NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la défense nationale
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 25 mars 2013
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bon après-midi à tous.
Nous continuons notre étude sur les soins offerts aux membres des Forces canadiennes malades et blessés.
Nous recevons aujourd'hui le lieutenant-colonel à la retraite Stéphane Grenier, qui comparaît à titre personnel. Il a joint les rangs de l'Armée canadienne en 1983. Il a participé à plusieurs missions à l'étranger, notamment au Rwanda et à Kandahar, mais il a également été déployé au Cambodge, au Koweit, dans le golfe Persique, au Liban et en Haïti, pour ne vous donner que quelques exemples.
Il a souffert de son propre ESPT non diagnostiqué et de la dépression qui en a découlé à son retour du Rwanda, c'est alors qu'il a commencé à s'intéresser personnellement à la façon dont les Forces armées canadiennes traitent la maladie mentale. En 2001, le lieutenant-colonel Grenier a inventé le terme « blessure de stress opérationnel », puis il a conçu, développé, mis en place et dirigé un programme gouvernemental national de soutien par les pairs pour les militaires canadiens, c'est-à-dire le Programme de soutien social aux blessés de stress opérationnel ou SSBSO.
En 2009, il a piloté l'élaboration d'une campagne ministérielle de sensibilisation à la santé mentale lancée à l'échelle nationale par le chef d'état-major de la Défense des Forces canadiennes. Cette campagne a été appuyée par la Commission de la santé mentale du Canada, pour qui il travaille aujourd'hui à titre bénévole. Elle a également reçu l'appui de l'Association canadienne pour la santé mentale et de l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale. Il a utilisé son propre exemple de leadership institutionnel pour réprouver la stigmatisation souvent associée aux maladies mentales.
Le lieutenant-colonel Grenier a reçu de la gouverneure générale du Canada la Croix du service méritoire pour avoir transformé le concept de soutien par les pairs en un programme officiel du gouvernement fédéral.
Il est à la retraite depuis un an, mais continue de jouer un rôle de premier plan au sein du comité consultatif sur le milieu de travail de la Commission de la santé mentale du Canada, que j'ai déjà nommée.
Lieutenant-colonel Grenier, je vous souhaite la bienvenue au comité. Nous avons hâte d'entendre votre exposé. Si vous pouvez vous en tenir à 10 minutes, nous vous en serons reconnaissants.
Merci beaucoup.
Mesdames et messieurs, merci beaucoup de m'inviter ici.
Comme vous le savez peut-être, c'est la première fois que je me présente ici à titre de civil. J'ai comparu devant le comité à trois ou quatre reprises au cours des 10 dernières années, mais toujours en uniforme.
J'ai choisi de partager avec vous quelques unes de mes réflexions et de mes observations sur mes dernières années de service militaire. Bien sûr, il est très important pour moi que tous les membres du comité sachent que je suis retraité et surtout, que j'ai été en détachement à la Commission de la santé mentale du Canada pendant les deux dernières années de ma carrière militaire, ce qui signifie que mes observations peuvent dater de quelques années.
Quoi qu'il en soit, mon but aujourd'hui n'est pas de vous parler en détail d'enjeux particuliers, mais de discuter d'un point de vue peut-être plus stratégique de préoccupations de longue date que j'avais quand j'étais dans l'armée et que j'ai conservées après être devenu conseiller spécial du général Semianiw sur les blessures de stress opérationnel, pendant son mandat de chef du personnel militaire. Plusieurs questions me préoccupent encore aujourd'hui, et c'est de ces questions que j'aimerais m'entretenir avec vous aujourd'hui.
De manière très générale, et je vais m'en tenir à cinq ou six minutes, j'aimerais simplement piquer la curiosité de tous les membres, pour leur donner envie d'approfondir certaines questions dans la poursuite de votre étude.
D'abord, je tiens à mentionner que je me suis toujours préoccupé stratégiquement des soins et du soutien offerts aux familles des militaires. C'est le premier enjeu que je soulève parce qu'il me tient très à coeur. Je déplore vivement que les familles du personnel militaire et des anciens combattants qui souffrent de blessures de stress soient toujours nommées en dernier, parce que les familles sont en grande partie le pilier de notre force militaire. Ce sont elles qui nous remontent, littéralement, lorsque nous revenons de déploiement et que nous avons vraiment du mal à nous intégrer.
Les soldats retournent constamment à leur régiment, à leur unité, à leur bataillon, et ils essaient d'avaler la pilule, pour employer une expression familière — et c'est une bonne chose que les soldats essaient d'être résilients —, mais c'est surtout à la maison que tout s'écroule.
Je dois vous mentionner que bon nombre de mes collègues et moi avons essayé très, très souvent de soulever la question de la réalité des militaires qui doivent constamment déménager au Canada. Nous savons que le système de santé est plus débordé dans certaines provinces que d'autres. Quand un membre d'une famille souffre d'un problème de santé mentale très complexe, ses répercussions sur la famille sont très bien documentées. Quelle est donc la responsabilité du gouvernement fédéral et du ministère de la Défense nationale à l'égard des soins à apporter aux familles elles-mêmes?
Il vaudrait peut-être la peine que vous vous penchiez sur la question. Est-il juste de tenir simplement pour acquis que le système de santé de la nouvelle collectivité où la famille vient de déménager va être en mesure d'absorber rapidement et sans heurt la demande continue de soins de santé mentale pour les conjoints et peut-être même les enfants? Je tenais à vous faire part de cette réflexion.
Pour changer de sujet, il y a également des politiques qui me préoccupent. Il y a un concept qui ne me semble pas avoir été suffisamment étudié. Quand j'étais militaire, je n'ai pas réussi moi-même à faire valoir cet argument au point de pousser les hauts-commandants à réfléchir à de nouvelles façons de retenir le personnel militaire souffrant de blessures de stress opérationnel.
En 2003-2004 environ, nous avons élaboré le concept de changement de spécialité, afin de permettre aux soldats de rester dans l'armée grâce à un reclassement, mais à certaines conditions. Nous savons que dans l'armée, après plusieurs années de carrière, les soldats peuvent changer de classement ou de spécialité. Il vient un temps, dans la carrière d'un soldat, et je parle surtout des armes de combat, où un soldat a participé à un peu trop de déploiements. Les cliniciens me disent craindre que ces soldats ne soient plus capables d'évoluer dans un milieu rempli de cordite et d'explosifs, par exemple, mais ils pourraient probablement bien s'épanouir si on leur offrait l'occasion de poursuivre leur carrière militaire, mais dans d'autres postes.
La situation à laquelle l'armée est confrontée, c'est que malheureusement, si le soldat qui souhaite un reclassement a une limite médicale quelconque, il ne peut plus occuper ses fonctions actuelles. Autrement dit, les critères médicaux des classes d'infanterie, par exemple, sont assez élevés. Si un soldat veut être reclassé à un poste dont les critères médicaux sont inférieurs, à une classe plus accessible, il ne peut pas le faire, parce que les règles exigent que le soldat soit en santé ou considéré en santé dans son emploi actuel pour être admissible.
C'est une logique assez étrange. Quoi qu'il en soit, le système est ainsi fait, et j'ai vu pendant mon service militaire des dizaines, peut-être même des centaines de soldats littéralement libérés pour des raisons médicales, qui auraient pu rester dans l'armée et ainsi permettre à l'armée de conserver toute l'expertise et l'expérience militaires qu'ils avaient acquises pendant la première partie de leur carrière.
J'ai travaillé des années à cette politique sur le reclassement conditionnel et je n'ai jamais vraiment réussi à me débarrasser de cet aspect. Je n'ai moi-même pas réussi à la faire changer, mais je souhaiterais qu'à l'avenir, les soldats aient cette possibilité.
Les cliniciens me disent qu'il est parfois positif qu'une personne soit libérée pour des raisons médicales. Bien sûr, ce n'est pas le cas de tout le monde. Pour beaucoup de personnes, ce n'est pas une bonne nouvelle d'être libéré pour des raisons médicales, bien sûr, et nous devrions sérieusement envisager de leur permettre d'occuper d'autres fonctions dans l'armée.
Permettez-moi de vous parler un peu des blessures physiques et des blessures de stress opérationnel. Comme vous l'avez entendu en introduction, c'est moi qui ai inventé le terme « blessure de stress » il y a des années.
Quand nous avons commencé à nous battre intensément en Afghanistan, vers la moitié des années 2000, comme vous le savez, nous avons commencé à rapatrier beaucoup de soldats blessés physiquement. À partir de ce moment s'est développée une école de pensée selon laquelle il fallait créer des programmes de soutien pour venir en aide aux soldats blessés physiquement. J'ai essayé de faire en sorte qu'on ne crée pas deux catégories. Un soldat blessé est un soldat blessé. Qu'il s'agisse d'une blessure au cerveau ou d'une blessure à la jambe ou au pied, c'est un soldat blessé. Quand on perd un pied, on perd un pied; quand on perd la carte, on perd la carte.
Malheureusement, je remarque depuis que j'ai pris ma retraite qu'il y a deux catégories. L'armée continue d'essayer de combattre la stigmatisation qui entoure les blessures de stress, les problèmes de santé mentale et le stress post-traumatique, mais je crois que c'est une erreur stratégique de créer deux programmes séparés. Tant que nous continuerons de faire la distinction entre les types de blessures, nous continuerons d'alimenter ou d'appuyer indirectement et d'endosser en fin de compte l'idée qu'il y a des blessures légitimes et qu'il y a des blessures de l'esprit qui peuvent être imaginaires.
Je n'essaie pas de dire qu'une personne qui souffre de stress post-traumatique peut venir en aide à un amputé. Cependant, d'un point de vue structurel, je crois que c'est une erreur stratégique de séparer ces programmes plutôt que de les intégrer en un seul. C'est une chose de dire qu'un soldat blessé est un soldat blessé, mais les dirigeants de l'armée doivent montrer qu'ils le croient vraiment.
Pour passer à un autre sujet, j'aimerais dire simplement que quand j'ai fondé le programme de soutien par les pairs, il y a 12 ou 13 ans, j'avais le grade de major. Je me rappelle qu'un colonel bien établi à Ottawa m'avait dit: « Stéphane, vous êtes en retard. Nous n'avons plus besoin de cela parce que les temps difficiles de la Bosnie sont révolus. » J'ai regardé ce colonel et je lui ai répondu: « Je ne suis pas historien, mais l'histoire montre qu'après des périodes de reconstitution et des pauses stratégiques, l'armée s'engage toujours dans un autre conflit. Il y a donc peut-être une pause stratégique maintenant, mais c'est justement le temps de mettre ce genre de programme en place. » En dépit de son opinion, les hauts commandants ont pris une décision. Nous avons lancé des programmes non cliniques, qui existent toujours aujourd'hui. J'espère seulement que dans toutes les compressions qui ont cours en ce moment, nous ne ferons pas l'erreur de sabrer dans ces programmes et de nous retrouver comme après l'épisode du Rwanda, où il n'y avait littéralement plus rien pour venir en aide aux soldats à mon retour.
Je peux comprendre les mesures d'austérité au gouvernement et à la Défense nationale, mais j'espère que malgré toutes les compressions qui ont lieu, ces programmes seront protégés.
