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Merci beaucoup, monsieur le président. Mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.
Merci beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui, même si l'invitation est arrivée un peu tard. J'ai rassemblé rapidement quelques notes, que j'ai remises au greffier, mais je ne vais pas en faire la lecture, car je n'aurai pas assez de 10 minutes. Le greffier m'a gentiment fait savoir qu'il ferait traduire ces notes et qu'il vous les distribuerait. Vous pourrez donc, à un moment donné, prendre connaissance de toutes mes réflexions, et je m'en réjouis.
J'apprécie beaucoup le fait de pouvoir participer à ce processus qui concerne une question très importante touchant le système de justice militaire. Comme le président l'a indiqué, je ne suis pas venu témoigner simplement à titre d'ancien président de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire; j'ai également fait une longue carrière dans le domaine de la justice militaire, d'abord à titre d'officier de la police militaire, puis d'avocat militaire et enfin, à l'échelle nationale et internationale, je me suis occupé de questions de gestion et de gouvernance des services de police.
Je vais utiliser les quelques minutes dont je dispose pour parler d'une seule petite disposition du projet de loi , à savoir le paragraphe 18.5(3). Je tiens pour acquis que les membres du comité connaissent bien le contenu du paragraphe proposé. Il concerne précisément le nouveau pouvoir réglementaire du vice-chef d'état-major de la défense de donner des directives au Grand Prévôt des Forces canadiennes en ce qui concerne des enquêtes particulières de la police militaire.
Comme je l'ai dit, le paragraphe 18.5(3) proposé est très court, mais à mon avis, il est très important, car il aura des répercussions négatives tant sur l'indépendance réelle et perçue de la police que sur les mécanismes de surveillance, en particulier les mécanismes de surveillance de la commission de la police militaire qui ont pour but d'empêcher toute ingérence dans les enquêtes de la police.
À mon humble avis, si elle est adoptée, cette petite disposition constituerait une mesure rétrograde et serait la plus importante contribution à l'élément du titre abrégé du projet de loi C-15 où il est question de renforcer la justice militaire.
Le renforcement du système de justice militaire, dont la police militaire est un élément essentiel, est un processus qui n'a cessé d'évoluer depuis le dépôt du rapport de la Commission d'enquête sur la Somalie, en 1997, et l'adoption subséquente du projet de loi C-25, en 1998. Auparavant, le système de justice militaire du Canada, constitué sous le régime de la Loi sur la défense nationale, était de manière générale resté figé et inchangé pendant un demi-siècle, soit du milieu des années 1950, au moment de l'adoption de la première Loi sur la défense nationale, jusqu'à 1998.
D'ailleurs, tout le monde a poussé un soupir de soulagement, en 1992, quand le système de justice militaire a survécu à une première remise en question importante, en application de la Charte canadienne des droits et libertés: la Cour suprême du Canada a déclaré que l'élément central de ce système, le procès devant une cour martiale, était conforme à la Charte après certains changements réglementaires, par exemple au chapitre de l'indépendance du tribunal.
Personne ne pouvait cependant prévoir ce qui allait bientôt se passer en Somalie en 1992 et en 1993, et personne n'aurait pu savoir que les Forces canadiennes, y compris le système de justice militaire, allaient faire l'objet d'un examen public, puisque rien de tel ne s'était jamais produit. Malgré le fait que la conduite des membres des Forces canadiennes en Somalie a fait l'objet d'une enquête par la police militaire et que des accusations ont été portées, y compris des accusations de meurtre et de torture, et malgré le fait qu'il y a eu des procès devant une cour martiale et que des appels ont été interjetés devant la Cour d'appel de la cour martiale de même que devant la Cour suprême du Canada, sans que les tribunaux ne critiquent le processus, le tribunal de l'opinion publique, lui, n'était pas aussi convaincu.
Je sais que les membres du comité ont déjà longuement entendu parler de ce processus d'évolution, mais puisqu'on se fie autant à l'opinion très valable d'anciens juges en chef du Canada quand il est question de constitutionnalité, j'aimerais attirer votre attention pour un court moment sur les conseils précis et tout aussi précieux au sujet de l'indépendance de la police et de la surveillance.
Pour commencer, la Commission d'enquête sur la Somalie a examiné en détail les réactions des institutions aux événements survenus en Somalie, et cela comprend la police militaire. Ce faisant, la commission s'est montrée particulièrement critique à l'égard de la position de la police militaire dans la hiérarchie militaire et de l'influence des commandants et de la chaîne de commandement sur les activités de la police, laquelle altérait toute idée d'indépendance et ouvrait la porte à une perception selon laquelle une influence inadéquate était exercée. En conséquence, l'une des recommandations importantes de la commission visait à faire en sorte que le chef de la police militaire doive rendre compte au chef d'état-major de la défense pour toute chose, sauf pour les enquêtes relatives à des infractions disciplinaires ou criminelles graves.
Le projet de loi était aussi beaucoup inspiré du rapport présenté en 1997 par le Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et les services d'enquête de la police militaire, présidé par le regretté juge en chef de la Cour suprême, le très honorable Brian Dickson.
En ce qui a trait à la police militaire, le rapport du groupe consultatif spécial explorait un grand nombre des thèmes qu'avait étudiés la Commission d'enquête sur la Somalie, par exemple les impératifs concurrents ou contradictoires en matière de commandement et de contrôle de la police militaire, à l'appui des opérations militaires, et les impératifs concernant uniquement la fonction d'enquête de la police.
Pour faire en sorte que les exigences liées aux deux rôles soient respectées, le rapport du groupe consultatif de M. Dickson recommandait une séparation des processus: les commandants militaires continueraient à commander et à contrôler tous les employés de la police militaire jouant un rôle de soutien opérationnel ou de renseignement, tandis que le chef de la police militaire assurerait un commandement et un contrôle directs sur tous les autres employés. Concernant le dernier cas, le rapport souligne à grands traits l'importance de l'indépendance de la police quand on veut assurer l'intégrité du système de justice.
Une autre recommandation importante du rapport du groupe consultatif spécial, visant à faire en sorte que le système de justice militaire soit digne de la confiance et du respect du public, consistait à créer un bureau indépendant pour l'examen des plaintes et la surveillance de la police militaire, conformément aux normes établies pour la police civile.
Le rapport du groupe d'examen des services de la police militaire, également présidé par M. Dickson, a été présenté en 1998. Ce rapport constatait que le cadre de responsabilisation, document signé par le VCEMD et par le Grand Prévôt en 1998, était conforme aux recommandations du rapport du groupe consultatif spécial en ce qui a trait à l'indépendance de la fonction policière. Un élément clé de ce cadre de responsabilisation portait que le VCEMD ne participerait directement d'aucune manière aux enquêtes en cours et qu'il ne pourrait donner aucune directive au Grand Prévôt en ce qui concerne les décisions opérationnelles liées à une enquête.
