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Merci à vous et merci de votre invitation.
Le maintien en disponibilité opérationnelle est toujours une tâche difficile et importante en raison principalement de l'incertitude qui entoure les déploiements opérationnels futurs au niveau de l'emplacement géographique, le milieu dans lequel se déroule le conflit, les nouvelles technologies militaires et les exigences ainsi que les objectifs de la mission. Les choses se compliquent davantage lorsque les forces armées font l'objet de compressions budgétaires importantes, comme c'est le cas des Forces canadiennes aujourd'hui.
La demande à laquelle les forces doivent répondre est double. Tout d'abord, elles doivent maintenir leurs activités quotidiennes ainsi que leurs engagements existants en ce qui a trait à leurs capacités, leur personnel, la formation et l'enseignement. De par leur nature, ces exigences constituent une demande non discrétionnaire et donc relativement fixe pour ces ressources. En outre, ces engagements, sont principalement associés à un rôle de non-combat.
La deuxième exigence consiste à assurer une disponibilité opérationnelle pour répondre à des engagements futurs largement imprévisibles. Il s'agit d'engagements discrétionnaires à deux égards. Tout d'abord, les FC n'ont pas la capacité de se préparer entièrement à toute situation d'urgence future. Il faut donc décider pour quel type d'urgence il faut se préparer. Deuxièmement, les ressources que l'on peut y consacrer sont celles qui n'auront pas été engagées pour répondre aux exigences fixes.
Enfin, la disponibilité opérationnelle pour l'avenir prévisible devrait diriger notre attention sur le pire des cas — les missions de combat futures. L'objectif principal est de maintenir en état de disponibilité opérationnelle des forces aptes au combat. La transition de forces aptes au combat vers des rôles de non-combat n'est pas toujours facile. Cependant, le coût d'un manque de préparation au combat est bien plus élevé que le coût associé au fait de ne pas être préparés pour des fonctions de non-combat.
Étant donné qu'ils dépendent de la première exigence dont font l'objet les Forces canadiennes ainsi que de leur évolution au fil du temps, les investissements dans la disponibilité opérationnelle constituent une cible évidente de compressions budgétaires. En outre, un ambitieux programme d'acquisitions d'immobilisations mis en place au cours des dernières années constitue un élément multiplicateur. Par le passé, les décideurs de la défense qui étaient confrontés à des compressions budgétaires ciblaient d'abord le personnel, car les ressources humaines représentent le poste budgétaire le plus important et que c'est le moyen de protéger les immobilisations, qui ont des répercussions sur l'état futur de disponibilité opérationnelle. Les décideurs ciblent ensuite les immobilisations parce qu'elles représentent les investissements futurs et permettent de protéger la disponibilité opérationnelle immédiate.
Le fait de réduire le personnel limite les effectifs disponibles pour assurer la disponibilité opérationnelle, par rapport aux engagements existants. À cet égard, une solution probable consisterait à réduire le personnel de réserve occupant des postes à temps plein qui ont remplacé des postes clés, plus particulièrement en ce qui a trait au service de formation et d'enseignement lié à l'Afghanistan. Bien que leur suppression pourrait permettre de réaliser des économies et de protéger la disponibilité opérationnelle normale des forces, ce personnel de réserve devrait être remplacé par du personnel des forces régulières, à moins que leurs postes soient abrogés. En outre, le fait de supprimer ces postes complètement minera la disponibilité opérationnelle future étant donné qu'il s'agit de postes clés qui permettent d'assurer la communication des leçons tirées d'opérations passées à la relève.
Il y a aussi la possibilité de remettre à plus tard les acquisitions d'immobilisations afin de protéger les investissements immédiats en matière de disponibilité opérationnelle. Qu'il s'agisse des F-35 ou du programme de construction navale, le fait de chercher à augmenter la durée de vie utile de l'équipement existant est associé à la possibilité de coûts supplémentaires. En outre, il faut tenir compte de ces acquisitions qui sont essentielles pour s'acquitter des engagements fixes existants et assurer une disponibilité opérationnelle.
À la lumière de ces considérations, et en l'absence d'indications très claires selon lesquelles les décideurs de la défense devront réduire les effectifs des forces régulières ou retarder des acquisitions, la disponibilité opérationnelle, plus particulièrement en matière de formation, risque d'en pâtir. Une fois de plus, les réserves pourraient avoir à en assumer le fardeau, dans l'espoir que les déploiements futurs pourront être effectués par les forces régulières, et que cela laissera suffisamment de temps pour former des forces de réserves à des fins de maintien et de remplacement. De toute évidence, cela sera variable d'un service à l'autre.
Par exemple, il n'y a pas de forces de réserve disponibles pour la flotte de CF-18. En effet, la question de la disponibilité opérationnelle par rapport au type de ressources disponibles varie d'un service à l'autre. Par exemple, l'armée de l'air et la marine, à titre de plates-formes polyvalentes devant offrir une certaine souplesse, sont moins vulnérables que l'armée de terre aux différents milieux de combat, si l'on part de l'hypothèse que des ressources suffisantes peuvent être investies dans la formation pour tous les rôles. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de solution unique pour tous les services en matière de disponibilité opérationnelle.
