Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je suis heureux de témoigner ce matin alors que vous entamez votre examen de ce projet de loi, lequel, vous le savez, va de pair avec le projet de loi C-15, qui est plus étoffé et fait actuellement l'objet de débats à l'étape de la deuxième lecture.
Le projet de loi C-16 vise expressément à réagir rapidement et efficacement au jugement rendu récemment par la Cour d'appel de la cour martiale dans l'affaire R. c. LeBlanc au sujet de la constitutionnalité de la nomination et de l'inamovibilité des juges militaires.
[Français]
Actuellement, en vertu de l'article 165.21 de la Loi sur la Défense nationale, les juges militaires doivent être des officiers inscrits au barreau d'une province depuis au moins 10 ans pour être éligibles à une nomination du gouverneur en conseil. Cet article prévoit aussi qu'un juge militaire est nommé à titre inamovible pour un mandat de cinq ans, qu'il peut voir son mandat révoqué par le gouverneur en conseil sur recommandation d'un comité d'enquête, et qu'il peut voir son mandat renouvelé sur recommandation d’un comité d’examen.
[Traduction]
Le 2 juin 2011, la Cour d'appel de la cour martiale a rendu son jugement dans l'affaire R. c. LeBlanc. Elle y indique que les dispositions de l'article 165.21 relatives à la nomination et à l'inamovibilité des juges militaires ne respectent pas suffisamment l'indépendance judiciaire, conformément à l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés. La cour a expressément déclaré constitutionnellement invalides et inopérants les paragraphes 165.21(2), 165.21(3) et 165.21(4) de la Loi sur la Défense nationale. Elle a toutefois suspendu sa déclaration d'invalidité pour six mois afin de permettre au Parlement d'adopter une mesure corrective, à défaut de quoi cette déclaration entrera en vigueur le 2 décembre 2011.
[Français]
Cette décision est conforme aux recommandations du très honorable Antonio Lamer, regretté juge en chef de la Cour suprême du Canada, qui a procédé à un examen indépendant de la Loi sur la défense nationale en 2003. Ce dernier avait constaté que ces dispositions n'étaient pas inconstitutionnelles, mais que les juges militaires devraient jouir d'un régime d'inamovibilité jusqu’à l’âge de la retraite, sous réserve uniquement d’une révocation motivée sur recommandation d’un comité d’enquête.
(0850)
[Traduction]
Le projet de loi C-16 fait directement suite aux recommandations figurant dans le rapport Lamer et à la décision rendue dans l'affaire R. c. LeBlanc. Les modifications proposées permettront de renforcer la sécurité de l'inamovibilité des juges militaires en stipulant que ces derniers peuvent rester en poste jusqu'à l'âge de 60 ans, à moins qu'ils ne soient démis de leurs fonctions sur la recommandation d'un comité d'enquête ou qu'ils démissionnent.
Comme je l'ai souligné plus tôt, le projet de loi C-15, Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada, déposé en même temps que le texte législatif qui nous occupe, porte sur les mêmes questions d'inamovibilité et comprend des modifications systémiques de plus grande envergure. On y a ajouté des modifications aux fins de coordination pour que ce soit ses dispositions qui s'appliquent, advenant que les deux projets de loi entrent en vigueur. Ces dispositions sont identiques dans les deux projets de loi.
Je vous aiderai avec plaisir en répondant aux questions que vous pourriez avoir au sujet du projet de loi C-16.
Je vous remercie sincèrement de votre exposé, colonel.
Comme mes collègues le savent, nous appuyons pleinement ce projet de loi et collaborons avec M. Alexander, secrétaire parlementaire, afin de le faire adopter le plus rapidement possible. Nous ne voyons pas en quoi il porte à controverse, le considérant plutôt comme une mesure de régie interne en matière de justice.
Nous aimerions poser quelques questions afin d'éclaircir certains points, mais nous avons l'intention de faire adopter le projet de loi par le comité et de le soumettre à la troisième lecture aussi rapidement que possible afin de le mettre en oeuvre.
Sur ce, je demanderai à ma collègue Mme Moore de poser quelques questions d'éclaircissement. Sachez toutefois que nous entendons faire adopter le projet de loi aussi rapidement que possible, monsieur le président.
