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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 027 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 16 février 2012

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Nous allons poursuivre notre étude sur la disponibilité des Forces armées canadiennes. Il est 11 h 4 et il est donc temps de commencer notre réunion.
    Nous n'avons qu'un témoin aujourd'hui, c'est M. Philippe Lagassé, professeur à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales, de l'Université d'Ottawa.
    Monsieur Lagassé, je vous souhaite la bienvenue à notre comité. Je vous invite à prononcer votre exposé et vous demande de bien vouloir vous en tenir à 10 minutes.

[Français]

    Je tiens également à remercier les membres du comité ainsi que votre greffier de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
    Vous étudiez présentement les défis auxquels les Forces canadiennes seront confrontés à l'avenir. Plus précisément, vous vous penchez sur la capacité opérationnelle des Forces canadiennes et les obstacles qui pourraient compliquer ou même empêcher le déploiement des forces armées et diminuer leurs compétences lors des différentes missions.
    Pour ma part, j'aimerais identifier quatre enjeux qui ont le potentiel de diminuer les capacités des Forces canadiennes. Je discuterai également de la façon que le gouvernement pourrait gérer ces enjeux afin de préserver une force qui sera en mesure de remplir ses obligations ici, au Canada, sur le continent nord-américain, tout en acceptant certaines missions à l'étranger dans le cadre d'une opération onusienne ou de l'OTAN.
    En bref, ces quatre défis sont les coûts du personnel et des Forces canadiennes, les infrastructures et les bases militaires, la structure des commandements opérationnels et du quartier général de la Défense nationale et, finalement, le budget d'équipement et la réduction des capacités des Forces canadiennes.

[Traduction]

    La Stratégie de défense Le Canada d'abord de 2008 comprenait un plan vaste et ambitieux de revitalisation des Forces canadiennes. La stratégie visait le renouvellement des flottes majeures des Forces, ainsi que l'augmentation des capacités militaires dans des secteurs clés comme la patrouille de l'Arctique ainsi que le transport aérien et maritime. De plus, la stratégie prévoyait l'augmentation de la force régulière de façon à porter son effectif à 70 000 membres, ainsi que des travaux de réparation et de modernisation de l'infrastructure du ministère de la Défense et de l'armée.
    Pour financer ces programmes, le gouvernement conservateur a promis de maintenir les augmentations du financement mises en oeuvre pour la défense par le Parti libéral en 2005, soit d'investir des fonds supplémentaires et de fournir au ministère et aux FC des augmentations annuelles constantes et prévisibles au cours des prochaines décennies.
    Toutefois, même si elle était fondée sur de bonnes intentions, la Stratégie de défense Le Canada d'abord s'est rapidement révélée irréaliste. Les chiffres prévus dans la stratégie pour remplacer les grandes flottes des FC et maintenir une force polyvalente capable de mener des opérations sur terre, en mer et dans les airs partout au Canada, à l'intérieur de l'Amérique du Nord et un peu partout dans le monde, se sont révélés beaucoup trop optimistes.
    En fait, comme le montrent un certain nombre d'acquisitions retardées, dans la stratégie, on a eu tendance à sous-estimer le coût du nouvel équipement, tout particulièrement lorsque l'industrie est appelée à répondre aux besoins précis des militaires canadiens et lorsque l'inflation visant particulièrement la défense entre en ligne de compte. On n'avait pas prévu non plus dans la stratégie que l'augmentation des Forces créerait des difficultés pour le budget de la Défense et pourrait empêcher le ministère de fournir les capacités futures requises.
    De la même manière, la stratégie ne s'est pas attaquée aux problèmes manifestes qu'a suscités l'élargissement de la structure de commandement militaire, et elle n'a pas non plus tenu compte du fait que la multitude de bases, d'installations et de bâtiments mène à une utilisation inefficace des ressources qui sont limitées.
    En outre, une augmentation importante du nombre d'employés civils au MDN, l'adjudication de contrats de services coûteux et le paiement d'honoraires de consultation considérables ont aggravé les difficultés et contribué à faire augmenter les coûts généraux du personnel à près de 60 p. 100 du budget de la Défense, ce qui représente une augmentation de 10 p. 100 comparativement à ce qui était prévu dans la stratégie. Comme vous le savez tous, ces divers coûts ont été traités en détail dans le rapport du lieutenant-général Andrew Leslie sur la transformation.
    Tous ces problèmes font que la Stratégie de défense Le Canada d'abord a donné au Canada des programmes et des politiques de défense non viables. À moins d'une augmentation importante des dépenses de défense, une option difficilement envisageable pour le proche avenir, et à moins d'efforts importants pour rendre le ministère et les Forces plus efficaces, le MDN et les FC connaîtront une réduction graduelle de leurs capacités; ils auront de la difficulté à fonctionner efficacement dans de nouveaux environnements ou à faire face à de nouvelles menaces et ils pourront se voir forcés de faire des choix désagréables entre ce qu'ils aimeraient faire et ce qu'ils pourront effectivement se permettre de faire.
     Permettez-moi d'entrer un peu plus dans les détails. S'ils ne sont pas réduits, les coûts élevés en personnel draineront probablement les ressources consacrées actuellement aux opérations et au maintien de la disponibilité opérationnelle ou empêcheront d'investir dans les capacités d'intervention futures. Les fardeaux que constituent le quartier général militaire et l'infrastructure poseront les mêmes problèmes, du fait qu'ils continueront de drainer des ressources qui pourraient être consacrées à l'entraînement, aux unités déployables et au budget des biens d'équipement. En outre, même si ces problèmes pouvaient être surmontés, il demeure peu probable que les dépenses en capital planifiées suffiront à recapitaliser la structure actuelle des FC.
    Les gouvernements qui se sont succédé ont essayé de maintenir des forces polyvalentes, des forces entraînées et équipées de façon à posséder des capacités variées et adaptables pour intervenir dans différentes missions et opérations. Les avantages qu'il y a à maintenir ce type de forces sont considérables, et il est tout à fait compréhensible que le gouvernement et les FC souhaitent poursuivre cette politique.
    Je ne préconise d'aucune façon l'abandon inconsidéré de cette approche; cependant, comme beaucoup d'alliés du Canada à l'OTAN l'ont constaté, la plupart des pays ne peuvent plus vraiment se permettre de mettre en service des forces polyvalentes modernes. Ils doivent soit accepter d'avoir des forces polyvalentes dotées de capacités moindres et d'une technologie moins avancée, soit adhérer à ce que le secrétaire général de l'OTAN a appelé la « défense intelligente ».
    Alors que comporte la défense intelligente? Elle comporte la mise en commun de ressources et le partage de capacités entre des alliés. Elle amène les alliés à développer des capacités dans divers créneaux complémentaires de façon à pouvoir fonctionner ensemble et à former une force multinationale unique pour des opérations outre-mer. Les membres de l'OTAN doivent faire face à des mesures d'austérité et à l'augmentation des coûts de la défense, la mise en commun des ressources et le partage des capacités peuvent donc se révéler nécessaires pour préserver la capacité globale de l'alliance de mener des opérations de grande intensité au cours des prochaines décennies.
    Le Canada ne fait pas exception. Il doit lui aussi choisir entre une réduction graduelle — et probablement ponctuelle — de ses capacités et une évolution planifiée vers des forces spécialisées dans des créneaux complémentaires, étant donné qu'il entre dans une période d'austérité financière. Il est temps maintenant, en fait c'est le moment idéal, de faire ce choix. Le remplacement des grandes plates-formes militaires vient tout juste de commencer, et il est donc encore temps de repenser à l'équipement dont des forces bien ciblées pourraient avoir besoin.

  (1110)  

    Il faut à tout le moins, naturellement, que les FC soient capables de protéger les Canadiens et la souveraineté canadienne et de travailler avec les États-Unis à défendre l'Amérique du Nord. Le succès de ces missions doit être la toute première priorité de la défense pour le gouvernement, mais au-delà de ces missions nationales et continentales, les planificateurs de la défense devraient discuter très soigneusement des capacités expéditionnaires, terrestres, navales, aériennes et spéciales sur lesquelles les FC devraient se concentrer dans l'avenir. Contrairement aux missions nationales et continentales, les opérations expéditionnaires offrent beaucoup de flexibilité et permettent d'être très sélectifs. Bref, on ne s'attend pas à ce que le Canada fasse tout et soit partout.
    En conséquence, étant donné qu'on resserre les budgets et qu'on recherche des solutions de rechange, il vaut la peine de se demander quelles sont les capacités sur lesquelles les FC devraient se concentrer dans le cadre d'un effort multilatéral de défense intelligente. Comme nous examinons le maintien de la disponibilité opérationnelle future des FC, cette discussion devrait avoir lieu, que le Canada accepte ou non d'adhérer au concept de la défense intelligente.

[Français]

    En somme, le gouvernement canadien fera face à certains défis importants en matière de défense nationale au cours des prochaines années. Le ministère de la Défense nationale devra absorber des coûts très élevés au chapitre du personnel et réduire les dépenses en matière de ressources humaines. Le gouvernement devra aussi trouver des économies en matière de dépenses d'infrastructure. Au-delà de réduire le nombre de bâtiments, il est temps de regarder s'il est possible de réduire le nombre de bases militaires afin d'augmenter l'efficacité des Forces canadiennes et de libérer des ressources. Le même principe devrait être appliqué au commandement opérationnel. La structure actuelle n'est pas abordable et pourrait être réformée.
    Finalement, le gouvernement devrait entamer une étude des capacités des Forces canadiennes à la lumière des réductions budgétaires chez ses alliés de l'OTAN et faire appel à l'avenir à une approche coopérative dans la planification des forces alliées. Le gouvernement devrait également se poser la question suivante. Quel rôle les Forces canadiennes devraient-elles jouer à l'étranger pendant une époque de smart defence? Le Canada a-t-il les moyens ou même la volonté nécessaire pour garder une force armée qui est structurée pour entreprendre plusieurs différents types de mission ou devrait-on songer, en coopération avec nos alliés, à créer une force plus spécialisée? Selon moi, le moment est venu de se poser cette question.
    Merci beaucoup.