Il y a quelques réflexions dont j'aimerais vous faire part sur ma transition quand je suis sorti de l'armée. Je n'ai pas été agréablement surpris pendant mon processus de libération de l'armée. Je dois dire que j'aimerais beaucoup être ici aujourd'hui pour vous dire que l'armée a beaucoup évolué parce que ma libération s'est faite tout en douceur. Je ne vous en parle pas pour me plaindre, mais pour dire que si c'est arrivé à un colonel, qui était conseiller spécial sur les blessures de stress opérationnel, que le médecin-chef connaissait et que les gens d'Anciens Combattants Canada connaissaient, imaginez ce que peut vivre un caporal de Valcartier ou de Petawawa, que personne ne connaît et qui est libéré pour des raisons médicales. Si ce genre de chose m'est arrivé: mes médicaments ont cessé d'être couverts par l'assurance, j'ai commencé à recevoir des factures d'honoraires de médecins à la maison, et je suis en train d'essayer de régler tout cela... Je ne me plains pas. Je fais une observation. Il y a des personnes très gentilles au MDN et aux Anciens Combattants qui sont en train de corriger la situation. Cependant, j'ai été très surpris de voir que parce que j'ai participé à tellement de réunions ou de conférences, les gens se regardent et se disent: « Nous avons beaucoup évolué. »
Je me rappelle avoir offert mon soutien à des soldats qui pétaient littéralement les plombs, qui étaient furieux envers le système en 2001-2002. Ils se demandaient vraiment ce qu'ils allaient faire pour pouvoir payer tous leurs médicaments, les prix exorbitants des psychiatres. Ils recevaient des factures, mais ne pouvaient pas les payer. Eh bien, en 2013, je reçois moi aussi des factures pour mes médicaments et mes consultations. Cela va se régler, mais c'est très décevant pour moi de constater que nous n'avons pas évolué beaucoup.
J'ai quelques observations à faire très rapidement pour terminer. Je conseille aux membres du comité de trouver des cliniciens qui ont cessé de pratiquer la médecine à la Défense nationale. Par respect, je ne nommerai personne, mais je vous encourage à en trouver, à les inviter à venir vous rencontrer pour que vous puissiez leur demander pourquoi ils ont cessé d'exercer la médecine pour l'armée. Ils vous raconteront probablement des histoires d'inefficacité dans le système médical de l'armée et vous diront qu'ils ne pouvaient plus vivre avec l'idée de faire de plus en plus d'argent, mais de voir de moins en moins de patients chaque jour. Par intégrité, je suis ici pour vous inciter à vous pencher sur la question et à trouver des médecins qui ont quitté leur pratique.
Je vous invite aussi à vous pencher sur le traitement de patients en établissement. Vous trouverez sûrement des médecins ou des directeurs d'établissement de traitement qui vous diront que tout va bien, mais si vous creusez un peu, vous remarquerez rapidement que les critères sont tellement stricts qu'on est toujours soit trop malade soit trop en santé pour être admissible à ces programmes.
Je vais m'arrêter ici et vous permettre de me poser des questions.
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais aborder la question du Programme soutien social; blessures de stress opérationnel, qui est offert par des pairs. D'une manière générale, pourriez-vous me dire comment fonctionne ce programme?
Puisqu'il s'agit d'un groupe de soutien offert par des pairs, est-ce qu'il est quand même encadré par des professionnels?
Le programme existe depuis 13 ans. Il était auparavant encadré par plus de professionnels qu'il ne l'est aujourd'hui. Au cours des six premières années du programme, on avait une équipe multidisciplinaire, à savoir des infirmières en santé mentale, des travailleurs sociaux, des psychologues et même un psychiatre qui siégeait à mon comité consultatif.
Malheureusement, au cours des dernières années, il y a eu une érosion de cette approche multidisciplinaire et je remarque maintenant une tendance à bureaucratiser ce programme. Je vous donne un exemple.
Ce programme de soutien par les pairs est un programme qui est effectivement offert par des gens qui ont eux-mêmes souffert de problèmes de santé mentale. En passant, il s'agit d'une méthodologie qu'aujourd'hui, en tant que civil, j'instaure dans de grandes entreprises pour aider les employés qui ont des problèmes de santé mentale. Cela est vu et perçu comme étant un service qui va ajouter à la capacité des entreprises de composer avec les problèmes de santé mentale de leurs employés.
Dans un programme de pairs qui fournissent de l'aide, il va de soi qu'il faut vraiment prendre soin de ses employés. Cela est d'ailleurs vrai dans n'importe quelle entreprise. Cependant, lorsqu'on gère un programme de soutien offert par les pairs, il va de soi qu'il faut vraiment être aux aguets et prendre vraiment soin de ses employés.
Au cours des dernières années, j'ai remarqué une bureaucratisation de cette approche et un laisser-aller par rapport à quelques-unes des politiques de self care qui m'étaient chères. Ce sont des politiques où on s'assure que les gens ont rapidement accès à un psychologue lorsqu'ils passent à travers le tordeur parce qu'ils ont un cas très lourd à gérer. Donc, cet encadrement s'est effrité au cours des années. Je suis toujours inquiet quand j'entends qu'un programme réfère les pairs aidants aux programmes traditionnels d'aide aux employés du gouvernement fédéral.
Je pense que le programme devrait faire davantage.
Comment la famille est-elle impliquée dans ce programme? Est-ce un programme spécial? Par exemple, est-ce que des épouses jouent le rôle de pairs aidants auprès d'autres épouses de militaires?
Oui.
Je ne sais pas quels sont les chiffres aujourd'hui, mais lorsque j'ai quitté la Défense nationale, il y avait environ 20 coordonnateurs responsables du soutien pour les familles, et c'était en majorité des épouses. Il n'y avait pas de ségrégation, c'est-à-dire qu'il ne s'agissait pas seulement de femmes, mais malheureusement — ou heureusement —, je crois que la majeure partie était des femmes. Il y avait 23 vétérans.
Il y a donc un programme pour les vétérans et les militaires et un programme pour les familles. Effectivement, les familles qui offrent du soutien à d'autres familles ont à leur actif beaucoup d'expériences vécues.
Est-ce que des services sont offerts aux enfants — enfin peut-être pas à ceux qui ont trois ou quatre ans, mais aux adolescents, par exemple — pour les aider à composer avec des parents souffrant de ces blessures? Y a-t-il un volet consacré aux adolescents ou aux enfants qui sont en mesure de comprendre cette dynamique?
D'après ce que je sais, cela n'existe pas. Je n'ai jamais pu mettre cela sur pied et je ne pense pas que mes successeurs l'aient fait. C'est très complexe. Il y a eu de petites initiatives dans le cadre desquelles des pairs aidants, au niveau de la famille, s'alliaient à des travailleurs sociaux et à des psychologues au niveau local. C'était de petites initiatives locales. Par contre, sur le plan stratégique, il n'y a jamais rien eu.
D'accord.
Comment composez-vous avec les gens qui viennent chercher de l'aide par l'entremise d'un pair aidant, mais qui n'ont jamais consulté de professionnel de la santé et n'ont donc pas fait l'objet d'un diagnostic de crainte que cela figure dans leur dossier médical et que cela leur cause des problèmes, notamment en termes de carrière ou d'assurances? On ne sait pas vraiment à quel point leur blessure est grave.
En fait, vous venez de décrire environ 70 à 75 % des cas pour ce qui est des personnes qui accèdent au programme de soutien par les pairs. C'est en quelque sorte un cas typique. C'est exactement ce que vous venez de décrire.
Depuis trois ans, je travaille au civil avec la commission. Il est vraiment important de comprendre qu'un programme de pairs aidants ne remplace pas, comme vous le sous-entendez probablement dans votre question, les soins cliniques. Il les complète. Il y a en effet une complémentarité entre les deux systèmes lorsque les choses se passent bien.
Il y a 13 ans, quand j'ai mis sur pied cet organisme, beaucoup de médecins étaient convaincus que ça ne fonctionnerait pas, que c'était des gens malades, qu'ils allaient dépasser leurs limites et ainsi de suite. Heureusement, il n'y a eu aucun problème de ce genre. Les pairs aidants travaillent généralement en étroite collaboration. Il y a des endroits au Canada où cela va peut-être moins bien qu'ailleurs, mais je pense qu'en général, les pairs aidants sont le phare dans le lointain qui donne un peu d'espoir à ces gens. Ces pairs aidants leur donnent suffisamment confiance pour aller chercher de l'aide. S'ils ne le font pas, il est certain que leur situation va se détériorer. On ne peut pas leur garantir que leur médecin va leur permettre de se rétablir à 100 %. Par contre, il est certain que s'ils continuent de souffrir de symptômes de cette nature, ils vont faire des gaffes et vont être mis à la porte.
Essentiellement, le pair aidant encourage les gens à aller chercher cette aide, mais sans faire de promesses.
[Traduction]
Nous ne savons pas quel sera le résultat.
[Français]
Quoi qu'il en soit, c'est ce que j'ai remarqué lorsque je travaillais dans le cadre du programme et c'est ce que je remarque encore aujourd'hui du côté civil quand je travaille avec eux.
Y a-t-il une évaluation psychologique des pairs aidants qui participent au programme, soit chaque année, soit plus ou moins fréquemment, de façon à s'assurer que la tâche qu'on leur confie ne devient pas trop lourde pour eux? Procède-t-on à une évaluation pour s'assurer que le moral des pairs aidants ne se détériore pas à force d'aider les autres et de composer avec leur détresse?
J'aimerais mettre un peu les choses en contexte.
Lors des trois premières années du programme, on a évalué sur une base volontaire la santé mentale de nos employés pour voir si elle se détériorait, s'améliorait ou restait la même. On n'a pas remarqué de détérioration, malgré de petits accrocs ici et là. Par contre, on mettait beaucoup d'accent sur les soins personnels.
Ces soins personnels comportaient sept niveaux en ce qui a trait aux politiques du programme. L'un de ces niveaux clés était l'accès régulier à un psychologue. De plus, trois fois par année, on faisait une sorte de mise à jour où les gens pouvaient vraiment parler à un psychologue. Cela ne se situait pas sur le plan clinique, mais sur ce qu'ils faisaient pour protéger leur santé mentale. Il y a toute une théorie à cet égard. C'est ce que je disais plus tôt. Cet aspect a été abandonné et cela m'inquiète parce que c'est un pilier stratégique du programme.
Je ne sais pas si on le fait encore mais, pour répondre à votre question, on faisait à l'époque du dépistage médical. Toutefois, il ne s'agissait pas d'une évaluation psychologique. C'était plutôt un dépistage normal semblable à ce que l'on fait quand on engage quelqu'un qui a un problème de santé. On demande à cet employé de consulter son médecin et de lui montrer sa description de tâches. Le médecin peut regarder la description de tâches, comprendre son patient, faire des liens, dire si c'est approprié et s'il pense qu'il y aura des problèmes ou non. C'est un peu similaire à n'importe quelle autre condition médicale où un employé pourrait être à risque dans un autre environnement de travail.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier M. Grenier d'être avec nous aujourd'hui. On tient beaucoup à votre témoignage parce que, en vertu de votre expérience professionnelle très variée, ce que vous allez dire sur ces dossiers aura beaucoup de poids pour nous.
Je vous félicite pour le rôle que vous jouez dans la définition plus exacte et dans notre compréhension des blessures reliées au syndrome de stress post-traumatique. Je vous félicite aussi pour votre affectation en Afghanistan où on a eu l'occasion de se croiser, ainsi que d'avoir eu le courage de parler du Rwanda et de l'expérience lourde de cette opération. Elle est maintenant un peu loin dans le temps, mais elle est encore très présente quand nous réfléchissons sur l'Afrique et la situation internationale. C'était un cauchemar qu'on n'aimerait jamais voir se répéter.
J'aimerais passer à quelques questions très directes. Elles reflètent aussi nos conversations avec d'autres témoins. Votre expertise pourrait nous être très utile.
On a beaucoup parlé de la question de la ténacité, de la résistance et de la prévention des problèmes de santé mentale. Il y a parfois un débat entre les experts et les médecins à ce sujet. D'après votre expérience, jusqu'à quel point cela jouait-t-il un rôle pour les gens qu'on préparait à envoyer en Afghanistan ou au Rwanda? Est-il vraiment possible de renforcer et de rendre nos soldats plus résistants face à l'expérience parfois traumatisante qu'ils vont vivre et de prévenir des problèmes de santé mentale avec une bonne formation?
La question est très complexe. Je ne suis ni un scientifique, ni un épidémiologiste. Je parle donc à partir d'une expérience vécue, mais il y a aussi certaines évidences. Aujourd'hui, la neuroscience commence à établir de façon assez rigoureuse le fait qu'il est possible de changer.
