:
Monsieur le président, je souhaite d'abord remercier le comité de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui dans le cadre de l'étude du projet de loi . Comme vous l'avez dit, Alain Gauthier est le directeur général des opérations.
Bien qu'il ne soit pas mentionné dans la Loi sur la défense nationale, le Bureau de l'Ombudsman a été créé en juin 1998 pour accroître la transparence au sein des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale, ou MDN, en plus d'assurer un traitement équitable des problèmes soulevés par le milieu de la Défense. Cette communauté comprend notamment les membres des Forces canadiennes, qui regroupent la Force régulière et la Force de réserve, les employés civils du MDN, les membres des familles et toute personne qui présente une demande d'enrôlement.
L'ombudsman relève directement du , et ses pouvoirs sont régis par des directives ministérielles. Il est indépendant de la haute direction du MDN et de la chaîne de commandement des Forces canadiennes. Le Bureau de l'Ombudsman agit comme conseiller neutre et objectif, souvent à titre de médiateur et d'enquêteur.
[Français]
En bref, le bureau a pour mandat de mener des enquêtes et de formuler des recommandations visant à améliorer le bien-être et la qualité de vie des membres de la communauté de la Défense. Bien que nos enquêteurs tentent toujours de résoudre les plaintes à l'amiable et au plus bas niveau possible, certaines plaintes peuvent aussi faire l'objet d'une enquête approfondie menant à un rapport officiel dont les conclusions et les recommandations sont rendues publiques.
[Traduction]
Au cours des 15 dernières années, le Bureau de l'Ombudsman a orienté plus de 21 000 personnes ayant déposé des plaintes ou soulevé des problèmes vers les mécanismes existants d'aide ou de règlement des griefs.
En février 2011, j'ai comparu devant votre comité pour discuter des conclusions de mon rapport de 2010, intitulé Le processus de règlement des griefs des Forces canadiennes: Redresser la situation pour ceux et celles qui servent. Le rapport avait mis en évidence des lacunes du processus de règlement des griefs portant davantage préjudice aux membres des Forces canadiennes ayant déjà été lésés.
À ce moment-là, j'ai affirmé avoir constaté que le processus de règlement des griefs était défectueux et inéquitable. Il est censé être un mécanisme rapide et informel permettant aux soldats, aux marins et aux aviateurs de remettre en question les actions des Forces canadiennes et de régler les dossiers sans avoir recours aux tribunaux ou à d'autres processus. Plus particulièrement, nous avons déterminé que le chef d'état-major de la Défense, qui est l'autorité de dernière instance dans le cadre du processus de règlement des griefs, n'a pas le pouvoir d'indemniser un militaire pour la résolution complète d'une injustice.
[Français]
De plus, lorsqu'une réclamation est rejetée, ce qui est souvent le cas, on informe les membres des Forces canadiennes qu'ils doivent intenter une action en justice contre le gouvernement du Canada pour obtenir une indemnisation. Toutefois, à l'insu de la plupart des hommes et des femmes militaires, ces actions en justice sont rarement entendues par un tribunal parce que des cours antérieures ont établi qu'il n'y avait aucun contrat de travail ayant force de loi entre la Couronne et les membres des Forces canadiennes.
[Traduction]
Nos conclusions étaient conformes à celles de l'ancien juge en chef Lamer, qui, en 2003, a recommandé que le chef d'état-major de la Défense, ou CEMD, ait le pouvoir financier de régler les réclamations faisant l'objet de griefs, mais aussi à celles de l'ancien juge LeSage, qui a indiqué en 2012 qu'il faut adopter des dispositions législatives pour trancher la question.
Le a indiqué être résolu à accorder au CEMD le pouvoir financier de régler les griefs et être en train de chercher un mécanisme acceptable. La question sera difficile à régler si nous n'appliquons pas la recommandation du juge LeSage et ne tranchons pas la question dans la loi.
Dans une lettre du 26 juillet 2012, le ministre m'a informé que le Conseil du Trésor avait autorisé le CEMD à verser des paiements à titre gracieux dans le processus de règlement des griefs. Le a indiqué qu'il s'agissait d'un point de départ dans l'application de mes recommandations.
La politique du Conseil du Trésor impose des limites importantes aux paiements à titre gracieux, car ces paiements ne peuvent viser à combler des lacunes perçues ou à pallier l'insuffisance apparente d'une loi, d'une politique ou d'autres instruments gouvernementaux.
Finalement, j'aimerais répéter ce que j'ai déclaré devant votre comité en 2011, c'est-à-dire que le processus de règlement des griefs des Forces canadiennes demeurera défectueux et inéquitable tant et aussi longtemps que l'autorité de dernière instance à cet égard — le chef d'état-major de la Défense — n'aura pas le pouvoir de verser des indemnités pour la résolution des injustices.
Monsieur le président, je suis prêt à répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais souligner la présence de Laurie Hawn, qui a déjà assisté à une séance sur le sujet. Bienvenue à notre « nouveau venu, mais habitué ».
Monsieur Daigle, je vous remercie de comparaître aujourd'hui. Je sais que vous et d'autres, comme le juge Lamer en 2003, avez soulevé de graves problèmes quant à la possibilité de procéder au règlement des griefs des membres en raison de la deuxième étape. Il est même arrivé que des membres doivent poursuivre le gouvernement pour obtenir l'argent qui leur était finalement dû.
Je vais vous remettre le décret adopté le 19 juin 2012 dans les deux langues officielles; j'en ai des copies pour tous les membres du comité.
Ce décret autorise le CEMD à verser un paiement à titre gracieux à toute personne visée par une décision définitive rendue dans le cadre de la procédure applicable aux griefs établie en vertu de la Loi sur la défense nationale.
Je constate deux restrictions. D'une part, le versement ne peut être autorisé que si la décision était déjà rendue à la date d'entrée en vigueur du décret. D'autre part, le paiement est assujetti aux conditions que fixe le Conseil du Trésor.
J'aimerais savoir si vous croyez que ce décret aidera d'une façon ou d'une autre les membres qui ont des griefs non réglés et qui ont besoin d'obtenir réparation.
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Merci, monsieur le président. Je suis ravi d'être de retour pour discuter du projet de loi , ou bien , , ou encore , quel que soit le numéro de la plus récente version.
L'hon. John McKay: Vous oubliez le projet de loi .
L'hon. Laurie Hawn: Peu importe le chiffre, je remercie les témoins d'être ici.
Monsieur Daigle, dans le rapport auquel vous avez fait référence — j'ai assisté à la séance où vous le présentiez — le juge en chef Lamer et le Chef d'état-major de la Défense ont dit que le CEMD devrait pouvoir autoriser le versement d'une compensation financière. Nous en avons parlé.