  (1115)  

[Traduction]

    Merci, monsieur le professeur.
    Nous allons commencer notre série de questions de sept minutes.
    Monsieur Christopherson, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur le professeur. J'ai beaucoup apprécié votre intervention, qui tombe à point nommé, parce que nous traitons de beaucoup d'aspects très partiels de la situation et certains d'entre nous sont un peu plus préparés maintenant à examiner la situation dans son ensemble, soit à 30 000 pieds. Je crois que c'est ce que vous nous apportez, cette discussion stratégique.
    La première chose qui m'est venue à l'esprit lorsque vous parliez de défense intelligente et de forces de créneau, c'est que cela était vraiment utile, étant donné tout particulièrement la visite que nous venons d'effectuer. C'était vraiment bien. J'ai beaucoup appris, étant assez nouveau dans le domaine.
    Il a été intéressant d'entendre les personnes qui se définissent elles-mêmes comme étant à l'avant-garde de notre politique étrangère et de notre politique de défense, à savoir la 1re Division, et de connaître ce qu'est pour eux la disponibilité de nos capacités expéditionnaires. D'après ce que j'entends, on nous dit: nous ferons ce que vous voulez que nous fassions; actuellement, vous voulez que nous fassions tout, alors nous nous préparons à tout faire. Il nous appartient donc de déterminer les capacités que nous voulons garder disponibles.
    L'idée de mettre en place des forces de créneau est très intéressante, tant sur le plan de l'efficacité que sur celui de la rentabilité. L'idée est pleine de bon sens, mais ce qui m'a frappé, c'est que tout le monde s'accorde pour dire que l'objet premier de nos forces est de protéger notre souveraineté, et cela est assez évident. Lorsque nous parlons des capacités expéditionnaires, les choses deviennent réellement complexes. La première chose qui m'est venue à l'idée, c'est que si nous devions réduire le champ de nos interventions et devenir un créneau ou faire partie d'un grand ensemble, il fallait se reporter à notre mission en Afghanistan pour voir si les choses avaient bien fonctionné, peu importe les considérations politiques entourant cette mission. Le fait est que les partenaires de l'OTAN ne disposaient pas tous d'une capacité égale et cela a créé beaucoup de tensions à l'intérieur de l'organisation. Cela a amené l'OTAN à réexaminer sa situation et elle pose maintenant des questions fondamentales. Les Américains naturellement examinent constamment le rôle qu'ils jouent à l'intérieur de l'OTAN.
    En tenant pour acquis que nous conserverons notre capacité de protéger nos trois côtes et notre frontière dans la mesure que nous jugeons appropriée, nous aurions besoin de la collaboration de l'OTAN pour tout ce qui dépasse notre souveraineté nationale. Toutefois, nous constatons actuellement que la collaboration paraît bien sur papier, mais dès que leur réalité politique entre en ligne de compte, certains partenaires sont prêts à collaborer, d'autres non, certains ont des objections et d'autres n'en ont pas.
    Dans ce contexte, comment pourriez-vous obtenir des garanties que, si nous faisions partie d'un ensemble et que le gouvernement canadien ou les Canadiens estimaient qu'il serait nécessaire de faire quelque chose... Quel genre de garantie aurions-nous que les autres États membres de l'organisation seraient là pour avancer au rythme et dans la direction convenus, étant donné que c'est tout à fait le contraire qui s'est produit dernièrement en Afghanistan?
    Auriez-vous des réflexions à nous communiquer à ce sujet, monsieur le professeur?
    Je reconnais tout à fait le problème, à savoir les objections concernant les opérations locales de l'OTAN. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est toujours intéressant de garder des forces polyvalentes, exactement parce que nous ne savons jamais sur qui nous pouvons compter pour ce genre d'opérations.
    Malheureusement, nous devons examiner la situation à la lumière des ressources dont nous disposons. Il est bien tentant de dire que nous allons garder des forces polyvalentes qui pourront effectuer toutes les opérations dont nous aurons besoin, mais si les capacités d'intervention de ces forces diminuent graduellement, nous deviendrons nécessairement dépendants des autres jusqu'à un certain point. Il est donc difficile de croire que nous pourrions conserver une certaine capacité de déploiement indépendante, du moins dans le contexte canadien, et nous voyons le même phénomène survenir un peu partout dans les pays membres de l'OTAN.
    Pour résoudre le problème, il faudrait fondamentalement procéder à une évaluation plus honnête des pays avec lesquels nous voudrions travailler et des modalités de la collaboration. Le gouvernement peut négocier des protocoles d'entente et d'autres accords avec des partenaires clés sur la façon dont ces derniers pourraient utiliser leurs forces et dans quelle situation. Je crois que nous pouvons dire sans trop nous tromper que c'est avec certains partenaires avec lesquels nous avons travaillé dans le passé et sur lesquels nous avons pu compter que nous conclurions ce genre d'ententes.
    Les particularités des politiques internes de l'Allemagne ou de la France pourraient nous amener à éviter de conclure des ententes avec ces pays. Par contre, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Hollande ou le Danemark se montrent intéressés à mettre en commun leurs ressources et à poursuivre les déploiements. Ce sont des alliés avec lesquels nous pourrions essayer de conclure des arrangements. La collaboration de ces pays est constante dans le secteur maritime; les États-Unis et d'autres alliés de l'OTAN mettent leurs forces en commun dans le secteur aérien. Par exemple, l'OTAN a toujours collaboré pour des missions aériennes stratégiques.
    Dans ce contexte, le Canada doit déterminer les capacités qu'il estime pouvoir fournir pour mettre les ressources en commun avec certains alliés. Ces capacités peuvent prendre différentes formes et nous devons y réfléchir. Il ne s'agit pas nécessairement de fournir des forces de première ligne. En effet, le Canada peut fournir diverses sortes de capacités à ses alliés, dans des créneaux qui peuvent être de nature plus délicate.
    Les États-Unis ont pris cette direction dans leur dernière stratégie de défense, tout comme la Grande-Bretagne et la France. D'autres alliés ont également fait des coupes dans leurs acquisitions d'équipement de défense pour l'avenir. Si tous les alliés commencent à couper dans leurs capacités et à essayer de conserver une certaine forme de forces polyvalentes, l'alliance aura plus de difficultés à fonctionner sans la collaboration de ses membres. Nous devons tenir cette discussion et voir si certains alliés désirent s'engager fermement à conclure ce genre d'arrangements avec le Canada.

  (1120)  

    Estimez-vous que si les partenaires ne voulaient pas tous collaborer, la situation serait certes problématique, mais que cela ne serait pas pire que si nous nous trouvions dans l'incapacité d'effectuer toutes les actions expéditionnaires générales que nous jugerions nécessaires?
    Tout à fait. Pour être honnête, les Forces canadiennes ont été déployées à Kandahar dotées d'une capacité qui ne correspondait pas à ce qu'on attendait d'eux. Lorsque nous avons demandé plus d'aide, il a fallu plusieurs années avant de l'obtenir.
    La conclusion d'accords avec d'autres partenaires et l'obligation de déployer nos forces avec d'autres peuvent constituer un bon moyen de prévenir ce genre de situation. Nous savons alors que d'autres alliés ont à coeur de mener à bien cette opération. Si les autres n'embarquent pas, il faut alors se demander s'il convient ou non de déployer des forces pour cette mission. Si nous ne pouvons pas amener nos alliés à collaborer avec nous pour ce genre d'opérations ou à déployer des troupes à certains endroits, il faut se demander si le Canada a la capacité de le faire tout seul. Il faut vraiment se poser cette question.
    Votre intervention était vraiment bonne, merci.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Strahl.
    Merci beaucoup, monsieur le président, merci également au témoin pour son exposé.
    Nous avons une nouvelle Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale. Nous avons besoin d'un nouvel avion de chasse. Et nous avons besoin d'une armée, également. Souvent, les gens qui réagissent le plus fortement à une nouvelle acquisition parce qu'ils ne croient pas que nous devrions dépenser cet argent pour de l'équipement sont les mêmes qui disent que nous devons protéger la souveraineté du Canada à tout prix. Les deux positions, à mon sens, s'excluent mutuellement. Ces gens disent d'une part qu'ils ne veulent pas dépenser d'argent, disons, pour acheter 65 nouveaux F-35, mais d'autre part, ils estiment que les Américains ne doivent en aucun cas avoir la souveraineté sur notre espace aérien ni patrouiller notre côte.
    Comment concilier ces deux positions si nous voulons avoir des capacités de forces de créneau? Parlez-vous seulement des forces expéditionnaires? Conserverions-nous notre capacité de patrouiller notre propre territoire, ainsi que les mers et l'espace aérien qui nous appartiennent? Parlons-nous de réduire notre capacité au point où nous devrons nous fier à nos alliés pour effectuer ce travail fondamental?

  (1125)  

    Je veux être très clair: je parle précisément de capacités expéditionnaires. Ainsi, les FC conservent leur capacité fondamentale d'exécuter leurs fonctions au niveau national et d'intervenir avec la collaboration des États-Unis, pour les opérations continentales.
    Il convient de faire une mise au point importante ici. Quel est donc l'équipement militaire qui tend à réellement faire augmenter les coûts et à les rendre très prohibitifs? Ce sont surtout les systèmes d'armement spécifiques et les technologies requises pour maintenir un certain niveau de capacité de combat et d'interopérabilité avec les principaux alliés.
    Prenons les besoins en défense côtière. Si nous examinons les besoins réels en défense côtière par rapport aux types d'équipement et de capacités dont nous dotons les navires de guerre affectés aux opérations expéditionnaires, les coûts sont vraiment très différents. Comparons par exemple l'équipement placé sur le patrouilleur océanique de l'Arctique pour les opérations nationales et ce que nous entendons ou espérons trouver sur un navire de guerre, et nous y verrons des capacités et des types d'équipement vraiment très différents.
    Naturellement, le navire de guerre sera plus cher que l'autre, simplement à cause des capacités qu'il doit posséder, disons, pour participer à un groupe aéronaval dans le golfe Persique et nous permettre de faire notre part, défendre la flotte, etc. Le patrouilleur, pour sa part, sera doté de capacités bien différentes. De la même manière, il pourrait y avoir des économies considérables à réaliser si nous examinons les types de capacités dont nous devrions doter notre force aérienne pour nous acquitter des obligations qui nous incombent dans le cadre de NORAD par rapport à la capacité de notre flotte de participer à des missions offensives outre-mer avec nos alliés.
    Je ne crois pas que les choses soient aussi tranchées que cela. Il y a un juste milieu. Nous pouvons acheter de l'équipement plus adapté à nos besoins nationaux et continentaux qui coûte moins cher que ce que nous pourrions être obligés d'acheter pour des missions expéditionnaires.
    Si nous acceptons ce principe de base, il faut maintenant chercher les secteurs où nous pouvons faire des économies. Devons-nous nous doter de toutes les capacités expéditionnaires? Avons-nous besoin d'une marine qui soit capable d'intervenir dans un groupe aéronaval engagé dans des opérations offensives? Avons-nous aussi besoin d'une force aérienne dotée de capacités semblables? En plus, avons-nous besoin d'une armée qui peut faire cela? Peut-être que oui, si nous voulons conserver une souplesse maximale. Alors, nous devons maintenant nous demander si nous voulons payer pour tout cela. Lorsque j'examine les prévisions budgétaires actuelles, il me semble que ce n'est pas le cas.
    Globalement, alors, on finit par couper dans l'effectif et par réduire la capacité globale des forces d'agir. Voilà le sujet de préoccupation que nous avons.
    La semaine dernière, M. Steven Staples de l'Institut Rideau a témoigné devant nous. Il préconisait des réductions budgétaires de l'ordre de 30 à 40 p. 100. Que recommanderiez-vous en termes de compressions budgétaires? Pensez-vous qu'avec ces réductions que vous proposeriez les Forces canadiennes pourraient continuer de mener simultanément les six missions principales de la stratégie de défense Le Canada d'abord, comme elles l'ont fait au cours des quelques dernières années?
    Tout d'abord, permettez-moi de dire que je ne préconise aucune compression, bien au contraire. J'ai dit que même si le budget n'est pas réduit, il nous faudra faire ces choix. C'est là la difficulté à laquelle nous sommes confrontés.
    Si nous appliquons la formule de financement que comporte la stratégie, qui ne tient pas compte de l'inflation propre au matériel militaire... Déjà, lorsque la stratégie a été annoncée, il est rapidement devenu très clair que les Forces canadiennes n'auraient pas les moyens d'acheter le matériel qu'elles souhaitaient. Elles doivent donc se concentrer sur des capacités spécialisées en raison du budget dont elles disposent actuellement.
    Je ne préconise pas des compressions dans le but de se concentrer sur des capacités spécialisées. Ce que je dis, c'est qu'étant donné les prévisions budgétaires établies pour la Défense nationale et les Forces canadiennes pour les 20 prochaines années, il y aura forcément une réduction de la capacité, qu'on se concentre ou non sur des capacités spécialisées, tout simplement parce que nous n'aurons pas les moyens de renouveler toutes les escadres en vertu du modèle actuel de financement.
    Il semble déjà que ces six missions principales, étant donné l'enveloppe budgétaire actuelle, ne pourront pas être toutes maintenues. C'est ce qui me préoccupe.
    Au cours d'une séance précédente, nous avons reçu le recteur du Collège militaire royal, qui, si ma mémoire est bonne, a souligné que les personnes qui se penchent sur les questions touchant la défense ont de la difficulté à prévoir l'avenir. Mais il a dit croire que le Canada conservera ses forces terrestres, navales et aériennes, qui devront, non pas abandonner les opérations expéditionnaires, mais plutôt choisir celles qu'elles pourront accomplir avec le matériel dont elles disposent. Êtes-vous également d'avis que, dans l'avenir, les Forces canadiennes continueront de prendre part à des opérations expéditionnaires avec nos alliés, mais dans une mesure moindre qu'à l'heure actuelle?