En fait, on réalise depuis quelques années que le cerveau a une certaine plasticité. Selon moi, le vrai sens de votre question est la suivante. Que peut-on faire pour changer le cours des choses? Le fait d'exposer un bataillon complet ou une unité complète à des situations inimaginables va certainement avoir un grand impact. Comment faire pour mieux préparer les gens?
Il y a environ sept ou huit ans, j'ai créé un autre programme, qui s'appelle aujourd'hui le Bureau des conférenciers conjoint. C'est un programme pour éduquer les militaires qui a pris une envergure très positive au cours des dernières années. Ce programme s'appelle En route vers la préparation mentale. C'est la version « prédéploiement » du Bureau des conférenciers conjoint. Pour le comité, la beauté de ce programme est que ce ne sont pas des médecins qui enseignent la matière. Ce sont des soldats, des anciens combattants qui ont de la crédibilité auprès de l'auditoire. Il s'agit d'un premier pas dans la bonne direction.
Pour une prévention totale, il faudrait aller de l'avant et imposer un changement de direction de 180 degrés à la culture militaire. En fait, pour exercer le cerveau, selon des médecins et Matthieu Ricard, qui a fait des études avec les bouddhistes au Tibet, il y a beaucoup de changements philosophiques qui doivent se produire. Avec tout ce que je sais aujourd'hui, malheureusement, je ne pense pas qu'un homme de 19 ans soit prêt ou ait assez de maturité pour accepter ce changement philosophique. C'est une tâche colossale que d'amener un jeune homme de 20 ans qui veut servir son pays à penser d'une façon différente. Par contre, on sait que c'est possible.
Que nous apportera la recherche en neuroplasticité au cours des prochaines décennies? Ce sera à voir. Cependant, la réponse à votre question est oui. Le fait de savoir comment on pourra y arriver demeure une autre question.
Par contre, je ne crois pas que tout le monde va se porter volontaire pour devenir moine bouddhiste...
...ou sera prêt à subir cette préparation, mais un certain nombre d'entre eux vont faire cela ou quelque chose de semblable.
Je vais vous poser deux questions en même temps.
Vous avez constaté des lacunes dans notre système. On a déjà parlé de la question de leadership sans lequel rien ne pourrait fonctionner dans ce domaine.
Avez-vous eu l'occasion de faire la comparaison entre le Canada et ses pays alliés quant à la santé mentale et quant à la qualité de nos programmes? On essaie de faire cela dans le cadre de notre étude, mais vos commentaires à cet égard seraient très utiles.
Vous avez aussi parlé des deux types de blessures, à savoir les blessures dites normales et les blessures mentales, et du besoin de les traiter sur un pied d'égalité. On est d'accord avec vous à cet égard. Par contre, il reste qu'il y a un système de santé mentale beaucoup plus large que le système militaire. Il y a des hôpitaux qui se consacrent à ce genre de maladies.
Avez-vous noté des précédents intéressants dans le système civil ou dans d'autres systèmes militaires où les deux types de blessure sont considérés sur un pied d'égalité et qu'on pourrait vouloir essayer d'imiter?
En ce qui a trait à votre première question, je crois que si vous n'avez pas invité le Dr Marc Zamorski, vous devriez lui demander de comparaître devant votre comité. Il pourrait répondre de façon très rigoureuse à la question de savoir où se situe le Canada par rapport à ses alliés. Je souligne avec vous de façon très candide le fait qu'il a partagé avec moi en 2009 certaines études montrant que par rapport aux États-Unis, à l'Angleterre, à la Nouvelle-Zélande et à l'Australie, le Canada était un chef de file pour ce qui est de la « déstigmatisation ».
Le Dr Zamorski m'avait félicité et souligné que nous avions fait beaucoup d'efforts au niveau des pairs aidants. Il ne donnait pas tout le crédit de cette position par rapport à d'autres pays au programme que j'ai lancé, mais il disait que cela avait certainement eu un effet. Il faisait aussi allusion au fait que la culture canadienne n'était pas comparable à la culture des autres pays. C'est donc complexe, mais je vous suggère de l'inviter parce qu'en tant qu'épidémiologiste, il est très ouvert. Il pourrait vous donner beaucoup plus d'informations à cet égard.
Selon mon expérience et ce que j'ai remarqué en travaillant principalement avec les Américains, je crois qu'on est effectivement en avance. Pour ce qui est du terme de « blessure de stress opérationnel », qui est la traduction du terme anglais « operational stress injury », je l'ai développé d'une façon un peu stratégique en m'écartant de la notion de combat. Lorsque les États-Unis ont commencé à utiliser ce terme, qui a été adopté en premier lieu par le US Marine Corps, ils l'ont changé et sont retournés au mot « combat ». Ils parlent de « blessure de stress du combat » ou, en anglais, de combat stress injury.
À mon avis, il s'agit d'une erreur tactique parce qu'on a toujours l'impression qu'il faut être au combat pour avoir des séquelles d'un déploiement outre-mer. En somme, je crois que c'est un pas vers l'avant et aussi un pas vers l'arrière.
En réponse à votre deuxième question, pour ce qui est des deux types de blessure, ma réponse serait non. Malheureusement, je n'ai pas vu de programme aussi rigoureux qu'au Canada au plan non clinique. Dans certains pays, il y a beaucoup d'avancement au niveau clinique. Ce qu'ils vont faire, surtout aux États-Unis, ce sera d'aborder dès le départ la blessure physique avec une approche psychologique. Ici, au Canada, je pense qu'on est un peu en retard à ce sujet. Malheureusement, dans les autres pays, il n'y a pas d'importants programmes non cliniques. Je n'ai donc pas vu d'exemples qui seraient à suivre à cet égard.
[Traduction]
Merci.
Pour que tout le monde le sache, le Dr Mark Zamorski figure à notre liste de témoins potentiels, donc j'espère que nous allons l'inviter à comparaître.
Monsieur McKay, la dernière question vous revient, pour sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Merci, colonel Grenier.
Lorsque vous êtes revenu du Rwanda, vous souffriez d'un état de stress post-traumatique non diagnostiqué. Quel effet cela a-t-il eu sur votre carrière?
Je dirais qu'en bout de ligne, cela a eu une incidence sur la trajectoire de ma carrière, mais je dois dire en toute honnêteté que cela n'a pas vraiment eu d'incidence négative sur ma carrière, en ce sens que cela ne m'a pas empêché d'obtenir des promotions et de bons postes, mais je suis une exception. Je n'ai rien remarqué de tel.
Par contre, il y a tout ce qui ne paraît pas dans les écrits. Quand les gens apprennent qu'une personne a un problème mental, leur perception change très silencieusement. Différents sous-ministres délégués avaient soudainement des réactions très différentes à mon endroit. À toutes fins pratiques, j'ai été relevé de mes fonctions en 2006 parce qu'on me percevait probablement comme une personne qui avait un mauvais jugement, entre autres, et le fait que la personne qui m'a libéré savait que je souffrais d'une blessure de stress opérationnel a probablement contribué à la situation. Nous ne le saurons jamais.
Oui.
Ma fonction était alors de diriger le programme de soutien social aux blessés de stress opérationnel. Je militais à l'interne pour qu'on modifie les politiques. Comme je l'ai déjà souligné, la politique de reclassement était très importante pour retenir le personnel dans nos rangs. Bien sûr, certains SMA seront contents de cette façon de voir et d'autres non, et ceux qui ne sont pas d'accord auront probablement l'impression, sans même en avoir conscience, que: « Ce n'est pas surprenant que Grenier défende cette cause avec tant d'énergie, il est à moitié fou. » En gros, la stigmatisation s'opère de manière très intéressante et...
Très subtile, en effet.
M. Stéphane Grenier: Très subtile.
L'hon. John McKay: Vous avez dit que le Canada réussissait mieux que les autres à réduire la stigmatisation, et pourtant, dans votre cas personnel, à cause de votre rang, je suppose, la stigmatisation était assez subtile en soi.
Ce n'est peut-être pas juste de vous poser la question, mais je vais vous la poser quand même: croyez-vous que la médecine militaire traite votre type de diagnostic différemment de la médecine qu'on trouve ailleurs?
Je pense que le traitement offert dans l'armée est supérieur à celui offert à l'extérieur, et c'est une bonne chose, parce que nous avons l'obligation institutionnelle et morale de développer notre expertise en la matière. C'est la raison pour laquelle, quand je réclamais l'élargissement des programmes cliniques et de traitement, notamment en établissement, les gens me disaient: « Vous ne comprenez pas, Grenier, qu'il faut simplement envoyer ces patients dans le système de santé civil. » Pour moi, non, cela revenait à abdiquer, nous devions nous doter de cette expertise.
Prenons l'exemple du cancer. Je peux totalement comprendre que le médecin-chef n'a probablement pas besoin de se doter de moyens extraordinaires de lutter contre le cancer, parce qu'il existe des ressources civiles exceptionnelles pour traiter le cancer au Canada. Cependant, pour cette forme de blessure, qui est littéralement causée par le service militaire, si nous ne développons pas cette expertise, qui va le faire?
C'est donc là où nous en sommes. Je ne le sais pas, mais je suis pas mal sûr que c'est là où en est rendue notre psychiatrie militaire, et c'est une bonne chose.
Oui. En fait, une question me vient à l'esprit. Je n'ai pas bien saisi votre commentaire. Vous avez dit que nous devrions inviter à comparaître des personnes qui ont quitté la pratique militaire pour l'armée, mais je n'ai pas très bien compris...
Qui ont quitté la pratique médicale pour l'armée? Voulez-vous dire qu'elles laissent tomber leur pratique médicale pour entrer dans l'armée? Est-ce ce que vous dites?
Non. Je vais le reformuler. Il y a des médecins civils qui se font embaucher dans des cliniques médicales un peu partout au Canada pour accroître la présence en uniforme. En psychiatrie, il y a des psychiatres qui travaillent dans des cliniques militaires et qui voient des patients militaires. Ils restent en lien avec le grand hôpital de leur ville ou une pratique clinique de la vie civile, mais développent une expertise et travaillent dans notre système médical.
Les gens dont je parlais et qu'il serait intéressant que vous invitiez à comparaître devant le comité sont ceux qui choisissent de quitter ce système. Il y en a beaucoup qui décident de partir parce qu'ils ont de la difficulté, peut-être, à accepter le fait d'être payés plus cher pour voir moins de patients et qui trouvent que ce n'est pas correct, que ce n'est tout simplement pas correct.
Ils étaient payés davantage dans l'armée pour voir moins de patients ...
M. Stéphane Grenier: C'est exact.
L'hon. John McKay: ... qu'au civil?
C'est exact. On pourrait donc parler du manque d'efficacité du système militaire, et de la façon dont on le développe et le construit, et dans quelle mesure il pourrait être efficace ... Je ne dis pas que nous devrions encourager le médecin-chef à créer une usine à soigner les soldats, mais lorsque des psychiatres m'ont dit franchement qu'ils ne pouvaient tout simplement pas accepter de gagner autant d'argent pour voir trois patients par jour et passer le reste de la journée à se tourner les pouces, alors qu'il y a une liste d'attente de six mois ...
D'accord.
J'aimerais maintenant parler d'un autre de vos commentaires que j'ai trouvé intéressant. En fait, vous avez dit plusieurs choses intéressantes, mais je dispose seulement de sept minutes, et il m'en reste environ cinq, ou deux, ou moins.
Vous n'aviez pas l'air satisfait du processus par lequel vous avez été libéré. Vous êtes un lieutenant-colonel. Vous êtes bien connu et vous avez de bonnes relations. Peu importe le manque à gagner, vous pouvez probablement réussir à arranger les choses pour que le traitement ne soit pas aussi onéreux qu'il le serait pour un caporal. Pourriez-vous approfondir votre commentaire? C'est un problème assez grave.