Vous avez aussi dit que le s'était engagé à prendre des mesures à cet égard dans une lettre qu'il vous a adressée le 12 juillet. La lettre disait qu'après neuf années sans que la question ne progresse beaucoup, le ministre avait finalement reçu l'approbation du Conseil du Trésor en juin dernier, permettant ainsi au CEMD de verser des paiements à titre gracieux. La décision sera révisée après un an.
Tout le monde aimerait que les dossiers progressent beaucoup plus rapidement, nous en convenons, mais ces enjeux sont souvent délicats et loin d'être simples. Convenez-vous qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction et que, avant d'agir, il faut tenir compte de la complexité du processus?
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Merci, monsieur le président.
Merci aux deux témoins de leur présence.
Je veux simplement revenir à une question. J'ai pris connaissance d'un certain nombre de sommaires de cas. Une personne a perdu 76 000 $, une autre a réclamé 101 500 $, deux autres 53 000 $ chacune, une autre 29 000 $ et une autre 45 000 $. Ces gens sont très mécontents. Les 98 p. 100 de gens réinstallés qui ne présentent pas de réclamations importent peu. Ce qui compte, ce sont les gens qui estiment qu'ils n'ont pas reçu une indemnité suffisante.
J'ai la lettre d'un résident de Bracebridge dont le gendre a été déménagé de Petawawa en Afghanistan, de nouveau à Petawawa, puis à Borden, Edmonton et Halifax. La période qui s'est écoulée n'est pas précisée, mais les gens n'en revenaient pas; ils ne sont pas contents.
C'est inutile de dire qu'il y a des paiements à titre gracieux si la personne qui accorde ces paiements ne peut pas faire de chèque. Il me semble que c'est ça, le problème.
Vous avez des restrictions concernant les paiements à titre gracieux. Vous l'avez bien expliqué. Le Conseil du Trésor a une politique, ce qui est un pas dans la bonne voie selon le gouvernement, mais je dirais que ce n'est pas une avancée du tout. Si le CEMD n'a pas fait un seul chèque depuis la mise en oeuvre des directives en juin, il n'y a qu'apparence de progrès.
Les intéressés ne peuvent pas intenter de poursuites. Le gouvernement aurait pu régler le problème dans son projet de loi . Le processus semble tourner en rond pour bien des gens, même s'ils ne sont pas légion, qui ont subi des effets importants dans leurs familles. Je suis sûr que vous êtes assez frustré à présent.
Quelle est la solution abordable et satisfaisante? Pouvons-nous simplement accorder l'autorité au CEMD pour régler la question?
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Si vous le permettez, je vais revenir à un certain nombre de questions.
Je viens de me rappeler les dernières données que j'ai consultées. Entre 2009 et 2012, 111 réclamations ont été présentées au Conseil du Trésor dans le cadre du programme de garantie de remboursement des pertes immobilières, qui vise les gens qui ont perdu plus de 15 000 $, le maximum qui peut être alloué.
Je suis d'accord pour dire que nous semblons tourner en rond. Le système de griefs n'est pas un système de justice militaire, mais un système qui aide la qualité de vie et le bien-être des gens. C'est une responsabilité qui découle du rôle de leadership.
Le système précise que les gens qui ne sont pas indemnisés entièrement pour un dommage subi peuvent poursuivre le gouvernement. Mais les tribunaux ont indiqué par le passé que c'est impossible, car il n'y a pas de contrat de travail entre l'État et le personnel. Au bout du compte, on n'obtient pas réparation, car les paiements à titre gracieux ne doivent pas combler une lacune.
Concernant la garantie de remboursement des pertes immobilières, le Conseil du Trésor a dit qu'une personne serait entièrement dédommagée si le marché était faible, mais jusqu'ici, le marché au Canada n'a pas été déclaré faible. Dans les circonstances, on n'obtient que 80 p. 100 de ses pertes pour un maximum de 15 000 $. Les chiffres indiquent que 111 personnes ont perdu plus de 15 000 $ et que certains ont sans doute perdu 75 000 $. Cependant, étant donné que la garantie de remboursement des pertes immobilières est une politique établie par le Conseil du Trésor, je dirais que la condition selon laquelle il est impossible de verser une indemnité pour combler une lacune s'applique.
Je ne suis pas avocat, mais d'après les dires d'un juge en chef de la Cour suprême et d'un autre juge en chef, je crois que nous pourrions régler la question si la Loi sur la défense nationale accordait l'autorité nécessaire au Chef d'état-major de la Défense. Nous saurions une fois pour toutes qui a le pouvoir final de réparer les griefs.
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L'ombudsman ne peut pas ordonner de changements. Nous pouvons seulement faire des recommandations, qui relèvent bien sûr entièrement du ministre de la Défense nationale et qui se fondent sur des faits, pas des allégations. Notre travail doit être très crédible.
Lorsque je parcours le pays pour dire aux gens ce que nous pouvons faire pour eux et que je peux aider le système, les personnes et les plaintes, mais aussi les enquêtes systémiques, on dirait qu'ils se sentent abandonnés.
[Français]
Pour ce qui est de leur loyauté envers le système, on les a en quelque sorte abandonnés.
[Traduction]
Les gens sont très frustrés, surtout pour ce genre de question. Le système de griefs a été rationalisé et amélioré depuis 1998 pour comprendre deux niveaux, etc. Comme l'a dit le juge en chef Lamer, c'est différent du système de justice militaire, qui est plutôt accusatoire. La réparation des griefs est un processus de coopération entre les gens dans la chaîne de commandement pour les aider à régler les problèmes. La plupart des questions sont liées aux ressources humaines dans le système.
Nous allons bien sûr continuer. Mon bureau est au service de tous nos mandants. Nous ne sommes pas là pour prendre parti, mais pour défendre la justice. C'est injuste que celui qui contrôle l'administration des forces armées au pays affirme qu'il ne peut rien faire pour quelqu'un qui a bel et bien subi un préjudice. Si la loi donne l'autorité finale et obligatoire au CEMD... Je dirais qu'il n'a pas l'autorité finale.
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Merci, monsieur le président. Bienvenue, messieurs.
Monsieur Daigle, bienvenue.
Concernant les commentaires que vous avez faits plus tôt sur les griefs, surtout au premier niveau, ma réclamation a été acceptée à l'époque. Le système s'est beaucoup amélioré depuis quelques dizaines d'années. Je me souviens que c'était pas mal difficile au début, dans les années 1970. Il y a eu une grande amélioration au fil des années.
Même si nous parlons de certains problèmes actuels, d'importantes améliorations ont été apportées depuis 10 ou 20 ans, surtout concernant le système de griefs et d'autres questions connexes.
Je veux simplement revenir aux commentaires de M. Hawn, pour clore une question.
Monsieur, pouvez-vous parler de certains types de griefs soumis en raison de réinstallations? De plus, les pouvoirs conférés par ce projet de loi et par un décret pourraient-ils régler ces griefs?
