NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 16 octobre 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Bonjour à tous et à toutes. Désolé du retard. J'ai éprouvé quelques difficultés techniques que nous sommes en train de régler. Nous allons poursuivre notre étude sur le rôle du Canada dans la coopération internationale en matière de défense et le concept stratégique de l'OTAN.
Nous accueillons aujourd'hui Jennifer Welsh, codirectrice de l'Oxford Institute for Ethics, Law and Armed Conflict, qui témoignera par vidéoconférence. Je crois savoir que Mme Welsh est une fille des Prairies qui vit maintenant au Royaume-Uni, où elle enseigne. C'est un plaisir de l'accueillir.
Jennifer M. Welsh est professeure en relations internationales à l'Université d'Oxford et fellow au Somerville College. Elle est une ancienne récipiendaire de la bourse Jean Monnet de l'European University Institute à Florence, et elle a travaillé au sein de la Direction de la planification des politiques du ministère des Affaires étrangères, en tant que titulaire de la bourse de recherche Cadieux-Léger. Jennifer a enseigné les relations internationales à l'Université de Toronto, à l'Université McGill et à la Central European University (à Prague). Elle est l'auteure, le coauteure et la directrice de publication de plusieurs livres et articles portant sur les relations internationales. Elle est titulaire d'un baccalauréat de l'Université de la Saskatchewan ainsi que d'une maîtrise et d'un doctorat de l'Université d'Oxford, où elle a étudié comme boursière de la fondation Cecil Rhodes. Félicitations.
Nous entendrons un autre témoignage par vidéoconférence, celui de M. Paul Ingram, qui est directeur exécutif du British American Security Information Council. Il est de Londres. Il élabore la stratégie à long terme de BASIC, qui vise à réduire les dangers nucléaires mondiaux grâce au désarmement et à la non-prolifération coopérative, et il coordonne des activités à Londres et à Washington. En particulier, il dirige les activités de BASIC à titre d'hôte de la Commission Trident à Londres et le programme de BASIC relatif à l'OTAN, qui cherche à réduire la dépendance de l'alliance à l'égard des armes nucléaires. Il participe également au travail diplomatique de BASIC touchant le programme nucléaire de l'Iran et fait la promotion d'une zone exempte d'armes de destruction massive au Moyen-Orient. Paul est l'auteur de plusieurs rapports et exposés de BASIC qui traitent d'un éventail d'enjeux nucléaires et non nucléaires depuis 2002.
Je vous souhaite à tous les deux la bienvenue. Nous nous réjouissons à la perspective d'entendre vos vues sur ce point. Je vous demanderais de limiter vos remarques liminaires à 10 minutes tout au plus. Espérons que la technologie ne nous fera pas défaut pendant ce processus. Nos membres vous poseront ensuite des questions.
Je rappelle aux membres qu'une sonnerie se fera entendre à 17 h 15, heure d'Ottawa, pour que nous puissions voter ce soir; nous devrons donc lever la séance avant cette heure.
Madame Welsh, pourriez-vous prononcer vos remarques liminaires, s'il vous plaît?
Merci beaucoup. Je suis ravie d'être parmi vous.
Pendant les 10 minutes dont je dispose, j'ai pensé que je pourrais formuler des commentaires concernant les six points qui figurent dans la préface du concept stratégique de 2010 de l'OTAN et que je commencerais par le premier point: que le concept stratégique reconfirme l’engagement pris par nos pays de se défendre mutuellement contre une attaque.
À mon avis, ce premier point présente deux défis, qui ont certainement été illustrés par les incidents récents en Turquie qui remettent en question la véritable signification de l'article 5 du Traité de l'OTAN, et qui montrent, au cas où quelqu'un avait besoin qu'on le lui rappelle, que bien qu'il semble être un engagement juridiquement contraignant, il laisse manifestement aux États le choix de leur intervention. Je crois que les incidents survenus récemment en Turquie nous rappellent les difficultés qui entourent l'article 5.
Deuxièmement, et c'est quelque chose qui est mentionné dans un suivi du concept stratégique, il y a toute la question de la cybersécurité et de la façon dont nous pouvons déterminer si les cyberattaques sont des attaques pour lesquelles les principes de l'OTAN pourraient être invoqués.
Voilà ce qui a trait au premier principe qui est mentionné dans la préface du document.
Le concept stratégique parle d'engager l'alliance à prévenir les crises ainsi qu'à gérer les conflits et à stabiliser ces situations conflictuelles.
Ban Ki-moon a déclaré 2012 l'Année de la prévention, et j'ai lu cette phrase avec un certain cynisme compte tenu du nombre de fois que les États ont cité la prévention comme objectif, mais l'ont très rarement concrétisée.
À mon sens, l'OTAN devrait se poser deux questions. Quelle importance veut-elle vraiment accorder à la prévention — jusqu'où veut-elle se rendre dans la chaîne temporelle, si vous préférez? Va-t-elle remonter aux causes profondes des conflits et des atrocités ou fera-t-elle ce qu'elle a fait, en réalité, en Libye, c'est-à-dire prévenir l'escalade des crises? Il me semble que la prévention de l'escalade est le seul thème autour duquel nous pouvons mobiliser la classe politique.
Je dirais aussi que si la Libye est perçue comme un cas où l'on a réussi à prévenir l'escalade et les atrocités, l'OTAN doit certainement être consciente de la réaction défavorable à l'endroit de la Libye. Je mentionnerais deux choses en particulier dans ce cas.
La première est la réaction défavorable contre l'élargissement apparent du mandat en Libye qui est passé de la protection des civils au changement de régime, tel qu'il a été illustré par l'élargissement de la stratégie d'identification des cibles. Bien des pays, tant les membres permanents que non permanents du Conseil de sécurité, ont soulevé des préoccupations bien réelles après la campagne en Libye s'agissant de l'interprétation de la résolution 1973. Je dirai simplement qu'il n'y a pas que la Chine et la Russie; il y a aussi des États démocratiques — l'Inde, l'Afrique du Sud et le Brésil — que des pays comme le Canada doivent prendre en compte.
Deuxièmement, la nature de la réaction défavorable contre la Libye se rapportait à la responsabilité de l'alliance vis-à-vis du Conseil de sécurité. Je pense que ce sera une question très importante pour l'OTAN, que la plupart des préoccupations soulevées par les États après la Libye se rapportaient au manque apparent de comptes rendus au Conseil de sécurité concernant les opérations de l'OTAN sur le terrain. L'OTAN s'est vu déléguer les responsabilités du Conseil de sécurité et elle se retrouve souvent dans cette situation, alors les questions de responsabilité, selon moi, sont vraiment cruciales dans ce cas.
Enfin, sur le deuxième point, la campagne en Libye soulève des questions quant à la signification de la protection des civils, et si cela sera un domaine d'intérêt particulier de l'OTAN. Premièrement, pouvez-vous protéger uniquement à partir de la zone aérienne, comme nous semblions le faire en Libye? Il y avait sûrement des forces spéciales sur le terrain. Deuxièmement, qu'est-ce que la protection?
Lorsque nous pensons à la façon dont l'OTAN a évolué, nous constatons qu'elle est vraiment passée de bouclier itinérant qui protégeait les citoyens où qu'ils soient à quelque chose que je qualifierais, et que certains représentants de l'OTAN ont qualifié, de protection durable, qui essayait, en gros, de porter atteinte de façon plus fondamentale au pouvoir du régime de Kadhafi de causer du tort à la population. Est-ce que cela signifiait un changement de régime? Je crois que c'est une question très importante, mais qui explique certainement une bonne partie de l'opposition qui a été soulevée quant à la Libye après la réussite apparente de la mission.
Je vais sauter les troisième et quatrième points de la préface et passer au cinquième, car je n'ai pas beaucoup de temps.
En ce qui concerne le fait de garder la porte de l'OTAN ouverte à toutes les démocraties européennes qui satisfont aux critères d'admissibilité, je me qualifierais de personne prudente vis-à-vis l'élargissement, particulièrement en ce qui concerne des pays comme la Géorgie, parce que le plus grand succès de l'OTAN réside dans la dissuasion et il n'y a pas de dissuasion sans crédibilité. On peut soutenir que plus l'OTAN compte de membres, plus elle perd de sa crédibilité, éventuellement jusqu'au point de non-retour. Je pense que, dans une certaine mesure, on assiste avec la nouvelle administration américaine qui a suivi celle de George W. Bush, à un ralentissement de l'élargissement. Personnellement, je pense que c'est une bonne chose.
Le dernier point porte sur la réforme permanente visant à faire de l'alliance une alliance plus efficace et plus efficiente. Comme nous l'avons vu au Sommet de Chicago qui s'est tenu récemment, l'accent a été mis sur la défense intelligente, ce qui veut vraiment dire que nous devons utiliser nos ressources de façon plus judicieuse.
Favoriser la spécialisation et la mise en commun des capacités militaires veut dire que nous aurons une force militaire plus spécialisée — pour le Canada, ce sera sur le terrain —, mais ça veut dire aussi qu'en ce qui concerne les capacités dont nous avons besoin nous devrons compter beaucoup plus sur nos alliés. L'expérience en Afghanistan montre, particulièrement pour les hélicoptères, les problèmes liés à une telle dépendance qui est d'attendre que les alliés arrivent avec ce dont nous avons besoin. Encore une fois, je veux juste dire qu'il faut être prudent quand on parle de spécialisation.
Ça voudra aussi dire, si nous envisageons sérieusement la défense intelligente, que les pays membres de l'OTAN devront réexaminer les restrictions que leur imposent les politiciens. Le Canada devra aussi réexaminer son refus précédent des rôles spécialisés parce qu'il a préféré la notion de force apte au combat.
Permettez-moi de conclure en parlant un peu du débat sur le F-35. Il me semble que la décision concernant le F-35 est très importante au plan de la capacité du Canada de contribuer aux forces expéditionnaires, aux opérations expéditionnaires qui, bien sûr, occupent une place de choix dans le concept stratégique de l'OTAN. Accorder plus d'attention aux capacités aériennes interopérables signifie un moindre intérêt pour les forces terrestres. Il faut faire un compromis et nous devons y réfléchir. Évidemment, cela est lié à ce que nous estimons être les plus grandes menaces à la sécurité, mais en se spécialisant plus, nous nous exclurons de certaines missions.
