la personne en Iran, soutenons depuis déjà longtemps que le véritable problème en Iran n'est pas celui de sa capacité nucléaire, mais bien la nature du régime.
    Il s'agit d'un régime qui, puisqu'il n'a aucune légitimité, règne en menant une campagne systématique d'intimidation, de violence et de propagande haineuse. La communauté internationale doit comprendre que la situation des droits de la personne en Iran n'est pas qu'une question morale, mais qu'elle aura de lourdes conséquences sur la transformation plus vaste de la région et la solution aux problèmes de paix et de sécurité.
    Comme Mme Tamás l'a expliqué, le gouvernement iranien considère son propre peuple comme un ennemi. La plus grande menace à peser sur l'autorité de la République islamique n'est pas les États-Unis, ni Israël, ni la litanie d'ennemis que la République islamique diabolise dans sa propagande officielle. Il s'agit du seul exercice des droits humains du peuple. Lorsqu'un régime criminalise des communautés religieuses entières, qu'elles soient bahá'íes ou chrétiennes, et consacre des ressources importantes à l'arrestation de blogueurs de 16 ans et à la réglementation de toutes les interactions sur Internet, il ne faut pas y voir un signe de sa force, mais plutôt de sa faiblesse.
    À cet égard, j'aimerais vous parler brièvement aujourd'hui des mesures que le Canada peut prendre pour aider à la transformation progressive de l'Iran en une société démocratique, tout en isolant ceux qui font obstacle à la majorité des Iraniens, lesquels veulent mettre un terme aux violations des droits de la personne.
    J'aimerais tout d'abord aborder la question de l'accès à Internet. Bien que le gouvernement du Canada, et d'autres, ont récemment imposé de lourdes sanctions à l'Iran, n'oublions pas qu'il est également important d'aider le mouvement de défense des droits de la personne en Iran ainsi que la société civile en fournissant une aide technologique qui les aidera à contourner les filtres créés par le gouvernement pour empêcher le cyberespace de devenir une tribune où la société civile peut se rassembler, s'organiser et mettre en commun ses idées.
    Le gouvernement iranien a tiré des enseignements du printemps arabe et du Mouvement vert de juin 2009. Ainsi, le chef suprême de l'Iran, l'ayatollah Khameini, a établi un conseil sur le cyberespace qui a pris des mesures visant à créer ce qu'on appelle un Internet halal, c'est-à-dire un système Internet national qui permettrait d'imposer un contrôle rigoureux sur toutes les utilisations du cyberespace pour les citoyens iraniens.
    On estime le nombre d'internautes iraniens à plus de 17 millions. Il s'agit pour la plupart de très jeunes internautes chevronnés qui ont accès à la télévision par satellite. Le contrôle et la suppression de l'information sont un des éléments clés permettant au gouvernement de maintenir sa répression.
    En effet, quelque cinq millions de sites ont été bloqués par le ministère du renseignement de la République islamique. Le gouvernement canadien et d'autres devraient songer à la façon dont ils pourraient offrir une aide technologique à la société civile iranienne afin qu'elle puisse continuer à se servir de cet outil essentiel dans le cadre de sa résistance à l'oppression.
    Je tiens également à ajouter que, bien que la République islamique ait bloqué l'accès aux transmissions par satellite de la télévision perse de la BBC, de Voice of America et d'autres postes qu'elle considère une menace pour son pouvoir, la République islamique continue d'avoir recours aux services d'Eutelsat, une entreprise française, pour diffuser cinq de ses six chaînes officielles en Iran et à l'étranger.
    Press TV, la soi-disant chaîne CNN de la République islamique, a récemment été vertement critiquée pour avoir diffusé des confessions de prisonniers qui avaient apparemment été soumis à la torture. Encore une fois, si la République islamique prive ses propres citoyens du droit au libre accès à l'information, alors la communauté internationale doit de la même manière priver la République islamique d'Iran du droit de diffuser librement sa propagande et sa désinformation.
    J'aimerais revenir aux sanctions ciblées, un sujet qui a déjà été abordé devant le comité. Nous devons veiller à ce que les sanctions imposées ne pénalisent pas l'Iranien moyen, mais plutôt les dirigeants responsables des violations massives des droits de la personne.
    Le Canada, contrairement aux États-Unis et à l'Union européenne, est le seul pays occidental à n'avoir toujours pas imposé d'interdiction de voyager et de gel des actifs aux dirigeants iraniens impliqués dans les violations des droits de la personne. Or, je crois que cette mesure revêtirait une grande importance, surtout étant donné que le Canada est une destination de choix pour l'élite de la République islamique, selon de récentes révélations. Par exemple, le dirigeant de la Banque nationale iranienne coule des jours heureux au Canada et a même obtenu la citoyenneté il y a quelques années.