  (1130)  

    Je suis d'accord avec le recteur, M. Sokolsky. Je suis convaincu que les Forces canadiennes conserveront une certaine capacité au sein des forces terrestres, navales et aériennes.
    Il reste à savoir si chacune de ces composantes disposera de la même capacité expéditionnaire qu'à l'heure actuelle. C'est ce qu'il faudra décider. Acceptons-nous une réduction de cette capacité dans toutes les composantes pour pouvoir conserver les programmes actuels ou devrions-nous accroître la capacité de l'une d'entre elles — qu'il s'agisse de la force terrestre, de la force navale ou de la force aérienne — pour pouvoir mener des opérations à l'étranger avec nos alliés et, par conséquent, investir les sommes nécessaires pour maintenir au plus haut niveau cette capacité expéditionnaire en particulier? C'est le choix qu'il faudrait faire à mon avis. Le Canada peut apporter une contribution très importante aux futures opérations alliées, mais pour qu'il puisse maintenir la plus grande capacité possible, il devrait déterminer dans quel domaine il peut se spécialiser et être le plus efficace.
    Merci.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur McKay, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Lagassé, pour cet exposé mûrement réfléchi. Comme M. Christopherson l'a souligné, il nous est très utile.
    Je comprends le principal point que vous voulez faire valoir, c'est-à-dire qu'il faudra faire un choix maintenant ou plus tard, mais, quoi qu'il en soit, il faudra choisir entre une capacité générale ou spécialisée; c'est la réalité.
    On pourrait faire valoir que cette décision a déjà été prise en douce — qu'au cours des cinq à dix dernières années, ce choix a été fait — et que nous n'avons déjà plus la même capacité qu'auparavant.
    Nous sommes en train d'avoir une petite discussion sur deux des acquisitions qui font les manchettes ces jours-ci, à savoir les F-35 et les sous-marins. Si je me fie aux déclarations du premier ministre et des ministres concernés — ce qui est toujours dangereux —, je pourrais croire qu'il est certain que le coût d'acquisition des F-35 ne dépassera pas les 9 milliards de dollars, mais en même temps, les Forces canadiennes affirment qu'il leur faut 65 appareils. C'est incohérent. Le gouvernement fait valoir qu'au moment de l'achat, le coût des appareils aura baissé à un point tel qu'il pourra se permettre d'en acquérir 65.
    Il me semble que nous sommes en train d'avoir une petite conversation sur votre point de vue général, c'est-à-dire que les Forces canadiennes devront déterminer ce qu'elles sont en mesure d'accomplir et quelles en sont les raisons. Le principal élément qui semble alimenter cette conversation est la capacité de furtivité. Les représentants de l'Institut Rideau ont souligné que le Canada n'a jamais été sur la ligne de front d'une attaque; ce sont habituellement d'autres pays qui le sont. On peut le constater en examinant différents conflits. À mon avis, il s'agit dans une certaine mesure d'une étude de cas qui se rapporte aux questions que vous soulevez.
    De même, en ce qui concerne les sous-marins, on prétend que nous en avons besoin à cause notamment de notre long littoral, mais, d'après les échanges que j'ai entendus, il semble qu'en ce qui a trait aux sous-marins, nous devons nous contenter de ceux que nous avons. Nous devrons les réparer, peu importe s'ils présentent un risque d'incendie ou de collisions occasionnelles avec un rocher.
    J'aimerais savoir si vous pouvez vous exprimer au sujet de ces deux questions précises dans l'optique du tarif de 35 000 $, car dans une certaine mesure ce sont des études de cas concernant les décisions que le gouvernement devra prendre.
    Je crois que les F-35 constituent un bon exemple. Il est clair que les forces aériennes ont besoin d'un certain nombre d'appareils, et, comme vous l'avez dit, le gouvernement laisse entendre que les sommes qui seront consacrées à l'acquisition de la prochaine génération d'appareils sont fixes. Je crois qu'il faut nuancer cela un peu.
    Jusqu'à maintenant, ce qu'on nous a dit, c'est qu'en 2020 les Forces canadiennes cesseront d'utiliser les CF-18. Ce n'est pas tout à fait vrai. Il se pourrait qu'avec ces 9 milliards de dollars, on puisse acheter, disons, 50 ou 40 F-35, et que le gouvernement, pour rétablir la capacité qu'il se trouve à perdre, doive maintenir les CF-18 en service plus longtemps. Il ne faut pas se faire d'illusions. Les forces aériennes auront le nombre d'appareils dont elles ont besoin pour effectuer toutes sortes de missions. Il reste à savoir si elles utiliseront uniquement des F-35 ou si le gouvernement sera forcé de maintenir en service certains CF-18 pour que nous puissions mener diverses autres opérations.
    Il s'agirait là d'une solution à court terme tout simplement parce que le coût du maintien en service des CF-18 à long terme sera extrêmement prohibitif. Ce que pensent les forces aériennes, je crois, c'est que nous pouvons attendre que de nouveaux fonds soient enfin alloués pour remplacer les CF-18 que le Canada aura conservés. Donc, nous prévoyons peut-être dépenser 9 milliards de dollars pour l'achat de F-35 au cours de la prochaine décennie, mais il reste à déterminer combien nous en achèterons au cours des deux ou trois décennies suivantes pour remplacer tous les CF-18.
    Cela revient au point que vous avez fait valoir. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec les représentants de l'Institut Rideau, qui ont affirmé que nous n'avons jamais été sur la ligne front, car nous avons été en Libye, qui est un bon exemple, et au Kosovo, qui en est un autre. Si on estime qu'il est important que le Canada dispose de chasseurs pour pouvoir être sur la ligne de front aux côtés des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France, il faut alors permettre cette capacité et la maintenir. En fin de compte, c'est une question de politique. Est-ce que cette capacité constitue un pilier de la politique du Canada en matière de défense? Sommes-nous absolument convaincus que les Forces canadiennes doivent détenir cette capacité?
    Il n'y a pas vraiment de réponse objective à ces questions. Il faut se demander quelles devraient être les priorités des Forces canadiennes dans l'avenir. J'espère que c'est exactement sur ce genre de choses que le gouvernement et d'autres se pencheront. Ils doivent se demander ce que nous pouvons nous permettre et ce que nous voulons être en mesure de faire. Si on estime que ce n'est pas un rôle que doivent absolument jouer les Forces canadiennes au cours des 50 prochaines années, alors il faudrait choisir un autre appareil ou un appareil moins performant.

  (1135)  

    J'ai légèrement déformé les propos des représentants de l'Institut Rideau. En fait, je crois qu'ils parlaient de la capacité d'intervenir en premier, car nous n'avons généralement pas été les premiers à intervenir. La Libye en est un exemple. Dans ce cas-là, nous avons plutôt utilisé des missiles. Je comprends ce que vous voulez dire.
    Il faut se demander si on estime qu'il faut détenir cette capacité et, le cas échéant, si on est prêt à consacrer les sommes nécessaires à l'établissement de cette capacité.
    Il en va de même pour les sous-marins. Le problème dans ce cas-là c'est que, pour partager des renseignements avec les pays de l'OTAN, nous devons avoir une capacité sous-marine. Cette capacité est nécessaire si nous voulons savoir quels sous-marins se trouvent dans nos eaux. Peu importe s'ils sont utilisés régulièrement ou non, le simple fait de détenir des sous-marins nous permet de savoir quels sous-marins se trouvent dans les eaux canadiennes. C'est ce qui motive au bout du compte le maintien de cette capacité, mais, comme je l'ai dit, je crains que le point de vue de la marine soit simplement celui que vous avez énoncé, c'est-à-dire que son objectif est de maintenir cette capacité jusqu'à ce qu'elle obtienne à un moment donné de nouveaux fonds, ce qui ne se produira pas bientôt. Je comprends bien ce point de vue.
    À cet égard, des décisions sont prises en douce.
    Votre temps est écoulé, mais je vais vous laisser poser une très brève question.
    Vous êtes très généreux, monsieur le président, et je vous en remercie.
    J'ai une question rapide au sujet du cyberespace. Durant notre petite visite, je me suis rendu compte que... Notre réflexion semble si peu approfondie que je me dis qu'il se fait quelque part une réflexion plus rigoureuse, mais qu'on nous ne le dit pas, ou bien que nous accusons beaucoup de retard à cet égard. Cela nous fait penser à une situation où les Chinois auraient volé des renseignements confidentiels chez Nortel pendant une dizaine d'années ou ils auraient infiltré Lockheed Martin et ils auraient eu un rôle à jouer dans les retards dans l'élaboration du F-35.
    J'aimerais connaître vos idées là-dessus.

  (1140)  

    Je crois que le cyberespace est un exemple parfait d'un domaine où on peut appliquer le concept de la mise en commun des capacités, qui découle du principe de la défense intelligente. Il ne s'agit pas simplement de coopérer avec les alliés, mais aussi d'envisager sérieusement l'établissement de partenariats publics-privés dans les domaines de la défense et de la sécurité nationales, car aucun gouvernement, aucun pays, ne peut s'attaquer seul à ce problème. Il s'agit assurément d'un domaine où une approche multilatérale s'impose, dans l'optique de la défense intelligente. Il faut travailler avec les États-Unis, la Grande-Bretagne et d'autres alliés. Mais ce qui est tout aussi important, c'est de travailler avec le secteur privé.
    Merci.
    Monsieur Norlock.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je remercie aussi le témoin.
    Nous examinons la disponibilité opérationnelle. Nous discutons de la prévisibilité et de l'imprévisibilité. J'aimerais parler de l'imprévisibilité. Si vous pensez à notre capacité de prédire des événements comme le printemps arabe, le conflit en Libye ou des catastrophes comme le tremblement de terre en Haïti, dans quelle mesure pensez-vous qu'il est important de planifier stratégiquement pour l'avenir, quand vient le temps d'acquérir de nouvelles capacités modernes, de se préparer pour intervenir lors de situations d'urgence, etc.?
    Comme vous l'avez dit, on souhaite que les Forces canadiennes soient prêtes en tout temps à faire face à toute éventualité. Elles nous ont dit qu'elles l'étaient. Mais cela nous force à admettre que nous devons par conséquent maintenir des infrastructures plutôt coûteuses, malgré l'avenir qui demeure imprévisible.
    Vous avez parlé des F-35 et des F-18 entre autres. Je vais faire un commentaire qui n'est pas tout à fait lié à ce sujet. J'ai déjà oeuvré au sein d'une organisation paramilitaire, dont 90 p. 100 du budget était consacré à la rémunération et aux avantages sociaux. Vous nous avez dit que, d'après le général Leslie, pour les Forces canadiennes il s'agit de 60 p. 100, et nous avons entendu dire qu'il est possible que ce soit 50 p. 100, alors disons que le pourcentage se situe quelque part entre les deux. Les coûts sont élevés. Le matériel dont les Forces canadiennes ont besoin ne se compare pas à celui utilisé par les services de police ou d'incendie.
    Pouvez-vous nous parler de la prévisibilité, de la disponibilité opérationnelle et des attentes des Canadiens dans un monde qui devient de plus en plus petit, où tout ce qui se passe ailleurs a une incidence sur nous, qu'il s'agisse de la faillite d'une banque, d'un très petit pays ou d'une petite économie. Ce genre de choses a des répercussions partout. Comment cette réalité affecte-t-elle les forces armées et la disponibilité opérationnelle?
    La meilleure façon de décrire ce que représentent les forces armées, c'est d'évoquer la police d'assurance. En fin de compte, on choisit d'évaluer le risque futur. Comme vous le dites, c'est très imprévisible. On peut avoir une idée générale des types de dangers qu'on court et de ce qu'on veut être en mesure de faire, mais il n'existe aucun moyen de prédire exactement ce qu'il faut faire. J'aborderais avec prudence toute analyse de l'avenir et toute prédiction de ce que sera le monde. En règle générale, nous nous trompons et nous devons alors nous adapter à des circonstances qui sont tout autres.
    Je crois cependant qu'il est possible de prendre des décisions fondamentales. J'ai une anecdote pour illustrer cela. Comme vous le savez probablement, de toutes les options d'assurance habitation qui existent, l'assurance contre les tremblements de terre est l'une des plus coûteuses. Vous pourriez opter pour une telle assurance et en payer le coût, mais vous n'en avez vraisemblablement pas besoin. Vous faites donc le calcul en fonction des besoins que vous pensez avoir et de vos moyens. Si vous redoutez beaucoup les risques, vous allez payer le prix qu'il faut et vous vous sentirez protégé dans la mesure de vos capacités.
    C'est très semblable aux moyens que vous consacrez à vos forces armées. En principe, on peut dire qu'on ne sait jamais qui voudra lancer une attaque nucléaire contre le Canada. Faut-il alors se doter d'un dispositif de dissuasion nucléaire? Nous avons fait le calcul, compte tenu de nos alliés et du parapluie nucléaire qui nous protège, et nous arrivons à la conclusion que ce n'est pas nécessaire.
    Nous pourrions en arriver à la même conclusion au sujet d'autres moyens de protection. Tout dépend de l'actuel environnement de sécurité international et de nos priorités fondamentales: la défense du Canada et celle de l'Amérique du Nord.
    Il est certain que nous sommes touchés par les événements qui se produisent outre-mer, mais nous devons aussi envisager avec réalisme la mesure dans laquelle nous pouvons influer sur ces événements, par comparaison avec nos importants alliés. Si ceux-ci nous disent que nous leur serions beaucoup plus utiles à faire X, Y ou Z, alors pourquoi insistons-nous pour consacrer des moyens à A, B et C, à l'étranger? C'est de cela qu'il est question, quand vous discutez avec vos alliés de ce que vous pouvez faire pour eux, de façon globale, plutôt que de tenir pour acquis que le monde est un endroit dangereux et qu'il faut pouvoir tout faire.
    Pour un pays comme le Canada, c'est véritablement excessif et plutôt contraire au principe du risque calculé et de l'évaluation de la façon de faire du Canada à l'échelle internationale, notamment, avec ses alliés — des alliés de taille qui sont en mesure d'influer bien plus que nous sur les événements.