Je m'arrête ici. J'espère vous avoir donné suffisamment de matière à réflexion pour que vous me posiez des questions.
Merci professeur. Vous n'avez pas dépassé les 10 minutes, nous aurons donc beaucoup de temps pour vous poser des questions plus tard.
Monsieur Ingram, vous avez la parole.
Merci beaucoup. Je suis également reconnaissant d'avoir l'occasion d'exposer ce qui me semble être les enjeux principaux liés au dispositif nucléaire de l'OTAN découlant du concept stratégique et, plus récemment au mois de mai, de l'adoption de l'Examen du dispositif de dissuasion et de défense.
Je voudrais me pencher sur trois aspects, le premier étant les consultations au sein de l'alliance et le besoin de cohésion à l'avenir. Pas seulement d'arriver à un document consensuel à l'occasion des deux derniers sommets, mais aussi de prévoir les défis qui se posent à l'alliance.
Le deuxième est la principale menace nucléaire potentielle à l'endroit de l'alliance, à savoir la Russie.
Le troisième est l'émergence de nouvelles menaces potentielles provenant du Sud-Est de l'Europe.
En ce qui concerne le premier aspect, la cohésion de l'OTAN, ce serait une grande erreur de conclure, en se fondant sur les deux derniers sommets, que les alliés sont entièrement d'accord sur l'avenir de la dissuasion nucléaire en Europe. Oui, il existe un soutien pour la dissuasion nucléaire en tant que concept, pour l'avenir, du moins dans un avenir indéterminé, mais il faut aussi se souvenir que le projet du président Obama annoncé en 2009 et visant à oeuvrer sérieusement pour dénucléariser le monde bénéficie d'un appui considérable de la part des pays membres de l'alliance. L'un des symboles les plus évidents et les plus clairs empêchant la mise en oeuvre de ce projet est le déploiement continu d'armes nucléaires à lancement balistique en Europe; des armes que certains jugent périmées. Le désaccord quant à l'avenir à long terme de ces armes persiste, et il sera soulevé inévitablement lorsque des décisions d'investissement seront présentées au cours des prochaines années dans certains pays hôtes, notamment l'Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique.
Ce que nous avons actuellement est un faux consensus qui cache le désaccord. Le problème est que dans ces pays, les populations estiment que la guerre froide est une chose du passé et que la portée de ces armes est insignifiante.
En fait, elles ne visent aucun objectif militaire. Elles sont là seulement parce que leur démantèlement serait mal interprété par les Russes. C'est ce qui empêche vraiment le changement, particulièrement en Europe centrale et orientale où les gens n'accordent guère de foi au déploiement de ces armes, même si c'est à des fins de dissuasion parce qu'il leur faudrait l'accord d'alliés qui, selon eux, ne viendraient pas les secourir en cas de crise. Néanmoins, ils ne veulent pas que ces armes soient démantelées, car ces alliés seraient encore moins résolus à les protéger jusqu'au bout contre l'influence des Russes. Par conséquent, je pense que les alliées ont un revolver sur la tempe ce qui ne favorise pas vraiment une cohésion à long terme de l'alliance.
La Russie est le deuxième point que je veux soulever. Le faux consensus mentionné plus tôt porte principalement sur la réciprocité et les armes qui, d'après nous, ne servent à rien sinon à négocier avec les Russes pour s'assurer que leurs stocks d'armes nucléaires tactiques — beaucoup plus importants que les nôtres — soient réduits et s'assurer aussi qu'ils fassent preuve d'une plus grande transparence sur ces armes. Il s'agit là d'un objectif très louable, mais malheureusement les Russes ne sont pas encore prêts à le poursuivre. Même s'il y avait des élections le mois prochain et que le président élu était prêt à négocier avec les Russes, il n'est pas clair du tout que les négociations dans ce domaine seront faciles. Cela est dû au fait que les Russes sont très alarmés par les capacités sans cesse croissantes de l'alliance.
À Ottawa, on voit peut-être les choses différemment, mais à Moscou, on se préoccupe beaucoup de ces capacités. En effet, la Russie considère aussi que la disposition de l'alliance à utiliser sa force pour intervenir un peu partout dans le monde — non seulement dans ses actions, mais aussi dans ses ententes — pourrait diminuer sa capacité de contenir une alliance à laquelle elle prête de nombreuses visées. Ainsi, peu importent nos intentions, la Russie considère qu'elles sont très hostiles à l'égard de ses intérêts.
Par contre, sur une note positive, les Russes n'ont pas vraiment la capacité financière d'accroître leurs forces nucléaires. En effet, il semble qu'ils accepteront de participer aux prochaines négociations stratégiques, mais ils ne sont pas encore tout à fait prêts à aborder le sujet qui nous préoccupe le plus, à savoir les armes nucléaires tactiques. Il existe donc un manque de confiance, qu'ont aggravé les votes tenus au Congrès américain ces dernières années et les débats sur la simple ratification du nouveau traité START.
En ce qui concerne le Moyen-Orient, j'imagine que vous aimeriez en savoir plus sur les menaces émergentes dans la région. Évidemment, un grand nombre de personnes parlent de l'Iran et de son programme nucléaire, et de la possibilité d'une attaque israélienne. Quel est le rôle de l'OTAN? Eh bien, l'OTAN n'a pas de rôle direct particulier, mais il est évidemment possible que les Américains demandent à l'organisation de jouer un certain rôle s'ils étaient engagés dans un conflit, même si c'est seulement pour renforcer leur légitimité.
L'OTAN a une politique visant à empêcher la prolifération dans la région, et il s'agit d'un objectif très louable. À mon avis, le mieux à faire dans ce cas, c'est d'adopter une approche plus équilibrée, c'est-à-dire d'envisager la question à l'échelle régionale, et de mettre davantage l'accent sur la conférence proposée, à la fin de l'année, sur une zone exempte d'ADM au Moyen-Orient, une vision qui est loin d'être réalisée, mais qui représente néanmoins un processus qui pourrait rassembler des parties très éloignées dans les négociations et créer un climat de confiance à plus long terme.
L'allié de l'OTAN le plus engagé — à l'exception, bien sûr, des États-Unis — est la Turquie, et je ne suis pas certain que nous pouvons déployer des armes nucléaires américaines en Turquie tout en négociant une zone exempte d'ADM au Moyen-Orient. Les Iraniens et d'autres pays qui ne sont pas nécessairement des alliés de l'OTAN affirmeraient rapidement que ces déploiements influent sur leur décision d'avoir confiance en une zone exempte d'armes nucléaires.
Je pense que mes 10 minutes sont écoulées. Je répondrai aux questions avec plaisir.
Merci. En fait, il vous reste environ deux minutes. Je vous suis reconnaissant d'être allé droit au but, car les députés auront plus de temps pour poser leurs questions.
Nous allons commencer par M. Harris. Vous avez sept minutes.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins. Nous sommes chanceux de pouvoir profiter de vos connaissances et de votre expérience sur la question.
Tout d'abord, madame Welsh, vos commentaires sur la mission en Libye et les préoccupations au sujet de ce que vous appelez le contrecoup m'ont beaucoup intéressé. Notre parti a vécu la même chose ici. Nous sommes maintenant l'opposition officielle. Nous avons appuyé la mission initiale en Libye, mais dès septembre, les choses dont vous avez parlé nous préoccupaient aussi: la dérive de la mission, les aspects liés au changement de régime et d'autres préoccupations qui ont été soulevées.
Pouvez-vous nous recommander des mécanismes qui permettraient d'éviter ce type de problème? Nous l'avons vécu, et c'était exaspérant pour nous d'appuyer la notion de la responsabilité de la communauté internationale de protéger, et de voir ces nations, et même l'OTAN, comme vous l'avez dit, en étendre la portée à différents organismes, et d'entendre des déclarations de ministres de la Défense ou de gouvernements au sujet de changement de régime.
Existe-t-il un mécanisme pour arrêter cela? L'OTAN est engagée, et des pays aussi, et lorsque leurs dirigeants en parlent, il semble qu'il s'agit du problème de l'OTAN. Pourriez-vous faire un commentaire à ce sujet? Y a-t-il un mécanisme qui pourrait être utilisé pour empêcher cela?
Vous avez soulevé un point très intéressant, c'est-à-dire le dilemme posé par une alliance collective au sein de laquelle certains États entreprennent des actions et font des déclarations unilatérales.
Dans une certaine mesure, je ne pense pas qu'on puisse faire grand-chose au sujet des déclarations indépendantes de certains États. En ce qui concerne l'évolution d'une action imposée par le Conseil de sécurité — et n'oublions pas que c'est ce dont il s'agissait, en 1999 —, nous pouvons cerner deux choses qui ont changé.
Jusqu'à l'adoption de la résolution 1973, le secrétaire général de l'OTAN disait que nous n'agirions pas sans une résolution du Conseil de sécurité, et le conseil a donc autorisé la mesure. L'OTAN était en quelque sorte le pouvoir délégué du conseil.
Les Nations Unies ont utilisé des mécanismes pour exercer un certain contrôle au cours d'opérations de maintien de la paix. En effet, il y a des dispositions de temporisation à l'égard de ce type de mission et il faut faire rapport au Conseil de sécurité. On pouvait imposer des restrictions aux missions.
Évidemment, ces types de mécanismes procéduraux ont leurs limites, et la réponse des États-Unis dans ces cas-là, par exemple, est de dire qu'on tente de ralentir les opérations et qu'il faut laisser les militaires faire leur travail.
À mon avis, l'époque où les militaires américains, français et britanniques pouvaient dire au reste du monde de leur faire confiance, car ils venaient de démocraties libérales et qu'ils agiraient en conséquence sur le terrain, est terminée.
Je crois que la décision de mettre en place des mécanismes de reddition de comptes lorsque des actions sont mandatées par le conseil est une très bonne chose. Je recommanderais au comité d'examiner la proposition du gouvernement brésilien, appelée « responsabilité dans les efforts de protection », qui a été lancée il y a environ un an dans une lettre au secrétaire général de l'ONU, pour avoir une idée de certains sujets de discussion sur la responsabilité de rendre des comptes s'appliquant à des intervenants comme l'OTAN.
J'ai une autre question sur le rôle du Canada. Vous avez mentionné les F-35 et les créneaux potentiels pour le pays. Évidemment, le Canada n'a jamais utilisé plus de six ou huit avions à réaction dans des corps expéditionnaires depuis qu'il possède des F-18, par exemple, dans les années 1980. Existe-t-il un autre créneau pour notre pays, par exemple, dans d'autres volets de l'édification d'une nation?
