:
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux membres du comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions au sujet de n'importe laquelle des dispositions du projet de loi à l'étude.
J'ai pensé que la chose la plus utile que je pourrais probablement faire, c'est de vous parler un peu de moi-même, de mon point de vue sur la question et sur le contexte d'une mesure législative comme celle-ci.
Comme le président l'a indiqué, je suis actuellement le doyen de la faculté de droit à l'Université de Calgary; auparavant, j'ai été le doyen de la faculté de droit à l'Université Western Ontario, pendant 11 ans. Je suis membre du barreau depuis maintenant 26 ans, et j'ai le titre de conseil de la Reine en Nouvelle-Écosse.
Fait inhabituel pour quelqu'un qui comparaît devant vous, je crois, j'ai aussi passé 21 ans au sein des Forces canadiennes en tant que matelot, comme on le disait dans la marine, ou dans les termes d'aujourd'hui, en tant que militaire du rang. Pendant bien plus de la moitié de ma vie adulte, j'ai eu l'expérience d'être assujetti au Code de discipline militaire et au système de justice militaire. Cela me donne peut-être un point de vue différent de celui de gens qui viendront témoigner et qui pourraient avoir de l'expérience militaire, mais qui n'auraient pas le point de vue d'un non-gradé.
D'après mon expérience des discussions que j'ai eues à ce sujet avec des gens qui ont principalement une expérience du monde civil, l'obstacle n'est pas tant dans les détails que dans la compréhension des contextes sociaux très différents avec lesquels le système de justice militaire doit composer.
La raison d'être d'une société civile, la société dans laquelle nous vivons, est d'offrir la plus grande liberté possible et de limiter l'ingérence de l'État dans nos libertés individuelles.
La raison d'être de la société militaire est de protéger la société civile. Pour ce faire, les Canadiens ont besoin d'un groupe de gens qui feront des choses qui sont contre nature. Si on leur en donne l'ordre, ils mettront leur vie en danger et, s'ils en reçoivent l'ordre légitime, ils tueront d'autres personnes sans qu'il y ait de recours juridique. Si l'ordre légitime de tuer une autre personne est donné, le militaire n'a d'autre choix que d'obéir à cet ordre. Pour un civil, cette façon de structurer une organisation sociale est tout à fait contre nature, mais à l'instar de toute société régie par la primauté du droit, c'est nécessaire. Il est nécessaire que la police nous protège de l'intérieur et nous avons besoin des forces pour nous protéger de l'extérieur.
Le prix à payer pour demander aux membres des forces armées un engagement si peu naturel, c'est que nous devons être prêts à accepter que leurs valeurs puissent être différentes des nôtres, pas entièrement, mais profondément différentes à certains égards. Ils accordent une grande importance à la cohésion sociale et au maintien de la discipline interne et de l'ordre, des notions tout à fait étrangères aux civils. Lorsqu'on compare notre système judiciaire — le système judiciaire civil — au système de justice militaire, il nous est très facile de présumer que l'on compare des pommes aux pommes, alors que le fondement même de la société, de cette organisation sociale, est radicalement différent.
J'ai eu l'occasion d'étudier le projet de loi et, à mon avis, il s'agit d'une tentative d'établir un équilibre avec les besoins pertinents des militaires qui sont nécessaires au maintien de leur capacité de combat et de leur efficacité. N'oubliez pas que même lorsque les militaires participent à des opérations de maintien de la paix, ils sont en mesure de le faire parce qu'ils constituent une force de combat. Il s'agit d'un équilibre entre les besoins des militaires pour le maintien de leur efficacité en tant que force de combat, un équilibre où l'on tente — autant que possible — d'offrir aux militaires, des gens qui font un formidable sacrifice pour nous, le plus de protection et de liberté possible correspondant au besoin de maintenir une force de combat.
Monsieur le président, c'était ma déclaration préliminaire. Comme je l'ai indiqué au début, c'est avec plaisir que je répondrai plus tard à vos questions ou à celles de tout membre du comité.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Monsieur le président, honorables membres, bon après-midi.
Je suis heureux d'être ici pour répondre à vos questions sur le rôle du Comité des griefs des Forces canadiennes relativement au processus des griefs militaires, étant donné que certains des éléments du projet de loi nous touchent directement.
