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Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue à la 47
e séance du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires. Nous sommes réunis aujourd’hui afin de poursuivre notre étude de l’Office des normes générales du Canada.
Nous sommes en mesure d’accueillir aujourd’hui deux témoins. L’un d’eux communiquera avec nous par vidéoconférence, et l’autre est présent parmi nous.
Premièrement, nous recevons M. Jean Rousseau par vidéoconférence.
Soyez le bienvenu, monsieur Rousseau. Nous vous présentons nos excuses pour vous avoir fait comparaître devant le comité la semaine dernière au moment où il nous a fallu aller voter à la Chambre des communes et pour n’avoir pas été en mesure d’entendre votre témoignage. Nous vous remercions infiniment d’avoir pris le temps d’être de nouveau avec nous aujourd’hui.
De plus, nous accueillons M. Graham Rae Dulmage, directeur du Service des normes, Bureau des relations gouvernementales et des affaires extérieures des Laboratoires des assureurs du Canada (ULC) inc., qui nous donnera un exposé en personne aujourd’hui.
Nous allons suivre l’ordre que nous avons établi dans notre ordre du jour. Nous allons donc inviter M. Dulmage à faire une brève déclaration préliminaire, puis nous demanderons à M. Rousseau de faire la même chose. À la suite des deux exposés, nous passerons aux séries de questions.
Monsieur Dulmage, je vous cède la parole afin que vous puissiez prononcer votre déclaration préliminaire.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, je m'appelle Jean Rousseau. Je suis le directeur principal du Bureau de normalisation du Québec. Je suis heureux de comparaître devant les membres du comité. J'aimerais partager avec vous mes connaissances du milieu de la normalisation. Par mes réponses à vos questions, je souhaite vous aider dans vos réflexions et vos questionnements.
Ma présence aujourd'hui vient du fait que l'organisation que je représente intervient dans le même domaine que l'Office des normes générales du Canada, ou l'ONGC, en ce qui a trait aux types de services offerts. Par ailleurs, le Bureau de normalisation du Québec a aussi un caractère gouvernemental. Je vais donc vous présenter le BNQ.
Le BNQ a été créé par le gouvernement du Québec en 1961. Le BNQ est donc un peu plus jeune que l'ONGC. Le BNQ est depuis 1990 une direction d'opération du Centre de recherche industrielle du Québec, ce dernier relevant du ministère québécois de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations. Le gouvernement du Québec reconnaît le BNQ comme l'organisme central de normalisation, de certification et de diffusion d'information sur les normes, et comme porte-parole du Québec auprès du Conseil canadien des normes ou de tout autre organisme de normalisation.
L'objectif initial visé par sa création était de doter le Québec d'un organisme pouvant rédiger les spécifications pour les approvisionnements de tout ce qui était acheté par le gouvernement du Québec. Depuis, les besoins ont évolué et la mission du BNQ est maintenant d'agir comme partenaire des milieux d'affaires, des milieux industriels, des milieux sociaux et gouvernementaux en apportant des solutions à leurs besoins par l'élaboration de normes et de programmes de certification.
Le BNQ est un organisme membre du Système national de normes du Canada, qui est en lien avec l'Organisation internationale de normalisation, c'est-à-dire l'ISO, et il exerce ses activités dans les domaines suivants: l'élaboration de normes, la certification de produits, de processus et de services et l'évaluation de la compétence des laboratoires d'essai et d'analyse.
Les différentes accréditations, entre autres celle du Conseil canadien des normes détenue par le BNQ, garantissent à ses clients que les mandats qu'ils lui confient sont réalisés selon des critères internationaux qui définissent les meilleures pratiques en matière de normalisation, de certification et d'enregistrement de systèmes de gestion.
Pour terminer, le BNQ exerce ses activités dans un grand nombre de secteurs, notamment ceux de la construction, de l'environnement, du développement durable, des forêts et des travaux publics, de la santé et de la sécurité, de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Il compte sur une équipe d'un peu plus de 50 employés et fait appel à un réseau important de sous-traitants. Aussi, le BNQ est appuyé par près de 700 membres de divers comités qui sont tous bénévoles.