La seule chose qui m'a motivé à faire ce que j'ai réussi à accomplir au cours des 12 dernières années de ma carrière, c'est que je me suis rendu compte que si les choses n'allaient pas bien pour moi, elles devaient être bien pires pour les soldats et les caporaux. C'est ce qui m'a motivé dans tout ce que j'ai essayé de faire ou de réussir, et pourtant, lorsqu'on m'a libéré 13 ans après le début de mes travaux sur ces problèmes systémiques, on avait les mêmes problèmes qu'il y a 12 ans, par exemple le manque de services de transition, où le MDN pourrait avertir Anciens Combattants que Grenier prend ces médicaments et qu'il faut veiller à ce que la couverture soit appropriée; toutefois, lorsque je suis allé à la pharmacie, j'ai dû payer mes médicaments. Mais ce n'était pas un problème. J'avais les 180 $ nécessaires pour acheter mes médicaments, et j'ai pu me les procurer. Toutefois, qu'en est-il d'une personne qui a un faible revenu ou qui n'a pas d'emploi et qui doit trouver 180 $? Qu'arrive-t-il à ces soldats ou à ces anciens combattants? Eh bien, ils se passent de ces médicaments, et lorsqu'une personne cesse de prendre ses médicaments, cela entraîne des problèmes.
Il s'ensuit que j'ai dû faire face à un problème qui existait il y a 12 ans, et que je pensais réglé, comme tant d'autres personnes. Encore une fois, si cela m'est arrivé, cela doit arriver à d'autres gens.
Monsieur McKay, votre temps est écoulé.
Monsieur Strahl, vous allez ouvrir la série de questions de cinq minutes. Les membres du comité doivent faire des commentaires aussi brefs que possible pendant la série de questions de cinq minutes, afin de permettre à tous les députés de poser leurs questions.
Merci, monsieur le président, et merci, colonel Grenier, de vos efforts passionnés à l'égard d'un problème qui ne semble pas du tout réglé.
Nous pourrons peut-être terminer avec les questions de M. McKay. J'aimerais utiliser une analogie liée au football, car il semble qu'on ait perdu le ballon entre le MDN et Anciens Combattants. Pourriez-vous me décrire comment le système est censé fonctionner? Vous avez parlé de services de transition. Cela signifie-t-il qu'un organisme ou des personnes sont, en théorie, censés s'en occuper? Où le système a-t-il échoué? Est-ce au niveau du processus ou est-ce parce que les gens passent à travers les mailles du filet?
Étant donné que nous espérons formuler quelques recommandations, j'essaie de savoir quels changements doivent être apportés, afin que des gens comme vous et ceux des rangs inférieurs n'aient pas à faire face à ce problème.
Tout le monde sait que je n'invente pas des choses lorsque je ne connais pas la réponse. Je ne suis pas certain. Toutefois, ce que les membres du comité devraient savoir — et vous devriez vérifier, car mes renseignements pourraient être périmés —, c'est que le MDN et Anciens Combattants Canada ont peut-être toujours deux inventaires différents en ce qui concerne les médicaments approuvés pour les troubles psychiatriques. Ce qui m'est arrivé, c'est probablement que le MDN et Anciens Combattants n'ont toujours pas réglé la question de savoir si le médicament était couvert par les deux ministères. Je crois qu'il était approuvé par le MDN, mais pas par Anciens Combattants. Il faut se demander pourquoi c'est couvert pour Grenier lorsqu'il porte l'uniforme, mais pas maintenant?
Dans le domaine de la psychiatrie, il s'agit probablement d'un très petit exemple de l'incohérence qu'on peut constater dans l'ensemble du système de santé mentale, non seulement dans l'armée et à Anciens Combattants, mais partout au Canada. S'il existait un comité qui se penchait sur les questions de santé mentale en général, il se rendrait compte que ce problème existe partout. Cela ne signifie pas que le MDN n'a pas besoin de se reprendre en main, mais le processus est très systémique.
... oui, qui doivent se parler ou qui doivent veiller à établir une transition harmonieuse.
Vous avez parlé de problèmes en matière de changement de spécialité, en reconnaissant bien sûr que l'armée doit déployer tout le monde et qu'une certaine norme doit être respectée. En utilisant l'exemple d'un soldat de l'infanterie qui ne peut plus être en contact avec des explosifs, comment, à votre avis, pourrait-il changer de spécialité sans cesser de satisfaire aux exigences fondamentales? Ces personnes satisfont aux exigences physiques et à toutes les autres normes de l'armée, mais elles ne pourraient pas participer aux combats actifs. Pouvez-vous nous expliquer vos commentaires?
Je ne sais pas si les membres du comité connaissent le concept des restrictions à l'emploi. Lorsque les médecins praticiens communiquent aux membres de la direction et aux gens qui prennent des décisions au sujet de la carrière de ces personnes des renseignements qui les aideront pendant le processus décisionnel, ils ne divulguent pas les diagnostics. On ne communique aucun renseignement médical, mais on informe la chaîne de commandement des restrictions à l'emploi. Ces restrictions sont habituellement très claires, c'est-à-dire qu'elles sont des descriptions en termes non médicaux de ce qu'une personne peut ou ne peut pas faire dans l'armée. Évidemment, ce sont des médecins qui les écrivent, et ces médecins connaissent la compagnie médicale.
Je me souviens d'un exemple. Il y a plusieurs années, nous examinions le dossier d'un caporal-chef de blindé à Petawawa. Le directeur de la gestion du soutien aux blessés et moi-même faisons partie de l'unité qui libère les militaires, et nous avons le pouvoir de dire que nous devons libérer cette personne ou de demander si nous avons le pouvoir de la retenir. Parfois, nous avons ce pouvoir, mais nous ne savons pas ce qu'il faut faire avec cette personne. Je me souviens mot pour mot de la restriction d'emploi inscrite au dossier de ce caporal-chef: « Ne peut plus servir dans le corps blindé ». C'était exactement cela mot pour mot. C'était la restriction d'emploi écrite noir sur blanc par un médecin en uniforme. À mon avis, cela ouvre la porte aux tests d'aptitudes pour un changement de spécialité. Malgré cette restriction extrêmement claire, on a refusé le reclassement et la personne a été expulsée de l'armée.
Dans un cas aussi limpide que celui-là — et ils ne sont pas tous comme cela, croyez-moi —, mais lorsqu'ils sont clairs, on devrait donner une chance à ces soldats.
Merci, monsieur le président.
Je remercie notre témoin d'être avec nous aujourd'hui.
Monsieur Grenier, j'aimerais applaudir toute l'énergie dont vous avez fait preuve. Ce que vous aviez à dire était très intéressant. D'ailleurs, j'aurais 40 questions à vous poser, mais on va se limiter à la période de cinq minutes qui m'est allouée.
Tout d'abord, quand j'étais dans la réserve, j'ai eu des instructeurs qui étaient allés en Bosnie. Il s'agissait d'instructeurs extraordinaires. Ces sergents avaient des blessures physiques et mentales. Je l'ai constaté pendant l'entraînement. J'ai vu des cas où certains se sont mis à pleurer. Je me suis rendu compte que c'était une culture. Je me rends compte que cela n'a pas beaucoup changé, mais on cachait tout. On n'en parlait pas et il fallait qu'on absorbe cette douleur. Il n'y avait pas beaucoup de soutien. Il y a quand même eu une évolution, ce qui est positif.
Il y a deux minutes, vous avez parlé d'incitatifs. J'ai trouvé cela intéressant. Parler de son besoin de soutien peut-il constituer un problème? Vous avez parlé de deux problèmes. Tout d'abord, l'aspect physique et l'aspect mental sont séparés. De plus, si on déclare ses blessures et qu'une évaluation est faite, il y a de bonnes chances qu'on perde son emploi. Ai-je bien compris ce point?
On n'a que cinq minutes et je sais que mon autre question risque de demander plus de réponses. Que pourrait-on faire pour améliorer les aspects incitatifs compte tenu de cette culture?
Comme vous l'avez sûrement constaté, je ne mâche pas mes mots. Lorsque je ne suis pas content, je le dis. Par contre, à cet égard, les Forces canadiennes ont apporté des améliorations. Encore une fois, le Dr Zamorski pourrait vous démontrer que les choses ont bien changé au cours des dernières années.
Lorsque j'ai quitté pour mon affectation à la Commission de la santé mentale du Canada, la majorité des militaires — sinon 80 % d'entre eux — qui démontraient des signes avant-coureurs de problèmes de santé mentale six mois après leur retour de Kandahar recevaient déjà des soins cliniques. Ce n'était pas le cas lors du conflit en Bosnie. On attendait, de façon générale, entre sept et huit ans avant d'aller chercher de l'aide.
Dans les années 1990, il y avait de sept ou huit ans d'attente. On était blessés, ça n'allait pas bien et notre vie était en train de tomber en morceaux. C'est moins de six mois aujourd'hui. C'est une différence assez remarquable. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problème. Sur ce plan, on a fait beaucoup et c'est une bonne chose. Cela semble vous surprendre un peu.
Non, mais je suis content d'entendre cela.
M. Stéphane Grenier: Ce n'est pas par contre pour tout le monde.
M. Jean-François Larose: En ce qui a trait aux incitatifs, comme vous le mentionniez, il y a un problème.
Oui, mais la culture a bien changé.
Si on avait plus de temps, je pourrais vous raconter des histoires. En fait, j'encourage le comité à visionner la vidéo dont je pourrai vous donner le titre ultérieurement. On a produit une vidéo de 30 minutes sur la culture militaire et les blessures liées au syndrome de stress post-traumatique. Dans cette vidéo, on voit des soldats en uniforme qui parlent énormément. Cette vidéo démontre selon moi un peu la réalité de tous les jours. Les militaires la cachent beaucoup moins qu'auparavant.
Dans la vidéo, on voit notamment un sergent d'infanterie en Afghanistan et son témoignage est remarquable. On n'a pas donné de script à ce sergent. Il a raconté comment les choses sont arrivées en Afghanistan. Il a parlé de cela de façon très ouverte. Des soldats lui ont dit qu'ils étaient inquiets parce qu'il commençait à prendre de mauvaises décisions. C'était après un combat contre les talibans. Pour que des soldats et des caporaux disent à un sergent commandant de section qu'ils sont inquiets parce qu'il commence à prendre des décisions un peu loufoques, il faut que la culture ait changé. Quand j'étais plus jeune, de telles choses ne se passaient pas.
C'est exact.
Vous avez parlé de l'importance des familles et c'est très important. Où se trouvent les besoins des familles dans le programme de parrainage? Comment vivent-elles ça? Avez-vous vu une évolution?
Je ne peux pas vraiment émettre de commentaires sur l'évolution. Encore une fois, je ne connais pas la perspective familiale. Par contre, dans le cadre de mon travail, j'ai compris à un moment donné qu'il y avait beaucoup d'isolement et de culpabilité. Les familles ne savent pas ce qui se passe et ce qui arrive au noyau familial. Plusieurs épouses se culpabilisent, se demandent si elles sont responsables du problème et croient que leur mari ne les aiment plus. Parce que toutes ces dynamiques ne relèvent pas d'un incident auquel on peut associer une date et qui serait évident sur le plan physique, par exemple la perte d'une jambe, elles causent une érosion du noyau familial.
Les femmes de militaires souffrent beaucoup d'isolement, de culpabilité et de honte. Lorsqu'elles s'en rendent compte, il faut leur offrir de l'aide. C'est pourquoi je me demande si on peut faire quelque chose pour améliorer les services destinés aux familles. À l'heure actuelle, les épouses ne peuvent pas s'adresser aux cliniques établies sur les bases. Elles doivent aller se mettre en file dans le système de santé mentale. Au niveau gouvernemental, la question est de savoir si on considère que ces familles ont mérité qu'ont leur accorde la priorité. C'est la première question.
La deuxième consiste à savoir quel genre de soins de santé mentale ces familles reçoivent du côté civil. Je ne crois pas que le système de santé civil ait été conçu pour composer avec ces dynamiques et qu'il soit assez robuste pour le faire.