Ma première question porte sur une des modifications que le projet de loi propose à la loi. Ainsi modifié, le paragraphe 165.21(3) de la loi indiquerait ceci: « Le juge militaire cesse d’occuper sa charge dès qu’il est, à sa demande, libéré [...] »
Je me demande si les mots « à sa demande » sont importants. Lorsque le juge est libéré des Forces canadiennes, que ce soit à sa demande ou non, il est libéré. Il se peut qu'il s'agisse d'une libération pour des raisons médicales que le juge n'ait pas demandée.
Selon vous, les mots « à sa demande » sont-ils pertinents?
Oui, le projet de loi tient évidemment compte de la possibilité qu'une fois nommé, un juge militaire peut ne pas souhaiter poursuivre sa carrière pour des raisons personnelles. En pareil cas, rien de l'empêche de se prévaloir de l'indépendance traditionnelle des juges et de demander à être libéré de ses fonctions et des forces armées.
Dans l'hypothèse qu'un juge soit considéré médicalement incapable de continuer d'assumer ses fonctions, un comité d'enquête serait constitué afin de formuler une recommandation fondée sur le fait que l'intéressé n'est pas en mesure, pour des raisons médicales, d'exécuter son mandat. Le processus est essentiellement le même que celui qui s'applique aux juges du système de justice civile.
J'aimerais aussi poser une deuxième question, qui est, elle aussi, un peu technique.
Pourquoi a-t-on fixé à 60 ans l'âge de la retraite, et non pas à 65 ans? Actuellement, quel est l'âge fixé pour la retraite? J'aimerais avoir plus de précisions. Pourquoi la norme de 60 ans a-t-elle été choisie?
Si l'on a choisi 60 ans, c'est parce que les juges militaires sont des officiers militaires des Forces armées canadiennes et que l'on a jugé important, pour assurer la cohérence de la politique relative au personnel, que leur âge de départ à la retraite soit le même que celui des autres officiers des forces armées, énoncé au paragraphe 15.17 des OAFC. Actuellement, pour les militaires entrés en service depuis 2004, l'âge obligatoire de la retraite des officiers des Forces armées canadiennes est généralement de 60 ans. Les juges militaires étant des officiers militaires, comme je l'ai déjà indiqué, nous avons fixé l'âge de la retraite à 60 ans.
J'aimerais mieux comprendre la composition du comité d'enquête. Faut-il qu'un juge fasse l'objet d'une plainte? Comment le processus fonctionne-t-il? De qui le comité serait-il composé? Comment en trouverait-on les membres? Serait-il difficile de démettre un juge de ses fonctions?
Les dispositions que comprend notre loi au sujet du comité d'enquête sont en large partie semblables à celles qui figurent dans la Loi sur les juges concernant les juges civils. Ainsi, à l'heure où on se parle, le comité d'enquête, constitué en vertu des ordonnances et règlements royaux, comprendrait trois juges de la Cour d'appel de la cour martiale choisis par le juge en chef de ce tribunal. Afin d'assurer l'indépendance du comité, c'est une instance indépendante externe qui en détermine la composition, et les membres qui le composent sont des juges de la Cour d'appel de la cour martiale.
Selon les dispositions du projet de loi C-15, le comité d'enquête recommandé par l'ancien juge en chef Lamer serait déplacé des règlements à la Loi sur la Défense nationale comme telle afin d'en rehausser l'importance et d'accroître la perception de la sécurité de l'indépendance.
Pour ce qui est de savoir s'il serait difficile de destituer un juge, ce n'est évidemment pas une démarche que l'on prendrait à la légère, et ce, dans les systèmes de justice tant militaire que civil. On recourt extrêmement rarement à ce processus, et il faudrait pour qu'on le fasse que le juge se soit suffisamment mal conduit pour qu'on considère qu'il ou qu'elle ne peut plus agir à titre de juge ou qu'il ou qu'elle soit incapable de continuer d'occuper ses fonctions pour des motifs médicaux.
Les conditions et les critères de destitution figurent dans la loi, et c'est une instance indépendante externe qui décide de formuler une recommandation.
Si pareille mesure est jugée nécessaire, le processus serait lancé par une instance autorisée, comme le Juge-avocat général, responsable de l'administration du système de justice militaire, qui écrirait à la Cour d'appel de la cour martiale, laquelle formerait alors le comité.
Comme je l'ai dit, il faudrait que ce soit une situation de toute évidence très grave, où le juge s'est mal conduit — s'il est reconnu coupable d'une infraction criminelle grave, par exemple — ou a subi un accident vasculaire cérébral ou un malaise qui le rend médicalement incapable d'exécuter son mandat. Il importe toutefois de souligner que l'on a prévu le comité d'enquête pour s'assurer que les juges ne peuvent être démis de leurs fonctions que pour des motifs extrêmement sérieux et que le processus à suivre pour recommander la destitution est transparent et rigoureux.