Voilà, cela présente l'organisation. Je travaille dans le domaine de la normalisation depuis environ 30 ans et je serai maintenant heureux de répondre à toutes vos questions. Merci.
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Il y a une réponse assez longue à cette question, mais je vais tenter de vous en fournir une brève.
Si vous comparez le système de normes du Canada à celui des autres pays, vous constaterez que les Américains et nous fonctionnons un peu différemment, parce que nos systèmes d’élaboration de normes sont indépendants ou privés. La plupart des pays, comme les pays européens et l’Australie, sont dotés d’organismes appartenant à l’État ou liés à lui, tels que le CCN, qui sont membres de l’Organisation internationale de normalisation. Notre système est compliqué, entre autres, parce qu’il ne comprend pas un grand nombre de normes, comparativement à ceux de nos pairs. Je pense que cela est imputable au fait qu’en raison de notre Constitution et de la façon dont notre pays est organisé, les normes sont utilisées plus à des fins de promotion ou d’observation de la réglementation qu’à des fins industrielles. Par conséquent, le nombre de normes est inférieur. Quelqu’un peut dire qu’il dispose de 30 000 normes, dont bon nombre pourraient être utilisées par l’industrie. Cependant, font-elles l’objet de vérifications? C’est peu probable. Il y a donc une différence à cet égard.
De plus, la façon dont nous élaborons notre système est compliquée par le fait que les OEN se retrouvent souvent dans une situation où telle ou telle province ou tel ou tel organisme de réglementation renvoie les gens à une version de leur norme qui a été mise à jour quatre fois depuis sa publication, alors que le reste des intervenants ou la moitié d’entre eux utilisent la dernière version de la norme. Cela cause des problèmes de tenue à jour des normes que les OEN doivent régler, et cela force les OEN à répondre à de nombreux appels téléphoniques de la part de gens qui tentent de déterminer la version qu’ils doivent respecter à des fins de certification.
Notre système est accompagné d’un système parallèle appelé le système de codes. Le système englobe la Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies dont je suis membre, en tant que représentant des OEN. Cette commission rédige des codes. Elle ne fait pas officiellement partie du système de normes, mais elle constitue un élément clé. Nous tentons de coordonner nos efforts et de contribuer grandement à la commission. Nous avons élaboré une ligne directrice visant à assurer la coordination entre les OEN. Notre plus grand défi consiste à trouver des membres, car nous vieillissons tous. L’industrie canadienne n’est pas aussi forte qu’elle avait l’habitude de l’être. Nous n’aimons pas que notre représentant vienne d’une succursale; nous préférons que ce soit un expert.
À l’échelle internationale, nous faisons vraiment le poids au sein de l’Organisation internationale de normalisation et de la Commission électronique internationale, mais je vois le jour où nous devrons vraiment entreprendre d’harmoniser nos normes à l’échelle nationale. En ce qui concerne les systèmes de normes canadiens, nous, les Canadiens, devons composer avec le fait que les Européens et les Chinois influent de plus en plus souvent sur ce que nous devons écrire et sur ce à quoi nous devons nous mesurer. Nous devons donc nous réunir et entreprendre cette harmonisation.
Le CCN a donc modifié sa façon de fonctionner. Lorsque j’étais à son service, il était très replié sur lui-même. Maintenant, le conseil regarde vers l’extérieur pour déterminer comment il peut utiliser les innovations pour stimuler le système. Selon moi, la solution aux problèmes de notre système, c’est de cesser de rédiger des normes pour la réglementation et de commencer à en rédiger pour créer des innovations. Ainsi, les gens souhaiteront établir leurs usines et leurs centres de recherche au Canada, et ils voudront se développer à partir de là.
Merci.
Est-il possible de simplifier le système canadien? Je dirais que le système canadien fonctionne à peu près comme celui des autres pays dans le monde, à l'exception près qu'au Canada il y a un organisme qui chapeaute les activités, à savoir le Conseil canadien des normes. Ce conseil accrédite des organismes entre autres pour le volet « élaboration de normes ». C'est dans ce contexte que les organismes tels que Normes ULC, le Bureau de normalisation du Québec, l'ONGC ou la CSA oeuvrent pour élaborer des normes.