Permettez-moi tout d'abord de vous donner un aperçu du comité.
Le Comité des griefs des Forces canadiennes a entamé ses activités en juin 2000. C'est un tribunal quasi judiciaire indépendant du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes. En fait, le comité représente la seule composante externe du processus de règlement des griefs des Forces canadiennes.
Depuis sa création, le comité a fait la preuve de son excellence en matière d'analyse et de résolution des griefs militaires. Il a développé une vaste expertise sur une multitude de sujets liés à l'administration des affaires des Forces canadiennes. En plus de l'examen des griefs individuels, notre travail nous permet également de déceler certaines tendances plus générales et des domaines de mécontentement que nous pouvons par la suite relayer aux officiers et cadres supérieurs des Forces canadiennes.
Sur le plan législatif, le mandat du comité est d'examiner les griefs qui lui sont renvoyés conformément à la Loi sur la défense nationale et aux Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes.
[Traduction]
Au niveau opérationnel, le président du comité est responsable de la répartition du travail entre les membres. Lorsqu’un grief lui est assigné, le membre est responsable de l’examen du dossier à titre de membre unique. Une fois l’examen achevé, le membre du comité soumet ses conclusions et recommandations à la fois au plaignant, ou à la plaignante, et au Chef d'état-major de la Défense. C'est à ce dernier que revient la décision finale concernant le grief. Le Chef d'état-major de la Défense n’est pas tenu d’adopter les conclusions et recommandations du comité, mais, s'il choisit de s'en écarter, il doit en expliquer les raisons par écrit.
En ce qui concerne le projet de loi , je me réjouis de constater que ce projet comprend un article permettant de remplacer le nom actuel du comité par celui de « Comité externe d'examen des griefs militaires ». Ce changement peut sembler anodin. Toutefois, il s'agit d'une modification importante, longuement souhaitée par le comité.
Le comité a constaté en effet que son nom actuel contribue souvent à des malentendus et complications. Ce changement de nom contribuera à mieux faire comprendre le rôle particulier et unique pour lequel le comité a été créé. Il marquera également son indépendance institutionnelle tout en clarifiant son mandat. Dans son rapport présenté en décembre 2011, le juge LeSage a adhéré au raisonnement du comité et a soutenu le changement de nom du comité dans la recommandation 48 de son rapport.
[Français]
Le projet de loi se voulant la réponse législative au rapport sur la justice militaire rédigé il y a plusieurs années par le regretté Antonio Lamer, ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, je voudrais ici réaffirmer le soutien du comité aux 18 recommandations incluses dans ce rapport et qui concernent le processus des griefs.
Plusieurs de ces recommandation ont déjà été mises en oeuvre, alors que d'autres sont contenues dans le projet de loi . Malheureusement, trois recommandations touchant directement les affaires du comité et qui visent à faciliter son travail n'y figurent toujours pas. Une des ces recommandations propose de permettre à un membre du comité de clore les dossiers qu'il a en main à l'expiration de son mandat. Une deuxième concerne l'octroi d'un pouvoir d'assignation au comité, alors que la troisième appelle à ce que le rapport annuel du comité corresponde à l'année financière plutôt qu'à l'année civile. Afin de mettre en oeuvre ces trois recommandations, des modifications à la Loi sur la défense nationale seront nécessaires.
L'importance de ces trois recommandations ne peut être minimisée. Par exemple, les conséquences négatives du fait que les membres du comité ne peuvent pas achever l'examen des griefs qu'ils ont en main à l'expiration de leur mandat ont récemment nui directement aux activités du comité. En effet, à partir du moment où un dossier est reçu par le comité, il faut compter de deux à trois mois, en moyenne, pour qu'un membre du comité en finisse l'examen et formule ses conclusions et recommandations. De ce fait, l'automne dernier, j'ai été incapable d'assigner des griefs à trois de mes membres expérimentés du comité durant les trois derniers mois de leurs mandats respectifs, même si des dossiers attendaient d'être examinés.