Bref, dans un monde parfait, ces familles obtiendraient ces services sur les bases et non pas dans le domaine civil.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Par votre entremise, j'aimerais aussi remercier les témoins d'être ici aujourd'hui.
J'aimerais poser un grand nombre de questions, mais je dispose seulement de cinq minutes.
Il y a quelque chose qui m'intéresse vraiment. Lorsqu'un militaire est blessé, physiquement ou mentalement — je ne prendrai pas la peine de préciser le type de blessure —, êtes-vous en train de me dire qu'il n'y a aucune unité dans les Forces armées canadiennes qui s'occupe de déterminer quel type d'emploi cet officier blessé pourrait occuper — sans tenir compte de ceux pour lesquels il n'est pas qualifié — étant donné qu'il ne peut plus servir dans une unité précise? N'y a-t-il aucune unité qui s'occupe de ces cas? Est-ce que le commandant ou un membre de l'unité doit s'en occuper?
Non, monsieur. Il y a une unité au quartier général, à Ottawa, qui prendra cette décision. Ses membres examineront le dossier d'une personne. Ils détermineront si la personne peut changer de spécialité ou non. Il y a un bureau qui s'en occupe. Toutefois, à mon avis, le processus qui permet aux militaires blessés d'être retenus dans l'armée est mal calibré. Il est calibré selon une vision désuète du reclassement adoptée en temps de paix. Je ne m'excuserai pas pour ce que je suis sur le point de dire, mais je suis d'avis que lorsqu'un soldat a servi loyalement pendant 17 ans et qu'il a été déployé sept fois, nous devrions lui donner une autre chance s'il souhaite continuer à servir et que ses restrictions à l'emploi ne l'empêchent pas d'être déployé ailleurs et qu'elles lui permettent de faire la transition vers une spécialité moins exigeante.
Je ne dis pas, monsieur, que tous les militaires blessés devraient être retenus. L'armée existe pour se battre pendant les guerres, mais il y a place au changement.
Je m'intéresse aux processus. Les gens qui travaillent avec cette personne jour après jour — c'est-à-dire son commandant, la personne qui est à ses côtés... J'ai des antécédents paramilitaires. N'y a-t-il pas quelqu'un, dans la chaîne de commandement, qui peut dire: « C'est mon soldat. Voici ce qui ne fonctionne pas. Je le connais et j'ai travaillé avec lui pendant de nombreuses années. Voici son dossier avant qu'il soit sous mes ordres. Il ne peut plus travailler dans mon unité. Toutefois, je crois qu'il est en mesure de faire ceci ou cela ou autre chose »?
Le commandant sait quelles autres sections de l'appareil militaire pourraient le recevoir. Êtes-vous en train de me dire qu'un tel processus n'existe pas, ou qu'on ne porte pas suffisamment attention à cela dans les rangs supérieurs?
L'unité qui prend la décision ici, à Ottawa, se fonde sur une série de rapports. Le commandant a habituellement son mot à dire, et on en tiendra compte. Je crois que les processus nécessaires sont en place. Le système a suffisamment de ressources pour que cela fonctionne. Toutefois, le processus décisionnel se fonde sur un paradigme désuet. J'ai été témoin de ce processus décisionnel, et je ne le modifierais pas. Par contre, je modifierais les filtres à travers lesquels les gens examinent les dossiers. Comme je l'ai dit plus tôt, lorsqu'on lit un dossier qui mentionne qu'une personne ne peut plus servir dans le corps blindé, c'est très clair, et mon interprétation, c'est qu'on peut se demander ce que ce militaire peut faire maintenant. Toutefois, pour une raison qui m'échappe, les décideurs interprètent le dossier d'une façon très différente.
Le système est en place. Le commandant a son mot à dire, mais malheureusement, il manque une partie de la culture.
Le filtre est-il aussi le système ou une attitude particulière? Les gens reçoivent des promotions parce qu'ils correspondent au profil que recherchent les gestionnaires. Les militaires des rangs supérieurs s'occupent de la gestion. C'est comme une entreprise. Les gestionnaires offrent des promotions aux gens qui, selon eux, ont l'attitude qui répond le mieux à leurs besoins, et il s'ensuit que ce qu'il faut changer, c'est l'attitude des gens.
Dans le rapport que nous allons rédiger, quels types de recommandations pourrions-nous formuler pour résoudre ce problème? Étant donné que je suis le député d'une circonscription où se trouve une très grande base militaire, c'est-à-dire Trenton, les soldats viennent me voir lorsqu'ils ont des problèmes, et je suis surpris que nous ayons autant de succès dans le système.
Quelle recommandation précise pourrions-nous faire pour aider à changer le filtre?
Je crois que la question à un million de dollars, c'est de savoir qui effectue la vérification de ce processus. Personne ne vérifie ce processus. Je suis désolé, mais si vous êtes un soldat qui a subi des blessures psychologiques et qu'on vous demande de faire un redressement de grief ou de vous présenter devant le tribunal, vous n'aurez pas l'énergie ou les moyens de le faire. Étant donné qu'il n'y a pas de processus de vérification, je crois qu'on atteindra un point où, peut-être grâce à vos efforts, on demandera au ministère de la Défense nationale de démontrer que chacun des soldats blessés qui ont été libérés ne pouvait pas travailler ailleurs dans l'armée sans nuire à l'efficacité opérationnelle. C'est la solution passe-partout.
Si vous faites du travail administratif dans la salle des rapports de Trenton, à quel point devez-vous être opérationnel? Je comprends le concept d'universalité du service, mais si vous adhérez à ce principe, vous vous rendrez compte que dans la marine, la force aérienne et l'armée, on n'utilise pas les mêmes tests pour déterminer l'universalité du service. Un soldat d'infanterie doit faire beaucoup plus d'efforts physiques pour satisfaire à l'exigence d'universalité du service qu'un soldat qui travaille à Trenton.
Cela dit...
Monsieur Grenier, merci d'avoir accepté de comparaître devant nous aujourd'hui.
J'aimerais qu'on revienne un peu sur l'origine du programme de soutien par les pairs que vous avez créé et sur les motivations qui vous ont poussé à créer ce programme.
Je comprends que ce programme s'apparente davantage à une psychothérapie qu'à une approche médicamenteuse. Est-ce un des paramètres qui a joué dans la motivation de créer ce programme? On sait que certaines personnes ne répondent pas à des approches pharmacologiques pour traiter des blessures sur le plan de la santé mentale.
Je vous dirais que non. En fait, juste pour corriger le tir un peu, je dirais que la pairaidance n'est pas une approche psychothérapeutique, ni une approche allant à l'encontre d'une approche pharmacologique.
La semaine dernière, je parlais à des gens qui veulent lancer, dans une province, un programme de pairaidance pour les médecins. Ils ont déjà un programme à ce sujet, mais pas en santé mentale. Ce sont des pairs aidants en ce sens que ce sont des médecins qui aident d'autres médecins. Or, ils veulent ajouter à ce programme un niveau plus profond, en l'occurrence la santé mentale, puisque beaucoup de médecins souffrent de problèmes de santé mentale.
Je pense que les médecins comprennent la nuance. Lorsqu'un médecin en province souffre, appelle le programme d'aide aux médecins et demande au médecin-conseil comment il a fait pour s'en sortir, le médecin-conseil ne peut pas répondre à cette question. En effet, la personne qui occupe le poste de médecin-conseil n'a jamais vécu cette situation. Ultimement, la pairaidance vient répondre à cette question et donne à l'individu l'espoir de pouvoir suivre un cheminement psychothérapeutique, pharmacologique ou peu importe.
C'est souvent ce manque d'espoir qui fait que quelqu'un qui souffre de problèmes de santé mentale aujourd'hui, dans notre société, ne va pas chercher de l'aide. On se dit que ce sont des charlatans et que ça ne fonctionne pas. Or, il n'y a rien comme de poser cette question et d'obtenir une réponse franche, authentique, qui vient du coeur, qui nous explique comment la personne s'en est sortie et qui nous assure que la personne sera là avec nous, que nous allons nous en sortir ensemble.
Donc, la pairaidance, c'est cet accompagnement.
D'accord.
Vous avez mentionné un problème qui pourrait se produire. De fait, on pourrait percevoir différemment ce qui constitue des blessures liées au stress opérationnel et ce qui constitue des blessures liées davantage à un stress de combat.
Cela me fait penser à une de mes concitoyennes qui souffre de ce genre de problème. Comme elle était à bord d'un bateau, elle n'a pas été directement exposée au combat. Il s'agit davantage d'un stress opérationnel que d'un stress lié au fait d'être déployée. Elle n'a pas été directement en contact avec la réalité, par exemple, d'un engin explosif qui aurait explosé devant elle.
Dans le cadre de votre programme, qu'est-ce que les pairs peuvent apporter de plus dans ces deux différents cas, selon vous?
Premièrement, le paradigme qu'apporte la pairaidance prévoit qu'il n'y a pas de diagnostic requis. Le modèle médical habituel demande un diagnostic et une liste de symptômes. Chacune des interventions va traiter un symptôme particulier avec une intervention particulière. De son côté, la pairaidance regarde l'être humain et comprend, dès le départ, qu'on ne s'attend pas à ce qu'il y ait eu un incident, une bombe qui a explosé ou autre chose pour constater qu'il y a un problème. On comprend dès le départ que le problème de cette personne peut être lié à un traumatisme, à de l'usure, au wear and tear ou à de la fatigue opérationnelle. Cela peut être liée à un deuil ou aux conflits moraux que vit l'institution.
Quand on élargit la compréhension de ce qui fait en sorte qu'un individu va décompenser et va souffrir d'une maladie psychologique, on ne juge pas. On comprend de façon plus élargie que de simplement constater des traumatismes. Il y a une sorte d'acceptation généralisée. En somme, nos pairs aidants sont choisis parce qu'ils comprennent ces dynamiques. Ils ne jugent pas. C'est en fait une ouverture d'esprit qu'on recherche. C'est certain que si on choisissait des pairs aidants qui ont été seulement au combat, qui ont une vision très limitée des choses et qui sont portés à juger, ce ne serait pas la même chose. En ce qui me concerne, je ne les choisirais pas. On a des critères de sélection. On essaie de choisir quelqu'un qui a vraiment une belle ouverture d'esprit et qui comprend tout cet éventail de causes.
[Traduction]
Merci beaucoup, colonel, de comparaître devant le comité.
Vous avez mentionné que votre ESPT et votre dépression, à votre retour du Rwanda, n'avaient pas été diagnostiqués.
Je suis certain, et je suis passé par tout cela, qu'on fait subir des examens de santé avant le déploiement et après le déploiement aux membres des Forces armées canadiennes, afin de tenter de diminuer le nombre de blessures infligées au combat, y compris les blessures psychologiques. En plus, lors d'une promotion à un rang supérieur, du moins dans la force régulière, on doit subir un examen de santé, du moins au niveau d'officier, et lors de la libération, il faut subir un autre examen de santé.
Comment est-ce différent? Je comprends — et j'en ai fait personnellement l'expérience — que lorsqu'on est déployé, l'examen de santé effectué avant le déploiement est très complet et très bien fait. Par contre, celui effectué après le déploiement ne l'est pas autant. Et on n'effectue pratiquement aucun examen après la libération d'un déploiement.
J'ai pris ma retraite en 2009. Y a-t-il une différence maintenant ou observez-vous les mêmes choses que moi?
Dans mon cas, il faut se rappeler que le problème qui n'avait pas été diagnostiqué est survenu après le déploiement au Rwanda. À l'époque, on n'effectuait aucun examen avant le déploiement. Et en 1994, on n'en effectuait aucun après le déploiement.
Dans certains cas, mais ce n'était pas systémique.