Pourriez-vous nous indiquer quelles seraient les conséquences si le projet de loi n'est pas adopté rapidement par le comité et la Chambre des communes? Autrement dit, à quel point est-il urgent de lui accorder la sanction royale?
C'est très important. Comme je l'ai fait remarquer dans mon exposé, la Cour d'appel de la cour martiale, dans le jugement rendu dans l'affaire LeBlanc, n'a suspendu sa déclaration d'invalidité que jusqu'au 2 décembre. Si le projet de loi n'a pas reçu la sanction royale et n'est pas adopté d'ici là, l'incertitude n'en sera que plus grande au sein du système de justice militaire.
On peut, selon moi, raisonnablement s'attendre à une prolifération des demandes et des appels à la cour martiale concernant l'indépendance des juges militaires, ce qui ne manquera pas d'accroître l'incertitude dans le système, de retarder l'avancement des dossiers et de susciter l'insécurité tant chez les accusés que chez les victimes dans les affaires où il y a des victimes.
Il y a pour l'instant quatre juges militaires. Si le projet de loi est adopté, par application de la loi, les dispositions sur l'inamovibilité s'appliqueront à eux et ils seront certains de conserver leur poste jusqu'à l'âge de la retraite, à 60 ans.
La Loi sur la défense nationale stipule actuellement qu'un officier peut être nommé juge militaire s'il est avocat inscrit au barreau d'une province pendant au moins 10 ans.
Pourquoi les avocats civils possédant une expérience suffisante dans le domaine juridique ne peuvent-ils être nommés juges militaires?
Cette politique de nomination vient du fait que nous considérons que les juges doivent posséder certains attributs fondamentaux dans un tribunal militaire. Il est notamment essentiel de non seulement comprendre profondément la nécessité d'assurer la discipline au sein des forces armées, mais également d'en saisir les exigences afférentes.
Comme l'a reconnu la Cour suprême dans l'affaire MacKay, en 1980, on considère que les officiers militaires sont, de par leur expérience, les mieux placés pour être juges militaires.
Le processus de sélection d'un juge militaire est fort semblable à celui qui s'applique dans le système civil. Ceux qui souhaitent présenter une demande afin d'être évalués en vue d'être nommés juges militaires soumettent leur nom au comité de sélection. Ce comité est en fait géré par le Commissaire à la magistrature fédérale, qui se charge d'un processus similaire d'administration des évaluations des candidats civils.
Le comité de sélection des juges militaires compte actuellement cinq membres: un juge de la Cour supérieure à la retraite, un membre de l'Association du Barreau canadien, un avocat civil, l'officier occupant le poste de chef du personnel militaire et, pour assurer la représentation du point de vue du personnel non-officier, un adjudant-chef des Forces armées canadiennes.
Le comité de sélection présente, pour chaque candidat, une recommandation au ministre de la Défense nationale. Ce dernier choisit alors la personne qui lui semble compétente et soumet son choix au cabinet afin de le faire nommer juge militaire par le gouverneur en conseil.
Dans les Forces canadiennes, il y a un mécanisme connu sous le nom de CANFORGEN, ou message général des Forces canadiennes. Divers moyens sont utilisés pour diffuser les informations à l'ensemble des Forces canadiennes. On publie un CANFORGEN au moment de la mise à jour de la liste des candidats potentiels. La liste est valide pour trois ans.
Par exemple, il y a eu un CANFORGEN plus tôt cette année et les personnes intéressées ont été invitées à présenter leur candidature au Commissaire à la magistrature fédérale et à remplir un formulaire de demande qui ressemble beaucoup à celui qu'on utilise au civil pour les nominations au poste de juge.
À l'instar du NPD, le Parti libéral va appuyer le projet de loi et veiller à ce qu'à toutes les étapes, il soit adopté le plus rapidement possible.
Mes questions dépassent un peu la portée du projet de loi en soi. Elles portent, pour ainsi dire, sur l'origine du projet de loi, soit l'affaire LeBlanc. Fondamentalement, ce cas résulte d'une incompatibilité entre la chaîne de commandement et la Charte des droits et libertés. Si l'affaire LeBlanc n'avait pas eu lieu, il y aurait certainement eu quelque chose de semblable parce que n'importe quel avocat de la défense essaierait de relever les incompatibilités des deux systèmes.