:
Par exemple, bien des griefs concernent le déménagement porte-à-porte. Le système exige de déménager en cinq jours. Les gens affectés ailleurs au pays doivent montrer les efforts raisonnables qu'ils ont déployés s'ils ne réussissent pas à respecter cette condition. Bien des gens assument eux-mêmes des frais supplémentaires à cause du délai prévu dans le système. Ils doivent justifier pourquoi il leur a fallu tout ce temps.
L'arriéré actuel du directeur général de la rémunération et des avantages sociaux s'élève à 1 500 réclamations qui portent seulement sur les déménagements porte-à-porte. Les gens affirment qu'ils ont dû assumer des frais supplémentaires. Il y a un arriéré à ce chapitre.
Certaines réclamations vont devenir des griefs, parce que les gens contestent la décision rendue. Il y a présentement environ 215 griefs au premier niveau qui concernent les déménagements.
Vous avez raison de dire que le processus de griefs s'est amélioré au fil des ans. Auparavant, le processus suivait la chaîne de commandement, du capitaine au CEMD. Il n'y a désormais que deux niveaux, l'autorité immédiate et l'autorité finale. Il y a eu une grande amélioration concernant les niveaux d'autorités et les retards. Le directeur général de l'autorité des griefs dans les Forces canadiennes a apporté des changements pour ce qui est des retards. L'examen du grief en vue de la réparation ne doit pas prendre trop de temps à un même niveau.
L'arriéré est imposant. Je mène une petite enquête systémique pour m'informer sur la cause de tous les arriérés et les retards auprès du directeur général de la rémunération et des avantages sociaux. Bon nombre de griefs sont de nature financière et portent sur les déménagements au pays.
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Comme nous l'avons dit au début, nous essayons d'orienter les gens vers les mécanismes existants pour les aider à régler leurs problèmes. Nous leur donnons beaucoup de renseignements, mais à un certain moment, nous essayons aussi de les mettre en contact avec les personnes qui les aideront à régler leurs problèmes.
Comme je l'ai dit, nous ne remplaçons pas la chaîne de commandement. Nous incitons les gens à utiliser les mécanismes existants, le processus de règlement des griefs étant la dernière étape. Nous sommes en quelque sorte la solution de dernier recours. Lorsque la personne a épuisé tous ses recours et que le chef d'état-major de la Défense, en tant qu'autorité de dernière instance, a pris une décision, elle peut s'adresser à nous si elle considère toujours avoir été traitée injustement, et nous réviserons tout le processus de règlement de griefs pour ensuite faire des recommandations au chef d'état-major de la Défense.
C'est une question complexe, car, sans vouloir vous offenser, nous pensons que trop de judiciarisation alourdit un peu le système. Lorsqu'on y pense, c'est un processus administratif visant à intervenir sur une mauvaise décision. Si nous révisons le processus parce que nous découvrons que des éléments ont été omis et que nous demandons au chef d'état-major de la Défense s'il aurait changé d'idée s'il avait été au courant, il pourrait dire oui, car c'est une décision qu'il a prise. À l'heure actuelle, nous nous heurtons encore à une résistance. Je n'aime pas utiliser ce mot, car je déteste l'entendre depuis longtemps.
C’est le principe de dessaisissement, c’est-à-dire qu'une décision a été prise et ne peut pas être révisée, mais il ne s'agit pas d'une décision judiciaire; c'est une décision administrative qu'une personne a prise. Si on vous dit « c'est ce que nous avons découvert » et que vous dites « si j'avais su, j'aurais changé d'idée », je présume que vous êtes en mesure de changer d'idée parce vous pouvez réparer l'erreur.
Dans le cadre du règlement de griefs, nous révisons tout le processus et faisons ces recommandations, etc.
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J'ai témoigné devant ce comité en 2011. Or le 23 mars 2011, le rapport du comité disait bien ceci:
« Que le projet de loi C-41, à l'article 6, soit modifié par substitution, aux lignes 3 à 5, page 5, de ce qui suit : »
On parlait à ce moment-là du chef d'état-major. On disait ce qui suit: « a) tranche toutes les questions ayant trait aux griefs, y compris les questions financières; »
J'étais bien heureux de voir que le comité avait recommandé qu'on octroie au chef d'état-major toute cette autorité dans le cadre de la Loi sur la défense nationale. Comme cette disposition était presque insérée dans la loi, je croyais que cela allait mettre fin à tous ces débats et ces processus qui, à mon avis, peuvent devenir bureaucratiques.
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Encore une fois, notre opinion est claire. Lorsque nous examinons le système de griefs des Forces canadiennes, qui est inscrit dans la Loi sur la défense nationale, nous croyons qu'il demeure inéquitable et qu'il ne sera complet que lorsque l'autorité de dernière instance, le chef d'état-major de la Défense, aura les pleins pouvoirs d'indemnisation.
Nous n'examinons pas la Loi sur la gestion des finances publiques, ni le versement de paiements à titre gracieux en ce sens que cela relève du Conseil du Trésor, mais nous savons que la plupart du temps, ces instruments se rapportent au chef de l’organisation, c’est-à-dire le ministre. À cet égard, nous disons que le système de griefs des Forces canadiennes relève principalement des Forces canadiennes et nous pensons que les injustices peuvent se régler dans le cadre de la Loi sur la défense nationale. Elle reflète déjà le système du Comité des griefs des Forces canadiennes et de la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire, mais elle ne précise pas que le chef d’état-major de la Défense ne peut pas verser des indemnités. Le ministre l’a soulevé dans l’une de ses lettres. Nous pensons donc que cela devrait être inscrit dans la loi, ce qui signifie que le reste ne s’applique pas.
Du côté des employés civils, des fonctionnaires, si une personne présente un grief… Il n’existe pas de syndicat. C’est ce qu’ont les membres. Si un employé civil conteste la décision de l’employeur et qu’il faut un mois avant qu’on arrive au dernier niveau, entre-temps, l’employé aura peut-être été relevé de ses fonctions. Si l’on détermine que la décision était mauvaise, le système paiera le mois de salaire perdu à l'employé.
Des membres de notre personnel militaire ont été relevés de leurs fonctions, ont contesté la décision, sont revenus, et le chef d’état-major de la Défense a convenu qu’ils n’auraient jamais dû être relevés de leurs fonctions. Ils ont perdu deux semaines de salaire et il ne pouvait pas les rembourser.
Il y a deux systèmes de griefs, le militaire et le civil, et les lois. Tout ce que je dis, c’est que les paiements à titre gracieux, et un lien direct avec les conditions imposées par le Conseil du Trésor, ne donneront pas au CEMD le pouvoir de régler un grief.
:
Merci, monsieur le président. J’espère que le général Cathcart pourra aussi prendre la parole. Je suis heureux de pouvoir comparaître devant vous de nouveau. Veuillez m’excuser, mais
[Français]
je n'ai pas eu le temps de faire traduire mes commentaires d'aujourd'hui, mais ils vous seront transmis ultérieurement.