Cependant, les forces envisagent deux alternatives fondamentales au maintien de la disponibilité opérationnelle. La première consiste à désigner des unités précises pour assurer une disponibilité opérationnelle en matière de combat, le modèle de la FOI des forces spéciales, par exemple. Ces unités pourraient donc être considérées comme premiers intervenants pour des missions futures imprévisibles. Elles concentreraient notamment leurs efforts sur la formation au combat mais aussi sur l'interopérabilité avec les alliés. Dans le cas d'un déploiement à l'étranger, ceci permettrait de gagner du temps pour former des forces de remplacement ou mettre en place des forces de maintien, en partant de l'hypothèse que du financement supplémentaire spécial serait fourni pour ce type d'opération par le gouvernement. Les Forces canadiennes non mobilisées seraient donc principalement chargées de répondre aux engagements quotidiens. Parallèlement, d'autres unités pourraient se spécialiser dans des rôles précis de non-combat.
Le problème, c'est que cela créerait une force armée à au moins deux vitesses — certaines unités étant aptes au combat et d'autres, non. Dans certains cas, cela existe déjà en fonction de tâches et de plates-formes spécialisées au sein des services. Cependant, une force armée à plusieurs vitesses soulève des questions relatives au moral des troupes, au maintien en poste des effectifs et au recrutement.
Autrement, les FC peuvent continuer de soumettre les unités à un principe de rotation régulière à des fins de formation au combat ou de maintien en disponibilité opérationnelle. Bien que cela permet de maintenir un certain degré de disponibilité opérationnelle dans l'ensemble des forces, la profondeur de cette disponibilité opérationnelle en est limitée.
Il y a aussi la possibilité d'éliminer les capacités existantes et de réduire ainsi les types de combat que les forces peuvent mener. Cela, de toute évidence, a des implications politiques considérables pour les gouvernements. Les capacités à elles seules ne devraient pas dicter les engagements politiques. En outre, le programme d'acquisition d'immobilisations au cours de la dernière décennie et à l'avenir limite considérablement la possibilité de supprimer certains types de capacités. En ce sens, les forces sont prisonnières de leurs décisions passées. En outre, les capacités perdues seront aussi très difficiles à se procurer de nouveau si l'avenir ne correspond pas aux attentes. Et même dans ce cas, une évaluation détaillée des capacités existantes est nécessaire.
Pour conclure, la disponibilité opérationnelle pâtira des compressions budgétaires à venir, mais l'avenir n'est pas si sombre que cela. L'expérience opérationnelle des Forces canadiennes au cours de la dernière décennie et plus permet de nous assurer que la disponibilité opérationnelle peut être gérée, du moins dans un avenir immédiat.
Les forces sont dotées d'une expérience de combat approfondie qui est le résultat des interventions récentes en Afghanistan ainsi qu'en Libye. L'élément clé est le maintien en poste du personnel d'expérience et la transmission de cette expérience au moyen de la formation et de l'enseignement, pour la relève. Dans la mesure où l'avenir immédiat est conforme à cette expérience pour ce qui est des engagements opérationnels futurs, la disponibilité opérationnelle est donc tout à fait gérable.
Le danger, cependant, est que les engagements opérationnels futurs ne soient pas conformes aux expériences passées. Les Forces canadiennes peuvent bénéficier d'une bonne disponibilité opérationnelle mais combattre dans le mauvais conflit. La leçon à tirer de cela, c'est que les Forces canadiennes, comme la plupart des forces armées occidentales, n'étaient pas bien préparées à la transition spectaculaire des opérations de dissuasion et de maintien de la paix de l'époque de la guerre froide à des opérations de combat et de soutien de la paix comme celles que l'on connaît depuis les deux dernières décennies. À l'exception du fait que les opérations à l'étranger supposent une intervention selon l'état de préparation actuel et que le spectre d'opérations possibles peut-être discerné ou identifié, personne ne peut prédire à quels types précis d'opérations, de conflits ou de milieux de combat les FC pourront être confrontées.
Comme je l'ai dit précédemment, les FC ne peuvent être prêtes à intervenir dans tous les types de situations d'urgence du spectre d'opérations. Au mieux, il est essentiel d'assurer le maintien de compétences de base en matière de combat et de parvenir à un équilibre entre la disponibilité opérationnelle immédiate motivée par les expériences passées et la disponibilité opérationnelle future pour des environnements imprévisibles. Tel est le véritable défi de la disponibilité opérationnelle.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, monsieur Fergusson. Vous nous avez fait un exposé très rigoureux.
J'aimerais commencer par ce que vous avez dit à la fin, à savoir les défis imprévisibles à venir. Un de nos défis, en ce qui a trait à la disponibilité opérationnelle des forces armées, c'est de mettre la charrue avant les boeufs. Chacun a sa propre interprétation du terme « disponibilité opérationnelle ». C'est vrai aussi pour les témoins qui ont comparu devant notre comité. Je pense tout de même qu'on est tous d'accord pour dire qu'avant de pouvoir dire si on dispose de la disponibilité opérationnelle adéquate, il faut savoir de quel type d'opération on parle. D'abord, j'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec ça.
Deuxièmement, en ce qui a trait aux défis imprévisibles de l'avenir — il s'agit là sans doute de la question la plus épineuse, parce que personne ne peut prédire l'avenir — étant donné ce qui se passe à l'heure actuelle, et le dénouement probable des différents conflits, à quoi le ministère de la Défense devrait-il accorder la priorité?
Monsieur, pourriez-vous répondre à ces deux interrogations?