    Le Canada enverrait un message clair s'il indiquait qu'en plus d'imposer des sanctions, qui pénalisent très souvent sans distinction les Iraniens moyens — lesquels souffrent déjà de la situation économique épouvantable — le gouvernement mettrait sur la liste noire, en imposant des interdictions de voyager et des gels des actifs, tous les individus et leurs familles qui sont impliqués dans les violations des droits de la personne. D'ailleurs, il est mal vu d'un côté d'appuyer des résolutions à l'Assemblée générale des Nations Unies condamnant la situation à l'égard des droits de la personne en Iran et, de l'autre, découvrir peu de temps après que le dirigeant de la banque finançant les Gardiens de la révolution, le Hezbollah et le Hamas mène une vie heureuse dans son manoir de Toronto qui vaut plusieurs millions de dollars.
    J'aimerais en terminant revenir sur la question de la déportation du Canada de demandeurs d'asile. Encore une fois, le gouvernement du Canada condamne la situation à l'égard des droits de la personne en Iran, mais M. Kavoos Soofi, à Toronto, lutte contre sa déportation en Iran. Des organisations telles qu'Amnistie internationale ont déclaré officiellement qu'il risquait fort d'y être torturé, et même de se voir imposer la peine de mort, puisqu'il s'est converti de l'Islam à une autre religion et a critiqué le Guide suprême, l'ayatollah Khameini.
    Je le répète, nous ne pouvons pas condamner les violations des droits de la personne qui ont cours en Iran, tout en déportant ceux qui risquent fort d'être torturés ou même tués.
(1325)
    En terminant, j'aimerais réitérer qu'un régime qui criminalise la liberté de croyance, qui cible les communautés religieuses telles que les bahá'ís, qui impose la peine de mort à un pasteur chrétien, Youcef Nadarkhani, simplement pour avoir prêché le christianisme, et un régime qui dépense des millions de dollars pour espionner ses propres citoyens et contrôler leurs pensées et leurs croyances en est un, non pas qui jouit d'une grande puissance, mais qui souffre faute d'en avoir.
    Il incombe à la communauté internationale et au Canada d'adopter des politiques qui pénalisent les auteurs de ces violations des droits de la personne, non pas seulement en condamnant leurs actions, mais en touchant leurs intérêts, tout en aidant à donner plus de moyens d'action à la majorité des Iraniens qui veulent une transformation démocratique de leur pays.
    Merci, monsieur le président. Voilà qui conclut mon exposé.
(1330)
    Merci, monsieur.
    Il est exactement 13 h 30, ce qui veut dire qu'étant donné qu'il y a six membres du comité, nous avons chacun cinq minutes pour leurs questions, en comptant les réponses. Je propose que les députés décident à qui adresser leurs questions, puisque je doute qu'on ait suffisamment de temps pour que les deux témoins puissent répondre. Vous n'avez pas à le faire, mais je devrai peut-être vous interrompre pour qu'on avance.
    Nous devrons conclure rapidement parce que nous sommes à deux pâtés de maisons du Parlement et qu'il est difficile d'y retourner à temps pour la période de questions. En outre, il y a au moins un point à l'ordre du jour concernant les travaux du comité dont nous devons discuter avant de partir. Voilà qui limite le temps qui nous est alloué.
    Nous allons commencer avec M. Sweet, comme à l'habitude.
    Monsieur Akhavan, je vous remercie d'avoir pris le temps de témoigner devant notre comité une fois de plus. Je vous félicite également de votre excellent travail dans Le printemps de Téhéran. C'est d'ailleurs sur le Mouvement vert que je souhaite poser ma première question.
    Madame Tamás a rappelé ses propos de 2004 sur l'intensification soutenue de la répression du mouvement bahá'í. Ce niveau de répression a-t-il été maintenu à l'égard de la population en général après le Mouvement vert? Je sais que vous parliez de la nature du régime, qui est déjà plus sinistre que ce qu'on pourrait imaginer, mais est-ce que la répression s'est aggravée après l'humiliation du Mouvement vert?
    Merci, monsieur Sweet, de cette question.
    Ma réponse est simplement oui, et de façon draconienne. Tout d'abord, le Mouvement vert a lui-même fait l'objet d'une répression violente — d'innombrables manifestants pacifiques ont été assassinés, torturés et violés. On a ensuite constaté la consolidation de la main-mise du régime sur le pouvoir. C'est pourquoi j'ai expliqué que le régime avait adopté des mesures extraordinaires pour empêcher la population d'avoir accès à de l'information, que ce soit sur la télévision par satellite ou sur Internet. Le régime craint une autre révolte.