Vous en avez parlé un peu dans votre document, en juin. Aucun appel à l'édification d'une nation n'a été lancé par la Libye, le Canada ou un autre pays. Chacun fait cavalier seul, pour le meilleur ou pour le pire. Il semble que l'OTAN et ses pays membres n'ont entrepris aucun effort collectif pour créer un rôle dans le domaine civil ou gouvernemental en vue d'aider à prévenir les problèmes ou leur escalade. Pensez-vous que cela serait envisageable, ou est-ce trop théorique et dans un avenir lointain?
Vous avez parlé du renforcement des capacités et de l'aide civile pour ce que vous appelez l'édification d'une nation. Je dirais aussi qu'il est important de renforcer les capacités. La question, c'est de savoir si l'OTAN est le bon instrument pour y arriver.
En raison de la façon dont l'OTAN est perçue un peu partout dans le monde, je pense qu'il y aurait des problèmes énormes si elle dirigeait ces types d'activités civiles. C'est pourquoi il faut plutôt envisager de confier cette tâche à des organismes régionaux ou multilatéraux, par exemple, les Nations Unies, en raison du caractère légitime qu'on leur attribue. En effet, les organismes régionaux ont supposément plus de connaissances au sujet de ces pays dans leur propre région. Dans le cas des Nations Unies, c'est parce que l'organisme semble être spontanément perçu comme étant multilatéral, et donc un meilleur choix. Cette perception existe.
Même si nous devions certainement envisager d'investir dans l'édification d'une nation, comme vous dites — mais je préférerais parler d'aide à la mise sur pied d'institutions stables — , je ne suis pas certaine que je vous conseillerais de le faire par l'entremise de l'alliance de l'OTAN.
J'aimerais poser une dernière question, si on me le permet, monsieur le président.
Vous avez mentionné dans votre article précédent, et vous l'avez répété aujourd'hui, que l'OTAN croyait et croit toujours qu'elle peut faire cavalier seul en dehors de ce secteur, sans l'aide du Conseil de sécurité. Diriez-vous légitimement qu'il s'agit presque d'une règle de droit quant à ce que l'OTAN peut ou ne peut pas faire? C'est une organisation régionale en vertu de la Charte des Nations Unies. Je sais que dans la pratique, les observations de Rasmussen mettent en relief cet état de fait, mais cela ne serait-il pas au paroxysme du contexte juridique ou conventionnel?
Je ne parlerais pas d'obligation juridique, du moins pas encore. On croit qu'il est souhaitable pour l'OTAN sur le plan politique, voire sur le plan moral, d'obtenir l'autorisation du Conseil de sécurité. S'il est vrai que l'article 51 de la Charte des Nations Unies dispose qu'on ne peut recourir à la force qu'en cas de légitime défense ou dans le cadre d'une opération de sécurité collective, cela ne signifie pas pour autant que l'OTAN doit toujours avoir l'autorisation du conseil. Toutefois, dans le cas des guerres qui sont le fruit d'un choix, dont celle qui sévit en Libye, je pense que c'est devenu l'usage. Avec le temps, cela pourrait devenir une loi coutumière, mais je ne parlerais pas encore de règle de droit.
Je vous salue tous les deux et vous remercie infiniment des exposés que vous avez faits.
Madame Welsh, je voulais examiner les problèmes que vous avez relevés à l'article 5, qui est une pierre angulaire de l'alliance de l'OTAN. Vous avez tous les deux mentionné que l'article 5 porte sur la dissuasion et la défense collective. Après la Première Guerre mondiale, on a suggéré que la Société des Nations accorde à tous les autres membres une garantie aux termes de l'article 5. Cette suggestion a été rejetée en 1919. Elle a refait surface en 1949 avec le Traité de l'Atlantique Nord et visait beaucoup moins d'États. Le premier ministre Borden est l'un de ceux qui ont rejeté la garantie globale en 1919.
Pendant presque toute l'existence de l'OTAN, moins de 20 États jouissaient de cette garantie. Maintenant, 28 pays en bénéficient. Madame Welsh, cette garantie a-t-elle permis à l'OTAN de prendre des mesures de dissuasion ou s'agit-il d'une mesure qui est prise en cas de tension, comme en Géorgie, en Ukraine, chez les candidats à l'adhésion et aux frontières de la Turquie? Devrions-nous réexaminer cette idée? Nous croyons sincèrement que la garantie donne de bons résultats et que si nous la refusons à des pays comme la Géorgie et l'Ukraine, nous fragilisons leur stabilité. Vous n'êtes peut-être pas du même avis.
Permettez-moi de clarifier mes propos. Je conviens que c'est l'une des sources de dissuasion, mais on a tort de l'interpréter, surtout après ce qui s'est passé en Turquie, comme étant une garantie absolue qu'on interviendra. En lisant l'article, on se rend compte que si l'on attaque un pays, c'est comme si on attaquait tous les pays. Cependant, pour que la garantie s'applique, les membres de l'OTAN doivent d'abord admettre qu'il y a eu une attaque. Ce peut être parfois évident, mais pour revenir à votre exemple de la Société des Nations, c'est exactement ce sur quoi le débat portait au sujet de la Mandchourie. S'agissait-il d'une agression ou non? Était-ce une attaque?
Deuxièmement, les États doivent convenir que l'OTAN interviendra. C'est une décision politique.
En outre, l'article 5 ne précise pas que des mesures seront prises. Chaque membre fait ce qu'il juge nécessaire. On sait que dans le cas de l'Afghanistan, les pays ont agi très différemment. Il s'agit de gérer les attentes entourant les mesures qui pourraient s'ensuivre.
Je ne préconise pas du tout de délaisser l'article 5 de l'OTAN ou d'en minimiser l'importance. Je pense qu'il est un important moyen de dissuasion. Tout ce que je disais à propos de la Géorgie, c'est que nous devons simplement être plus vigilants. À l'heure actuelle, les pays n'accordent pas autant d'importance à la sécurité que ceux qui ont adhéré à l'OTAN dans le passé, après la fin de la guerre froide.
Je voulais simplement faire une mise en garde au sujet de l'expansion. Vous avez raison de dire qu'elle pourrait avoir des répercussions positives, mais pas si on procède à l'aveuglette, sans engagement crédible.
Je pense que nous comprenons tous quand vous dites que l'OTAN doit rendre des comptes aux Nations Unies pour des opérations comme celles en Libye, lorsqu'elles sont menées dans le cadre d'un mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies. La reddition de comptes, les droits de la personne, le nombre de victimes parmi les civils sont tous des éléments sur lesquels nous avons dû nous pencher. Quel est le rôle en matière de reddition de comptes et quel est le recours des pays membres de l'OTAN lorsque les Nations Unies n'interviennent pas, comme ce fut le cas en Syrie, où aucun mandat n'a été établi et où le nombre de décès s'élève à plus de 30 000 à l'heure actuelle?
Vous avez hoché la tête lorsqu'on a parlé de réduction du budget réservé à la défense en Europe. On a pris 50 milliards d'euros dans les budgets consacrés à la défense au cours des quatre dernières années. On a indiqué qu'il pourrait être préférable que le Canada n'ait pas que des capacités-créneaux, mais qu'il puisse également offrir des capacités de combat de façon durable, au besoin. Comment imaginez-vous les capacités de combat pour 2012 et les années suivantes, compte tenu que l'on fait pression sur nous pour jouer un rôle de premier plan afin de favoriser la paix et la sécurité dans le monde?
Je vais d'abord répondre à la première question car vous avez posé deux questions différentes.
Votre question sur ce que l'OTAN devrait faire si le Conseil de sécurité était paralysé est très pertinente. J'entrevois une période très difficile pour le Conseil de sécurité, mais nous n'avons actuellement aucun mécanisme de reddition de comptes pour le conseil autre qu'une reddition de comptes sur le plan politique. Par exemple, il est très intéressant de voir que l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté en août une résolution bien sentie dans laquelle on critique l'inaction du conseil. Ce dernier doit gérer les effets négatifs de ne pas répondre aux attentes des membres des Nations Unies. C'est malheureusement le meilleur mécanisme dont nous disposons.
Je ne crois pas que cela signifie qu'on ne pourra jamais intervenir. Je pense qu'il faut commencer à examiner ces solutions de rechange et prendre conscience qu'il faut l'autorisation du Conseil de sécurité, sinon, rien ne va vraiment régler le problème. Nous revenons peut-être à une époque semblable à celle que nous avons vécue dans les années 1980, où le conseil n'arrivait pas à répondre aux attentes qu'il devait satisfaire. Rappelons-nous la guerre entre l'Iran et l'Irak qui a duré huit ans, et au conflit entre l'Inde et le Pakistan, où le conseil n'a rien fait pendant toutes ces années.
Depuis bien longtemps, le conseil privilégie l'inaction à l'action. Les pays membres de l'OTAN en particulier, mais aussi d'autres intervenants régionaux, doivent se pencher sur cette situation.
Quant à savoir à quoi ressembleraient des forces aptes au combat, je pense que du point de vue d'un optimiste, l'Afghanistan, même si on le dénigre, a offert aux Forces canadiennes la possibilité de se constituer une armée souple qui peut s'adapter. C'est, à mon avis, une capacité très recherchée qui ne devrait pas être gaspillée. C'est une capacité importante qui serait échangée si nous vivions dans un monde de ressources fixes, où investir dans des F-35, par exemple, signifierait que nous investissons pour avoir des capacités aériennes interopérables.
Pour revenir à ce que je disais au sujet de la Libye, peut-on assurer une protection uniquement par voie aérienne? Si le type d'opérations que nous envisageons inclut la protection civile, nous devrions alors songer au type de forces terrestres que nous pourrions mobiliser.
Il y a bien entendu toute la question de ce que nous avons besoin sur le continent nord-américain, mais je pense que vous vouliez davantage savoir ce que nous devons faire à l'échelle internationale.
Votre temps est écoulé.
Monsieur McKay, vous êtes le dernier à prendre la parole dans ce tour d'interventions de sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux des excellentes déclarations que vous avez faites.