Le problème, c'est que lorsque je suis devenu suicidaire en 1995, environ six mois après mon retour, je suis allé à l'hôpital, j'ai subi des tests, et on m'a essentiellement donné quelques somnifères et on m'a renvoyé à la maison. C'était en 1995. Environ un an plus tard, on a inscrit un diagnostic dans mon dossier médical. Au début, on ne m'avait donné aucun diagnostic et j'ai vécu comme cela pendant un an. On m'a finalement donné un diagnostic, mais ce que ma bio ne dit pas, c'est que personne ne m'a appelé pour me dire qu'on venait de découvrir ce qui m'arrivait; il s'est donc écoulé de nombreuses années avant que je reçoive un traitement. Mais c'était à cette époque-là, et il est important de ne pas penser que ce qui est arrivé à Grenier en 1994, en 1995 et en 1996 se produit toujours aujourd'hui; non, les choses sont très différentes aujourd'hui, mais c'est pourquoi...
Lorsque j'ai été chercher de l'aide, on ne m'a donné aucun diagnostic, et lorsqu'on a finalement posé un diagnostic, personne n'a pris la peine de me le dire. Cela ne m'a pas vraiment aidé à l'époque, et c'est pourquoi je suis devenu tellement motivé pour arrêter ce système qui laissait les blessés comme moi partir sans tenter de les aider.
Ces examens sont différents. Je travaillais dans la force régulière et j'ai constaté que l'examen était très superficiel après le déploiement.
Les forces leur demandent seulement d'indiquer si leur tension artérielle est élevée et d'y prêter attention, etc. Ne faudrait-il pas élargir un peu ce dépistage?
Je ne le sais pas. Puisque je ne suis pas médecin, je ne peux pas commenter la question.
Si le militaire a un problème de santé qui résulte de son métier et que le ministère des Anciens Combattants doit l'aider, la transition devrait se faire très facilement. Si j'avais le cancer, les forces ne le sauraient peut-être pas si l'examen est incomplet. Mais si je décède du cancer, ce ne sera pas à cause de mon métier. La transition doit bien se faire si les forces sont au courant des blessures et des maladies dont souffre le militaire. Mais je ne peux pas commenter l'exhaustivité du processus médical concernant la transition et la libération. Honnêtement, ce n'est pas mon expertise.
D'accord.
J'ai une autre question.
Ce qu'il y a de plus traumatisant pour un militaire, c'est d'être forcé de quitter ou de quitter les forces armées. Pouvez-vous commenter la question?
Je pense que la culture militaire est très exigeante, mais elle n'est pas plus problématique que les autres. La question n'est pas d'établir quel est le degré d'exigence ou s'il est plus ou moins élevé qu'ailleurs, mais le travail dans les forces est très exigeant et unique en son genre. Je crois que la transition entre la mentalité et la culture militaires et la réintégration dans la société, qui fonctionne différemment, constitue un grand changement pour une personne en santé. C'est très difficile d'être littéralement rejeté du système si on est blessé mentalement, même si des améliorations ont été apportées. Toutefois, bien des militaires ne devraient pas avoir à suivre ce processus. Ils devraient continuer à servir dans les forces. C'est un phénomène déplorable.
Merci, monsieur le président.
Merci de votre témoignage, lieutenant-colonel Grenier.
Je vais parler du point de vue civil, pour avoir représenté les travailleurs dans le mouvement syndical. Je ne sous-entends pas le moins du monde qu'il s'agit de métiers, de cultures ou de sens du devoir semblables. C'est clair que le niveau de préparation des militaires diffère de celui des travailleurs, mais au moins en Ontario, l'employeur doit s'adapter dans une certaine mesure à la personne blessée, physiquement ou mentalement. Mais c'est sûr que l'employeur n'est pas tenu d'assumer tous les coûts possibles. Parfois, la personne n'est pas en mesure de retrouver un emploi dans son milieu de travail.
Corrigez-moi si je me trompe, mais vous avez dit que l'obligation d'adaptation se limite aux métiers des corps blindés pour ceux qui les exercent. Le militaire doit être apte à travailler dans les blindés, pour employer le jargon militaire, sinon il est libéré.
J'admets que, dans certains cas, les forces armées sont un domaine qui semble plus restreint que le travail dans la société civile, mais les forces ne tiennent-elles pas compte de la volonté des gens qui s'enrôlent? Les gens veulent poursuivre une carrière de 25 ou 30 ans, pas rester dans les forces quelques années seulement. N'avez-vous pas l'obligation de vous adapter et d'offrir des options à ceux qui ont choisi de continuer à travailler dans les forces? Le système ne devrait-il pas préciser au fur et à mesure quelles autres fonctions peut occuper le militaire des corps blindés avant d'être libéré? Les services de transition constituent une question différente.
À votre avis, monsieur, devons-nous y réfléchir et en faire mention dans nos recommandations, concernant les militaires qui souffrent d'incapacités en raison d'une blessure?
Vous devez savoir que les forces ont un processus d'adaptation, mais il me paraît inadéquat et ne m'inspire pas confiance. Je ne suis simplement pas d'accord en ce qui a trait à son application.
Chaque année, tous les métiers militaires indiquent quel est leur pourcentage de vacance selon le rang. Par exemple, il pourrait y avoir trois logements adaptés pour les adjudants d'infanterie. Les forces s'adaptent donc aux militaires atteints d'incapacités et vont aider ceux qui ont besoin de logements adaptés.
Vous savez sans doute que l'organisation doit s'adapter dans la mesure où elle ne subit pas un préjudice injustifié. C'est pourquoi il y a une limite quant au nombre de logements adaptés par rang et par métier. On peut comprendre qu'un métier dans lequel tous les militaires sont blessés ne peut pas servir le pays dans un déploiement.
Ce qui est insensé selon moi dans le processus d'adaptation, c'est qu'il se fonde sur le principe du premier arrivé, premier servi. Si vous avez droit aux mesures d'adaptation selon votre rang et votre métier le lendemain de la publication de la liste des logements adaptés, votre dossier sera traité en priorité. Les règles ont peut-être changé, mais d'après ce que j'en sais, le processus ne tient toujours pas compte de la durée du service, du mérite ou d'autres facteurs. Autrement dit, et je n'aime pas parler crûment, si un militaire incompétent... Nous avons des sergents et des capitaines incompétents.
C'est un problème, selon moi. Je comprends que le processus a ses limites, mais je pense que nous pouvons l'améliorer un peu. L'obligation d'adaptation existe et s'applique dans les FC, mais elle ne doit pas se fonder sur le principe du premier arrivé, premier servi.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup de votre présence, colonel. Je vous en suis sincèrement reconnaissant.
Je vous comprends concernant l'obligation d'adaptation. Je pense qu'il faut examiner son application d'un peu plus près, parce que les politiques peuvent aussi changer après notre départ. Je pense que nous devons faire preuve de diligence et tirer ça au clair, parce les militaires ne sont pas toujours les premiers à signaler qu'un changement est survenu.
Je veux maintenant parler des familles. Vous avez dit au début de l'exposé que les familles sont parfois les dernières personnes informées ou invitées à participer au processus. Lorsque j'ai dû y prendre part, j'ai veillé à ce que les familles participent à part entière à toutes les étapes.
Selon vous, pourquoi les familles sont-elles en général reléguées au dernier rang?
C'est très clair que les forces ne peuvent pas traiter les familles et c'est pourquoi elles ne le font pas en théorie. Mais à titre de conseiller du chef du personnel militaire en matière de blessures dues au stress, j'ai rencontré dans les bases des travailleurs sociaux très innovateurs qui aidaient les familles à l'insu du système. Si le chirurgien de la base posait des questions, le travailleur répondait que le militaire était à la salle de bain lorsqu'il s'entretenait avec la famille, ce qui est légal. Il ne faut pas restreindre cette façon très novatrice de fournir des soins de santé aux familles. Je pense que ça place les professionnels de la santé dans une situation très... Ces derniers doivent fournir au noir les soins dont la famille a besoin. Je pense que c'est injuste, mais la loi stipule que la Défense nationale ne peut pas fournir des soins de santé aux familles.
C'est pourquoi les documents des forces et des Anciens Combattants s'adressent aux militaires et à leurs familles, qui sont toujours une considération secondaire. Il faut bien sûr établir un ordre de priorité, mais les familles sont oubliées dans la stratégie et l'approche adoptées.
Je suis convaincu qu'il est profitable de fournir des soins à toute la famille, parce que si nous la laissons voler en éclats, les militaires vont continuer de quitter les rangs. La littérature est là pour le prouver. L'aide accordée aux familles profiterait grandement aux militaires et au fédéral.
C'est simplement une autre approche, mais elle n'est pas nouvelle. En Allemagne, les femmes de militaires peuvent obtenir des soins de santé dans la base. L'histoire présente des exceptions. Je pense qu'il est temps pour nous de les examiner de nouveau et d'envisager des changements.
D'accord.
Je veux maintenant parler des autres organisations et savoir à quel point elles aident selon vous les militaires qui souffrent de BSO et qui effectuent une transition, sans forcément changer de métier, etc. Vous connaissez bien la fondation True Patriot Love, La Compagnie Canada et l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, etc. Dans quelle mesure les organisations de ce genre parviennent-elles à traiter les militaires qui souffrent de BSO et de blessures en général?
Malheureusement, je ne connais pas assez bien leurs programmes pour dire s'ils ont du succès, mais je constate qu'il y a un besoin continu pour ces organisations. La fondation Wounded Warriors était très efficace à certains égards. Je pense que c'est un excellent système d'appoint. Si les fonctionnaires fédéraux ne sont pas en mesure de régler le problème à cause d'une lacune dans la loi, ces programmes peuvent sans doute aider le militaire.
Je ne dirais pas que des failles sont sciemment prévues dans le système, mais j'ai constaté que ces programmes sont efficaces et représentent un filet de sécurité si les programmes fédéraux sont insuffisants. Je ne peux pas en dire plus, mais je félicite les responsables de ces programmes d'appoint.
Merci, monsieur le président.
Je n'ai pas eu le privilège de porter l'uniforme, mais j'ai été conseiller militaire à la CNUCED. Ma spécialité était l'approvisionnement d'urgence en eau, en électricité et en logement. Même si je n'ai pas travaillé en zone de combat, je sais que les intervenants civils peuvent aussi subir des blessures de stress opérationnel. Concernant les grands contingents qui soutiennent les missions de l'ONU, y a-t-il une différence entre la participation aux combats et le travail en dehors des zones de combat? Les divers types de BSO se manifestent parfois bien plus tard dans la vie.
Je vais vous faire part d'une expérience personnelle. Je suis encore traumatisé d'être arrivé devant un charnier lorsque je devais purifier l'eau. Je me demande souvent si j'ai besoin de consulter un psychiatre, même si je suis convaincu de pouvoir gérer les conséquences psychologiques de cette expérience et que je suis toujours capable de fonctionner. Je répète que les BSO peuvent se déclarer beaucoup plus tard durant la vie.
Comment devons-nous examiner le travail dans les zones de combat par rapport à celui en dehors des zones de combat et en temps de paix, où les gens peuvent quand même vivre un stress opérationnel?
Je pense que votre question renvoie aux fondements de la définition sur les quatre causes de blessures de stress opérationnel, que nous avons élaborée avec l'U.S. Marine Corps en 2007-2008.
C'est clair que le traumatisme est une cause. Je crois que je peux dire sans me tromper que les militaires vivent un traumatisme très intense en situation de combat. Les événements traumatiques peuvent malheureusement entraîner des problèmes de santé mentale pour certaines personnes.
Les trois autres causes de blessures de stress opérationnel sont souvent oubliées, incomprises et ignorées. Concernant une question précédente, je crois que, même après des années de combat en Afghanistan, elles demeurent les principales raisons pour lesquelles les militaires décompensent. Il y a la fatigue, l'effet cumulé que les difficultés rencontrées ont sur l'âme... Je ne parle pas du besoin de dormir, mais du militaire qui a du mal à poursuivre son travail, parce qu'il a vu trop de fosses communes.