    La situation s'est donc détériorée de façon spectaculaire. On a vu l'intensification de la propagande haineuse, du moins à l'encontre de la communauté bahá'íe, et la création de toutes sortes de soi-disant complots, tous liés à... [Note de la rédaction: difficultés techniques] Voilà qui montre bien à quel point le régime tente désespérément de se raccrocher au pouvoir, et ce, à n'importe quel prix. Honnêtement, je pense que les choses pourraient se détériorer davantage.
    Merci, monsieur Akhavan. Nous avons certains problèmes techniques avec le signal. Je pense que je vais maintenant poser une question à Mme Tamás.
    Je vous remercie énormément de votre témoignage. Vous avez entendu parler, dans votre communauté, de la complexité de ce dont parlait M. Akhavan: l'intrusion dans les communications mobiles et sur Internet, et la nouvelle approche du régime d'Ahmadinejad à la fine pointe de la technologie.
    Je vous ai parlé dans mon témoignage de l'Institut bahá'í d'enseignement supérieur, qui a été créé afin d'offrir une formation universitaire aux jeunes bahá'ís qui se voient couramment refuser l'accès aux universités iraniennes. Ce matériel est affiché, en grande partie sur Internet, et il est accessible par l'entremise de cours en ligne.
    Le gouvernement iranien a déployé des efforts considérables pour rendre cette option impraticable. Ainsi, les vitesses de téléchargement vers l'aval et vers l'amont ont été grandement réduites. Il est donc beaucoup plus difficile pour les jeunes qui ne peuvent aller à l'université de même étudier en ligne. Toutefois, je n'ai pas de connaissances directes des autres aspects.
(1335)
    Qu'en est-il des sanctions dont parlait M. Akhavan? Fonctionnent-elles? Le monde s'intéresse davantage à la menace nucléaire que l'Iran pose à la communauté internationale. Mais avez-vous vu le régime capituler d'une quelconque façon depuis le durcissement des sanctions imposées par la communauté internationale cette dernière année?
    Si je me fis à la situation de la communauté bahá'íe en Iran, je dirais que leur situation continue de se détériorer. Cependant, je ne sais pas si cela prouve nécessairement que les sanctions fonctionnent, puisqu'on ne sait pas quelle serait la situation en leur absence.
    Je vais laisser M. Akhavan vous répondre de façon plus approfondie.
    S'il me reste du temps, M. Akhavan pourrait-il répondre à la question?
    Vous avez 30 secondes.
    Monsieur Akhavan, les sanctions fonctionnent-elles?
    Certains signes indiquent que les sanctions nuisent au régime. Malheureusement, à certains égards, elles causent également du tort aux Iraniens moyens.
    Le régime aujourd'hui est mi-théocratie, mi-kleptocratie. Autrement dit, la corruption est généralisée, et c'est ainsi que le régime achète la loyauté, par exemple, des hauts dirigeants des Gardiens de la révolution. C'est également ainsi qu'il finance son lourd appareil de répression. Il faut de l'argent pour permettre à des milliers de gens d'espionner, de surveiller, de faire de la propagande et de battre et torturer des gens.
    Cependant, le problème, c'est qu'on incite l'Iran à coopérer seulement sur le plan nucléaire. La république d'Iran en conclut donc que si elle fait des concessions du côté nucléaire, la communauté internationale ne fera pas grand cas de sa répression de ses propres citoyens. Et c'est là que la communauté internationale se trompe. Il faut bien comprendre qu'il y a un coût associé à la violation des droits de la personne, et je crois que le régime pèse les coûts et les avantages. Malgré sa rhétorique extrémiste, le régime est selon moi très calculateur.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Merci.
    Passons maintenant à M. Marston.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Tamás, dans votre témoignage, vous avez parlé de Shirin Ebadi. Elle a témoigné à deux reprises devant notre comité. Si je me souviens bien, elle s'inquiétait de la fermeture de ses bureaux, ou bien ils avaient déjà été fermés la dernière fois qu'elle a témoigné.
    Savez-vous si elle se sert de ses propres bureaux?
    Non, elle est à l'extérieur du pays. Elle n'est pas en Iran, et l'un de ses collègues, M. Soltani, qui faisait également partie de ce cabinet, est en prison.
    Malheureusement, je ne suis pas surpris de l'entendre.