Au Royaume-Uni, on a confié le processus au civil — ou on l'a retiré des mains des militaires — afin de réduire les incompatibilités qui existent entre la chaîne de commandement et les exigences en matière de justice militaire. D'après ce que j'ai compris, le juge-avocat général a été dépouillé de ses fonctions de conseiller juridique et de poursuivant. Le poste de JAG a été confié au civil et relève maintenant du ministère de la Justice, la responsabilité d'engager des poursuites relève du ministère du Procureur général et plusieurs autres changements complémentaires ont été apportés.
Plus la distinction entre les systèmes juridiques militaire et civil est grande — plus ils semblent différents —, plus on risque de se retrouver avec des affaires LeBlanc, des situations semblables ou des choses de cette nature. Donc, puisque vous êtes un officier chevronné qui connaît les rouages depuis longtemps, ma question est la suivante: quelle est la logique de ne pas saisir l'occasion qui est offerte d'harmoniser le système militaire le plus possible avec le système civil, en conformité avec la Charte des droits et libertés?
En guise de réponse, j'aurais trois choses à dire; à mon avis, il est très important que le comité les comprenne bien.
Premièrement, le rapprochement que vous faites par rapport aux changements qui ont été faits au Royaume-Uni s'inspire manifestement des récents articles écrits par M. Michel Drapeau. En réalité, certains points sont inexacts. Il est faux de dire que la fonction de poursuivant relève maintenant du ministère du Procureur général. Au Royaume-Uni, ce rôle revient au directeur des poursuites militaires. Ce poste a été créé en vertu de l'Armed Forces Act 2006 et relève entièrement du ministère de la Défense.
On peut nommer à ce poste un avocat civil ou un officier militaire — actuellement, c'est un civil — et les procureurs sont militaires. Le titulaire du poste a indiqué que le procureur général est chargé de la supervision générale, mais le directeur des poursuites militaires — l'autorité compétente en matière de poursuites militaires — relève toujours du ministère de la Défense, qui fournit le personnel et le financement.
Le tableau brossé par M. Drapeau comporte aussi plusieurs autres inexactitudes que je n'examinerai pas en détail à ce moment-ci parce qu'elles ne se rapportent pas directement à votre question. Aussi, il faut faire preuve de prudence lorsque l'on examine les autres États et qu'on affirme qu'on y fait ceci ou cela. Premièrement, il faut s'assurer de la véracité des faits; deuxièmement, il ne faut pas faire des rapprochements trop faciles.
Nous faisons beaucoup de recherche en droit comparé. Par exemple, je reviens d'Australie, où j'ai eu des discussions avec des collègues au sujet de leur système. Je peux certainement affirmer qu'ils aimeraient bien avoir des problèmes comme les nôtres. Notre système de justice militaire fait l'envie de la plupart des pays du monde.
Pour répondre directement à votre question sur les raisons pour lesquelles notre système est ainsi structuré, nous avons eu des discussions auparavant et nous avons évalué le plus objectivement possible les caractéristiques fonctionnelles nécessaires ou souhaitables d'un tribunal militaire. Comme je l'ai dit, un des attributs fondamentaux, c'est que les juges comprennent parfaitement la nécessité d'assurer la discipline au sein des forces armées et qu'ils en saisissent les exigences afférentes. Pour ce faire, les mécanismes varient d'un État à l'autre. Or, selon notre évaluation, la meilleure façon d'y parvenir, c'est de nommer des officiers militaires qui ont l'expérience militaire exigée.
J'aimerais souligner qu'il ne fait aucun doute que d'autres États importants en conviennent, comme les États-Unis; en effet, dans ce pays, les juges militaires sont des officiers militaires.
Je ne contredis pas l'idée selon laquelle il y a une exigence en matière de maintien de la discipline; en l'occurrence, il faut obéir à la chaîne de commandement. Dans beaucoup de cas, cependant, une agression demeure une agression, qu'elle survienne au sein ou à l'extérieur des forces armées. Vous pouvez passer en revue toutes les infractions prévues au Code criminel et ce sera la même chose.
Abstraction faite de l'exactitude ou de l'inexactitude des propos de M. Drapeau, il n'en demeure pas moins qu'il souligne qu'en général, l'Union européenne en particulier — soit 27 pays, je crois — se dirige vers une justice militaire plus fondée sur une approche civile. Cela permet de réduire les incompatibilités qui existent entre la chaîne de commandement — qui a ses propres intérêts, pourrait-on dire — et le bon déroulement d'une poursuite en vertu d'une infraction au Code criminel, qui pourrait correspondre à ces intérêts ou non.