[Traduction]
Je voudrais maintenant parler d’une question récurrente qui préoccupe le comité et qui est que seuls certains types de griefs sont renvoyés au comité pour examen. La Loi sur la défense nationale n’impose aucune restriction au renvoi de griefs au comité. Cependant, en vertu du règlement d'application de la loi, seuls les griefs appartenant à quatre types doivent être obligatoirement renvoyés au comité. Cela représente environ 40 p. 100 du total des griefs qui atteignent le dernier palier du processus. D'autres griefs peuvent également être renvoyés au comité pour examen sur une base discrétionnaire.
En raison de ce règlement, ce ne sont pas tous les membres des Forces canadiennes, dont les dossiers arrivent au dernier palier, qui bénéficient d'un examen externe et indépendant de leur grief par le comité. Nous estimons que chaque militaire devrait, au dernier palier, pouvoir compter sur l'examen indépendant et externe de son grief par le comité, peu en importe le sujet. Il s'agit là d'une question d'équité et de transparence, deux autres préoccupations soulevées par le juge en chef Lamer dans son rapport.
Aussi, vous êtes peut-être au courant que le dernier examen de Loi sur la défense nationale effectué l’année passée par le juge LeSage recommandait que tout grief qui n’a toujours pas été réglé à la satisfaction du plaignant, ou de la plaignante, devrait être examiné par le comité, une fois qu’il atteint l’autorité de dernière instance.
Selon le juge LeSage, un examen par le comité fournirait au Chef d’état-major de la Défense une opinion plus équilibrée. Le comité partage ce point de vue et estime que si tous les griefs non réglés lui sont renvoyés pour examen, les membres des Forces canadiennes et le Chef d’état-major de la Défense bénéficieraient d’un examen indépendant et expert; la contribution du comité au processus des griefs n’en serait que plus grande.
Le comité croit fermement aux avantages d’un nouveau modèle de renvoi des griefs, tel que soutenu par le juge LeSage. Le comité est optimiste à ce sujet et espère que les Forces canadiennes adopteront ce nouveau modèle et le mettront en oeuvre.
[Français]
Finalement, au cours des débats à la Chambre des communes au sujet du projet de loi , j’ai noté que plusieurs honorables parlementaires s'intéressaient à la composition du comité, certains suggérant que 60 % de ses membres devraient n’avoir aucune expérience au sein des Forces canadiennes.
Bien que la désignation des membres du comité soit la responsabilité du gouverneur en conseil, je voudrais, en ma qualité de président, profiter de l'occasion pour partager avec vous certaines de mes expériences et vous faire part de mes inquiétudes à ce sujet.
L’indépendance du comité est essentielle. C’est ce qui lui permet d’assumer son mandat. Le comité ne fait partie ni des Forces canadiennes ni du ministère de la Défense nationale. Il a été créé par un texte législatif et, comme je l'ai déjà mentionné, ses membres sont nommés par le gouverneur en conseil. Le président du comité, ses vice-présidents et ses membres sont nommés à titre inamovible, et non pas à discrétion, pour un mandat de quatre ans qui est renouvelable. Le président est le premier dirigeant du comité. Il supervise et dirige le travail et le personnel de l’organisation.
Finalement, en tant qu’administrateur général, le président rend compte au ministre responsable du portefeuille et au Parlement, et veille à ce que le comité soit efficace et remplisse bien son mandat. Toutes ces dispositions déjà en place constituent, à mon avis, autant de mesures garantes de l’indépendance du comité.
Cela dit, l’indépendance du comité doit être protégée et préservée. Comme je l’avais mentionné lors de ma précédente comparution devant vous en février 2011, à mon avis, la loi en vigueur n’offre pas une telle protection au comité. En effet, le paragraphe 29.16(10) de la Loi sur la défense nationale prescrit qu’un officier ou un militaire du rang peut être nommé, en détachement, comme membre du comité.
Une des raisons fondamentales de la création du comité était de fournir un examen externe, tant au chef d’état-major qu'aux membres des Forces canadiennes qui soumettent un grief. Si un membre en service actif des Forces canadiennes est nommé membre du comité, l’indépendance du comité vis-à-vis de la chaîne de commandement sera en danger. Dans son rapport, le juge LeSage a recommandé de s’abstenir de nommer des membres actifs des Forces canadiennes comme membres du comité. J'approuve cette recommandation.