Il y a le deuil, le sentiment de perte, en tant que blessure de stress. Le militaire n'a pas besoin de connaître la personne décédée pour ressentir le deuil. C'est une émotion qui découle de l'ensemble des pertes. M. Alexander est allé en Afghanistan. Il y avait beaucoup de cérémonies d'adieu, n'est-ce pas? Tout le contingent pleure les disparus. Seulement deux de mes soldats sont morts durant ma période de service. Je les connaissais très bien et je vivais un deuil personnel, mais le deuil collectif vécu dans l'armée chaque fois qu'un cercueil arrive au Canada entraîne des conséquences.
Enfin, il y a le conflit moral, qui est sans doute la principale cause de blessures de stress. Je pense que c'est ce dont vous avez parlé. On pense accomplir un certain nombre de tâches en allant à l'étranger, puis tout d'un coup, on ne sait pas comment réagir dans les situations inattendues. Il s'ensuit un conflit moral et toutes sortes de questions; c'est une boîte de Pandore.
Je ne sais pas si vous avez besoin d'un traitement, monsieur, mais c'est bien d'en parler. Je vous félicite de cette preuve d'humanité.
J'ai toujours été très ouvert au sujet de mes expériences, mais je regarde la situation du point de vue institutionnel. Le comité doit dire au Parlement si notre rôle — dans le maintien de la paix à l'échelle internationale, car nous ne sommes pas toujours en situation de combat — donc, si notre rôle doit être inclus dans ce cadre de services de soutien en matière de stress opérationnel.
Absolument. C'est la raison pour laquelle je dis qu'il ne faut pas laisser ces programmes s'effriter maintenant que nous ne sommes pas en mission, car un jour, nous le serons de nouveau. Je suis convaincu que les missions de maintien de la paix affaiblissent les militaires tout autant que les missions de combat. J'espère qu'un jour le Parlement tiendra compte du coût humain de ces missions, pas seulement du coût du carburant, des bottes, des chars ou des avions.
Merci. Le temps est écoulé.
Avant d'amorcer la troisième série de questions, j'aimerais vous poser quelques questions.
Monsieur Grenier, vous parlez de la prestation des services et des écarts qui existent entre les différents paliers, par exemple, entre le ministère des Anciens combattants et la Défense nationale, et la qualité des services provinciaux comparativement à celle des services offerts dans les Forces canadiennes.
J'ignore si vous avez pris connaissance du rapport de l'ombudsman intitulé « Ténacité dans l'adversité » à l'intention du ministre. Avec sa sixième recommandation, l'ombudsman recommande que le leadership stratégique des FC examine la viabilité d'une application plus moderne du principe de l'universalité du service.
Est-ce le message que vous voulez transmettre aujourd'hui, qu'il faut améliorer l'universalité du service?
Honnêtement, monsieur Bezan, je crois que l'universalité du service n'existe pas. Sincèrement. Je ne suis plus dans les forces, mais je crois qu'elles se trompent si elles croient qu'il est possible d'évaluer tous les soldats, marins ou membres de la force aérienne en fonction des mêmes normes afin de déterminer leur capacité physique et mentale à servir. Je sais pertinemment qu'un caporal du 2 RCR à Petawawa aura plus de difficulté à démontrer qu'il est apte à servir qu'un technicien de cellule d'aéronef à Trenton si l'on applique des normes d'universalité du service. C'est pourquoi il faut modifier notre système de normes. Un fantassin à Petawawa, où les normes sont plus élevées qu'à Trenton, qui n'est plus en mesure de démontrer sa capacité de servir en fonction de l'universalité du service... Cessons de jouer à l'autruche et donnons-lui une chance. Laissons-le aller à Trenton, et je vous parie qu'il satisfera à ces normes. À mon avis, c'est la plus grosse erreur qu'il faut corriger. L'ombudsman a tout à fait raison.
Il faudrait que j'y réfléchisse. Je n'avais pas envisagé de répondre à cette question, mais je sais que tout commence au niveau de l'état-major. Je comprends que... J'espère qu'un jour un chef du personnel militaire ou d'état-major de la Défense réalisera que l'on fait fausse route avec l'universalité du service. C'est un peu comme un alcoolique qui réalise enfin qu'il a un problème de consommation.
Malheureusement, certains de nos dirigeants n'ont pas encore réalisé que c'est une vraie farce. Tant qu'ils ne le réaliseront pas, rien ne changera.
Je vous félicite pour tout le travail que vous avez fait pour réduire la stigmatisation et rassembler diverses organisations afin d'offrir un soutien aux membres des Forces canadiennes.
La semaine dernière, Bronwen Evans, de la Fondation La patrie gravée sur le coeur, est venu nous dire que les femmes militaires dans les Forces canadiennes ont moins tendance à admettre qu'elles sont atteintes du TSPT ou d'une autre BSO.
Selon votre expérience, dans les Forces et le secteur privé, avez-vous remarqué la même chose, que les femmes n'admettent pas qu'elles ont un problème et qu'elles ont besoin d'aide?
Mon expérience dans le secteur privé est limitée, mais dans les réunions auxquelles je participe et dans les entreprises avec lesquelles je travaille, ce sont majoritairement des femmes qui en parlent. La fondation prétend que les femmes militaires n'admettent pas qu'elles ont un problème, mais ce n'est pas ce que j'ai constaté. Il y a beaucoup plus de femmes que d'hommes qui désirent participer aux programmes, mais j'ignore pourquoi.
Je dois dire que...
J'ignore ce que c'est que d'être une femme dans les Forces, mais j'imagine qu'elles doivent travailler aussi fort sinon plus fort que les hommes pour faire leur place dans ce monde d'hommes. Donc, une fois qu'elles ont réussi à se tailler une place, leur chute risque d'être beaucoup plus brutale si elles admettent leurs vulnérabilités possibles ou perçues. J'imagine que c'est vraiment ce qui se passe. Cependant, j'ai vu beaucoup de femmes admettre leurs problèmes lorsque j'étais dans les Forces. D'ailleurs, certains de mes meilleurs pairs aidants étaient des femmes. Elles faisaient un travail extraordinaire.
Je crois que les participantes à notre programme sont représentatives de la démographie militaire. Cela dit, je ne conteste pas le témoignage dont vous parlez.
Merci.
Nous allons maintenant amorcer notre troisième et dernière série de questions afin que tous les membres puissent poser d'autres questions.
Madame Moore, vous avez la parole.
[Français]
Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir à la question du soutien par les pairs.
Dans les programmes, c'est clair que c'est très difficile pour les personnes de sortir de la stigmatisation et de dire qu'elles ont des problèmes de santé mentale et que ces problèmes ont des impacts sur leur vie. Souvent, parmi ces problèmes, on va observer des problèmes de dépendance à l'alcool ou à d'autres substances. Quand on parle d'alcool, on a vu par exemple qu'avec les Alcooliques Anonymes, il y a une forme de soutien par les pairs qui fonctionne bien.
Quand on parle de drogue, c'est différent. Contrairement à la vie civile où la consommation comme telle de drogue n'est pas stigmatisée, dans les forces armées, elle l'est. Donc, pour les gens, il y a déjà le stigmate d'avoir un problème de maladie mentale. Le deuxième problème est que si quelqu'un parle du fait qu'il consomme de la drogue, cela risque d'entraîner pour lui la fin de sa carrière militaire.
Comment peut-on mieux gérer la situation de dépendance aux drogues ou de consommation dans les forces armées? Y aurait-il un rôle à jouer par les pairs à cet égard? J'apprécierais si vous pouviez me donner votre opinion en ce qui a trait à ce problème.
Vous savez sans doute que la Défense nationale a instauré des politiques de blind testing et d'évaluation sur qui pourrait potentiellement prendre de la drogue. Par contre, vous savez sans doute, en tant que parlementaires qui se penchent sur ces questions, qu'un soldat est quelqu'un d'ingénieux. Nos soldats le sont vraiment.
Quelque chose qui n'était ni attendu ni délibéré s'est produit. En vertu d'une politique qui a été instaurée, des tests ont été mis en vigueur pour vérifier qui avait consommé de la drogue pendant la fin de semaine, par exemple. Or les soldats, dans certains endroits, ont commencé à remplacer le cannabis par des drogues un peu plus robustes, notamment de la cocaïne. Pourquoi? Parce que la cocaïne est éliminée par le corps en 24 ou 48 heures alors que le cannabis reste dans le sang ou dans l'urine pendant quelques mois.
Essentiellement, en termes stratégiques, il faut d'abord se demander quelles sont les répercussions inattendues de nos politiques en matière de dépistage de la drogue. Le problème d'un soldat qui prend de la drogue ou de l'alcool pour composer avec sa maladie mentale est ce qu'on appelle le problème présenté, mais ce n'est pas le problème fondamental, à moins qu'il s'agisse d'un genre de voyou criminel qui a réussi à passer à travers les mailles du filet du centre de recrutement. Il reste qu'en général, c'est une façon de composer avec la maladie.
Ce qu'il faut faire, c'est traiter la maladie, faire en sorte qu'elle soit reconnue. D'un point de vue stratégique, je crois qu'il faut conserver nos programmes de soutien par les pairs pour encourager les gens à aller chercher de l'aide le plus tôt possible. Il ne faudrait vraiment pas laisser s'éroder les programmes de santé mentale des Forces canadiennes pendant les années d'austérité. La pire chose que le gouvernement pourrait faire serait de laisser l'armée sabrer dans ce qui est parfois perçu comme le gras. On a finalement créé des programmes qui se tiennent. Il ne faudrait vraiment pas que l'armée les perde.
Bref, pour répondre à votre question, je dirais d'abord que le dépistage actuel a peut-être des causes dévastatrices sur certains individus à cause de l'ingéniosité de ces derniers et, ensuite, qu'il faut vraiment continuer de mettre l'accent sur la santé mentale. C'est mon opinion.
À l'heure actuelle dans les Forces canadiennes, est-ce que les gens qui consomment de la drogue en parlent ou est-ce qu'il s'agit d'un fait qui reste secret jusqu'à ce qu'ils se fassent prendre? Est-ce que certains vont chercher de l'aide avant de se faire prendre?
Encore une fois, je ne peux pas valider mon opinion, mais mon intuition me dit que dans le cas d'une catégorie plutôt jeune, soit ceux qui ont moins de dix ans de service, par exemple quatre ou cinq ans, une culture s'instaure dans certaines unités. On considère que c'est cool. Bien sûr, comme partout ailleurs, les gens ne vont pas le crier sur tous les toits, mais parmi eux, ils sont au courant et font de gros partys la fin de semaine.
Comme je l'ai dit, les militaires essaient de contourner les politiques de dépistage. Le cannabis est moins cher mais plus risqué sur le plan du dépistage. La cocaïne est plus chère, mais comporte moins de risques quant au dépistage. Les problèmes de drogue sont un peu plus élaborés qu'à l'époque où les gens s'en tenaient au cannabis.
En fin de compte, c'est uniquement s'ils se font prendre et acculer au pied du mur, c'est-à-dire si on les force à prendre des mesures, qu'ils agissent.
D'accord, merci.
Savez-vous quelle proportion des participants au programme sont des membres actifs, c'est-à-dire encore en service, et quelle proportion représentent les vétérans?
Malheureusement, je n'ai pas de statistiques avec moi. Je suis à l'extérieur du programme depuis trois ans. Toutefois, ce sont des statistiques faciles à obtenir. Il ne devrait pas y avoir de difficulté à cet égard.
Oui.
Une femme militaire peut-elle demander de consulter une autre femme ou se fait-elle simplement assigner quelqu'un sans pouvoir choisir le sexe de l'intervenant? Dans le cas du syndrome de stress post-traumatique, par exemple, il peut être plus facile pour une femme de discuter avec une autre femme.
Est-ce que cette possibilité existait?
Vous parlez d'une notion importante, soit celle du pair aidant. Lorsque je mets en oeuvre des programmes dans l'industrie privée ou au sein de grandes compagnies, on fait la même chose. Il n'y a pas de façon officielle d'accéder au soutien par les pairs. Autrement dit, la personne qui a besoin d'aide se réfère à la personne qui lui convient. Si vous consultez le site Web du SSBSO, vous allez voir une carte du Canada comportant les noms de tous les gens disponibles. Vous pourriez être à Petawawa et si vous choisissez de parler à Janet qui est à Winnipeg, vous pourriez faire un appel interurbain. Cet appel sera payé par les contribuables, mais ce n'est pas grave, car les gens se parlent.