Le caractère obligatoire est un autre point. Souvent, on évoque l'aspect obligatoire des normes. Je pense qu'il faut faire une nuance. Dans certains cas, les normes ont un caractère obligatoire lorsqu'elles sont référencées dans la réglementation. Par contre, de nombreuses normes ont un caractère volontaire. C'est un outil important pour le développement économique des entreprises et des organisations qui veulent se doter de méthodes qui font consensus en matière d'évaluation de produits ou de services.
Pour compléter, j'ajouterais que, lorsqu'un organisme d'élaboration de normes souhaite élaborer une nouvelle norme, il a l'obligation de vérifier si quelque part dans le monde il existe déjà une norme officiellement publiée par un organisme de normalisation et si, au Canada, une norme a déjà été reconnue comme norme nationale. On doit faire ces vérifications avant d'établir une nouvelle norme et d'entreprendre les premières actions.
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Messieurs, je vous remercie de vous être joints à nous aujourd’hui.
Avant d’avoir été élu et d’avoir commencé à siéger à ce merveilleux endroit, j’ai travaillé pendant 12 ans dans le domaine de la gestion des associations, dans la région du Grand Toronto. J’ai eu l’occasion de travailler avec divers représentants officiels des gouvernements à l’élaboration de divers règlements, normes et règles qui, dans le cas présent, étaient liés au secteur du logement. Pour être franc, j’ai certainement eu l’impression que les gens qui jouaient un rôle dans ces secteurs et qui s’occupaient quotidiennement du travail sur le terrain étaient beaucoup plus à l’écoute des normes et des mesures qui devaient être prises que les bureaucrates l’avaient jamais été. Ces derniers faisaient du mieux qu’ils pouvaient, mais ils n’étaient pas des membres de l’industrie habitués à gérer des questions pratiques.
Il semble y avoir plusieurs offices et plusieurs associations qui font tous la même chose. Il y a probablement des chevauchements de tâches qui occasionnent probablement des dépenses de temps et d’argent supplémentaires aux entreprises qui doivent respecter ces normes. Est-ce ce qui se produit en ce moment? Y a-t-il des chevauchements de services? Peut-être n’utilisons-nous pas autant que nous le devrions les connaissances des exploitants du secteur privé qui connaissent leur domaine et qui savent ce qui doit être accompli.
Si c’est le cas, n’y a-t-il pas un moyen d’épurer le système de manière à ce qu’il n’y ait plus qu’une seule série de normes et qu’un seul organisme chargé de la certification et de l’établissement des normes? En fin de compte, l’objectif n’est-il pas de disposer d’un système homogène qui fonctionne pour tout le monde?
Je vais commencer par entendre M. Dulmage. Ensuite, M. Rousseau pourra certainement formuler des observations lui aussi.
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Si j’ai bien compris votre question, vous voulez savoir s’il devrait y avoir une solution universelle ou une solution unique.
Au Canada, nous devançons grandement les États-Unis à cet égard. Les Américains ont 15 000 organismes de réglementation, alors que nous en avons quatre fois treize dans les secteurs.
Vous avez raison. Je rencontre souvent des difficultés quand une autorité a une idée dont elle n’a pas discuté avec le secteur et que le secteur en question se révolte. Nous disposons maintenant de huit OEN. Nous pourrions avoir un système comme celui des Allemands dans lequel les OEN agréés élaboreraient et publieraient les normes. Pour obtenir ces normes, vous ne vous adresseriez pas à une association, car elle risquerait de vous communiquer des renseignements involontairement biaisés. Selon moi, c’est dans cette voie que nous devrions nous engager.
Devrions-nous n’avoir qu’un seul OEN? J’imagine que dans 30 ou 40 ans, ce sera le cas, car nos besoins économiques sont si grands que notre système devra coïncider avec ceux du reste de la planète. Mais, pour le moment, je pense que les huit OEN dont nous sommes dotés peuvent accomplir ce travail, en collaborant avec le CCN. Dans la mesure du possible, nous tentons vraiment d’éliminer les chevauchements.