M. Alexander a en quelque sorte posé une question que je voulais poser. Les obligations prévues à l'article 5 dans le cadre de l'OTAN et la responsabilité de protéger la doctrine s'opposent à la frontière entre la Turquie et la Syrie. Ces dernières semblent en ce moment paralysées à cause de l'inaction et de l'incapacité des Nations Unies de se concentrer sur une résolution et, paradoxalement, l'incapacité et le manque de volonté de la communauté internationale d'intervenir en Syrie exacerbent la menace qui pèse sur la Turquie. Le cas échéant, on peut vraisemblablement s'attendre à ce que les revendications aux termes de l'article 5 se multiplieront et se feront de plus en plus retentissantes.
Ma première question s'adresse à vous, madame Welsh. Quels aspects de la responsabilité visant à protéger la doctrine ou de la nouvelle variante pourraient être mis en oeuvre maintenant, en l'absence d'un mandat sanctionné par les Nations Unies?
Vous soulevez une question très générale sur la responsabilité de protéger qu'il est important de clarifier. C'est un principe qui prévoit un vaste éventail de mesures, ce qui comprend des mesures de prévention, qui peuvent même être non coercitives au tout début.
Ce qui est fort intéressant — et je fais une petite parenthèse car l'énoncé dans le concept stratégique au sujet de la prévention m'a frappée —, c'est que la Syrie figurait sur toutes les listes de surveillance parmi les 10 pays les plus à risque de commettre des atrocités de masse ou de déclencher des conflits avant 2011. La Libye ne figurait sur aucune d'elles. Qu'est-ce que cela nous révèle sur notre capacité actuelle de surveiller les situations inquiétantes, de transmettre ces renseignements aux décideurs et d'agir en conséquence?
La Syrie était systématiquement inscrite sur ces listes. C'est ce que je voulais dire au sujet de la prévention. Si nous sommes vraiment sérieux, sommes-nous prêts à envisager toutes sortes de mesures? Soit dit en passant, ce n'est pas parce qu'elles sont préventives qu'elles ne constitueront pas une menace à la souveraineté des États. On a souvent tendance à croire que la prévention est quelque chose de bon, d'un peu vague et de moins difficile, mais elle peut bien souvent être très intrusive.
La responsabilité de protéger comprend toute une série de mesures, dont une seule inclut les forces militaires. Donc à mes yeux, le fait de ne pas avoir autorisé une intervention militaire en Syrie n'explique pas un manquement à sa responsabilité de protéger. Le simple fait qu'on discute d'atrocités qui ont été commises, que des commissions d'enquête ont été mises sur pied, que des sanctions financières très rigoureuses ont été instaurées, que l'on essaie maintenant de renforcer l'opposition et de l'encourager à collaborer — ce sont là toutes des mesures qui visent à mettre en oeuvre la responsabilité de protéger.
Beaucoup d'entre vous diront, « À quoi servent-elles si on n'intervient pas militairement »? Eh bien, au bout du compte, on fait une évaluation probabiliste pour déterminer si une intervention militaire pourrait causer plus de tort que de bien, et on doit être prudent dans les calculs que l'on fait. Je pense que jusqu'à tout récemment, on a évalué avec prudence qu'une intervention risquerait d'être plus nuisible qu'avantageuse, mais d'après ce qu'on a vu en Turquie au cours des dernières semaines, on doit tenir compte du coût de l'inaction. C'est précisément ce que vous avez dit: ces retombées graduelles apportent un nouveau lot de difficultés.
Par conséquent, je pense que lorsque les décideurs effectuent ces évaluations probabilistes — qui, soit dit en passant, font partie de la responsabilité de protéger, mais aussi de l'élaboration de bonnes politiques à l'OTAN —, ils doivent tenir compte des répercussions de l'action et de l'inaction.
Au cours des derniers mois, l'inaction a bien souvent donné lieu à des conséquences très prévisibles. Certains craignent que ces conséquences prévisibles feront boule de neige et que la capacité d'intervenir sans participation militaire s'affaiblira très rapidement.
Je comprends votre inquiétude...
Je pense que c'est ici que la diplomatie devient très importante. Pensons à la Libye. La demande de la Ligue arabe est l'un des plus grands facteurs qui ont contribué à une intervention autorisée par le conseil. En rétrospective, on a beaucoup réfléchi pour déterminer pourquoi cette demande a été faite et quelle était la configuration dans la ligue. Toutefois, le fait que des intervenants régionaux souhaitaient qu'on intervienne est non négligeable.
La question est sur la table: si la Ligue des États arabes soumettait une demande particulière, cela changerait-il la dynamique du Conseil? Je ne peux pas le dire avec certitude, mais c'est le type d'avenues que nous devons explorer, et nous devons envisager les options possibles, à défaut d'une intervention autorisée par le Conseil de sécurité.
J'ai une dernière question pour M. Ingram. Elle concerne le fait que la Russie serait en train de se retirer d'une opération de déclassement. Je ne sais pas s'il s'agit du déclassement de centrales nucléaires, mais les Russes auraient avisé les Américains qu'à compter de mai de l'an prochain, ils ne participeront plus à cet exercice de déclassement qui dure depuis 20 ans.
Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
J'aimerais préciser qu'il s'agit du programme de réduction concertée des menaces, communément connu sous le nom d'initiative Nunn-Lugar. Comme vous l'avez dit, cette initiative existe depuis 20 ans. Les Américains fournissent des fonds pour déclasser bon nombre des ogives nucléaires russes excédentaires et brûlent une bonne partie des matières fissiles dans des réacteurs pour produire de l'électricité. On fait une utilisation pacifique de l'atome, pour ainsi dire.
C'est un symptôme de l'affaiblissement de la confiance que les Russes ont dans tout le processus. À vrai dire, ils rejettent l'initiative du revers de la main, car le type d'ogives nucléaires qui sont déclassées sont très désuètes et loin d'être pertinentes pour la sécurité des Russes, peu importe ce que l'on juge bon pour la sécurité des Russes.
Je pense que c'est un enjeu politique plutôt qu'une forte opposition au programme au sein de la Russie. J'ignore l'existence de ces objections, mis à part le fait que les Américains ont gagné la guerre froide, ce qui a donc une valeur symbolique en Russie. À mon avis, le fait que les Russes se retirent du programme n'est pas de bon augure pour l'avenir ni pour les possibilités de coopération avec la Russie.
Merci.
Nous allons maintenant passer à notre série d'interventions de cinq minutes. M. Strahl va commencer.
Merci beaucoup.
Je suis ravi d'avoir l'occasion de prendre la parole et d'entendre vos témoignages.
J'ai quelques questions à poser. Nous avons beaucoup parlé de défense intelligente dans le cadre de cette étude. Nous avions également effleuré le sujet dans notre étude précédente sur l'état de préparation.
Je veux simplement étoffer un peu plus, madame Welsh, sur ce que vous avez dit concernant les F-35, plus particulièrement. Certains diront que pour avoir une défense intelligente, nous devons être en mesure d'interopérer avec nos alliés, et nous allons dépenser les fonds pour remplacer nos CF-18, peu importe le choix qui sera fait.
Voyez-vous les avantages et les inconvénients ou parlez-vous d'une réduction de la capacité expéditionnaire de nos forces aériennes pour nous concentrer davantage sur les forces terrestres dont vous avez parlé tout à l'heure?
Faute de temps, vous n'avez pas pu expliquer vos propos et j'aimerais que vous nous en disiez plus sur cette partie de votre exposé.
Je m'interrogeais en fait sur la façon dont les Forces canadiennes pourraient avoir le plus d'influence, principalement dans les efforts multilatéraux, que ce soit dans le cadre d'opérations de l'OTAN ou de l'ONU. En Libye, par exemple, vous diriez vouloir un appareil interopérable d'avant-garde. Cela vous assurerait la participation la plus efficace aux efforts multilatéraux. En ce qui concerne l'Afghanistan, vous pourriez conclure qu'il vous faut une armée adaptée et souple, bien que le transport stratégique puisse être grandement utile à cet égard également.
Le Canada prend manifestement la décision de miser sur sa propre sécurité en engageant des sommes pour la force aérienne et la marine aux fins de la défense territoriale, si l'on veut, mais également aux fins des opérations multilatérales; il veut aussi investir judicieusement dans sa capacité sur le plan des efforts multilatéraux.
Je voulais seulement indiquer que l'acquisition des F-35 nécessitera des compromis. Cela pourrait bien signifier, à moins que d'autres changements ne soient apportés, que moins de fonds seront consacrés à une armée souple et adaptée. Il s'agit simplement de savoir quels pourraient être ces compromis.
J'émets une hypothèse à propos de ressources fixes et je suis aussi tout à fait consciente que l'argent des contribuables est également convoité par d'autres secteurs; en ce qui concerne les compromis, j'essaie simplement d'imaginer ce que cela pourrait impliquer. Il y aurait peut-être moins de forces sur le terrain, là où c'est nécessaire, mais il pourrait nous être possible d'acquérir les F-35 tout en conservant cette capacité.
Dans une certaine mesure, ce sont les défis liés au fait que notre territoire nord-américain nécessite de plus en plus que nous y consacrions nos ressources. Ce n'est qu'en 2005 qu'on en est venu à considérer l'Amérique du Nord comme un théâtre d'opérations à part entière. De toute évidence, cela accapare beaucoup nos pensées et nos ressources en matière de défense.
Je ne sais pas si cela peut vous être utile.
Une chose est sûre, cela nous donnera matière à réflexion.
Vous avez mentionné autre chose qui a retenu mon attention, à savoir si l'OTAN devrait avoir un mécanisme de reddition de compte ou s'il devrait y avoir une meilleure reddition de compte à l'égard de l'ONU lorsque l'OTAN effectue une mission qui découle d'un mandat des Nations Unies.
J'ai entendu des critiques dans le passé concernant le fait que l'OTAN ne veut pas être considérée comme la force des Nations Unies. Comment réconcilier ces deux éléments — le besoin ou le désir de l'OTAN de rester indépendante et le désir de l'ONU de s'assurer que l'OTAN n'agit que dans le cadre d'un mandat de l'ONU?
Il n'y a probablement pas de réponse simple à cette question, mais cela soulevait certaines questions à mes yeux. J'aimerais que vous nous parliez plus en détail de la façon, selon vous, dont la relation de l'OTAN avec le Conseil de sécurité peut être établie sur le plan pratique.