    Il semble que chaque fois qu'un pays critique la situation des droits de la personne en Iran sous une forme ou sous une autre, on évoque l'impérialisme occidental. Plutôt que de formuler des critiques acerbes, pourrait-on adopter une approche plus modérée? Savez-vous ce que d'autres pays ou d'autres groupes de pays font pour obtenir le concours de l'Iran en matière de droits de la personne? Ou est-ce tout simplement impossible?
    Les parlements des partenaires prévisibles, les États-Unis et le Royaume-Uni, prennent des mesures et leurs gouvernements poursuivent sur cette voie. Chaque année, en prévision des discussions de la résolution aux Nations Unies, le Canada, par l'entremise de ses missions, rencontre des gouvernements de partout dans le monde pour essayer de les conscientiser à la situation des droits de la personne en Iran et pour tenter d'obtenir leur appui à l'égard de la résolution.
    En outre, il sera peut-être bon de voir comment prendre contact avec les amis de l'Iran. En participant aux séances des Nations Unies et en discutant avec des délégations de divers pays, il m'est apparu clairement que certains d'entre eux sont bien conscients de la situation des droits de la personne en Iran. Ils n'approuveraient jamais une telle chose dans leur propre pays, mais pour des raisons politiques ou économiques, ils ne veulent pas prendre position publiquement en votant pour la résolution.
    Je ne sais pas dans quelle mesure on essaie de voir avec ces mêmes pays par quel autre moyen ils pourraient essayer d'expliquer à l'Iran qu'il est dans son propre intérêt de faire la promotion des droits de la personne pour son propre peuple.
(1340)
    C'est étonnant ce que le pétrole peut faire, n'est-ce pas?
    Monsieur Akhavan, je vous souhaite à nouveau la bienvenue. Nous sommes ravis de vous avoir parmi nous.
    Soyons réalistes. Le printemps arabe, bien qu'il nous ait tous enthousiasmés à l'époque, n'a pas donné les résultats escomptés. Je crois que, dans certains pays — et je pense à l'Égypte —, lorsqu'on retire le dirigeant, le même régime reste au pouvoir.
    Selon vous, quelles sont les chances réelles que cela se produise en Iran?
    Merci, monsieur. Je suis ravi de pouvoir discuter avec vous à nouveau.
    Je pense qu'il faut voir d'un oeil réaliste ce qu'une transition historique à la démocratie implique. Il a fallu à l'Europe quatre siècles de guerres et de génocides avant d'établir la démocratie.
    Je reviens de Tripoli, en Libye. Après 40 ans de dictature et d'atrocités de masse commises par le régime Kadhafi, la Libye ne va pas se transformer en Suède du jour au lendemain. Il lui faudra du temps. Il faut beaucoup d'expérience pour créer toutes ces institutions.
    Je dirais que l'Iran a, en fait, une bonne longueur d'avance sur le monde arabe, puisque l'Iran a vécu sa révolution idéologique il y a 30 ans. Lorsque je me suis rendu sur la place Tahrir récemment, au Caire, et que j'y ai vu la perception romantique de l'islam politique, cela m'a rappelé l'Iran d'il y a 30 ans. Le seul endroit au Moyen-Orient où personne ne veut d'une république islamique, c'est en Iran, parce que les gens vivent sous un tel régime depuis 30 ans. C'est pourquoi le mouvement de la société civile en Iran est si laïque. Même les musulmans pieux de l'Iran qui ont participé au Mouvement vert veulent un État laïc parce qu'ils croient que la religion et les politiques ne vont pas de pair. C'est pourquoi la transformation de l'Iran toucherait également le monde arabe.
    Actuellement, l'Iran et l'Arabie saoudite, qui participent à des guerres par factions interposées et à des luttes de pouvoir, tentent tous les deux de détourner à leur profit ces mouvements au sein du monde arabe. En Égypte, l'Arabie saoudite a donné des millions de dollars aux mouvements salafistes extrémistes parce qu'elle ne veut pas de mouvements démocratiques laïcs qui viendraient la troubler. L'Iran appuie quant à lui le régime Assad parce qu'il craint de perdre son seul allié régional.
    Dans ce contexte, il faut comprendre que si jamais un changement de régime survient en Iran, ce ne sera que le commencement d'un long et douloureux processus visant à construire une culture et un système démocratiques.
    Malheureusement, vous n'avez plus de temps.
    J'ai environ 30 secondes.
    Vous avez en fait dépassé votre temps de parole d'environ 30 secondes.
    Madame Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les deux de vos exposés.