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Je suis d'accord. Je suis passé par plusieurs ébauches avant d'en arriver à mon mémoire final et chaque fois que je tentais de cerner le concept de « disponibilité opérationnelle », je me demandais toujours « disponibilité opérationnelle pour quoi? Pour quoi faire? »
Il faut que le concept soit clairement défini. Quand on prend en compte ce qu'il adviendra dans l'avenir, les choses se compliquent. Voilà pourquoi j'estime qu'on devrait éviter de faire référence à des situations de combat ou des environnements militaires précis dans le cadre desquelles les forces armées pourraient jouer un rôle important, qu'il s'agisse de missions constabulaires ou de combat, pour identifier de façon générique ou abstraite le type de mission dont il est question. Ce qui m'amène à répéter ce que j'ai dit dans mon exposé: les missions de combat sont le type de déploiement des Forces canadiennes les plus extrêmes.
Cela est relié, bien sûr, à la deuxième question qui est de savoir comment les situations de combat vont évoluer avec le temps? C'est excessivement difficile à prédire. Les universitaires comme moi vous diront qu'on évolue vers deux types de mission opposés.
Le premier type, c'est la continuation de ce qui s'est produit au cours des deux dernières décennies: les États en déliquescence, les conflits intérieurs, les guerres civiles — ce qui se passe en Syrie aujourd'hui, par exemple. En somme, tout ce qu'on a connu depuis la Somalie et l'éclatement de l'ancienne Yougoslavie va perdurer.
Donc, pour les forces armées, il s'agit d'un environnement d'insurrection et de mesures anti-insurrectionnelles où les militaires ont leur rôle à jouer en matière de renforcement des capacités nationales. Je pense en particulier à l'expérience des Forces canadiennes en Afghanistan — où elles prenaient part à des opérations anti-insurrectionnelles, gagnant ainsi la confiance de la population locale, ce qui demandait des compétences bien précises, et former les Forces afghanes — et aux investissements qui ont été faits, surtout au Canada pour être sûr que les militaires étaient prêts à être déployés à l'étranger.
Dans ce contexte-là, étant donné notre vaste expérience, le Canada peut facilement continuer ses activités. Voilà ce que j'entends quand je dis que le futur immédiat est la continuation de nos expériences passées. Si c'est effectivement ce qui se dessine à l'horizon — et je n'en suis pas convaincu, je dirais que la situation est assez gérable. Les militaires sont là, il s'agit de pouvoir les garder et d'avoir suffisamment de ressources pour les former en continu et d'assurer un bon transfert intergénérationnel entre les militaires actuels et ceux qui les remplaceront.
Le problème, c'est que quand on étudie le monde tel qu'il est à l'heure actuelle, on remarque deux choses en particulier.
Premièrement, et je suis convaincu de ne pas être le premier à vous en parler, on parle de plus en plus de la réapparition potentielle des conflits entre grandes puissances, surtout en référence à l'obsession grandissante des États-Unis pour la Chine. Qui dit conflit entre grandes puissances dit armes nucléaires. Et nous risquons d'assister à la réapparition de forces dissuasives très utilisées à l'époque de la guerre froide. Ce qui nous occuperait en premier lieu ne serait plus les États en déliquescence. Ils existeraient toujours, comme ils existaient à l'époque de la guerre froide, mais, de façon générale, les gouvernements n'y ont pas prêté beaucoup d'attention ou s'y sont intéressés, mais dans le contexte de la rivalité caractéristique de la guerre froide. Cela fait longtemps que les Forces canadiennes n'ont pas connu une telle réalité et, par conséquent, ce serait quelque chose de relativement nouveau pour elles. Personne ne peut savoir comment tout cela se soldera.
Il est clair que quand on a des ressources limitées, il est très difficile d'être au four et au moulin.
En plus, de plus en plus, les opérations se compliqueront technologiquement parlant pour les Forces canadiennes; on ne peut qu'imaginer ce que cela voudra dire pour les opérations anti-insurrectionnelles de l'avenir. D'ailleurs, on a eu un avant-goût de ce phénomène en Afghanistan, quand on a constaté, par exemple, que les talibans utilisaient les médias sociaux, entre autres, ce qui nous a surpris étant donné ce qu'on pensait savoir sur la nature des talibans et sur la nature de la société afghane. Comme l'a démontré notre expérience en Afghanistan, on ne peut qu'imaginer les progrès technologiques qui se feront avec le temps.
Vous voulez peut-être savoir ce que j'ai répondu à ceux qui m'ont demandé il y a une décennie environ où les Forces canadiennes allaient se retrouver après la Bosnie. À l'époque, j'ai dit qu'elles iraient en Afrique. Eh bien, ce n'est pas ce qui s'est produit, pas pour l'instant en tout cas. On pourrait se retrouver en Afrique comme au Moyen-Orient. Comment savoir?
De plus, il faudra faire face aux forces certes irrégulières, mais équipées de technologies de plus en plus avancées, qui vont s'engager dans la guerre électronique en utilisant des appareils électroniques de brouillage et de mystification en vente libre pour tenter de mener à mal les structures technologiques occidentales. C'est un autre facteur qu'il faut prendre en compte, mais par conséquent on ne peut pas se contenter de...
Quand on pense aux opérations anti-insurrectionnelles traditionnelles, on pense aux déploiements de l'Armée de terre, aux patrouilles et aux missions traditionnelles anti-insurrectionnelles, mais il faut savoir que les opérations peuvent être beaucoup plus compliquées que ça. Alors, comment former les Forces canadiennes pour qu'elles puissent faire face à toutes ces éventualités? Comment les former, sachant qu'il est impossible de couvrir tous les cas de figure? C'est impossible. Même s'il n'y avait pas de compressions budgétaires, on ne pourrait pas former les Forces canadiennes pour qu'elles soient en mesure d'intervenir dans n'importe quelle situation. Ç'a n'a jamais été possible.