C'est une relation complexe. La Charte de l'ONU recommandait la création d'un commandement d'état-major militaire composé de véritables ressources opérationnelles pour l'ONU, ce qui ne s'est jamais réalisé; chaque fois que l'ONU autorise une opération, elle compte sur les États pour répondre soit dans le cadre d'une coalition, soit dans le cadre d'une alliance.
C'était très intéressant lors de la campagne en Libye. Les 10 premiers jours, ce n'était pas une opération de l'OTAN, mais une opération du Royaume-Uni, des États-Unis et de la France. Chose intéressante, d'après ce que j'ai entendu, et cela en dit long au sujet des dimensions politiques de ces situations, la France et le Royaume-Uni, qui étaient en première ligne au début — et on dit souvent que les États-Unis dirigeaient en coulisse en Libye —, s'inquiétaient beaucoup à la perspective d'une intervention franco-britannique au Moyen-Orient. J'ai souvent entendu le mot « Suez »; pour eux, l'OTAN était la solution pour assurer la légitimité de leur démarche.
Ce sera le cas pour l'OTAN; ce sera considéré comme un bon outil pour les États qui le composent. Cela signifie également, si nous devons tenir compte de cette croyance en la légitimité de l'autorisation du Conseil de sécurité, que l'OTAN fera souvent office d'organe ou d'agent opérationnel de l'ONU. Ce n'est pas nouveau; il l'a déjà fait dans les missions de maintien de la paix, mais il y a des mécanismes rigoureux de reddition de compte pour les missions de maintien de la paix — en fait, je devrais dire qu'il y a des mécanismes. Sont-ils toujours aussi rigoureux qu'ils pourraient l'être? Toutefois, pour les opérations de protection civile, qui sont différentes des opérations de maintien de la paix...
Il ne s'agissait pas d'une opération consensuelle de maintien de la paix. Le Conseil de sécurité a autorisé le recours à la force sans le consentement de l'État libyen. La situation était grave. Pour ces opérations, à l'heure actuelle, il n'y a pas de mécanismes de reddition de compte de ce genre; nous pouvons en créer, mais nous devons commencer à songer à une façon de le faire.
Je serais un peu inquiète au sujet de l'aspect...
Je vais devoir vous interrompre. Nous disposons d'une période maximale de cinq minutes pour les questions et les réponses. Nous vous demandons de répondre de façon très concise, étant donné que nous en sommes à la série de questions de cinq minutes.
Sur ce, nous allons poursuivre.
[Français]
Madame Moore, vous avez la parole.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais savoir comment la situation en Syrie influence la coopération entre l'OTAN et la Russie.
[Traduction]
Paul veut-il répondre à cette question?
Je peux y répondre, mais Paul veut peut-être formuler quelques observations, puisqu'il a parlé de la Russie dans son exposé.
Je crois que l'OTAN a pris une série de mesures au fil des ans, depuis le Kosovo, dont les Russes se sont vivement offensés.
Deux perspectives doivent être prises en considération. La première est que l'OTAN a pris des mesures, avec lesquelles les Russes sont mal à l'aise en raison de la mesure même; la deuxième est que cela démontre très clairement que l'OTAN a la capacité d'intervenir dans les régions qui sont à l'extérieur de sa propre zone d'opérations, ce qui accroît la crainte de la Russie de voir l'OTAN servir d'outil à l'hégémonie occidentale.
Les Russes ne se sont pas opposés activement à l'intervention en Libye, mais ils n'étaient pas du tout à l'aise et se sont sentis pris. Ils étaient confrontés à deux choix tout aussi indésirables l'un que l'autre.
Encore une fois, je souligne qu'il s'agit de la perspective russe; ce n'est pas nécessairement la mienne, mais j'explique souvent les perspectives qui sont différentes des nôtres.
De leur point de vue, cette situation met en lumière leur faiblesse relative par rapport à l'alliance, ainsi que la nécessité, pour eux, de rester vigilants et de ne pas faire confiance à l'alliance. Ils perçoivent la volonté des Américains et de l'ensemble de l'alliance d'entreprendre des initiatives comme la défense antimissile et la création de nouvelles capacités conventionnelles, peu importe les conséquences sur la sécurité perçue des autres pays, comme des indices que l'OTAN n'est pas fiable.
[Français]
Merci beaucoup.
En ce qui a trait à la situation en Libye, par exemple, on sait que Kadhafi n'est pas devenu dictateur du jour au lendemain. Quand on travaille en collaboration avec un pays où il y a eu certains manquements aux droits de la personne, comment gère-t-on cela d'un point de vue éthique?
[Traduction]
Je pourrais peut-être répondre en premier.
Je pense que nous, les Occidentaux, devons être très prudents lorsque nous mesurons les interventions morales et éthiques selon un critère purement militaire. Mme Welsh a clairement indiqué que la responsabilité de protéger ne se résume pas à l'intervention militaire. J'irais même jusqu'à dire que le motif principal de la responsabilité de protéger n'a rien à voir avec l'intervention militaire. Ce n'est que la cerise sur le gâteau, la pointe de l'iceberg. Nous devons faire preuve d’une attitude plus constante à long terme envers des pays comme la Libye et, en fait, un peu partout au Moyen-Orient.
D'après mes observations, les questions éthiques et morales façonnent beaucoup plus profondément les opinions des gens au Moyen-Orient qu’elles ne le font ici, en Grande-Bretagne ou là-bas, au Canada. À mon sens, en Occident, nous attachons plus d’importance aux calculs stratégiques, aux calculs politiques réels, alors qu'au Moyen-Orient, il arrive très souvent que les gens, tant au sein du gouvernement que dans la rue, perçoivent des signes d'iniquité, d'injustice et de comportement immoral dans presque tous les faits et gestes des Occidentaux. Si nous voulons nous engager pour des raisons éthiques — et j'appuie sans réserve l'engagement éthique par des moyens militaires et autres —, alors nous devons agir de façon beaucoup plus constante et cohérente que ce que nous avons fait jusqu'à présent.
La Libye est un exemple parfait. Chose certaine, les récents gouvernements britanniques avaient collaboré très étroitement avec le colonel Kadhafi pendant de nombreuses années, depuis que ce dernier avait commencé à travailler en collaboration avec nos gouvernements sur des questions telles que les armes de destruction massive et tout le reste, malgré les violations des droits de la personne. Il existe des cas documentés de coopération entre nos services de renseignement et les forces de Kadhafi pour le transfert de suspects qui étaient des militants de l'opposition en Libye.
Par conséquent, si nous tenons vraiment à l'engagement éthique partout dans le monde — et je crois que c’est ce qui s’impose —, nous devons être beaucoup plus sérieux que ce que nous avons été jusqu'à présent.
Le temps est écoulé. Nous devons poursuivre.
Chers collègues, veuillez ne pas oublier d’indiquer à quels témoins vous voulez poser vos questions. Cela serait également utile pour notre personnel, notamment côté technologie.
Monsieur Opitz, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Ingram, vous avez beaucoup écrit sur les questions liées aux armes nucléaires, au désarmement, etc. Pensez-vous que le Canada devrait se joindre à un arrangement de défense antimissiles balistiques dirigé par l'OTAN, et devrions-nous ne pas nous en mêler, comme c'est le cas à l'heure actuelle?
Je crois que le Canada devrait tenir compte de ses intérêts en matière de sécurité nationale. Je dois avouer que je ne connais pas assez bien vos préoccupations relatives à la sécurité nationale pour déterminer si vous devriez adhérer à une telle entente, mais je dirais que dans l'ensemble de l'alliance, il est très important que nous prenions au sérieux les conséquences imprévues de la mise au point de telles technologies.
La défense antimissiles revêtira une importance essentielle si le monde tient sérieusement à réduire, puis à éliminer les armes nucléaires. Cependant, si nous nous contentons d'agir uniquement dans l’intérêt de notre propre sécurité, sans tenir compte des conséquences imprévues, par exemple les réactions d'États comme la Russie, la Chine et les pays du Moyen-Orient, alors nous ne faisons que semer les germes de conflits futurs.
J'aimerais poursuivre un peu sur ce sujet parce que la plupart de vos travaux, comme vous l'avez dit, portent sur le désarmement nucléaire.
Pensons à des États totalitaires et théocratiques comme la Corée du Nord et peut-être l'Iran; prendraient-ils des mesures semblables s'ils étaient témoins, par exemple, du désarmement de l'OTAN? Permettez-moi de formuler la question autrement: ne seriez-vous pas d'accord pour dire que tant et aussi longtemps que les armes nucléaires font partie de la réalité, il serait pragmatique que l'OTAN demeure une alliance nucléaire, étant donné l'existence d'États comme les deux pays que je viens de mentionner?
Peu importe mon opinion, l'OTAN demeurera une alliance nucléaire tant et aussi longtemps qu'il y aura des armes nucléaires dans le monde.
Je n’étais pas en train de contester cette affirmation tout à l'heure lorsque j’ai dit qu’il y a un manque de cohésion au sein de l'alliance. Je n’entrevois rien de tel. À mon avis, l'OTAN restera une alliance nucléaire tant qu’il y aura des armes nucléaires dans le monde. C'était surtout relativement au déploiement d'armes nucléaires à chute libre qui, selon moi, ont de moins en moins de valeur militaire ou d’effet dissuasif. C'est ce que je voulais dire.
Je vais passer à Mme Welsh.
Vous avez fait une observation intéressante tout à l'heure dans une de vos réponses, au sujet d'un commandement d'état-major militaire à l'ONU. Si on prend l'exemple de la Bosnie au début des années 1990, où l'ONU est intervenue au début et l'OTAN à la fin, pourriez-vous établir des comparaisons et des contrastes? Pourriez-vous aussi nous dire où il aurait été utile d'avoir un commandement d'état-major militaire de l'ONU?
Eh bien, ce que je voulais dire, c'est que le comité d'état-major militaire servirait également, par extension, de forces prêtes au combat ou disponibles pour exécuter les mandats de l'ONU, au lieu de devoir les sous-traiter.
Ce qui s'est passé dans les Balkans, c'est que certaines des décisions concernant le choix des cibles et les mesures prises par les troupes sur le terrain, particulièrement dans les zones de sécurité, avaient fait l'objet de beaucoup de surveillance — de la part du Secrétariat de l'ONU, ce qui est intéressant à noter. Ce n'était pas le cas en Libye. Dans les Balkans, l'OTAN agissait à titre d'organisation régionale autorisée par le conseil, mais l'ONU assurait une beaucoup plus grande surveillance qu'en Libye.