    Le Corps des Gardiens de la révolution islamique semble jouer un rôle essentiel dans l'État iranien, étant responsable de protéger l'Iran des menaces extérieures, tout en réduisant au silence la dissidence à l'encontre du régime. Certains pays, notamment les États-Unis, considèrent qu'il s'agit d'une organisation terroriste. Ce n'est pas le cas du Canada, qui, à cet égard, s'aligne pourtant souvent sur les États-Unis.
    Étant donné la relation entre le Corps des Gardiens de la révolution islamique et l'État iranien et son importance pour ce dernier, quel effet aurait selon vous sur les représentants civils et militaires iraniens le fait de considérer ce groupe comme organisation terroriste?
    Vous pouvez l'un ou l'autre répondre à cette question.
    Je laisse la parole à Payam.
    Monsieur Akhavan.
    C'est ce que j'attendais. Je vous remercie.
    Pour être très bref, au cours de la dernière décennie, il y a eu une transition du pouvoir de l'établissement clérical vers les Gardiens de la révolution islamique iranienne et la militarisation progressive du régime en Iran. Aujourd'hui, les Gardiens de la révolution islamique iranienne contrôlent des éléments considérables de l'économie, et c'est pourquoi certaines des sanctions visent le contrôle du pouvoir par les Gardiens de la révolution islamique iranienne et son accès à ses sources de fonds.
    D'un côté, les gardiens sont réellement chargés de l'imposition du régime, mais d'un autre côté, les subalternes ne sont pas nécessairement sympathisants au régime. Durant la répression violente dans le cadre du Mouvement vert, le régime ne pouvait pas compter sur les soldats des Gardiens de la révolution islamique iranienne pour tirer sur les gens dans les rues, et c'est pourquoi ils ont dû embaucher des truands Basij en civil pour faire le travail difficile. Il y a eu du mécontentement au sein des Gardiens de la révolution islamique iranienne qui ont refusé de tirer les gens dans les rues.
    D'une façon, je crois que les dirigeants des gardiens doivent être isolés. À savoir si la meilleure façon d'y arriver est d'étiqueter l'organisme comme un organisme terroriste,c'est une question dont il faudrait discuter, mais en même temps, il faut aussi tenter de communiquer avec les subalternes pour leur faire comprendre que la communauté internationale ne s'en prend pas à eux, mais à leurs dirigeants qui sont essentiellement au pouvoir pour profiter des avantages et des privilèges, y compris la corruption, et c'est pourquoi ils ne font plus confiance à leurs propres dirigeants.
(1345)
    Certaines démocraties respectables, précisément la Turquie et le Brésil, ont maintenu une politique d'engagement avec le régime iranien pour tenter de guider les progrès de l'Iran selon leurs conditions. La Turquie et le Brésil ont notamment promis d'aider l'Iran à devenir une puissance nucléaire civile et, en enrichissant eux-mêmes l'uranium, de veiller, soi-disant, à ce que l'Iran n'ait pas la capacité technologique de se servir de l'uranium comme une arme.
    Pouvez-vous nous parler des avantages et des désavantages de la politique d'engagement relativement au bilan de l'Iran en matière des droits de la personne?
    Encore une fois, n'importe qui peut répondre.
    Je crois que le dialogue est toujours une bonne chose. Il est important de se consulter pour résoudre les différends.
    Si on examine par exemple le bilan de l'Iran lorsqu'il a participé à un dialogue — je pense en particulier au dialogue avec les Européens il y a cinq ou six ans. L'Iran s'est servi du dialogue pour détourner les critiques. Il refusait de discuter de certaines choses, et nous n'avons pas constaté une amélioration de la situation sur le terrain.
    Je dis qu'il y a deux messages. Un, le dialogue est bon, deux, l'autre participant au dialogue doit faire preuve d'intégrité et de bonne foi et démontrer qu'il est prêt à écouter et à apporter des changements.
    Monsieur le président, me reste-t-il du temps?
    Vous avez tout juste terminé vos cinq minutes, à la seconde près, tout de suite, en fait, alors nous allons passer à M. Cotler.
    J'aimerais féliciter nos deux témoins pour leur comparution et leurs recommandations aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à Payam Akhavan. Compte tenu de l'intensification des violations des droits de la personne en Iran, y compris l'augmentation du nombre et des motifs d'exécution — c'est vraiment la course aux exécutions là-bas, et parmi les exécutions possibles, on compte deux cas imminents touchant deux Irano-Canadiens, Saeed Malekpour et Hamid Ghassemi-Shall.