Comme vous le savez très bien, le premier examen législatif de la Loi sur la défense nationale a été réalisé en 2003 par le regretté juge en chef de la Cour suprême, le très honorable Antonio Lamer. Deux observations importantes de ce rapport méritent d'être signalées. Elles concernent les questions très étroitement liées de l'indépendance et de la surveillance de la police militaire.
Une observation concerne le rôle du Grand Prévôt. Le juge Lamer fait la remarque suivante:
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[Ce rôle] est régi en grande partie par le cadre de responsabilisation qui a été mis au point en 1998 pour assurer à la fois l’indépendance du prévôt et le professionnalisme et l’efficacité du service de police militaire…
« Cette absence de définition dans la loi », fait-il ensuite observer, concerne un cadre de responsabilisation, qu'on pourrait assimiler à un protocole d'entente, mais pas un cadre législatif comme celui prévu pour des juges des tribunaux militaires, le JAG, le directeur des poursuites militaires, etc.
Le juge Lamer poursuit en disant ceci:
La police militaire bénéficie d’une meilleure protection depuis la création de la CPPM, un organisme de surveillance civil et quasi judiciaire indépendant du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, qui a été établi afin de rendre plus transparent et plus accessible le traitement des plaintes déposées contre la police militaire…
— et, plus précisément —
de décourager l’ingérence dans les enquêtes de celle-ci…
Je suis d'avis que le projet de loi respecte bien la recommandation du juge Lamer de combler le vide législatif touchant les responsabilités du Grand Prévôt des Forces canadiennes en proposant qu'elles soient définies une fois pour toutes dans la Loi sur la défense nationale. Toutefois, ce faisant, malgré les recommandations similaires de la Commission d'enquête sur la Somalie, du rapport Dickson et du juge Lamer sur la nécessaire indépendance de la police militaire par rapport à la chaîne de commandement pour ce qui a trait aux décisions de nature opérationnelle de la police et aux enquêtes de la police — sans compter que cela contraste nettement avec le cadre de responsabilisation —, le projet de loi propose une disposition qui autorise précisément le VCEMD à
établir des lignes directrices ou donner des instructions à l'égard d'une enquête en particulier.
Les systèmes de justice doivent toujours suivre l'évolution de la situation, des normes et des attentes des sociétés qu'ils sont censés servir. Le système de justice militaire a évolué rapidement au cours des deux dernières décennies, et il était temps qu'il le fasse. On a entre autres reconnu que la police militaire est un service de police canadien — c'est le septième en importance au pays — et que le public s'attend à ce qu'elle applique les lois canadiennes au pays et à l'étranger en se conformant aux normes les plus élevées.
Le projet de loi fait partie de ce processus continu. Ce dont il est question ici, c'est de savoir si un élément important de cette évolution, ainsi que les recommandations unanimes touchant les enjeux clés de l'indépendance de la police et la question connexe de la surveillance efficace de la police militaire, sera pour une raison inexpliquée passé sous silence, et si on ne va pas d'ailleurs faire un pas en arrière.
Je veux donc très brièvement faire valoir que, si le projet de loi est adopté sous sa forme actuelle, y compris avec le nouveau paragraphe 18.5(3), qui autorise le VCEMD à intervenir dans les activités et les enquêtes de la police, on contreviendra aux principes de l'indépendance de la police, que la Cour suprême a reconnus en 1999 à titre de principes fondamentaux qui sous-tendent la primauté du droit, et on déviera en outre de la norme concernant les relations entre la police et le gouvernement, du moins au Canada et, je puis vous le dire, dans le reste du monde industrialisé, où l'on reconnaît l'importance de l'indépendance de la police et où les commissions des services de police et les organes directeurs similaires ne sont pas autorisés à donner des instructions touchant des activités policières précises.
De fait, cela contredirait — et désavouerait, même — la notion d'ingérence par la chaîne de commandement associée au pouvoir de surveiller la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, éliminant du coup toute surveillance légalement autorisée d'une telle ingérence par le VCEMD, qui n'est pas assujetti à la compétence de la Commission d'examen des plaintes.
Je suis prêt à répondre à toutes vos questions, mais je vais d'abord vous en poser une: Pourquoi?
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Merci, monsieur le président, et merci également aux membres du comité de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter de ce texte de loi important au nom de la Criminal Lawyers' Association.
La Criminal Lawyers' Association est un regroupement de professionnels du droit pénal. Nous comparaissons ici dans le cadre de notre mandat, qui consiste entre autres à commenter les dossiers de droit pénal et constitutionnels en mettant l'accent sur les libertés civiles.
Nous voulons dès le départ indiquer que ni Mme Weinstein ni moi-même n'oeuvrons dans le système de justice militaire. Nous ne sommes pas des experts du droit militaire. Certains membres de notre association oeuvrent au sein de ce système; ce n'est pas notre cas, mais nous sommes ici de manière générale pour représenter notre association et discuter des enjeux des dispositions du projet de loi en mettant en relief les similitudes entre le système de justice pénale civil et le système de justice militaire. Nous allons vous présenter le fruit de nos réflexions concernant les répercussions possibles sur la charte et les libertés civiles de dispositions particulières du projet de loi
Je vais pour commencer commenter brièvement quelques-unes des dispositions de ce projet de loi que notre association soutient et qui, à notre avis, renforcent l'équité de la procédure et intègrent les valeurs de la Charte. Ensuite, Mme Weinstein formulera quelques brefs commentaires sur certaines dispositions de la loi qui, à notre avis, ne vont pas assez loin. Il s'agit essentiellement de l'interaction entre le processus des procès sommaires et l'absence de protection procédurale, dans ce processus, par rapport aux conséquences éventuelles de ce processus. Ces conséquences sont parfois identiques à ce qui se passe dans le cadre du système de justice civile, en particulier l'ouverture d'un casier judiciaire.
Pour commencer, je vais parler brièvement de certaines dispositions du projet de loi auxquelles l'association est très favorable.
Les premières dispositions sont les articles 24 et 62, les deux dispositions qui traitent en particulier de la modernisation des dispositions de la loi relatives à la détermination de la peine. Nous sommes bien sûr favorables à ces dispositions, puisqu'elles ajoutent des protections procédurales au régime de détermination de la peine et introduisent en outre un certain nombre d'énoncés de principe relatifs à la détermination de la peine qui devront être appliqués dans le système de justice militaire. Cela s'approche davantage des principes relatifs au système civil établis par le Code criminel, et nous pourrons probablement nous inspirer de la jurisprudence constituée en common law et dans le système de justice civile pour aider à appliquer ces principes au moment de leur intégration au système de justice militaire.
Il y a également le concept selon lequel les faits aggravants — c'est-à-dire des faits plus graves, propres à une affaire donnée, qui peuvent être retenus contre une personne au moment de la détermination de la peine — doivent être établis hors de tout doute raisonnable. Cette exigence est une garantie procédurale importante, puisque, évidemment, plus les faits sont graves, plus la peine appropriée est lourde. Nous sommes favorables à l'introduction de ce principe dans le régime de détermination de la peine.