Cela dit, il y avait aussi des problèmes. Beaucoup de généraux des pays membres de l'OTAN parlent, dans leurs mémoires, des difficultés à dégager un consensus entre les pays de l'ONU et de l'OTAN sur la façon d'agir dans les zones de sécurité, mais cet aspect était réel.
Selon vous, quelle aurait été la répercussion possible si l'OTAN n'était pas intervenue dans des endroits comme le Kosovo, l'Afghanistan et la Libye? Croyez-vous qu'il y a d'autres organisations régionales internationales qui auraient eu la capacité de protéger les populations locales?
Je crois que dans le cas du Kosovo, il n'y avait pas d'autres candidats. L'OTAN était l'agent compétent de la région, pour ainsi dire. Que se serait-il passé dans ce cas? À en juger par les éléments de preuve présentés aux décideurs à l'époque, il y aurait eu plus de nettoyage ethnique et plus d’atrocités contre les civils. N’empêche qu'en rétrospective, selon moi, les données montrent que les mesures prises par l'OTAN ont, en réalité, contribué à l’intensification du nettoyage ethnique. Toutefois, je suis de ceux qui estiment que l'intervention était légitime, même si elle était illégale.
Le cas de l'Afghanistan est, encore une fois, une situation très différente puisqu'il n’y a pas d’acteurs régionaux comme ceux que l’on trouve en Europe, en Amérique latine ou même en Afrique. Par conséquent, il n'est pas possible de faire intervenir un acteur régional de la même manière. La question qui se pose est la suivante: que se serait-il passé si l'OTAN n'était pas intervenue par l'entremise de la FIAS dans une opération beaucoup plus multidimensionnelle en Afghanistan, au-delà des mesures prises par les Américains au début de 2001? C’est là une question contre-factuelle intéressante qu’on se pose tous, j'en suis sûre. Toujours est-il que nous avions l’occasion, à un moment précis, d’intervenir par une démonstration de force massive afin d'empêcher les talibans de prendre le pouvoir en Afghanistan, et voilà où nous en sommes aujourd'hui.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos invités de se joindre à nous aujourd'hui et de nous faire bénéficier de leurs connaissances. Nous avons eu droit à une discussion fort intéressante jusqu'à présent.
Madame Welsh, j'aimerais commencer par la question des ressources fixes. C'est, me semble-t-il, une de vos hypothèses de base. Si nous travaillons dans un monde de ressources fixes, le concept de la défense intelligente est-il alors une réponse sensée et viable dans un tel contexte?
Je crois qu'en théorie, il l'est, mais l'expérience de l'OTAN me fait douter de son efficacité réelle.
Comme je l'ai dit, si on va se spécialiser sur le plan militaire dans le cadre d'une alliance, il faudra alors compter sur nos alliés sur le terrain; ceux-ci devront nous fournir les choses dont on a besoin collectivement afin de pouvoir atteindre nos objectifs. Je reviens à l'exemple des hélicoptères en Afghanistan. Les Canadiens comptaient sur le Royaume-Uni et les États-Unis pour obtenir des hélicoptères, mais ces deux pays ont accordé la priorité à leurs propres efforts en premier. Nous avons donc dû utiliser des convois, ce qui a créé plus de risques pour nos soldats parce que nous n'avions pas cette capacité. Nous avions misé sur la spécialisation.
Ce concept ne fonctionnera que si nous avons l'assurance que nos alliés nous fourniront cette capacité. À cause de cette réalité et compte tenu de certaines des restrictions imposées par les pays à l’égard de leurs opérations, il se peut que les résultats ne soient pas parfaits. Je ne veux pas laisser entendre que c'est impossible, mais l'OTAN doit songer à des moyens de régler ce problème; sinon, la défense intelligente placera les pays sur le terrain en situation très vulnérable.
Avez-vous des suggestions quant à la façon de régler ce problème à l'interne, au sein de l'alliance?
Je pense qu'on doit plutôt prendre un engagement politique. Je crois dans les procédures et, selon moi, il ne faut pas se fier uniquement aux engagements politiques. On devrait s'attendre à ce que ces types de ressources soient offerts, et ce, dans le cadre d’une mission plutôt qu'en théorie. Ainsi, en s'engageant à l'avance à fournir cette capacité aux membres de l'alliance sur le terrain, on fait face à une certaine pression des pairs.
Pour l'instant, nous n'avons qu'un engagement politique, et nous savons où cela nous a menés. Il faudrait prévoir, probablement selon la mission, certains engagements préalables à l’égard de la prestation de ces types de ressources.
Je suppose que ce n'est pas toujours facile de se fier à des missions pour assurer cette pratique.
Dans le cadre d’une autre étude sur la disponibilité opérationnelle, un certain nombre de militaires nous ont dit que la défense nationale est une mission pour laquelle l'échec n'est pas permis. Quand on parle de missions multilatérales, on pense habituellement à des missions ailleurs dans le monde, à cause de la situation géographique du Canada. Pensez-vous qu’il existe une sorte de conflit entre les exigences de défense nationale ici, au Canada et la participation à des missions multilatérales?
Là où je veux en venir, c'est de savoir d'où proviennent les menaces. J’ignore si vous effectuez des analyses de menaces concernant le Canada. Comment notre pays devrait-il aborder la défense nationale par rapport à la participation à des missions multilatérales, deux questions qui, pour la plupart d'entre nous, semblent être différentes?
À mon avis, il y a un conflit entre les deux surtout si on adopte une conception très étroite de l'intérêt national et qu’on le définit comme étant lié, en quelque sorte, aux menaces directes pour notre sécurité et notre prospérité en territoire canadien. Il se crée donc un conflit direct quand on affirme que nos interventions à l’échelle internationale sont, au fond, discrétionnaires et qu’elles ne sont pas essentielles. C’est à nous de choisir ce que nous faisons à l'étranger.
Par contre, si on adopte une conception plus large de l'intérêt national et qu'on considère l'instabilité et l'échec de certains États comme ayant un impact éventuel sur les valeurs qui sont si chères aux Canadiens, alors selon moi, il y a moins de conflit. On revient ensuite à la question de savoir si notre mission à l'échelle mondiale se résume à protéger notre intérêt national au sens étroit ou si nous voulons également défendre certaines valeurs. Cela comprend la prévention des atrocités de masse, peu importe où elles se produisent.
Bref, je ne puis répondre à cette question sans parler de la perspective qu'on adopte relativement à la question fondamentale de l’intérêt national canadien: s’agit-il d’une conception large ou étroite? Si on a une vision large des choses, il n'y a pas de conflit parce qu'on a la conviction qu'il faut investir dans les deux types d'opérations.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup aux témoins qui comparaissent devant le comité.
Ma question s’adresse à Mme Welsh. Vous avez soulevé un point, dont on discute également en détail dans l'examen du concept stratégique, à savoir le besoin pour l'OTAN d'avoir de nouveaux membres et d'établir un partenariat solide avec des pays et des régions qui ne sont pas membres de l'alliance.
Vous avez évoqué l’exemple de la Géorgie et vous avez dit ne pas être nécessairement en faveur de l'expansion de l'OTAN, malgré le fait que l'OTAN ait joué un rôle crucial pour éviter des conflits en Europe. Cela s'est fait en collaboration avec l'Union européenne, qui vient de recevoir le Prix Nobel et dont la plupart des pays membres font partie de l’OTAN. Force est donc de constater que l'OTAN a joué un rôle positif pour ce qui est d'éviter la guerre en Europe.
Quand vous parlez de la Géorgie ou d'autres pays, on pense automatiquement à la relation avec la Russie, parce que celle-ci est menacée par l'expansion de l'OTAN. Selon vous, à quel point est-il important que l'OTAN continue d’établir des relations et des partenariats solides avec d'autres pays et, en même temps, de limiter les relations avec la Russie ou d'atténuer les effets du syndrome russe?
Dans mon exposé, j'ai parlé de la prudence par rapport à l'expansion. Cela ne laissait pas entendre que l'OTAN ne devrait jamais comprendre la Géorgie. Je pense que cela dépend beaucoup de ce que nous verrons au cours de la prochaine décennie. En fait, nous venons tout juste de passer par une transition politique très, très importante qui a démontré quelque chose d'essentiel au sujet de cette société.
J'ai parlé de prudence, étant donné l'esprit de l'article 5, et aussi de la reconnaissance du fait que la guerre de 2008 entre la Russie et la Géorgie résultait de causes multiples. Je pense qu'en raison des faits et en fonction de l'analyse qui en est faite, il y a des préoccupations par rapport à certains comportements des Géorgiens, malgré ce que je ne voudrais pas faire passer pour une bonne façon d'agir de la part des Russes. C'était simplement une mise en garde au sujet de l'expansion; cela ne voulait pas dire que la Géorgie ne devrait jamais faire partie de l'alliance.
Je pense en effet que l'OTAN, à l'instar de l'Union européenne, est un incroyable outil de changement, et c'est ainsi qu'elle devrait user de son influence. Manifestement, l'engagement auprès de ces pays est essentiel, comme l'ont reconnu les Français tout au long de la crise. Pour avoir une quelconque influence dans toute situation qui devient dangereuse, comme cela s'est produit en 2008, il faut avoir entretenu un dialogue bien avant. Cependant, je veux simplement répéter qu'il faut faire preuve d'une grande prudence en ce qui a trait à l'accroissement, aujourd'hui, du nombre d'États membres.
J'ai une autre question, et vous pourrez peut-être y répondre tous les deux. Parmi les 28 membres de l'OTAN, certains considèrent la Russie comme un partenaire tandis que d'autres la voient comme une menace. Dans quelle mesure ces divergences influent-elles sur la capacité de l'OTAN de s'entendre sur une doctrine nucléaire? Quelle pourrait être l'incidence du plan de l'OTAN visant à moderniser les armes nucléaires non stratégiques des États-Unis en sol européen sur les relations entre l'OTAN et la Russie?
Permettez-moi de répondre en premier.