Permettez-moi de revenir à la question fondamentale. Pour ce qui est de la discipline, pourquoi faut-il que les juges soient des officiers militaires?
En guise de réponse, j'aimerais soulever deux points. Pour la raison précise que je viens de mentionner, en fonction des attributs fondamentaux du tribunal, les personnes les mieux placées sont celles qui ont de l'expérience dans le monde militaire. Le juge Ritchie en a convenu dans l'affaire MacKay, et il a précisé que sauf le respect qu'on doit aux personnes qui ne partagent pas cet avis, ce rôle est mieux rempli par des officiers expérimentés.
En fin de compte, je pense qu'il y a des différences entre les systèmes de justice civile et militaire, et qu'il y a une raison à cela. La véritable question ne devrait pas être de savoir pourquoi le système de justice militaire n'est pas identique au système civil; la vraie question est de savoir s'il est conforme à la Constitution et s'il remplit efficacement les rôles pour lesquels il est conçu. Ces deux fonctions sont: promouvoir l'efficacité opérationnelle des Forces canadiennes en contribuant au maintien de la discipline, de la cohésion et du moral; et assurer la justice.
Vous verrez qu'à l'article 62 du projet de loi C-15, nous avons tenté d'établir les fonctions fondamentales du système afin de définir précisément dans la mesure législative...
Y a-t-il eu des études sur les différences, dans le cas de situations semblables, des sentences reçues par le personnel militaire comparativement au personnel civil?
Nous connaissons très bien les différences qu'il y a actuellement entre les régimes de détermination de la peine en vertu du Code criminel civil et le code de discipline militaire prévu à la partie III de la Loi sur la défense nationale. Comme vous le savez, le juge en chef Lamer nous a recommandé d'améliorer la souplesse de notre régime de détermination de la peine. Au fait, c'est ce qu'on essaie de faire dans le projet de loi C-15. On propose l'instauration de plusieurs nouvelles options de détermination de la peine, comme les peines discontinues et l'absolution inconditionnelle.
Comme toute autre personne au Canada, les militaires sont assujettis aux lois d'application générale canadiennes. Lorsque je me promène dans les rues d'Ottawa, je suis entièrement assujetti aux dispositions du Code criminel canadien, au même titre que tout autre citoyen. Bien entendu, afin de satisfaire aux exigences liées au maintien de la discipline, la Cour suprême du Canada a reconnu, dans l'affaire Généreux, la nécessité d'un système de justice distinct, d'un code de discipline militaire distinct.
De toute évidence, l'intention est d'améliorer la justice, et j'aimerais insister sur ce point. En 2003, le juge en chef Lamer a recommandé l'adoption d'un régime d'inamovibilité jusqu'à l'âge de la retraite. Le gouvernement a accepté cette politique et a essayé trois fois — dans les projets de loi C-7, C-45 et C-41 — d'inscrire dans la loi l'inamovibilité des juges militaires jusqu'à l'âge de la retraite. Dans la foulée de la décision rendue dans l'affaire LeBlanc, la seule véritable distinction entre ces projets de loi et celui-ci, c'est que le tribunal a indiqué sa préférence pour qu'on précise un âge dans la loi plutôt que de le faire par voie de règlement. Voilà pourquoi le projet de loi est ainsi structuré.
En réponse au point que vous avez soulevé, monsieur, l'intention du projet de loi est nettement d'accroître l'indépendance des juges militaires, et c'est là un des éléments clés de la perception de la justice au sein du système.
J’aimerais poser une question complémentaire sur le processus de sélection des juges. Vous avez dit que les candidats au poste de juge sont choisis parmi un groupe d’avocats. J’aimerais aller un peu plus loin et vous demander si vous avez recours au même processus pour ce qui est de la sélection des avocats de la poursuite.
En vertu de la Loi sur la défense nationale, depuis le projet de loi C-25 en 1998, le directeur des poursuites militaires est chargé des poursuites devant la cour martiale; donc, c’est le titulaire du poste qui est le procureur prévu par la loi pour les Forces canadiennes.
Essentiellement, le système est fondé sur le modèle du directeur des poursuites pénales, c’est-à-dire qu’il procure l’indépendance fonctionnelle nécessaire à l’indépendance de la poursuite. Le DPM qui occupe le poste prévu par la loi est responsable de la sélection du personnel qui est considéré comme le plus compétent pour agir à titre de poursuivant. Évidemment, cela se fait en collaboration avec le JAG. À l’instar d’un directeur des poursuites pénales dans un système civil, on cherche à recruter les personnes les plus compétentes pour remplir cette fonction.