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Les normes sont publiées. Les gens qui travaillent au contenu technique de ces documents sont membres des comités de normalisation, avec tous les autres représentants. On doit donc avoir un comité qui soit équilibré.
Cependant, il ne faut pas oublier un volet bien important. Les organismes d'élaboration de normes, comme le BNQ, l'ONGC, l'ULC ou la CSA, gèrent un processus qui est calqué sur ce que l'ISO fait sur le plan international, ce que font également les organismes dans les autres pays.
Il faut vraiment comprendre cette notion. La différence est celle-ci. Par exemple, le BNQ a publié, hier, une norme sur la question des explosifs et des distances sécuritaires pour les explosifs. Le BNQ n'apporte pas le contenu technique de cette norme, car les spécialistes du secteur, les différentes parties intéressées vont vraiment oeuvrer lors des rencontres des comités de normalisation pour établir les critères. Tout cela est fait sous la supervision de l'organisme, comme le BNQ, qui gère le processus d'élaboration de normes, les travaux en comité, toute la consultation publique, la revue des commentaires, la publication officielle de ces normes et le suivi lorsque les changements sont nécessaires à ces normes. Il s'agit donc de revoir, selon les méthodes et les fréquences requises, les normes en question.
C'est ce que je souhaitais apporter comme complément d'information.
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J'espère simplement que mon exposé ne donnera pas une indigestion à l'un ou l'autre des membres du comité.
Si vous le permettez, monsieur le président, je vais lire mon exposé, puis, lorsque vous arriverez au dessert, nous pourrons répondre aux questions.
Au nom du Conseil canadien des normes, je vous remercie de me donner l’occasion de faire les observations suivantes sur les programmes et activités de l’Office des normes générales du Canada. Comme vous le savez, le CCN est l’organisme d’accréditation du Canada. Il accrédite des organismes chargés d’élaborer des normes et de les tenir à jour. Dans notre jargon, nous les appelons des « organismes d’élaboration de normes », ou OEN. Nous utilisons donc cet acronyme pour désigner les organismes qui mènent de telles activités. Vous m'entendrez donc parler des OEN. Veuillez excuser l'emploi d'acronymes. Le CCN accrédite également des organismes dont le mandat est de tester les produits et d’attester leur conformité, lesquels sont désignés sous le nom d’organismes d’évaluation de la conformité, ou OEC. Il y a donc des organismes d'élaboration de normes et des organismes qui testent les produits en fonction de ces normes. Le CCN accrédite les deux types d'organismes. Il est important de noter que le CCN n’a pas pour mandat d’élaborer lui-même des normes ni de certifier des produits. Il n’est donc pas en concurrence avec l’Office des normes générales du Canada, l'ONGC. Son rôle est donc d'accréditer cet organisme lorsqu'il établit des normes ou qu'il certifie des produits. Telle est la nature de notre lien avec l'ONGC.
Avant 2012, on comptait au Canada seulement quatre OEN accrédités par le CCN pour l'élaboration de normes. L'un d'entre eux est l’ONGC, qui est le sujet de la discussion d'aujourd'hui. Il y a ensuite l’Association canadienne de normalisation, la CSA, le plus important organisme du genre au Canada. En voilà deux. Plus tôt aujourd'hui, vous avez également entendu M. Rae Dulmage, des Laboratoires des assureurs du Canada, ou ULC, et M. Rousseau, du BNQ. Ce sont donc les quatre organismes qui étaient accrédités par le CCN auparavant. Depuis 2012, le nombre d'organismes accrédités par le CCN est passé à huit. Donc, nous accréditons maintenant huit organismes. Parmi ces quatre autres OEN, il y a l’American Society for Testing and Materials, ou ASTM. Il s'agit d'un organisme américain très important; une centaine de ses normes sont utilisées partout au Canada. Il y a aussi les Underwriters Laboratories, ou UL; l’Air-Conditioning, Heating and Refrigeration Institute, ou AHRI et, dernièrement, la National Sanitation Foundation, la NSF, qui est chargée de l'élaboration de normes relatives à la qualité de l'eau et à l'analyse de l'eau. Je reviendrai sur les effets de ces importants changements dans quelques minutes.