Et c'est là que les choix deviennent réellement difficiles. Historiquement parlant, le ministère de la Défense nationale et les gouvernements, tous partis confondus, ont eu du mal à trancher.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur, je vous souhaite la bienvenue. Je vous remercie chaleureusement d'être ici aujourd'hui. Je suis d'accord avec bon nombre des points que vous avancez. C'est très encourageant.
J'aimerais parler du scénario d'instruction commun de l'armée, que vous connaissez sans doute. Trois membres du comité ont déjà fait partie des forces en travaillant dans les armes de combat, soit Mme Moore, M. Chisu et moi-même. Parmi les scénarios, il y a celui qui porte sur l'Afghanistan et qui était enseigné en tout premier. Ce type d'instruction axé sur la mission a été donné pendant les 10 dernières années.
Cette formation avait été conçue pour un type précis de théâtre d'opérations. Or, le scénario utilisé lorsque j'étais au Secteur du centre de la force terrestre à titre d'officier d'état-major était assez générique pour être repris presque dans n'importe quelle situation. On pouvait ajuster les objectifs de formation intégrée, de sorte que les soldats soient prêts à faire face à n'importe quelle mission, qu'il s'agisse de l'édification d'une nation, du maintien de la paix ou d'un combat armé.
J'aimerais que vous nous en parliez dans un instant.
Vous avez également mentionné la disponibilité opérationnelle à titre de composante en éducation. Étant éducateur, je présume que vous connaissez bien le Collège des Forces armées canadiennes et l'Académie canadienne de la Défense, pour n'en nommer que quelques-uns.
Que pensez-vous en général du scénario d'instruction commun de l'armée sur le terrain et de l'éducation militaire? Notre comité s'est rendu au Collège des Forces armées canadiennes ainsi qu'à d'autres établissements pour voir ce qu'il en est.
Qu'en pensez-vous?
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Je ne connais pas dans les détails la formation en vue des missions de combat. Je suis davantage spécialisé dans le domaine aérospatial.
Je ne suis pas convaincu qu'on puisse appliquer un scénario d'instruction qui porte sur les opérations de contre-insurrection établi à partir de l'expérience afghane à d'autres missions de combat potentielles dans l'avenir. Cela me semble dangereux. Tout d'abord, la leçon tirée des opérations militaires sur le plan historique, pas seulement pour l'armée, mais pour la plupart des armées occidentales, est le sentiment que nous pouvons profiter d'une formation fondée sur les expériences passées.
Laissez-moi vous expliquer l'exemple le plus criant. De la fin de la Deuxième Guerre mondiale jusqu'à la fin de la guerre froide, les armées alliées ont été entraînées pour faire face à une guerre semblable à la Deuxième Guerre mondiale, mais dans un environnement nucléaire. Beaucoup de gens, dont beaucoup d'universitaires, ont affirmé haut et fort que compte tenu de la structure même des armées alliées, elles ne seraient pas capables de faire face à la situation dans un environnement nucléaire. Ils ont avancé qu'il faudrait une restructuration de fond en comble des forces, restructuration qui n'a jamais eu lieu.
Cela ne peut pas être utile en raison de la durée limitée de la formation... D'après mon expérience d'enseignant ou si vous le préférez, d'éducateur, les étudiants intégreront simplement le modèle dominant et ne seront pas vraiment capables d'essayer de comprendre la façon dont tout se déroulera, de comprendre que l'environnement de combat varie en fonction du type de population — neutre, favorable, hostile, voire inexistante, car habituellement, les civils s'enfuient. Il est impossible de faire cette différence. Il y a un danger à rester rivé à nos expériences passées. Voilà ce qui me préoccuperait.
Au sujet de la question de l'éducation, je crois que ce volet est le plus vulnérable en ce moment, car c'est l'avenir. Il faut éduquer le personnel recruté, mais avant tout, les officiers, les jeunes officiers, qui dans 5 à 10 ans assumeront de plus en plus des postes de commandement. D'après la tendance, l'armée essaiera de restreindre cela. C'est un problème persistant au sein des forces armées, qui valorisent davantage l'expérience opérationnelle que l'éducation. En se fondant sur la façon dont les militaires se perçoivent, je ne crois pas qu'il y ait eu de changements considérables à cet égard. Le besoin constant de garder les forces dans un état de disponibilité immédiate permettant de faire face à l'inattendu, si on s'en remet à l'expérience passée, incitera les forces à restreindre cet élément ou à le remettre à plus tard. Cette approche peut fonctionner pendant une courte période de temps, et on peut espérer que les choses s'amélioreront et qu'on sera en mesure de rétablir la situation, mais on perd des compétences ou on les réduit dangereusement dans un avenir immédiat, et c'est comme perdre du matériel, un avion de chasse par exemple, pour le remplacer, il faut du temps et de l'argent. Je crois que les forces doivent se montrer très prudentes quand il s'agit de se tourner vers une solution, car, je le répète, c'est son point faible.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Fergusson, je vous remercie également.