D’accord. Et y a-t-il un contrat avec le procureur, où la longévité... ou est-ce seulement une nomination pour une période déterminée au poste de procureur?
Essentiellement, l’indépendance descend de la direction de l’organisme. Par exemple, le juge-avocat général a des responsabilités établies par la loi et son indépendance est aussi protégée par la loi. De même, la loi prévoit que le directeur des poursuites militaires est nommé par le ministre pour un mandat précis de quatre ans, pendant lequel on prévoit son inamovibilité.
Il y a une disposition qui prévoit la formation d’un comité d’enquête, pour l’essentiel semblable à un comité d’enquête qu’on aurait dans le cas d’un juge. Le comité étudierait les faits puis présenterait une recommandation à l’autorité compétente en matière de nomination, c’est-à-dire au ministre responsable du DPM, dans ce cas-ci, quant à savoir si la personne devrait être maintenue en poste ou non. Il s’agit d’une protection contre toute intervention arbitraire venant de la chaîne de commandement.
Je crois comprendre qu’il s’agit d’une combinaison de la profession des armes et de celle du droit, et que c’est toujours une question d’équilibre. Je crois savoir que le droit est de compétence provinciale, tandis que la profession des armes relève du fédéral. Il faut être un bon soldat apte au déploiement et il faut aussi être un bon avocat. À votre avis, comment peut-on réussir cette combinaison?
Voilà qui vient appuyer l’une des raisons pour lesquelles nous considérons qu’il est important que les juges militaires soient des officiers ainsi que vous l’avez très justement souligné.
La transférabilité, et aussi la flexibilité, est l’un des attributs fonctionnels requis dans notre système — nous menons des opérations dans toutes les régions du monde — afin que nos tribunaux puissent siéger là où il y a des conflits, que ce soit dans une garnison au Canada en temps de paix ou dans un pays comme l’Afghanistan qui connaît un conflit armé. Il est donc très important que les juges militaires puissent être déployés. Et encore une fois, c’est l’une des raisons pour lesquelles il faut que ce soit des officiers qui possèdent les aptitudes physiques et l’état de santé exigés des officiers. Cela pour assurer que dans le cas où un tribunal doit tenir une audience en Afghanistan ou en République démocratique du Congo ou dans tout autre pays où nos forces sont en déploiement, l’officier qui assume les fonctions de juge militaire pourra être déployé sans problème et siéger dans un tribunal dans un de ces pays à risque.
Le projet de loi C-15 contient une disposition à cet effet. Bien évidemment, les dispositions à portée très restreinte du projet de loi C-16 dont est saisi le comité ne traitent pas de cette possibilité.
Merci, monsieur le président; je remercie tous les députés pour leur coopération sur cette question, et particulièrement M. Christopherson et M. McKay. Merci aux témoins. Je remercie le président qui est toujours vigilant, les autres députés de notre parti et les analystes.
Nous avons remarqué, colonel Gibson, que dans le paragraphe 165.21(4) de la version française du très court projet de loi C-16 qui ne contient que deux articles… En anglais, on peut lire A military judge may resign et en français « il peut démissionner ». Autrement dit, pour une raison quelconque les mots « Le juge militaire » sont absents. Nous y reviendrons certainement au cours de l’étude article par article, mais d’un point de vue professionnel, considérez-vous que ce soit une erreur de traduction?
Pouvez-vous m’accorder un tout petit instant pour que je puisse conférer avec mon collègue, le colonel Dufour, qui est rédacteur de loi et qui me permettra de vous donner une réponse qui fera plus autorité.
Le colonel Dufour vient de me dire que c’est une convention des rédacteurs de loi au ministère de la Justice. Le paragraphe 165.21(3) proposé utilise « Le juge militaire » et la convention actuelle relative à la rédaction veut que l’on utilise « Il » dans les paragraphes ultérieurs.
Ce n’est donc pas une erreur. C’est ainsi qu’écrivent les rédacteurs.
Encore une fois, on me dit, qu’il s’agit d’une convention des rédacteurs du ministère de la Justice, une convention qu'ils suivent toujours dans la rédaction des projets de loi. La rédaction est quelque chose que je ne comprends pas bien, mais d’après mon conseiller, c’est l’usage aujourd’hui.