J’espère que, grâce au travail des honorables membres de ce comité, un consensus sera atteint durant l’examen du projet de loi pour que ce paragraphe soit éliminé de la Loi sur la défense nationale. Cela contribuerait grandement à garantir que les griefs sont examinés de manière indépendante par une organisation externe aux Forces canadiennes.
[Traduction]
En ce qui concerne la composition du comité, après quatre ans en tant que président, je peux témoigner sans hésiter qu’avoir une expérience militaire constitue un atout au sein de ce tribunal spécialisé qu’est le Comité des griefs des Forces canadiennes. Cependant, je crois également qu’il y a de la place pour la diversité parmi les membres du comité. En fait, dans son rapport, le juge LeSage recommande que — je cite — « les membres nommés au Comité des griefs soient des personnes provenant de tous les horizons, notamment des personnes qui n’ont pas d’antécédents militaires ».
Sachant que le mandat du comité porte exclusivement sur l’examen des griefs militaires, j’estime que ce serait une erreur d’exclure des candidats potentiels en raison d’un précédent service militaire, ou simplement parce que le quota établi a été atteint.
Il ne fait aucun doute que le fait d’avoir une expérience militaire et de connaître les Forces canadiennes, une organisation complexe, dynamique et unique, constitue un atout. Comme c’est le cas pour plusieurs tribunaux, comités et commissions spécialisés, l’expérience et la connaissance de la profession à l’origine des actes, décisions ou omissions qui sont l’objet d’un examen, sont considérées des atouts, voire des exigences d’emploi.
Il n’est pas inhabituel que des personnes appartenant à une profession en examinent d’autres au sein de cette même profession. Cela doit s’appliquer également à la profession des armes. Les membres du comité ayant une expérience au sein des Forces canadiennes comprennent le langage, la structure, le mode opératoire et la culture de la profession. Leurs connaissances leur permettent de comprendre les problèmes auxquels les plaignants et les plaignantes font face et de saisir le contexte dans lequel les arguments sont présentés et dans quelle perspective ils le sont. Leur expérience leur permet de poser des questions concluantes et de questionner les bonnes personnes.
À mon avis, avoir une certaine expérience militaire, surtout si tous les griefs non résolus, indépendamment de leur nature, sont renvoyés au comité pour examen, doit être considéré comme un atout et non pas comme un empêchement ou une limitation d’emploi.
De plus, imposer un quota pourrait retarder le processus de nomination sachant que les questions de droit du travail et de l’emploi, ainsi que les lois réglementaires dans un contexte militaire, pourraient ne pas être attrayantes pour plusieurs personnes, surtout dans le cas de membres à temps partiel. En fin de compte, je pense que la décision du gouverneur en conseil de nommer un membre du comité doit être prise en fonction de la compétence, de l’expérience et des connaissances. Seuls les meilleurs candidats devraient être nommés, indépendamment de leur expérience précédente. Les membres des Forces canadiennes, le Chef d’état-major de la Défense et les citoyens canadiens n’en méritent pas moins.
[Français]
Monsieur le président, en guise de conclusion, je dirai que le comité accueille favorablement le changement de nom proposé par le projet de loi, qu'il croit aux avantages d'un examen des griefs par le comité au dernier palier, qu'il demande l'élimination du paragraphe législatif permettant à des membres des Forces canadiennes en service actif d'être nommés membres du comité et qu'il soutient la diversité dans sa composition tant que les compétences ne sont pas compromises.
Je vous remercie de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui. Je répondrai à vos questions plus tard. Merci.
Monsieur le président, membres du comité, je tiens à vous remercier de m'avoir invité à discuter de ces modifications à la Loi sur la défense nationale. C'est un honneur pour moi. Je vais essayer d'être à la hauteur.
[Traduction]
Cette année, ce sera le 10e anniversaire du rapport Lamer. De très bons principes fondamentaux ont été énoncés dans ce rapport. M. Lamer a indiqué qu'à moins d'une très bonne raison expliquant les différences entre la Loi sur la défense nationale et le Code criminel, la loi devrait alors correspondre le plus possible au Code criminel.
[Français]
Dans le cadre de cette comparution, j'ai l'intention d'être bref.
Trois points sont extrêmement importants, à mon avis, et je vous suggère d'y accorder votre attention.