[Traduction]
Mes remarques d'ouverture porteront principalement sur quatre volets du projet de loi qui revêtent, à notre avis, une importance particulière: les infractions prévues par le système de justice militaire, les plaintes concernant la police militaire, le bureau du grand prévôt et la procédure de règlement des griefs et, plus particulièrement, le rôle du Chef d'état-major de la Défense, du CEMD, dans le processus.
Nous avons tenté d'harmoniser les infractions prévues par le système de justice militaire qui ne constitueraient pas une infraction au sens de la Loi sur le casier judiciaire. Par conséquent, les militaires ne seraient plus tenus de demander une suspension du casier (appelée autrefois pardon) pour ces infractions. Vous vous rappellerez que le a indiqué que le gouvernement a l'intention de présenter un amendement élargissant la liste d'exemptions et reflétant les amendements apportés par le comité lors de son étude du projet de loi .
La structure de la police militaire, qu'il s'agisse de la procédure des plaintes à son égard ou du rôle du grand prévôt, a évolué et continuera d'évoluer avec ce projet de loi.
Depuis ma dernière comparution devant ce comité, nous avons achevé la mise en oeuvre d'un certain nombre de changements importants à la structure de commandement de la police militaire. Le 1er avril 2011, le commandement et le contrôle de la police militaire, pour ce qui est de la prestation de services de maintien de l'ordre, ont été transférés au grand prévôt des Forces canadiennes. Non seulement ce changement a-t-il apporté davantage d'agilité pour répondre aux besoins en matière de services de maintien de l'ordre des Forces canadiennes et du MDN, mais, surtout, il a solidement établi l'indépendance nécessaire des enquêtes de la police militaire comme élément essentiel du système de justice militaire. Le projet de loi donne suite aux conclusions du juge en chef Lamer sur les pouvoirs de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Par exemple, certaines de ses dispositions exigeraient que le grand prévôt résolve toute plainte concernant la conduite de la police militaire dans les 12 mois et qu'il protège les personnes déposant une plainte en toute bonne foi contre toute punition.
Il importe de noter le rôle opérationnel de la police militaire à l'appui des opérations nationales et internationales. Le projet de loi précise le rapport hiérarchique entre mon bureau, celui du vice-chef, et celui du grand prévôt, tout en assurant un équilibre entre le rôle indépendant du grand prévôt des Forces canadiennes à l'appui du système de justice militaire et un contrôle nécessaire, pour que les missions des Forces armées canadiennes soient soutenues efficacement par la police militaire. Ce projet de loi précise le rôle du grand prévôt des Forces canadiennes et sa relation avec le bureau du Vice-chef d'état-major de la Défense, le VCEMD, et il accroît la transparence en officialisant les mesures de communication avec le Chef d'état-major de la Défense.
J'aimerais maintenant aborder le sujet de la procédure de griefs dans les Forces canadiennes. Permettez-moi de souligner que la gestion efficace des griefs dans les Forces canadiennes est une responsabilité clé en matière de leadership. Je voudrais également attirer l'attention sur l'importance singulière du Chef d'état-major de la Défense. Ses rôles et responsabilités dans la procédure de griefs se résument à deux objectifs: protéger l'institution que constituent les Forces canadiennes et promouvoir le bien-être des membres des Forces canadiennes. Ces responsabilités se rejoignent dans la personne du Chef d'état-major de la Défense lorsqu'il devient l'autorité de dernière instance en matière de griefs.
Pourtant, le juge en chef Lamer a reconnu qu'il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que le Chef d'état-major de la Défense tranche personnellement chaque grief devant être examiné par le comité des griefs. Les pouvoirs préconisés dans le projet de loi permettraient au Chef d'état-major de la Défense de choisir les griefs qu'il souhaite trancher en tant qu'autorité de dernière instance et de déléguer tous les autres principalement à un agent relevant directement de lui. En fait, cet agent, le colonel François Malo, est ici, juste derrière moi. Cela lui permettrait de consacrer son temps à des questions systémiques, à des enjeux touchant les fondements de notre profession ou aux pressions que le service militaire exerce sur le personnel.
Je dois insister sur le fait que le Chef d'état-major de la Défense est bien informé de la situation de l'ensemble des griefs. C'est lui qui demeure responsable, en bout de ligne, de toutes les décisions prises par son délégué.
Le projet de loi habilitera également le Chef d'état-major de la Défense à annuler la libération d'un membre des Forces canadiennes, quand, dans le système de griefs, on aura constaté qu'il a été indûment libéré.
Outre ces modifications, je suis heureux de vous informer que le gouvernement a récemment autorisé le CEMD, par la voie d'un décret du gouverneur en conseil, à accorder un paiement à titre gracieux aux auteurs de griefs au moment de la prise d'une décision finale à l'égard de la procédure de griefs. Le directeur général de l'Autorité des griefs des Forces canadiennes procède actuellement à la mise en oeuvre de ce pouvoir. L'obtention de ce pouvoir pour le CEMD constitue une étape importante. À mesure que le processus de mise en oeuvre se poursuivra, le CEMD évaluera la portée du pouvoir qui lui a été confié par décret et il déterminera s'il règle avec satisfaction le problème reconnu dans le rapport Lamer.
Nous avons également pris d'autres mesures pour améliorer la procédure de griefs, notamment la réduction du nombre de griefs déposés, en encourageant les membres des Forces canadiennes à informer leur commandant de leur intention de déposer un grief. Ce nouveau processus aide le commandant à dialoguer au début de la procédure et, dans la mesure du possible, à résoudre les problèmes localement. Nous continuerons de collaborer avec le comité des griefs afin de trouver des façons d'élargir les types de griefs qu'il étudie pour que les décisions prises par l'autorité de dernière instance, relativement aux griefs, reflètent l'approche adoptée à l'égard de questions semblables ailleurs dans la fonction publique.
Je suis heureux de signaler qu'en raison des améliorations apportées au cours des dernières années, le nombre de griefs déposés par des membres des Forces canadiennes chaque année a chuté de 10 p. 100 depuis le pic de près de 1 000 griefs atteint en 2010. Je suis toutefois parfaitement conscient du nombre important de griefs portant sur des questions de rémunération et d'avantages qui franchissent les étapes du système. L'automne dernier, j'ai ordonné que des ressources supplémentaires soient affectées à l'Autorité des griefs des Forces canadiennes et au Chef du personnel militaire pour traiter ces griefs et réduire les retards dans le traitement des demandes.
Nous restons déterminés à atteindre notre objectif de prendre des décisions sur les griefs en temps utile et à continuer de nous efforcer de réduire le temps nécessaire de traitement des griefs à un maximum de 12 mois, tout en rehaussant la transparence et l'équité de notre système de griefs.
Ces propositions de modifications à la Loi sur la défense nationale constituent un pas en avant important non seulement pour l'administration de la justice militaire, mais aussi pour l'efficacité et la transparence du grand prévôt des Forces canadiennes et pour l'équité globale de la procédure de griefs.