Après avoir évolué dans les hautes sphères, j'aimerais que nous redescendions un peu plus bas vers un sujet qui nous touche d'un peu plus près, soit les F-35. Vous avez rédigé un article bien réfléchi à l'automne au sujet de ces avions de chasse. J'aimerais faire une mise en contexte en me référant à votre article, mais aussi aux témoignages que nous avons entendus au cours des derniers mois.
Je crois qu'autour de cette table, tout le monde s'entend pour dire que nos avions de chasse doivent être remplacés. Nous admettons ce fait. Dès que l'armée perd une capacité, c'est perdu à jamais. Nous en convenons tous. Je ne sais pas si vous reprenez les propos de Dyer, qui a déclaré qu'on devait se débrouiller avec ce qu'on a quand une guerre éclate. C'est tout à fait vrai. On doit composer avec ce dont nous disposons dans nos entrepôts, et cela ne laisse aucune possibilité de remplacement.
Hormis tous les retards et difficultés technologiques auxquels Lockheed Martin doit faire face et toutes les rumeurs au sujet des participants et non-participants, de même que toutes les hypothèses sur les coûts et les analyses stratégiques et militaires, je le répète, tout le monde s'entend pour dire que ces avions de chasse doivent être remplacés. Compte tenu du fait que quel que soit le conflit auquel nous participerons, qu'il s'agisse d'une opération continentale ou internationale, nous serons probablement partis à une coalition. D'après moi c'est un fait. On peut présumer avec certitude que s'il y a une intervention aérienne, les États-Unis y participeront. Il faut alors se demander quelle est la valeur ajoutée de la furtivité?
L'un des témoins a déclaré que les appareils furtifs arrivaient toujours à détruire les appareils non furtifs et a même produit des statistiques à cet égard. Or, d'autres témoins ont déclaré que malgré ce fait, nous n'arrivons jamais les premiers, mais par la suite. Le gouvernement a carrément campé sa position au sujet des F-35 et, à certains égards, je dirais qu'il est pris à son propre piège, car la valeur stratégique de la furtivité, mis à part le type de modèle, peut être remise en question dans une certaine mesure.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de la valeur ajoutée que représente la furtivité par rapport à d'autres options. Y aurait-il des solutions de rechange qui, comme l'a si bien dit un général britannique, pourraient faire l'affaire dans le cadre d'un conflit à venir?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de votre déclaration liminaire. J'ai bien aimé vous écouter. Vous avez parlé des expériences et des leçons tirées de l'Afghanistan ainsi que des autres zones de conflit.
Parlant de l'Afghanistan, vous savez qu'il y a eu un précédent à ce pays en ce qui a trait à la contre-insurrection. Nous n'avons pas participé directement à ces missions auparavant, mais notre voisin du Sud en avait fait l'expérience au Vietnam. C'était il y a une trentaine d'années. Beaucoup de leçons tirées de ce type de conflit peuvent également s'appliquer à l'Afghanistan.
J'aimerais parler surtout des menaces. D'après vous, à quelles menaces le Canada est-il exposé, surtout en Arctique?
De tous les pays arctiques, nous sommes les seuls qui possèdent le passage du Nord-Ouest. La tendance générale veut que ce passage soit une voie internationale librement accessible qui se situe sur notre propre territoire, j'estime qu'il s'agit d'une menace très réaliste. Nous avons parlé d'une flotte en Atlantique ou au Pacifique auparavant, mais dans le cas de l'Arctique, la menace se situe sur notre propre territoire... Le Panama est propriétaire du canal de Panama et l'Égypte, du canal de Suez. Il y a également tous les autres éléments rattachés aux territoires internationaux. Je ne voudrais pas que le Canada soit divisé par une voie navigable internationale à l'accès libre.
D'après vous, que devrions-nous faire pour éviter cette situation? La tendance générale va dans ce sens et, personnellement, j'estime qu'il s'agit d'une menace au Canada.
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Très bien, je ne vous parlerai que brièvement des progrès alors. La Défense nationale, après un processus long et tortueux qui a duré 20 ans, a fait d'immenses progrès en ce qui a trait à notre présence dans l'espace. Il y a le projet Polar Epsilon et la possibilité de recevoir des données récentes de RADARSAT, de les analyser et de les diffuser. Lorsque la constellation RADARSAT se sera transformée en constellation globale, il y aura de grands avantages outre-mer pour les Forces canadiennes et nos alliés. Il y a aussi l'accès que nous avons aux communications à très haute fréquence sécurisée américaines, sans parler de l'élaboration d'un système — désolé je ne me souviens pas du nom du projet — visant à permettre aux forces terrestres d'avoir une plus grande spatio sensibilité, ce qui aura un impact sur leurs opérations. Ce sont là de véritables avancées.
Maintenant, ce qui est important, c'est de continuer dans cette voie.
Quelles sont les menaces actuelles de l'espace? À l'heure actuelle, il n'y aurait pas d'armes en orbite. Au cours des dernières années, de plus en plus de préoccupations ont été exprimées par rapport aux capacités antisatellites des Chinois, mais permettez-moi de vous dire d'où elles viennent. Tout satellite en orbite dans l'espace, au-dessus du Canada, qu'il soit en orbite polaire ou autre autour de la terre, peut être, s'il est bien maîtrisé, largué sur n'importe quelle cible. Il est en effet possible de larguer un satellite sur une ville grâce à des systèmes de guidage évolués et il est vrai qu'une grappe de satellites s'écrasant à toute vitesse sur une ville, ça pourrait constituer une arme.