Il s'agit d'une différence fondamentale avec un système médical qui est vraiment orchestré et très dogmatique. Ce système médical comporte des documents de référence et des ordonnances. Le système du pair aidant va à l'encontre de cette philosophie. C'est un système complémentaire. Philosophiquement, c'est un gros changement, mais ce n'est pas un problème. Le système du pair aidant ne fonctionne pas comme cela.
Ma réponse est positive. La personne choisit celle avec qui elle se sent à l'aise.
[Traduction]
Je vous remercie des efforts que vous avez faits pour être ici. Votre témoignage, qui dure maintenant depuis deux heures, est fascinant.
J'aurais quelques questions à vous poser.
J'ai déjà entendu l'observation que vous avez faite au sujet des drogues douces et dures. Les soldats sont très habiles à déjouer les tests de dépistage des drogues.
J'aimerais revenir au début, au moment où vous avez jugé que les Forces avaient besoin d'un programme de soutien par les pairs. Selon ce que je retiens des témoignages entendus, on ne passe pas de la parole aux actes. Les troupes disent qu'elles ont besoin de ce genre de thérapie, alors que l'état-major prétend qu'il n'existe aucune preuve empirique de l'efficacité de ces thérapies. Il y a des arguments valides de part et d'autre.
J'aimerais savoir quel rôle vous avez joué dans la création de ce programme de soutien par les pairs et comment celui-ci sera lancé. Avez-vous rencontré de la résistance par rapport à ce projet et comment faites-vous pour mesurer la réussite du programme?
En ce qui concerne la résistance, à l'époque, nous étions confrontés à un paradigme clinique solidement ancré. Au fait, je crois que les FC se dirigent à nouveau dans cette direction, peut-être sans le savoir; elles se laissent de nouveau influencer par le milieu clinique, et je crois que c'est une partie du problème. Le but du programme était de donner à l'état-major un rôle très actif et proactif pour la faire participer.
Je me rends un peu partout au pays pour donner des conférences...
Je parle de l'état-major dans son ensemble. Il doit reconnaître que la santé mentale de ses membres n'est pas une question clinique.
Lorsqu'une personne est malade, c'est certainement un problème clinique; elle a besoin d'un traitement approprié, par exemple. Mais, au Canada, la santé mentale des employés n'est pas la responsabilité d'un médecin; c'est la responsabilité de la direction de l'organisation. La santé mentale des employés est entre les mains des PDG et vices-présidents. C'est à eux de décider comment ils assumeront cette responsabilité.
À mon avis, avant cette nouvelle approche du soutien par les pairs, nous devions composer avec le seul paradigme utilisé par les forces en matière de santé mentale: dès que quelqu'un montrait des signes comportementaux inacceptables, on lui disait d'aller consulter un psychiatre. Selon moi, c'est le principal problème.
Une personne qui s'effondre mentalement n'a pas nécessairement besoin d'un diagnostic et de médicaments. Elle a peut-être seulement besoin de parler à quelqu'un, que son patron l'écoute. Où est passée l'interaction humaine en milieu de travail? De nos jours, la seule interaction humaine que l'on a, c'est lorsqu'on demande à quelqu'un: « As-tu reçu mon courriel? »
Nous avons essentiellement déshumanisé les milieux de travail au pays, y compris dans les forces. La stratégie derrière cette orientation vers un soutien par les pairs, que je pratique dans le secteur privé, était de redonner individuellement à chaque milieu de travail un caractère humain. C'était la motivation derrière ce projet.
Le problème, c'était le modèle clinique utilisé dans le cas d'un soldat blessé... Il ne faudrait surtout pas qu'un soldat blessé puisse enfiler son pantalon, arriver à l'heure au travail et aider un collègue sans se blesser davantage. Treize ans plus tard, ils font encore tous ce travail — enfin, pas tous. Certains ont quitté le programme, et c'est bien. Mais, vous savez? Personne ne s'est suicidé. Tout s'est bien déroulé.
La question de mesure est un autre problème. Depuis ma retraite des forces, j'ai mis sur pied un organisme sans but lucratif — je siège bénévolement au conseil d'administration —, qui relève du ministère de l'Industrie, ayant pour mandat de mesurer et de confirmer l'efficacité du soutien par les pairs au pays. Si le ministère de la Défense veut des données, il n'a qu'à contribuer à l'organisme et nous serons heureux d'effectuer des mesures. Les matrices existent déjà.
J'ai l'impression que la question de la santé mentale était très importante aux yeux du général Natynczyk.
M. Stéphane Grenier: En effet.
L'hon. John McKay: On pourrait dire que c'était un fait saillant dans sa carrière. Pourtant, vous dites qu'en cette période de repli et de compressions budgétaires, vous craignez de voir ces programmes disparaître, ou à tout le moins être réduits.
Avez-vous des exemples de programmes précis ou est-ce une impression générale que vous avez?
L'histoire nous apprend que lorsqu'il y a des compressions budgétaires... et peut-être avec raison. Vous savez? Tout le monde a une opinion. J'ai éprouvé des problèmes de santé mentale et contemplé le suicide. Alors, je sais à quel point il est important pour nos troupes de ne pas laisser ces programmes se détériorer.
Donc, je crois que l'histoire nous prouve que... en fait, depuis que ces données sont recueillies, et je crois que ce sera encore le cas au cours des cinq prochaines années, l'adoption de mesures d'austérité entraînera l'érosion de ces programmes. Je ne crois pas qu'ils seront systématiquement coupés; leur détérioration sera graduelle.
À mon avis, c'est malheureusement le sort qui attend les programmes non cliniques. Il y a déjà des signes avant-coureurs de cela. C'est peut-être un symptôme. Auparavant, le Bureau des conférenciers conjoints, qui était une approche non clinique en matière d'éducation en santé mentale, était sous la direction de la Gestion du soutien aux blessés, le volet administratif du dossier. Cette responsabilité a été transférée au médecin-chef.
Il s'agit de la première erreur stratégique. Lorsque le médecin-chef a besoin de fonds pour acheter des scalpels, où ira-t-il les chercher? Il ira puiser dans ce qui est perçu comme étant l'excès. Pourquoi? Parce que c'est un médecin qui prend des décisions sur ce qui est important pour des médecins.
À mon avis, les programmes non cliniques de santé mentale pourraient être victimes de ces compressions — peut-être pas, mais c'est une possibilité.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Pour nous, cette conversation est des plus stimulantes. On apprécie beaucoup toutes les dimensions de votre témoignage. Vous mettez le doigt sur un aspect très important de ce phénomène très vaste des blessures liées au syndrome de stress post-traumatique et de celles qui ne sont pas liées au combat, comme le deuil, la fatigue et le conflit moral. Ce sont différents aspects de l'angoisse morale qui nous accompagne lors des missions civiles et militaires, lorsqu'on est proches du conflit et des pertes de vies.
D'après mon expérience et d'après votre témoignage, je constate qu'il y a une variation de l'incidence des blessures selon la nature de la mission, la nature de l'opération et même du sort de l'opération, l'issue de la mission et la variation géographique. Cela dépend aussi de ce qui s'est passé par la suite. La mission est-elle considérée comme étant un succès ou non? Cet aspect est-il pertinent ou non?
Absolument, je pense que oui. Vous avez sans doute entendu des anecdotes où certains soldats voulaient retourner en Afghanistan pour y mourir, pour finir le travail ou pour venger la perte de leurs collègues, à certains égards. C'est certain que l'ambiguïté du succès en Afghanistan, par exemple, va demeurer une question morale. Avec plusieurs années de recul, les gens qui sont peut-être toujours endeuillés par la perte de collègues au combat ou peu importe se demanderont fondamentalement ce qu'ils y ont accompli. C'est certain que le sort de la mission en Afghanistan n'est toujours pas décidé. Cela va peut-être prendre encore 10 ans.
Il reste que cette question fondamentale doit être posée dans le cas de toutes les missions, et pas seulement celle en Afghanistan. Malheureusement, le général Hillier a tellement accordé d'importance à l'Afghanistan que rien d'autre ne comptait. Toute cette attention portée à l'Afghanistan était bien intentionnée, mais je crois que cela a fait en sorte que plusieurs soldats reviennent des autres missions en se disant qu'ils ne comptaient pas.
Cette blessure morale dans une institution est l'équivalent stratégique d'un parent qui porte attention à un enfant plus qu'à l'autre. On a donné toute l'attention à l'Afghanistan pendant toutes les années de cette mission. D'après moi, cela a manqué un peu de maturité sur le plan du leadership.
Admettons qu'il faille faire un choix relativement aux investissements à faire, aux intentions politiques, aux ressources financières et autres, dans ce défi que représentent les traitements en santé mentale. Je vais catégoriser les éléments en quatre options. La première option serait d'investir dans le traitement médical professionnel, qui a besoin d'être renforcé. On essaie de le faire, mais il y a encore des lacunes à cet égard, comme vous le savez. La deuxième option serait d'investir dans le renforcement et, surtout, la qualité du leadership dans cette période d'après-combat. La troisième option serait d'investir dans des programmes de pairaidance, que vous connaissez très bien. Enfin, la quatrième option serait d'investir dans des programmes de prévention et de renforcement de la résistance.
Bien sûr, il faut investir sur tous les fronts, mais à quoi accorderiez-vous la priorité?
Pour ce qui est du traitement, on y est rendu. C'est bon. Selon mon expérience, c'est correct.
Pour ce qui est de la pairaidance, le programme existe et il fonctionne bien. Ne le changeons pas. Ne le perdons pas. Il n'y a pas d'investissement autre à faire là.
Pour ce qui est du leadership, je crois que des programmes d'éducation en leadership existent.
Si j'ai une recommandation à faire, c'est d'investir en prévention. La prévention de quoi? Le prochain tournant stratégique, à l'échelle nord-américaine, canadienne et au sein des Forces canadiennes, c'est la prévention du suicide.
On n'a même pas commencé à comprendre le suicide, malgré les études épidémiologiques. J'ai eu une corde autour du cou, monsieur Alexander. J'étais à trois minutes de me tuer. Mon courriel à la police était écrit. Tout était fait. Avec le recul, en gardant cela en tête, ce qui se fait aujourd'hui en matière de prévention du suicide me permet de conclure qu'on ne comprend pas le suicide.
[Traduction]
Je ne cadrais pas dans le modèle des personnes à risque de suicide lorsque je me suis mis la corde autour du cou.
[Français]
Je dirais donc qu'il faut investir dans la prévention du suicide.
J'aimerais terminer en ajoutant une chose, monsieur le président. Moi-même, lorsque j'étais étudiant, j'ai travaillé à Montréal avec des communautés qui faisaient face à ce défi que représente la volonté de se suicider. Encore aujourd'hui, je suis le dossier de près. Monsieur Grenier, vous avez beaucoup de courage d'en parler, de continuer d'en parler et de travailler dans le domaine. Merci.
[Traduction]
Nous voulons vous remercier, monsieur Grenier, d'avoir accepté notre invitation. Merci également de votre franchise, de votre honnêteté et de nous avoir fait part de votre expérience. Je tiens également à vous remercier de votre préoccupation générale à l'égard de nos troupes et de ceux qui ont servi notre pays, et de l'empathie dont vous faites preuve à leur endroit. Merci aussi de votre leadership pour créer les groupes de soutien par les pairs et de vos efforts visant à mettre en place un groupe de travail mixte pour aider ceux qui en ont besoin.
Des membres de ma famille luttent contre la dépression. Je sais à quel point cette maladie peut être sévère et l'impact qu'elle peut avoir sur le reste de la famille. Je veux vous remercier pour votre engagement et le rôle que vous continuez de jouer dans les dossiers des BSO et de la santé mentale.
La séance est levée.
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