Ces changements aideront à garantir l'intégrité de l'institution que constituent les Forces canadiennes et, aussi, à protéger davantage le bien-être de nos hommes et femmes militaires.
Je tiens à vous remercier encore une fois de plus de l'occasion que vous m'avez offerte de parler de cette question importante.
Monsieur le président, avant de vous céder la parole, je vous demande de donner au général Cathcart, notre juge-avocat général, l'occasion de faire une déclaration préliminaire.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, encore une fois, à vous et à tout le comité, de m'avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd'hui, sur le projet de loi , ce sujet extrêmement important, non seulement pour la justice militaire, mais aussi pour l'ensemble des Forces canadiennes.
[Français]
Comme vous le savez, l'objet principal de ce projet de loi est de répondre aux recommandations faites par le très honorable Antonio Lamer dans le cadre du premier examen indépendant de la loi, en 2003.
[Traduction]
En ma qualité de juge-avocat général, j'ai le mandat, en vertu de l'article 9.1 de la Loi sur la défense nationale, d'agir à titre de conseiller juridique auprès du gouverneur général, du et des Forces canadiennes pour toutes les questions qui touchent au droit militaire. En outre, l'article 9.2 de la même loi me confère la responsabilité d'exercer mon autorité sur tout ce qui touche à l'administration de la justice militaire au sein des Forces canadiennes.
Comme le mentionnait l'ancien juge en chef Lamer dans son rapport de 2003, le rôle du juge-avocat général en matière d'administration du système de justice militaire ressemble beaucoup à celui d'un procureur général. Le système de justice militaire a deux objectifs essentiels, comme le reconnaît l'article 62 du projet de loi :
a) favoriser l'efficacité opérationnelle des Forces canadiennes en contribuant au maintien de la discipline, de la bonne organisation et du moral;
b) contribuer au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre.
En résumé, il est conçu pour maintenir la discipline et rendre la justice.
[Français]
J'aimerais maintenant parler de certains points qui ont été discutés la semaine dernière en présence du ministre lors de la réunion du comité concernant le projet de loi .
[Traduction]
Le projet de loi , comme tout autre projet de loi du gouvernement déposé au Parlement, a suivi le processus prescrit d'élaboration et d'étude: préparation d'un mémoire au Cabinet comprenant une révision, par tous les autres ministères, y compris le ministère de la Justice et le Bureau du Conseil privé; réunions interministérielles au cours desquelles la mesure législative fait l'objet d'un examen et de discussions et où les représentants des ministères peuvent faire part de leurs préoccupations et commentaires; étude et approbation du mémoire au Cabinet par le Cabinet; rédaction du projet de loi par les rédacteurs législatifs du ministère de la Justice, en collaboration avec le conseiller juridique du ministère compétent.
Dans le cadre de leur mandat, les rédacteurs législatifs sont tenus de faire part de toute préoccupation relative à la Charte canadienne des droits et libertés. Ainsi, dans le cadre du processus législatif que je viens de décrire, de nombreuses parties intéressées interviennent avant le dépôt d'un projet de loi. Tout particulièrement, le ministère de la Justice a l'occasion, en vertu du paragraphe 4.1(1) de la Loi sur le ministère de la Justice, de vérifier si les dispositions du projet de loi sont conformes à la Charte.
Cependant, compte tenu du mandat que me confère la loi, j'ai le devoir, en ce qui concerne tout projet de loi touchant la Loi sur la défense nationale, de conseiller le ministre sur la constitutionnalité des mesures législatives proposées.
[Français]
Dans l'exercice de mon autorité législative touchant l'administration de la justice militaire, je dois m'assurer que le système de justice militaire répond aux besoins opérationnels des Forces canadiennes, tout en respectant la Charte.
[Traduction]
Contrairement à une des préoccupations exprimées, le bureau du juge-avocat général n'est pas en situation de conflit d'intérêts lorsqu'il se prononce sur la constitutionnalité des mesures législatives touchant le système de justice militaire, pas plus que ne l'est le procureur général du Canada quand il donne son avis sur la constitutionnalité des projets de loi rédigés par le ministère de la Justice. C'est le mandat que me confie le Parlement dans la Loi sur la défense nationale.
Je suis entouré d'excellents avocats militaires qui m'aident à bien remplir ce mandat. Dans leurs domaines de compétence, ils sont parmi les meilleurs en ce qui a trait à la qualité de leur travail, à leur formation, aux normes professionnelles qu'ils respectent et à leur dévouement à l'égard de la primauté du droit. Nous sommes les grands experts du Canada en matière de droit militaire et de justice militaire.
Je tiens à préciser qu'il ne fait aucun doute dans mon esprit que le système de justice militaire est constitutionnel et compatible avec les dispositions de la Charte. J'appuie donc le projet de loi. Pas plus tard qu'en 2011, le juge en chef LeSage a adopté la position du juge en chef Lamer, qui avait déclaré que « Le Canada s'est doté d'un système très solide et équitable de justice militaire dans lequel les Canadiens [ont] confiance ». De plus, le juge en chef LeSage a fait des recommandations qui pourraient contribuer à faire en sorte que le système de justice militaire demeure fort et viable.
Par conséquent, lorsque vous entendrez critiquer le système de justice militaire pendant votre étude, j'aimerais que vous vous rappeliez les commentaires qu'ont formulés deux éminents juristes, les juges en chef Lamer et LeSage, dans le cadre de leur examen indépendant respectif, et qui raffermissent ma conviction selon laquelle le système de justice militaire est équitable envers les accusés et qu'il répond aux besoins opérationnels des Forces canadiennes.
En conclusion, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, j'aimerais terminer en reprenant les mots du très honorable Brian Dickson, regretté juge en chef du Canada: « Il est nécessaire d'avoir un régime de justice militaire séparé et distinct, conforme aux principes de la primauté du droit ».
[Français]
Tout comme les juges en chef Lamer et LeSage, je suis persuadé que le Canada est doté d'un système de justice militaire très solide et équitable.
[Traduction]
Le projet de loi améliorera encore plus le système de justice militaire. Il propose des améliorations nécessaires pour lui permettre d'atteindre ses deux objectifs essentiels, à savoir favoriser l'efficacité opérationnelle et rendre la justice aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes.
Sur ce, monsieur le président, je vous remercie, vous et les membres du comité, de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer sur cette question et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Merci, messieurs, de votre présence. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que le projet de loi est très important. Il comporte beaucoup d'éléments que nous appuyons et que nous nous réjouissons d'avance de voir adopter.
Cependant, par devoir, je dois connaître votre opinion.