[Traduction]
Je ne vois rien qui justifie que seulement des membres de certains grades des Forces canadiennes soient admissibles à siéger au comité de la cour martiale. Si vous examinez l’article, nous ne traitons pas les officiers de la même façon que les simples soldats. En vertu du Code criminel, ces simples soldats, avec les mêmes gens impliqués — comme vous le savez, il peut arriver des cas où une cour martiale et un tribunal civil possèdent une juridiction concurrente, et un haut gradé serait, par exemple, accusé d’agression ou d’agression sexuelle — pourraient être appelés à faire partie du jury. Par contre, dans les Forces canadiennes, ils seraient exclus, ou on le leur interdirait. Si ces mêmes soldats sont accusés d’une infraction, selon ma lecture du projet de loi, il n’est pas possible qu’un autre simple soldat compose le comité, parce que les membres doivent au moins avoir le grade de sergent.
Encore une fois, je souligne qu’il n’y a aucune raison qui justifie une telle distinction.
Ensuite, en ce qui concerne la Loi sur la Défense nationale et le processus, contrairement à une cour pénale civile, aucun parti n’a son mot à dire sur la composition du comité. Il n’y a pas de processus de contestation. Il y a un processus informel qui permet aux partis d’examiner les membres, mais c’est seulement en cour martiale.
Je crois comprendre qu’il serait possible d’en faire quelque chose. Il faut aborder la situation d’une autre manière, parce qu’il arrive que la cour martiale ait lieu très loin. Cependant, avec la technologie moderne, je propose que l’administrateur de la cour martiale ait des responsabilités à l’égard de la poursuite et de la défense concernant le processus de sélection. Des membres sont nommés à un comité de la cour martiale, mais nous ne savons pas comment ils ont été choisis.
[Français]
On dit aussi que le processus est fait de façon aléatoire, mais en fin de compte, il est plus ou moins bien expliqué.
Enfin, en tant qu'ancien directeur de la Direction du service d'avocats de la défense des Forces canadiennes, je note que, même s'il est bien que le mandat de quatre ans soit renouvelable, ce renouvellement est encore une fois laissé à la discrétion des autorités.
De par son rôle, le directeur de la Direction du service d'avocats de la défense va un peu à l'encontre de l'organisation. En effet, compte tenu de toutes les modifications, des différentes cours et des motions reliées à des modifications probables à la Loi sur la défense nationale, il peut faire l'objet d'une certaine animosité. C'est la nature humaine.
En me fondant sur mon expérience, je suggère encore une fois que le renouvellement du mandat du directeur de la Direction du service d'avocats de la défense se fasse à sa demande, plutôt qu'en vertu d'une décision de l'administration.
Je vous remercie. Je suis ouvert à vos questions.
Monsieur Holloway, j'aimerais revenir sur la question de la procédure sommaire et sur l'article 75 du projet de loi .
Dans les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, soit les ORFC, concernant la procédure sommaire, on indique qu'avant de prononcer une sentence, le président de la procédure sommaire tient compte de plusieurs facteurs, tels que le nombre, la gravité et la fréquence des infractions, les problèmes familiaux et la situation financière de l'accusé. C'est donc dire que pour une même infraction commise par deux personnes du même grade, on ne peut pas s'assurer que la peine sera la même, en raison de la multitude de facteurs dont le président tiendra compte. Je ne m'objecte pas pour autant au fait qu'il faut tenir compte de ces facteurs.
À l'article 75 du projet de loi ou même de sa version précédente, à savoir le projet de loi , on se base sur la peine qui a été imposée à l'accusé pour déterminer s'il aura un dossier criminel ou s'il sera assujetti à avoir un dossier judiciaire après l'infraction. J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.
Également, même quand on pense à l'amendement qu'il y avait eu avec le projet de loi , parmi les articles de la Loi sur la défense nationale qui avaient été ajoutés, certains n'avaient pas été ajoutés à cet amendement. Par exemple, à l'article 98 de la loi, on parle d'une personne qui aggrave une maladie ou une infirmité. Cela n'avait pas été inclus dans l'amendement, pour ce qui est du projet de loi C-41.