  (1145)  

    Merci.
    Les Forces armées canadiennes sont composées de trois forces. Dites-vous que nous devons nous concentrer sur les activités de la marine afin d'y exceller, étant donné que nous avons probablement les plus longues côtes de la terre? Devrions-nous axer nos efforts sur nos moyens aériens parce que notre masse terrestre est l'une des plus vastes au monde? Cela m'a surpris, mais j'ai regardé la carte et, en effet, la distance qui sépare l'Île Pelée du Pôle Nord... Nous avons donc besoin d'une force aérienne. Puis des gens nous ont dit qu'il nous faut une armée parce qu'il faut des soldats en cas d'engagement, quel qu'il soit. Qu'est-ce que vous voulez dire?
    Dites-vous que nous devons nous concentrer sur une ou deux de nos trois grandes forces canadiennes, ou que nous devons avoir une force plus sélective et plus souple qui sera par conséquent capable de se déplacer rapidement et d'intervenir sans délai...
    Monsieur Norlock, vous avez nettement dépassé votre temps.
    Monsieur, nous vous saurions gré de répondre brièvement.
    Je serai bref. Ce que je préconise, c'est le maintien des moyens de base pour les missions au Canada et sur le continent. Puis, quand vient le temps de déterminer ce que vous voulez faire à l'étranger, aux côtés de vos partenaires, vous pouvez vous montrer bien plus sélectifs en ce qui concerne les moyens que vous y consacrez. Oui, vous avez besoin de la marine. Mais avez-vous besoin d'une marine capable de surveiller les côtes et de s'engager un jour dans une guerre maritime traditionnelle contre les Chinois, ou pouvez-vous affirmer avec certitude que nous n'avons pas besoin de tels moyens et qu'il faut simplement assurer la surveillance côtière? Il vous faut une force aérienne pour protéger l'espace aérien nord-américain, mais avez-vous aussi besoin d'une force aérienne capable de s'engager dans une campagne de bombardement de l'Iran? Vous pouvez aussi décider de cela. Il en va de même avec l'armée. Vous pouvez souhaiter une armée qui peut venir en aide aux autorités civiles du Canada, mais cette armée doit-elle aussi être en mesure de faire à l'ennemi une guerre motorisée? C'est aussi une décision que vous pouvez prendre.
    Vous pourriez estimer que certains de ces moyens sont absolument essentiels au Canada pour l'avenir, et que vous êtes prêts à en payer le prix, ou encore, que tout cela est important. Cependant, nos moyens nous obligent à conclure que nous ne pouvons tout faire. Vous pouvez dire que vous voulez vous engager dans toutes les missions et maintenir les moyens nécessaires, mais dans l'état actuel des choses, nous n'y consacrons pas tous les fonds qu'il faut.
    Je pose donc cette question: ne devrions-nous pas nous demander ce que nous voulons que les Forces canadiennes fassent dans l'avenir, à l'échelle internationale?
    Merci.
    Madame Moore.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Dans l'un des articles que vous avez écrit avec M. Dallaire, vous défendez l'idée de mettre en place un comité parlementaire qui aurait accès à de l'information classée secrète afin de permettre aux députés et aux parlementaires de mieux faire leur travail qui consiste, notamment, à pouvoir suivre la situation de la Défense nationale de façon plus précise. C'est pour responsabiliser le gouvernement. Par exemple, on n'a jamais eu accès à l'énoncé des besoins opérationnels des avions F-35, ni aux résultats complets de l'appel d'offres initial pour la recherche et le développement. La méthodologie n'a pas non plus été publiée.
     Si on veut faire une étude lorsqu'on parle de préparation opérationnelle, ce qui est assez complexe, croyez-vous qu'il serait préférable que le comité ait accès à l'information classifiée qui porte sur ces situations pour mieux les comprendre? Bien sûr, il faut que les membres aient été soumis aux enquêtes de sécurité et acceptent de ne pas divulguer l'information.

  (1150)  

    À mon avis, c'est le cas, étant donné que c'est exactement sur ce genre de questions que le comité devrait être en mesure d'avoir toutes les données nécessaires pour porter un jugement.
    Quand c'est le temps de discuter du genre de capacités futures des Forces canadiennes, il serait bien d'avoir accès aux analyses de risques et de menaces qui ont été élaborées par le gouvernement, par le pouvoir exécutif. Ensuite, sans avoir le droit de rendre ces faits publics, on serait au moins en mesure de poser des questions au gouvernement. On pourrait dire, par exemple, que ses propres analyses indiquent que les Forces canadiennes ne seront pas obligées de participer à l'avenir à une guerre navale dans le Pacifique. On pourrait donc demander pourquoi on dépenserait 40 milliards de dollars pour cette capacité. C'est une question qu'on pourrait poser.
    Il est certain que le fait d'avoir ces informations et d'être en mesure d'avoir des discussions à huis clos sur les menaces — des études ont été faites sur les menaces et les capacités dont ont besoin les Forces canadiennes — serait un atout pour les députés et les sénateurs.
    On est en train de faire une étude sur l'état de la préparation opérationnelle. Croyez-vous qu'on dispose à l'heure actuelle de toute l'information nécessaire pour être en mesure de bien faire cette étude ou nous manque-t-il certaines informations qui sont classées secrètes, ce qui fait que notre étude ne sera pas nécessairement complète?
    Encore une fois, je répond par l'affirmative. Il faut reconnaître que, par exemple, le rapport du général Leslie a été gardé secret pendant longtemps. C'est seulement grâce à quelques personnes au sein du ministère que le rapport a été rendu public.
    Il est certain que ce rapport nous donne une meilleure idée de la situation financière du ministère. Toutefois, on mène et on a sûrement déjà mené d'autres études et d'autres analyses sur les capacités et l'équipement. Le gouvernement se base sûrement sur ces études et ces analyses pour prendre ses décisions.
    À mon avis, il serait préférable que les députés aient également accès à ces informations pour être en mesure de porter un jugement par rapport aux Forces canadiennes et aux capacités dont ils auront besoin à l'avenir.
    J'ai une question sur les F-35.
    Ces avions sont davantage utiles dans le cadre d'une stratégie de défense intégrée avec des alliés. Quand on parle d'une perspective purement canadienne, cela n'apparaît pas être nécessairement le meilleur choix pour défendre la souveraineté de l'Arctique, notamment en raison de leur vitesse un peu moins grande.
    Si on parle exclusivement de défendre la souveraineté de l'Arctique — dont parle souvent le gouvernement lorsqu'il veut justifier le choix de ces avions —, n'est-il pas selon vous un peu étrange d'utiliser cet argument? En effet, on sait que la capacité la plus intéressante de cet avion est celle de bombarder des pays à l'étranger.
    On compromet, si on peut dire, le meilleur choix pour la défense et la souveraineté de l'Arctique en choisissant un avion qui a de meilleures capacités pour des missions à l'étranger. On favorise donc les interventions à l'étranger avant celles au Canada.
    Pouvez-vous faire un commentaire à ce sujet?
    En effet, si on lit l'énoncé des besoins opérationnels des Forces canadiennes, que le ministère a rendu public, il est très clair que le F-35 pourrait gagner un concours contre, par exemple, le F-18 E/F grâce à trois atouts.
    Il y a d'abord, la capacité de transmettre les données entre des avions de 5e génération.
    Il y a ensuite la survie des avions, c'est-à-dire le fait que l'avion soit furtif.
     Finalement, ce sont des questions d'interopérabilité.
    Il est très évident que ces trois caractéristiques, qui feraient en sorte que le F-35 serait l'avion nécessaire pour les Forces canadiennes, sont importantes uniquement pour des opérations outre-mer.
    Cela ne veut pas dire que ce choix soit illégitime. Il faut simplement dire que ce n'est pas du tout une question de la capacité nécessaire pour défendre l'espace aérien du Canada. C'est réellement pour entreprendre des missions à l'étranger avec des alliés. C'est évident, même selon l'analyse des besoins opérationnels qu'a faite le gouvernement.