Général Cathcart, c'est à vous que j'adresse d'abord la question. J'entends votre comparaison de votre rôle de juge-avocat général à celui du ministère de la Justice et votre propre opinion sur la Charte des droits et libertés. Je dois vous communiquer la teneur d'une déclaration faites sous serment à la Cour fédérale par Edgar Schmidt, avocat chevronné au ministère de la Justice. Il déclare que la règle qu'il devait suivre pendant l'examen prescrit des projets de loi, et qui lui a été exposée personnellement, était essentiellement la suivante:
... si on pouvait raisonnablement faire valoir qu'une disposition d'un projet de loi ou d'un règlement était conforme à la Déclaration des droits ou à la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »), c'était là que se terminait mon travail. On m'a clairement donné à entendre que l'examen ne devait pas se préoccuper de la non-conformité probable ou presque certaine d'une disposition à la Déclaration ou à la Charte. C'était seulement quand sa non-conformité était tout à fait certaine, faute d'argument sérieux, que le ministère y voyait un problème selon le processus d'examen prévu par la loi.
Nous sommes, vous et moi, avocats. Je pense pouvoir affirmer que cette déclaration a probablement scandalisé la plupart des avocats canadiens. Dites-moi ce que vous pensez de la méthode que cet avocat au moins aurait été obligé de suivre.
Vous avez dit que le ministère de la Justice se chargeait d'une partie de cet examen. Vous a-t-il donné un avis conforme à ses obligations en matière d'examen pour certaines de ces dispositions? Nous savons tous deux qu'elles ont été contestées à cause d'incohérences. Ce n'est pas toutes les dispositions, mais certaines d'entre elles pourraient bafouer les droits que la Charte accorde à chacun.
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Sans vouloir vous contredire, monsieur, je suis certain que vos prédécesseurs partageaient le même point de vue sur d’autres projets de loi que nous avons envoyés à toute vapeur au Parlement en novembre 2011 pour modifier le statut des juges militaires suite à une décision constitutionnelle indiquant qu’il y avait un problème. Je dirais que d’autres JAG sont déjà passés par là et ont éprouvé le même sentiment de confiance.
La dernière fois, c’était en 2011 au sujet du projet de loi , et vous et votre assistant à l’époque y avez participé, d’importants changements ont été apportés à l’article 75 suite aux doutes — partagés peut-être par le gouvernement — que nous avions quant à la constitutionnalité de l’imposition abusive d’un casier judiciaire. À cause de ces doutes, d’importants changements ont été apportés, on est passé de 5 ou 6 infractions à 25 ou 26 infractions, pour éliminer un casier judiciaire.
Pourtant, alors que ce projet de loi a été renvoyé à la Chambre des communes après avoir fait l’objet d’une étude et d’un examen, et qu’il y a eu ce que je suppose on pourrait appeler un compromis, voilà que ça s’est envolé. Quelqu’un a décidé que ce n’était pas nécessaire ni même de présenter certaines des dispositions recommandées par le juge Lamer à l’époque et qu’on ressort maintenant, comme les simples modifications visant à prolonger le mandat des membres du Comité des griefs ou de la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire quand ces membres sont au beau milieu d’une affaire. Ces modifications ont été aussi rayées du projet de loi.
Je me demande donc si ces amendements et les discussions qui ont eu lieu dans ce comité ont été vraiment pris en compte.
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Permettez-moi de vous poser une question, vice-amiral Donaldson.
Nous avons déjà discuté, la fois précédente, de la délégation de pouvoirs relativement aux résultats définitifs des griefs formulés par le CEMD, et je dis cela dans le contexte du moral et de la discipline. Vous étiez peut-être présent lorsque l’ombudsman a parlé du nombre considérable de griefs au point mort et le temps que prend leur traitement. Il a dit que le traitement d’un grief durait en moyenne deux ans.
Je sais que des promesses ont été faites pour apporter des améliorations et je suppose que l’on peut se demander si ces promesses ont été tenues.
Pour ce qui est de la délégation de pouvoirs, je pense que vous conviendrez que le précédent CEMD, et le nouveau CEMD aussi j’en suis sûr, s’était engagé à nouer des relations directes avec les membres des FC. Je crois qu’il y a très bien réussi. Même si le travail a pu être, disons, délégué à quelqu’un d’autre, sachant que le CEMD peut prendre la décision définitive, l’examen et l’évaluation des preuves pourraient être effectués par un délégataire qui pourrait dire: « Bon, voilà où nous en sommes et voici ce que je pense que nous devrions faire. »
Pourquoi déléguez-vous ces pouvoirs du CEMD à quelqu’un d’autre? Je sais que la charge de travail du CEMD est énorme mais pour quelle raison les déléguez-vous?
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Merci, monsieur le président.
Merci pour votre question, monsieur Harris. Permettez-moi d'essayer de répondre rapidement à vos deux questions.
Premièrement, en ce qui concerne l’arriéré des griefs, nous nous efforçons de le résorber. Les indemnisations et les avantages représentent l’un des aspects les plus difficiles des griefs. Personne ne se plaint de recevoir un peu plus d’argent qu’il n’espérait, mais tout le monde se plaint s'ils en reçoivent moins. Le nombre de griefs portant sur des questions de rémunération et d'avantages est très élevé.
Je ne mets pas en doute les raisons pour lesquelles les griefs sont déposés ni leur légitimité, mais un nombre considérable de griefs sont déposés et une grande partie de ces griefs ont des incidences politiques qui sont étudiées très attentivement dans chaque cas et c’est ce qui cause l’arriéré. Nous avons affecté des ressources supplémentaires pour tenter de résorber l’arriéré, mais il est encore difficile de le réduire.
Nous avons décidé de modifier la méthode de traitement des griefs en cherchant d’autres possibilités de règlement des différends bien plus tôt et à un niveau inférieur. Ainsi, seuls les griefs nécessitant, sur le plan politique, une plus grande attention et un examen plus approfondi seront traités à un niveau hiérarchique supérieur. Mais j’admets, monsieur, que nous poursuivons nos efforts dans ce domaine et que nous devons être plus efficaces.
Deuxièmement, je pense que vous conviendrez que lorsque le Chef d’état-major de la Défense reconnaît qu’un grief est légitime, il serait préférable que ce grief soit traité le plus rapidement possible. Dans de nombreux cas, compte tenu de la charge de travail du Chef d’état-major de la Défense, un délégataire peut aboutir plus rapidement à une conclusion. Si le CEMD consacrait son temps à s’occuper des griefs les plus épineux touchant des questions liées à l’institution ou au bien-être des hommes et des femmes qui portent l’uniforme et qu’il répondrait aux questions du Comité des griefs, nous pourrions réduire l’arriéré.
J’espère que cela répond à vos questions.
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On peut dire très sérieusement que le rôle a une longue histoire. En fait, l'an dernier, nous avons célébré le 100
e anniversaire de la nomination en 1911 du tout premier juge-avocat général, le colonel Henry Smith. Il y a une longue tradition de juges-avocats généraux au Canada qui, me semble-t-il, est généralement peu connu du grand public.