On propose de plus des solutions de rechange comme l'absolution inconditionnelle, ce qui signifie qu'aucun casier judiciaire ne sera ouvert à l'égard de certaines infractions réglées au premier échelon. Nous pensons que c'est une solution de rechange importante, puisqu'elle permet, tout comme dans le système civil, d'adapter plus précisément la punition aux circonstances de l'infraction et à la situation du délinquant.
La solution de rechange portant sur la peine discontinue est également importante. L'inaccessibilité d'une peine discontinue était certes un problème, que le juge en chef Lamer a souligné, en particulier pour la détermination de la peine de membres des forces de la réserve ou de civils assujettis à la loi dans les cas où l'imposition d'une peine d'emprisonnement soulève de graves préoccupations. La peine d'emprisonnement devait être purgée de manière consécutive, et cela pouvait entraîner un préjudice grave, par exemple la perte de l'emploi, pour les personnes condamnées à ce type de peine.
Je vous fais remarquer, toutefois, que l'on propose ici une limite de 14 jours pour les peines discontinues. Dans le système civil, selon le Code criminel, la limite est de 90 jours; c'est le juge du tribunal civil qui a le pouvoir discrétionnaire d'imposer une peine discontinue lorsque la peine est de 90 jours ou moins. Nous serions à coup sûr en faveur d'une possibilité de peine discontinue plus longue.
En particulier, selon le régime des procès sommaires, on peut imposer une peine d'emprisonnement d'une durée pouvant aller jusqu'à 30 jours, censément pour des infractions moins graves. Il serait avantageux que le juge ait la possibilité d'imposer une peine discontinue dans de tels cas.
Ce sont les deux dispositions sur lesquelles je voulais m'attarder, parmi les dispositions que nous soutenons. Notre mémoire en aborde bien sûr beaucoup d'autres.
Je vais maintenant laisser la parole à Mme Weinstein, qui parlera de dispositions qui nous préoccupent particulièrement.
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Merci, mesdames et messieurs les membres du comité, de nous avoir invités ici aujourd'hui. C'est la première fois que je me présente devant un comité, et c'est un vrai plaisir.
J'ai moi aussi fourni des notes. Malheureusement, je les ai préparées à la dernière minute. Elles seront traduites et vous seront distribuées plus tard.
Je tiens avant tout, cet après-midi, à m'assurer que les membres de nos Forces canadiennes, qui comme on le sait, font de grands sacrifices personnels au nom de l'ensemble des Canadiens ne se voient pas privés de certaines des protections constitutionnelles dont jouissent les autres citoyens canadiens.
Il est entendu, bien sûr, que le droit militaire a pour objectif de maintenir la discipline pour faire en sorte que la défense de notre pays reste solide. Le rapport sur la Somalie nous a appris que les habitudes d'obéissance sont essentielles lorsque des soldats sont envoyés dans des régions du monde où le système de droit s'est effondré.
Toutefois, comme l'a dit le général Westmoreland, dans d'autres circonstances:
Un tribunal militaire ne doit pas avoir la double fonction d'instrument de discipline et d'instrument de justice. Il doit être un instrument de justice et, dans le cadre de cette fonction, promouvoir la discipline.
L'ancien juge Lamer a confirmé cela dans son rapport: même s'il est nécessaire d'instituer un système de justice distinct dans le contexte militaire, en raison de la raison d'être particulière des Forces armées dans notre société, il faut déployer tous les efforts nécessaires pour veiller à ce que les valeurs constitutionnelles soient protégées et à ce que les membres des Forces canadiennes ne soient pas privés de la protection qui est accordée aux autres.
Nous savons par exemple que l'indépendance judiciaire, prévue à l'alinéa 11d) de notre Charte, est un principe constitutionnel que la Cour suprême a maintenu et qui a été formulé dans le sillage de l'arrêt Regina c. Généreux. C'est à cette fin que le juge en chef Lamer a recommandé la création d'un tribunal militaire permanent qui renforcerait l'idéal d'un tribunal indépendant composé de juges militaires, ce qui serait, a-t-il dit, conforme aux valeurs mises de l'avant dans la Charte.
On s'entend sur le fait que les procès sommaires ont pour but de régler les dossiers les moins importants — des infractions mineures, des choses de ce type —, mais la Criminal Lawyers' Association craint surtout qu'une personne soumise à un procès sommaire soit victime de stigmatisation et que la constitution d'un casier judiciaire ait des effets à long terme pour cette personne après son service, affectant sa mobilité, sa capacité de voyager et ses possibilités d'emploi, si on ne lui accorde pas les protections procédurales normalement accordées à un accusé dans le système civil.
Ces préoccupations tiennent en partie au fait que, dans un procès sommaire qui pourrait déboucher sur une condamnation au criminel, l'intimé n'a pas droit aux services d'un conseil; il peut compter sur un officier désigné, mais ce dernier n'est pas avocat de formation. Le tribunal est présidé par un commandant, et l'officier désigné est un subalterne de ce commandant. À mon humble avis, cela peut ouvrir la porte à des craintes de partialité à l'égard de la personne accusée, dans ces circonstances.
Malgré que les procès sommaires soient nécessaires en tant que moyen de maintenir la discipline, le fait que le commandant puisse ouvrir un casier judiciaire lorsqu'il a agi à titre de juge des faits — en tant que procureur — et qu'il ait été mis au courant de la situation avant de prendre connaissance des faits présentés pendant le procès par un sergent-major peut donner à penser que le juge des faits ne saurait être considéré comme impartial en raison de sa situation particulière. Le commandant est en même temps porté à promouvoir l'efficience de son unité, en plus de devoir s'assurer que le procès se déroule de manière équitable. À mon humble avis, il s'agit d'idéaux concurrents qui pourraient faire croire à une atteinte à l'intégrité de la procédure.
Bien qu'on puisse faire valoir que cette pratique est rachetée par l'article 1 de la Charte, dans le cas des infractions qui ne sont pas punissables par une condamnation au criminel, j'estime, personnellement, que si une condamnation au criminel est une issue possible, la pratique ne se défend pas sur le plan constitutionnel.
J'ai fait rapidement quelques recherches avant de me présenter ici aujourd'hui — et, comme M. Granger l'a dit, je ne suis pas une experte du droit militaire —, mais cela m'a suffi pour trouver, dans le rapport annuel du JAG de 2008-2009, les résultats d'un sondage mené auprès des membres des Forces canadiennes dans lequel ils déclaraient sans ambages que l'issue d'un procès sommaire est fixée d'avance et que la chaîne de commandement exerce une influence sur le processus.
Si c'est bien le cas, si c'est l'impression des membres des Forces canadiennes, s'il est possible que ce procès débouche sur une condamnation au criminel, laquelle entraîne la stigmatisation, c'est inacceptable sur le plan constitutionnel, à mon humble avis.