Nous allons mettre fin à ce volet de la discussion.
Comme M. Brahmi le sait, je pense que parfois il n’y a pas d’équivalents exacts entre les articles définis et indéfinis anglais et français. Dans une bonne traduction, on trouve des variantes.
On me fait souvent remarquer que, dans le projet de loi C-15, le choix du libellé français comparé au libellé anglais est tout à fait délibéré. C’est également ce que nous avons constaté dans le projet de loi C-16.
Je rappelle aux membres du comité que, dans le cadre du processus de rédaction législative, les versions préliminaires rédigées par les rédacteurs sont révisées par des jurilinguistes des services de rédaction législative du ministère de la Justice. Ces jurilinguistes s’assurent que les articles énoncés dans ces versions préliminaires sont conformes aux normes de rédaction en vigueur.
Vu qu'on parle de textes légaux et de traduction en français, je me demandais s'il faudrait spécifier « le ou la juge militaire » ou dire simplement « le juge militaire », qui sous-entendrait également « la juge ».
La réponse à cette question se trouve dans la Loi d’interprétation qui précise que l’article masculin s’applique le cas échéant aux personnes physiques de l’un ou l’autre sexe. On se fonde donc sur les dispositions de la Loi d’interprétation.
Entendu. Je souligne simplement que l’on utilise le genre masculin. Je me demande s’ils font le contraire des fois. Leur arrive-t-il d’utiliser le genre féminin et que ce genre s’applique aux deux sexes?
Je suis désolé d'être pointilleux, mais dans la version anglaise, on dit « his or her request ». Or pour être conséquent, il faudrait que dans la version française on dise partout « le ou la juge militaire ». À mon avis, ce serait très lourd. Habituellement, on utilise un masculin neutre quand on veut parler de la fonction plus que de la personne.
Absolument. Pour les membres du comité qui ne connaissent pas très bien le processus, sachez que lorsqu'une personne écrit une loi, elle le fait dans une salle de rédaction avec des rédacteurs de loi et la loi est rédigée simultanément en anglais et en français. Il n’y a pas de traduction d’une version à l’autre. Il y a un rédacteur anglais et un rédacteur français et ils doivent s’assurer que l'on retrouve la même signification dans les deux textes. La traduction ne sera peut-être pas littérale, mais le message sera le même. Les deux versions sont écrites simultanément et révisées, je le répète, par des jurilinguistes.
Je vois que personne ne lève la main. Je vais passer à l’étude du projet de loi. Comme tout le monde sait, le paragraphe 75(1) du Règlement dit:
Lors de l'étude de projets de loi par un comité de la Chambre, on reporte d'abord à plus tard l'étude du préambule puis celle du premier article si celui-ci ne vise que le titre abrégé; le comité étudie ensuite chacun des autres articles dans l'ordre, puis en dernier lieu le premier article (s'il ne vise que le titre abrégé), le préambule et le titre.
En vertu de ce paragraphe, nous allons mettre de côté l’étude de l’article 1 que nous reportons à plus tard. Nous passons aux paragraphes 2(1) et (2) de l’article 2.
Il y a uniquement l'erreur qui a été soulignée dans le paragraphe 165.21(4). Dans la version française, il est écrit « Il peut démissionner [...] », mais il serait préférable d'écrire « Le juge militaire peut démissionner [...] » Il s'agit donc simplement de remplacer « Il » par « Le juge militaire ». C'est une erreur de syntaxe.
Je vais accepter cet amendement, car il est conforme aux paragraphes (2) et (3) proposés. La version française sera uniforme dans les trois paragraphes.
Y a-t-il des observations à propos de l’amendement? Nous supprimons le mot « Il » et nous le remplaçons par les mots « Le juge militaire » dans le paragraphe (4) proposé qui fait partie de l’article 2 du projet de loi.
Est-ce bien compris? Y a-t-il des questions ou voulez-vous qu'on en discute?
Non? Alors je mets l’amendement aux voix. Tous ceux qui sont pour l'amendement?
Je ne crois pas qu’il modifie le sens de la loi. Ma décision, en tant que président, est que l’amendement est recevable. Il est conforme au projet de loi.
Je ne parlerai que des rédacteurs. Sommes-nous en train de contrecarrer une importante convention relative à la rédaction? Il ne s’agit pas seulement d’une question d'uniformité dans ce projet de loi, mais de l'uniformité dans tous les projets de loi. Si nous sommes en train d’imposer une quelconque nouvelle convention, il faudrait alors peut-être que l'on nous dise ce pourrait signifier cet amendement, pas seulement pour ce projet de loi mais pour tous les projets de loi.