Pour conserver leur accréditation de la CCN, tous ces OEN doivent se conformer à un processus d’élaboration de normes que nous avons créé et que nous maintenons à jour. Ce processus est fondé sur des lignes directrices reconnues internationalement. Il est conforme au Code de pratique de l’Organisation mondiale du commerce. En bref, il est axé sur la mise en place d'un processus d'élaboration de normes ouvert, transparent et inclusif. Les titulaires de l’accréditation du CCN sont tenus de créer des comités d’élaboration de normes dont les membres sont répartis selon une matrice de composition équilibrée afin de représenter les groupes d’intéressés concernés. C'est un des aspects. L'autre aspect, c'est que les membres des comités sont choisis en fonction de leur capacité de représenter un ensemble d’intérêts et de compétences. Aucun groupe en particulier ne peut dominer l’ordre du jour ni décider du résultat. On entend par une matrice de composition équilibrée un équilibre entre les organismes de réglementation, l'industrie, les consommateurs et le milieu universitaire. L'élaboration de normes se fait donc par consensus.
L'un des aspects importants de notre processus — vous en avez entendu parler ce matin —, c'est que l’auteur de la norme doit évaluer la nécessité de réviser cette norme au moins une fois tous les cinq ans. Les OEN peuvent le faire plus souvent au besoin. Il s’agit là d’une caractéristique importante du processus d’élaboration de normes. En effet, beaucoup de normes font pratiquement l’objet de révisions constantes en raison de l’évolution du marché et des changements dans les domaines de la technologie, de la santé et de la sécurité.
J'aimerais traiter des tendances relatives à la normalisation au pays, qui ont une incidence sur l'Office des normes générales du Canada, ou ONGC, les consommateurs et les organismes de réglementation.
Depuis une dizaine d’années au Canada, il ne fait aucun doute qu’on élabore et qu’on applique de moins en moins de normes nationales et de plus en plus de normes nord-américaines, voire internationales. Le catalogue national de normes, qui contenait plus de 5 000 documents différents il y a une quinzaine d’années, n’en compte plus que 2 600 aujourd’hui, soit environ deux fois moins. Cette tendance est appelée à se poursuivre, de sorte que nous aurons de moins en moins de normes propres au Canada sur le marché. À l’échelle internationale, c’est l’inverse: si on réunit les catalogues des grands organismes internationaux de normalisation, comme ISO, la Commission électrotechnique internationale, ou CEI, et l’Union internationale des télécommunications, ou UIT, on dénombre plus de 30 000 documents. Ces trois entités publient chaque année entre 1 000 et 2 000 nouvelles normes. Le catalogue international de normes grandit donc à une vitesse fulgurante.
Le Conseil canadien des normes, ou CCN, a pour rôle de coordonner la participation efficace de plus de 2 600 Canadiens aux activités internationales d’élaboration de normes afin d’assurer la prise en compte des intérêts stratégiques du Canada dans la création des normes déterminantes. Compte tenu de la portée des activités, il faut ici faire une distinction entre les domaines dans lesquels nous devons accepter de reprendre les normes des autres, puis permettre que ces normes internationales soient employées au Canada, et les secteurs dans lesquels nous devons fixer les normes, s'il est stratégiquement dans notre intérêt que celles-ci correspondent à nos besoins. Cette distinction n'était pas faite auparavant, mais nous devons désormais nous y attarder de plus en plus. Nous remarquons une baisse de la participation des entreprises canadiennes à l'élaboration de normes nationales, et nous constatons parallèlement que les organismes de réglementation ont davantage recours aux normes internationales.
Le CCN administre une base de données recensant l'ensemble des normes incorporées par renvoi dans les règlements fédéraux. En 2014, nous avons dénombré plus de 1 160 normes mentionnées dans des règlements fédéraux. Seulement 38 % d'entre elles sont nationales, et les autres sont soit américaines, soit régionales, soit internationales. La tendance se maintient: tandis que notre catalogue national diminue, nous constatons que les organismes de réglementation ont recours à un nombre grandissant de normes régionales et internationales.