Un autre aspect préoccupant est le fait que le cours de formation que doit suivre un officier pour devenir l'officier chargé de présider un procès sommaire ne dure que deux jours. C'est là, à tous les égards, une formation rudimentaire, mais c'est particulièrement inquiétant si cette personne peut imposer une condamnation au criminel qui pourrait, au bout du compte, s'avérer une condamnation injuste en droit.
Il ne faut pas seulement que justice soit faite, il faut aussi qu'il y ait apparence de justice. On sait que les Ordonnances et règlements royaux reflètent une reconnaissance du fait qu'une procédure de procès sommaire a pour but de favoriser un règlement rapide mais juste d'une infraction mineure d'ordre militaire.
Nous recommanderions qu'il n'y ait pas de condamnation au criminel ni de stigmatisation de la personne déclarée coupable tant que des garanties procédurales normales n'auront pas été mises en place.
Ces commentaires font écho aux déclarations du juge LeSage formulées dans son rapport, à la recommandation 15.
Si vous avez quelque question que ce soit au sujet de ces déclarations, n'hésitez pas à me les poser. Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier toutes les personnes ici présentes. Je sais que certains d'entre vous ont été avisés à la dernière minute.
Monsieur Tinsley, votre déclaration préliminaire m'a rappelé un conférencier qui avait dit ceci: « Mon discours est long; je n'ai pas eu le temps d'en rédiger un plus court. Si j'avais eu plus de temps, j'aurais rédigé un discours plus court. »
Je dois dire que vous avez très bien réussi à formuler un argument convaincant contre ce que vous qualifiez de retour en arrière en vous appuyant sur les déclarations du juge en chef Lamer et du juge en chef Dickson, ce qui a fait l'objet d'une entente, d'une pratique, dont le juge Lamer a toujours parlé en bien.
Cet aspect a été traité comme une simple politique, mais il me semble que c'est un aspect beaucoup plus important que cela, d'autant plus que le juge Lamer a dit que cela devrait être intégré à la loi.
Pourriez-vous donner un exemple de situation où il serait permis d'intervenir ainsi? Il ne faut pas penser que cela ne peut pas se produire. Quand j'étais en Afghanistan, il y a deux ou trois ans, en compagnie de mes collègues du comité de la défense, l'officier qui commandait l'ensemble de nos troupes en Afghanistan a été relevé de ses fonctions et renvoyé au Canada, et il a été accusé d'avoir eu un comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Je présume que cela a supposé l'intervention de la police militaire et la tenue d'une enquête, mesures qui, en théorie, selon le projet de loi, auraient pu être interrompues, abandonnées ou orientées différemment. Ne trouvez-vous pas cette possibilité troublante?
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Monsieur Harris, j'espère que mes commentaires ont bien fait comprendre que je trouve cette possibilité non seulement troublante, mais assez effrayante, puisque cela nous ferait faire un pas en arrière. L'indépendance de la police, à mon avis, doit être la même que dans le contexte civil, la Cour suprême ayant déterminé, dans l'arrêt
Campbell, qu'elle est l'un des principes fondamentaux qui sous-tendent la primauté du droit.
La police militaire a fait beaucoup de chemin. À une certaine époque, la fonction policière, dans le contexte militaire, était en bonne partie une question de force de la personnalité.
Je vais vous raconter une anecdote. Lorsque j'étais lieutenant, j'ai été nommé responsable de l'unité de la police militaire de la BFC de Kingston; dès les premiers jours, un officier supérieur du secteur administratif m'a pris à part pour m'informer du fait que la coutume, dans cette base, lorsqu'un officier était intercepté en état d'ébriété au volant d'un véhicule, voulait qu'on le reconduise chez lui. Il ne devait pas être poursuivi pour conduite avec facultés affaiblies. Cette pratique s'appliquait aux officiers, mais pas aux sous-officiers.
Je ne pouvais pas accepter cela. Heureusement, le commandant de la base était nouveau, et quand j'ai été le voir — même si cette décision aurait pu entraîner la fin de ma carrière —, je lui ai demandé s'il observait lui aussi cette coutume. Je lui ai dit que ce n'était pas moi qui l'avais instaurée et que je ne la respecterais pas. J'ai pu poursuivre ma carrière, car il était d'accord avec moi.
Quant aux incidents en Somalie, à savoir la mort d'un garçon de 16 ans, il n'y avait dans le contingent des Forces canadiennes que deux officiers de la police militaire, le sergent et un très jeune caporal. Le sergent était en congé de repos et récupération. Le caporal ne savait pas quoi faire. Le commandant a entrepris une enquête sommaire sur un décès par suite de torture. Le sergent est revenu. Il était plus âgé et plus expérimenté, et il avait une très forte personnalité. Il a mis le holà en disant: « Il y a quelque chose qui ne va pas ici. Il s'agit d'un acte criminel. Cette affaire relève de la police. » Il a eu le courage de communiquer directement avec le quartier général de la Défense nationale et avec le quartier général de la police militaire. Mais ce qui a enfoncé le clou, c'est que, le lendemain, quand un des auteurs du crime a tenté de se suicider, il y a eu tout un branle-bas dans l'administration des premiers soins qui n'a pas manqué d'attirer l'attention d'un groupe de représentants des médias qui se trouvaient à être sur les lieux. L'affaire a ainsi été dévoilée.
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Oui. Comme je l'ai dit, je ne vois pas de différence. Si l'indépendance n'existe pas, il existe un risque que la police sera utilisée à des fins inappropriées.
Nous pouvons examiner des cas qui se sont produits au Canada, par exemple les critiques formulées par le public à l'égard des actes du gouvernement de l'Ontario, qui en 1995 a donné à la police provinciale des instructions sur la façon de régler la situation à Ipperwash. Les buts n'étaient pas pertinents, et il y aurait eu, selon certains, des motifs politiques, etc. Si la police n'est pas isolée de manière à pouvoir travailler de manière indépendante, le risque que des situations comme celles-là se reproduisent est très réel.
Je travaille à l'heure actuelle dans des pays en transition — comme vous le verrez dans ma notice biographique —, c'est-à-dire au Brésil, en Ouganda et, je le soulignerais, dans l'ancienne Yougoslavie. J'ai été procureur dans diverses affaires liées à des crimes de guerre, et un nombre étonnant de ces affaires concernaient des unités de la police militaire, puisque selon une logique discutable, les unités de la police militaire de l'armée serbe étaient souvent affectées à l'administration des camps. Il s'agissait en fait de camps de concentration. Cela se faisait, comme je l'ai dit, selon une vision tordue voulant qu'il s'agisse là d'application de la loi. Alors, on a utilisé la police, et on l'a chargée de faire cela.