Les différences dont vous parlez sont au coeur de la question de la doctrine nucléaire. Comme je l'ai indiqué, nous avons un document consensuel, mais il dissimule des divergences. Je ne crois pas que les Allemands, les Néerlandais et les Belges seront des hôtes de la bombe B61 dans 10 à 15 ans, parce qu'ils ne considèrent pas la Russie comme une menace. Cela pose problème, car les États baltes, en particulier, voient en la doctrine nucléaire de l'OTAN une condition essentielle à l'engagement au titre de l'article 5 et, dans le cas présent, les armes nucléaires constituent le symptôme plutôt que la cause première du problème.
De même, en réponse à votre deuxième question, pour ce qui est des perceptions des Russes, je ne pense pas que les Russes s'en font outre mesure quant à la présence de la bombe B61 en Europe. Elle n'a pas la portée; par conséquent, elle n'est pas une menace particulière pour les Russes, qui la perçoivent cependant comme un moyen très utile pour s'assurer que l'alliance n'est pas aussi unie qu'elle pourrait l'être.
Or, c'est ce que l'on observe en ce moment. Si nous mettons en oeuvre un processus de modernisation tel qu'il est proposé, le B61 Mod.12, qui est la modernisation de la B61 existante — qui coûtera près de 10 milliards de dollars aux Américains, selon leurs estimations actuelles —, nous installerons des ailerons d'empennage sur ces bombes, ce qui en augmentera beaucoup la portée. Les installer sur les avions furtifs F-35 pourrait très bien modifier la stratégie et le point de vue des Russes, et je pense qu'ils verront cela, encore une fois, comme un geste symbolique des Américains et des alliés de l'OTAN visant à accorder la priorité à leurs propres capacités plutôt qu'à la relation et à une relation à venir plus axée sur la collaboration.
Merci. Le temps est écoulé.
À nos deux témoins, je dirais ceci: si vous désiriez répondre à certaines questions aujourd'hui et que vous n'en avez pas eu l'occasion en raison du peu de temps dont nous disposons, je vous invite à le faire par écrit et à envoyer le tout à nos analystes par l'intermédiaire du greffier; nous pourrons ainsi les lire et les utiliser pendant nos délibérations.
Poursuivons.
[Français]
Monsieur Brahmi, vous avez la parole. Vous disposez de cinq minutes.
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je vous remercie tous les deux de comparaître au comité.
Ma première question s'adresse à Mme Welsh. J'ai remarqué qu'au début de votre exposé, vous avez brièvement fait allusion à la cybersécurité. Je sais que c'est un sujet très vaste et que cela représente une menace distincte pour les alliés de l'OTAN, mais je vous demanderais de nous parler de votre point de vue à cet égard.
C'est un sujet très vaste et ce n'est pas en soi mon domaine d'expertise; je tiens donc à faire cette mise en garde.
Pour revenir sur les commentaires que j'ai faits en réponse à M. Alexander, je pense que l'aspect lié à la cybersécurité qui revêt de l'importance pour l'OTAN, c'est la difficulté de déterminer ce qui constitue une attaque et aussi la détermination de son origine.
Je ne veux pas dire — ne serait-ce qu'un instant — que nous ne pouvons pas surmonter ces deux difficultés, mais ce sont des difficultés en ce qui a trait à une entente sur la définition d'une attaque. Il y a beaucoup de discussions au sujet des activités dans le cyberespace et beaucoup d'accusations sont portées, mais nous devrions réfléchir soigneusement à nous entendre sur les protocoles nécessaires pour en arriver à une définition dans le cadre d'une alliance qui est dotée d'un article comme l'article 5.
De façon plus générale, il y a aussi des questions éthiques fascinantes relativement aux effets possibles d'une cyberattaque. Dans ce cas, on parle des répercussions pour les civils; la portée pourrait être très étendue. L'OTAN s'est penchée sur la question par rapport aux armes nucléaires — l'arme d'emploi aveugle ultime, à certains égards —, mais les cyberattaques sont très semblables quand on pense aux ravages que cela peut causer aux infrastructures nationales.
Dans le cas présent, nous avons affaire avec une technologie et une possible menace qui ne se limitera pas aux soldats, mais qui pourrait avoir des conséquences dévastatrices sur les civils. À mon avis, c'est là un aspect de la question avec lequel l'OTAN devra composer, parce que certains sont d'avis que c'est une technologie moins néfaste, que le recours aux cyberattaques vaut mieux que le recours aux armées classiques. Cependant, ce n'est pas le cas quand on tient compte des effets que cela pourrait avoir sur les civils.
Pendant la campagne en Libye, il y a eu un moment fascinant en ce qui a trait à la cybersécurité; je ne sais pas si vous en avez discuté ou si vous l'avez remarqué. C'était la décision que l'administration Obama a eu à prendre au début quant à savoir si elle devrait avoir recours à une cyberattaque ou à des bombes pour anéantir le système de défense aérienne de Kadhafi. On a choisi la deuxième option, même si cela comportait plus de risques pour les États-Unis. D'après ce que j'ai pu apprendre, cette décision a été prise parce que l'on craignait qu'une telle attaque ne crée un précédent et que l'on ne voulait pas révéler la capacité des États-Unis dans ce domaine, en particulier en ce qui concerne des pays comme la Chine et la Russie.
J'ai une autre question pour M. Ingram. Vous avez mentionné beaucoup de pays qui représentent une menace sur le plan nucléaire. Vous n'avez pas mentionné la Corée du Nord.
Pourquoi? Prévoyez-vous un changement de régime qui fera de ce pays une menace moins importante?
Pour une raison beaucoup moins éclairée. C'est principalement parce que ce n'est pas une région que j'étudie, mais je dirais que la Corée du Nord est une menace potentielle importante. Je ne dirais pas qu'il s'agit actuellement d'une menace importante pour l'Amérique du Nord, mais de toute évidence, si le pays continue dans cette voie, il pourrait à tout le moins en avoir la capacité, même si je doute qu'il ait l'intention d'attaquer l'Amérique du Nord. J'en douterais parce que la Corée du Nord est très centrée sur la survie de son propre régime plutôt que sur un quelconque conflit stratégique de nature plus conventionnelle.
Merci beaucoup, monsieur le président et, par l'intermédiaire de la présidence, merci aux témoins de comparaître aujourd'hui. Cela nous a donné beaucoup de pistes de réflexion; toutefois, je vais maintenant réorienter la discussion. Ma première question s'adresse à Mme Welsh.
L'Arctique, en particulier l'Arctique canadien, attire de plus en plus l'attention sur la scène internationale, notamment en ce qui a trait aux ressources naturelles, à la fonte des glaces, etc. Bien entendu, dans la région, il y a d'autres pays de l'Arctique qui voudraient avoir leur mot à dire à cet égard.
À votre avis, quel rôle, le cas échéant, l'OTAN peut-elle jouer dans le Grand Nord, soit pour l'établissement d'une base ou pour mener des exercices d'entraînement? Pourriez-vous nous parler de ce genre de stratégies pendant une minute et demie?
En ce moment, je suis d'avis que l'OTAN n'a pas un rôle très important à jouer dans l'Arctique. Ce n'est pas que je ne pense pas que l'Arctique soit d'une importance capitale — je le crois —, mais je pense qu'il y a d'énormes difficultés au chapitre de la gouvernance dans l'Arctique, et c'est principalement là que doivent être concentrés nos efforts.
Quant à savoir si les institutions et les ententes qui sont en place conviennent aux objectifs, le Canada présidera bientôt le Conseil de l'Arctique. Pour le moment, en particulier — et je ne veux pas insinuer que cela est sous-entendu dans votre question —, il y a l'idée selon laquelle nous avons des opposants qui nous menacent dans l'Arctique, la Russie, par exemple. Il faut être très prudent à ce sujet, car je pense que la Russie peut encore être un partenaire dans notre recherche de solutions pour la gouvernance de l'Arctique.
En conséquence, en ce moment, je ne considère pas cela comme une priorité pour l'OTAN. Ce l'est certainement pour le gouvernement canadien, et examiner le rôle de ses forces de défense dans l'Arctique est manifestement une priorité. Je ne sais pas si M. Ingram a d'autres commentaires, mais je ne dirais pas qu'il s'agit d'une priorité pour l'OTAN à l'heure actuelle.
Merci.
Si nous pouvions aller encore plus loin, ce serait une question à laquelle vous pourriez répondre tous les deux; je ne pense pas qu'une longue réponse sera nécessaire.
Beaucoup de rapports indiquent une réorientation de la politique américaine, qui se détourne de l'Atlantique Nord pour se tourner vers l'Asie-Pacifique. À votre avis, quelle incidence cela aura-t-il sur l'avenir de l'alliance? En réalité, est-ce une réorientation ou est-ce simplement un équilibre des priorités?
Monsieur Ingram, vous pourriez commencer, puis ce sera au tour de Mme Welsh.
Je vois cela comme un changement de priorités pour les États-Unis. Je pense néanmoins que les États-Unis considèrent toujours ses alliés de l'OTAN comme un élément essentiel de ce qu'ils appelaient un « pivot » — jusqu'à ce qu'ils appellent cela autrement —, parce qu'aujourd'hui encore, comme ils l'ont fait jusqu'à maintenant dans un certain nombre d'interventions, ils considèrent leurs alliés de l'OTAN comme un élément essentiel de cette réorientation vers d'autres régions du monde. Quoi qu'il en soit, je pense que l'alliance a été lente à se réinventer, et c'est toujours le cas. Il y a toujours un certain nombre d'alliés qui considèrent que la raison d'être de l'alliance est d'assurer la présence des Américains en Europe, et on se retrouve maintenant dans une situation où ce modèle est soumis à des tensions réelles alors que ces alliés tentent toujours de retenir et de maîtriser les Américains. Cela crée une tension qui, à mon avis, n'est pas favorable à l'établissement d'une relation saine et entièrement fonctionnelle.
Je serais d'accord pour dire qu'il s'agit plus que la recherche d'un nouvel équilibre. Je pense en effet qu'il y a une réorientation des priorités et de l'importance, particulièrement par rapport au déploiement des effectifs. Je conviens que cela poserait problème pour ce qui est de la relation entre les États-Unis et la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, en particulier, au sujet de l'engagement des États-Unis envers l'Europe, mais je pense que nous devons aborder la question sous un angle historique. L'engagement des États-Unis envers l'Europe a toujours été une préoccupation pour les Européens. C'est un problème permanent.