Nous ne savons pas du tout comment les pays comme la Chine, la Russie, ou l'Iran, qui est maintenant présent... C'est une des choses qui a vraiment changé au cours des cinq dernières années, à savoir le nombre de pays qui sont maintenant présents... en mettant en orbite des satellites, mais également en déployant des capacités de lancement. Cela pose des problèmes stratégiques de taille. Si je disposais de plus de temps, je pourrais vous en dire davantage.
Donc, nous ne sommes pas sûrs à 100 p. 100, mais pour l'instant, personne n'a dit publiquement qu'il y avait eu déploiement d'une arme en orbite.
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J'aimerais signaler que je ne parle pas de la doctrine. Nous avons reçu de nombreux témoins militaires qui ont parlé de la doctrine dans le contexte de la disponibilité opérationnelle, et je pense que cette composante ne nous est pas, honnêtement, très utile dans cette étude.
M. David Bercuson a témoigné l'autre jour, comme vous le savez sans doute, et il a soulevé cette question de politique ou plutôt ce qu'il avait appelé une série de principes. Je suppose que ce que j'aimerais, c'est de bien comprendre ce que nos intérêts nationaux sont pour ce qui est du domaine militaire, relativement à ce qui a été soulevé par d'autres. Par exemple, jusqu'où le Canada projette-t-il la limite de ses frontières?
Ce qui est troublant, je pense, c'est que dans bon nombre de conversations que nous avons sur cette question, nous allons au-delà de la question de défense générale pour discuter d'une sorte de monde économiquement intégrée. Nous voyons le monde comme s'il était entièrement intégré en matière de sécurité nationale, et par conséquent, il est nécessaire pour nous de projeter nos frontières d'un bout à l'autre du monde, et cela ne nous aide pas du tout au bout du compte. Cela revient nous hanter dans une sorte de piège ou de défi dont vous avez parlé, de sorte que nous devons alors être prêts pour ce qui est imprévisible.
J'aimerais vous présenter mon point de vue là-dessus brièvement. Pour moi, il semble primordial que nous devons établir une déclaration claire sur nos intérêts nationaux d'un point de vue militaire ou d'un point de vue des affaires étrangères, et c'est uniquement à partir de ces déclarations que nous pourrons discuter intelligemment de la disponibilité opérationnelle.
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Merci, monsieur le président.
Je dois dire, qu'après mon bulletin météo controversé en provenance de la Colombie-Britannique plus tôt cette semaine, il est tombé de la neige mouillée hier, de sorte que tous peuvent se sentir mieux.
Des voix: Oh, oh!
M. Mark Strahl: Je sais, je sais. Je dois ravaler mes paroles. Je présente mes excuses.
Une voix: Passez les mouchoirs.
M. Mark Strahl: Je sais que vous avez dit que votre domaine d'expertise est l'aérospatiale, mais je voulais parler un peu de la marine. Je suis de la Colombie-Britannique, et nous mettons maintenant l'accent sur l'Asie-Pacifique. Nous procédons maintenant à la modernisation de nos frégates de la classe Halifax. Nous avons signé des contrats et nous sommes sur le point de construire de nouveaux destroyers et navires d'approvisionnement. Je me demandais tout simplement, étant donné vos observations sur la guerre conventionnelle, s'il s'agit de bons investissements, du point de vue stratégique. Est-ce que quelque chose nous échappe? Étant donné les diverses menaces auxquelles selon vous le Canada pourrait faire face, devons-nous toujours avoir une force navale puissante de type conventionnel en Asie-Pacifique?
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Très rapidement, le fait de posséder des sous-marins offre une capacité qui a fait en sorte que nous avons été piégés par une mauvaise décision prise il y a bon nombre d'années. Nous avons investi des millions et des millions de dollars sans rien en retour, et le tout pour une vision du monde datant de la Deuxième Guerre mondiale où l'on s'est dit « eh bien, écoutez, tous les autres pays ont des sous-marins, par conséquent nous en avons aussi besoin », et notre décision reposait également sur d'autres facteurs. Ils étaient peu coûteux. Je pourrais vous en parler en long et en large.
Et il y a un lien avec la décision entourant les F-35, on m'a posé une question à cet effet, et je pense qu'il y a un lien important. À quel moment dit-on que ç'en est assez? Nous avons été coincés par tous les investissements passés dans ce domaine, et en fait, on ne peut plus y échapper. Espérons et prions que cette capacité opérationnelle sera utile et précieuse dans l'avenir.
Espérons que la capacité sera fonctionnelle d'abord et avant tout — véritablement fonctionnelle — et précieuse pour les intérêts stratégiques canadiens dans l'avenir.
Ce que je crains, c'est qu'en fait nous ayons été piégés. Si vous voulez mon avis, l'argument qui a été présenté pour le Canada et les sous-marins relève davantage d'une image de la marine plutôt que des exigences stratégiques dont elle a véritablement besoin par rapport aux ressources disponibles.
Je ne suis pas convaincu que pour des raisons de surveillance, les sous-marins nous soient véritablement utiles. Je ne suis pas convaincu que nous allons envoyer nos sous-marins conventionnels épier autour de la côte de la Chine ou de l'Asie du Sud-Est — pour épier quoi et pour faire quoi? Je ne suis pas convaincu qu'il faille utiliser nos sous-marins pour espionner des chalutiers et les prendre en photo — et à quoi cela servirait-il, les amener devant les tribunaux? Nous ne sommes pas capables ou bien nous ne le souhaitons pas, et il est stratégiquement dangereux d'essayer de développer une technologie de propulsion à anaérobie pour les sous-marins, les envoyer dans l'Arctique pour jouer au chat et à la souris avec les flottes stratégiques des États-Unis, de la Russie et, dans l'avenir, de la Chine. Je pense que cela pose problème pour nous. Il faudra y réfléchir davantage.