    Est-ce que des mesures précises peuvent être prises relativement aux Irano-Canadiens et à la menace imminente de leur exécution?
    Je vous remercie. Si vous le permettez, je vais vous appeler professeur Cotler, mon vénérable collègue de l'Université McGill.
    Vous avez écrit sur la course à l'exécution. Nous savons que l'Iran a le taux d'exécution par habitant le plus élevé au monde. Pour le nombre d'exécutions, il arrive au deuxième rang après la Chine. Malheureusement, ce phénomène fait partie de l'ensemble du climat de terreur et de peur, qui comprend les exécutions publiques, qui nous rappellent l'Europe pré-moderne et la façon dont les souverains insufflaient la peur aux gens.
    Le cas des Irano-Canadiens est quelque peu différent parce que selon certaines preuves, la République islamique ciblerait justement les personnes ayant une double citoyenneté. Ce phénomène s'expliquerait par la paranoïa découlant du lien entre la société civile iranienne et les Iraniens de la diaspora. Une autre explication avancée est simplement que les personnes ayant une double citoyenneté sont prises en otage. En effet, M. Ghassemi-Shall et M. Malekpour sont détenus comme une monnaie d'échange par la République islamique pour exercer des pressions sur le Canada.
    Moi, j'ai l'impression que le Canada et d'autres gouvernements doivent faire payer le prix plutôt que de faire des concessions. Le Canada dispose de divers outils dans sa boîte à outils pour envoyer un message selon lequel, si une ou l'autre de ces personnes est exécutée, il y aura de très graves conséquences aux intérêts de l'Iran. J'ajouterais que le Canada a une marge de manoeuvre considérable parce que beaucoup de hauts placés de la République islamique ont élu domicile au Canada. Je crois que c'est l'une des lacunes de notre politique d'immigration; on condamne les abus en matière de droits de la personne, mais on en fait fi si des gens investissent des centaines de millions de dollars dans notre pays.
    Si le gouvernement canadien, par exemple, indiquait que l'exécution de ces deux Irano-Canadiens mènerait à la confiscation d'actifs appartenant aux personnes responsables d'abus en matière de droits de la personne et ainsi de suite, la République islamique changerait de position. C'est ainsi qu'il faut raisonner avec elle.
(1350)
    Je vous remercie.
    J'ai une question à poser à Mme Tamás. Vous avez évidemment indiqué que le 14 mai marquera le quatrième anniversaire de l'emprisonnement des dirigeants bahá'ís. Vous avez aussi parlé du fait que la religion bahá'íe est de plus en plus ciblée à divers égards, qu'il s'agisse des dirigeants, des gens qui oeuvrent dans le domaine de l'éducation, ou encore d'incitation à la haine ou autre.
    Ma question est la suivante: croyez-vous que le quatrième anniversaire pourrait constituer une occasion convenable — et j'invite le professeur Akhavan à répondre également — d'avoir un débat exploratoire, un peu comme un débat d'urgence à la Chambre des communes, sur la situation des bahá'ís en Iran, sinon sur la situation des droits de la personne dans son ensemble?
    Oui, absolument. Je crois qu'il serait extraordinaire de tenir un débat exploratoire à la Chambre. Nous comprenons que lorsqu'ils ont lieu, lorsque les députés parlent en Chambre, on en prend note en Iran et des répercussions se font sentir. Il s'agit non seulement d'une mise en garde pour le gouvernement iranien, mais c'est aussi encourageant pour les personnes emprisonnées; elles savent qu'elles ne sont pas dans l'ombre, que les gens sont au courant de leur situation.
    M. Khanjani, un des sept dirigeants bahá'ís, avait 76 ans lors de son arrestation, ce qui signifie que le 14 mai, il aura 80 ans ou presque. Sa femme est décédée pendant qu'il était emprisonné. Bien que la loi iranienne accorde une absence pour raison familiale aux prisonniers afin qu'ils puissent rendre visite à un conjoint malade ou assister à des funérailles, cette permission ne lui a pas été accordée.
    Il y a un niveau gratuit de cruauté qui accompagne la persécution des bahá'ís en Iran, et je crois qu'il est grand temps que le Parlement canadien se prononce sur cette question.
    Professeur Akhavan, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Non, je suis d'accord. Plus les projecteurs sont dirigés sur cet enjeu, mieux ce sera.
    Voilà le genre de réponse que nous cherchons, parce que nous avons manqué de temps encore une fois.
    Je vais passer à Wai Young, s'il vous plaît.
    Je vous remercie tous les deux d'être là.
    Je vais être brève, compte tenu du temps qui m'est imparti et pour vous donner plus de temps pour répondre.