J’ai dit tout à l’heure que quatre nouveaux organismes d'élaboration de normes, ou OEN, avaient obtenu une accréditation au Canada. Soulignons que ces organismes étaient déjà actifs depuis des années au pays. Par exemple, plus de 1 400 Canadiens participent aux comités de l’American Society for Testing and Materials, ou ASTM, une très grande société établie aux États-Unis qui réalise des essais. Ce n'est pas comme si l'ASTM n'était pas présente au Canada. Au contraire, elle est solidement ancrée ici. Nous ne faisons donc que reconnaître cette réalité en l'accréditant au Canada.
Pour ce qui est des tendances, afin de préserver la compétitivité du Canada par rapport à d’autres marchés régionaux comme l’Europe et l’Asie, le milieu des affaires canadien a souligné haut et fort l’importance d'établir des normes et des techniques d’essais à valeur universelle. La récente accréditation accordée aux nouveaux OEN s’inscrit dans cette logique puisqu'elle permettra l'élaboration de normes conjointes entre le Canada et les États-Unis.
Sur le plan des politiques publiques, nous devons redoubler d’efforts pour élaborer davantage de normes canado-américaines afin de contribuer à l’atteinte des objectifs du Conseil de coopération en matière de réglementation, ou CCR. À titre d’exemple, nous avons récemment annoncé que Underwriters' Laboratory élaborera des normes canado-américaines sur les gilets de sauvetage et les combinaisons d’abandon, ce qui facilitera l’harmonisation de la réglementation entre Transports Canada et ses homologues américains. Ces normes seront ensuite adoptées à l'échelle nationale, tant au Canada qu’aux États-Unis, et supplanteront des normes désuètes qui figurent actuellement dans le catalogue de l'ONGC.
Au cours des trois dernières années, le CCN s'est penché sur le catalogue de l'ONGC dans le cadre de son processus d’examen. Nous avons constaté une tendance, et je pense qu'il est important que vous soyez au courant. Nous avons demandé à l’ONGC de revoir et de mettre à jour les normes qui ne répondent plus à nos critères d’accréditation. Bien que l’ONGC ait retiré plus de 650 normes inactuelles de son catalogue, plus de la moitié de celles qu’on y retrouve encore sont elles aussi désuètes. La situation demeure problématique pour les intervenants importants, notamment pour les autorités de réglementation, l’industrie et les consommateurs.
J’espère que cette présentation vous aura renseignés sur le contexte de la normalisation au Canada, et qu’elle vous sera utile dans le cadre de vos travaux. Je suis prêt à répondre à vos questions et commentaires.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Girard, je représente les citoyens d'une circonscription qui a été traumatisée par la catastrophe de Lac-Mégantic, le 6 juillet 2013. Les citoyens de ma région, Saint-Jean-sur-Richelieu, se demandent quelle est l'adéquation entre les normes de sécurité ferroviaire et le risque que représente le transport du pétrole. Je parle du transport du pétrole, mais il y a probablement d'autres cas dont vous pourriez nous entretenir.
Vous avez parlé dans votre présentation d'une tendance de plus en plus évidente à abandonner certaines normes nationales. Dans le cas du Québec, il s'agit même de normes provinciales puisqu'il y a en effet un organisme provincial de réglementation. On abandonne donc des normes provinciales ou nationales au profit de normes binationales, que vous qualifiez de régionales, et internationales.
Cette tendance risque-t-elle de nous faire oublier des spécificités locales en matière de sécurité, notamment en ce qui concerne le transport de matières dangereuses par voie ferroviaire? Au niveau international, il faut nécessairement que le consensus soit plus large, ce qui crée un risque supplémentaire au niveau local.
Est-ce que cette tendance vous inquiète?
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C'est une excellente question.
Nous ne pouvons pas participer à toutes les activités de normalisation qui ont cours dans le monde lorsque des normes internationales sont élaborées. Il faut avoir suffisamment de présence d'esprit pour déterminer quelles normes sont importantes voire essentielles pour nous sur le plan stratégique. Il faut alors participer aux délibérations de ces comités. Lorsque le Canada détermine que certains produits ou processus sont d'une importance stratégique pour le pays, des comités qui ont une influence certaine sur le résultat des délibérations à l'international sont formés.