J'ai lu dans la transcription d'une des audiences que quelqu'un a laissé entendre que le VCEMD pourrait avoir besoin de ce pouvoir pour empêcher que des officiers de la police militaire, si j'ai bien compris, ne se tuent en se rendant sur des scènes de crimes pour faire enquête, lorsque les circonstances opérationnelles ne permettent pas la tenue de ce type d'enquête. Au fil des ans, j'ai constaté que les agents de police et les officiers de la police militaire avaient quelques traits de personnalité en commun, mais, croyez-moi, les tendances suicidaires n'ont jamais fait partie de ces traits de personnalité.
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Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais soulever un point: personne n'est forcé à faire quoi que ce soit. Cette expression insulte non seulement les soldats, mais aussi les personnes qui président les procès sommaires et les cours martiales. Les soldats ne sont pas humiliés. Si une personne est accusée d'une infraction, elle est accusée d'une infraction. Personne n'est humilié en se présentant en cour — peu importe la nature de l'infraction —, et on ne cherche certainement pas à humilier quiconque dans le cadre d'un procès sommaire. L'expression est employée à tort, et, au nom des soldats, je tiens à dire que cela m'offusque.
Je vais m'adresser à M. Granger et à Mme Weinstein. Dans le cadre d'un procès sommaire, un accusé a, soit dit en passant, la possibilité de retenir les services d'un avocat civil. Cela est permis dans le cadre d'un procès sommaire. En tant qu'officier désigné pour aider — car j'ai déjà exercé cette fonction —, on prend connaissance des accusations portées et de toutes les dispositions pertinentes des ORFC, puis on conseille l'accusé à l'égard des choix qui s'offrent à lui et de ses droits.
En tant qu'officier désigné, si on constate un conflit quelconque chez l'officier qui préside le procès, alors, cette personne — c'est-à-dire l'officier délégué ou le commandant — pourrait se récuser pour qu'on nomme une personne plus impartiale. Ce système s'appuie beaucoup sur le gros bon sens. Je voulais simplement le mentionner aux fins de compte rendu.
Nous avons appris, de toute évidence — comme nous parlons du procès sommaire, forme de tribunal militaire la plus couramment utilisée —, qu'il s'agit d'une façon très rapide de régler des affaires concernant des infractions mineures afin d'assurer la discipline, car c'est une société militaire. Une conduite qui contrevient au bon ordre et à la discipline est une préoccupation primordiale des militaires. En raison de ce qu'ils font et de ce qu'on leur demande parfois de faire — dans les cas les plus extrêmes —, c'est une nécessité.
Pourriez-vous commenter la déclaration, faite par le juge en chef Dickson et appuyée par le juge en chef LeSage, selon laquelle il est probable que le processus de procès sommaire survive à une contestation judiciaire de sa validité constitutionnelle? Si vous êtes en désaccord, pouvez-vous préciser les éléments de l'analyse de la Charte sur lesquels vous êtes en désaccord?
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Merci, monsieur le président.
J’aimerais remercier les honorables membres du comité pour cette occasion de venir vous parler du projet de loi .
[Français]
En tant que juge-avocat général adjoint pour la justice militaire, mon équipe et moi-même avons joué un rôle important dans la préparation de ce projet de loi. C'est pour moi un grand plaisir de comparaître devant vous aujourd'hui pour assister les membres du comité dans leur étude du projet de loi, et ce, pour deux raisons.
[Traduction]
La première, c’est que nous sommes des avocats et des membres des Forces armées canadiennes. Le système que nous contribuons à bâtir et que nous approuvons s’applique à nous-mêmes. Nous le constatons tous les jours.
Lors de mes 32 années de service au sein des Forces armées canadiennes, je me suis rendu dans plus de 60 pays dans le monde. Le lieutenant-colonel Strickey, le lieutenant-colonel Dufour et moi-même comptons de multiples déploiements opérationnels à notre actif, notamment en Bosnie, en Afghanistan, au Congo et au Soudan. Nous comprenons donc pourquoi le système de justice militaire doit posséder certains attributs fonctionnels, dont la portabilité, pour remplir sa fonction. Et nous sommes déterminés à assurer l’efficacité du système de justice militaire et sa conformité avec la Charte.
Le système de justice militaire canadien a deux raisons d’être: promouvoir l’efficacité opérationnelle des Forces canadiennes en contribuant au maintien de la discipline, de l’efficacité ainsi que du moral; contribuer au respect de la loi et au maintien d’une société juste, pacifique et sécuritaire. Il sert donc à la fois aux fins de discipline et de justice. Ces fins sont indiquées dans la définition légale des motifs, des principes et des objectifs de la détermination d’une peine dans le système de justice militaire, figurant à l'article 62 du projet de loi .
En termes simples, un système de justice militaire efficace et guidé par les principes qui conviennent est une condition préalable au fonctionnement efficace des forces armées d’un État démocratique moderne régi par la primauté du droit. Il joue aussi un rôle clé lorsqu’il s’agit de garantir la conformité des États et de leurs forces armées avec les exigences normatives du droit international en matière de droits de la personne et du droit international humanitaire.
La seconde raison est que, après avoir écouté attentivement le témoignage de ceux qui se sont présentés devant vous, on se demande s’il n’y aurait pas quelques idées fausses concernant certaines des dispositions du projet de loi. J’aimerais maintenant aborder deux de ces idées fausses.
La première a trait à l'article 75, concernant la création de casiers au sens de la Loi sur le casier judiciaire découlant de condamnations pour des infractions mineures d’ordre militaire.
L'article 75 a pour origine notre crainte que, bien que cela soit nécessaire pour maintenir une discipline vigoureuse dans les Forces canadiennes et qu’on puisse devoir poursuivre des personnes pour ce qui pourrait être perçu comme des infractions relativement mineures, il n’était pas nécessaire, pour le maintien de la discipline, d’avoir l’effet collatéral de créer un casier au sens de la Loi sur le casier judiciaire pour atteindre cet objectif.
Cela aurait pu avoir un effet négatif sur les militaires qui chercheraient un autre emploi après leur libération des Forces armées canadiennes et — comme on vous l'a expliqué avec force détail —, d’autres conséquences. Pour alléger ce qu’on pourrait voir comme une possible sévérité involontaire et inutile, nous avons adapté le régime que le Parlement a déjà mis en place dans la Loi sur les contraventions.
L’effet de l'article 75 serait, lorsqu’on emploie certains seuils liés à la gravité objective et subjective des infractions énumérées, d’empêcher la création d’un casier judiciaire pour les infractions énumérées, en vertu du seuil des punitions précisées et, de ce fait, de parer à l’exigence voulant que les membres des Forces armées canadiennes doivent ultérieurement faire une demande de suspension du casier.
Le ministre s’est engagé à ce qu’on présente une modification correspondant aux dispositions de celle qui a été adoptée par le comité durant son étude du projet de loi .