  (1155)  

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Chisu, c'est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Lagassé.
    J'aimerais parler de ce que vous avez dit au sujet de forces polyvalentes. Le Canada arrive au deuxième rang à l'échelle mondiale, pour ce qui est de sa superficie, et nous avons une population de 33, 34 millions de personnes. Nous partageons notre continent avec l'une des plus grandes puissances militaires du monde. Ceci étant dit, d'après vous, est-ce une bonne idée de maintenir des forces polyvalentes, ou envisagez-vous autre chose dans ce contexte?
    Je ne veux pas que nous abordions des choses comme le réseau d'alerte avancé, par exemple. Nous n'avons pas beaucoup contribué à l'établissement de la défense nord-américaine, mais s'il y avait eu une force polyvalente — pas nécessairement massive —, nous aurions pu aborder ces questions sous un autre angle et nous aurions pu, entre autres, éviter des désastres environnementaux.
    Vous parliez de collaboration internationale avec nos alliés. On estime très généralement que les autres alliés ne se sont pas empressés à intervenir en Afghanistan, ce qui est faux, à mon avis, car nous nous sommes retirés de l'Afghanistan en 2003, et quand nous sommes revenus, nous n'avions que la province de Kandahar. Les autres forces, comme celles de l'Italie ou de l'Allemagne, avaient déployé 4 000 militaires dans diverses zones d'opérations. Question de coopération, nous avons tous les nouveaux membres de l'OTAN, comme la Roumanie, la Hongrie et la Pologne, et je ne crois pas que nous ayons coopéré selon nos différences par rapport aux autres nations. Le Royaume-Uni a recouru aux Estoniens et a travaillé avec les Polonais, et tous les autres alliés ont cherché à miser sur ces nouveaux membres de l'OTAN comme moyen de multiplier la force.
    Nous avons donc initialement déployé 2 500 militaires dans la province de Kandahar. Nous n'avons pas suffi à la tâche, et c'était le berceau des talibans.
    Vous vous rappellerez qu'en 2010, nous avons cédé le commandement de la province de Kandahar à l'armée américaine et nous avons conservé le commandement de deux districts, ceux de Panjwai et de Zhari. Nous avons alors été en mesure d'y apporter de grands changements; nous avons aussi perdu moins de militaires qu'à l'époque où nous devions couvrir la province de Kandahar en entier. Si vous vous retirez d'une région, les forces s'y réinstallent.
    En ce qui concerne la première question, je ne doute pas un seul instant de la nécessité de préserver les moyens nécessaires pour protéger les eaux canadiennes, l'espace aérien canadien et le territoire canadien. Compte tenu des menaces actuelles, qui sont plutôt faibles — du moins les menaces traditionnelles —, la question est donc de savoir s'il nous faut aussi être en mesure de faire la guerre au niveau supérieur à l'échelle internationale, et ce, avec nos trois forces. C'est ce qui m'intéresse. Le Canada a-t-il les moyens, ou la volonté, de posséder des capacités de combat au plus haut niveau au sein de ses trois forces, et est-ce dans son intérêt?
    Même si nous répondons par l'affirmative, ce que les chiffres me disent, c'est qu'en pratique, nous n'en avons pas la volonté. Je crois donc qu'il est temps de faire des choix.
    Pour ce qui est de la collaboration avec les alliés, je suis d'accord avec vous. La plupart des alliés de l'OTAN étaient sur le théâtre des opérations. Ce qui pose problème, c'est le nombre de restrictions liées à l'utilisation de leurs forces. D'autres pays ont bien sûr réussi à tirer partie de certains petits pays, mais nous avons essayé sans grand succès de convaincre certains des autres alliés de renoncer aux restrictions qui étaient liées à l'utilisation de leurs forces, ce qui leur aurait permis de nous apporter une plus grande aide.
    Je vois aussi ce que vous voulez dire à propos de l'apport important que nous avons obtenu d'un autre pays à compter de 2010, et qui a nettement changé la dynamique pour les forces canadiennes. Vous avez raison. Mais il faut alors se demander ceci: le Canada n'aurait-il pas dû dès le début aborder le problème de cette façon? Je m'inquiète de ce que, parfois, notre enthousiasme à faire le bien et à nous lancer dans de très grandes missions nous amène à surestimer les capacités de nos forces armées et à trop leur en demander. C'est admirable, en effet, et les Forces canadiennes sont toujours prêtes à se dire capables, mais nous devons parfois jeter un regard un peu plus critique sur les moyens qu'elles ont pour faire ce que nous leur demandons.

  (1200)  

    Merci.
    Puis-je poser une autre question?
    Non. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Brahmi.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser une question au professeur Lagassé sur le rôle du Canada au sein de l'OTAN.
     La dernière fois qu'on a eu besoin de l'unité de l'OTAN, environ la moitié des pays, soit 13 sur 28, ont refusé d'intervenir. C'était dans le cas de l'intervention en Libye. Or, parmi ces 13 pays, deux des plus grands ont une population de 80 millions d'habitants. Il s'agit de l'Allemagne et de la Turquie.
    J'aimerais que vous me fassiez part de vos commentaires sur la viabilité de l'OTAN et sur la façon dont devrait se comporter le Canada à l'avenir dans ce cadre d'interventions.
    D'abord, il faut reconnaître que l'OTAN est une alliance militaire mais, plus important encore, c'est une alliance politique. Certains pays veulent devenir membres, mais ne veulent pas nécessairement participer à toutes les missions militaires que l'alliance entreprend. On reconnaît ce fait. C'est la réalité. L'OTAN fonctionne notamment selon un consensus. La question à se poser est si les pays qui n'ont pas voulu participer à cette mission ont mis des bâtons dans les roues de l'alliance lors de l'opération en Libye. Or la réponse est non. Même s'ils n'ont pas tous contribué à la mission, ils n'ont pas empêché l'alliance d'agir. Le Canada doit toujours reconnaître cette réalité. Auparavant, c'était souvent nous qui ne participions pas au maximum. Même en Afghanistan aujourd'hui, certains membres de l'alliance se demandent pourquoi nous avons retiré nos effectifs militaires de Kandahar et pourquoi nous avons décidé d'aller à Kaboul.
    Il est certain que les membres de cette alliance joueront toujours des rôles différents et voudront toujours reconnaître la réalité politique qui prévaut chez eux. Pour ce qui est de dire que l'alliance est brisée ou qu'elle ne peut pas fonctionner, je ne suis pas d'accord. À mon avis, l'alliance fonctionne encore. C'est une alliance politique, et il faut reconnaître cette dynamique. Les alliés principaux, c'est-à-dire les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, le Canada, les Pays-Bas et le Danemark, reconnaissent tout de même encore, à un certain niveau, l'importance de l'alliance et sa capacité d'agir. Selon moi, il faut aussi reconnaître que, même si nous nous tournions uniquement vers des opérations onusiennes, nous dépendrions encore des États-Unis et des autres alliés au chapitre du déploiement. L'idée voulant que nous rompions nos relations avec ces alliés pour entreprendre ensuite des missions indépendantes est impossible.
    Il ne s'agit pas du tout de rompre nos alliances. Vous avez touché le coeur du problème lors de votre présentation. Vous avez parlé du choix qu'on devait faire entre une armée qui se limite à des opérations à l'intérieur du pays et une armée qui a des prétentions en matière d'opérations expéditionnaires. Si on veut disposer de la capacité opérationnelle expéditionnaire requise, il faut nécessairement que cela se fasse dans le cadre de l'OTAN. Or, comment cela peut-il être viable si la majorité de nos alliés ne nous soutiennent pas ou nous soutiennent verbalement, mais ne le font pas en pratique quand il s'agit de mettre des ressources au service de l'alliance? C'est d'autant plus vrai quand deux des plus grands pays, soit la Turquie et l'Allemagne, ne le font pas.
    Il faut reconnaître que l'OTAN est une alliance de pays souverains. Nous préservons toujours notre souveraineté. C'est un enjeu très important pour ces pays. Cela n'empêche pas l'alliance de nous appuyer ou d'appuyer les pays qui choisissent d'intervenir ou d'entreprendre des opérations. Il est certain que tous les membres ne vont pas fournir les forces nécessaires dans le cadre d'une opération et, en tant que Canadiens, nous devons le reconnaître. Il se peut qu'à l'avenir nous décidions nous aussi de ne pas contribuer à ces missions, mais cela ne veut pas dire que l'alliance n'est pas importante ou que le Canada devrait remettre en question sa valeur. Cela constitue tout de même le fondement nécessaire pour entreprendre ces missions à l'étranger.
    Ce n'est pas parfait, je l'avoue, mais l'autre option consiste à dépendre uniquement des autres pays anglo-saxons. Voudrait-on vraiment se retrouver dans une situation où les alliances n'incluraient que la Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada? On a le choix de fonctionner avec 28 membres, en l'occurrence avec l'OTAN, ou avec quatre membres. Compte tenu de la dynamique canadienne, je crois pour ma part qu'il est préférable de demeurer au sein de l'OTAN plutôt que de se limiter à quatre alliés très précis.

  (1205)  

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Van Kesteren, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence, monsieur Lagassé.
    Je ne suis pas membre du comité, mais je trouve cette conversation fascinante. Vous avez parlé de coalitions, de l'OTAN en particulier, et de l'importance de l'intervention de ce groupe. Soyons honnêtes, cependant: l'OTAN, c'est en réalité les États-Unis. Ils ont 11 porte-avions de classe Nimitz et je ne sais trop combien de sous-marins. Je crois que les Britanniques ont deux porte-avions, et que les Français en ont peut-être aussi deux. Soyons honnêtes: c'est là que se trouve la vraie puissance de l'OTAN. C'est la puissance du monde occidental.
    Or, j'ai lu récemment, il y a quelques mois peut-être, que les Chinois ont acquis un des porte-avions que les Soviétiques se préparaient à construire et qu'ils sont à le radouber. D'après ce que j'ai compris, il leur reste à apprendre comment y poser des avions et tout le reste, mais les Chinois s'engagent dans cette voie. J'ai aussi lu dernièrement qu'ils travaillent à une station sous-marine. Nous n'en savons pas grand-chose, car ça ne se passe pas en surface.
    Dans l'histoire du monde, il y a toujours eu des alliances, et les nations puissantes ont toujours connu la chute après l'expansion. À votre avis, où en sont les États-Unis pour ce qui est de leur souveraineté en mer, dans les airs et sur la terre? Et où en est la Chine, par comparaison?
    Il ne fait aucun doute que, dans un avenir prévisible, et même au cours du siècle prochain, les États-Unis demeureront la puissance militaire dominante du monde. Ils ont des moyens qui dépassent nettement ceux de tout autre pays du monde. Les États-Unis forment une puissance militaire mondiale; il faut le reconnaître. La Chine est une puissance militaire régionale qui se raffermit. Il faut comprendre la différence.
    Les Chinois souhaitent augmenter les sommes qu'ils consacrent à leur défense, pour protéger et soutenir leurs intérêts en Asie-Pacifique. Ils n'ont ni les moyens, ni l'intention — semble-t-il — de devenir une puissance militaire mondiale d'une telle portée. Bien entendu, les États-Unis s'en préoccupent, comme de toute autre puissance concurrentielle, mais il faut bien préciser que la Chine représente pour les États-Unis une puissance concurrentielle en Asie-Pacifique, mais non à l'échelle mondiale. La Chine ne semble pas avoir l'intention d'aller plus loin. J'ai toujours la certitude que la Chine ne constitue pas une menace pour les États-Unis, dont la taille comme puissance militaire mondiale est impressionnante.
    La question est plutôt de savoir si les États-Unis devraient se préoccuper de la montée de la Chine comme puissance en Asie-Pacifique. Je me garderais d'essayer d'attribuer des intentions claires au gouvernement chinois en ce moment, à savoir pourquoi il se dote de telles forces et ce qu'il compte en faire. J'espère sincèrement que nous ne plantons pas de nouveau un décor semblable à celui qui a mené à la Première Guerre mondiale. À l'époque, la Grande-Bretagne n'avait pas pu répondre aux aspirations et aux intentions de l'Allemagne, ce qui s'est soldé par une vaste confrontation que nous aurions pu éviter si nous avions laissé aboutir les efforts de diplomatie et si nous avions été plus réceptifs aux demandes de l'autre puissance. J'espère franchement que nous pourrons éviter ce genre de confrontation grâce aux relations économiques et à la création de vastes liens diplomatiques.
    Dans toute la mesure possible, nous devons reconnaître qu'il est tout à fait légitime que la Chine développe ses forces dans cette région, compte tenu des menaces que constituent pour elle l'Inde et le Japon, entre autres. Il n'est pas question que des États-Unis et de la Chine. Il est aussi question de la Chine qui doit être consciente des réalités de sa propre région.