Plus récemment, certainement depuis les nouveaux amendements apportés en 1998, le rôle et les responsabilités du JAG ont été carrément inscrits dans la Loi sur la défense nationale. J’ai fait allusion à ce rôle qui est très important, l'idée de conseiller le gouverneur général, le ministre, le ministère, les Forces canadiennes et de donner des conseils pour toutes les questions liées au droit militaire. Le droit militaire n’est pas défini dans la loi ni ailleurs, il a donc un sens plutôt général et c’est sous cet angle que nous l’abordons.
En gros, monsieur Norlock, le juge-avocat général fournit des conseils juridiques en matière de droit militaire pour toute question d’ordre juridique liée aux activités, aux opérations ou à la gouvernance des Forces canadiennes. Bien évidemment, ce faisant, nous consultons nos autres partenaires juridiques en ville, du ministère de la Justice ou du ministère des Affaires étrangères, et nous bénéficions de leur soutien.
Vous pouvez imaginer le nombre de questions allant des analyses stratégiques de niveau très élevé, et auxquelles les Forces canadiennes ont le pouvoir juridique de participer, par exemple, le conflit en Afghanistan ou en Libye, à l’établissement des règles d’engagement devant être suivies; les personnes pouvant être ciblées légalement et comment effectuer le ciblage dans ce genre de situations.
Nous avons affaire à des questions que l'on peut qualifier d'humaines ou à ce que nous appelons le droit administratif militaire qui consiste à régler tous ces enjeux de l’étape du recrutement des membres des FC jusqu’à celle de leur libération. Franchement, c’est un domaine juridique qui revêt beaucoup plus d’importance pour les hommes et les femmes qui portent l’uniforme, les jeunes membres de l’armée de terre, de l’aviation et de la marine, car ce sont ces problèmes — que nous avons soulevés au comité tels que la paie et les griefs — qui ont un effet positif ou négatif sur le moral. Nous donnons des conseils sur toutes ces questions.
Nous essayons de les diviser en trois catégories au sein de notre organisation: la justice militaire, qui est notre principal sujet de discussion aujourd’hui; le droit administratif, dont je viens de parler et le droit des conflits armés appliqué aux opérations. Ces sujets sont liés à toutes les questions soulevées durant les opérations. Nous lisons beaucoup de choses dans la presse. On y parle de personnes détenues et de leur transfert en Afghanistan. Je le répète, nous jouons un rôle important pour travailler avec nos collègues en ville et trouver des réponses à ces questions.
Il a été question de la possibilité de nommer des juges militaires à temps partiel. Pouvez-vous nous dire brièvement pourquoi cela est-il nécessaire?
Puis, j'adresse cette question aux autres témoins, car un lien parallèle existe dans certaines circonstances avec le système judiciaire civil, pour quelle raison certains juges militaires, au lieu d’être membres des Forces canadiennes, ne pourraient-ils pas simplement être des civils qui appliquerait les règles de jurisprudence en vigueur?
Si vous avez le temps, pouvez-vous me dire, si vous savez, combien d'avocats travaillent au ministère du Procureur général et à votre ministère? Et pourquoi le fait que vous n'avez pas tous le même avis sur tout ne devrait choquer personne?
Des voix: Oh, oh!
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Excellent. Ces questions sont très importantes. Sans vouloir donner l'impression de les prendre à la légère, elles reflètent… des tensions qui existent en ville entre des avocats. Ce n'est pas quelque chose d'inhabituel, on retrouve ce genre de situation dans les cabinets du secteur privé. J'y reviendrai dans un instant.
Monsieur le président, je vais d’abord répondre à la deuxième question qui porte sur le concept de la civilarisation de la justice militaire. Une suggestion qui a été rendue publique et qui améliorerait peut-être le système de justice militaire. J'y suis fondamentalement opposé. J’estime qu’il faut absolument des juges militaires aux cours martiales et pas de juges civils qui siégeraient à la Cour d’appel de la cour martiale. Je suis et j’ai toujours été en faveur de la participation de juges civils à l’examen d’appel puisqu’il s’agit de questions de droit et qu’ils auront une perspective plus large partout au Canada dans le cadre de leurs fonctions à la Cour fédérale. Mais, il est important d’avoir, à l’interne, des personnes qui jugent les hommes et les femmes en uniforme accusés d’infractions anodines ou d’infractions très graves comme dans le cas récent du capitaine Semrau ou d’avoir des cours martiales qui jugent le major Watts et d’autres personnes dont parlent les journaux ces jours-ci.
Il me semble tout à fait normal d’avoir quelqu’un qui connaît bien le droit, qui a une grande expérience des règles de la preuve, de la loi criminelle et de la discipline. Je le dis encore une fois, car c'est important, c’est la discipline qui distingue le système de justice militaire du système civil. C’est la discipline qui exige que les soldats prêtent attention à ce qu'ils font afin qu’en temps de crise, lors d’échanges de feux au coeur de l’Afghanistan, ils obéiront aux ordres sans poser de questions. C’est en prenant l’habitude d’obéir aux ordres qu’on instaure la discipline.
Il faut, à mon avis, quelqu’un qui comprenne bien cela, qui a été exposé à cette culture, si je puis dire, qui comprend ce que la discipline représente vraiment et le contexte dans lequel nos hommes et nos femmes en uniforme remplissent leur mission. Il y a une différence entre être confortablement assis dans un bureau à Ottawa et se trouver là-bas sur la ligne de front.
À mon humble avis, la civilarisation du système de cour martiale peut s’avérer très dangereuse. Nous perdrions non seulement l’expérience acquise par ces juges, mais aussi la compréhension du concept de discipline.
Pour ce qui est des juges à temps partiel que vous avez mentionnés, nous parlons en fait de la capacité de mobilisation en période d’intense activité durant laquelle nous pourrions avoir besoin d’un plus grand nombre de juges militaires aux cours martiales. Le scénario proposé actuellement vise leur nomination en tant que juges militaires. Comme vous le savez, les projets de loi et prévoient qu’ils occupent leurs fonctions jusqu’à l’âge de 60 ans. Une période d’intense activité peut arriver, par exemple, lors d’un autre conflit majeur, et nous aurons besoin de plus de juges pour siéger en cour martiale, puis une fois que cette période est terminée, nous nous retrouverons peut-être avec un effectif de 15 à 20 juges militaires alors que nous n’aurons plus besoin d’autant de juges. Cela nous donne la capacité de mobiliser au besoin, de faire appel à des juges militaires à temps partiel, des juges de réserve, qui ne seraient plus nécessaires une fois que la période d’intense activité est terminée.
Au sujet de l’interaction, je peux dire avec beaucoup d’assurance que le Parlement et l’ensemble des Canadiens peuvent être fiers de tous les conseillers juridiques du gouvernement. Nous faisons un travail difficile souvent dans l’anonymat. Nous ne demandons pas à être sous les feux des projecteurs, certainement pas, mais nous travaillons beaucoup dans les coulisses, littéralement. Nous collaborons étroitement avec les conseillers juridiques du ministère de la Justice, du ministère des Affaires étrangères et du Conseil privé.