Pour ce qui est de la valeur des sous-marins dans la surveillance de notre territoire, je pense que cela pourrait se faire avec bon nombre d'autres technologies plus rentables, mais je ne pense pas qu'on puisse se défiler de cette nécessité.
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Pour répondre à votre première question, on pourrait songer à deux flottes plus petites, mais dans ce cas, on ne parle pas seulement d'avions de combat spécialisés de moindre capacité, quel que soit le nom qu'on leur donne, pour des rôles nationaux comparativement à ceux que l'on déploierait à l'étranger. On parle aussi de lignes de soutien, de lignes logistiques et de lignes de formation longues et de grande envergure qui doivent être en place pour s'occuper d'avions différents et des besoins de formation qui sont différents. Cela fait augmenter les coûts. À ma connaissance, si vous regardez le processus suivi, ce n'est pas une option que la communauté active a examinée de près.
Dans les années 1980 et au début des années 1990, il y a eu une décision consciente de tous les grands acteurs occidentaux au sujet des capacités aériennes que la solution au problème, étant donné les avancées technologiques, était de développer une plateforme à rôles multiples, pour éliminer les plateformes spécialisées et les rassembler dans une seule plateforme capable de tout faire. Voilà la logique motivée par la technologie et les coûts, et la diminution des budgets de la défense, dans le contexte des contraintes budgétaires.
Voilà d'où vient cette idée d'avoir une seule plateforme qui peut tout faire. Cette idée de base demeure, et c'est une idée militaire fondamentale que le combat est ce que l'on cherche, et qu'on ne peut y ajouter les autres rôles. Je ne sais pas si je serais d'accord avec vous pour dire que le F-35 n'est pas un choix optimal. Il peut certainement s'occuper du rôle de la souveraineté aérienne. Je n'ai pas de réserve, étant donné ma connaissance des lieux d'opérations avancées existants.
La question du moteur est intéressante. Cela revient à la raison pour laquelle nous avons acheté le F-18, ou pourquoi les militaires ont essayé de simplifier les F-18. Je ne pense pas que cela soit un problème majeur, mais seul un ingénieur pourrait vous dire quel est l'accroissement de la possibilité de perdre un moteur des F-35 dans l'Arctique.
Le point clé est qu'on ne veut pas avoir des plateformes différentes à cause du coût de chacune d'elles. C'est à cause du coût que l'on veut acheter les avions plus coûteux et avancés qui peuvent remplir tous les rôles, plutôt que d'avoir deux ou trois flottes. La Défense nationale n'a pas toujours utilisé cette approche, mais c'est la logique en place depuis longtemps.
En ce qui a trait aux autres capacités aériennes qui coûtent moins cher, je ne suis pas convaincu qu'au bout du compte elles seraient vraiment moins dispendieuses. Il faut être prudent. Les gens citent des chiffres liés à la ligne de production. Voilà le coût par unité. Les entreprises qui se font concurrence sont contentes de vous dire quel est le coût par unité avant le début de la production. Cela dépend où se trouve la production. Cela dépend quelles sont vos demandes. À ma connaissance, toutes les autres options, mis à part le Super Hornet, n'ont pas deux moteurs. Ce sont tous des avions à un moteur, si je me rappelle bien. Cela ne règle rien. De plus, ces avions ont moins de capacités. Je pense que vous avez tort de croire que la seule capacité est la furtivité. Il y a beaucoup d'autres capacités avancées sur cet avion qu'on ne peut ignorer et qui n'existent pas sur les plateformes de la génération précédente.
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Il est difficile de faire des commentaires à ce sujet. D'après moi, dans le monde où je vis, il faut passer au travers tous les rapports et les études universitaires, gouvernementales, et des entreprises pour avoir une idée des capacités qui s'y trouvent vraiment. Elles sont si avancées et sophistiquées qu'on ne saura pas ce qu'elles peuvent et ne peuvent pas faire avant qu'elles soient opérationnelles. Et même alors, on a de la difficulté à les juger.
Voici ce que je pense, et c'est peut-être la meilleure façon de répondre à votre question. Si on achetait un avion de quatrième génération, ou de quatrième génération et demie, quel que soit le nom qu'ils leur donnent, plutôt que le F-35, quand auriez-vous besoin de les moderniser et remplacer des composantes clés pour que la plateforme soit interopérable et le plus efficace possible? Au moins avec le F-35, on déploie une plateforme qui est à la fine pointe de la technologie d'aujourd'hui. Cela devrait nous rassurer. Et l'avion devrait être mieux structuré, étant donné que les ingénieurs pensent à comment nous allons à l'avenir en retirer des composantes pour faire entrer de nouvelles technologies. Si on utilisait des avions plus anciens qui ont des technologies plus anciennes, il faudrait peut-être commencer à remplacer ces technologies beaucoup plus tôt. Alors plutôt que d'avoir une modernisation à mi-vie d'un F-35 après 15 ou 20 ans, il faudra faire une modernisation à mi-vie de l'autre plateforme dans cinq ans, après avoir déjà dépensé beaucoup d'argent.