Pour pouvoir évaluer l’incidence de la version proposée, quant au traitement des condamnations découlant de procès sommaires, nous avons mené une analyse détaillée de statistiques tirées du rapport annuel du JAG pour 2009-2010 à titre d’échantillon représentatif. L’évaluation a indiqué qu’en appliquant les dispositions de la version modifiée de l'article 75, pour l’année en question, 94 p. 100 des infractions ayant fait l’objet d’un procès sommaire n’auraient pas donné lieu à la création d’un casier judiciaire.
En tenant également compte de l’introduction, dans le projet de loi , de l’absolution inconditionnelle comme option en matière de détermination de la peine, nous pourrions prédire qu’environ 95 p. 100 des affaires faisant l’objet d’un procès sommaire ne donneraient pas lieu à la création d’un casier judiciaire en vertu des dispositions proposées. Les autres affaires seraient dans une grande mesure constituées des huit infractions au Code criminel pouvant faire l’objet d’un procès sommaire. Cette version de l'article 75 devrait donc s’avérer très efficace pour mener à bien les objectifs de la politique.
[Français]
La deuxième méprise a trait aux procès sommaires.
L'objectif des procès sommaires est de rendre justice de manière rapide et équitable dans le cas d'infractions militaires mineures, de même que de contribuer au maintien de l'efficacité et de la discipline militaires au Canada ainsi qu'à l'étranger, en temps de paix ou de conflit armé.
[Traduction]
Les procès sommaires sont d'une importance cruciale pour l'efficacité opérationnelle des Forces canadiennes. Ils sont la « bête de somme » du système de justice militaire, car on y juge invariablement quelque 96 ou 97 p. 100 des affaires. Ils sont l'incarnation même des attributs que sont la promptitude, la portabilité et la souplesse.
On se doit de souligner que certains des plus éminents juristes constitutionnels de l'époque de la Charte au Canada, à savoir les anciens juges en chef de la Cour suprême du Canada, Brian Dickson et Antonio Lamer, et l'ancien juge en chef de la Cour supérieure de justice de l'Ontario, Patrick LeSage, ont procédé à des examens indépendants du système de justice militaire et ont souligné l'importance et la constitutionnalité du système des procès sommaires.
La représentation des procès sommaires qui a récemment été faite par certains constitue, au mieux, un portrait très partiel d'un tout bien plus important dont on doit tenir compte lorsqu'on fait une évaluation responsable et exacte de la justice et de la constitutionnalité du système des procès sommaires.
Je serais enchanté d'expliciter plus tard d'autres facteurs dont il faut tenir compte. Il y a toutefois lieu de répéter, à ce stade-ci, qu'aucun tribunal canadien n'a jugé que les procès sommaires étaient injustes ou inconstitutionnels.
L'une des principales raisons pour lesquelles les modifications concernant les procès sommaires proposées dans le projet de loi sont peu nombreuses tient à ce que le juge en chef Lamer, après en avoir fait l'examen, n'a pas cerné un nombre important de problèmes et n'a donc pas recommandé beaucoup de changements.
Une réforme législative du système de justice militaire comporte un processus d'amélioration continu au fil du temps, comme c'est le cas pour le Code criminel civil. Le projet de loi prévoit d'importantes mises à jour, ainsi qu'un examen réglementaire régulier indépendant contribuant à faire en sorte que cela se produise.
Le projet de loi ne sera pas le dernier mot en matière de justice militaire. Comme le veut une expression célèbre dans les sphères juridiques, le système de justice militaire est un arbre vivant. D'autres lois seront nécessaires dans l'avenir pour donner suite aux recommandations du rapport LeSage et à d'autres questions. Toutefois, le présent projet de loi, attendu depuis longtemps comme suite au rapport Lamer, doit être adopté de manière à ce que l'on puisse prendre en charge la prochaine série d'améliorations.
Monsieur le président, j'ajouterais, sous forme métaphorique, qu'il est important que le train de la suite donnée au rapport Lamer puisse quitter la gare de manière à ce que l'on puisse permettre au train de la suite donnée au rapport LeSage d'entrer en gare et que l'on puisse charger ce train pour prendre en charge la prochaine série d'améliorations.
Merci, monsieur le président. Je serais enchanté d'aider les membres du comité en répondant à leurs questions.
:
Merci, monsieur le président. Colonel, je vous remercie de votre exposé.
Pour trancher le différend concernant l'effet de la contestation fondée sur la Charte, nous allons devoir nous en remettre aux éléments probants que vous et les autres témoins nous avez soumis.
Tout d'abord, je répéterai ce que j'ai dit l'autre jour, à savoir que, même si des personnes se sont prononcées fermement en faveur de la constitutionnalité du système de justice militaire, par exemple le juge-avocat général et les avocats ici présents, cela n'empêche pas les contestations fondées sur la Charte d'être approuvées dans certains cas précis. Quelques-uns des juristes qui ont témoigné l'autre jour devant le comité se sont prononcés en faveur de ces contestations.
À ce moment-ci, je préfère me pencher sur quelques points de droit, car ce qui me préoccupe, c'est le fait que l'amendement proposé... Je ne peux pas m'empêcher de souligner que nous avons modifié cela la dernière fois. Le JAG était là pour nous aider. Un amendement a été adopté par le comité, mais il ne figurait plus dans le projet de loi lorsque celui-ci a été déposé à la Chambre. Nous étions de retour à la case départ. C'est seulement en raison d'un différend récurrent à la Chambre des communes que nous nous sommes engagés à intégrer de nouveau cette modification au projet de loi.
Vous avez dit que tout ce qui restait, ce sont les huit infractions au Code criminel qui figurent toujours dans le texte, mais cela ne semble pas concorder avec le fait de ne pas retenir un chef d'accusation au titre de l'article 83, par exemple, ou de l'article 85 — excusez-moi, l'article 85 est là, mais l'article 83, par exemple, concerne essentiellement la désobéissance à un ordre légitime.
Cela ne constitue pas un acte criminel. Il est probable que cela soit — ou pourrait être — une infraction grave dans le milieu militaire. Il s'agit peut-être d'une infraction bénigne, ou peut-être d'une infraction grave, mais quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas d'un acte criminel. Je me demande pourquoi cela a été laissé de côté. Y a-t-il une raison à cela?
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Je suis ravi que vous posiez cette question, car en tant que personne participant à l'analyse stratégique et à la rédaction du projet de loi, je suis souvent surpris par quelques-unes des interprétations que les gens semblent faire à propos de la visée de cette disposition. Je vais vous fournir notre interprétation de l'objectif de cette disposition, de même que des explications concernant son origine.
Comme il a été mentionné brièvement plus tôt, l'une des recommandations du juge en chef Lamer tenait à ce que les tâches et les responsabilités incombant au Grand prévôt des Forces canadiennes soient énoncées dans le texte législatif.