    Croyez-vous que le citoyen moyen en Iran, dans ce cas, est davantage au courant de la réalité du régime aujourd'hui qu'avant le printemps vert?
    Monsieur Akhavan.
    Certainement, oui. Je peux vous raconter l'anecdote d'une de mes étudiantes à McGill, une étudiante diplômée, qui était une très fervente partisane du régime et qui remettait en question beaucoup de choses que je lui disais sur ce qui est arrivé à la prison d'Evin et dans les chambres à torture iraniennes. Elle est venue me voir après avoir vu dans la rue des truands Basij battre à mort une vieille femme.
    En juin 2009, toute l'horreur et tous les abus qui se sont manifestés derrière des portes closes pendant 30 ans ont été mis au jour, et le public iranien a vu de ses yeux le régime tirer et poignarder des gens simplement parce qu'ils voulaient avoir le droit de faire compter leur vote.
    La légitimité du régime ne peut pas être rétablie, et c'est pourquoi un régime qui a toute la richesse pétrolière et les armes à sa disposition est si désespéré de contrôler la circulation de l'information sur Internet et à la télévision par satellite.
(1355)
    J'ai une question de suivi. Si le Canada ajoutait les Gardiens de la révolution islamique iranienne à la liste des entités terroristes, à votre avis, quelles seraient les répercussions sur l'Iran et son peuple?
    Ce serait une façon d'isoler davantage le régime. Mais selon moi, des sanctions ciblées seraient encore plus efficaces. L'Union européenne et les États-Unis préparent depuis 2009 une liste de représentants qui n'ont pas le droit d'entrer dans l'Union européenne et aux États-Unis et dont les actifs seraient saisis le cas échéant. C'est un message encore plus puissant, à savoir que ces personnes auront à payer le prix, et que même si elles sont au pouvoir aujourd'hui, il existe une liste noire qui les vise et qui fera en sorte qu'un jour elles auront à faire face à la justice.
    Combien de temps me reste-t-il monsieur le président?
    Deux minutes et demie.
    J'ai été très efficace.
    En effet. C'est ce que tout le monde dit à votre sujet.
    Merci beaucoup.
    Avez-vous d'autres suggestions, outre les sanctions ciblées, dont vous aimeriez nous faire part?
    Très brièvement, j'aimerais revenir à ma première recommandation, soit que le gouvernement canadien examine comment il peut offrir de l'aide technologique aux groupes iraniens de la société civile pour contourner toutes les obstructions et les filtres que le gouvernement a mis en place dans le cyberespace. Cette mesure très simple pourrait aider grandement à maintenir en vie le mouvement de la société civile.
    Monsieur le président, j'aimerais partager mon temps avec quiconque voudra bien l'utiliser.
    Merci beaucoup.
    Vous avez déjà répondu à la question de ma collègue sur la sensibilisation de la rue. Les gens sont-ils aussi au courant du rôle considérable de soutien que l'Iran joue par rapport au régime syrien?
    Les Iraniens les mieux informés sont certainement au courant. Le régime a encore une fois tenté très fort de s'approprier le printemps arabe. Lorsque le soulèvement a eu lieu en Égypte, le régime a tenté de faire un lien avec la révolution de 1979, qui a mené à la chute du Shah, plutôt qu'avec la révolution de 2009, qui a tenté de faire tomber la République islamique. Mais je crois que le régime est très préoccupé. Le public est assez au courant, parce qu'il est sceptique par rapport à la propagande officielle. Alors je dirais que oui, les gens savent ce qui se passe en Syrie.
    Surtout le rôle de soutien du régime à l'égard du régime Assad.
    Oui, comme je l'ai dit, chez les Iraniens qui sont mieux informés.
    Je voulais aussi dire que de nombreux députés de l'opposition iranienne sont profondément frustrés par la politique étrangère iranienne. Par exemple, durant les manifestations qui ont suivi le Mouvement vert, les gens scandaient dans la rue « On se fout de Gaza et du Liban, nous ne nous soucions que de l'Iran », ce qui revenait à dire, pourquoi dépensons-nous des centaines de millions de dollars pour soutenir le Hamas et le Hezbollah et Assad lorsque nous sommes aux prises avec la pauvreté endémique, le chômage, la toxicomanie, la prostitution et toute une gamme de fléaux sociaux et économiques terribles?
    Alors l'Iranien moyen ne tient pas à exporter la révolution islamique à l'étranger. Il veut parler de questions qui touchent le quotidien et que le régime n'a pas réglées, ce qui explique pourquoi des millions de personnes sont descendues dans les rues en 2009 et pourquoi tôt ou tard ils redescendront dans les rues, simplement parce que le régime ne peut pas répondre à leurs besoins de base.