  (1210)  

    Si l'on avait posé cette question il y a 20 ans, au sujet des superpuissances — et vous n'auriez pas eu tort, ou auriez répondu sans toute l'information nécessaire —, je crois que l'Union soviétique aurait été le choix de la plupart des gens, mais nous avons découvert qu'ils étaient ruinés. Quel effet la dette gigantesque des États-Unis peut-elle produire sur ce plan? Les fonds qu'il faut pour soutenir une telle force sont tout simplement incroyables. Est-il possible que les États-Unis se trouvent en position de faiblesse à cause de son énorme dette? Est-ce un aspect auquel vous avez songé?
    Il ne fait aucun doute que les États-Unis sont affaiblis par leur déficit structurel, attribuable en grande partie à leurs dépenses militaires. Les États-Unis pourraient notamment se tirer de leur situation financière actuelle s'ils se penchaient sur leurs dépenses militaires.
    Cependant, je ne m'inquiète pas outre mesure pour eux, parce que même s'ils réduisaient leurs moyens militaires de 25 p. 100, les États-Unis demeureraient quand même la puissance militaire mondiale dominante. Il nous faut garder à l'esprit que, même si les États-Unis passent de 11 à 6 groupements tactiques, ils demeurent une puissance mondiale massive. Donc, quoi qu'il en soit, et peu importe les projections, les États-Unis demeureront une force militaire de taille, et la puissance militaire la plus importante du monde.
    Cependant, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il est temps pour ses alliés, comme le Canada et la Grande-Bretagne, de se pencher sérieusement sur les façons dont ils peuvent travailler avec les États-Unis pendant cette transition. C'est exactement le genre de discussion que nous aurons, je l'espère, parce que c'est nécessaire. Dans leur stratégie de défense, les États-Unis ont déjà affirmé savoir qu'ils doivent réduire leurs moyens. Si nous pouvons compenser ce que les États-Unis ne pourront faire, par exemple, dans l'Arctique ou ailleurs, nous devrions l'envisager.
    L’art de la guerre a changé. Avant, nous pulvérisions l’ennemi. Maintenant, nous le frappons avec précision.
    Pardonnez-moi, mais votre temps est écoulé.
    M. Labelle a quitté temporairement la salle, nous allons donc passer à vous, monsieur Williamson, jusqu’à ce qu’il revienne.
    Merci, monsieur le président.
    À l’instar de mon collègue, je ne suis pas un membre permanent du comité, mais je me réjouis d’être ici aujourd’hui, et j’ai trouvé vos réponses aux questions et votre exposé très informatifs.
    Il y a deux ans, à peine quelques jours après le séisme en Haïti, les Canadiens pouvaient voir à la télévision deux de nos navires de guerre quitter le port d’Halifax à destination d’Haïti, pendant que des C-17 atterrissaient déjà là-bas. Au même moment, des troupes canadiennes étaient stationnées en Afghanistan. Si l’on prend également en considération les missions de l’EICC, on constate que nous sommes en mesure d’accomplir pas mal de choses simultanément. Divers niveaux semblent accomplir diverses missions partout dans le monde.
    Cela contraste avec la situation dans laquelle nous étions il y a dix ans, lorsque nos troupes partaient pour l’Afghanistan sans même être dotées d’un matériel de camouflage approprié. Il s’agit peut-être d’une légende urbaine, mais on entend souvent cette histoire. De plus, il nous fallait compter sur nos alliés pour nous déplacer là-bas.
    Puisque le monde dans lequel nous évoluerons demain sera incertain — et le mot clé ici est « incertain » —, je serais curieux de connaître les choix que vous arrêteriez. À l’heure actuelle, nous nous efforçons de maintenir six missions de base. Est-ce possible? Où envisageriez-vous d’affecter des ressources, ou d’apporter des changements? J’aimerais obtenir des précisions sur la marche à suivre au cours des années à venir.
    Je n’ai pas d’autres questions à poser, alors vous pouvez employer tout le temps dont je dispose.
    Permettez-moi d’abord d’apporter un bémol à cette discussion, à savoir que, comme vous l’avez souligné, nous avons déjà pris certaines décisions et, par conséquent, nous sommes forcés de suivre une certaine voie. Nous avons déjà choisi de développer notre capacité de transport aérien. Compte tenu de cela, il reste à déterminer si nous devrions aussi investir dans un bâtiment de soutien interarmées qui nous fournirait une capacité de transport maritime. Il vaudrait peut-être mieux que nous accroissions notre capacité en matière de C-17 afin qu’elle atteigne six aéronefs opérationnels en tout temps précisément pour ces genres de missions, et que nous dépendions de nos alliés ou du secteur privé pour ce qui est de notre capacité de transport maritime. Voilà le genre de questions que nous pouvons poser sincèrement.
    De même, à long terme, l’armée canadienne a-t-elle vraiment besoin du genre de véhicules de tir d’appui direct qu’elle planifie en ce moment d’acheter ou qu’elle a déjà achetés. Comme vous vous en souvenez, en 2005, le général Hillier a remis cela en question et a cherché à créer des forces déployables plus légères. Je ne crois pas que cette question ait jamais été discutée complètement. Par conséquent, selon moi, nous devons discuter plus sérieusement du genre d’armée dont nous avons besoin et déterminer si elle doit être légère ou lourde.

  (1215)  

    Voulez-vous dire des chars d’assaut?
    Oui. Pardonnez-moi.
    Je ne dis pas que cette décision était bonne ou mauvaise, mais il est clair qu’il y a eu un débat au sein des FC à propos du genre de capacité dont nous avions besoin à l’époque. Par conséquent, nous pouvons poser la question suivante: quels genres d’opérations pensons-nous que l’armée canadienne entreprendra dans les années à venir? Exigeront-elles les forces plus mécanisées de niveau supérieur que nous développons en ce moment? Est-ce vraiment ce que nous pensons que l’armée réalisera dans les années à venir, ou pourrions-nous nous débrouiller avec une force plus légère qui participerait à des types d’opérations plus précis appartenant à l’extrémité inférieure de l’éventail des conflits?
    De même, en ce qui concerne la marine, avons-nous besoin de forces qui sont en mesure d’intéropérer avec les groupes aéronavals américains, ou devraient-elles pouvoir entreprendre d’autres types d’opérations mettant précisément l’accent sur une région particulière du monde, comme les Caraïbes ou l’Arctique? Est-ce le genre de forces qui rendraient service à nos alliés?
    Par exemple, l’année dernière lors de la conférence sur la défense et la sécurité tenue à Ottawa, le président du Centre for Strategic and International Studies de Washington, qui est un ancien sous-secrétaire de la Défense aux États-Unis, a fait valoir qu’il serait peut-être plus judicieux que la marine canadienne devienne une force arctique. Ainsi, les États-Unis n’auraient plus à se préoccuper de cette partie du monde.
    Voilà donc le genre de discussions qu’à mon avis, nous pouvons avoir, au lieu d’affirmer que nous avons exactement besoin des types de forces que nous possédons à l’heure actuelle. Je ne trouve pas cela très créatif. Cela ne tient pas vraiment compte des différents types de possibilités qui existent dans le monde.
    Je ne tiens pas à signaler des capacités précises dont nous pourrions nous passer ou non. Je ne suis pas un planificateur militaire, mais plutôt un analyste de politiques. En fin de compte, cela se résume à une question politique ayant trait à ce que le gouvernement souhaite que les forces accomplissent. Ensuite, permettons aux militaires de nous dire les capacités qu’ils requièrent pour être en mesure de s’acquitter de cette tâche.
    Me reste-t-il du temps?
    Vous pouvez poser une question très brève.
    Si vous regardez dans votre boule de cristal, quelles sont les grandes menaces qui, selon vous, pèseront sur nous au cours des dix prochaines années?
    Voulez-vous dire les menaces qui pèseront sur le Canada, en particulier?
    Oui.
    Je pense qu’on peut dire sans se tromper que la cybermenace représente un risque considérable. De même, toute perturbation des lignes de communication maritimes serait grandement préoccupante. Si jamais, les lignes de communication maritimes du détroit d’Hormuz, du golfe Persique ou du détroit de Malacca étaient interrompues, cela aurait un effet absolument dévastateur sur notre économie. Par conséquent, nous devons indiquer clairement nos intentions: souhaitons-nous maintenir notre capacité de défendre ces lignes de communication maritimes, ou souhaitons-nous assumer d’autres rôles qui permettraient à nos alliés d’investir des ressources supplémentaires dans cette tâche et les aider d’autres façons afin qu’ils puissent concentrer leurs efforts sur celle-ci? Voilà, à mon avis, la plus grande menace potentielle qui pèse sur le Canada.
    Merci.
    Monsieur Labelle.

[Français]

    Je vais céder mon droit de parole à M. Tarik Brahmi.
    Merci, monsieur le président et je remercie également mon collègue.
    Professeur Lagassé, vous avez parlé brièvement de la cybersécurité et des menaces que comportait le cyberespace. La cybersécurité touche deux aspects, soit le cyberespionnage et la cyberguerre.
    J'aimerais connaître votre opinion sur le rôle que devraient jouer les Forces canadiennes au cours des années à venir à l'égard de la cybersécurité, soit le contre-espionnage dans le cyberespace et la protection contre les cyberattaques.
    La question est de déterminer quels sont les points les plus vulnérables. À mon avis, il s'agit vraiment de l'infrastructure critique. Pour bien défendre l'infrastructure critique, nous devons nécessairement travailler de concert avec les États-Unis et nos alliés. Il faut préciser les endroits où nous sommes le plus vulnérables en matière d'infrastructure critique.
    Encore une fois, comme c'est partagé avec le secteur privé, il faut travailler avec ce dernier de façon sérieuse pour bien défendre ces infrastructures. Honnêtement, si l'un de nos adversaires a la capacité d'attaquer les installations et les capacités militaires de l'OTAN par des moyens cybernétiques, le Canada ne sera pas le premier visé. En effet, ce sera surtout les États-Unis, la Grande-Bretagne et d'autres pays. À mon avis, nous devrions avant tout nous préoccuper des menaces auxquelles nous faisons face, ici au Canada ou sur le continent, relativement à l'infrastructure servant à protéger les Canadiens.

  (1220)  