À l'heure actuelle, il est quelque peu anormal que, à la suite du projet de loi C-25, la partie IV de la loi mentionne le Grand prévôt et précise en quoi consistent ses responsabilités en ce qui concerne le régime de plaintes concernant la police militaire, mais que, sous sa forme actuelle, la loi n'instaure pas ce poste, ne mentionne pas quelles responsabilités y sont liées et n'indique pas quelle relation entretiendrait le Grand prévôt avec la chaîne de commandement.
Les dispositions de l'article proposé 18.2 et des articles suivants ont été conçues pour donner suite à la recommandation du juge en chef Lamer. Plus particulièrement, vous constaterez que l'article proposé 18.4 énonce les responsabilités du Grand prévôt.
Bien sûr, il est nécessaire de préciser la relation qu'entretient le Grand prévôt avec la chaîne de commandement et la nature des rapports qu'il devrait entretenir avec elle. Il s'agit là de l'objectif de l'article proposé 18.5 et des paragraphes proposés qui en découlent. Selon le paragraphe proposé 18.5(2), le VCEMD peut établir des lignes directrices ou donner des instructions générales concernant les responsabilités décrites à l'article proposé 18.4.
Ainsi, ce qui semble faire l'objet d'un certain débat ou, malgré le respect que je vous dois, d'un malentendu, ce sont les dispositions du paragraphe proposé 18.5(3), selon lesquelles le Vice-chef peut, par écrit, établir des lignes directrices ou donner des instructions à l'égard d'une enquête en particulier. Qu'est-ce que cela signifie?
Ces dispositions ne visent aucun effet sinistre. Je suis d'accord pour dire que, en l'absence des mesures de protection de la transparence contenues dans les articles subséquents, l'indépendance des enquêtes pourrait assurément soulever des préoccupations, mais dans le cas présent, la véritable intention est de soutenir l'indépendance de la police militaire. Malgré tout le respect que je leur dois, je dois dire aux personnes qui sont d'un avis contraire qu'elles ont tout simplement interprété de travers la teneur de cet article.
Cet article vise trois choses. Il reflète le fait que la police militaire des Forces canadiennes peut être appelée à exercer ses activités dans un contexte opérationnel tout à fait particulier, et qu'il est tout à fait possible qu'elle doive mener des enquêtes dans une zone de conflit armé. Tout le monde reconnaît qu'il peut arriver que la chaîne de commandement donne — et, en fait, doive donner — à la police militaire des instructions ou des directives selon lesquelles elle ne peut tout simplement pas entreprendre une enquête sur tel ou tel incident puisqu'une mission de tir est sur le point de commencer au même endroit.
Premièrement, ces dispositions ont pour objet de préciser que, sur le terrain, il y aura non pas divers commandants indiquant au Grand prévôt local ce qu'il doit ou ne doit pas faire, mais un seul point de contact — une seule personne à blâmer, si vous voulez —, à savoir le Vice-chef.
Deuxièmement, le Vice-chef doit fournir ces instructions par écrit. Troisièmement, il y a les très importantes dispositions relatives à la transparence des articles proposés 18.4 et 18.5 selon lesquelles, par défaut, les instructions doivent être rendues publiques. En fin de compte, en vertu de ces dispositions, le Grand prévôt a le pouvoir discrétionnaire de déterminer si cela doit être divulgué, compte tenu de l'incidence qu'aurait la divulgation sur une enquête donnée. Ainsi, il revient au Grand prévôt de prendre la décision finale eu égard à ses préoccupations, et tout cela est transparent.
À notre avis, comme cela peut se produire dans le cadre de n'importe quel événement, il est grandement préférable qu'une telle situation soit visée par la loi, et que celle-ci précise qu'il n'y a qu'une seule personne qui puisse faire cela, et que le processus doit être transparent.
Quant aux préoccupations légitimes relatives aux ingérences dans une enquête, bien entendu, elles relèvent de la partie IV de la LDN et de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, la CEPPM. Si le Grand prévôt ou l'un de ses enquêteurs subalternes estime honnêtement que les directives données de façon transparente par le VCEMD constituaient, en fait, une ingérence inappropriée, ils peuvent déposer une plainte à ce sujet à la CEPPM.
Il m'est arrivé d'entendre des membres de la CEPPM dire que, si cela est prévu par défaut par la loi, ils ne concluront jamais à une ingérence inappropriée. Je ne suis pas d'accord avec un tel point de vue. Il est tout à fait possible d'abuser d'un pouvoir conféré par la loi. En fait, les tribunaux consacrent une bonne partie de leur temps à instruire des affaires où de tels abus sont survenus.
Le fait est que, si une personne soupçonne une ingérence appropriée, elle peut déposer une plainte à ce sujet auprès de la CEPPM, laquelle devra faire son travail. Elle devra déterminer si la plainte est justifiée en fait et en droit, exercer son pouvoir discrétionnaire, tirer une conclusion et formuler des recommandations à ce sujet.
En résumé, nous estimons qu'il est important qu'il y ait une personne investie d'un pouvoir en la matière et qu'elle agisse de façon transparente. En outre, nous croyons qu'il est important de reconnaître que, en cas de préoccupation légitime touchant une ingérence inappropriée, on peut, en vertu de la loi, déposer une plainte dont découlera une enquête menée en toute transparence.
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Je vous remercie, madame Gallant, de cette excellente question.
Tout d'abord, de façon générale, nous croyons que ce régime est juste. Si nous ne pensions pas cela, nous ne le soutiendrions pas. Notre but n'est pas d'administrer un système de justice anticonstitutionnel. Là n'est pas notre fonction. Nous sommes les avocats de membres des Forces canadiennes, et nous avons accordé énormément d'importance à l'évaluation indépendante menée par trois très respectables examinateurs externes qui ont conclu que, tout bien pesé, le système est juste et constitutionnel.
Comment en sont-ils arrivés à cette conclusion? J'ai écouté très attentivement les propos qui ont été tenus devant le comité, et je dois dire qu'il s'agit là d'une question qui a été en grande partie passée sous silence. Bien entendu, ils ont procédé à une analyse au regard de l'article premier de la Charte. Je dois souligner que, hélas, si l'on veut mener une évaluation mesurée, équilibrée et avisée de la question, on doit effectuer une analyse en fonction de l'article premier. Par la suite, ils ont conclu que, malgré les préoccupations certaines soulevées par les restrictions de quelque droit prévu par la Charte, dans l'ensemble, ces restrictions sont justifiées par l'article premier, compte tenu du caractère urgent et sérieux des préoccupations que soulevait le système à l'époque.
Il y a deux ou trois éléments très importants à signaler. Personne n'est passible de ce qu'on appelle, suivant la définition énoncée en 1988 par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Wigglesworth, une véritable conséquence pénale. On ne peut pas imposer une véritable conséquence pénale, une détention, une rétrogradation ou une amende substantielle à une personne, sauf si on lui a d'abord donné la possibilité de choisir entre un procès sommaire et un procès en cour martiale, et qu'elle a choisi de subir un procès sommaire.