Il n'y a aucune garantie d'une façon ou d'une autre, bien sûr, parce que nous ne savons pas quelles seront les avancées technologiques. L'une des capacités essentielles qu'aura le F-35 d'après moi, c'est d'être en mesure d'intégrer diverses plateformes pour que toutes les parties aient une image opérationnelle commune, ce que la plupart des autres n'ont pas, et vous en avez déjà parlé, dans le cadre de la réflexion américaine moderne sur la guerre réseaucentrique. Cela permet ce qu'on appelle une approche de système à système. Ma compréhension et mon opinion du F-35, parce qu'il intègre les capacités de la marine et de la force de l'air... Il s'agit de plateformes différentes. Mais si elles sont structurées pour participer à une image opérationnelle commune, pour la réception et la transmission, l'efficacité des forces sera améliorée où qu'elles soient utilisées.
Je pense que c'est une chose dont les gens ne veulent pas parler. Plutôt que de penser à la façon dont cela s'inscrit dans un ensemble beaucoup plus large de systèmes et de réflexion militaire sur ce qu'on appelait notre révolution des affaires militaires pour l'avenir, on s'acharne à affûter certaines choses.
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En fait, cela relève d'une fonction dont on ne parle à peu près plus: la géographie. Nous habitons dans une partie intéressante du monde. Nous ne pouvons être atteints qu'à distance, et compte tenu de l'évolution de la technologie et des technologies militaires, la situation a changé dans les 50 à 60 dernières années, depuis la Deuxième Guerre mondiale, époque durant laquelle il n'y avait en fait aucune menace militaire contre le Canada. De nouvelles menaces ont vu le jour grâce à la technologie qui permet à des entités de plus en plus éloignées de nous atteindre.
Toutes ces menaces sont attribuables à l'évolution des avions, des missiles balistiques et, de plus en plus maintenant, des engins qui gravitent dans l'espace — des satellites, entre autres.
Si l'on considère comment les appareils de l'aéronautique et de l'aérospatiale se sont intégrés de plus en plus dans l'économie mondiale, on se rend compte qu'ils sont essentiels dans le secteur de l'aérospatiale et plus particulièrement pour une économie moderne et de pointe comme celle du Canada.
Notre pays est immense. Pour pouvoir communiquer avec les gens d'un bout à l'autre du pays, nous avons besoin de systèmes de télécommunications de pointe, etc. Foncièrement, à mon avis — si on pense en termes militaires traditionnels — ces menaces contre le Canada se manifesteront par le truchement de l'aérospatiale et des ondes électroniques. C'est là que se trouve le noyau du problème à mon avis; c'est là que les Forces canadiennes, le gouvernement et la Défense nationale doivent concentrer leurs efforts, si nous voulons vraiment accorder la priorité à la Défense nationale et à la défense du Canada.
C'est pour cette raison que j'estime que l'aérospatiale est l'élément clé actuellement.
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Comme bon nombre des membres du comité le savent, et je suis certain que des réservistes ont comparu devant vous — j'espère que certains d'entre eux ont pu vous parler de ces questions — il existe de longue date des problèmes et des tensions entre les forces régulières et celles de réserve. Cela remonte aux années 1950 et 1960.
Dans des périodes de ressources financières et d'investissements limités, la première victime a toujours été la réserve, les citoyens soldats, la milice. Il faut faire très attention, car la réserve des forces terrestres diffère de la réserve de la marine et de celle de l'aviation. Comme je l'ai dit dans mes remarques, on ne peut pas avoir une solution unique pour toutes ces réserves, car ce sont des entités différentes, malgré le principe de l'interopérabilité.
L'objectif est toujours de protéger les forces régulières, ceux que j'appelle les intervenants de première ligne. Si on veut protéger leur capacité d'intervenir, dans quoi va-t-on sabrer? Ce sont les réserves qui sont vulnérables en fin de compte. La situation des réserves a changé depuis la période qui a précédé la mission en Afghanistan. Que s'est-il produit une fois que cette mission a pris de l'ampleur et qu'elle est devenue le centre de l'attention, surtout pour l'armée, mais aussi pour l'ensemble des Forces canadiennes, qui ont commencé à en retirer du personnel? On a commencé à gonfler les rangs des réserves et à envoyer les réservistes au combat. Ces réservistes sont devenus essentiels au maintien de la mission en Afghanistan et de la défense canadienne.
À mon avis, il faut être en mesure de réagir immédiatement, à l'avenir. On peut alors placer les réserves au second plan, car si nous devons participer à des opérations importantes de nouveau à l'étranger, nous espérons que nous aurons le temps d'étoffer les rangs, de les former et de les équiper pour prêter main-forte aux forces existantes.
Le problème, toutefois, c'est qu'il faut s'assurer que certains de ces éléments qui ont étoffé les rangs ne soient pas entièrement éliminés. C'est une sorte de cercle vicieux. Je crois savoir qu'un grand nombre de réservistes fréquentent à plein temps des établissements de formation et d'enseignement. Il faut conserver ces postes, car ils sont essentiels à la capacité d'intervention, et si on les perd sans pouvoir les remplacer, on se retrouvera avec un problème. Quand un serpent commence à avaler sa queue, il finit par disparaître. C'est mon point de vue.
Je ne suis pas un expert des réserves, mais je pense qu'elles sont une question importante si on veut comprendre comment le ministère de la Défense nationale et l'armée pourraient résoudre le problème de la disponibilité opérationnelle à l'avenir.