J'ai connu des gens qui ont été accusés et qui ont subi une procédure sommaire en vertu de l'article 98 parce que, par exemple, ils s'étaient fait une entorse à la cheville pendant un cours de chef qui était particulièrement difficile et qu'ils avaient demandé qu'on leur mette un bandage pour qu'ils puissent marcher dessus pendant trois jours, car ils n'avaient pas envie de reprendre leur cours qui était très difficile. Cela arrive fréquemment que des gens fassent ce genre de chose, en fonction de la mission. Comme cet article n'a pas été inclus dans l'amendement relatif au projet de loi , l'accusé aurait été susceptible d'avoir un dossier criminel.
Étant donné qu'il faut tenir compte de beaucoup de facteurs, j'aimerais savoir si, à votre avis, on ne pourrait pas avoir des libellés plus efficaces à l'article 75 du projet de loi, pour empêcher que des gens n'aient des dossiers criminels à la suite d'une accusation ou d'une procédure sommaire, laquelle ils n'auraient pas eue dans la vie civile pour une même infraction ou un même geste posé. Bien sûr, je comprends que vous formuliez un libellé juridique pour un projet de loi et que cela ne se fasse peut-être pas à la volée. Si vous voulez me soumettre des suggestions écrites par la suite, ce serait apprécié.
J'aimerais entendre vos commentaires sur ce que je viens de dire.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Ma question s'adresse à M. Jean-Marie Dugas.
Je vous remercie d'être parmi nous. C'est un honneur pour nous de vous recevoir.
Je vais aborder la question des procès sommaires. Je pense que le contexte et la culture sont des facteurs importants. Un peu plus tôt, on a parlé de la qualité des officiers chargés d'informer les gens qui font l'objet d'un procès sommaire. Pour ma part, je ne suis pas d'accord. Je vais vous parler d'une expérience que j'ai vécue.
En 1994, j'étais en formation à Shilo, à titre de recrue. J'y suis resté sept semaines. Le contexte était extrêmement difficile: très peu de sommeil, un entraînement intense, des températures de –30 oC, et j'en passe. Les instructeurs étaient absolument extraordinaires. Nous étions en présence de sous-officiers et d'officiers qui avaient l'expérience du combat et qui voulaient transmettre tout leur savoir pour que nous soyons bien entraînés.
Un jour, un instructeur s'est même mis à pleurer parce que la situation le touchait. Il avait perdu un ami durant un combat. À un moment donné, nous avons eu une journée de congé, et quand nous sommes revenus,
[Traduction]
nous avons été accusés. Nous n'avions aucune idée de ce qui nous attendait. Nous étions très nerveux. Honnêtement, la seule chose à laquelle je pensais, et nous étions six en tout, c'est que nous voulions aller au Mexique, parce que nous ne savions carrément pas à quoi nous attendre. Quand l'officier nous a expliqué le processus, nous n'avons rien entendu. Il faut comprendre que nous étions fatigués et inquiets.
Je trouve un peu ironique qu'on parle de choix aujourd'hui. Je pense qu'il y a deux poids deux mesures. On dit que les forces armées canadiennes sont uniques, mais on s'attend quand même à ce que des êtres humains réagissent normalement comme si tout était parfait. Nous avons finalement comparu devant le commandant et avons été condamnés à trois jours de corvée. C'était une simple erreur. Je peux à peine imaginer ce que cela peut être pour ceux qui se retrouvent en situation de combat à l'étranger et que l'officier leur donne le choix.
Je pense que le projet de loi est bon. Il permet de remédier à certains problèmes, mais pas à tous.
[Français]
Croyez-vous que des améliorations devraient être apportées au projet de loi en ce qui concerne les procès sommaires? Je vous ai parlé de la situation que j'ai vécue, mais je pense que bien d'autres militaires en ont vécu de toutes sortes, dont vous-même, d'ailleurs.
:
Je vous remercie de votre question. C'est une excellente question.
Cela fait partie du processus d'éducation ou de formation, si je puis dire, lorsqu'un nouveau membre est affecté au comité.
En règle générale, les dossiers sont attribués à un seul membre. Cependant, lorsqu'un membre est en poste depuis peu, qu'il ait de l'expérience militaire ou non, le président va normalement attribuer le dossier à deux membres pour permettre à ce nouveau membre de bien comprendre. Il y a une période de formation.