Si nous devons appliquer la même règle pour le projet de loi C-15, je crois comprendre qu'ils ont utilisé couramment « il » par opposition à « juge militaire » dans le C-15.
Oui. Je comprends la réaction de Christine et il y a une certaine logique et une certaine conformité. Mais, des conventions relatives à la rédaction sont aussi élaborées au fil du temps et elles ont aussi une logique et une conformité qui leur sont propres. J’hésiterais à modifier ces conventions à cause de quelque chose qui semble être beaucoup plus raisonnable… Je suis dans un vrai dilemme parce que je pense que son point de vue est juste. D'un autre côté, ils rédigent de cette façon pour de bonnes raisons. J'ignore ce que pourraient être ces bonnes raisons, mais ils ont de bonnes raisons de suivre ces conventions.
Je rejoins les propos de M. McKay. Je pense que c'est probablement dans le cadre de l'examen de la Loi d’interprétation que nous pourrions régler cette question… Le témoin nous a déjà indiqué qu’il s’agissait d’une convention, et si l’on crée un précédent, nous pourrions passer énormément de temps, au cours de futurs travaux du comité, pour modifier un libellé qui ne change en rien le sens de la loi.
J’espère que si nous faisons des amendements, nous le ferons pour changer les conséquences du projet de loi et non pas pour changer le libellé. Je pense que la meilleure façon d’apaiser ces inquiétudes serait probablement d’étudier la Loi d’interprétation, si jamais nous l’examinons.
Mais, on nous a dit que cet usage est une convention. Le texte est correct du point de vue juridique. C’était l’objectif des rédacteurs. Donc bien que, comme John, je comprenne la préoccupation qui est soulevée, j’estime que le libellé en tant que tel est acceptable.
Monsieur le président, je crois que ce dernier commentaire m’a convaincu. Le projet de loi sera efficace et le sens est clair dans les deux versions. Mais au lieu de risquer d’enfreindre une convention qui a été suivie dans d’autres lois ou qui est universellement utilisée dans la traduction des textes législatifs, nous devrions plutôt faire preuve de prudence et c'est une attitude qui plaide en faveur du maintien du libellé actuel.
Je n’ai aucune objection, mais je ne sais pas ce que seront les conséquences. Je ne crois pas que la convention qui sera ignorée soit importante, elle pourrait être négligeable.
Je suis d’accord avec ce qui a été dit, soit que cela ne changera pas de manière significative le projet de loi.
Je voudrais seulement souligner, et je crois que M. McKay l’a bien fait remarquer, que c’est la convention relative à la rédaction en vigueur. À titre d’information pour les membres du comité, la convention a été utilisée maintes fois dans le projet de loi C-15 — nous espérons que le comité en sera saisi très prochainement —, donc si vous apportez ce changement ici, vous devez vous préparer à faire plusieurs fois des changements dans le projet de loi C-15.
J'ai seulement une remarque à faire. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on retire l'amendement. Dans le projet de loi C-15, le fait d'utiliser parfois « le juge militaire » et parfois « il » porte à confusion. La personne qui l'a rédigé n'a pas prêté attention à cela; pour elle, ce n'était pas très important de mettre soit « il », soit « le juge militaire ». Le fait que la traduction ne soit pas équivalente est uniquement du au fait que les versions anglaise et française ont été rédigées par deux personnes différentes sans concertation. À mon avis, c'est plus ça, le problème.
Je voudrais souligner que les rédacteurs font preuve de beaucoup d’attention dans leur travail et, je vous assure que pour quelqu’un qui examine le projet de loi d’un point de vue politique, l’attention qu’ils prêtent est incroyable. La convention veut que la première fois qu’on l’utilise dans un article, on mette
[Français]
« le juge militaire »
[Traduction]
et dans les paragraphes ultérieurs, on mette « Il ». C’est la raison pour laquelle on peut voir les deux expressions. Il y a un usage uniforme de la convention, c’est-à-dire que l'on utilise l'expression entière à la première occurrence dans l’article.
Ce n'est pas le cas en ce qui concerne l'article 165 de la loi visée par le projet de loi C-15. Ce que vous dites est contredit dans les paragraphes 165.21(2) et 165.22(2) de la loi que le projet de loi C-15 veut modifier. Je pense que c'est plus une liberté que le rédacteur a prise.