Comme je l’ai dit plus tôt, en réponse à une question posée par M. Harris, des gens raisonnables peuvent raisonnablement ne pas être d’accord sur des interprétations. Cela ne veut pas dire que quelqu’un a tort ou que quelqu’un est meilleur qu’un autre; ça signifie tout simplement qu’il y a divergence d’opinions.
Notre contribution, sans trop de fausse modestie, représente 100 ans d’expérience capitale en opérations militaires et de compréhension de la façon dont elles sont menées non seulement du point de vue stratégique mais aussi du point de vue tactique.
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Avant juin, il semblait pouvoir formuler une recommandation, mais pas émettre des chèques.
Ce que je ne comprends pas — et je ne veux pas poursuivre la discussion à ce sujet —, c'est ce que le décret publié en juin change. Le chef d'état-major ne peut pas émettre de chèques comme bon lui semble. On peut avoir l'impression qu'il s'agit d'une amélioration, mais je ne suis pas certain que ce soit le cas. Quoi qu'il en soit, il me reste peu de temps, alors je vais m'arrêter là.
Je vais maintenant m'adresser au général Cathcart.
Comme vous le savez, le point litigieux est l'article 18.5 qui est proposé et le pouvoir que l'on confie à une personne, en l'occurrence le vice-amiral Donaldson, de présenter des lignes directrices au grand prévôt.
En lisant le projet de loi, j'ai constaté qu'il ne précise pas quelles seraient les circonstances exceptionnelles, ou simplement les circonstances justes, où une personne remettrait des lignes directrices au grand prévôt. Par conséquent, il ne nous reste plus qu'à faire preuve de bonne foi. C'est un peu une façon vague d'avoir de l'influence, si l'on veut, sur l'indépendance de la police en matière d'enquête.
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C'est vrai dans certains milieux.
De façon plus globale, du point de vue d'un surintendant du système de justice militaire, j'appuierais sans réserve l'objectif sous-jacent. Je suis extrêmement sensible au concept de la police et de l'indépendance policière, car si on ne fait pas les choses correctement, une grande partie des fondements de tout le système de justice militaire peuvent s'écrouler très rapidement.
J'ai très confiance au raisonnement sous-jacent, qui est de bien comprendre que la police militaire est unique au Canada. Nous utilisons une bonne expression dans le monde juridique: sui generis. Il n'existe aucun corps policier au Canada qui ressemble à la police militaire. Les officiers de la police militaire ne font pas que maintenir l'ordre, ce qui est très important. Ils ont également un rôle opérationnel à jouer. Ce sont des membres des Forces armées canadiennes.
Dans ce contexte, vous devez sans cesse trouver et améliorer des moyens dont les officiers peuvent, sans hésiter et sans se poser de question, s'acquitter de leurs fonctions de manière indépendante tout en reconnaissant qu'ils sont des membres à part entière des forces armées et ont une chaîne de commandement à respecter.
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Merci, monsieur le président.
Merci à vous deux d'être des nôtres, amiral et général.
Je comprends ce que vous dites au sujet de la police militaire car les gens ne se rendent pas compte qu'elle joue un rôle sur les champs de bataille également. Ce rôle passe souvent inaperçu si l'on compare au rôle d'un agent de la paix régulier.
Comme nous l'avons fait au premier tour, nous discutons de certains des secteurs où il faut assurément apporter des améliorations à notre système. Puisqu'il a commencé comme réserviste naval en 1977, l'amiral se souviendra sans doute que le système n'était pas nécessairement le meilleur à l'époque, et plus particulièrement pour les réservistes, qui étaient souvent tenus à l'écart du système de justice. Au cours des 20 ou 30 dernières années, mais surtout au cours des 10 dernières années, les choses se sont nettement améliorées depuis que l'on a simplifié le système de règlement des griefs pour le faire passer à deux niveaux, qui en comptait auparavant plusieurs. Je pense que ce changement a permis d'accélérer le processus. J'espère que vous pourrez nous dire quelques mots à ce sujet.
Je veux parler brièvement des procès sommaires. C'est la forme la plus courante de tribunal militaire dans le système. C'est un moyen très rapide de traiter les cas d'infractions mineures. On réglait ces affaires lorsque j'étais commandant de compagnie et commandant de bataillon sur le terrain car ce sont des procès rapides qui peuvent se terminer en l'espace d'une semaine environ.
Des critiques ont été formulées à l'égard des procès sommaires. Pourriez-vous, général, préciser votre point de vue sur l'équité et la constitutionnalité des procès sommaires?
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C'est un autre sujet très important. Je remercie donc le comité de me poser la question.
J'estime là encore que le système de procès sommaires est très solide et conforme à la Constitution. Il atteint son objectif sur le plan juridique, mais surtout, il appuie la chaîne de commandement. J'ai mentionné tout à l'heure la question de la discipline. C'est vraiment le principal outil disciplinaire. Monsieur Opitz, vous avez parlé de ce qu'on utilise le plus souvent. Généralement, mes rapports annuels confirment qu'à peu près 94 ou 95 p. 100 de toutes les accusations sont traitées dans le cadre d'un procès sommaire. C'est donc le principal outil utilisé.
Est-il parfait? Non, et c'est pourquoi en discutant à l'interne, en consultant des alliés et en utilisant les processus parlementaires, nous cherchons continuellement des moyens et des suggestions pour améliorer le système. Mais les bases du système sont fondamentalement très solides, ce qui a été confirmé par l'entremise de tous les examens indépendants réalisés par le juge Lamer et, récemment, par le juge LeSage et le juge Dickson. Ils ont tous dit que le système de procès sommaires fait ce qu'il est censé faire. Comme vous l'avez souligné, son rôle consiste, de façon générale, à traiter les affaires disciplinaires mineures d'une façon juste et efficace au Canada, mais surtout lorsque les militaires sont déployés, car il n'existe aucune autre loi à moins que vous vouliez être assujetti à la loi du pays hôte ou à moins que le Code de discipline militaire ou la Loi sur la défense nationale vous donnent raison, ce qui comprend un système de procès sommaires.
Nous sommes également très vigilants à l'interne. Nous réalisons chaque année un sondage du JAG sur le système de justice militaire. Nous envoyons également du personnel du bureau du JAG pour discuter avec un échantillon de personnes dans le système, des gens qui sont engagés, par exemple, des dirigeants comme vous qui ont été appelés à se prononcer. Nous nous sommes entretenus avec des personnes accusées et reconnues coupables qui ont passé par le processus. De façon générale, plus souvent qu'autrement, les gens pensent que le système est juste au bout du compte et qu'il fait ce que l'on s'attend qu'il fasse et, pour cette raison, ils le respectent. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il est parfait. Il y a toujours des exceptions qui auraient préféré recevoir une peine différente, mais le fait est que ces gens ont compris le processus et la chance équitable qu'il leur offrait.