    Nous n'avons plus de temps.
    Il nous reste un intervenant — monsieur Jacob.
    Je veux simplement mentionner qu'un autobus reconduira les députés à la Chambre, alors il n'y a pas lieu de craindre de manquer la période des questions.
(1400)

[Français]

    Monsieur Jacob, je vous souhaite la bienvenue à notre comité. Vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une question précise à poser. Dans le cas de M. Soofi, où en est actuellement la procédure de déportation? Ma question s'adresse à M. Akhavan.
    Je vous remercie de la question.

[Traduction]

    Je ne suis pas l'avocat de M. Soofi, alors je ne peux pas me prononcer sur l'étape du processus. Je crois qu'il y a eu un examen des risques avant renvoi qui maintenait qu'il risquait d'être renvoyé en Iran. L'avocat de M. Soofi a contesté devant la Cour fédérale et la question a été renvoyée encore une fois au même agent d'immigration qui avait au début déterminé qu'il devait être renvoyé.
    Je crains ne pas être au courant des détails, mais je crois que dans les circonstances, il est impensable qu'une personne comme lui soit renvoyée dans les bras de la mort et de la torture, alors qu'aux Nations Unies, on condamne les abus de l'Iran en matière de droits de la personne.

[Français]

    Merci.
    Qu'est-ce qu'un pays comme le Canada peut faire multilatéralement pour améliorer la situation des droits humains en Iran? Quels autres pays se préoccupent de la situation des droits de la personne en Iran et qu'ont-ils fait concrètement pour améliorer la situation? Je tiens compte que lorsqu'on parle de moyens, ce sont des moyens qui ne punissent pas la population mais qui envoient un signal clair au gouvernement iranien.
    Monsieur Akhavan, mes questions s'adressent à vous.

[Traduction]

    Très rapidement, monsieur, je vous ai donné l'exemple d'offrir de l'aide technologique pour que la société civile puisse avoir accès à Internet, de réglementer l'utilisation de la télévision par satellite afin que le régime iranien ne puisse pas bloquer les émissions qui lui sont hostiles tandis qu'il diffuse lui-même sa propre propagande haineuse. Puis il y a les sanctions qui visent les personnes responsables d'abus des droits de la personne. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté des sanctions ciblées contre ceux qui jouent un rôle dans l'industrie nucléaire. Pourquoi ne pas imposer ces sanctions aux gens responsables de crimes contre l'humanité?
    Je crois que les dirigeants prendraient note du fait qu'ils ont été ciblés, qu'ils sont sur une liste noire, et qu'un jour ils pourraient payer le prix pour leurs actes terribles.

[Français]

    Merci beaucoup pour ces suggestions. L'information est souvent le nerf de la guerre. Il n'y pas seulement que l'argent.
    Merci, monsieur Akhavan.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Voilà ce qui nous mène à la fin de la période prévue pour nos témoins, alors au nom du comité, je vous remercie tous les deux.
    J'ai une question pour M. Akhavan.
    Vous êtes à New York actuellement, n'est-ce pas?
    Oui, vous avez raison.
    Est-ce bien une tasse de Tim Hortons dont vous vous servez?
    Monsieur, je suis un vrai patriote canadien.
    Très bien. Nous devons vous féliciter.
    Je remercie nos deux témoins.
    J'aimerais qu'on traite d'un seul sujet concernant les travaux du comité si ceux qui restent le veulent bien. Amnistie internationale a communiqué avec nous et nous propose d'inviter comme témoin quelqu'un qui pourrait nous informer sur les coptes et leur traitement en Égypte. Mohamed Lotfy, un homme qui a passé six mois en Égypte après le début des événements à la place Tahrir...
    Selon la lettre que j'ai reçue, il a tenu des réunions avec chacun des partis politiques en Égypte au nom d'Amnistie internationale pour tenter d'obtenir leur point de vue sur la protection et la promotion des droits de la personne. Il est disponible le 1 er mai si on veut le rencontrer; nous n'avons actuellement rien de prévu pour la séance de ce jour-là. C'est une possibilité dont je vous mets au courant.
    Qu'en pensez-vous?
    Ça vous va aussi, monsieur Cotler?
    D'accord, faisons-le venir. Bien.
    Très bien. C'est tout ce dont nous avions à discuter.
    Je remercie nos témoins. Je remercie les membres du comité.
    La séance est levée.
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