    Pensez-vous que nous devrions opter pour un système selon lequel les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale seraient totalement responsables de cet aspect ou plutôt nous orienter vers une responsabilisation plus répartie, comme aux États-Unis, par exemple, où plusieurs organismes — dont la NSA, qui a la responsabilité de recevoir et de comprendre l'information, et la CIA, qui a davantage la responsabilité d'agir —  en ont la responsabilité?
    Je ne crois pas qu'on devrait avoir une capacité offensive relativement à la cyberguerre. Il faut éliminer cela dès le départ. Cela dit, à mon avis, c'est nécessairement un enjeu qui demandera la coopération entre Sécurité publique Canada, Transports Canada, Industrie Canada et les Forces canadiennes.
    On pourrait regrouper toute cette capacité au sein du ministère de la Défense nationale, mais ce ne serait pas logique. Tous les ministères devraient au moins être en mesure de protéger leur réseau. Il faut être réaliste. Les militaires ne devraient pas protéger toutes les données de la ville d'Ottawa ou du pays. Cela doit être une approche globale. Tous les ministères doivent donc travailler ensemble. À mon avis, pour centraliser cette fonction, il serait pertinent d'avoir un conseiller du premier ministre en matière de cybersécurité au sein du Bureau du Conseil privé.
    Pensez-vous que la création d'une agence qui serait dédiée au domaine de la cybersécurité, ou qui chapeauterait tout ce domaine, serait une bonne idée? Serait-ce trop gros par rapport à l'ampleur des potentialités du Canada d'une façon générale?
    Je me méfie toujours de la création de nouvelles agences ou de nouveaux commandements. Il me semble d'abord préférable de créer un poste de conseiller au Bureau du Conseil privé. Si on découvre par la suite qu'on a besoin d'une nouvelle structure pour bien protéger les réseaux et mettre en place les politiques, on pourrait l'envisager, mais on devrait commencer avec une personne ou une équipe au Bureau du Conseil privé, qui coordonnerait et s'assurerait que les différents ministères font leur part. À mon avis, cela devrait être la première étape, plutôt que de tenter de créer une nouvelle agence avec tous les coûts et toute la bureaucratie qui viennent avec cela.
    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Alexander.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lagassé, vous avez présenté le concept de défense intelligente, qui fait l’objet de discussions encouragées par l’OTAN, et cela nous est très utile. Si j’ai bien compris, l’OTAN la définit comme la coopération entre alliés pour développer, acquérir et maintenir des capacités militaires en accord avec les enjeux sécuritaires actuels et le nouveau concept stratégique de l’OTAN, que nous étudierons plus tard.
    En ce moment, notre rapport porte sur la disponibilité opérationnelle, mais la défense intelligente peut être un important aspect de la disponibilité opérationnelle, en ce sens qu’elle encourage la collaboration entre alliés que nous recherchons depuis longtemps.
    Étant donné qu’en ce moment, 10 pays envisagent d’adopter les F-35 comme plateforme et que les États-Unis ont l’intention d’en faire l’épine dorsale de leur capacité de combat, les F-35 peuvent-ils être qualifiés de « défense intelligente »?
    Les F-35 peuvent faire partir d’une défense intelligente si un pays décide qu’ils représentent sa contribution à une initiative globale de l’OTAN. Le concept de défense intelligence sous-entend précisément que les pays ne devraient pas tous faire la même chose. Au contraire, chaque allié devrait investir dans une capacité différente afin que les alliés bénéficient de la capacité multilatérale globale nécessaire pour entreprendre diverses opérations. Si nous décidons de renoncer aux F-35 ou si nous constatons dans les années à venir que divers pays y renoncent, et que les États-Unis soutiennent que nous avons besoin de cette capacité, alors il serait peut-être logique que le Canada tente de se les procurer. Par contre, si le programme s’avère très coûteux et que les États-Unis ainsi que quelques autres pays le maintiennent, nous pourrions peut-être nous demander si c’est le meilleur endroit où investir les maigres ressources financières du Canada.
    La question est la suivante: les F-35 s’intègrent-ils bien dans une défense intelligente? Ils s’intègrent bien dans la mesure où l’alliance globale doit avoir une capacité de combat de cinquième génération pour pouvoir entreprendre des missions. Cela signifie-t-il que le Canada doit nécessairement en avoir? Il s’agit là d’une discussion politique plus vaste que nous devons avoir afin de déterminer les capacités générales que nous souhaitons que nos forces possèdent. D’un point de vue purement objectif, on peut demander si le Canada devrait être doté du meilleur matériel militaire qui soit. Nous nous entendons alors pour dire oui. Toutefois, dès qu’on commence à envisager les coûts d’opportunité et les contraintes budgétaires, on doit poser la question suivante: toute chose n’étant pas égale par ailleurs, les F-35 sont-ils le meilleur endroit où investir les fonds de la défense, comparativement à un projet de classe unique de bâtiment de combat ou de nouvelles capacités pour la force terrestre? C’est le genre de discussions que j’espère que nous pourrons avoir.

  (1225)  

[Français]

    Je suis absolument d'accord avec vous. Il faut faire des choix. Toutefois, on ne peut pas vraiment être complètement dépendants des alliés, qui n'ont peut-être pas adopté une doctrine qui permettrait qu'on abandonne certaines missions. Quels pays de l'OTAN pratiquent présentement la soi-disant doctrine de la défense intelligente et dans quelle mesure?
    On voit déjà que la Grande-Bretagne et la France commencent lentement à partager certaines ressources, surtout sur le plan naval. Ces pays reconnaissent qu'ils ne sont plus en mesure de se payer toutes les ressources souhaitées. De plus, les États-Unis ont déjà suggéré aux alliés d'y penser sérieusement.
    D'ailleurs, nous le faisons déjà à plusieurs égards. En fait, on invite déjà les alliés à s'entraîner sur le sol canadien, notamment dans les différentes bases canadiennes, surtout dans l'Ouest. On partage déjà nos installations.
     La question se pose quand on regarde nos ressources navales futures et qu'on commence à reconnaître qu'on n'a pas nécessairement les moyens nécessaires de se payer tous les navires qu'on aimerait avoir. On sait que d'autres alliés vont bâtir des navires et que nous pourrions jouer d'autres rôles.
    Cette discussion commence lentement, mais on voit déjà les racines de cette nouvelle doctrine qui se pointe déjà entre la Grande-Bretagne et la France et qui se retrouve déjà dans la doctrine des États-Unis. Il nous semble que ce soit maintenant le moment d'en parler.
    Cependant, ce n'est qu'un début.
    Selon vous, 1,3 p. 100 de notre produit national brut est-il suffisant pour protéger le Canada et pour garder un état de disposition de préparation adéquate, étant donné que l'OTAN recommande que les alliés y consacrent 2 p. 100 de leur PNB?
    C'est suffisant pour protéger le Canada, et uniquement le Canada. Pour entreprendre une mission outre-mer à grande échelle, ce n'est pas nécessairement le cas. La question se pose à cet égard. Cela dépend toujours de nos ambitions.
    Vous vous rappelez que la dernière attaque contre le continent nord-américain a été organisée en Afghanistan. Pouvons-nous vraiment protéger le continent sans avoir des capacités suffisantes?
    Cet argument est intéressant, étant donné que les États-Unis consacraient 4 p. 100 de leur PNB à la défense nationale. Pourtant, ils n'ont pas pu se protéger contre cette attaque.
    On ne peut donc pas faire un lien direct entre nos dépenses militaires et notre capacité à faire face à toutes les différentes menaces. Nos adversaires vont s'adapter à nos capacités militaires. Si on investit dans une capacité militaire particulière, l'adversaire va s'adapter à cela. Il faut toujours se méfier des chiffres lorsqu'on cherche une solution.
    Vous savez sans doute que la raison pour laquelle la moyenne de l'OTAN est de 2 p. 100, c'est parce que la Grèce et la Turquie dépensent énormément. Si on regarde les autres alliés qui ressemblent davantage au Canada, on constate que le Canada est dans la moyenne. C'est davantage une question de savoir si on a les capacités militaires nécessaires de nos ambitions et de nos besoins.
    Je me demande donc plutôt si on a l'équipement nécessaire pour les missions qu'on va entreprendre, au lieu de me demander si on dépense suffisamment. Il n'y a pas vraiment de montant fixe.

  (1230)  

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à notre troisième et dernière série de questions.
    Allez-y, madame Moore.

[Français]

    J'aimerais revenir au concept de défense intelligente.
    Vous dites que chaque pays devrait avoir des forces ou des outils un peu plus spécialisés pour être en mesure de contribuer d'une manière différente aux tâches communes.
    Étant donné notre position nordique, serait-il avantageux pour le Canada de vraiment se spécialiser dans les opérations en terrain hostile comme l'Arctique, d'avoir des véhicules, de l'équipement, des avions et des sous-marins qui seraient vraiment capables d'opérer dans des climats très froids et qui seraient adaptés à ces conditions? Cela pourrait-il constituer une contribution intéressante, à savoir que le Canada se spécialise davantage dans ce type de capacités?
     En effet, ce serait possible, mais c'est une discussion qu'on doit avoir avec nos alliés. On pourrait découvrir qu'ils pensent qu'il serait préférable que l'Arctique soit notre domaine et que nous protégions cette région pour eux. Si on travaille, par exemple, avec les Danois, les Américains et d'autres, ils pourraient nous dire qu'il est logique que le Canada se spécialise dans la protection et la surveillance de l'Arctique. Ce serait alors une possibilité pour les Forces canadiennes.
    D'autre part, si on découvre que la menace militaire ne mérite pas cet investissement et qu'il serait préférable d'investir dans la Garde côtière, cela changerait peut-être la dynamique et on pourrait investir ailleurs.
    Selon moi, cela demande nécessairement une discussion avec les alliés par rapport à ce que l'OTAN veut être en mesure de faire dans l'Arctique. Il s'agirait de savoir ce que le Canada aimerait être en mesure de faire pour sa défense dans l'Arctique. Il y aurait lieu de savoir également quelle agence gouvernementale serait la mieux placée pour contribuer à cette mission.
    Étant donné que le Canada, comme plusieurs autres pays, est en train de restructurer son budget de la défense et de se poser des questions majeures, n'y aurait-il pas lieu de rendre ces discussions urgentes, qu'il s'agisse de nous ou d'autres pays, avant de faire des achats importants qui ne s'intègrent pas dans un cadre de défense intelligente?
    Avant de dépenser de l'argent et d'être aux prises avec de l'équipement qui ne correspond pas à ce qu'il nous faut pour fonctionner dans le futur, on devrait demander, par exemple, au gouvernement de se réunir et de décider rapidement de la manière dont il entrevoit la défense à l'avenir.
    Vous avez entièrement raison. C'est ce qui me préoccupe. C'est le moment de discuter de défense intelligente. Comme vous dites, les achats commencent à peine. On n'a pas encore signé de contrats majeurs pour la flotte, ni pour les avions F-35. On songe à acheter d'autres équipements pour l'Armée de terre, mais on n'a pas encore commencé réellement à investir de l'argent. Il s'agit encore de programmes et non pas d'achats réels.
    Si on doit avoir ces discussions, c'est le moment de le faire. Comme vous le dites, il faut le faire avant de commencer à signer des contrats qui imposent des pénalités en cas d'annulation. C'est maintenant et au cours des prochaines années qu'il faut avoir ces discussions, soit pendant que nos alliés se parlent, pendant que l'OTAN discute de ce qu'elle aimerait faire exactement et que les États-Unis songent à réduire leur budget de la défense, tout comme la Grande-Bretagne et nos autres alliés.
    On se dit un pays multilatéral qui s'implique dans le monde. Alors, ne devrait-on pas avoir des discussions avec nos alliés et nos partenaires relativement à notre politique de la défense?
    Savez-vous si les autres pays sont dans la même situation? S'ils ne sont pas trop engagés financièrement en ce moment, ne serait-ce pas pour eux aussi le moment idéal d'avoir ces discussions?
     C'est exactement la raison pour laquelle le secrétaire général de l'OTAN nous dit que c'est urgent. Il reconnaît que les budgets de défense de l'OTAN vont diminuer. Il le sait. En tant que secrétaire général, cela le préoccupe. La capacité opérationnelle de l'OTAN dans les prochaines décennies dépendra de la volonté des États de coopérer.
    On sait que les budgets de la défense, surtout en Europe, vont très probablement diminuer; du moins les budgets d'achats seront affectés. On le voit déjà aux États-Unis. C'est donc le moment de tenter de trouver une façon de préserver la capacité opérationnelle de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord alors qu'on entre dans une période de compressions et d'austérité.