Par ailleurs, il faut comprendre que même si un membre siège seul, il est encadré par une équipe, un peu comme un juge qui dispose de greffiers. Il y a un conseiller ou une conseillère juridique pour chaque dossier. Nous avons également un chef d'équipe et un agent de griefs. Ces gens travaillent au comité depuis des années, ils ont de l'expérience. Nous avons des anciens militaires, des civils, des sociologues et des avocats qui ne travaillent pas en tant qu'avocats.
Nous entourons bien les membres pour nous assurer que l'approche du comité démontre une certaine constance. Bien que chaque membre soit indépendant en ce qui a trait à ses décisions, il y a quand même une collégialité. De plus, les autres membres sont toujours disponibles, au cas où un membre aurait des questions. Nous mettons des procédures en place.
À mon avis, c'est un atout. Cela ne doit pas être nécessairement un préalable. Je suis en faveur de la diversité, mais je ne suis pas favorable à un quota. Je favorise la meilleure personne, au meilleur moment, pour faire partie du comité afin d'obtenir la meilleure évaluation et la meilleure proposition au chef d'état-major de la Défense et le meilleur règlement possible pour les soldats dont les griefs font l'objet d'une révision par le comité.
Je ne souhaite pas qu'il n'y ait que des civils ou que des anciens militaires. Je veux que l'on nomme la meilleure personne. Je suis opposé aux quotas.
:
Merci de me poser cette question, monsieur le président.
Cette question comprend un certain nombre de questions secondaires. Je tenterai d'être bref.
La question de la partialité a été soulevée et débattue à la Chambre des communes. Je peux vous dire, à titre de membre du comité depuis quatre ans, que la question de la partialité, réelle ou perçue, n'a jamais été soulevée ni par un soldat dont j'examinais le grief, ni par une autorité des Forces canadiennes, dont la décision est également examinée, ni par un conseiller juridique représentant un membre des FC dans le cadre d'un processus de grief. Jamais elle n'a été soulevée.
Celui qui rend une décision doit effectuer un test objectif quand la question de la partialité est soulevée. Au cours des quatre dernières années, je n'ai jamais eu à l'appliquer. Avant de venir ici, j'ai demandé à mon vice-président ce qu'il en était. Il occupe ses fonctions depuis huit ans. La question de la partialité, réelle ou perçue, n'a attiré son attention dans aucun dossier. Voilà qui est, en un certain sens, révélateur.
Nous prêtons effectivement serment, un serment que nous prenons avec le plus grand sérieux. Si vous regardez la dernière page de mon exposé, vous verrez que j'y ai inclus des statistiques sur les cinq dernières années. Elles témoignent de la tendance relative aux pouvoirs et à la capacité de prise de décision du comité, car ce dernier prend des décisions, qui deviennent des recommandations.
Quand un membre du comité entend une cause, il prend une décision. Vous constaterez que la tendance évolue en fait dans le sens inverse. Au cours des deux dernières années, 55 p. 100 des décisions du comité, fort de l'expérience militaire de ses membres, sont favorables en tout ou en partie au membre, alors que 45 p. 100 indique au chef que l'institution a bien agit. Les trois années précédentes, le rapport était inversé; c'était 55 et 45 p. 100.
Globalement, le rapport est de 50-50, et notre rôle ne consiste pas à défendre le plaignant ou les FC. À titre de tribunal, nous prenons le serment au sérieux. Nous examinons les faits, appliquons les règles, les lois et la jurisprudence, arrivons à ce que nous croyons être la conclusion la plus appropriée et formulons des recommandations à l'intention du décideur. Il appert que notre rapport est près de 50-50, mais le fait qu'au cours des deux dernières années, ce rapport a été de 55 et de 45 p. 100 est révélateur.
Je ne crois pas que l'expérience militaire d'une personne nuise à sa capacité d'être neutre. En fait, comme je l'ai souligné dans mon exposé, elle me permet, quand je pose des questions, de savoir où je vais. Je sais quoi demander et qui interroger. Je suis en mesure de déterminer si j'ai obtenu une réponse ou non et je n'ai pas peur d'insister, car je sais comment m'y prendre. Je suis aussi entouré d'une bonne équipe.