On repense à la guerre du Vietnam, aux périodes où les États-Unis étaient engagés ailleurs. Cela ne signifie pas que l'OTAN n'a pas d'importance, mais cela veut dire qu'il est en effet plus difficile qu'avant — pendant les guerres dans l'ancienne Yougoslavie, par exemple — de faire valoir que l'OTAN est au centre des préoccupations des États-Unis en matière de défense et de sécurité.
La question doit sans conteste être réglée à l'échelle politique, mais nous ne devons pas oublier dans quelle mesure les États-Unis considèrent toujours l'OTAN comme un outil extrêmement utile de sa propre politique étrangère et comme un mécanisme servant à exercer son influence pour atteindre ses objectifs.
Merci, monsieur le président.
La question s'adresse aux deux témoins. Selon vous, quel devrait être le rôle de l'OTAN en matière de sécurité énergétique?
D'accord.
Le rôle de l'OTAN en matière de sécurité énergétique est lié à la relation avec la Russie, en général, et avec le Moyen-Orient. Je pense que l'OTAN doit tenir compte de la sécurité énergétique, mais je pense que nous devrons faire preuve de prudence pour ce qui est d'avoir à une alliance militaire pour traiter des questions de sécurité énergétique. Il est beaucoup plus important de passer par les voies diplomatiques pour traiter avec les sources d'énergie que de le faire par l'intermédiaire d'une alliance militaire. Le problème, c'est que lorsqu'on a une alliance militaire, on voit les problèmes militaires bien plus rapidement que l'on ne décèle les occasions de coopération.
J'allais justement dire que je pense que cela dépend vraiment de la portée que vous voulez donner à la définition d'énergie et si vous voulez considérer l'eau comme de l'énergie et vraiment élargir la portée de cette définition. Si vous prenez au sérieux certaines des allégations concernant la pénurie d'eau et son lien avec les conflits, et si l'OTAN envisageait sérieusement la prévention et les endroits où pourraient éclater de futurs conflits, il est clair qu'il importe de penser à l'énergie, à sa distribution et à la probabilité d'une pénurie.
Cependant, je suis d'accord avec M. Ingram en ce sens que j'hésiterais aussi à utiliser une alliance au regard des questions les plus immédiates de sécurité énergétique. Je crois que l'OTAN a besoin de penser à l'emplacement potentiel des conflits futurs dans le monde et à leurs causes profondes.
Cela revient à quelque chose que j'ai dit dans mes remarques liminaires au sujet du cynisme entourant la prévention. J'ai vu beaucoup de concepts et de documents stratégiques parler de prévention des conflits, mais bien peu d'organisations ont vraiment pris la question au sérieux. Si vous envisagiez la sécurité énergétique, à mon sens cela voudrait dire que vous prendriez la prévention au sérieux si vous deviez jouer ces scénarios et vraiment penser à ce qu'ils pourraient comporter.
On nous a dit que la cybersécurité relève de la sécurité intérieure ou de la sécurité publique et que la cyberdéfense militaire s'applique aux menaces contre les biens ou les communications militaires.
S'agissant de l'OTAN et de ses engagements fondamentaux, comment envisagez-vous l'évolution de la cyberdéfense? Vous avez mentionné les protocoles. La cyberdéfense devrait-elle être laissée à la coopération entre les organismes civils à l'intérieur et à l'extérieur de l'OTAN?
Je pense que je peux comprendre pourquoi à l'heure actuelle nous faisons les distinctions que la sécurité intérieure devrait composer avec ces aspects et que l'OTAN et nos institutions de défense devraient traiter les attaques contre l'infrastructure militaire. Cependant, au fil du temps, il sera beaucoup plus difficile de maintenir ces distinctions, alors il ne serait pas négligent, selon moi, que l'OTAN pense en termes un peu plus vastes aux sortes de menaces auxquelles les cyberattaques et l'activité dans le cyberespace pourraient mener et, comme je l'ai mentionné, à ce que pourrait signifier la notion même d'une attaque.
Je crois que c'est parce que nous ne faisons que commencer à penser à la façon de gérer les cybermenaces et les cyberattaques potentielles que nous faisons ces divisions bureaucratiques. Au fil du temps, je pense qu'il sera de plus en plus difficile de les maintenir, bien que je puisse comprendre qu'il existe de réelles rivalités et aussi des questions de contrôle civil.
Étant donné qu'une cyberattaque contre l'infrastructure gouvernementale pourrait être le précurseur d'une attaque physique, à quel stade y aurait-il lieu d'envisager d'invoquer l'article 5?
Je ne sais pas; je ne sais vraiment pas. J'y ai beaucoup pensé et je peux envisager différents scénarios, mais je n'ai pas de réponse claire. Je crois qu'il faudra un jugement politique pour déterminer si nous sommes passés du stade où il était simplement question d'infrastructure à celui d'une attaque contre la souveraineté et l'intégrité territoriale.
C'est difficile pour moi de donner une réponse définitive à cette question. D'une certaine façon, cela ressemble à des débats que nous avions l'habitude d'avoir concernant la préemption. Qu'est-ce qui peut constituer une action prise avec une intention hostile? Comme dans le débat concernant la préemption, je crains que nous tombions dans les hypothèses les plus pessimistes et que nous présumions que nous sommes sur le point d'être frappés de plein fouet. Nous risquerions ensuite de prendre des mesures préventives discutables du point de vue de la légitimité et de la légalité. Les stratèges de l'OTAN devraient consacrer beaucoup de temps à penser à la réponse à votre question. Je suis désolée de ne pas avoir de meilleure réponse à vous donner aujourd'hui.
J'ai une question concernant la Russie et la Syrie. On montre beaucoup la Russie du doigt pour ce qu'elle fait ou ne fait pas. Y a-t-il des preuves d'un engagement constructif auprès de la Russie pour ce qui est d'un plan d'action en Syrie? Nous savons tous que la Russie a des intérêts en Syrie. Est-ce que quelqu'un lui dit sur quoi nous aimerions qu'elle coopère? Y a-t-il des preuves que cela se produit ou s'agit-il simplement d'un montrage du doigt rhétorique?
Je crois que la question est plus complexe que les simples intérêts de la Russie. Les Russes à qui j'ai parlé de cette question croient que l'Occident ne propose pas non plus de solutions. Ils constatent aussi qu'il y a beaucoup de violations des droits de la personne et de défis, et ils ne nient pas que bien des innocents sont massacrés, mais ils ne croient pas que les solutions que l'Occident propose soient efficaces. Ce n'est pas qu'un désaccord concernant les intérêts; c'est un désaccord sur la façon de régler le problème.
J'allais simplement ajouter qu'il y a eu un engagement auprès de la Russie. Les États-Unis et l'Europe croyaient, jusqu'à l'été dernier, que la Russie avait de l'ascendant sur les Syriens, alors pendant un bon bout de temps, il y a eu un engagement constructif. La dernière résolution du Conseil de sécurité qui a fait l'objet d'un veto en juillet a mis fin à la croyance que les Russes avaient de l'ascendant, et l'engagement est beaucoup moins constructif depuis.
Madame Welsh, vous vous êtes montrée critique à l'égard de la responsabilité de l'OTAN face à l'ONU pendant et après la mission en Libye. Que croyez-vous que l'OTAN aurait pu mieux faire? Comment pourrait-elle atténuer une partie des retombées négatives découlant de cette absence de reddition de comptes à l'ONU?
Je ne crois que cela ait été entièrement la faute de l'OTAN. Ce que j'essayais de dire, c'était qu'il n'y avait pas de mécanismes de reddition de comptes. Je lisais le témoignage que le général Bouchard a rendu devant votre comité; il a dit que nous avons fait ce que nous faisons à l'OTAN — c'est-à-dire que nous avons fait des séances de briefing hebdomadaires au Conseil de l'Atlantique Nord.
Mais alors, quelle est la relation entre le Conseil de l'Atlantique Nord et le Conseil de sécurité? C'est une question d'offre et de demande. Des procédures doivent être intégrées au mandat du Conseil de sécurité et du Conseil de l'Atlantique Nord. Les généraux qui essaient de faire la guerre doivent fournir des renseignements sur la façon dont se déroule la mission.
Je reprocherais peut-être aux États particuliers de l'alliance les commentaires publics qu'ils ont formulés concernant leurs objectifs en Libye, mais ce n'est pas uniquement la faute de l'alliance. Je crois aussi que c'était l'ONU elle-même qui devait trouver des façons d'exiger qu'on lui fournisse ce type de renseignements.
Merci.
Ma question porte sur la défense antimissile balistique. Cela fait partie de la doctrine émergente de l'OTAN. Elle se rapporte tant à la dissuasion stratégique qu'à l'aspiration de bien des nouveaux membres de privilégier une sécurité à composante armée, car ils sont voisins de la Russie ou se trouvent près de ce pays.
Depuis les années 1980, le Canada est resté en retrait de ces types de négociations et de discussions. Est-ce viable pour le Canada? Croyez-vous que nous devrions adhérer ou non à cette DMB menée par l'OTAN?
Pour continuer dans la même veine que mes commentaires précédents, je dirais de façon tout à fait catégorique que l'alliance DMB n'est pas tant dirigée contre la Russie que vers l'Iran et d'autres États nucléaires émergents. Le programme de l'OTAN ne sera jamais capable de s'attaquer aux types de capacités que les Russes ont, du moins pas avant des décennies.
Il faut se demander si le Canada est vraiment menacé par l'Iran. Le Canada est-il vraiment menacé par la Corée du Nord? Si la réponse, en particulier à la deuxième question, est oui, alors vous devez commencer à songer à la façon dont la défense antimissile contribue à votre protection.
Merci beaucoup.
Je crois que tout le monde a pu prendre la parole aujourd'hui. La technologie a semblé fonctionner et nous l'apprécions toujours quand c'est le cas.
Nous remercions Mme Walsh et M. Ingram d'avoir pris le temps de se joindre à nous par vidéoconférence depuis le Royaume-Uni et d'avoir mis leur expertise au service de nos délibérations concernant le concept stratégique de l'OTAN et notre rôle dans la coopération internationale en matière de défense.
Il y a bien des choses stimulantes qui se passent dans le monde, et bien des choses préoccupantes, et nous avons clairement beaucoup de choses auxquelles penser dans le cadre de la rédaction d'un rapport à la Chambre des communes.
Sur ce, je présente une motion pour lever la séance afin que nous puissions nous rendre à la Chambre. La sonnerie se fait entendre.
Une voix: D'accord.
Le président: La séance est levée.
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