  (1235)  

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur McKay.
    Merci, monsieur le président.
    Vous serez heureux d’apprendre à quel point vous avez des dons divinatoires puisque, pendant que vous étiez assis ici, on a apparemment signalé un tremblement de terre à Vancouver ou au large de l’île de Vancouver — quelque part dans ce coin-là. Il est d’ailleurs intéressant de s’interroger sur la raison pour laquelle on s’assure contre les séismes.
    Avec l’aide du sénateur Dallaire, vous avez rédigé un article très éloquent à propos de la responsabilité de protéger, de la volonté d’intervenir et d’autres sujets de ce genre, et j’y songeais dans le contexte de cette approche liée aux interventions militaires intelligentes. Il me semble que, compte tenu de nos capacités expéditionnaires, notre réflexion en ce qui concerne non seulement le personnel, mais aussi l’approvisionnement, etc., doit être présentée dans le contexte de la responsabilité de protéger et d’intervenir, et d’autres enjeux de ce genre.
    Comme l’OTAN l’affirme, et je vous cite ici: « Comme le concept stratégique de l’OTAN de 2010 l’indique avec raison: ‘La meilleure façon de gérer un conflit, c’est d’éviter qu’il ne survienne.’ » Étant donné le caractère de plus en plus interdépendant de notre planète, c’est probablement très vrai.
    Par conséquent, si vous faites abstraction des observations que vous avez formulées jusqu’à maintenant, qui cadrent en grande partie avec le raisonnement militaire traditionnel, que diriez-vous de vos réflexions à propos de la composition du personnel, de la composition du matériel et, je dirais presque, de la composition culturelle et attitudinale?
    À mon sens, certains des membres du personnel supérieur, en particulier quelques-uns de ceux affectés aux missions de l’ONU, ne sont pas vraiment, disons, de bons guerriers. Et cela a des conséquences. Je pense que notre gouvernement n’a pas répondu à la demande d’intervention au Congo, sans doute pour des raisons qui n’étaient peut-être pas tellement bonnes.
    J’aimerais savoir ce que vous pensez à cet égard.
    La première chose que j’aimerais faire valoir, c’est que cette capacité ne se résume pas uniquement au matériel. Elle dépend aussi du personnel.
    En ce moment, nous peaufinons notre capacité de former nos alliés locaux, comme nous le faisons en Afghanistan. Lorsque nous parlons de prévenir des conflits à l’avenir, il semble clair que, pendant une période caractérisée par des compressions budgétaires et des complications, nous allons nous attendre de plus en plus à ce que nos alliés régionaux assument une grande part du travail, en ce qui a trait au maintien de la sécurité dans leur partie du monde.
    La mesure dans laquelle nous sommes en mesure de mobiliser ces alliés régionaux et de les aider à développer leur capacité d’intervention, afin que nous n’ayons pas à… Ils sont plus près de la situation que nous le sommes. Ils comprennent la dynamique du conflit beaucoup mieux que nous, et il est très important que nous ne perdions pas de vue ce fait. Parfois lorsque nous intervenons, nous ne connaissons nullement les gens avec lesquels nous collaborons, la façon dont la situation se présente et les structures du pouvoir qui sous-tendent les situations dans lesquelles nous nous immisçons.
    Par conséquent, la mesure dans laquelle nous sommes en mesure d’aider nos alliés régionaux partout dans le monde à développer leur capacité, comme nous le faisons, disons, en Jamaïque, juste récemment… Voilà un bon exemple du genre de forces ou de capacités spécialisées que nous pourrions sérieusement envisager de dépêcher auprès de nos partenaires régionaux afin de les aider à développer leurs propres capacités d’intervention dans leur région. Ainsi, nous ne serions pas toujours forcés de demander à l’OTAN de prendre en charge la mission en question.
    Voilà un aspect que nous avons vraiment tenté de faire ressortir dans l’article que le sénateur Dallaire et moi avons rédigé. La mesure dans laquelle nous sommes en mesure d’intervenir au début des conflits, au lieu de réagir après coup, avant que ceux-ci ne deviennent aussi violents qu’ils finissent par l’être habituellement, la mesure dans laquelle nous pouvons entraîner des partenaires régionaux qui sont en mesure d’intervenir, qui jouissent d’une légitimité régionale supérieure à la nôtre et dont les interventions sont beaucoup moins coûteuses que les nôtres, voilà des questions que nous devons sérieusement envisager.
    Ce qui est intéressant, c’est que, dans l’article, vous soutenez également qu’on devrait modifier la Loi sur la défense nationale de sorte que, si le gouvernement décide d’intervenir dans un conflit, il doive présenter au Parlement ses missions, ses objectifs, ses critères de succès et d’autres renseignements de ce genre. De plus, vous faites valoir que des députés — un groupe restreint de députés, je présume — devraient être assermentés au Conseil privé afin de pouvoir participer à la prise de décisions, étant donné que le concept de confidentialité est plutôt important dans ces cas-là.
    J’aimerais connaître vos points de vue à ce sujet.

  (1240)  

    Je crois fermement que nous devrions préserver le pouvoir qu’a la Couronne de déployer l’armée sans avoir nécessairement l’approbation de la Chambre des communes.
    Cela étant dit, il reste à déterminer le rôle que la Chambre des communes joue en débattant ces missions et en obligeant, au moins, le gouvernement à exposer ce qu’il a l’intention de faire et les sommes qu’il a l’intention de dépenser. Et, s’il a besoin de fonds supplémentaires, il devrait être en mesure de les obtenir auprès de la Chambre.
    Encore une fois, la raison pour laquelle je suis aussi catégorique à ce sujet, c’est qu’à mon sens, dans notre système, la responsabilisation est préservée lorsque les dirigeants sont complètement responsables des décisions qu’ils prennent et qu’ils ne sont pas en mesure d’utiliser la Chambre pour les blanchir, ce qu’à mon avis, le gouvernement actuel a fait à plusieurs reprises. Je trouve que cela obscure la responsabilisation à l’égard de la défense nationale.
    Cela étant dit, les députés devraient avoir l’occasion de débattre ces missions à la Chambre et de présenter des motions. Cela devrait être obligatoire. En outre, le gouvernement devrait également être forcé de tout divulguer à propos des coûts, des forces qu’il déploie et de l’objectif ultime qu’il anticipe.
    De même, en ce qui concerne votre deuxième question, un comité parlementaire devrait avoir la cote de sécurité nécessaire pour être en mesure d’étudier les secrets opérationnels. Ainsi, les députés auraient une meilleure idée de ce qui se déroule sur le terrain et sauraient si la mission est aussi fructueuse qu’on le leur dit.
    Merci.
    La dernière question de la journée est adressée à M. Alexandre
    Merci.
    Pour revenir à la question de la défense intelligente, les chiffres que j’ai indiquent que seulement cinq pays de l’alliance dépensent moins, en termes de pourcentage du PIB, dans le secteur de la défense que le Canada et nous sommes à égalité avec le Danemark et l’Allemagne; tous les autres pays alliés dépensent plus. C'est seulement en ce qui concerne le pourcentage du PIB.
    À une époque d’austérité budgétaire et de compressions importantes particulièrement aux États-unis et sûrement dans plusieurs pays européens; pensez-vous que pour demeurer prêt à relever les défis que nous avons cernés le Canada devrait augmenter, réduire ou maintenir au même niveau ses dépenses militaires?
    Je commencerai par faire la remarque suivante. L’une des raisons pour lesquelles le Canada a mieux résisté à la crise économique que les autres pays est parce que le gouvernement fédéral a réduit considérablement ses dépenses dans les années 1990. Suite à cette mesure, les dépenses militaires ont sensiblement diminué, ce qui a permis au gouvernement de réduire son ratio dette/budget global.
    Cette diminution du ratio n’a été possible qu’en raison des réductions notables des dépenses militaires. Il est facile de voir les sommes dépensées par d’autres pays dans le domaine militaire, mais il faut ensuite déterminer quel en a été l’effet sur leur situation budgétaire globale et aussi considérer, qu’à l’époque, ces pays n’avaient pas fait de compressions où il était nécessaire de le faire.
    La décision prise par le Canada dans les années 1990 pour mettre de l’ordre dans ses finances a été pour ainsi dire une bonne décision qui nous permet de pouvoir investir aujourd’hui dans le domaine militaire. Nous devons toujours mettre cela en contexte.
    De même, je dirais aussi qu’en dollars réels — qui permettent vraiment de mesurer notre capacité globale —, le Canada se place au sixième rang des pays de l’OTAN. Plus précisément, le pourcentage du PIB en tant que moyen de mesurer les dépenses évalue l’effort relatif de notre pays par rapport à celui d’autres pays alliés. Et la façon dont les forces sont utilisées est également un bon moyen de mesurer l’effort relatif. À cet égard et comparativement à beaucoup d’autres membres de l’alliance qui ont dépensé un pourcentage plus élevé de leur PIB, le Canada a été un modèle exemplaire.
    La question qui se pose est la suivante: le Canada devrait-il dépenser plus? La réponse est oui si le pays estime qu’il le faut pour atteindre ses objectifs et respecter ses exigences en matière de sécurité. Il n'est pas nécessaire de permettre que de telles décisions soient prises en s’appuyant sur un chiffre qui doit être mis dans un contexte plus large.
    J’hésiterai à dire que nous devrions dépenser un certain pourcentage du PIB, je pencherai plutôt pour une analyse plus approfondie sur la façon dont nous utilisons les forces et sur les raisons pour lesquelles nous dépensons ce que nous dépensons.
    Êtes-vous indécis?
    Non. Il s’agit, à mon sens, d’une question de politique. Si le gouvernement choisit de mener une politique de défense plus ambitieuse…
    Je vous demande votre avis. C'est pour donner votre avis que vous témoignez ici.
    Mon avis est que le niveau actuel des dépenses est suffisant à condition que nous étudions sérieusement le concept de la défense intelligente et que nous travaillions avec nos alliés. Je ne crois pas… Comme certains d’entre vous ici présents le savent, nos dépenses militaires ne seront pas beaucoup plus élevées au cours des prochaines années. En fait, le budget du ministère pourrait être réduit. Je crois comprendre qu’il serait dans l’intérêt du Canada de le faire pour veiller au bon ordre des finances publiques.
    Donc, sachant cela, je ne pense pas qu’il soit vraiment judicieux d’encourager le gouvernement à dépenser plus dans le domaine de la défense alors que 50 autres personnes lui demandent d’engager des dépenses dans les domaines qui les intéressent comme la santé, l’éducation, la sécurité de la vieillesse. Chacun veut sa part du gâteau. Si nous savons que notre part restera inchangée, il nous faudra alors faire preuve de réalisme et déterminer ce que cette part nous permet de faire. Voilà ce que je pense.
    Si le gouvernement avait une politique beaucoup plus ambitieuse et qu’il voulait vraiment faire plus, il devrait donc engager de plus fortes dépenses. Pour l’instant, le gouvernement déclare qu'il ne va pas dépenser plus.

  (1245)  

    Ce que vous dites, c’est qu’il est très urgent de faire des choix.
    Absolument.
    Vous avez fait deux suggestions ayant trait à la capacité navale. L’une était que nous devions nous concentrer sur une région précise, l’hémisphère occidental ou l’Arctique, mais ensuite en réponse à une autre question, vous suggériez que c’est dans les voies de circulation stratégiques — le détroit d’Hormuz, etc. — que pourraient se manifester les plus grandes menaces pour notre économie et notre mode de vie.
     Il s’agit là d’investissements potentiels complètement différents. Que proposez-vous pour la Marine? Des navires de combat en service ou des navires spécialisés pour surveiller l’Arctique et l’hémisphère occidental?
    C’est une décision qui ne peut être prise que suite à des discussions avec nos alliés parce que si les États-unis nous disent qu’ils assureront la sécurité des voies de circulation, il serait beaucoup plus utile pour eux que nous surveillons l’Arctique. Notre sécurité est renforcée quand un allié et le Canada remplissent des missions différentes. C'est une question de partage des responsabilités.
    Si, au contraire, les États-unis estiment qu’il n’y a pas de menace importante dans l’Arctique, mais qu’une présence navale canadienne au large des côtes de la Corne de l’Afrique et dans la région de l’Asie et du Pacifique serait beaucoup plus utile, il faudrait alors peut-être procéder à un tel déploiement.
    Ce sont deux options différentes, mais dans le contexte budgétaire actuel il serait illusoire de croire qu’on pourrait les mettre en œuvre toutes les deux.
    Merci, votre temps est écoulé.
    Ce fût une discussion très intéressante.
    Monsieur Lagassé, je vous remercie d’avoir comparu aujourd’hui, d’avoir fait part de vos idées et contribué à l'étude.
    Nous n’aurons pas de séance jusqu’au 28 février. Je vous souhaite à tous une bonne semaine de congé dans vos circonscriptions.
    Sur ce, je suis disposé à accepter une motion d’ajournement.
    Une voix: J'en fais la proposition.
    Le président: La séance est levée.
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