Le Canada est bien perçu. Nos représentants canadiens sont extrêmement efficaces lorsqu'ils participent à ces rencontres à l'étranger, que ce soit à l'ISO ou ailleurs. Il en va de même si nous considérons ce qui se passe aux États-Unis. À mon avis, il faut se demander quelles normes sont d'un intérêt stratégique pour le Canada et si des questions de santé ou de sécurité doivent être examinées différemment. Dans ces conditions, il faut l'établir et s'assurer que les normes reflètent nos besoins.
Compte tenu de l'accréditation de quatre nouvelles organisations au Canada et du processus que nous utilisons, nous imposons l'utilisation de notre processus canadien lors de l'élaboration de ces normes, qui seront utilisées au Canada. La balanced matrix, dont je parlais un peu plus tôt, permet de s'assurer que les consommateurs, les citoyens, font partie des comités. Ce système sera utilisé de facto dans le cadre de l'élaboration et du maintien de ces normes.
Je pense qu'il faut faire des choix et, par la suite, s'assurer que les normes reflètent nos exigences, nos besoins. Si nous ne sommes pas satisfaits de la version internationale, comme le disait plus tôt M. Rousseau, il est toujours possible d'amender la norme et d'y ajouter des critères supplémentaires.
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Oh oui, dans des secteurs mûrs comme celui de l'électricité ou de la plomberie, le coût pour lancer des prototypes peut s'élever à 50 % des revenus attendus pour la première année. Plus on multiplie les exigences, moins les PME canadiennes peuvent être concurrentielles.
On peut faire un parallèle avec ce qui se passe en Union européenne. Depuis 20 ou 25 ans, l'Union européenne élabore un système qui vise à faire en sorte que lorsque l'équivalent européen du CCN, le CENELEC, approuve une norme, tous les pays membres doivent adopter la même et retirer toute norme concurrente de leur catalogue. Il est question de la France, de l'Allemagne et de l'Italie. Les Européens ont créé un marché commun de 600 millions de consommateurs.
Ici, au Canada, parce que les normes des différentes administrations au pays ne sont pas harmonisées, les acteurs de l'industrie nous disent qu'ils doivent parfois tester deux, trois ou même quatre fois leurs produits pour accéder au marché canadien. Aux États-Unis, il y a une ou deux normes à satisfaire. Généralement, il y en a une pour la zone continentale des États-Unis, et une autre pour la Californie, car la Californie a des exigences plus rigoureuses en ce qui concerne l'efficacité énergétique et ces choses-là. Mais ce sont deux tests pour 350 millions de personnes, par rapport à deux, trois ou quatre tests pour un marché de 35 millions de personnes. C'est pourquoi nous croyons qu'il est très urgent d'harmoniser les normes au Canada.
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Pour les petites entreprises en démarrage, 50 % des revenus pour la première année, multipliés par le nombre de tests requis, j'imagine que c'est assez pour les mener à la faillite avant même de commencer.
Vous avez parlé des portes de douche. Du temps où j'étais dans le domaine de la construction, je me souviens qu'il était souvent impossible d'avoir certains produits. Dans les chaînes présentes au Canada et aux États-Unis, comme Home Depot, on nous répondait simplement que le produit était offert aux États-Unis, mais qu'il ne valait pas la peine de l'importer au Canada pour un si petit marché, vu les doubles certifications qu'il fallait obtenir. Les produits restent du côté américain, sans qu'on puisse les importer au Canada, alors les consommateurs canadiens n'ont même pas l'option de payer plus cher pour les avoir. Il est parfois impossible d'avoir certains produits.
Je pense aux innovations qui pourraient simplifier la vie des Canadiens, comme les différentes technologies qui facilitent l'accès à l'intérieur des résidences des personnes qui ont des handicaps physiques, ou celles qui permettent d'accroître l'efficacité énergétique, mais qui ne sont pas offertes au Canada simplement parce que les entreprises ne sont pas prêtes à payer pour effectuer des tests supplémentaires, car le marché canadien est trop petit par rapport à ceux auxquels elles peuvent accéder un peu partout dans le monde avec un seul test.
Vous hochez la tête, alors c'est peut-être ce que vous constatez aussi.