En faisant ce choix, la personne renonce à certains droits constitutionnels. En 1982, dans le cadre de l'arrêt Korponay, la Cour suprême du Canada a déclaré qu'une personne peut renoncer à des droits constitutionnels. Il s'agit là d'un élément que mentionne expressément le juge en chef LeSage dans son rapport d'examen. Pour que la renonciation soit considérée comme valide, il faut que la personne qui renonce à ses droits le fasse en toute connaissance de cause et après avoir obtenu des conseils. En fait, selon l'article 108.18 des ORFC, une personne a le droit d'obtenir des conseils juridiques, et, selon l'article 101.20 des ORFC, le directeur du service d'avocats de la défense a le devoir de fournir des conseils juridiques à l'accusé et à l'officier chargé de l'aider en ce qui concerne ce choix.
Le fait que cet officier soit compétent et actif est un élément clé qui permet de faire en sorte que l'accusé fasse ce choix de façon éclairée. À l'issue de son examen, le juge LeSage a notamment recommandé — et nous lui sommes particulièrement reconnaissants de l'avoir fait — que nous rehaussions la qualité et le rendement de ces officiers de manière à ce qu'ils puissent s'acquitter de cette fonction essentielle.
En ce qui concerne les améliorations que nous envisageons d'apporter pour donner suite à la recommandation du juge LeSage — en fait, il s'agit d'une chose que nous lui avons nous-mêmes recommandée —, je vous dirai que nous devons améliorer la formation des officiers chargés d'aider les accusés pour nous assurer qu'ils s'acquittent de cette tâche essentielle consistant à veiller à ce que les droits de l'accusé soient protégés avant un procès sommaire.
Je pourrais ajouter bien des choses, mais pour l'essentiel, nous estimons que le régime actuel de procès sommaires est constitutionnel, mais, bien entendu, nous devons continuer de le surveiller. Nous sommes toujours heureux de recevoir des recommandations, et certaines choses peuvent être faites.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, colonel Gibson, vous et votre équipe, de votre témoignage d'aujourd'hui et de votre collaboration aux travaux du comité.
Compte tenu des témoignages d'aujourd'hui et des témoignages de ceux qui ne sont pas d'accord avec les modifications du projet de loi , il est évident que bon nombre d'entre eux ne veulent pas d'un système de justice militaire distinct. Ils remettent en question sa constitutionnalité ou voudraient que le système soit civil.
En tant qu'observateur, ce qui me frappe, c'est qu'ils ne reconnaissent pas pleinement le principe de base de notre système de justice militaire, qui veille à l'équilibre et à la protection de deux objectifs: la quête de justice et l'efficacité opérationnelle sur le terrain, c'est-à-dire la discipline, le moral et la cohésion. Le deuxième objectif ne repose pas sur des motifs arbitraires; il a sa raison d'être parce que les activités de nos forces armées sur le terrain sont à la base de nos libertés civiles et le sont depuis des décennies et même des siècles. Nous tentons d'atteindre cet équilibre depuis longtemps, et il est essentiel.
Pour être juste, M. Ruby et la Criminal Lawyers' Association ont admis qu'ils ont une expérience limitée du système de justice militaire. Par conséquent, nous devrions peut-être prendre leur témoignage avec un grain de sel.
Cependant, il y a contraste avec l'approche adoptée par M. Tinsley qui a mentionné que, lorsqu'il a commencé son enquête en 2007 — enquête que nous connaissons tous très bien —, l'objectif était de veiller à ce que le public ait toujours confiance envers les militaires et la police militaire. Selon moi, les audiences et la très longue enquête n'ont pas permis d'accroître la confiance du public. Elle n'a pas permis de constater des erreurs ni d'améliorer la discipline et a plutôt entraîné un doute, tandis que tous les éléments de preuve à notre disposition, qui provenaient selon moi de témoins crédibles, révèlent que l'ensemble de notre système de justice militaire fonctionne bien, même s'il a besoin d'être modernisé et d'être examiné de manière continue.
Pourriez-vous nous expliquer comment ces examens seront effectués après les modifications? Puisqu'il s'agit d'une des meilleures façons de protéger l'intégrité du système qui nous garantit qu'il évoluera au rythme de la société civile, quelles sont les propositions? Quels seront les avantages pour le droit militaire et les membres des forces armées canadiennes au chapitre des examens?
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Merci, monsieur Alexander.
La disposition pertinente du projet de loi — si je peux la consulter très rapidement — est l'article 101, qui fera en sorte qu'un examen indépendant sera exigé par la Loi sur la défense nationale. Maintenant, comme vous le savez, il y a déjà eu deux examens indépendants jusqu'à maintenant: le premier, effectué par Antonio Lamer, et le deuxième, par Patrick LeSage.
L'article 96 du projet de loi C-25 adopté par le Parlement en 1998 exigeait la tenue d'examens indépendants périodiques, mais il n'y a aucune exigence semblable dans la Loi sur la défense nationale. C'est dans le projet de loi C-25, adopté par le Parlement et intégré aux Lois du Canada, 1998, chapitre 35.
Une des principales recommandations du juge Lamer sera mise en œuvre grâce à l'article 101, qui intégrera à la Loi sur la défense nationale l'obligation d'effectuer un examen indépendant périodique de certaines dispositions de la loi. Le premier avantage sera l'examen indépendant, car c'est extrêmement utile et important d'avoir une tribune qui permet de cerner les problèmes et un instrument obligatoire visant à déterminer les points à améliorer. Un tel mécanisme de réforme législative constitue une des meilleures façons d'améliorer les politiques.
En ce sens, cet outil à la disposition des Forces canadiennes, du système de justice militaire et même du Parlement présenterait un grand avantage pour le Parlement — qui sera assuré de pouvoir tenir le droit à jour — et pour les membres des Forces canadiennes, qui sont les premiers à tirer directement profit d'un système de justice militaire moderne, conforme à la Charte et tenant compte de l'évolution du droit.
L'autre conséquence de la disposition proposée est qu'elle prolongerait le cycle d'examen. Un des problèmes que nous avons vus jusqu'à maintenant, compte tenu particulièrement du temps qu'il faut pour que le Parlement adopte le projet de loi en réponse au rapport Lamer, est qu'il faut mettre en application des dispositions permettant de générer un dossier de suivi dans le but de faire un bon examen. Comme le juge LeSage l'a mentionné, il faut du temps pour générer les données qui permettront de faire un examen utile et pertinent.
L'article 101 du projet de loi vise à accomplir cela, à intégrer cette exigence dans la loi et à préciser ce qui doit être examiné.
Je n'ai qu'un dernier point à ajouter. Compte tenu, peut-être, de la nature légèrement litigieuse du paragraphe 18.5(3) proposé, ces dispositions particulières sont précisées dans la disposition concernant l'examen afin que le Parlement puisse bénéficier d'un examen indépendant de cette disposition au moment du prochain cycle de réforme législative.